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ENSU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON ENVIRONMENT AND SUSTAINABLE DEVELOPMENT

COMITÉ PERMANENT DE L'ENVIRONNEMENT ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 16 septembre 1998

• 1339

[Traduction]

Le vice-président (M. Gar Knutson (Elgin—Middlesex—London, Lib.)): Je m'appelle Gar Knutson et je suis vice-président du comité. Le président, Charles Caccia, m'a demandé de présider la séance à sa place.

J'aimerais commencer par souhaiter la bienvenue à nos témoins. Comme vous le savez, nous examinons le projet de loi modifiant la LPCE, qui a franchi l'étape de la deuxième lecture. Nous sommes à la recherche d'idées sur les amendements qui s'imposent, le cas échéant, et d'observations générales au sujet du projet de loi.

• 1340

Je ne sais pas si les gens qui se trouvent au bout de la table doivent comparaître dans un ordre particulier, mais ils pourraient peut-être se présenter.

[Français]

M. Stéphane Gingras (coordonnateur régional, Union Saint-Laurent, Grands Lacs): Bonjour. Je m'appelle Stéphane Gingras et je représente l'Union Saint-Laurent, Grands Lacs.

[Traduction]

M. Burkhard Mausberg (directeur exécutif, Canadian Environmental Defence Fund): Je m'appelle Burkhard Mausberg et je représente le Canadian Environmental Defence Fund.

M. Craig Boljkovac (membre, Fonds mondial pour la nature): Je suis Craig Boljkovac et je suis membre du Fonds mondial pour la nature.

Mme Julia Langer (directrice, Programme de toxicologie faunique, Fonds mondial pour la nature): Je suis Julia Langer du Fonds mondial pour la nature.

M. Gary Gallon (président, Institut canadien du commerce et de l'environnement): Je suis Gary Gallon et je représente l'Institut canadien du commerce et de l'environnement à Montréal.

Mme Dolores Broten (directrice exécutive, Reach for Unbleached Foundation): Dolores Broten de la Reach for Unbleached Foundation.

Le vice-président (M. Gar Knutson): Madame Langer, êtes-vous prête à commencer la première? Votre nom figure en tête de liste.

Mme Julia Langer: Certainement.

Le vice-président (M. Gar Knutson): Allez-vous recourir à la télévision dans le cadre de votre exposé?

Mme Julia Langer: J'ai des transparents.

Je vous remercie de l'occasion qui nous est offerte de comparaître devant le comité pour parler de la LCPE. En fait, je pense que je suis passée au travers d'au moins 10 séances consacrées à l'étude article par article du projet de loi qui a mené à l'adoption de la LCPE en 1988. Je ne dis pas que je reviens nécessairement de gaieté de coeur, mais il est bon d'être ici.

Je veux insister sur un sujet important. Le Fonds mondial pour la nature est un organisme dont les actions sont axées sur la protection de la biodiversité—la cause fondamentale que nous défendons étant les espèces menacées—mais il appert très clairement qu'on ne saurait préserver la biodiversité mondiale dans un environnement menacé par des produits chimiques dangereux. Je m'attacherai donc au cours de mon exposé aux recherches que nous effectuons sur les pesticides et de plus en plus sur les produits chimiques qui perturbent le système endocrinien.

Depuis les 40 ou 50 dernières années, les humains et les animaux sont exposés en permanence aux produits chimiques. Il n'y a pas seulement les produits chimiques qui soient hautement toxiques, les pesticides très dangereux et les produits chimiques industriels le sont également. Nous nous rendons de plus en plus compte qu'il y a des carcinogènes, des neurotoxines, des tératogènes et de nouveaux produits chimiques qui perturbent le système endocrinien. Une de mes collègues a effectué des recherches dans ce domaine et a rédigé une thèse. Il s'agit du docteur Theo Colborn qui a popularisé sa thèse dans son livre Our Stole Future que quelques-uns d'entre vous ont peut-être vu ou lu. Il s'agit d'un exposé très général sur la question.

Je veux dire en peu de mots pourquoi nous nous intéressons aux perturbateurs endocriniens et pourquoi nous pensons qu'il faut en traiter plus en détail dans la LCPE de même que par l'entremise du processus d'amendement du projet de loi C-32.

Le système endocrinien règle toutes sortes d'activités dans notre corps, à partir de la conception jusqu'à la mort. Les hormones produites par le système endocrinien sont les messagers qui régissent le développement de notre corps. Les hormones s'adaptent à des récepteurs comme un cadenas à une clé. Je vais essayer de vous expliquer cela à l'aide d'un graphique.

• 1345

Vous avez dans votre corps des hormones qui envoient des signaux aux cellules pour leur indiquer qu'il est temps de se développer. Cela s'applique à toutes sortes de tissus: le cerveau, les organes sexuels, le squelette. Les hormones contrôlent à peu près tout dans notre corps.

Nous constatons que certaines substances chimiques peuvent perturber le système hormonal, le système endocrinien. Certaines d'entre elles peuvent agir en imitant les hormones. Comme vous le voyez ici, une hormone qui s'adapte à un récepteur dans une cellule envoie un message à la cellule pour lui dire ce qu'elle doit faire, dit à l'ADN comment s'exprimer. Cependant, il existe des produits chimiques qui peuvent agir comme des hormones, l'estrogène et la testostérone par exemple, et envoyer des messages erronés à la cellule. De même, une substance chimique de synthèse pourrait bloquer un message destiné à la cellule. Ainsi, si vous attendez un message important sur votre téléphone cellulaire et que le signal est bloqué, vous n'aurez pas ce message en dépit de la très grande importance qu'il peut avoir. Durant le développement du foetus, alors que l'organisme qui se développe a le plus besoin de signaux hormonaux, cela risque d'entraîner des effets irréversibles.

C'est pour vous montrer la gravité du problème que pourraient entraîner les produits chimiques de synthèse. De nombreuses études de laboratoire et environnementales axées tant sur les humains que sur les animaux commencent à déceler ces effets.

Il n'y aurait peut-être rien à redire si seuls quelques produits chimiques étaient en cause, mais jusqu'à maintenant la liste en est—autour de 70. Ceux qui font l'objet de plus de recherches sont certains des pesticides interdits—DDT, 2,4,5-T, mirex, toxaphène—mais il y a aussi deux bonnes douzaines de pesticides qui sont encore enregistrés aux fins d'utilisation au Canada. De même, pour ce qui est des produits chimiques plus industriels, vous avez le nonylphénol oxyéthylé, utilisé dans les savons et les détergents, les salites trouvés dans les plastiques, le bisphénol A, une autre composante du plastique et, une fois de plus, certains des insecticides organochlorés les plus étudiés.

Pourquoi commence-t-on seulement à en parler? Nous sommes exposés aux substances chimiques depuis quarante ou cinquante ans, alors pourquoi commençons-nous seulement à entendre parler des perturbations du système endocrinien? J'ai essayé de le montrer de façon chronologique. Ma génération est celle qui a été le plus exposée dans l'utérus. Notre organisme, et je veux parler de nous tous qui nous trouvons ici, contient des substances chimiques auxquelles nos grands-parents n'ont jamais été exposés. Nos mères, toutefois, ont grandi au cours d'une génération où nombre de ces produits chimiques ont été produits et dispersés dans l'environnement. Dans ce sens, ma génération, généralement parlant, est celle qui a été le plus exposée dans l'utérus. C'est dans l'utérus que ces signaux hormonaux peuvent être perturbés. Naturellement, nous ne faisons que commencer à en constater les effets. Cela n'arrive pas tout d'un coup pour toute la population. Dans la génération actuelle, à mesure que les gens approchent de l'âge de procréer, nous commençons à voir ces effets.

Chez les animaux, qui se reproduisent plus vite, ces effets sont plus visibles et plus évidents. Dans ce sens, les animaux sont le canari dans la mine de charbon. Nous avons déjà beaucoup de preuves de perturbation du système endocrinien chez les animaux. Une partie des recherches effectuées par le Fonds mondial pour la nature sur les bélugas et de celles auxquelles se livre le Service canadien de la faune dans les Grands Lacs sont avant-gardistes.

Qu'est-ce que cela a à voir avec la LCPE? Nous estimons que ni la LCPE actuelle ni les amendements proposés au projet de loi qui ont été déposés conviennent dans un premier temps pour englober les perturbateurs du système endocrinien en premier lieu et, dans un deuxième temps, pour s'attaquer à ces derniers même s'ils tombaient sous le coup de quelque autre mécanisme spécial. Certains outils doivent être incorporés à la LCPE pour que cela se produise.

• 1350

Nous avons examiné diverses initiatives qui ont été prises en Europe et aux États-Unis où on a plus d'expérience de ces outils qu'ici au Canada. Ces outils peuvent paraître un peu confus et paternalistes, mais ils permettent de rendre fonctionnel le principe de prudence qui est bien expliqué dans le projet de loi C-32, l'approche du poids de la preuve. Ils permettent en quelque sorte de passer de ce que l'on prétend être un mode de prise de décision au sujet d'une information scientifique à un mécanisme opérationnel permettant de repérer les substances d'intérêt prioritaire comme les perturbateurs du système endocrinien et d'autres modifications les accompagnant qui nous permettraient de prendre des mesures.

Les initiatives que je voulais faire ressortir—et nous avons présenté un mémoire qui les explique plus en détail—sont celles de la Commission mixte internationale. Fondamentalement, la commission s'est attachée vraiment à rendre fonctionnel le principe de la prudence, à établir certaines lignes directrices sur la façon d'y recourir. C'est très crucial pour les perturbateurs du système endocrinien. Vous n'aurez jamais la certitude absolue qu'une substance chimique entraîne l'effet Y en ce qui concerne les perturbateurs du système endocrinien étant donné que tout le monde est exposé à des substances chimiques multiples. Vous ne pouvez déterminer ce que fait une substance chimique et quel en serait l'effet. Qui dit substances chimiques multiples dit effets multiples.

L'autre point, c'est que nous avons affaire à des doses incroyablement faibles de substances chimiques, des niveaux qui ont pu être considérés sécuritaires par le passé. Mais nous découvrons des effets de plus en plus faibles, dans certains cas au-delà de ce que vous pourriez déceler dans l'environnement. Il sera donc très difficile d'établir le lien de cause à effet de l'exposition de générations multiples. Mais ce que nous a montré la CMI, c'est qu'il est possible de rassembler des preuves pour donner confiance ou non en un produit. Nous devons oublier l'idée que nous allons disposer d'une certitude absolue, surtout dans le cas des perturbateurs du système endocrinien.

Le «Endocrine Disrupting Screening and Testing Advisory Committee»—EDSTAC—, autre initiative lancée aux États-Unis, est un comité qui a pour mandat d'élaborer un mécanisme de dépistage de milliers et de milliers de produits chimiques susceptibles de perturber le système endocrinien. Ce comité va pouvoir dépister 80 000 produits chimiques. C'est le genre de système dont nous avons besoin, au lieu d'un système ad hoc comme celui prévu par le projet de loi actuel, où ce sont les membres du comité chargé de la liste des substances qui, en quelque sorte, se disent: «Je pense qu'il faudrait inscrire ce produit chimique sur la liste», ou «Je ne le pense pas». Je connais ce processus et je sais qu'il ne fonctionne pas très bien. Nous avons véritablement besoin d'un comité de dépistage et d'essai, d'un processus permettant d'établir une liste canadienne de problèmes.

Les autres initiatives sont européennes. La première, la Convention d'Oslo et de Paris, est un accord récemment signé qui engage en fait de nombreux pays à observer le principe de la prudence, à fixer des dates-cibles et à prévoir des éliminations progressives d'une liste de produits chimiques, y compris les perturbateurs du système endocrinien. On peut ensuite parler de l'Union européenne et des pays européens qui ont recours au principe de la prudence en ce qui concerne les produits chimiques perturbateurs du système endocrinien.

Nous proposons des amendements très précis au projet de loi C-32 à propos des définitions de toxicité, de quasi-élimination, de produits chimiques perturbateurs du système endocrinien, ainsi qu'à propos des méthodologies qui s'imposent pour opérationnaliser l'approche du principe de la prudence et du poids de la preuve. Je crois que tout cela mérite d'être examiné plus en détail.

• 1355

Nous aimerions particulièrement vous faire comprendre que nous n'avons pas actuellement de mécanisme adéquat pour dépister ces produits chimiques. La politique de gestion des substances toxiques qui est codifiée dans cette version du projet de loi s'appuie sur la persistance et la bioaccumulation, ce qui ne va pas permettre d'englober les substances perturbatrices du système endocrinien. Comme vous le voyez d'après la liste que j'ai préparée, il y a peut-être une douzaine environ de substances qui sont fortement persistantes et bioaccumulatives, contrairement aux autres. Il pourrait s'agir de produits chimiques qui frappent sans laisser de trace, sans laisser de résidu dans le corps; ainsi, on ne pourrait pas imputer le problème de reproduction d'une personne âgée de 25 ans à une exposition survenue le 56e jour de la gestation. C'est impossible. Il faut aller au-delà de la persistance et de la bioaccumulation afin d'englober certaines de ces importantes substances chimiques.

Je vais laisser à d'autres le soin d'examiner le projet de loi dans un contexte plus vaste. Non seulement voulons-nous identifier les produits chimiques qui sont perturbateurs du système endocrinien, les inscrire sur des listes, obtenir que des mesures soient prises dans certains délais, mais aussi vous indiquer que l'aspect fondamental—dont d'autres témoins ont parlé—l'harmonisation, l'intégration en vue du processus d'harmonisation—est d'une importance primordiale. Vous pouvez obtenir une bonne liste, une bonne définition, mais si vous ne pouvez pas y donner suite, cela ne sert à rien. Je vous incite donc à tenir également compte de ceci, à essayer de faire en sorte que lorsque les produits chimiques sont identifiés, il soit possible de prendre les mesures de prudence qui s'imposent.

Le vice-président (M. Gar Knutson): Merci beaucoup.

Nous avons prévu d'entendre tous les intervenants avant de passer aux questions.

Nous accueillons maintenant M. Mausberg du Canadian Environmental Defence Fund. Nous vous souhaitons de nouveau la bienvenue.

M. Burkhard Mausberg: Merci, monsieur le président et merci d'inviter de nouveau le Canadian Environmental Defence Fund.

Vous êtes saisis d'un énorme projet de loi, le projet de loi C-32, qui traite de toute une gamme de sujets: immersion en mer, pollution atmosphérique, pollution chimique toxique, biotechnologie, etc. Ce projet de loi est tellement vaste que nous allons nous contenter aujourd'hui de ne faire des observations que sur une de ses parties qui est applicable à tout l'ensemble; je veux parler de la partie 2, la participation du public. Cette partie va s'appliquer à toutes les autres parties du projet de loi, car la participation du public donne la possibilité aux Canadiens de faire ce qui est prévu par la loi, une fois le projet de loi adopté au Parlement. Nous n'allons traiter que de cette partie aujourd'hui.

Nous avons présenté un mémoire, mais j'aimerais vous dire que ce n'est qu'une ébauche. Comme nous faisons pratiquement un examen article par article, je veux m'assurer de parler à nos avocats avant de vous en présenter la version finale afin d'être sûr de tous les aspects juridiques. Je ne suis pas avocat et j'espère que vous aurez la patience d'attendre une version écrite d'ici une semaine ou deux.

Je devrais également dire dès le départ qu'il s'agit également d'un effort conjoint entre le Environmental Defence Fund et le Institute for Environmental Law and Policy et l'Association canadienne du droit de l'environnement. Vous entendrez donc peut-être d'autres analyses de la partie 2, quelque peu similaires.

En quoi finalement se résume la partie 2? Si l'on passe outre à la terminologie, quel en est le but? En quoi la partie 2 encourage-t-elle la participation du public? Je peux dégager quatre éléments succincts.

Tout d'abord, le registre de la protection de l'environnement. C'est un outil qui renferme certains avis au sujet de la loi. Le ministre peut publier certains avis dans ce registre, probablement sur l'Internet aujourd'hui; il est donc possible de connaître les précisions apportées à la loi.

Certains mécanismes de protection des dénonciateurs sont également prévus. Dans le projet de loi, il s'agit des rapports volontaires qui permettent aux employés de sociétés de faire des rapports sur des infractions éventuelles tout en jouissant d'une protection et en ne craignant pas de perdre leur emploi. Il s'agit du deuxième élément de la partie 2.

Le troisième élément, c'est le droit de demander des enquêtes. Par exemple, vous remarquez quelque chose qui ne va pas et vous pensez qu'il y a dans la loi quelque chose qui ne va pas ou que quelqu'un fait quelque chose qui ne va pas. Vous pouvez demander officiellement au ministre de mener une enquête et le ministre dispose de 90 jours pour réagir, etc. Cela équivaut à peu près à la même chose que ce qui est prévu à l'article 108 de la LCPE.

• 1400

Le quatrième élément donc, le dernier, est le droit de poursuivre, qui équivaut à un nouveau droit civil et qui est appelé l'action en protection de l'environnement.

Pour résumer donc, les quatre éléments sont le registre, la protection des dénonciateurs, le droit de demander une enquête et le droit de poursuivre. C'est en fait ce que l'on retrouve dans la partie 2.

Je prétends aujourd'hui que si cette loi est adoptée avec cette partie telle qu'elle est actuellement rédigée, vous induirez le public canadien en erreur. Vous direz aux Canadiens que cette loi renferme un concept appelé participation du public, or, le libellé de la loi ne prévoit pas de participation du public.

Je vais vous dire rapidement ce que je veux dire, car une telle déclaration est assez dramatique.

