ENSU Réunion de comité
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STANDING COMMITTEE ON ENVIRONMENT AND SUSTAINABLE DEVELOPMENT
COMITÉ PERMANENT DE L'ENVIRONNEMENT ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le lundi 8 juin 1998
[Traduction]
Le président (M. Charles Caccia (Davenport, Lib.)): Mesdames et messieurs, bonjour à tous.
Nous reprenons aujourd'hui notre étude du projet de loi C-32 qui, comme vous le savez, modifie l'actuelle Loi canadienne sur la protection de l'environnement. Nous avons l'honneur et le plaisir de recevoir comme témoin—au sens large—M. John Moffet. Il est l'auteur d'une étude comparative de la Loi actuelle et du projet de loi, de nos anciens rapports et des réponses du gouvernement.
Comme il s'agit d'une loi très complexe, nous avons jugé bon d'organiser une séance de rappel en sa présence pour bien comprendre la complexité du processus, en particulier grâce au tableau que M. Moffet a eu l'obligeance de préparer pour le comité, et qui expose la façon dont on étudie chaque substance nouvelle avant de l'approuver ou de la rejeter.
Monsieur Moffet, soyez le bienvenu devant le comité. Je n'ai pas grand-chose d'autre à dire, sinon que je suis enchanté de voir que vous avez pu revenir; je vous invite à commencer et à nous présenter ce processus du mieux que vous pourrez.
M. John Moffet (associé, Ressources futures internationales): Merci. Je suis très heureux de revenir devant le comité.
Le mieux à faire, à mon avis, est de vous résumer brièvement l'exposé que j'ai fait la semaine dernière, qui portait sur une comparaison assez détaillée entre le projet de loi C-32 et la LCPE actuelle, et sur le rapport publié il y a deux ans par le comité et intitulé Notre santé en dépend.
Ensuite, comme vous l'avez demandé, je pourrai présenter au comité le tableau dans lequel j'ai tenté de résumer les dispositions de la loi concernant les substances toxiques. Enfin je pourrai répondre aux questions, et je m'en remets à cet égard à la volonté du comité.
À titre d'introduction, je voudrais indiquer dans quelle mesure le projet de loi C-32 respecte ses objectifs et ses principes directeurs et se conforme aux recommandations du rapport du comité intitulé Notre santé en dépend. Il s'agit d'une analyse comparative.
• 1540
Comme je l'ai indiqué la semaine dernière, je considère en
conclusion que le projet de loi C-32 représente une amélioration
importante par rapport à la LCPE actuelle compte tenu des
recommandations figurant dans le rapport Notre santé en dépend. Je
le signale, parce que ce projet de loi a repris une bonne partie
des recommandations du comité.
Mais en annexe à cette conclusion, je voudrais faire remarquer que le projet de loi ne va pas suffisamment loin dans le sens du principe de prudence ni dans le sens de la prise en compte du danger—et je vous expliquerai tout à l'heure ce que j'entends par cette expression—en matière de prévention de la pollution par les substances toxiques, comme l'avait recommandé le comité dans son rapport.
Je voudrais également signaler que le pouvoir discrétionnaire d'agir du gouvernement fédéral est fortement limité par la nature résiduelle du projet de loi, par les multiples obligations de consulter les provinces et par l'intégration de fait de l'accord d'harmonisation du CCME aux termes de l'alinéa 2(1)l). À mon avis, tout cela limite les pouvoirs du gouvernement fédéral, en particulier du ministère de l'Environnement, contrairement à l'esprit du rapport Notre santé en dépend, notamment au chapitre 1, qui affirmait que le gouvernement fédéral devait adopter une ferme attitude de leadership en matière de protection de l'environnement au Canada.
Je dirais également, à titre d'ultime mise en garde, que si les dispositions juridiques de l'actuelle LCPE sont évidemment importantes, l'efficacité ultime du projet de loi dépendra essentiellement de la volonté politique et des ressources mises en oeuvre.
Je voudrais résumer brièvement l'étude chapitre par chapitre que j'ai présentée la semaine dernière, en faisant tout d'abord remarquer que conformément aux recommandations du rapport Notre santé en dépend, le projet de loi renforce ou étend les pouvoirs du gouvernement dans un grand nombre de domaines. C'est notamment le cas en ce qui concerne les données et la recherche, ainsi que la promulgation des objectifs, lignes directrices et codes de prévention de la pollution. Le nouveau projet de loi comporte un processus multiple d'évaluation du risque, par opposition à l'ancien processus unique. Il autorise la prévention de la pollution, la quasi-élimination, la réduction des déchets et les plans de préparation aux situations d'urgence, comme l'avait recommandé le comité.
Par ailleurs, il oblige à déclarer les nouvelles activités importantes. Il insiste davantage sur la prise en compte des écosystèmes, et j'attire particulièrement votre attention sur les dispositions concernant les nutriments et sur les articles relatifs aux lignes directrices.
On a étendu les dispositions concernant l'exportation, l'importation et le passage en transit de déchets, de façon à doter le Canada des pleins pouvoirs dont il a besoin pour honorer ses obligations internationales. Le projet de loi reprend intégralement la formule de la liste inversée en matière de déversement océanique, comme le comité l'avait recommandé et comme le Canada s'y était engagé en signant le protocole de la Convention de Londres sur l'immersion des déchets.
Il comporte des dispositions nouvelles ou élargies concernant les carburants, les additifs de carburants, les émanations des véhicules, la pollution des eaux internationales et la préparation aux situations d'urgence. Il énonce un nouveau pouvoir d'adoption d'ordonnances provisoires concernant la pollution atmosphérique internationale. Il contient des dispositions renforcées concernant le pouvoir du ministère de l'Environnement sur les aspects environnementaux des activités fédérales. Il autorise explicitement le gouvernement à recourir à des instruments économiques pour réglementer ou contrôler les différentes substances visées par la loi.
Enfin, il étend les pouvoirs d'exécution énoncés dans la loi et autorise le ministère à adopter des mesures administratives de protection de l'environnement. Grâce à toutes ces mesures, le nouveau projet de loi incorpore directement les recommandations du comité.
En outre, comme l'avait recommandé le comité, le projet de loi comporte toute une gamme de mécanismes renforcés d'imputabilité; c'était là l'un des axes importants du rapport Notre santé en dépend. Le nouveau projet de loi exige donc explicitement que le public soit informé grâce à un registre électronique et il impose également la création du RNRP, le Répertoire national des rejets polluants. Il comporte des dispositions sur les préavis et la consultation concernant la quasi-totalité des ordonnances et règlements qui pourraient découler de la loi. Il étend le droit des citoyens d'exiger des enquêtes des commissions d'étude et applique ce droit à la quasi-totalité des ordonnances et règlements découlant de la loi.