J'aimerais replacer tout cela en contexte. En mai, le comité a publié un rapport qui a reçu beaucoup d'attention de la part des médias et qui a exercé considérablement de pression sur la ministre en matière de mise en application. Le comité s'est aperçu que cinq poursuites avaient été lancées en 1996 et en 1997 en vertu de la LCPE, c'est-à-dire même pas une poursuite par province.

Par conséquent, la participation du public et le droit de poursuivre devraient, à mon avis, donner l'occasion aux Canadiens de mettre la loi en application. De toute évidence, si la loi n'est pas mise en application, c'est à cause de toutes sortes de problèmes que vous identifiez ici. Il faudrait en fait que les Canadiens puissent se servir de la loi et la mettre en application.

C'est le contexte dans lequel j'aimerais parler de ce droit de poursuivre, soit l'action en protection de l'environnement. Lorsque l'on examine tous les documents, si je puis ainsi les nommer, que la ministre a publiés en même temps que ce projet de loi, vous pouvez dire effectivement que les Canadiens ont un nouveau droit de poursuivre. Eh bien, laissez-moi vous dire ce que ce droit signifie exactement.

La première chose, c'est qu'il faut qu'il y ait effectivement atteinte à l'environnement. Il faut que quelque chose soit pollué, détruit, endommagé, etc.

La deuxième chose, c'est que cette atteinte doit être importante, quel que soit le sens de ce mot. Je ne sais pas ce qui est important pour vous ou pour moi. C'est probablement différent.

La troisième chose, c'est qu'il faut ensuite lancer une enquête officielle, demander au ministre la tenue d'une enquête; le ministre dispose alors de 90 jours pour prendre une décision ou ne rien faire.

La quatrième chose, c'est que vous ne pouvez envisager des actions que si les réponses du ministre ne sont «pas raisonnables». Je ne sais pas ce que cela veut dire, mais nous en sommes à la quatrième étape.

Sixièmement, si le contrevenant s'aperçoit qu'un tiers risque de le poursuivre, il peut s'excuser et déclarer qu'il va réparer son erreur. Si vous vous proposez d'enfreindre la loi, vous espérez que personne ne s'en apercevra, mais vous courez un risque. Il vous suffit alors de vous excuser auprès du ministère et de déclarer que vous allez réparer l'erreur commise; ne me poursuivez pas, je vais réparer l'erreur commise.

Nous en arrivons à l'étape numéro sept, c'est-à-dire que vous pouvez aller devant un tribunal après avoir rempli les exigences de ces six étapes. De deux choses l'une, soit vous êtes très âgé soit vous êtes ruiné, puisque vous avez dû surmonter énormément d'obstacles, probablement retenir les services de beaucoup d'avocats et faire de nombreuses analyses. Le tribunal peut alors simplement rejeter l'action dans l'intérêt public. De nouveau, je ne sais pas ce que signifie l'expression «intérêt public.»

Avant de pouvoir déposer une action au tribunal, il faut passer par ces sept étapes.

Ces restrictions prévues aux termes de la partie II de la loi sont beaucoup plus contraignantes que les dispositions d'application du projet de loi sur les espèces en voie de disparition. La loi sur les espèces en voie de disparition a été présentée lors de la dernière législature et a expiré au Feuilleton, si bien que je ne sais absolument pas ce qu'il va en advenir dans le processus politique. Les articles de ce projet de loi donnaient toutefois beaucoup plus de liberté que ceux de cette loi particulière.

Les articles de la Déclaration des droits de l'environnement de l'Ontario ne sont pas aussi contraignants que ceux-ci et la Déclaration des droits de l'Ontario s'applique à toutes les lois relatives à l'environnement. Celle-ci ne s'applique qu'à la LCPE.

Vous devez donc venir à bout de cette incroyable restriction avant de pouvoir poursuivre et déposer une action contre une personne qui a enfreint la loi. Au bout du compte, on ne vous accorde pas de droit, car il y a trop d'obstacles à surmonter.

J'aimerais enfin dire qu'avant même d'intenter une action—par exemple, disons que tous ces obstacles sont éliminés et que vous n'avez pas à présenter une demande d'enquête, vous n'avez pas à avancer que les mesures prises par le ministre ne sont pas raisonnables, vous n'avez pas à prétendre qu'il s'agit d'une atteinte importante à l'environnement; ce qu'il vous reste, finalement, c'est que vous ne pouvez poursuivre que lorsqu'il y a eu atteinte à l'environnement.

• 1405

Votre comité a publié un rapport intitulé Notre santé en dépend! Vers la prévention de la pollution. Si l'on adopte le principe de prévention de la pollution, on peut penser avoir le droit de poursuivre en cas d'atteinte imminente; en d'autres termes, je peux poursuivre quelqu'un si je sais qu'il va porter atteinte à l'environnement, avant qu'il ne le fasse véritablement. Il s'agit pour moi d'un principe de prévention.

J'encourage donc le comité, avec mon aide s'il le désire, à récrire la partie II et à ne pas induire les Canadiens en erreur en leur disant qu'on leur donne un nouveau droit de poursuite.

Merci, monsieur le président.

Le vice-président (M. Gar Knutson): Merci beaucoup, monsieur Mausberg.

Nous passons maintenant à M. Gary Gallon, de l'Institut canadien du commerce et de l'environnement. Nous vous souhaitons de nouveau la bienvenue, monsieur Gallon.

M. Gary Gallon: Merci beaucoup, monsieur le président. L'Institut canadien du commerce et de l'environnement est un groupe de réflexion politique de l'industrie de l'environnement, laquelle affiche un chiffre d'affaires d'environ 15 milliards de dollars et emploie près de 143 000 personnes. Nous sommes donc en droit d'avoir quelques préoccupations au sujet de cette loi particulière.

L'Institut a publié plusieurs documents dont nous laissons quelques exemplaires à votre personnel de recherche. Il s'agit tout d'abord d'un examen des études et des rapports sur l'économie de l'environnement, puis de l'analyse de cinq études canadiennes sur les coûts environnementaux et enfin des mesures environnementales volontaires, soit l'expérience canadienne.

Nous tenons à vous féliciter pour le travail accompli jusqu'ici au sein du comité au nom de l'environnement et de l'industrie de l'environnement. Vos recommandations et votre travail sont excellents.

Nous abordons aujourd'hui quatre questions liées au projet de loi proposé. Il s'agit tout d'abord du manque de ressources—du financement—nécessaires pour permettre à Environnement Canada de mettre en application la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. Ensuite, l'effet de l'accord d'harmonisation avec les provinces; troisièmement, les définitions édulcorées de prévention de la pollution et de quasi-élimination. Quatrièmement, le fait que le principe de la prudence ne soit pas opérationnalisé dans la loi elle-même.

Pour en revenir aux ressources, la Loi canadienne sur la protection de l'environnement ne pourra pas être appliquée s'il n'y a pas de ressources pour ce faire. Le budget d'Environnement Canada a été réduit de 35 p. 100 entre le début des années 90, années grisantes, et le budget de l'exercice 1998-1999 qui s'élève à 551 millions de dollars. Ce montant est en fait moindre pour la protection de l'environnement car, sur ces 551 millions, 192,8 sont affectés aux bulletins météorologiques. Il ne reste donc que 358 millions de dollars pour la protection de l'environnement. Environnement Canada est le seul ministère des pays de l'OCDE à avoir combiné les bulletins météorologiques avec la protection de l'environnement. Par conséquent, les dépenses en capital d'Environnement Canada pour la protection de l'environnement sont tombées à zéro tout comme celles pour la stratégie canadienne de l'industrie de l'environnement.

Même les 150 millions de dollars nouvellement prévus pour le programme du changement climatique sont affectés à l'extérieur du gouvernement. Des fonctionnaires de RNCan et d'Environnement Canada m'ont dit qu'ils ne reçoivent pas de ressources supplémentaires pour travailler sur le changement climatique. On leur demande de ne plus se consacrer exclusivement à la pollution des eaux, aux substances toxiques et à la pollution atmosphérique, mais de se consacrer au changement climatique. On leur demande de doubler leurs responsabilités. Nous ne jouissons par conséquent pas d'une bonne protection de l'environnement en vertu de la LCPE en ce qui concerne la pollution des eaux et la pollution atmosphérique et n'avons pas non plus un très bon programme relatif au changement climatique. Par conséquent, le manque de ressources devient un obstacle à la mise en application de la LCPE.

Passons à l'harmonisation. L'harmonisation est devenue est mot code du gouvernement synonyme du contraire. L'harmonisation permet aux provinces d'agir de leur propre chef à leurs propres niveaux de protection environnementale. L'harmonisation exclut en fait Environnement Canada et le gouvernement fédéral de la protection de l'environnement à l'échelle nationale.

• 1410

Par conséquent, en ce qui concerne le projet de loi C-32, j'aimerais que l'on examine de nouveau les alinéas 2.1d) et 2.1l) qui stipulent que le gouvernement fédéral doit «s'efforcer d'agir en collaboration avec les gouvernements...» et que le gouvernement doit «agir de façon compatible avec l'esprit des accords et arrangements intergouvernementaux...». Ces articles doivent être récrits.

Le premier, agir en collaboration avec les gouvernements, se trouvait dans l'ancienne loi. C'est le second qui pose des problèmes. Il faudrait le récrire de manière que ce soit l'intérêt national qui l'emporte sur les provinces en ce qui concerne la protection de la santé humaine. Il faudrait prévoir un nouveau libellé pour le refléter, au lieu d'asservir le gouvernement fédéral aux provinces dans le contexte d'accords intergouvernementaux comme l'accord d'harmonisation. Cet accord est mis en application par le CCME, le Conseil canadien des ministres de l'environnement; le budget de ce dernier a toutefois été réduit de moitié, si bien qu'il ne peut aider les provinces à appliquer l'accord d'harmonisation.

Nous passons ensuite au troisième point, les définitions édulcorées de «prévention de la pollution» et de «quasi-élimination». Nous aimerions ici que le mot «utilisation»—non seulement le rejet de ces polluants, mais aussi l'utilisation de ces toxiques—figure dans la définition de «prévention de la pollution,» à la sortie de l'usine et dans le processus de la quasi-élimination.

C'est ce qui se fait aux États-Unis aux termes de la Loi américaine sur la protection de l'environnement; c'est ce qui se fait en Allemagne, en France, en Suède. Pourquoi le Canada ne peut-il faire de même, avoir de meilleures définitions de prévention de la pollution et instaurer ensuite des programmes relatifs à l'utilisation et au rejet? Pourquoi dans la prévention de la pollution faudrait-il s'occuper des rejets? Cela nous ramène à la lutte contre la pollution—et non à la prévention—soit à la définition de 1968.

Le principe de la prudence est le quatrième point. Il est clair que nous continuons à ne pas être d'accord au sujet de ce que signifie «atteinte à l'environnement.» Par conséquent, il est inutile d'essayer d'agir suffisamment rapidement pour protéger la santé humaine de l'environnement. C'est la raison pour laquelle le principe de la prudence doit être opérationnalisé dans le libellé de la loi elle-même.

En fait, nous serions mieux placés vis-à-vis des États-Unis et de nos partenaires de l'OCDE si nous harmonisions notre loi à la leur. Nous vivons une époque de libre-échange universel et en repoussons les limites. Le Canada risque de devenir un «abri pollueur» et ne jouer aucun rôle dans le domaine de la protection de l'environnement s'il n'adopte pas pour la protection de l'environnement les paramètres du libre-échange.

Prenons par exemple l'inventaire national des rejets polluants qui semble assez bon et qui est assez bien défendu. Il ne cite cependant que 176 contaminants, tandis que son homologue américain, l'inventaire des rejets toxiques, en cite 600. L'inventaire du Canada ne cite pas les polluants les plus importants: les oxydes dihydrogéniques, l'anhydride sulfureux, les pluies acides, les matières particulaires et les matières particulaires de moins de 10 microns. Ces polluants doivent être signalés, ce que font d'ailleurs les filiales de sociétés américaines implantées au Canada. Elles peuvent le faire ici.

Cinquièmement, les questions liées à l'application rentable de la loi. Il est fait plusieurs fois mention de l'utilisation rentable de la protection de l'environnement au Canada. Le problème ici, c'est que la pondération entre les avantages économiques et les avantages environnement est peu économique. En d'autres termes, elle ne s'est pas faite scientifiquement.

• 1415

Par exemple, les paramètres de l'étude DRI Standard and Poor's portant sur l'effet de la concurrence sur le changement climatique au Canada ont été établis par Environnement Canada, Ressources naturelles Canada, le ministère des Finances, cinq ministères en tout. A la lecture de l'étude, on se rend compte qu'elle ne traite que d'un seul aspect économique, soit les effets négatifs sur la compétitivité de l'industrie des combustibles fossiles—le charbon, le pétrole et le gaz naturel. Elle ne traite pas des autres effets économiques de la compétitivité des nouveaux équipements éconergétiques ou de la compétitivité de la conception et de la mise en oeuvre de nouvelles sources d'énergie renouvelable. Elle ne traite pas du fait que le Canada était devenu un chef de file en matière de technologie de protection de l'environnement grâce à des règlements sévères pris dans les années 70 et 80. Le Canada qui était un chef de file n'est aujourd'hui qu'un suiveur, le devient de plus en plus et devra acheter la technologie dont il aura besoin à la Suède, à l'Allemagne et aux États-Unis au moment où il rattrapera enfin son retard dans le domaine du changement climatique.

Il faut faire des études coûts-avantages; il faut le prévoir dans la loi comme cela se fait actuellement aux États-Unis dans le cadre de la Loi américaine sur la protection de l'environnement. On aura alors les paramètres économiques qui conviennent. On pourra adopter des principes comptables verts déjà reconnus au Canada et s'inspirer de l'économie de l'environnement, discipline déjà bien établie en Amérique du Nord et en Europe. Cela pourrait être ajouté à la loi. On obtiendrait alors les véritables coûts-avantages de la protection de l'environnement en vertu de la LCPE.

Enfin, le gouvernement a inclus dans le projet de loi C-32 des mécanismes de recouvrement des coûts. Cette nouvelle loi prévoit plusieurs éléments de recouvrement des coûts. Cela semble aller dans le sens du nouvel examen des programmes qui exige d'Environnement Canada de percevoir des fonds. Chaque ministère doit produire des recettes, devenir une entreprise commerciale. On lui dit de faire payer les sociétés qui font l'objet d'une action en vertu de la loi; de faire payer les permis environnementaux et de faire payer les amendes.

J'ai fait partie à Environnement Canada d'un groupe d'étude au sein duquel l'industrie était représentée. Le groupe travaillait à l'évaluation environnementale. L'industrie a indiqué qu'elle acceptait de payer des droits d'évaluation environnementale, mais qu'elle se réservait le droit de décider de la méthode d'évaluation, ce qui compromet les objectifs de la loi. De plus, l'industrie, à bon droit, se plaint de la double imposition: «Nous payons déjà des impôts; pourquoi en payer d'autres?»

Il faut bien prendre garde que ceux qui acquittent des droits ne faussent la loi ou son application en matière de vérification environnementale ou d'autres éléments liés aux droits.

Enfin, j'aimerais vous parler de conformité et d'exécution de la loi. Vos recommandations à ce sujet étaient excellentes. Je me souviens d'une brochure publiée en 1988 par Environnement Canada, sous le titre «Politique d'application et d'observation», réimprimée en 1992 et, à nouveau, en 1994. Surveiller la conformité signifie qu'il faut faire des inspections, présenter les rapports exigés, faire l'échantillonnage et assurer le suivi des substances et des rejets. Le projet de loi C-32, tel qu'envisagé, me semble un recul sur ce plan. Il importe de comparer la politique au projet de loi et de veiller à ce que tous ces points s'y trouvent.

Je vous remercie beaucoup.

Le vice-président (M. Gar Knutson): Merci beaucoup, monsieur Gallon.

La parole est maintenant à M. Gingras.

[Français]

M. Stéphane Gingras: Je remercie les membres du comité de m'avoir invité à venir discuter aujourd'hui de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. L'Union Saint-Laurent, Grands Lacs regroupe 170 organisations situées aux environs des Grands Lacs et du Saint-Laurent et se préoccupe principalement de la protection de l'écosystème dans ces régions.

Nous nous sommes contentés de regarder les parties 4 et 5 du projet de loi proposé parce que leurs dispositions sont davantage reliées au travail que nous effectuons tous les jours. Il ne faudrait cependant pas croire que nous appuyons nécessairement les dispositions contenues dans les autres parties du projet de loi.

• 1420

Nous devons souligner que, sans des modifications profondes au libellé actuel des articles qui figurent aux parties 4 et 5, nous ne sommes pas en mesure d'appuyer l'adoption du projet de loi par la Chambre des communes. Nous sommes tout particulièrement préoccupés par les dispositions de la partie 4, qui traite de la prévention de la pollution et qui, comme le mentionnaient précédemment mes confrères et consoeurs, est extrêmement faible.

On n'est plus dans les années 1970, alors que l'on contrôlait la pollution à l'aide de filtres et de systèmes de traitement des eaux. On est à l'ère de la prévention de la pollution partout au niveau international. On est à l'ère où l'on interdit l'usage, la distribution, la vente et la production de certains produits chimiques qui contaminent l'environnement. On sait très bien que lorsqu'on filtre la cheminée, on retrouve des déchets solides. On ne fait ainsi que transférer la pollution d'un média à l'autre.