• 1545
Le projet de loi fixe un délai précis en matière de gestion du
risque des substances toxiques, exigeant que le gouvernement
annonce ses projets de mesures de contrôle dans les deux ans qui
suivent sa décision de déclarer une substance toxique au sens de la
LCPE.
Il étend également la protection des dénonciateurs. Dans l'ancien projet de loi, cette protection ne visait que les plaintes concernant les mesures prétendument illégales impliquant des substances toxiques. Le nouveau projet de loi applique maintenant la protection des dénonciateurs aux plaintes concernant toute mesure qui pourrait être contraire à une disposition du projet de loi. Il élargit le droit des Autochtones à la participation et l'obligation pour le gouvernement de solliciter le point de vue des Autochtones sur un certain nombre de décisions relevant de la loi. Finalement, comme vous le savez sans doute, il comporte un droit de surveillance, comme le comité l'avait demandé.
Encore une fois, on peut dire à juste titre que le nouveau projet de loi répond directement à l'un des thèmes principaux du rapport du comité en adoptant explicitement un certain nombre des recommandations qu'il avait formulées. Cependant, il ne va pas aussi loin que le rapport Notre santé en dépend sur un certain nombre de points importants, et je voudrais en signaler cinq.
Tout d'abord, bien que le préambule de l'application administrative traduise bien les principes énoncés dans le rapport Notre santé en dépend, cette application administrative n'est pas formulée de façon assez vigoureuse, notamment parce que les objectifs dont elle se compose sont trop nombreux. Le projet de loi reprend et rassemble toutes les idées qu'on peut concevoir en matière de bon rendement environnemental et de bonnes pratiques de réglementation. De ce fait, j'estime que le préambule et l'application administrative ne donnent pas suffisamment d'indication aux décisionnaires du gouvernement lorsqu'ils auront à mettre en oeuvre certaines dispositions discrétionnaires du projet de loi.
Deuxièmement, je trouve que les dispositions du projet de loi concernant la quasi-élimination ne sont pas assez énergiques. Le comité avait demandé que le nouveau projet de loi exige la quasi-élimination de toute substance toxique en soi, persistante et bioaccumulable. Le projet de loi s'engage dans cette direction, mais il ne va pas aussi loin que l'avait recommandé le comité.
Le principal reproche qu'on puisse faire au projet de loi concerne la façon dont il définit la quasi-élimination. Le comité reprenait la définition proposée par la Commission mixte internationale, pour qui la quasi-élimination s'applique aussi bien à l'utilisation qu'au rejet d'une substance. En effet, si on peut éliminer ou réduire l'utilisation d'une substance, celle-ci risquera moins d'être rejetée un jour dans l'environnement et l'utilisateur sera davantage incité à la remplacer par un autre procédé ou une autre substance. Or, la définition de la quasi-élimination dans le projet de loi ne fait référence qu'aux rejets. C'est pourquoi, à mon avis, elle reste en-deça des recommandations du comité.
La semaine dernière, j'ai aussi insisté sur le fait qu'une question importante est laissée à la discrétion du ministère. Il s'agit de la façon dont on définit les critères de détermination de la persistance dans la bioaccumulation. Le projet de loi exige que ces critères soient promulgués par voie de règlement, ce qui est tout à fait approprié, à mon avis, car il s'agira nécessairement de critères scientifiques hautement techniques qui pourront évoluer avec le temps, au fur et à mesure de l'approfondissement de nos connaissances scientifiques.
• 1550
Cependant, il convient de faire remarquer que l'efficacité ou
l'effet ultime de ces dispositions dépendra en grande partie de la
façon dont ces critères seront définis. Il y a deux ans, le comité
a demandé instamment au gouvernement d'adopter un ensemble très
prudent de critères, mais rien n'indique actuellement que le
ministère ait l'intention d'accéder à cette demande.
Un troisième point sur lequel le projet de loi s'écarte du rapport Notre santé en dépend concerne son caractère résiduel fondamental. Le projet de loi est globalement résiduel à cause du paragraphe 2(2), mais en particulier en ce qui concerne la biotechnologie et les nouvelles substances; à mon avis, il représente de ce point de vue un pas en arrière par rapport à la LCPE actuelle. Je pourrai tout à l'heure vous expliquer pourquoi si vous voulez bien me poser des questions à ce sujet.
Le quatrième inconvénient important du projet de loi en regard du rapport du comité concerne la façon dont il risque d'empêcher le gouvernement fédéral d'assumer son rôle de leadership.
À mon avis, les restrictions à cet égard apparaissent aussi bien dans les nombreuses obligations de consulter les provinces, les territoires et les autres parties qu'à l'alinéa 2(1)l), qui oblige le gouvernement à agir de façon compatible avec l'esprit des accords et arrangements intergouvernementaux et avec l'actuel accord d'harmonisation du CCME. Cette obligation risque de brimer considérablement la liberté d'agir du gouvernement fédéral. À mon avis, elle va certainement l'empêcher d'agir fermement et rapidement et de jouer son rôle de leadership.
Enfin, je crois devoir signaler que le comité avait préconisé la création d'une disposition facile à invoquer sur le droit d'intenter des poursuites, alors que la disposition correspondante dans ce projet de loi est assez malaisée, dans la mesure où elle impose un certain nombre d'obstacles au plaideur éventuel. Personnellement, je ne pense pas que cela constitue un inconvénient important du projet de loi, mais je sais que d'autres ne partagent pas cette opinion, et c'est sans doute le cas de certains membres du comité.
Comme je l'ai fait la semaine dernière, je terminerai mes remarques introductives en insistant une fois de plus sur l'importance de la mise en oeuvre de la loi.
Le projet de loi comporte inévitablement des pouvoirs discrétionnaires assez étendus. Les fonctionnaires qui appliqueront la loi disposent pour ce faire d'une certaine latitude. Le projet de loi comporte des pouvoirs discrétionnaires, par exemple, en ce qui concerne la constitution de la liste des substances prioritaire qui déterminera en grande partie le travail d'évaluation du gouvernement. L'interprétation de l'évaluation des risques comporte elle aussi l'exercice d'une certaine discrétion, de même que la détermination de la nécessité et des modalités de la réglementation, du recours aux instruments économiques, à un code volontaire, etc. On remarque également des pouvoirs discrétionnaires importants en ce qui concerne les modalités d'application de la loi, le choix de la meilleure stratégie et la fixation des priorités.