Un autre aspect de la partie 4 nous préoccupe également, soit l'absence de mesures d'application à l'ensemble des compagnies qui rejettent des produits toxiques dans l'environnement. On ne parle que des substances qui sont déclarées toxiques en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. L'ensemble des compagnies qui ont des rejets toxiques et qui les déclarent en vertu de l'inventaire national des rejets polluants devraient être tenues de soumettre un plan de prévention de la pollution et d'y indiquer des échéanciers clairs de réduction des rejets dans l'environnement. Il s'agit d'un élément important qui figurait d'ailleurs parmi les recommandations du comité de travail qui avait été formé à l'époque pour étudier la prévention de la pollution.

Nous sommes d'autre part extrêmement déçus, et même inquiets, face à la partie 5, qui traite des substances toxiques. La définition de l'élimination virtuelle ne colle pas du tout aux engagements du Canada en vertu de l'Accord sur la qualité de l'eau des Grands Lacs. Cette définition doit être révisée.

La Commission mixte internationale nous a rappelé à maintes reprises que l'élimination virtuelle des substances toxiques dans le bassin des Grands Lacs ne pourrait se faire qu'en cessant l'utilisation, la distribution et la production de ces substances toxiques. La définition actuelle des rejets non mesurables contenue dans le projet de loi soulève un ensemble de questions techniques et paraît assez nébuleuse.

On parlait plus tôt cet après-midi du principe de précaution ou de prudence. Il est évident qu'en raison des limites de la science, on ne pourra jamais faire la preuve de A plus B et établir qu'il y a un lien entre l'émission de substances toxiques dans l'environnement et certains effets nocifs sur la santé ou l'environnement. Nous devons donc adopter une approche plus pragmatique, une approche nous permettant de nous baser sur les caractéristiques des substances toxiques au niveau intrinsèque, c'est-à-dire identifier si ce sont des substances cancérigènes ou tératogènes, plutôt que de choisir un modèle d'exposition/dose/réponse et de compter le nombre de cancers causés par l'émission dans l'environnement de substances toxiques. C'est un autre aspect de la partie 5 qui nous jugeons très important.

Au cours des trois dernières années, j'ai eu l'occasion de participer au processus d'option stratégique mis sur pied par le gouvernement fédéral qui invitait les représentants de l'industrie à venir discuter de la façon dont on pourrait contrôler les substances qui avaient été déclarées toxiques en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. À mon avis, il s'agit d'un processus extrêmement lourd d'où se sont dégagées des recommandations qui visaient généralement des réductions volontaires de la part de l'industrie. On peut se demander si ces recommandations porteront vraiment fruit. Cela est tout à fait inacceptable compte tenu de la recommandation selon laquelle la Loi canadienne sur la protection de l'environnement devrait préciser les délais dans lesquels le gouvernement fédéral devrait agir lorsqu'on déclare qu'une substance est toxique, ainsi que les modalités.

• 1425

Dans le mémoire que je vous ai soumis, on donne l'exemple du perchloroéthylène qu'utilise l'industrie du nettoyage à sec. Il a fallu sept ou huit ans avant qu'on entame des actions en vue de réduire les émissions de perchloroéthylène au Canada par cette industrie-là. Pendant toutes ces années, on a rejeté dans l'environnement 38 000 tonnes de perchloroéthylène.

Je remets en question ce processus en raison de sa lenteur et de sa lourdeur. On devrait obliger le gouvernement à agir plus rapidement face aux substances toxiques.

En terminant, j'aimerais soulever trois autres éléments, bien qu'ils puissent paraître un peu disparates. Il est très important que le Canada, qui avait fait preuve de leadership dans le dossier de l'exportation des déchets dangereux vers les pays en voie de développement lors de la Convention internationale de Bâle en 1994, retrouve ce leadership et insiste sur l'interdiction d'exporter des déchets dangereux vers les pays non membres de l'OCDE, tel qu'on en avait convenu lors de la réunion des parties. Ce texte devrait être inclus dans la Loi canadienne sur la protection de l'environnement.

Je soulèverai à mon tour la question de la taxation et de la nécessité qu'Environnement Canada puisse taxer les activités nuisibles à l'environnement et amasser certains fonds qui lui permettraient par exemple de nettoyer les sites contaminés au Canada et de mettre sur pied des programmes de prévention de la pollution en vue d'aider l'industrie ou en vue de prévenir la pollution au Canada de façon plus globale. C'est très important. En quelques mots, il faut donner à Environnement Canada les moyens de faire un bon travail, un travail qui est nécessaire.

Je vous remercie.

[Traduction]

Le vice-président (M. Gar Knutson): Monsieur Gingras, je vous remercie. Vous gagnez le premier prix pour l'exposé le plus court, ce qui est toujours bon.

Madame Broten.

Mme Dolores Broten: Merci. C'est avec beaucoup de plaisir que je me trouve ici cet après-midi.

Avant de commencer, je tiens à remercier le comité de tout le temps qu'il consacre à ces questions, non seulement cet après-midi, mais bien depuis quelques années. Vous travaillez certes très fort.

Permettez-moi de me présenter. Je me qualifie moi-même d'écologiste professionnelle, ce qui signifie que je travaille à temps plein et que je suis payée à temps partiel. Je suis rédactrice du bulletin écologique Watershed Sentinel qui a un tirage de 3 000 exemplaires. Je suis aussi directrice exécutive de Reach for Unbleached Foundation. En juin dernier, grâce à ma participation au groupe des substances toxiques du Réseau canadien de l'environnement, j'ai eu l'honneur d'être choisie comme représentante des écologistes au sein de la délégation canadienne prenant part au premier comité de négociation d'un traité mondial sur les polluants organiques persistants—les POP, comme les appellent les médias.

Reach for Unbleached est aussi un membre fondateur du groupe sur les pâtes de papier d'une alliance transfrontalière visant à éliminer complètement les substances toxiques. L'alliance regroupe les organismes écologiques des cinq États de la côte nord-ouest du Pacifique, aux États-Unis, et la Colombie-Britannique.

Nous avons lancé Reach for Unbleached en mai 1991 sur une petite île située à l'extrémité nord du détroit de Georgie, en Colombie-Britannique, au Canada, en réaction à la contamination des lits de mollusques et de crustacés par les effluents d'une usine de pâte qui contenaient de la dioxine. Tout a commencé par une campagne en vue d'encourager le consommateur à préférer le papier non blanchi ou blanchi à l'oxygène. Reach for Unbleached est devenue depuis lors une fondation nationale et une oeuvre de bienfaisance enregistrée qui se concentre sur les questions techniques et sur les substances toxiques en vue d'encourager le développement durable dans l'industrie des pâtes et papiers.

Dans l'exercice de mes fonctions, je rencontre constamment des militants de la base ainsi que du personnel des ministères fédéral et provincial, sans oublier mes collègues qui travaillent dans l'industrie des pâtes et papiers.

Je ne suis pas avocate et, après avoir lu les imposants mémoires du West Coast Environmental Law, de l'Association canadienne du droit de l'environnement et de tous les autres organismes de droit que nous avons le bonheur de compter au Canada, je puis seulement dire que je suis heureuse que d'autres que moi aient disséqué le libellé et l'esprit du projet de loi C-32. Je suis entièrement d'accord avec les préoccupations soulevées par ces spécialistes de la loi. Les points soulevés par l'organisme West Coast Environmental Law, dans son mémoire de mai, au sujet de la confusion des rôles du Parlement, du Cabinet et du ministre dans le projet de loi C-32 actuel m'inquiètent énormément.

Je vais m'en tenir à des commentaires d'ordre plus général que ce qu'ils ont fait et m'appuyer sur l'expérience que nous avons acquise à Reach for Unbleached dans certains de ces dossiers—on peut pratiquement dire que nous l'avons acquise au sol. Nous cherchons à encourager une amélioration sur le plan des effets environnementaux. L'industrie des pâtes et papiers, l'une des plus importantes au Canada tant sur le plan économique qu'environnemental, est celle que nous connaissons le mieux. Nous jugeons donc du projet de loi C-32 d'après ce que nous prévoyons en être les effets dans cette industrie.

• 1430

Je m'attarderai plus particulièrement à quatre grandes questions: l'harmonisation, l'information et le droit collectif de savoir, les substances toxiques, ainsi que la planification et la prévention de la pollution.

Parlons donc d'harmonisation. Comme la plupart des écologistes, nous ne sommes pas, à Reach for Unbleached, de chauds partisans de l'harmonisation. En effet, selon nous, un gouvernement central fort est essentiel dans le domaine de la protection de l'environnement, y compris dans le rôle de réglementation et d'inspection.

La Colombie-Britannique a signé, en septembre 1994, un accord d'harmonisation concernant l'application des lois fédérales et provinciales à l'épuration des effluents liquides des usines de pâte et papiers. L'accord a pris fin en mars 1996. Nous en avons fait l'évaluation. Nous avons découvert que les renseignements, les critères et les normes n'avaient jamais été élaborés en dépit des engagements pris—par écrit—dans l'accord. Celui-ci a été renouvelé, et on m'a dit—c'est de l'ouï-dire—que les services d'inspection et d'exécution de la loi assurés par le gouvernement de la Colombie-Britannique étaient si insatisfaisants que les représentants fédéraux et provinciaux affectés à ce dossier ciblent réellement des usines par nom, chaque année, pour inspection.

Par contre, la province a argué que les 250 000 $ versés par le gouvernement fédéral en 1995 pour l'exécution des inspections requises par lui étaient insuffisants. En réalité, l'argent est allé dans les recettes générales de la province, de sorte que les bureaux régionaux qui exécutaient les inspections n'en ont jamais vu la couleur. En fait, on leur a demandé de faire plus avec moins.

Pour ma part, sans vouloir offenser les nombreux fonctionnaires régionaux de la province qui sont dévoués—il y en a beaucoup—, j'estime que la présence fédérale sur place aide à garder les distances entre le gouvernement et l'industrie. Les employés du ministère de l'Environnement, tant fédéral que provincial, ont souvent été recrutés dans l'industrie des pâtes et, même si ce n'est pas le cas, ils évoluent dans le même cercle social, dans les petites villes vivant de l'exploitation des ressources. La distance créée par le fait de travailler pour Ottawa aide à préserver des rapports dynamiques entre tous les intervenants. Si j'avais le choix, j'irais même jusqu'à proposer une rotation des employés fédéraux au bout de quelques années, comme on le fait pour les agents de la GRC. Ils ne passent que quelques années au même endroit, puis ils sont affectés ailleurs, de manière à éviter qu'ils ne s'identifient de trop près à la population locale.

Pour ce qui est de l'information et du droit collectif de savoir, le répertoire national ou, peut-être, un autre document probablement publié sur Internet, naturellement, devrait être élargi de manière à inclure tous les résultats connus des suivis. Actuellement, la plupart de ces renseignements ne nous sont pas connus.

Les fonctionnaires des ministères n'ont pas le temps d'afficher les données d'échantillonnage dont on dispose et, parfois, les renseignements sont entrés en mémoire sous des mots de passe, de sorte que le grand public n'y a pas accès sans avoir d'abord eu une autorisation quelconque des fonctionnaires. Par exemple, dans l'évaluation faite par le groupe de travail technique du cycle un, c'est-à-dire le suivi des effets environnementaux des usines de pâtes au Canada, toutes les évaluations sont protégées par un mot de passe. Il faut donc passer par un bureaucrate qui vous donne le mot de passe. Pourquoi nous impose-t-on cette formalité?

Néanmoins, presque tous les renseignements connus qui circulent en Colombie-Britannique sont de source fédérale, y compris le Répertoire national des rejets de polluants et les rapports concernant le suivi de leurs effets sur l'environnement. Si le gouvernement renonce à son rôle crucial de réglementation et qu'il adopte le modèle facultatif de prévention de la pollution qui semble si populaire, l'accès du grand public aux données techniques réelles est le seul véritable outil qui reste pour protéger l'environnement.

• 1435

Quant aux substances toxiques, pour en venir rapidement au point, Reach for Unbleached voit d'un bon oeil la suggestion faite l'an dernier par le comité de l'environnement du Parlement suédois d'agir avec précaution dans le domaine de la réglementation. Si la substance est persistante et biocumulative, il faudrait en bannir le rejet dans l'environnement. L'approche est simple, rapide, claire et, à long terme, bon marché. Bien sûr, vous allez me répondre qu'il faut ensuite s'occuper des perturbateurs du système endocrinien. J'en suis consciente. Cependant, on peut économiser des tas d'argent simplement en se reportant à la définition des substances persistantes et biocumulatives.

Une façon de voir la question est de se rappeler combien il y aurait de DDT et de DDE dans le lait maternel, étant donné tout ce que nous savons au sujet des effets nocifs du DDT et de ses produits de dégradation, si nous n'avions pas décidé de limiter l'utilisation de ces pesticides en raison de leurs effets sur les oiseaux. Vingt ans plus tard, la science commence à mesurer ces effets sur les mammifères, y compris sur les êtres humains. Que serait-il arrivé si nous n'avions rien fait, il y a 20 ans?

Soit dit en passant, le projet de loi C-32 laisse entendre qu'il ne faut prendre des mesures pour protéger l'environnement que si elles sont rentables. Je trouve cela très insultant, particulièrement quand on sait ce qui se fait en Colombie-Britannique. Des milliers de kilomètres de nos zones riveraines ont été contaminés par les dioxines des effluents des usines de pâtes à papier, même en fonction des normes de Santé Canada qui sont mille fois plus souples que les nouvelles normes proposées par l'Organisation mondiale de la santé. En 1989-1990, on commençait tout juste à avoir des données scientifiques sur la dioxine. Toutefois, les usines ont soutenu que le coût de la solution était prohibitif. Bien sûr, nous savons tous maintenant que, lorsqu'une loi les oblige à épurer leurs effluents, elles trouvent le moyen de le faire à un coût raisonnable.

D'ailleurs, parce que le règlement ne s'appliquait qu'aux effluents, en dépit des travaux d'épuration tant vantés, les usines de pâtes à papier de la côte de la Colombie-Britannique continuent de produire un sixième des rejets de la dioxine répertoriés au Canada. Un groupe de travail formé de représentants de l'industrie et du gouvernement étudie ce problème depuis des années, à la recherche d'une solution facultative. La solution simple et réalisable consiste à retirer les billes à pâte de l'eau salée dans les trois semaines, avant qu'elles n'aient pu absorber trop de chlore. Toutefois, ces gars-là ne l'ont pas encore compris.

Pour ce qui est des substances toxiques, l'expérience que nous avons vécue au Canada révèle que la barre à partir de laquelle nous jugeons qu'une substance est toxique est beaucoup trop élevée, sous le régime de la politique actuelle. Toutefois, si après autant de questionnements et de raisonnements tortueux pour en arriver à qualifier une substance de toxique, si après avoir passé par tout cela, le seul résultat est la publication de lignes directrices et l'adoption de plans de prévention et de réduction facultatifs... vous savez, j'en arrive à croire que, quel que soit le genre de définition utilisé, tous ces efforts sont inutiles.

Voilà qui nous amène à la planification et à la réglementation de la prévention de la pollution. Sur papier, la prévention est une excellente idée, fort séduisante. En réalité, si je me fie à ma propre expérience, elle n'a pas donné de résultats concrets.

J'ai fait partie du comité consultatif public sur la planification en vue d'éviter la pollution de l'usine de pâtes d'Elk Falls. Au bout d'environ deux ans de réunions et des tonnes de délicieux sandwichs, mais avant que des changements ne soient apportés dans les usines, la direction de l'entreprise s'est retirée du processus. Auparavant, il était déjà évident que les progrès seraient très lents à réaliser, puisque durant les séances de remue-méninges, lorsqu'il était question des problèmes et de leurs solutions éventuelles, les représentants de l'entreprise répétaient constamment que toute mesure de prévention de la pollution qui exigeait un apport de fonds initial était exclue. Nous en sommes venus au point où même le maire de la ville et le représentant de la chambre de commerce ont adopté notre point de vue. Nous parlions du prétexte no 32: «nous n'en avons pas les moyens».

J'aimerais joindre à mon mémoire ou faire circuler un rapport tiré de notre publication MillWatch, qui analyse une étude intitulée «When Pollution Prevention Meets the Bottom Lines», publiée dans Environmental Science and Technology. Dans cette étude, on révèle que les mesures facultatives de prévention de la pollution n'ont jamais été appliquées, en dépit des économies qu'elles pouvaient faire réaliser à l'entreprise, en raison de priorités du cycle d'investissement. Les auteurs de l'étude concluent que seul un règlement aurait donné suffisamment d'importance aux objectifs de prévention de la pollution pour les faire primer sur d'autres facteurs financiers dont tiennent compte les entreprises.

• 1440

En résumé, bien qu'il renferme des concepts prometteurs, le projet de loi C-32 pourrait aussi devenir du simple verbiage et un pot-pourri d'initiatives sans base concrète et sans efficacité sur le plan de l'environnement. En Colombie-Britannique, nous appelons ce genre de processus un exercice de futilité: on s'assoit à la table et on s'éternise sur le sujet, sans que cessent les pratiques nuisibles à l'environnement.

Que faire? Il faut commencer par mieux délimiter les compétences, accroître le droit de savoir et l'accès à des informations réelles, revenir à un cadre de réglementation sérieux et oublier toutes les mesures indirectes, ces lignes directrices facultatives et l'approche «je me sens bien», toutes ces mesures que, de toute façon, l'industrie prendra de son propre chef, avec l'aide de ses spécialistes des relations publiques.

Voilà qui met fin à mon exposé.

Le vice-président (M. Gar Knutson): Je vous remercie énormément, madame Broten.

Voilà une heure déjà que nous sommes ici. Je me demande s'il n'y aurait pas lieu de faire une pause de cinq minutes. Je vois que M. Casson est d'accord. Nous allons donc suspendre nos travaux pour cinq minutes, après quoi nous passerons aux questions. La séance est censée prendre fin à 17 h 30, bien que nous n'ayons peut-être pas besoin de siéger aussi longtemps. En effet, si nous limitons la pause à cinq minutes, plutôt qu'à 15, nous aurons fini beaucoup plus tôt.

• 1442




• 1450

Le vice-président (M. Gar Knutson): Le premier à poser des questions sera le Parti réformiste, qui dispose de dix minutes, puis le Bloc, enfin, les Libéraux. Monsieur Gilmour, vous avez la parole.

M. Bill Gilmour (Nanaimo—Alberni, Réf.): Je vous souhaite la bienvenue.

Ma première question s'adresse à Julia Langer. Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, mais très brièvement, tout cela m'a ramené en arrière, à cette période où j'ai eu l'honneur d'escorter votre président honoraire, le prince Philip, à travers les forêts de l'Île de Vancouver, il y a quelques années.

Vous pourriez peut-être éclaircir un point de votre exposé. Plusieurs produits qui perturbent le système endocrinien que vous avez mentionné, plus particulièrement le DDT et le 2,4,5-T, tombent déjà sous le coup de la Loi sur les produits antiparasitaires appliquée par Agriculture Canada. Je vous saurais gré de me préciser ce que vous demandez, puisque ces substances relèvent déjà d'autres lois. Que nous demandez-vous de faire dans la LCPE qui n'est pas déjà prévu dans une autre loi?

Mme Julia Langer: C'est le coeur du problème. Il existe toute une gamme de substances chimiques qui ne correspondent pas forcément aux catégories dans lesquelles nous aimerions les classer. Parfois, certaines des substances les mieux connues, comme le DDT, les PCB, le 2,4,5-T, le toxaphène et le mirex, s'avèrent des produits chimiques qui perturbent le système endocrinien. Cependant, ce sont aussi des substances persistantes et biocumulatives. En somme, elles ont plusieurs effets délétères. On en a donc traité, du moins au Canada, dans une loi. La loi particulière ne devrait pas avoir d'importance vraiment. Toutefois, il existe toute une autre série de substances, y compris des produits antiparasitaires, mais aussi des produits chimiques industriels, qui continuent d'être utilisés et qui, selon les analyses en laboratoire et les études écologiques, perturbent le système endocrinien. Il faut trouver un moyen de les assujettir à une loi.

Il faudrait certes que la Loi sur les produits antiparasitaires, qui relève actuellement de Santé Canada, plutôt que d'Agriculture Canada, prévoit un régime analogue et parallèle d'examen préalable, de mise à l'essai et de gestion des substances qui perturbent le système endocrinien. J'aimerais vraiment que votre comité peut-être ait à examiner des modifications projetées à la Loi sur les produits antiparasitaires, modifications qui se font attendre depuis longtemps. Je le sais, car je travaille à cette question.

Cependant, quand il y a chevauchement—dans notre mémoire, nous en donnons un parfait exemple, soit le tributylétain qui, déjà en 1988, figurait sur la liste des substances d'intérêt prioritaire. Il a été évalué sous le régime de la LCPE, mais seulement pour son utilisation en tant que produit antiparasitaire. Les autres grandes utilisations des organo-étains, qui sont classés produits antiparasitaires, n'ont pas été évaluées. On a donc classé ce produit comme étant non toxique. Or, quand c'est un oestrogène, il entraîne la naissance d'intersexués, c'est-à-dire d'animaux hermaphrodites. Il s'agit d'une substance à action oestrogénique. C'est aussi une substance persistante et biocumulative. Pourtant, elle est considérée comme étant non toxique sous le régime de la LCPE parce qu'on en a examiné seulement quelques utilisations, sans voir au reste. Voilà un exemple parfait d'une substance qui échappe au régime en place.

Si vous pouviez recommander que la Loi sur les produits antiparasitaires prévoie le même genre de régime d'examen préalable, de mise à l'essai et de mesures de précaution, ce serait parfait. En l'absence d'un pareil régime, il conviendrait selon moi, lorsqu'une substance connaît des applications à la fois industrielles et antiparasitaires, d'en faire une évaluation globale. Si des mesures de précaution s'imposent, il faudrait alors les prendre, que la substance soit utilisée comme produit antiparasitaire ou pas. Toutefois, j'espère qu'on arrivera à colmater les brèches de la Loi sur les produits antiparasitaires également.

M. Bill Gilmour: Très bien. Je vous remercie.

Ma question suivante s'adresse à Burkhard Mausberg et concerne le droit de poursuivre, dont nous parlions pendant la pause.

• 1455

Cela me trouble un peu lorsque vous dites que tout ce qui risque d'être nuisible devrait être visé par cette loi. Si vous êtes une personne en train de se noyer, le problème, c'est l'eau. Donc de ce strict point de vue, presque tout peut être nuisible.

D'après ce que l'on me dit, il suffit d'un groupe bien financé—prenons GreenPeace, par exemple, sans vouloir en dire du mal, je veux simplement parler d'un groupe bien financé—, s'il n'y avait pas de contrepoids au droit de poursuivre, ce groupe pourrait embourber complètement le processus par les actions en justice.

Les fonctionnaires à Environnement Canada se disent qu'ils sont parvenus à un équilibre, et ce sont là les contorsions que vous réprouvez. L'industrie n'y voit rien de bien de son côté. Elle voudrait bien voir disparaître ces dispositions. Notre comité a aussi de la difficulté à mettre des choses en équilibre. Vous pourriez peut-être me dire si j'ai raison de penser que si le droit de poursuivre n'est pas resserré, quiconque pourra y recourir et il pourrait y avoir des abus. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

M. Burkhard Mausberg: Vous avez abordé bien des sujets. Mes collègues de GreenPeace ne diraient peut-être pas comme vous qu'ils sont bien financés. Depuis quatre ou cinq ans, les dons aux groupes environnementaux ont périclité, si bien qu'ils pourraient contester ce que vous dites. Je sais toutefois où vous voulez en venir.

Premièrement, le fait de prétendre que tout est nuisible. Je n'ai peut-être pas été assez clair. Je disais qu'aux termes de la loi actuelle, il n'est possible d'avoir recours aux tribunaux que dans les cas d'atteintes importantes à l'environnement. Donc il faut qu'il y ait infraction à la loi, et il faut pouvoir démontrer que l'atteinte est appréciable. Je dis que la loi devrait permettre d'avoir recours aux tribunaux dès qu'il y a infraction, quelle que soit l'atteinte.

Permettez-moi de prendre le vol comme analogie. Que je vous vole un million de dollars ou dix dollars, la situation est la même; je vous ai volé. J'ai pris quelque chose qui ne m'appartient pas. La société décrète que je ne dois pas voler. Que ce soit dix dollars ou un million de dollars, il ne faut pas le faire. Si quelqu'un viole la loi, c'est la même chose. Cette personne enfreint des normes de protection de la santé humaine et de l'environnement que nous en tant que société avons convenu d'établir.

Voilà ce que j'ai à dire à ce sujet. C'était la première partie.

La deuxième partie concerne la réserve que l'on pourrait faire si la gravité de l'atteinte n'entre pas en ligne de compte. Où est la ligne de démarcation? Si je vous vole dix dollars, allez-vous me pardonner? Si je vous vole 100 $, seriez-vous prêt à me pardonner? C'est la même chose dans l'autre situation. Si le résultat de mes gestes est la destruction de cinq milles de plage en Nouvelle-Écosse parce que les dispositions sur l'immersion en mer ont été violées, est-ce là une atteinte suffisamment grave ou non? Si je rejette cinq kilogrammes de ce produit, l'hexaméthylphosphore, ou peu importe ce qu'on l'appelle, ou deux kilogrammes... Où trouve-t-on une définition de ce que la loi actuelle appelle un danger appréciable? Je ne sais pas ce qu'on l'entend par appréciable.

Sans doute que beaucoup dépend aussi du récepteur. Comme Julia l'a fait remarquer, un millionième de gramme d'un perturbateur du système hormonal peut être une quantité appréciable à un certain stade de développement, mais dans mon cas, je peux en manger pour déjeuner; cela n'a guère d'importance parce que je suis un adulte.

Donc ce que l'on entend concrètement par appréciable devient très difficile à définir.

Il y a une autre chose que vous avez mentionnée et qui revient souvent, l'équilibre. Je vous dirais, monsieur, que le système actuel présente déjà en soi un déséquilibre. Je veux dire par là que si je veux avoir recours aux tribunaux, moi-même, ou vous-même ou quelqu'un d'autre dans votre circonscription, le déséquilibre existe déjà parce qu'il faut se faire représenter par un avocat. Si je veux avoir accès au système, je dois payer des frais. Le recours au système me place tout de suite dans une situation de désavantage parce que je dois débourser. C'est aussi simple que cela. Donc, selon que l'équilibre est bon ou mauvais, on peut maintenir qu'il y a déjà déséquilibre parce que je suis obligé de débourser d'importantes quantités d'argent pour avoir accès au système.

• 1500

Quoi qu'il en soit, si l'on prend d'autres lois au Canada et aux États-Unis où ces types de droits sont codifiés, sans toutefois faire l'objet d'autant de restrictions que dans ce cas-ci, et je pense par exemple au droit de poursuivre enchâssé dans la Déclaration des droits de l'environnement de l'Ontario, qui s'applique à toutes les lois, ce qui est vraiment important... La situation est tout autre. En Ontario, j'ai le droit de poursuivre en justice quel que soit le dossier environnemental. Le droit énoncé ici ne vise que la LCPE.

Si je vous demande combien de poursuites ont été intentées depuis l'entrée en vigueur de cette loi il y a cinq ans, vous verrez qu'il y en a eu deux. On ne peut pas vraiment parler de déséquilibre. Au Michigan, on a adopté une loi semblable permettant aux entreprises, du jour au lendemain, d'avoir recours aux tribunaux moyennant certains frais, et la même chose s'est produite. Il y a eu très peu d'actions en justice. Soyons réalistes. Le simple fait d'avoir le droit d'intenter des actions en justice ne signifie pas que c'est ce que l'on fera, parce que les coûts sont énormes.

Le vice-président (M. Gar Knutson): Avez-vous une question supplémentaire?

M. Bill Gilmour: Je comprends ce que vous dites. C'est sans doute la raison pour laquelle la loi actuelle prévoit que le ministre jouera un rôle d'arbitre, pour déterminer ce que l'on entend par appréciable. Vous avez parlé de cinq milles de plage. Il faut pouvoir décider à un moment donné qu'il faut intervenir.

Là encore, vous n'avez pas vraiment répondu à ma question concernant des actions frivoles intentées en visant d'autres fins. Par exemple, l'affaire de la chouette tachetée dans la région de la côte nord-ouest du Pacifique n'avait pas grand-chose à voir avec la chouette tachetée et avait tout à faire avec la cessation des activités d'exploitation forestière. Se servir de cette législation... S'il était trop facile de l'invoquer, elle pourrait servir à des choses qui n'ont rien à voir avec les produits chimiques toxiques et à poursuivre d'autres fins. Équilibre n'est peut-être pas le mot qui convient, mais il faut trouver un juste milieu pour que les pollueurs cessent de polluer et pour leur imposer des amendes, sans toutefois ouvrir toute grande la porte pour que les gens puissent se servir de cette loi à d'autres fins.

M. Burkhard Mausberg: Je suis désolé, je n'avais pas répondu à cela. C'est à cette question que je voulais en venir lorsque j'ai évoqué à titre de comparaison la Déclaration des droits de l'environnement de l'Ontario et la loi du Michigan, en disant que les critères, si je peux employer ce terme, qui sont fixés dans ces lois pour les actions des citoyens en protection de l'environnement sont beaucoup moins exigeants que ce que contient le présent projet de loi. Et il n'y a pas eu de ruée vers les tribunaux. Dans le cas de la Déclaration des droits de l'environnement de l'Ontario, il est beaucoup plus facile d'avoir recours aux tribunaux parce que cette mesure ne contient pas les restrictions que l'on voit ici, et c'est la même chose au Michigan. Le recours aux tribunaux ne peut se faire que dans quelques cas bien précis.

D'après ce que l'on peut voir dans le cas d'autres lois, il n'y aura pas cette ruée dont vous parlez.

M. Bill Gilmour: Je vous remercie.

Le vice-président (M. Gar Knutson): Madame Girard-Bujold.

[Français]

Mme Jocelyne Girard-Bujold (Jonquière, BQ): Mesdames et messieurs, je vous remercie beaucoup des exposés que vous êtes venus nous faire. Je suis vraiment très impressionnée par la qualité de vos mémoires.

Je suis toute nouvelle au Comité permanent de l'environnement et du développement durable. C'est la première séance à laquelle je siège et c'est avec beaucoup d'intérêt que je vais donner suite à tout ce que vous avez dit. J'aurai donc beaucoup de sujets à approfondir au cours des prochains jours.

Je constate que, pour la plupart, vous abordez surtout les parties 4 et 5 du projet de loi. Monsieur Gingras, madame Langer et madame Breton, vous dites que c'est tout pour la galerie. Vous espérez que ce projet de loi ne sera pas que pour la galerie.

M. Gingras disait qu'il y a des plans de prévention de la pollution, mais que cela est très faible dans le projet de loi. Il dit aussi que les mesures d'application sont très faibles. Pour ce qui est du rejet des déchets, Mme Langer nous parle des produits toxiques. En tout cas, chacun d'entre vous a parlé de bien des choses. J'aimerais que vous me disiez ce qu'on pourrait faire pour que tout ce que vous nous dites permette de bonifier ce projet de loi. M. Gallon dit aussi qu'il y a de moins en moins d'argent au ministère de l'Environnement pour appliquer la loi.

• 1505

Donc, de plus en plus, il va falloir s'atteler à la tâche. Vous disiez également que les Américains faisaient de bonnes choses. Il faudrait quasiment s'harmoniser avec eux.

M. Gingras disait également qu'il y avait des choses qui se faisaient aux États-Unis, choses qu'on devrait appliquer en ce qui a trait aux entreprises polluantes. Il ne faudrait pas juste les condamner. Il faudrait que ces condamnations servent à créer un fonds pour leur permettre d'avancer vers ce à quoi on tend tous aujourd'hui, à savoir qu'il n'y ait plus de pollution.

Donc, j'aimerais que l'un ou l'une d'entre vous m'explique ce qu'on pourrait faire de plus pour faire avancer le dossier. Merci.

[Traduction]

M. Gary Gallon: La meilleure façon de faire avancer le dossier consiste à travailler avec le cabinet et le ministre de l'Environnement afin de mettre en oeuvre les dispositions de cette mesure. La LCPE actuelle est une bonne loi, mais elle contient beaucoup de choses qui ne sont pas mises en vigueur. La nouvelle LCPE est une bonne loi, et nous y avons proposé des modifications aujourd'hui. Toutefois, il est inutile d'apporter des changements s'il n'y aura pas de mise en oeuvre.

Puis il y a toute la question de l'efficience de la mise en oeuvre. Nous avons formulé plusieurs recommandations dans ce document, et il vaut la peine de les répéter. Ce sont des recommandations que nous avons présentées dans d'autres tribunes.

Il est question dans la loi de publier les noms des contrevenants. Publiez les noms de ceux qui se conforment et aussi de ceux qui ne se conforment pas aux initiatives volontaires. Établissez dans le Globe and Mail ainsi que dans les quotidiens de Montréal une liste indiquant ceux qui se conforment au programme ARET, et publiez aussi les noms de ceux qui ne s'y conforment pas. C'est ce que nous avons recommandé à plusieurs reprises. Cela ne coûte pas cher, cela est facile. Ce ne sont pas des mesures d'application où l'on va cogner à la porte de l'usine, mais elles sont efficaces. Elles créent de l'embarras pour les entreprises. On n'a jamais pris de telles mesures dans le cas des initiatives volontaires. Il est temps de le faire.

L'autre point concerne l'inventaire national des rejets polluants. La liste comprend 176 contaminants. C'est moins du tiers de l'inventaire américain de rejets toxiques, qui comprend 600 substances. Aux États-Unis, en Suède et en Allemagne, on s'est occupé des 400 à 600 substances qui figurent dans la liste de ces pays. Plutôt que de dépenser à essayer de réinventer la roue ou d'établir la toxicité des substances de notre liste, adoptez la science qui a déjà été mise au point dans ces pays de l'OCDE. Ce sont des méthodes efficientes. Procéder ainsi est une méthode efficace de protection de l'environnement, et c'est pourquoi il y a de la résistance de la part de ceux qui sont visés. C'est ce que j'ai constaté dans chaque tribune où j'ai participé et où Environnement Canada était l'hôte.

Voilà pourquoi il est important selon moi que ce comité aide à assurer la mise en oeuvre de tout ce dont on pourra convenir dans la nouvelle LCPE.

Le vice-président (M. Gar Knutson): Des commentaires?

[Français]

M. Stéphane Gingras: Pour ce qui est de la prévention de la pollution, si on regarde la documentation dans le domaine de la prévention de la pollution, on s'aperçoit que la résistance à l'implantation de plans de prévention de la pollution vient des entreprises elles-mêmes. Il y a la structure de l'entreprise, les problèmes d'organisation, la volonté d'investissement en environnement. Elles disent toujours que l'environnement, cela coûte cher.

Cela a déjà été démontré par des études qui ont été faites par différentes agences, ce qui nous fait penser que les entreprises ne bougeront pas volontairement en matière de prévention de la pollution. Cela va se faire seulement s'il y a un cadre gouvernemental qui est appliqué aux entreprises pour permettre la mise en place de plans de prévention de la pollution. Si aucun cadre gouvernemental n'est appliqué aux entreprises, cela ne se fera pas.