Mon propos n'est pas de critiquer le projet de loi. À mon avis, ces inconvénients sont inévitables compte tenu de l'ampleur et de la complexité du projet de loi. Néanmoins, il convient d'insister—et j'invite le comité à le faire dans son rapport—sur le fait qu'il faudra une volonté politique très ferme et des ressources suffisantes pour conférer toute son efficacité au projet de loi.
Voilà qui termine le résumé des commentaires que j'ai faits la semaine dernière. Comme je l'ai dit, je serai heureux de revenir en détail sur la comparaison que j'ai faite des différentes parties du projet de loi. Si vous le souhaitez, monsieur le président, je pourrais maintenant décrire brièvement le tableau que j'ai présenté la semaine dernière.
• 1555
La portée de l'ancienne loi était plus étendue que les
dispositions de la LCPE sur les substances toxiques et on a encore
étendu le nouveau projet de loi pour y inclure les eaux
internationales, les lignes directrices concernant la pollution
marine d'origine terrestre, etc. Mais la partie centrale du projet
de loi comporte les dispositions concernant l'évaluation et la
gestion des substances toxiques. Le tableau que j'ai préparé vise
à présenter de façon schématique le processus défini par le nouveau
projet de loi.
En commençant par le haut, vous voyez que le nouveau projet de loi envisage trois procédés d'identification et d'évaluation des substances, alors que la loi actuelle fait explicitement référence à la liste prioritaire et autorise implicitement le gouvernement à déclarer toxique toute substance qu'il juge toxique. Je vous rappelle que c'est de cette façon que le gouvernement a réglementé les substances qui détériorent la couche d'ozone. Elles ne figuraient pas sur la liste prioritaire. Elles ont simplement été déclarées toxiques.
Cependant, le nouveau projet de loi établit explicitement trois procédures d'évaluation du risque. Comme on le voit à gauche du tableau, il prévoit une étude sélective de la liste des substances domestiques, c'est-à-dire une étude dans un délai prescrit de la liste de toutes les substances utilisées. Au milieu du tableau, on trouve l'étude obligatoire des décisions prises par d'autres autorités, notamment les pays de l'OCDE ainsi que les provinces et territoires, décisions qui interdisent ou limitent sensiblement l'utilisation d'une substance pour des motifs de protection de l'environnement ou de la santé. Finalement, à droite du tableau, on voit que le projet de loi conserve la procédure de la liste prioritaire.
Le projet de loi oblige le gouvernement—et le mot «oblige» est important—à considérer un ensemble plus vaste de substances.
Le processus actuel est très sensible dans tous les cas. Le gouvernement doit faire une évaluation scientifique du risque et en publier un résumé contenant des données scientifiques et indiquant ce qu'il a l'intention de faire. A-t-il l'intention de ne pas agir? A-t-il l'intention de déclarer la substance toxique ou de l'inscrire sur la liste prioritaire si elle n'y figure pas déjà?
On trouve ensuite une procédure de consultations dans un délai de 60 jours, après quoi le gouvernement est obligé de répondre aux commentaires formulés et de publier sa décision finale.
Si la substance est déclarée toxique, le gouvernement peut l'ajouter à la liste des substances toxiques, et s'il s'agit d'une substance anthropique, persistant et bioaccumulable, le gouvernement doit alors exiger des plans de quasi-élimination, à défaut de quoi il impose une forme de gestion du cycle de vie. Le gouvernement a de vastes pouvoirs discrétionnaires en ce qui concerne les objectifs qu'il peut fixer au plan de gestion du cycle de vie et quant aux moyens par lesquels il peut contrôler les substances qui y sont assujetties.
Voilà pour ce bref aperçu. Je voudrais maintenant vous donner des détails concernant le processus décrit du côté gauche du tableau, qui commence par l'étude sélective de la liste des substances domestiques, car c'est dans ce domaine que le projet de loi reprend la recommandation du comité concernant le processus d'évaluation du caractère dangereux.
Le gouvernement est tenu de soumettre à un processus de sélection toutes les substances figurant sur la liste prioritaire qui sont intrinsèquement toxiques, persistantes ou bioaccumulables. Autrement dit, on ne fait pas référence à une éventuelle exposition. Le projet de loi oblige le ministère à isoler sur cette liste les substances domestiques qui répondent à certains critères scientifiques prescrits concernant leurs caractéristiques inhérentes, puis à évaluer ces substances.
Au milieu de la page, vous voyez que si le gouvernement en vient à la conclusion que la substance peut avoir à long terme un effet nocif sur l'environnement parce qu'elle est toxique en soi, persistante, bioaccumulable et anthropique, c'est-à-dire résultant d'une activité humaine par opposition à un phénomène naturel, il pourra l'ajouter à la liste des substances toxiques.
• 1600
Une fois qu'elle est inscrite sur cette liste, s'il s'agit
d'une substance persistante et bioaccumulable (elle l'est
nécessairement, puisqu'elle a été inscrite sur cette liste), le
ministère doit exiger l'élaboration de plans de quasi-élimination
de cette substance.
Pour ce sous-ensemble de substances, le projet de loi impose la formule de l'évaluation du caractère dangereux, conformément aux recommandations du comité.
Selon mon analyse du projet de loi, il conserve l'actuelle formule d'évaluation du risque pour toutes les autres substances, ce qui oblige le ministère à considérer la nature intrinsèque de la substance et le risque résultant d'une exposition à cette substance pour la population ou l'environnement du Canada.
Voilà comment se présentent à mon avis les dispositions du projet de loi concernant l'évaluation et la gestion du risque. Je vais m'arrêter là et vous céder la parole pour les questions.
Le président: Merci.
Monsieur Gilmour, s'il vous plaît.
M. Bill Gilmour (Nanaimo—Alberni, Réf.): Je vous remercie, John, d'être revenu devant le comité. Nous étions absents la semaine dernière. Charles a bien dit qu'il était important d'entendre vos explications et je vous suis reconnaissant d'avoir accepté de revenir.
J'ai quelques craintes concernant la quasi-élimination. Je vais prendre l'exemple des dioxines et des furannes. Ils résultent du blanchiment de la pulpe au chlore, mais ce problème n'existait pas il y a 15 ans. On ne l'avait pas décelé avec les tests utilisés à l'époque. On ne pouvait mesurer que les parties par million. Ensuite, on est passé aux parties par milliard, puis par billion, etc. Ce que je crains, en ce qui concerne la quasi-élimination, c'est qu'avec l'amélioration de nos techniques d'analyse, une substance qu'on pensait éliminée réapparaisse.
Pourriez-vous préciser votre interprétation de la quasi-élimination, car cette notion me met mal à l'aise.
M. John Moffet: Il y a deux notions à distinguer à ce sujet.
La première concerne la référence, dans le projet de loi, à la capacité des moyens scientifiques actuels de mesurer les rejets d'une substance.
L'autre notion est celle que j'ai évoquée dans ma présentation; c'est une question de principe que le comité a abordée il y a deux ans, lorsqu'il a demandé que la définition des substances toxiques fasse référence à l'utilisation et au rejet. À mon avis, il est possible de répondre à cette préoccupation de principe sans pour autant apporter de réponse à votre question concernant la précision des analyses scientifiques.
Autrement dit, on pourrait fixer une limite. Je ne suis pas scientifique, et j'ai l'impression d'être un peu sur le fil du rasoir, mais je pense qu'il faut distinguer votre question de la question de principe.
Et je ne pense pas qu'il faille aller trop loin dans le débat sur la précision des analyses scientifiques, car je ne me sens pas qualifié pour en parler. Je vous prie de m'en excuser.
M. Bill Gilmour: D'accord. J'en prends acte.
Vos commentaires concernant le droit d'intenter des poursuites ont piqué mon intérêt, car j'ai interrogé à ce sujet la plupart des témoins qui ont comparu devant le comité et il semble que nous allons devoir respecter un certain équilibre. Les environnementalistes estiment que les dispositions à ce sujet ne sont pas assez vigoureuses, le ministère les trouve assez équilibrées, mais les industriels les trouvent trop exigeantes et inapplicables.
• 1605
J'ai apprécié vos commentaires et je suis assez d'accord avec
vous pour dire qu'il faut prévoir certains obstacles. Il faut
respecter un certain équilibre et éviter qu'on puisse se servir de
la loi à d'autres fins. Je ne veux pas présumer de votre opinion,
mais est-ce que le projet de loi vous satisfait à cet égard?
Pensez-vous que les dispositions sur le droit d'intenter des
poursuites sont équilibrées? Je ne sais plus si vous avez parlé de
l'exemple de l'Ontario pour signaler que son application était plus
facile. À votre avis, quel devrait être l'effet de ces
dispositions?
M. John Moffet: Les dispositions portant sur le droit d'intenter des poursuites dans ce projet de loi sont calquées en grande partie sur le modèle de la Déclaration ontarienne des droits en matière d'environnement qui n'a pas encore été utilisée, comme on vous l'a dit la semaine passée.
D'après moi, il est important que ce projet de loi comporte une telle disposition. Si le gouvernement ne prend pas les mesures voulues, il faut que les citoyens puissent agir et s'appuyer sur la loi.
Personnellement, je préfère ne pas encourager un régime qui établit des incitatifs pour les litiges privés, ou qui facilite trop ces litiges. Aux États-Unis, nous avons des exemples de telles dispositions qui sont beaucoup moins rigoureuses, et les opinions là-dessus sont mitigées.
Certains disent que ces dispositions ont un effet très important parce qu'elles ont permis au public—dans ce cas-ci, le public digne principalement les organismes environnementaux—de renforcer la capacité d'exécution du gouvernement, qui est assez limitée. C'est un aspect positif.
Par contre certains commentaires indiquent que cela pourrait être moins positif, parce que les groupes d'intérêt public ont tendance à poursuivre les causes qu'ils peuvent gagner. C'est donc là que se concentrent les litiges, et cette concentration ne reflète pas nécessairement les véritables priorités globales sur le plan de l'environnement.
Il faut aussi prendre en compte les caractéristiques des deux cultures—au sud de la frontière, les gens sont normalement plus enclins à entamer des poursuites. Par conséquent, si nous le sommes moins, pourquoi ne pas inclure la disposition sur le droit de poursuivre. Ces dispositions ne devraient pas nous inquiéter; si nous n'avons pas l'esprit contentieux, les gens ne vont pas intenter des poursuites sans avoir de très bonnes raisons.
Comme vous voyez, je ne sais pas trop si je suis pour ou contre. D'après moi, cette question n'est pas d'une importance primordiale, et le comité n'a pas vraiment besoin de prendre position là-dessus. Évidemment, vous ne pouvez pas prendre position sur toutes les questions, et celle-ci n'est pas si importante que vous deviez le faire.
M. Bill Gilmour: Bon. Merci, John.
Le président: Madame Kraft Sloan.
Mme Karen Kraft Sloan York-Nord, Lib.): John, vous parliez du droit de poursuite du citoyen. Vous dites que dans la littérature aux États-Unis, les opinions sont partagées. Si je comprends bien, d'une part cette disposition a aidé le gouvernement à accomplir ce qu'il avait à faire sur le plan environnemental, mais d'autre part, puisque les groupes environnementaux ont tendance à intenter des poursuites quand ils peuvent gagner la cause—ce qui a une certaine logique...
M. John Moffet: C'est ça.
Mme Karen Kraft Sloan: ... les poursuites ne reflètent donc pas nécessairement les priorités.
Le comité s'est souvent fait dire que si on donnait le droit de poursuivre à tous nos citoyens, d'un coup tout le monde se retrouvera au tribunal, comme aux États-Unis, le développement sera freiné, 60 000 bûcherons perdront leur travail, et 16 000 communautés disparaîtront du jour au lendemain en Colombie-Britannique. Voilà les arguments qu'on nous a présentés quand nous y sommes allés pour les consultations sur les espèces menacées.
• 1610
Mais vous, vous ne dites pas cela. Vous dites qu'il y a du
pour et du contre. Et pour ce qui est du contre, nous n'avons pas
encore identifié toutes les priorités importantes sur le plan
environnemental.
M. John Moffet: C'est exactement ça. Les gens craignent que si on facilitait trop les poursuites, le résultat serait de manipuler les priorités. Mais pas toujours. Dans certains cas, les groupes choisissent une cause justement parce que le problème est flagrant, et tout tribunal leur donnerait gain de cause. Là, ça marche.