Donc, comme société, on doit prendre une décision. Est-ce qu'on veut aller dans la direction de la prévention de la pollution? Je pense que oui. À ce moment-là, il faut un cadre gouvernemental. Cela veut dire qu'il faut mandater les entreprises de produire des plans de prévention de la pollution avec des échéanciers clairs et imposer des pénalités aux entreprises qui ne joueront pas franc jeu.

• 1510

Les entreprises qui ne jouent pas franc jeu ont un avantage. Ce cadre-là est absent du présent projet de loi et je pense qu'il faudrait réviser cette partie du projet de loi. Sinon, cela devient seulement des voeux pieux. On veut la prévention de la pollution sur une base volontaire, mais on sait très bien que cela ne fonctionnera pas. Les entreprises ne se lanceront pas en prévention de la pollution s'il n'y a pas un cadre ou s'il n'y a pas quelqu'un qui les pousse à aller dans cette direction-là.

[Traduction]

Le vice-président (M. Gar Knutson): Madame Langer.

Mme Julia Langer: Je voulais inscrire tout cela dans un cadre d'action. En 1988, au moment de l'adoption de la LCPE—et je m'en tiendrai encore une fois aux perturbateurs du système endocrinien—, les textes ne parlaient même pas de la perturbation du système endocrinien ou du système hormonal. Les expressions n'existaient même pas. Ce sont des percées de la science qui se sont produites très rapidement et une quantité incroyable de ressources ont été consacrées à cette question depuis 1990.

C'est ainsi qu'une occasion se présente à nous. C'est une occasion à saisir, maintenant que la LCPE fait l'objet d'un examen et de modifications, pour aller de l'avant en appliquant un nouveau concept, en se fondant sur quelque chose que le milieu scientifique a confirmé comme étant une hypothèse dont on a fait la preuve. Il s'agit donc de prendre cette hypothèse confirmée et de l'opérationnaliser pour les organismes de réglementation, pour les décideurs et pour le public. La méthode sans frais de faire avancer ce dossier consiste à laisser tomber toute l'idée de preuve à 100 p. 100, de laisser tomber la méthode courante d'analyse des risques que nous avons utilisée jusqu'ici et qui part de concentrations élevées pour extrapoler jusqu'à des concentrations faibles afin de fixer des concentrations censées ne pas avoir d'effets, mais nous savons que ces calculs ne tiennent pas dans le cas des perturbateurs du système endocrinien.

Il s'agit donc de nouvelles méthodes. Il n'est pas question de nouveaux crédits à consentir. Ce sont de nouvelles approches. Il faut s'ouvrir au principe de prudence et être prêts à intervenir selon ce principe, plutôt que d'exiger chaque fois des preuves absolues et irréfutables à 100 p. 100. C'est une nouvelle façon de procéder, et il ne faut pas y voir nécessairement un nouveau programme ou un nouveau ministère ou une nouvelle direction. C'est ce qu'il faut énoncer clairement dans la loi pour que ces méthodes deviennent la façon de procéder pour les différents ministères.

Des fonctionnaires d'Environnement Canada ont dit—j'ai participé à des tables rondes avec eux—qu'il y a suffisamment de preuves dans la nature pour justifier des interventions. Pourtant, nous n'en voyons pas. Selon moi, il faut également intégrer à cette loi un mécanisme de protection de l'environnement et de la santé nous permettant de travailler ensemble pour qu'il ne soit pas question de troquer la santé de la vie animale pour la santé de la vie humaine, ce qui nous amènerait à une paralysie. Il s'agit en fait de méthodes et de modes de pensée et de moyens d'application, plutôt que de programmes ou de budgets ou de quoi que ce soit.

Selon moi, c'est là la principale source d'exaspération. Ce ne devrait pas être une chose qui nous exaspère trop, parce que ce n'est que depuis dix ans que nous avons affaire à ces choses. Toutefois, si nous n'en tenons pas compte dans la présente série de modifications, je pense que nous aurons raté une occasion.

Je représente un organisme de protection de la nature et c'est un domaine où les répercussions sur la vie animale et végétale que nous observons dans le milieu aquatique, chez les oiseaux et chez les mammifères doivent nous donner une indication de ce qui nous attend.

En guise de conclusion, j'aimerais vous citer un scientifique américain qui s'intéresse aux alligators. Voici ce qu'il avait à dire: Les gens se plaisent à penser qu'ils sont différents des autres animaux et nous nous plaisons certainement à penser que nous sommes différents des insectes, mais au niveau cellulaire, nous sommes tous fondamentalement pareils.

Donc lorsqu'il est question des produits chimiques de cette nature, nous devons élargir considérablement nos horizons, pour voir la vie animale et végétale, pour voir qui nous sommes, pour voir ce qui nous attend et pour agir selon le principe de la prudence, car autrement c'est une occasion que nous aurons perdue, et les conséquences sont assez graves.

Le vice-président (M. Gar Knutson): Madame Broten, et je vous prierais d'être brève.

Mme Dolores Broten: C'est ce que je ferai.

Dans la même veine que les observations de Julia, j'aimerais signaler qu'un nouveau test a été mis au point à l'Université de Guelph, permettant d'examiner dans une journée environ 70 produits chimiques et de déterminer s'ils causent des dommages à l'ADN. Il s'agit donc de placer tout de suite comme ça en première ligne certains de ces grands filtres—la persistance, la bioaccumulation, le dommage à l'ADN, la perturbation du système endocrinien—, puis le problème cesse d'être dans votre camp. Il appartient maintenant aux personnes qui veulent fabriquer un produit de trouver un autre processus.

• 1515

L'autre chose qui est d'une importance capitale selon moi est le fait que tous nos gouvernements sont tellement empêtrés dans un programme de bien-être non social que le seul autre moyen de défense à notre disposition est l'information communautaire, parce que nous en sommes au point où, si le gouvernement refuse de faire son travail, nous devons mettre les renseignements à la disposition des gens et voir où tout cela mènera. Voilà ce qui nous attend, et ce jour n'est pas loin.

Le vice-président (M. Gar Knutson): Merci beaucoup.

L'intervenant suivant est M. Pratt.

M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.

À l'instar de mes collègues d'en face, je tiens à vous remercier de vos exposés cet après-midi. Ils ont été extrêmement intéressants. Le comité y a certainement trouvé matière à réflexion.

Madame Broten, vous avez dit quelque chose en rapport avec votre exposé qui m'a frappé. Il était question d'harmonisation—je demande votre indulgence, monsieur le président, car c'est un peu à côté du sujet—et vous avez dit qu'en fait l'argent aboutissait dans les coffres de la province. Vous parliez des 250 000 $ que le gouvernement fédéral a versés au gouvernement provincial de la Colombie-Britannique pour faire effectuer les inspections selon les exigences du gouvernement fédéral. Vous avez dit qu'en fait l'argent aboutissait dans les coffres de la province et que les bureaux régionaux chargés de ces tâches n'en voyaient jamais la couleur. L'avez-vous entendu dire, ou pouvez-vous nous présenter des faits concrets qui démontrent que c'est bel et bien ce qui se produit?

Mme Dolores Broten: Je suis allée examiner les budgets; les budgets des bureaux régionaux, les budgets de tout le monde, ont été réduits. Donc l'argent ne s'est jamais rendu à destination. Entre temps, le travail du bureau régional a augmenté d'un tiers parce qu'il devait administrer les règlements fédéraux. Donc, oui, j'ai les faits qui le prouvent.

M. David Pratt: Très bien.

Mme Dolores Broten: N'est-ce pas ce qui se produit dans le cas d'un grand nombre des paiements de transfert fédéraux? Ils disparaissent tout simplement?

M. David Pratt: Nous aimons penser que ce n'est pas le cas.

Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Ne le lancez pas dans ce débat.

M. David Pratt: Je doute que nous puissions épuiser ce sujet cet après-midi.

Mme Dolores Broten: Il y a moyen de l'éviter, mais je ne sais pas comment empêcher un gouvernement provincial de réduire son propre budget, le budget qu'il affecte à son ministère de l'Environnement, même s'il s'agit d'une réduction égale à la somme que le gouvernement fédéral verse. Ceux qui doivent faire le travail n'en verront toujours pas la couleur.

M. David Pratt: Je vous remercie de porter ce point à notre attention.

Mme Dolores Broten: Je vous remercie d'en avoir pris note.

Le vice-président (M. Gar Knutson): Monsieur Laliberte, suivi de Mme Kraft Sloan.

M. Rick Laliberte (Rivière Churchill, NPD): Je vous remercie, monsieur le président.

Lorsqu'il est question de la liste des substances d'intérêt prioritaire et de la collaboration qu'elle exige et des évaluations qui doivent être effectuées par Environnement Canada et le ministère de la Santé, vu cette vision de l'harmonisation que l'on préconise à l'échelle internationale, comment pouvons-nous corriger le tir? Vous dites que le Canada pourrait se retrouver à nouveau à la tête de la protection de l'environnement dans le monde, mais si la LCPE est adoptée, il semble qu'elle deviendra désuète le jour même de son entrée en vigueur. Nous aurions affaire à quelque chose dont il aurait fallu s'occuper pendant tout le prochain millénaire, plutôt que pendant la révolution industrielle, où tout a commencé.

L'autre point est le suivant. Lorsqu'il est question du principe de prudence, les deux principaux points que vous utilisez je crois pour aiguillonner le comité, à part le manque de ressources, les problèmes d'harmonisation, les problèmes d'efficience, les mesures volontaires—toutes des questions cauchemardesques—, mais ce qui nous réjouit est le fait que vous voulez faire de la prévention de la pollution, en la portant aux nues, une partie importante de la LCPE, de même que le principe de la prudence. Si vous braquez deux projecteurs là-dessus, il semble d'après vous tous que ce sont là les aspects primordiaux de la LCPE sur lesquels nous devrions travailler. Que faire pour y parvenir? Voilà ma question. Qu'attendez-vous de nous pour que tout cela se retrouve dans la loi?

Mme Julia Langer: D'autres voudront peut-être parler de la prévention de la pollution parce qu'ils ont travaillé à la préparation de définitions. Je vais m'attaquer au principe de la prudence.

• 1520

J'ai essayé dans notre mémoire de décrire les étapes pour qu'elles soient bien concrètes, utilisables. Nous avons tiré quelques leçons du travail de la Commission mixte internationale.

Par exemple, j'ai dressé la liste expresse d'une série de critères qui nous permettrait de demander s'il y a suffisamment de preuves pour placer une substance sur la liste prioritaire, pas seulement un processus ad hoc, mais des critères. Et quelles sont les conséquences de la présence de cette substance dans l'environnement, pour nos corps, la faune, etc., qui exigeraient qu'on prenne certaines mesures, par prudence? Certains de ces critères sont que les effets soient irréversibles, graves, que la substance cause une altération des fonctions métabolique ou de défense du corps; qu'un effet transgénérationnel soit probable.

Si l'on réunit tout cela, on finit par avoir plutôt... Il s'agit presque d'une piste d'action, plutôt que de dire: «L'industrie va-t-elle faire ceci ou cela?» ou «Est-ce rentable?». Cela vous guide d'une façon beaucoup plus explicite et c'est ce que l'on cherche dans une loi moderne. Si nous ne faisons pas cela, nous traînons loin derrière parce que l'Union européenne prend des mesures de cet ordre. En vertu de la convention OSPAR toute une série de pays européens enchâssent le principe des mesures de prudence dans leurs lois.

Voilà donc l'axe de nos amendements proposés: il s'agit de modifier la définition de la toxicité, de modifier le processus de sélection des substances prioritaires et d'indiquer de façon claire dans la loi quand il est nécessaire de prendre des précautions.

M. Gary Gallon: J'ajouterai qu'il y a des choses simples qu'on peut faire en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement actuelle ou la nouvelle LCPE en ce qui a trait à la prévention de la pollution.

L'inventaire américain des rejets de substances toxiques exige que les sociétés américaines rendent des comptes en ce qui a trait à la prévention de la pollution. Ce n'est pas le cas au Canada. Environnement Canada a tenu une série d'ateliers pour mettre au point les exigences de rapport en ce qui a trait à la prévention de la pollution en vertu de l'INRP. J'étais présent à ces ateliers, qui ont suscité une vive résistance, et Environnement Canada a laissé tomber.

Il serait simple d'aller de l'avant, puisqu'il s'agit des mêmes sociétés, que ce soit la General Motors, ou Celanese Canada... On le fait déjà aux États-Unis; c'est très simple de leur imposer les mêmes exigences ici. Ils ont les mêmes mécanismes informatisés pour la préparation de rapports à leurs sièges sociaux aux États-Unis. Ils peuvent certainement préparer de tels rapports pour le Canada.

L'inventaire national sur le rejet des substances toxiques a montré qu'en 1995-1996 il y a eu une baisse de 14,9 p. 100 de la pollution au Canada, pour les 176 substances polluantes. Mais la réalité c'est que la moitié de cette baisse était due à la fermeture d'une mine à la fin de sa vie utile de 20 ans, la BHP Island Copper Mine sur l'île de Vancouver... Incidemment, nous avions fait des évaluations environnementales sur cette mine en 1971 quand j'étais associé à la société SPEC. Quand on a fermé cette mine, à la fin de sa vie utile, cela a réduit de moitié toutes ces émissions dont on faisait rapport ici au Canada. Ainsi, la réduction réelle n'était que de 8 p. 100, et non pas de 14,9 p. 100. Et pour l'Alberta, la baisse n'était que de 2,2 p. 100. Nous devons donc prendre quelques mesures dans l'immédiat si nous voulons élargir notre processus de réduction de la pollution environnementale au Canada.

M. Burkhard Mausberg: Vous avez demandé ce que le comité pouvait faire pour inclure la prévention de la pollution dans la LCPE. Il y a quatre façons faciles d'y arriver, bien qu'elles soient quelque peu dramatiques.

Premièrement, vous pouvez interdire les produits chimiques. L'interdiction d'un produit chimique est la mesure ultime de prévention. Impossible d'aller plus loin. Si vous ne permettez pas la pulvérisation du DDT ou la fabrication des BPC, vous avez là l'interdiction ultime.

Deuxièmement, vous pouvez exiger qu'on réduise l'utilisation de certains produits chimiques. Vous pouvez stipuler très clairement que tel ou tel produit chimique ne sera pas utilisé pour... je ne sais pas... décaper les avions, par exemple. Vous pouvez exiger de façon très précise qu'on réduise l'utilisation de certains produits, et vous pouvez le faire en imposant, par exemple, des limites à l'importation.

• 1525

La troisième mesure très directe que vous pouvez prendre, et qui a été efficace aux États-Unis, est de planifier la prévention de la pollution. Vous exigez que les gens s'assoient, qu'ils examinent leurs processus, leurs produits, leurs matières premières, qu'ils réfléchissent à la prévention et mettent au point un plan pour la mettre en oeuvre. C'est une approche un peu lourde à certains égards, mais elle est simple. Si vous planifiez à l'avance vous pouvez réduire la pollution. C'est comme la planification financière: si vous vous assoyez pour réfléchir à la façon dont vous allez dépenser votre argent, vous vous en porterez beaucoup mieux.

La dernière mesure serait de permettre d'intenter des poursuites pour prévenir certaines activités imminentes—c'est-à-dire, si quelqu'un va polluer—si vous me permettez d'intenter des poursuites avant que cela ne se produise, je pense que cela aussi contribuerait à la prévention.

[Français]

M. Stéphane Gingras: J'aurais un petit commentaire quant à l'ajout de substances à la liste prioritaire. Comment se fait-il qu'au Canada, on ait un nombre limité de substances toxiques en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement? Les pays avec qui on fait le commerce, les pays de l'OCDE, ont des listes beaucoup plus longues que les nôtres dans le domaine des substances toxiques.

Ici, au Canada, on pourrait faire une chose très simple. Il s'agirait d'importer ces listes et de déclarer toutes ces substances toxiques. Comment se fait-il qu'une substance qui n'est pas toxique au Canada l'est en France, en Angleterre ou au Danemark? Cela soulève toute la question de la façon dont on détermine la toxicité d'une substance au Canada. C'est un processus extrêmement long et extrêmement lourd.

Il s'agirait tout simplement de copier la liste de certains pays de l'OCDE. Ce serait un processus tout aussi valable parce que, de toute façon, les pays avec qui on fait le commerce ont déclaré ces substances toxiques.

[Traduction]

M. Rick Laliberte: Je voulais donner suite à ce que vous avez mentionné, c'est-à-dire la recommandation numéro 8, la création d'un fonds. Y a-t-il des exemples de lois ailleurs dans les pays de l'OCDE où l'on aurait créé des fonds pour nettoyer les sites contaminés? Y a-t-il des formules qui existent? Par exemple, cet été j'ai vu les étangs bitumineux de Sydney, qui provoquent des effets radicaux dans la collectivité environnante. Qu'allons-nous faire à cet égard, et que ferons-nous à l'avenir si ce genre de chose devait se reproduire?

[Français]

M. Stéphane Gingras: Pour ce qui est des sites contaminés actuellement au Canada, c'est sûr qu'on fait face à un problème parce qu'il s'agit d'une contamination passée et qu'il est donc parfois difficile de retracer la compagnie responsable et de la faire payer. On l'a vu dans le dossier de l'Irving Whale. La compagnie Irving refuse de payer les 40 millions de dollars nécessaires pour soulever sa barge du fond du fleuve Saint-Laurent.

Je pense qu'il faut travailler en fonction de l'avenir. Il faut permettre à Environnement Canada de taxer les activités nuisibles à l'environnement. Il faut également que cet argent-là n'aille pas dans le Fonds consolidé du gouvernement, mais plutôt dans des fonds consacrés à des activités spécifiques de décontamination, une fois les activités de la compagnie terminées.

On n'a qu'à penser, par exemple, à l'industrie minière. Il faudrait absolument que l'industrie minière soit obligée d'investir dans des fonds de décontamination des lieux à la suite de son travail. Il faudrait que cet argent servent réellement à la réhabilitation des sites contaminés. Je pense que c'est à cela qu'il faut travailler. Il faut avoir une vision axée sur l'avenir.

Pour ce qui est du passé, c'est un peu plus difficile. Comme je le disais, dans certains cas, on ne peut pas poursuivre les compagnies responsables de la contamination du passé. Idéalement, on devrait retracer les compagnies responsables, les poursuivre et les faire payer, parce que ce sont les Canadiens et les Canadiennes qui vont payer la décontamination et qui payent les soins de santé des gens qui ont été exposés aux substances qui sont envoyées dans l'environnement à cause du site contaminé.

• 1530

Il y a aussi du travail à faire de ce côté-là, mais je pense que, d'un point de vue plus constructif et positif, il faut regarder vers l'avenir et essayer de travailler aux problèmes de contamination futurs et d'instaurer les systèmes qui permettront à Environnement Canada de travailler dans cette direction-là.

[Traduction]

Le vice-président (M. Gar Knutson): Madame Broten, et ensuite madame Kraft Sloan.

Mme Dolores Broten: Vous pourriez imposer des droits comme on le fait dans une certaine mesure en Colombie-Britannique pour les usines de pâtes et papier... Vous devez payer une certaine somme en proportion des substances toxiques que vous émettez, et cette somme augmente annuellement. Ainsi, on vous encourage à planifier la prévention de la pollution, parce que cela finit par être très, très coûteux d'émettre cette substance. Cela semble fonctionner pour les usines de pâtes et papiers. Les responsables sont très pressés de réduire leurs émissions parce qu'ils finissent par payer un demi-million de dollars, si ce n'est un million de dollars. Ça fait mal.

Et c'est le ministère de l'Environnement, en principe, qui devrait recevoir cet argent, qui ne devrait pas être versé aux recettes générales.

Le vice-président (M. Gar Knutson): Madame Kraft Sloan.

Mme Karen Kraft Sloan (York-Nord, Lib.): La plupart des représentants de comités de l'industrie qui ont comparu devant notre comité se sont dits raisonnablement satisfaits du processus de consultation qui a précédé l'élaboration de la nouvelle LCPE. Je fais allusion à des consultations qui ont eu lieu à l'extérieur, outre les exposés soumis au comité, et il s'agit donc de contacts directs avec les fonctionnaires d'Environnement Canada. Ces témoins aimeraient que cette loi soit traitée rapidement par le comité.

Par contre, les témoins qui représentent les milieux de la santé, les syndicats, les groupes environnementaux, les associations de droit environnemental, ont de très sérieuses réserves à l'égard de cette loi. Je me demande comment vous et votre organisation avez vécu ce processus de consultation à l'extérieur de ce comité. Quel type de consultations avez-vous eues avec les fonctionnaires d'Environnement Canada, et dans quelle mesure avez-vous été consultés?

M. Gary Gallon: L'Institut canadien du commerce et de l'environnement n'a pas été consulté sur la LCPE lors de cette dernière ronde de discussions à propos du projet de loi C-32.

Mme Julia Langer: Je pense qu'il n'y a pas eu de consultations depuis longtemps. Un groupe de gens de chez nous a rencontré le ministre il y a environ un an, en décembre dernier, pour lui dire que beaucoup de choses méritaient une attention sérieuse et ne fonctionnaient pas et peut-être y avait-il lieu de prévoir certaines consultations ciblées, car nous ne sommes pas nécessairement au diapason de l'industrie, et nous pensions qu'il était nécessaire qu'on nous fournisse l'occasion de participer à ce genre de consultations pour qu'on puisse en parler. Mais rien ne s'est passé depuis.

Mme Karen Kraft Sloan: D'autres commentaires?

[Français]

M. Stéphane Gingras: Je peux dire qu'on n'a pas du tout eu l'impression d'avoir l'oreille du gouvernement dans ce dossier-là. On a plutôt eu l'impression que c'était l'industrie qui avait l'oreille du gouvernement. C'était très difficile. J'ai tenté à plusieurs reprises de rencontrer la ministre pour discuter du dossier du processus d'option stratégique qui est directement lié à l'application de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, mais cela n'a pas été possible. Donc, généralement, on a l'impression de ne pas avoir eu du tout l'oreille du gouvernement pour ce qui est de ce projet de loi.

[Traduction]

M. Burkhard Mausberg: Très rapidement, j'ai eu très peu de contacts avec les fonctionnaires des ministères fédéraux ou provinciaux à cet égard, mais auparavant, jusqu'à il y a environ un an... Avant cela nous avions de bons rapports et de bonnes consultations avec le bureau de la LCPE, en tant que groupes écologiques.

Si la consultation a fait défaut, je pense que c'était avec les divers ministères du gouvernement; c'est-à-dire, les ministères tels le ministère des Ressources naturelles ou Industrie Canada, et dans une certaine mesure le ministère de la Santé, ainsi que le ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire. L'impression immédiate que nous avions était que les environnementalistes pouvaient s'adresser à Environnement Canada et les représentants de l'industrie pouvaient s'adresser aux ministères de l'Industrie et des Ressources naturelles, etc. Il y avait très peu d'interaction avec les autres ministères du gouvernement.

Mme Karen Kraft Sloan: Merci.

• 1535

Ma question s'adresse à Mme Julia Langer du Fonds mondial pour la nature.

Vous avez dit que notre génération était la génération la plus exposée aux perturbateurs endocriniens et vous avez préparé un mémoire très conséquent—c'est d'ailleurs votre cas à tous et à toutes, et je dois vraiment vous féliciter de ce que vous avez préparé à l'intention du comité, car je sais que vos ressources sont très limitées. Je me demande si vous pourriez nous dresser la liste des effets des perturbateurs endocriniens sur la capacité humaine. Si vous pouviez nous donner cette information cela serait très utile. Je sais que vous en avez parlé un petit peu et que vous nous avez présenté des diapositives mais la réalité c'est que c'est un domaine émergent. On a fait beaucoup de recherches importantes au cours des dix dernières années environ dans ce domaine, comme vous l'avez dit, mais nous ne sommes pas tous aussi au courant que nous devrions l'être et certains de ces effets sont énormes. Si vous pourriez passer cela en revue, cela serait utile.

Mme Julia Langer: Je vais essayer de le faire brièvement. Il y a un ou deux principes à propos de la perturbation de la fonction endocrine qu'il faut garder à l'esprit, que j'ai tenté d'inclure dans notre mémoire, parce que cela modifie la façon dont on voit ce genre de produits chimiques.

Premièrement, il s'agit d'effets transgénérationnels. Ainsi, un adulte exposé à tel ou tel produit chimique qui peut avoir un effet oestrogénique ou anti-oestrogénique ne sera peut-être pas affecté; mais si j'étais enceinte, l'embryon, le foetus en développement pourrait l'être. Et cela s'applique aussi aux animaux. Il faut donc penser aux effets sur l'organisme en développement, et pas nécessairement aux effets directs sur l'adulte qui est exposé au produit en question.

L'autre facteur dont il faut tenir compte, c'est que des doses très minimes de ces substances peuvent provoquer des effets. Pour les hormones qui agissent dans nos corps, on parle de trillions de grammes—de parties par trillion—et ainsi, la présence d'une substance à telle ou telle concentration peut ne pas provoquer le cancer ou d'autres effets graves directs mais peut avoir des effets sur le système hormonal.

Il y a ensuite les stratégies biochimiques que nous avons en commun avec d'autres espèces vivantes que j'ai mentionnées. Nous sommes très semblables, insectes, alligators, grenouilles, êtres humains—et les effets que provoquent ces substances sont les mêmes d'une espèce à l'autre. Ces substances affectent tout ce qui est contrôlé par les hormones, et la liste de ces fonctions est longue, puisque les hormones contrôlent le développement du système reproductif, et des organes sexuels primaires et secondaires.

Je vous donne un exemple; chez l'être humain, au 56e jour de la gestation, bien avant que la plupart des femmes savent qu'elles sont enceintes, l'embryon a besoin d'un signal hormonal très clair pour devenir mâle ou femelle. Au début de son développement, tout être humain est de sexe féminin, faute d'autre influence, et c'est un signal hormonal qui fait cesser le développement de l'appareil reproductif féminin et qui permet l'expression de l'appareil reproductif masculin. Ainsi, si l'embryon ne reçoit pas ce signal cela a un effet oestrogénique qui peut causer la féminisation de l'enfant ou de l'animal. Le code génétique inscrit reste le même, mais l'expression de ce code génétique a été perturbée.

Ainsi, on constate cette féminisation chez les oiseaux, les alligators, les visons, les ours polaires—il y a toute une série d'animaux où on a pu constater ce phénomène. Et il ne s'agit pas seulement de la féminisation de la structure physique, mais il y a aussi des effets comportementaux, car les hormones sont aussi responsables du développement du cerveau et du système nerveux, surtout l'hormone thyroïdienne, et tout ce qui nuit à la thyroïde à un moment critique du développement embryonnaire peut modifier l'organisation cérébrale, le fonctionnement du cerveau.

Certaines études ont été effectuées sur les êtres humains, des mères, en l'occurrence, qui ont consommé du poisson des Grands Lacs qui contenait des niveaux élevés de contaminants. Elles n'ont pas été affectées personnellement, mais leurs enfants ont été suivis pendant quatorze ans, et quatorze ans plus tard on constate une différence de 6,2 entre les QI de ces enfants et ceux de leurs pairs—et ce chiffre a été corrigé pour tenir compte des facteurs socio-économiques. Il y a donc un effet réel sur leur intelligence, ainsi que sur leur hyperactivité. Il y a là des rapports avec l'hyperactivité et le syndrome de l'attention déficitaire, ce genre de trouble du comportement qui relève de la neurologie.

• 1540

Voilà les domaines principaux où l'on constate les effets de ces substances sur la reproduction et l'appareil reproductif. Quand un animal ou même une personne est affecté, quand le développement de leurs organes sexuels est affecté, il y a un déficit fonctionnel et il peut y avoir des problèmes d'infécondité. Quand un organisme, qu'il s'agisse d'un animal ou d'un être humain, est affecté dans sa neurologie et son comportement, il est moins apte à s'intégrer à son groupe; et pour un animal cela peut se manifester de diverses façons... si un oiseau, par exemple, n'arrive pas à caqueter convenablement, il n'est pas désirable aux autres membres de son espèce et cela nuit à ses possibilités de reproduction. Il y tellement d'éléments subtils ici, mais il s'agit de déficits physiques et fonctionnels qui doivent nous préoccuper.

Mme Karen Kraft Sloan: Si l'on tient compte des populations humaines dans leur ensemble, nous parlons ici de troubles réels qui affectent la capacité humaine, les capacités intellectuelles, le développement, la façon dont nous interagissons avec les autres, notre capacité de reproduction. Toutes ces choses sont affectées par ces substances qui perturbent la fonction endocrine, la recherche le montre bien.

Mme Julia Langer: Je pense que les meilleures preuves se trouvent chez les animaux que nous pouvons étudier comme nous ne pouvons pas étudier les êtres humains. Nous ne pouvons pas faire des expériences sur les gens, sauf par inadvertance, bien qu'on puisse maintenant faire de plus en plus d'expériences qui portent sur les troubles du comportement neurologique puisqu'on arrive maintenant à mieux étudier le comportement des gens. J'ajouterai qu'il y a de plus en plus de preuves qui s'accumulent en ce qui a trait à la fécondité et à la numération des spermatozoïdes, entre autres.

Ainsi, nous commençons à accumuler une masse de preuves, et tous ces effets intéressent nos possibilités de survie, de nous reproduire, de nous adapter sur le plan social, de nous intégrer à notre société, tous ces facteurs, et tout cela est lié aux hormones qui sont dans nos corps, surtout aux hormones dans les corps de nos mères au moment de notre développement.

Mme Karen Kraft Sloan: Vous avez parlé d'un trillion de quelque chose. Je ne suis pas une scientifique. Est-ce une quantité mesurable?

Mme Julia Langer: Il y a des hormones qui ont un effet à une dose minime de moins d'un trillion de grammes, par exemple, et oui, on peut les mesurer. Mais les quantités en cause sont incroyablement petites. Ainsi, de très petites doses peuvent avoir des effets énormes.

Une des raisons pour lesquelles notre modèle traditionnel d'évaluation du risque est inutile pour les substances qui perturbent la fonction hormonale... Je ne veux pas entrer dans des détails trop complexes, mais normalement nous effectuons des tests en utilisant des doses élevées; si l'on injecte des substances à des rats, ou à d'autres animaux, ce sont d'énormes doses, puis des doses moins élevées, et des doses moins élevées encore, et puis on extrapole à rebours.

Pour les effets traditionnels, si on veut, comme la mort, ou même le cancer, vous pouvez extrapoler; pour le cancer, il y a quand même lieu d'en débattre. Mais en ce qui a trait à ces perturbateurs endocriniens—on commence maintenant à le voir dans des tests effectués en laboratoire—leurs effets suivent une courbe en U inversée. Ainsi, des doses très minimes ne produiront pas beaucoup d'effet. Si vous augmentez la dose—elle continue d'être très peu élevée—l'effet sera plus marqué. Mais si vous augmentez la dose encore plus, l'effet s'atténue; c'est comme si le système était débordé. Ainsi, on pourrait faire toutes sortes de tests traditionnels en utilisant des doses élevées et rater complètement ces effets subtils dont je vous parle.

Mme Karen Kraft Sloan: Il faut donc modifier nos tests, nos évaluations, et notre perspective à cet égard, d'une façon bien réelle, qualitative.

Mme Julia Langer: C'est-à-dire que l'objet de la recherche est très différent, nous cherchons des manifestations toutes autres.

Mme Karen Kraft Sloan: Ces substances seraient-elles visées par les définitions qu'on trouve dans la LCPE, en ce qui a trait à la quasi-élimination?

Mme Julia Langer: Eh bien deux aspects doivent être pris en compte à cet égard. L'un est la définition de toxicité, et la définition actuelle ne viserait pas ces substances. Je crois que nous devons ajouter une définition de perturbateur du système endocrinien. Je pense que nous devons en fait en finir avec le genre d'analyse individuelle des substances pour en déterminer les effets, parce que nous n'obtiendrons jamais ce genre de preuve. De cette façon, nous pourrons établir en toute confiance que certaines substances sont toxiques et pourrons englober ces effets, sans avoir d'anomalies faisant que le tributylétain, qui transforme des organismes en hermaphrodites, est déclaré non toxique. La définition viserait ces substances.

• 1545

Ensuite, entre en jeu la définition de quasi-élimination, parce qu'il nous faut faire quelque chose à cet égard. Ce faisant, si on définit la quasi-élimination comme le rejet dans l'environnement de quantités seulement infimes de matières, alors que ces petites concentrations peuvent en fait avoir un effet estrogène, à quoi sert-il alors de mettre la substance sur la liste si votre définition d'élimination ne constitue pas réellement une élimination?

Mme Karen Kraft Sloan: Merci.

Combien de substances ont été évaluées aux termes de la LCPE en combien d'années?

Mme Julia Langer: Je peux vous le dire avec précision.

M. Burkhard Mausberg: Il y en a eu 44, et il s'agissait de groupes de substances.

Mme Karen Kraft Sloan: Vous dites 44 substances?

M. Burkhard Mausberg: La liste des substances d'intérêt prioritaire en contenait 44. En fait, il s'agissait dans certains cas de catégories de substances.

Mme Karen Kraft Sloan: Très bien.

M. Burkhard Mausberg: Il y a eu quelques exemples...

Mme Julia Langer: Les eaux usées chlorées.

M. Burkhard Mausberg: Oui, les eaux usées chlorées des stations d'épuration. Il s'agit donc davantage d'une catégorie.

Combien... Il a fallu environ cinq ans. Durant ces années, le gouvernement fédéral n'a pas réellement produit de nouvelles données; il s'est servi des données existantes. Il n'a pas en fait procédé à ses propres tests en laboratoire.

Sur ces 44 substances—j'essaie de me rappeler le nombre—je crois que 23 ou 25 ont été déclarées toxiques; 13 ou 11 ont été déclarées non toxiques; et 12 n'étaient ni toxiques ni non toxiques—une sorte de vide juridique, et par défaut elles ont été déclarées non toxiques.

Mme Julia Langer: À cette époque, j'ai été nommée par la ministre, Mme Sheila Copps, au comité d'examen de la deuxième liste de substances d'intérêt prioritaire qui n'a pas exactement donné suite aux résultats de l'évaluation de la première liste de substances; il y a eu un retard de quelques années, et nous sommes donc déjà dans le pétrin. J'imagine que le ministère a estimé que 44 substances c'était trop, et il a arbitrairement déclaré qu'il aimerait une nouvelle liste de 25 substances. Il s'agissait d'un processus aux nombreux participants et tout à fait spécial. Ce que je veux dire, c'est qu'ayant siégé à cette table—il s'agissait d'un processus de nomination, et les gens proposaient des choses—j'ai proposé, par exemple, entre autres choses, les nonylphénoléthoxylates, qui sont des perturbateurs du système endocrinien, et le bisphénol A, un constituant du plastique, également considéré comme un perturbateur endocrinien.