Mais dans d'autres cas, les groupes basent leur sélection sur des questions juridiques, des questions de procédure, le fait qu'il n'est pas difficile de se faire entendre au tribunal, ou la perspective particulière du système juridique dans une région donnée. Ces organismes établissent donc leurs priorités de poursuites d'après toute une gamme de critères.
Par ailleurs, je partage votre sentiment—je lis entre les lignes de votre question—à savoir que même si l'on prévoit dans la loi le droit d'intenter des poursuites, je ne pense pas que cela serait la porte ouverte à des abus. Cela dit, il faut s'interroger sur l'utilité d'une telle disposition.
À mon avis, cela devrait servir à deux choses. Premièrement, il y aura une sorte d'épée de Damoclès au-dessus de la tête des utilisateurs et des producteurs de substances toxiques, lesquels sauront que, même s'il n'y a pas eu de contrôle de la part d'un inspecteur du gouvernement depuis un certain temps, s'ils prennent des mesures dangereuses pour la collectivité locale et contraires à la loi, ils risqueront d'être poursuivis devant les tribunaux et de faire l'objet de toutes les sanctions prévues dans la nouvelle loi, au lieu d'être simplement livrés aux caprices des recours du droit civil. Je pense que c'est le premier rôle de cette disposition.
Toutefois, pour évaluer la mesure dans laquelle cette disposition atteint cet objectif, il faut tenir compte du contexte général, lequel prévoit le droit de demander la tenue d'une enquête, ce qui constitue l'un des obstacles créés par le projet de loi à l'étude. Étant donné qu'un représentant du grand public a le pouvoir d'intenter des poursuites, à la fin d'une enquête, je pense que cette menace ou ce risque de poursuites judiciaires aura pour effet d'inciter, d'une part, le gouvernement à effectuer une enquête efficace et, d'autre part, les entreprises visées par l'enquête à se comporter de façon raisonnable et à prendre les mesures qui s'imposent. À mon avis, c'est dans ce domaine qu'il faudra agir. C'est à ce niveau-là plutôt qu'à celui des tribunaux, que l'effet se fera le plus sentir.
L'autre rôle d'une disposition prévoyant le droit d'intenter des poursuites, selon moi, est lié à la reddition de comptes. Si un gouvernement ne fait pas son travail, le grand public devrait pouvoir le faire à sa place. Ce faisant, cela mettra le gouvernement dans l'embarras et l'incitera, du moins nous l'espérons, à faire mieux la prochaine fois.
Mme Karen Kraft Sloan: Il importe de bien préciser que nous n'envisageons pas d'adopter un modèle américain et d'entamer des poursuites pour n'importe quel motif. Nous parlons d'un contexte canadien, qui est très différent. Nous parlons également d'un texte de loi différent de celui qu'on trouverait dans la législation américaine sur l'environnement.
Si l'on considère l'expérience du gouvernement de l'Ontario relativement à ce genre de disposition, d'après mes renseignements, il existe plus de garanties dans cette disposition que dans la Déclaration des droits en matière d'environnement de l'Ontario. Même en vertu de cette dernière, aucune affaire n'a vraiment été portée devant les tribunaux.
M. John Moffet: Aux termes de cette disposition, c'est exact. Elles sont pratiquement identiques, je pense. Je conviens toutefois avec vous que si l'on considère les dispositions dans ce contexte, il n'y a pas lieu de s'inquiéter. Ce n'est donc pas la peine d'en réduire la portée. Ce n'est pas ce que je propose. Je dis simplement que je n'insisterais pas lourdement pour qu'on renforce ces dispositions, mais je ne recommande en aucun cas qu'on les réduise.
Mme Karen Kraft Sloan: Je voulais savoir ce que vous en pensez. Nous avons parlé plus tôt des différences entre la définition de quasi-élimination dans la LCPE modifiée par le C-32 et celle qu'utilisait la CMI. Étant donné que la Commission définit la quasi-élimination dans un contexte international entre le Canada et les États-Unis, et qu'il existe désormais une nouvelle définition, j'aimerais savoir quels genres de problèmes risquent de se poser, à votre avis, si l'on adopte deux méthodes très différentes pour se débarrasser de certaines substances toxiques les plus dangereuses?
M. John Moffet: Je répondrai à cela que... Je m'aventure peut-être sur un terrain dangereux, mais d'après ce que je sais, en fait... Je regrette, mais j'essaie d'être clair.
La CMI assume certaines fonctions. Dans certains cas, elle est chargée d'émettre des ordonnances et de créer des comités qui assument diverses fonctions, comme le contrôle de la qualité des eaux ou du niveau des rivières et des lacs. Toutefois, s'agissant de cette question d'ordre politique relative aux produits toxiques, la Commission mixte internationale sert avant tout de tribune pour les discussions scientifiques et politiques et elle est chargée de faire des recommandations au gouvernement.
La CMI a fait à maintes reprises certaines recommandations aux gouvernements des États-Unis et du Canada, quant à la quasi-élimination de l'utilisation et du rejet de substances biocumulables rémanentes.
Je ne pense pas que cela suscite de problème sur le plan juridique. Ce que je veux vous faire comprendre, c'est que la CMI s'est penchée sur la question et a fait une recommandation. D'une certaine façon, le projet de loi fait fi de cette recommandation.
Mme Karen Kraft Sloan: Il y a combien de temps que la Commission mixte internationale a fait cette recommandation? Dix ans?
M. John Moffet: Je ne sais pas, mais cela ne fait pas dix ans.
Mme Karen Kraft Sloan: Cela ne fait pas dix ans. Huit peut-être?
M. John Moffet: Je regrette, je pourrai vous le dire une autre fois. Je ne connais pas la date précise, mais cela fait effectivement quelques années. Cette recommandation est l'un des piliers des recommandations de la CMI depuis un certain temps.
Mme Karen Kraft Sloan: Cela fait un certain temps. Est-ce que ce sont essentiellement des scientifiques qui formulent ce genre de recommandations, outre les principaux décideurs, ou...
M. John Moffet: Il y a des décideurs, des avocats et bien d'autres qui y participent.
Mme Karen Kraft Sloan: Je sais que bon nombre des témoins qui comparaissent devant notre comité veulent être certains que cela repose sur des bases scientifiques solides. Étant donné le genre de...
M. John Moffet: Oui, la CMI compte des scientifiques parmi ses effectifs et fait très souvent appel aux chercheurs scientifiques qui concentrent leur recherche sur la qualité des eaux des Grands Lacs.