Il s'est trouvé qu'un de mes collègues autour de la table travaillait pour une société qui ne fabrique plus de nonylphénoléthoxylates mais encore du bisphénol A. Que s'est-il passé, à votre avis? La première substance, plutôt que le bisphénol A, a été classée sur la liste des substances d'intérêt prioritaire. C'est ainsi que fonctionne notre processus.

Mme Karen Kraft Sloan: Me dites-vous que ce n'est pas fondé sur la science?

Mme Julia Langer: Je ne dirais pas que c'est scientifique. On choisit au hasard un produit chimique et on le défend. C'est comme ça que ça marche.

Le vice-président (M. Gar Knutson): Monsieur... Craig.

M. Craig Boljkovac: Oui, j'ai un nom imprononçable, même pour moi dans mes meilleurs jours.

Madame Kraft Sloan, vous avez demandé combien de substances avaient été évaluées aux termes de la LCPE. En fait, ces 44 substances chimiques sont passées par un processus d'évaluation, qui était un processus beaucoup plus détaillé.

Mme Karen Kraft Sloan: D'accord.

M. Craig Boljkovac: Le projet de loi C-32 propose un mécanisme d'évaluation préalable pour toute la gamme des produits chimiques actuellement utilisés au Canada, ce qu'on appelle la liste intérieure des substances. Il s'agit d'environ 20 000 produits chimiques. Ce que nous demandons, c'est... En fait, à certains égards, c'est là que le projet de loi est plutôt rigoureux, parce que la proposition vise à les évaluer pour déterminer la persistance de la bioaccumulation et la toxicité inhérente.

Mme Karen Kraft Sloan: Exact.

M. Craig Boljkovac: Ce que nous demandons, c'est que l'on tienne compte également de la capacité des produits chimiques de perturber le système endocrinien.

Le gouvernement est donc prêt à aller de l'avant avec le processus de dépistage et à répertorier un plus grand nombre de substances chimiques que les 44 qui ont été examinées. Ce processus va vraisemblablement coûter des centaines de milliers de dollars et s'échelonner sur plusieurs années. Nous aimerions pouvoir les faire inscrire directement sur une nouvelle liste prioritaire, sans avoir à passer par toutes les démarches que Julie a décrites, dans le but de protéger des intérêts commerciaux ou autres.

• 1550

Mme Karen Kraft Sloan: Je voulais vous poser une question au sujet de l'EDSTAC, qui compte soumettre environ 15 000 produits chimiques à un processus de dépistage d'ici la fin de 1999. Il est question d'analyser 15 000 produits chimiques, mais uniquement pour en évaluer les effets perturbateurs sur le système endocrinien. Est-ce bien réaliste?

M. Craig Boljkovac: C'est la façon de faire des Américains. Ils utilisent un processus différent.

Mme Julia Langer: Permettez-moi de vous donner quelques précisions là-dessus. Lorsque les premiers signes de perturbation endocrinienne ont été observés au début des années 90, les industries et les spécialistes ont commencé très rapidement à travailler ensemble sur des projets de recherche. C'est un peu compliqué, mais c'est la première fois qu'on assiste à une telle collaboration dans ce domaine.

Les États-Unis ont entrepris de modifier leurs lois sur les produits parasitaires et l'eau potable. Ils partent du principe que l'embryon est l'organisme le plus sensible qui existe et que la perturbation endocrinienne peut avoir toutes sortes d'effets nouveaux qui n'ont pas encore été répertoriés. Ils veulent, par ces deux lois, protéger d'abord les enfants, et ensuite tout le reste. Cette démarche est discutable en ce qui concerne les animaux. Ils ont l'intention de soumettre un grand nombre de substances à un processus de dépistage et d'essai. Ils voulaient, à l'origine, analyser 80 000 produits chimiques, mais ils ont ramené ce chiffre à 15.

Nous ne savons pas encore quelles mesures seront prises une fois le processus de dépistage et d'essai terminé. Toutefois, leur objectif est de protéger les enfants, de sorte que les deux lois devront se recouper. Le travail est déjà commencé. Ils ont proposé une méthodologie et ils doivent maintenant la mettre en oeuvre en prévoyant des dates, des échéanciers, des objectifs dans la loi. Il est intéressant de voir comment les États-Unis s'y prennent pour élaborer des lois. Nous utilisons une approche différente, mais il serait bon de s'inspirer de ces mêmes principes.

Mme Karen Kraft Sloan: Très bien.

Un des groupes représentant l'industrie a laissé entendre, plus tôt, que nous aurions intérêt, en tant que législateurs, à jeter un coup d'oeil sur ce qui se fait ailleurs dans le monde—en Amérique du Nord, aux États-Unis, chez certains de nos principaux partenaires commerciaux en Europe. Ils ont pris des mesures dans ce domaine. Comme l'ont indiqué M. Gallon et d'autres, l'industrie canadienne risque de trouver dans une position désavantageuse si l'utilisation de ces substances est interdite ou considérablement réduite dans d'autres pays.

Merci.

Le vice-président (M. Gar Knutson): C'est tout?

Mme Karen Kraft Sloan: Pour l'instant.

Le vice-président (M. Gar Knutson): J'aimerais, madame Langer, discuter rapidement de votre exposé, et analyser de plus près les modifications que vous proposez au projet de loi. Quelles modifications, à votre avis, devraient-être adoptées en priorité?

Mme Julia Langer: J'ai essayé de proposer des moyens d'appliquer les principes du poids de la preuve et de prudence au problème de la perturbation endocrinienne. Je ne suis pas spécialisée dans ce domaine. Toutefois, si ces principes étaient enchâssés dans la loi, il serait plus simple à ce moment-là de s'attaquer aux neurotoxines ou aux tératogènes. Toutefois, je ne suis tout simplement pas spécialisée dans ce domaine.

Le vice-président (M. Gar Knutson): Mais vous voulez que l'on confie à Environnement Canada, plutôt qu'à Santé Canada, le pouvoir de réglementer ces questions.

Mme Julia Langer: Pas tout à fait. S'il est démontré que certaines substances nuisent aux animaux, alors il faudrait pouvoir intervenir rapidement, sans d'abord avoir à démontrer que ces substances nuisent également à la santé de l'homme. C'est ce que je voulais dire.

Le vice-président (M. Gar Knutson): C'est là où je voulais en venir. Le projet de loi n'est pas une mesure complémentaire.

• 1555

Mme Julia Langer: C'est exact. Pour revenir au commentaire de M. Gilmour, si vous avez une substance régie par la LCPE qui est considérée comme un produit antiparasitaire, mais qui cause des dommages à l'environnement ou à la santé de l'homme qui ne sont pas visés par la Loi sur les produits antiparasitaires, il faudrait pouvoir intervenir en vertu de la LCPE.

Le vice-président (M. Gar Knutson): Pouvons-nous passer rapidement en revue vos recommandations?

Mme Julia Langer: Oui.

Le vice-président (M. Gar Knutson): En ce qui concerne le libellé, y a-t-il une disposition en particulier qui doit être modifiée en priorité? Je sais que nous devons avoir une disposition qui comprend une série de définitions. Je n'ai rien à dire au sujet de la recommandation 2. Pour ce qui est des autres recommandations, y en a-t-il une en particulier qui est plus importante que les autres?

Mme Julia Langer: Nous devons clarifier la définition de toxicité.

Le vice-président (M. Gar Knutson): De quelle recommandation s'agit-il?

Mme Julia Langer: Du point 2.

Le vice-président (M. Gar Knutson): La recommandation 2.

Mme Julia Langer: Non, c'est le numéro de la définition. Les recommandations 3 et 4 traitent toutes deux de cette question. Il faut se demander «si cette substance peut perturber le système endocrinien», et non pas «si cette substance pénètre dans l'environnement en une quantité ou dans des conditions de nature à porter atteinte au système endocrinien» La définition doit tenir compte de l'effet perturbateur inhérent...

Le vice-président (M. Gar Knutson): Je comprends tout cela. Je veux tout simplement discuter du libellé de celle-ci.

Mme Julia Langer: D'accord.

Le vice-président (M. Gar Knutson): Donc, vous dites, à la recommandation 4, qu'il faut ajouter ce critère à l'article 6. Est-ce exact?

M. Craig Boljkovac: Oui.

Le vice-président (M. Gar Knutson): Et que pensez-vous de l'article 65 du projet de loi? Il n'est pas nécessaire de le modifier, n'est-ce pas?

M. Craig Boljkovac: Nous appuyons la recommandation faite par le comité dans le rapport Notre santé en dépend!, et selon laquelle les critères de pénétration dans l'environnement et de potentiel d'exposition devraient être éliminés de cette disposition. La définition à l'article 65 se trouve donc à être modifiée. Nous proposons ensuite l'ajout d'un deuxième paragraphe pour rendre fonctionnel le principe du poids de la preuve.

Mme Julia Langer: Autrement dit, nous n'avons pas encore proposé de modification au libellé de l'article 65 du projet de loi C-32—nous pourrions le faire, ou d'autres l'ont peut-être déjà fait—mais nous avons recommandé l'ajout d'un paragraphe qui traite précisément des perturbateurs endocriniens.

Le vice-président (M. Gar Knutson): Donc, le comité de gestion des substances toxiques, ou je ne sais comment vous l'appelez, propose des modifications à l'article 65?

M. Craig Boljkovac: En fait, il est question dans notre mémoire d'un document qu'a préparé l'Institut canadien du droit et de la politique de l'environnement et l'Association canadienne du droit de l'environnement. Vous allez le recevoir la semaine prochaine. Plusieurs témoins en ont parlé aujourd'hui. Ce document juridique fait environ 250 pages. Nous avons collaboré de près avec les deux organismes.

Le vice-président (M. Gar Knutson): Oui. Ce qui m'inquiète, c'est que ce document risque de ne pas être très utile parce que trop volumineux.

M. Craig Boljkovac: Il propose des modifications précises à l'article 65. Je vous encourage à en discuter avec eux. Je peux leur transmettre le message.

Le vice-président (M. Gar Knutson): Et il s'agit là d'une question prioritaire pour le Fonds mondial pour la nature?

Mme Julia Langer: Oui. La définition de toxicité, à l'article 65, parce que tout y est rattaché. Si vous n'êtes pas capable de définir correctement ce qu'est une substance toxique et de prévoir des mesures d'intervention, alors vous êtes encore à la case départ.

Le vice-président (M. Gar Knutson): Quelle est votre deuxième priorité?

Mme Julia Langer: La définition de quasi-élimination, parce que...

Le vice-président (M. Gar Knutson): Je m'excuse, il s'agit de la recommandation numéro...

Mme Julia Langer: La recommandation 5.

Le vice-président (M. Gar Knutson): Et vous nous proposez un libellé?

Mme Julia Langer: Oui, et je suis certaine qu'il cadre avec le texte soumis par d'autres groupes.

• 1600

Le vice-président (M. Gar Knutson): D'accord. Ensuite? Est-ce que quelqu'un d'autre a quelque chose à ajouter...

M. Stéphane Gingras: La mise en oeuvre d'un plan obligatoire de prévention de la pollution pour les entreprises qui déclarent des rejets toxiques en vertu de l'INRP.

Le vice-président (M. Gar Knutson): Il s'agit de l'article...

M. Stéphane Gingras: De l'article 4.

Le vice-président (M. Gar Knutson): Avez-vous soumis un libellé?

M. Stéphane Gingras: Il n'est pas rédigé en termes légaux, parce que je ne suis pas un avocat. Toutefois, voici ce que nous avons proposé dans notre mémoire:

    Nous recommandons que toute entreprise déclarant des rejets toxiques en vertu de l'inventaire national des rejets de polluants élabore et implante un plan de prévention de la pollution avec des échéanciers de réduction des rejets qui devraient être rendus publics.

En fait, il y a une erreur dans la version anglaise. Il faudrait parler du NPRI.

Le vice-président (M. Gar Knutson): Avez-vous eu l'occasion de lire ce document de 250 pages que nous allons recevoir? Si oui, êtes-vous satisfait de ce qu'il propose? Est-il question dans ce document de plans de prévention?

[Français]

M. Stéphane Gingras: Je ne crois pas. Si je me rappelle bien, ils demandent que les compagnies qui émettent des substances toxiques dans l'environnement, substances déclarées toxiques en vertu de la LCPE, soient mandatées pour produire des plans de prévention de la pollution.

À l'Union Saint-Laurent, Grands Lacs, on demande que cela soit étendu à l'ensemble des rejets déclarés en vertu de l'inventaire national des rejets polluants, comme cela se fait aux États-Unis; c'est-à-dire que toute compagnie qui déclare un rejet en vertu de l'inventaire national des rejets polluants devrait produire un plan de prévention de la pollution, qui pourrait être quinquennal, avec des objectifs de réduction spécifiques pour les substances qui sont rejetées. Pour ce qui est du langage juridique, je ne suis pas avocat.

[Traduction]

Le vice-président (M. Gar Knutson): En tant qu'un des membres du comité, je trouve cela utile quand les gens nous proposent un libellé précis... Je ne sais pas si vous travaillez avec des avocats, mais si vous voulez nous soumettre quelque chose, je vous en serais reconnaissant.

Monsieur Mausberg.

M. Burkhard Mausberg: En ce qui concerne les parties 4 et 5 qui traitent des substances toxiques et de prévention de pollution, est-ce que vous voulez qu'on vous soumette un libellé rédigé en termes légaux?

Le vice-président (M. Gar Knutson): Voici ce que j'essaie de faire. Je cherche plus ou moins à lancer la discussion sur le mémoire de 250 pages, que nous n'avons pas encore reçu, et à savoir quelles sont les questions que vous jugez prioritaires. J'ai demandé à Mme Langer de me dire quelles sont ses priorités. Tout est consigné au compte rendu, mais je ne sais pas... Quelles sont les grandes questions? Pouvons-nous apporter au projet de loi des modifications qui donneraient des résultats positifs? C'est ce que je veux savoir.

M. Burkhard Mausberg: C'est une question difficile.

Le vice-président (M. Gar Knutson): Eh bien, c'est une question qu'il faut poser et à laquelle il faut répondre. C'est comme les enfants. S'ils en demandent trop, ils n'obtiennent rien.

M. Burkhard Mausberg: Je ne dis pas que la question ne mérite pas d'être posée. Tout ce que je dis, c'est que je dois y réfléchir si je veux être en mesure de vous fournir une réponse satisfaisante.

Bon nombre des témoins qui sont devant vous aujourd'hui et plusieurs autres personnes vont se réunir la fin de semaine prochaine. Le comité de gestion des produits toxiques du CEN tiendra une réunion de deux jours pour discuter de ce mémoire volumineux. Si vous voulez, je peux proposer qu'on soumette à ce comité une liste des dispositions qui devraient être considérées en priorité.

C'est une question complexe, mais qui mérite d'être posée.

Le vice-président (M. Gar Knutson): Merci.

Ma collègue, Mme Kraft Sloan, souhaite dire quelque chose.

• 1605

Mme Karen Kraft Sloan: Je pense que ce que propose le président est très utile et productif.

Il y en a peut-être parmi vous qui font partie du comité du CEN et qui souhaitent soumettre un rapport collectif, mais il se peut aussi que vous ayez tous des priorités différentes, de sorte qu'il n'est pas nécessaire d'en discuter si vous ne pouvez pas arriver à un consensus. Il serait donc utile que vous nous indiquiez, individuellement, quelles sont vos priorités.

Merci.

Le vice-président (M. Gar Knutson): Madame Torsney.

Mme Paddy Torsney: Je pensais que Mme Langer avait quelque chose d'autre à ajouter.

Mme Julia Langer: Je ne veux pas nécessairement parler du rapport de 250 pages de l'ACDE et de l'ICDPE, qui porte sur l'ensemble du projet de loi. Je crois avoir indiqué que le mémoire du Fonds mondial pour la nature traite de manière explicite des perturbateurs endocriniens. Les deux questions que je juge prioritaires sont l'article 65 et la définition de la quasi-élimination, que d'autres témoins aborderont.

Le troisième point, si je me fie à ce document de portée limitée—et il risque de ne pas vous être utile si vous voulez avoir une vue d'ensemble de la question—porte sur la nécessité d'instituer un processus de dépistage. Je vous renvoie à la recommandation 8 où nous proposons de soumettre la LIS à un examen afin d'y repérer celles susceptibles d'avoir des effets perturbateurs sur le système endocrinien. Je tiens à rappeler qu'il est essentiellement question ici de perturbateurs endocriniens et qu'il ne faut pas nécessairement...

Le vice-président (M. Gar Knutson): Je comprends. Je voulais savoir, au départ, si nous avions besoin de tout cela? Avons-nous besoin de chacun des mots qui figurent dans votre mémoire...

Mme Julia Langer: Oui, mais...

Le vice-président (M. Gar Knutson): ...pour nous attaquer à la question des perturbateurs du système endocrinien? C'est là où...

Mme Julia Langer: Je pense que si nous définissons la toxicité et la quasi-élimination et que nous instituons un processus de dépistage, nous aurons franchi un pas important en ce qui concerne les perturbateurs du système endocrinien.

Le vice-président (M. Gar Knutson): Très bien.

Monsieur Mausberg, vous avez parlé de la disposition du projet de loi sur les espèces en voie de disparition, qui autorise un particulier à intenter une action. En quoi cette disposition se distingue-t-elle de celle que nous examinons aujourd'hui?

M. Burkhard Mausberg: Je ne peux pas vous répondre directement, en partie parce que je ne me suis pas servi du projet de loi sur les espèces en voie de disparition pour établir ma comparaison. En fait, je n'ai jamais lu le projet de loi. Je me suis plutôt inspiré de la Déclaration des droits de l'Ontario.