Mme Karen Kraft Sloan: Puis-je poser une question au sujet des substances qui perturbent le système endocrinien? À votre avis—je vous prie de m'excuser si vous en avez déjà parlé—les dispositions actuelles du projet de loi C-32 permettront-elles de contrôler ces substances de façon satisfaisante?
M. John Moffet: Je n'en suis pas certain. Il est peu probable que les substances qui perturbent le système endocrinien fassent l'objet d'une évaluation du risque, dont je vous ai déjà parlé. À cet égard, je pense qu'il n'existe dans le projet de loi sous sa forme actuelle aucune garantie que l'on pourra contrôler ce genre de substances.
En revanche, la loi prévoit à mon avis des pouvoirs et un pouvoir discrétionnaire suffisant pour permettre au gouvernement de les réglementer et de les contrôler s'il juge bon de le faire. Autrement dit, cette question sera laissée à la discrétion des ministères. Je ne pense pas que la loi puisse exiger la réglementation des substances qui perturbent le système endocrinien.
Mme Karen Kraft Sloan: Il y a dans la loi des dispositions habilitantes qui prévoient la prise de règlements, mais aucune exigence à cette fin.
M. John Moffet: Vous avez raison.
Mme Karen Kraft Sloan: Très bien. Je vous remercie.
Le président: Y a-t-il d'autres questions pour le premier tour, avant de débuter le deuxième? Dans le cas contraire, j'aimerais poser moi-même quelques questions.
Le tableau de cheminement critique que vous utilisez pour cette année s'applique-t-il aux nouvelles substances toxiques?
M. John Moffet: Non.
Le président: Que se passera-t-il pour une nouvelle substance toxique? Comment sera-t-elle traitée—de la même façon?
M. John Moffet: Permettez-moi de vous expliquer le tableau. On y résume la méthode à suivre pour de nouvelles substances, laquelle est essentiellement la même que dans le projet de loi actuel. Cela revient plus ou moins au même.
Le comité a recommandé en fait une disposition d'inversion du fardeau de la preuve. Quiconque souhaite utiliser une nouvelle substance devra prouver qu'elle est sans danger avant de pouvoir le faire. Aux termes de la loi actuelle et du projet de loi C-32, cette responsabilité incombe au gouvernement. Toutefois, ce dernier peut refuser et interdire l'utilisation de cette substance tant que nous n'aurons pas fait d'évaluation et que nous n'aurons pas obtenu de votre part suffisamment de renseignements pour pouvoir l'évaluer.
Les modifications importantes proposées dans le projet de loi C-32 rendent cette distinction entre le fardeau inversé et cette méthode un peu plus floue, car le projet de loi accorde au gouvernement de nouveaux pouvoirs importants en matière de collecte de renseignements. Le gouvernement peut donc désormais demander à celui qui veut utiliser la nouvelle substance tous les renseignements dont il a besoin pour effectuer une évaluation. Sans toutefois imposer véritablement le fardeau de la preuve, cette disposition permet au gouvernement d'obliger l'auteur du projet à effectuer les recherches et l'analyse voulues et à fournir les renseignements qui lui permettront de...
Le président: Le processus sera-t-il plus rapide ou plus lent, ou est-ce que ce sera la même chose? En effet, il a fallu 10 ans pour inscrire 42 substances sur la liste.
M. John Moffet: Non, mais ce sont des substances déjà existantes.
Le président: Oui, ces substances existent déjà.
M. John Moffet: Pour les nouvelles substances...
Le président: Le processus sera tout à fait différent.
M. John Moffet: Très différent. Au cours des 10 dernières années, on a proposé et évalué une foule de nouvelles substances conformément au nouveau processus d'évaluation.
Le président: Combien?
M. John Moffet: Je ne connais pas le chiffre exact.
Le président: Entre 40 et 50...
M. John Moffet: Je regrette, je ne sais pas.
Toutefois, cela permettra au gouvernement d'utiliser moins de ressources pour appliquer de manière efficace cette partie de la loi. La responsabilité incombera à l'industrie.
Le président: Brièvement, s'agissant du préambule à la page 2, au quatrième «attendu que», est-ce qu'à votre avis la deuxième partie de ce paragraphe affaiblit ou renforce le projet de loi par rapport à la loi actuelle?
M. John Moffet: Excusez-moi, pourriez-vous me lire le...?
Le président: Je parle de la deuxième moitié du quatrième paragraphe commençant par «Qu'il», où il est question de «la nécessité de tenir compte... de toute question d'ordre social, économique ou technique lors de cette élaboration.»
M. John Moffet: Je ne lis pas le même paragraphe que vous.
Le président: Cela se trouve à la page 2, ligne 24. Outre les risques d'atteinte à l'environnement ou à la santé, il y est fait mention des questions d'ordre social, économique et technique. Comment un juge devra-t-il réagir face à ces nouveaux critères? Est-ce difficile à dire?
M. John Moffet: Oui, c'est difficile à dire. Toutefois, j'aimerais répéter ce que j'ai dit au début: il y a à mon avis trop de principes directeurs de ce genre.
Le président: C'est vrai.
M. John Moffet: Il est très difficile de comprendre le sens exact de ce paragraphe.
Le président: Vous avez raison. Je suis de votre avis.
Si vous passez à la page 3, les alinéas a) à k) énumèrent certaines mesures que le gouvernement «doit s'efforcer» de prendre.
M. John Moffet: En effet.
Le président: Si on supprimait toute cette liste, cela renforcerait-il le projet de loi?
M. John Moffet: Oui, je crois. Je n'ai peut-être pas été assez clair, mais lorsque j'ai dit que le projet de loi n'énonce pas ces dispositions dans des termes assez précis, c'est justement ce que je voulais dire.
Le président: Et à la page 4...
M. John Moffet: Je supprimerais le verbe «s'efforcer».
Le président: ... aux lignes 18 à 30, il s'agit d'une toute nouvelle disposition, un nouvel élément qui n'existe pas dans la loi actuelle. Quelle incidence cette disposition aura-t-elle une fois que la loi sera entrée en vigueur, selon vous?
M. John Moffet: Est-ce que vous parlez du paragraphe 2(2)?
Le président: Oui.
M. John Moffet: Très bien. Cette disposition a pour effet d'assujettir la LCPE à toutes les autres lois fédérales. À mon avis, cela limite les possibilités d'action d'Environnement Canada et de Santé Canada et les empêche de jouer un rôle de chef de file. Cette disposition n'est pas compatible avec la recommandation du comité. Il faudrait la supprimer pour s'aligner sur les recommandations formulées par le comité.
Le président: Est-ce selon vous une disposition importante ou secondaire?
M. John Moffet: Sur le plan juridique, elle n'est sans doute pas très importante. Sur le plan symbolique par contre, elle est très importante. Cela touche au coeur même de l'approche générale qui émane de ce projet de loi, à savoir que toute mesure prise par Environnement Canada pour protéger l'environnement sera invoquée comme un filet de sécurité. C'est pourquoi je pense que cette disposition est extrêmement importante du point de vue symbolique.
Le président: Passons maintenant à la page 37, où se trouve la définition de quasi-élimination. Pourriez-vous nous expliquer l'importance, sur le plan pratique, du paragraphe 64 2), aux lignes 19, 20 et 21, où l'on parle de «toute autre question d'ordre social, économique ou technique», quand le projet de loi sera mis en vigueur. Quelle incidence aura cette phrase qui se trouve aux lignes 19, 20 et 21, page 37? Je peux vous dire comment moi je l'interprète, mais j'aimerais savoir d'abord ce que vous en pensez.
M. John Moffet: Je regrette, vous parlez du paragraphe (2)?
Le président: Oui.
M. John Moffet: Et de la phrase qui renvoie à l'article 91?
Le président: Oui.
M. John Moffet: Le principe de la «quasi-élimination», dont le comité a traité dans son rapport intitulé Notre santé en dépend, est identique au principe de temporisation, dont le comité a également discuté. Ce qui justifie la quasi-élimination ou la temporisation, c'est l'importance de faire une distinction entre une interdiction immédiate et une mesure de temporisation ou une élimination progressive d'une substance au fil du temps. Or, pour déterminer au cours de quelle période une substance devra être progressivement éliminée, on tiendra compte notamment de considérations d'ordre social et économique. Quel délai faut-il à une ville monoindustrielle pour s'adapter si l'élimination graduelle de cette substance entraîne la fermeture de l'industrie sur laquelle reposait l'économie de cette ville? Quel est le délai raisonnable à un secteur d'activités pour trouver une substance de rechange?
À mon avis, il est tout à fait normal de demander au gouvernement de tenir compte de facteurs économiques avant d'établir la période au cours de laquelle il compte éliminer progressivement une substance. Il ne serait toutefois pas raisonnable de tenir compte de questions d'ordre social ou économique avant de décider s'il faut ou non éliminer progressivement cette substance.
Le président: Dans le cas de la production d'arsenic ou de cyanure, par exemple, il serait donc logique de prolonger l'activité de cette industrie précise pour ne pas anéantir l'économie de la ville en question. Est-ce là votre raisonnement?
M. John Moffet: Je dis que ce serait un facteur à prendre en considération. Il est difficile de prévoir clairement dans la loi comment réaliser ce juste équilibre. C'est pourquoi, en répondant à votre question précédente, j'ai insisté sur l'importance symbolique de certaines dispositions du projet de loi.
Le comité a recommandé énergiquement—et j'approuve ces recommandations—que le projet de loi représente, sur le plan symbolique autant que juridique, une mesure de prudence pour protéger les Canadiens et leur environnement contre les substances toxiques et les autres polluants. Cette mesure de prudence devrait être omniprésente dans les décisions discrétionnaires prises aux termes du projet de loi.
Le président: Je vous remercie.
Passons au deuxième tour de questions. Vous avez la parole, monsieur Gilmour.
M. Bill Gilmour: Nous parlions de la CMI et des Grands Lacs. Quelle différence y a-t-il entre ce projet de loi et la législation américaine? Voilà ce que je veux dire: en gros, nos propositions sont-elles comparables à celles des lois américaines, ou sommes-nous en avance ou en retard par rapport aux États-Unis dans ce domaine? Les mesures que nous proposons sont-elles en harmonie avec celles que prennent les Américains? Nous partageons les mêmes étendues d'eau. Allons-nous imposer nos dispositions ou y a-t-il un certain nombre de lacunes dans ce projet de loi? J'aimerais savoir comment notre loi se compare à celle des États-Unis.
M. John Moffet: Je suis un peu gêné, je ne pense pas pouvoir répondre à cette question.
M. Bill Gilmour: Je suis parfaitement conscient du fait que nos cultures sont tout à fait différentes, comme vous l'avez dit plus tôt. Je ne voulais pas vous mettre sur la sellette. C'était simplement pour me faire une petite idée de la question.
M. John Moffet: J'aurais dû examiner les mesures prises aux termes de la TSCA, soit le Toxic Substances Control Act; il s'agit de la principale loi du gouvernement fédéral américain qui prévoit la réglementation des substances toxiques.
Même si j'ai dit que c'est la principale loi, à bien des égards, celle-ci a été un échec. La plupart des mesures de contrôle des substances toxiques ont été adoptées en vertu d'autres lois, en fait.
Pour revenir à ce que nous disions, la législation américaine en matière d'environnement est très différente de la nôtre. Il y a une loi qui porte sur la pollution atmosphérique, une autre sur la pollution de l'eau, une sur les déchets dangereux, une loi sur l'enfouissement des déchets, etc. Il y a donc toutes sortes de mesures qui s'appliquent aux substances toxiques. Dans certains cas, ce sont des mesures très prudentes, si vous voulez, et dans d'autres cas la législation n'a pas été modifiée depuis un certain temps et ne se fonde pas sur les mêmes principes de prudence. Donc, aux États-Unis, les substances toxiques sont réglementées et contrôlées en fonction du milieu dans lequel elles sont utilisées ou rejetées.
De plus, il y a des différences assez importantes dans la façon dont les États réglementent les substances toxiques et dangereuses.
Ma réponse n'est pas très claire, sauf pour dire que l'approche vis-à-vis des substances toxiques aux États-Unis n'est pas aussi bien coordonnée qu'elle pourrait l'être au Canada en vertu de la LCPE. Les démarches précises varient selon les lois qui s'adressent à telle ou telle substance précises, avec des variations au niveau fédéral et au niveau des États. Permettez-moi de vous donner ces données.
M. Bill Gilmour: Entendu, merci, John.
[Français]
Le président: Monsieur Bigras.
M. Bernard Bigras (Rosemont, BQ): J'ai une courte question. Vous nous avez dit que certaines dispositions du projet de loi feraient en sorte que le gouvernement fédéral n'assumerait pas son rôle de leadership en matière environnementale. Par ailleurs, à la lecture du projet de loi, on se rend compte qu'il y a différentes dispositions qui établissent des normes nationales, entre autres sur les carburants. On pourrait en citer trois ou quatre comme cela rapidement.
• 1635
Vous disiez donc que le rôle du
gouvernement fédéral et son leadership
risquaient d'être atténués par ce projet de loi.
Comment conciliez-vous cela avec
l'établissement de normes nationales dans ce projet de
loi?
[Traduction]
M. John Moffet: Je m'excuse; il va falloir que je vous réponde en anglais.
Le projet de loi autorise le gouvernement fédéral à entreprendre toute une gamme d'actions et l'habilité donc à assumer un rôle de leadership. Cependant, le gouvernement n'est obligé d'assumer ce rôle qu'en de très rares cas.
Dans la plupart des cas, le projet de loi autorise le gouvernement fédéral par exemple à établir des repères pour les carburants, à adopter un règlement concernant un produit toxique ou à agir en cas de pollution de l'air internationale, mais il ne l'oblige pas à agir.
Par conséquent, la façon dont on interprétera et mettra en oeuvre ces dispositions sera très importante: Pour cette raison, au début du projet de loi qui donne des orientations concernant l'application de ces éléments discrétionnaires l'est également.
Donc, les principes énoncés dans le préambule et les devoirs établis dans l'article 2 seront très importants pour déterminer la mesure dans laquelle le gouvernement fédéral exercera l'autorité que lui confère le projet de loi.
Le président: Est-ce qu'il y a d'autres questions? Sinon, je remercie M. Moffet de son témoignage et du bon travail qu'il a fait.
Avant de conclure, le greffier a quelques points que je voudrais vous soumettre pour approbation.
D'abord, jeudi matin, les témoins qui ont demandé à comparaître ne sont pas prêts à présenter leurs mémoires, de sorte que nous avons du temps libre. Vous allez peut-être aussi vous souvenir que nous avions discuté à quelques reprises de la contamination de l'uranium et de ses conséquences pour la bande Delenhe dans les Territoires du Nord-Ouest. Ils sont en ville, et ont demandé à comparaître devant le comité. Je vous demande votre consentement et votre approbation pour les recevoir jeudi matin. La réunion pourrait s'avérer assez intéressante, étant donné qu'il s'agit d'une question assez importante concernant la santé et l'environnement.
Est-ce que vous êtes d'accord sur ce point?
Des voix: D'accord.
Le président: Merci.
Le prochain point concerne le paiement de 72 $ à Canada Newswire et de 710 $ pour une transmission que nous avons faite au moment de la distribution du rapport sur la mise en application. Cela faisait partie de nos activités de relations avec les médias. Cela a permis d'économiser beaucoup de papier et de travail au personnel. Le greffier a besoin de l'approbation, ou au moins du consentement du comité pour effectuer ces paiements.
Des voix: D'accord.
Le président: Merci.
Le greffier a distribué un budget, que je pensais vous remettre maintenant pour que vous l'approuviez demain matin, mais si vous êtes prêts à l'étudier maintenant, nous pourrions le faire, étant donné qu'il est tôt. Que voulez-vous faire?
Mme Karen Kraft Sloan: Pouvons-nous le faire maintenant?
Le président: Nous pouvons l'examiner maintenant. Vous pouvez maintenant poser des questions.
Allez-y, monsieur Gilmour.
M. Bill Gilmour: Ce budget, comment se compare-t-il au budget antérieur?
Le greffier du comité: C'est à peu près le même budget que nous avions adopté l'automne dernier et qui devait nous amener jusqu'à la fin de l'année financière et dans lequel on prévoyait l'étude du projet de loi C-32 et deux autres études importantes. En effet, les activités qui étaient prévues dans le budget de l'automne dernier n'ont pas toutes eu lieu, alors c'est un peu difficile d'établir une comparaison par rapport aux activités qui ont effectivement eu lieu.
M. Bill Gilmour: Je pose la question, parce que nous allons consacrer beaucoup de temps au projet de loi C-32 et, par la suite, je présume, aux espèces menacées. Au moins, c'était prévu dans le budget. Il se pourrait que nous ayons beaucoup de témoins pendant toute cette période. Est-ce que ce sera...?
Le greffier: Il est vrai que cela pourrait ne pas suffire pour couvrir les coûts des futurs témoins, mais rien ne nous empêche de soumettre un budget supplémentaire à l'automne. On devine toujours un peu.
M. Bill Gilmour: Ça va.
Le président: C'est donc la meilleure estimation à laquelle on puisse arriver avec nos connaissances actuelles. C'est bien ça?
Le greffier: Oui, monsieur le président.
Le président: Y a-t-il d'autres questions?
Avant de demander un vote sur la motion d'approbation, j'aimerais mentionner—surtout à vous, monsieur Bigras—que notre réunion de la semaine dernière avec le Fonds mondial pour la nature a porté fruit. On s'efforce d'obtenir le consentement unanime de la Chambre des communes au sujet de la Conférence sur les polluants organiques qui aura lieu à Montréal à la fin du mois. La conférence regroupera 100 pays. Nous voulons nous assurer qu'il en découlera une convention de fond visant la protection de la santé des communautés nordiques.
Il y a maintenant une version française du texte qui a été distribué. M. Bigras en a une copie. Le Parti réformiste soumet le texte à son chef. Nous l'avons présenté au chef du Parti libéral, qui nous a donné sa pleine approbation. Donc, pour ce qui est du gouvernement, il y a consensus. Mais comme vous le savez, rien ne passe par la Chambre sans qu'il y ait consentement unanime.
Si vous, monsieur Bigras, et vous, monsieur Gilmour, êtes prêts à présenter ce texte à vos chefs respectifs, je m'engage à faire de même avec les membres conservateurs et néo-démocrates de ce comité, pour qu'on puisse tous avancer à la même vitesse.
Y a-t-il des commentaires?
[Français]
M. Bernard Bigras: Comme mon collègue du Parti réformiste, je viens de prendre connaissance de la résolution. Si vous me le permettez, je vais consulter à nos bureaux. Je voudrais connaître l'échéancier pour qu'on s'entende tous. Y a-t-il un échéancier de prévu?
Le président: Oui, possiblement mercredi.
[Traduction]
M. Bernard Bigras: D'accord.
Le président: Il nous faudrait une motion pour que le budget proposé par notre greffier soit adopté.
M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.): Je propose la motion.
(La motion est adoptée—Voir les Procès-verbaux du comité)
Le président: Merci beaucoup.
La séance est levée jusqu'à 9 heures demain matin.