Le vice-président (M. Gar Knutson): D'accord.

M. Burkhard Mausberg: Il y a certaines parties du mémoire qui établissent une comparaison entre les deux. Je vais vous fournir ces renseignements d'ici une semaine.

Le vice-président (M. Gar Knutson): C'est très bien. Je n'en ai pas vraiment besoin d'ici une semaine.

M. Burkhard Mausberg: Mais si je peux répondre à la question concernant les questions qui sont prioritaires...

Le vice-président (M. Gar Knutson): Allez-y.

M. Burkhard Mausberg: ...je ne savais pas vraiment où vous vouliez en venir. Toutefois, en termes de priorités, je pense que vous devriez supprimer le paragraphe 22(1).

Le vice-président (M. Gar Knutson): Pouvez-vous attendre un instant? Est-ce que le paragraphe 22(1)...

M. Burkhard Mausberg: Le paragraphe se lit comme suit:

    22.(1) Le particulier qui a demandé une enquête peut intenter une action en protection de l'environnement dans les cas suivants:

Voilà le premier problème. L'élimination des paragraphes 22(1) et (2) constituerait, pour nous, une priorité.

Le vice-président (M. Gar Knutson): Vous ne pensez pas que nous devrions donner au ministre le temps de répondre dans un délai raisonnable?

M. Burkhard Mausberg: Je ne le sais pas. Cet article dit que vous pouvez uniquement intenter une action après avoir demandé la tenue d'une enquête et si les mesures prises par le ministre ne sont pas raisonnables.

Le vice-président (M. Gar Knutson): Oui. Et qu'avez-vous à redire à ce sujet?

M. Burkhard Mausberg: Eh bien, qu'est-ce qu'on entend par des mesures qui «ne sont pas raisonnables»? Je ne sais pas ce qu'on entend par cela. Pourquoi doit-on...

Le vice-président (M. Gar Knutson): Le tribunal pourrait rendre une décision. C'est une question de fait. Le tribunal pourrait décider si les mesures prises par le ministre sont raisonnables.

M. Burkhard Mausberg: La question est... eh bien, il y a plusieurs questions. Tout d'abord, pourquoi confier ce pouvoir aux tribunaux dans le projet de loi? M. Gilmour a mentionné le fait que les tribunaux pourraient être débordés et qu'on leur confierait un trop grand pouvoir dans ce domaine. Nous voulons éviter que les tribunaux, dont les juges ne sont pas élus, prennent ces décisions.

• 1610

Le vice-président (M. Gar Knutson): Eh bien, vous dites que les citoyens devraient avoir plus facilement accès aux tribunaux.

M. Burkhard Mausberg: Oui, exactement. Si nous supprimons les paragraphes 22(1) et (2), c'est ce que nous obtiendrons.

Le vice-président (M. Gar Knutson): Je dis que nous devrions laisser aux tribunaux le soin de décider si le ministre a pris des mesures raisonnables ou non, tandis que vous dites que les tribunaux ne peuvent pas décider s'ils sont débordés ou non. Vos arguments ne tiennent pas.

M. Burkhard Mausberg: Permettez-moi de revenir à votre question. Vous voulez savoir pourquoi cet article devrait être supprimé. Pourquoi le ministre ne devrait-il pas avoir l'occasion de prendre des mesures?

Le vice-président (M. Gar Knutson): C'est exact.

M. Burkhard Mausberg: Laissez-moi alors y répondre d'une autre façon, mais plus logique.

Vous pensez que quelqu'un enfreint la loi...

Le vice-président (M. Gar Knutson): Ils m'ont volé 10 $.

M. Burkhard Mausberg: Ils vous ont volé 10 $. Je dois demander au ministre d'ouvrir une enquête afin de voir si cette personne vous a volé ou non 10 $.

Le vice-président (M. Gar Knutson): Oui.

M. Burkhard Mausberg: Le ministre va ensuite statuer, dans un délai de 90 jours suivant le début de l'enquête, qu'on vous a peut-être effectivement volé 10 $. Je peux m'adresser à une tierce personne et me faire dire que je n'aurais pas dû faire cela, que je devrais récupérer mon argent et clore le dossier. Ce que je propose, c'est qu'on s'adresse directement à la tierce personne sans avoir à passer par le ministre.

Le vice-président (M. Gar Knutson): Et ce que je dis, c'est que si mon fils participe à un camp et qu'il vole 10 $, je voudrais que les autorités du camp appellent non pas la police, mais qu'elles prennent des mesures raisonnables pour régler le problème. Je préférerais qu'ils règlent la question entre eux, et c'est ce que propose cet article. Si une usine de pâtes et de papier ou une aciérie pollue l'environnement, vous déposez une plainte, le ministre rencontre les dirigeants de l'usine et ils prennent les mesures nécessaires pour tout nettoyer. Tout le monde est satisfait des résultats. Il s'agit là d'un exemple parfait d'autodiscipline.

M. Burkhard Mausberg: Cela fonctionnerait si la loi était respectée à la lettre. Or, votre propre comité a dit que ce n'était pas le cas. Nous faisons preuve trop souvent d'indulgence... Je ne dis pas que votre fils devrait s'en tirer à bon compte. Il devrait tirer une leçon du fait qu'il a volé 10 $. Ces exemples sont peut-être trop personnels. Il faudrait peut-être tirer une leçon du fait que vous avez volé quelque chose qui appartient à quelqu'un d'autre.

Le vice-président (M. Gar Knutson): D'accord. Je pense que mes dix minutes sont écoulées. Je vais donc vous laisser avec le mot de la fin.

M. Gary Gallon: J'aimerais auparavant répondre à votre question sur les modifications qui devraient être apportées au projet de loi. L'Institut en propose deux. La première vise le principe d'harmonisation mentionné à l'alinéa 2(1)l), où l'on dit que le gouvernement fédéral doit «agir de façon compatible avec l'esprit des accords et arrangements intergouvernementaux».

Le vice-président (M. Gar Knutson): Oui. Êtes-vous conscient du fait que le ministère nous a déjà admis que cela risque de poser des problèmes?

M. Gary Gallon: Non. A-t-on supprimé cette disposition?

Le vice-président (M. Gar Knutson): Je n'ai pas dit qu'on l'a supprimé, mais le ministère de la Justice est d'accord avec votre proposition, telle que libellée...

M. Gary Gallon: Très bien.

Le vice-président (M. Gar Knutson): Vous pourriez peut-être jeter un coup d'oeil aux modifications qui ont été proposées et nous dire ce que vous en pensez.

M. Gary Gallon: La première, «s'efforcer d'agir en collaboration avec les gouvernements», qui figurait dans la LCPE originale, semble régler la question.

Pour ce qui est du deuxième point, l'application du principe de prudence, nous allons vous soumettre un libellé.

Le vice-président (M. Gar Knutson): D'accord.

[Français]

M. Stéphane Gingras: Est-ce que j'ai droit à trois priorités? Sérieusement, pour nous, ce qui est le plus important, c'est la définition de «toxicité». Là-dessus, vous allez sans doute retrouver beaucoup de points semblables dans les présentations de tous les organismes ici présents.

[Traduction]

Le vice-président (M. Gar Knutson): Vous parlez de l'article 65?

[Français]

M. Stéphane Gingras: Oui, la définition de «toxicité». La deuxième priorité, pour nous, est la définition d'«élimination virtuelle» qui doit être changée afin que le Canada rencontre ses obligations en vertu de l'Accord sur la qualité de l'eau des Grands Lacs.

• 1615

La troisième priorité est la prévention de la pollution. Pour nous, c'est très important.

[Traduction]

Le vice-président (M. Gar Knutson): Merci pour ces précisions.

J'ai l'impression que les gens souhaitent clore la réunion au plus vite et partir. Si je me trompe, dites-le-moi.

Monsieur Mausberg et madame Broten, vous ai-je oubliés?

Mme Dolores Broten: Non.

Les questions que je juge prioritaires figurent à la fin de mon exposé. Je ne suis pas suffisamment spécialisée en droit pour... Nous allons demander à l'ACDE de nous aider la semaine prochaine, afin de nous assurer que tout y est. Mais tout ce qu'elle avance dans son mémoire est exact.

Le vice-président (M. Gar Knutson): Vous l'avez lu?

Mme Dolores Broten: J'ai lu l'ébauche.

Le vice-président (M. Gar Knutson): Monsieur Mausberg.

M. Burkhard Mausberg: Je voudrais poser une question toute simple.

Le vice-président (M. Gar Knutson): Ce sont les plus intéressantes.

M. Burkhard Mausberg: Je voudrais savoir si le comité a établi un échéancier pour l'adoption du projet de loi.

Le vice-président (M. Gar Knutson): Nous prévoyons commencer l'examen article par article du projet de loi autour de l'Action de grâce, pas avant. Nous en avons discuté ouvertement ce matin, de sorte que je ne vous annonce rien de nouveau.

M. Burkhard Mausberg: Est-ce que vous prévoyez alors soumettre un rapport au gouvernement?

Le vice-président (M. Gar Knutson): Non. Une fois franchie l'étape de la deuxième lecture, le comité peut, en vertu de la procédure parlementaire, proposer des amendements, à la condition qu'ils respectent le principe du projet de loi. Ils doivent concorder avec le principe qui le sous-tend. Il s'agit là d'une question d'ordre juridique... Ce projet de loi est très vaste. Il traite de la prévention de la pollution. Il a donc une portée très vaste.

Si je me trouvais devant un groupe d'étudiants, je dirais que le comité a le pouvoir de modifier le projet de loi. Il y a, bien sûr, des questions de politique qui entrent en ligne de compte. Je vais vous expliquer ce que j'entends par cela, si vous le voulez, mais à titre officieux.

M. Burkhard Mausberg: Pouvons-nous nous attendre à ce qu'une nouvelle loi canadienne sur la protection de l'environnement soit adoptée avant Noël?

Le vice-président (M. Gar Knutson): Le projet de loi doit être examiné par le comité et ensuite faire l'objet d'un débat, à l'étape du rapport, à la Chambre des communes. Il doit ensuite franchir l'étape de la troisième lecture avant d'être renvoyé au Sénat. Je ne pense pas qu'il sera adopté avant Noël, mais ce n'est qu'une opinion parmi d'autres.

M. Gary Gallon: En ce qui concerne les groupes environnementalistes, nous voulons que vous preniez tout le temps dont vous avez besoin pour adopter une loi satisfaisante. Nous pensions recevoir quelque chose plus tôt, mais nous prévoyons maintenant obtenir un projet de loi encore plus complet, qui abordera la question des perturbateurs endocriniens. La Loi canadienne de 1998 sur la protection de l'environnement est une bonne loi. Il semble maintenant que nous aurons droit à un produit encore meilleur. Nous n'avons donc pas l'intention d'exercer des pressions sur le comité pour qu'il adopte le projet de loi au plus vite.

Le vice-président (M. Gar Knutson): Madame Kraft Sloan.

Mme Karen Kraft Sloan: Je voudrais tout simplement faire un commentaire, une fois que vous aurez terminé, monsieur le président.

Le vice-président (M. Gar Knutson): J'ai fini. J'allais mettre fin à la réunion.

Mme Karen Kraft Sloan: J'aimerais, si le comité me le permet, revenir au principe de prudence. Il y a beaucoup de gens qui affirment que ce principe n'a rien de sérieux, qu'il ne repose sur aucune donnée scientifique, que son application risque de coûter très cher et poser problème. En fait, j'ai une petite citation, ici, qui dit que ce principe, dans les faits, incite les phobiques à faire fi des risques que pose la réglementation et des périls qu'entraîne la stagnation technologique.

Comme je l'ai dit, il y a beaucoup de gens qui estiment que ce principe n'a rien de sérieux, qu'il ne repose sur aucune donnée scientifique. Presque tous les groupes qui comparaissent devant le comité soutiennent que la législation sur les espèces en voie de disparition, la LCPE, les études sur les changements climatiques, devraient reposer sur des données scientifiques. J'aimerais savoir comment vous réagissez à certaines de ces critiques. Si quelqu'un souhaite intervenir, allez-y.

• 1620

Mme Dolores Broten: Toutes les usines de pâte au Canada ont adopté un programme qui leur permet d'assurer un suivi des effets qu'ont leurs activités sur l'environnement. C'est un programme auquel participent, entre autres, des consultants et des scientifiques. La question qu'il faut se poser est la suivante: est-ce que les effluents qu'elles produisent nuisent à l'environnement et surtout aux poissons, parce que c'est vraiment la Loi sur les pêches qui intervient dans ce cas-ci. Les usines viennent de terminer un premier test cyclique de trois ans. Elles ont tenu des consultations avec des scientifiques de l'industrie et du gouvernement dans toutes les régions du pays. J'ai lu presque tous les rapports d'évaluation.

Or, la réponse à cette question est la suivante: elles n'ont pas été en mesure de recueillir des données scientifiques éprouvées parce qu'il s'agit d'un écosystème du monde réel. Elles ne savent même pas quels poissons examiner. En fait, elles nagent dans l'inconnu. Il faudra attendre 20 ans avant d'obtenir la réponse. Autrement dit, nous devrons attendre 20 ans avant de savoir si les effluents doivent encore être traités ou non.

M. Gary Gallon: J'ai commencé à m'intéresser au dossier de l'environnement en 1971. À l'époque, on se demandait s'il fallait interdire l'utilisation du DDT et des composés organochlorés—oui ou non, est-ce que leur utilisation doit être interdite. Il en va de même avec le 245-T, un herbicide rempli de dioxines. On se demande encore aujourd'hui si ces produits sont vraiment toxiques. Malgré cela, nous avons pris des mesures pour en interdire l'usage.

L'Amérique du Nord et l'Europe ont tiré parti des décisions rationnelles qui ont été prises d'intervenir rapidement dans des domaines où l'approche scientifique n'avait pas encore fait ses preuves. Donc, à certains égards, l'approche scientifique est synonyme d'inaction: si vous ne voulez pas que des mesures soient prises, optez pour l'approche scientifique. En passant, il faudra 20 ans pour recueillir des données scientifiques sur chaque produit chimique, et cela coûtera plusieurs millions de dollars.

En fait, depuis 1971, nous avons pu voir à quel point il a été avantageux d'adopter des mesures préventives avant que toutes les données scientifiques ne soient recueillies. Il existe suffisamment de preuves scientifiques qui font état des dommages causés à l'environnement. Je reviens d'une tournée de pays du tiers monde, et ils souffrent. L'air et l'eau dans ces pays sont polluées en raison de l'inaction des autorités. Nous avons tiré parti, du point de vue économique et sur le plan de la santé, des mesures que nous avons prises avant même que toutes les preuves scientifiques ne soient recueillies.

Mme Julia Langer: J'aimerais vous lire une brève citation de la Commission mixte internationale, qui traite de la science:

    La nécessité d'une preuve qui va au-delà de la causalité scientifique ne signifie pas le renoncement à la science. Cela implique toutefois de nouveaux types de preuves et de nouvelles façons de les recueillir. Surtout, il faut être prêt à agir à partir d'un ensemble intégré de preuves plutôt que d'attendre de disposer d'une certitude scientifique absolue.

Si j'essaie de me mettre à la place non pas nécessairement des fabricants de produits chimiques, mais des utilisateurs de ces produits, les industries qui utilisent des produits chimiques dans leurs opérations de nettoyage, ainsi de suite, personne ne veut nuire à l'environnement et à la santé de l'homme. Je suis persuadée qu'il y a des gens qui essaient de trouver des moyens de réduire l'impact qu'ont ces produits sur l'environnement et la santé de l'homme, parce que personne ne veut être perçu comme étant responsable de la situation.

Nous devons voir le côté positif des choses, nous concentrer sur ce que nous avons, voir comment nous pouvons utiliser nos connaissances, solutionner les problèmes avant qu'ils ne nous prennent d'assaut dans trois, quatre ou dix ans. Je pense que nous avons suffisamment de données en main pour pouvoir jeter un regard neuf sur la question, adopter une stratégie proactive, nous attaquer aux éléments négatifs.

[Français]

M. Stéphane Gingras: Puis-je ajouter un petit mot? Il y a différentes approches au niveau scientifique. Je ne veux pas faire d'éthique scientifique, mais les scientifiques s'aperçoivent que l'approche linéaire, c'est-à-dire l'approche traditionnelle exposition/dose/réponse, ne fonctionne pas. Il y a de nouvelles approches scientifiques qui émergent, qui sont tout aussi scientifiques que l'approche linéaire, mais qui remettent en question l'approche linéaire.

• 1625

On parle de l'approche systémique, par laquelle on essaie d'intégrer différentes composantes, parce que la réalité est complexe. Pour la comprendre, il faut beaucoup de temps, d'énergie et d'argent. Dire que ce n'est pas de la science, c'est nier complètement toute une nouvelle façon d'appréhender et de comprendre la réalité.

Bien sûr, la science traditionnelle a ses assises dans notre société et il ne faut pas s'en débarrasser, mais il y a d'autres façons d'agir et de comprendre la réalité qui sont à notre portée et qu'on peut utiliser. Par exemple, il y a les indicateurs biologiques. Il y a plusieurs autres façons et il ne faut pas dire que ce n'est pas de la science.

[Traduction]

Mme Karen Kraft Sloan: Il faut peut-être, à certains égards, s'inspirer de la sagesse dont font preuve les premières nations dans leurs décisions, du principe des sept générations, de la science du bien. Je suppose que nous devons, en tant que législateurs, tenir compte des intérêts du public quand nous avons des doutes.

Merci.

Le vice-président (M. Gar Knutson): J'aimerais remercier tous ceux qui ont participé à la réunion, aujourd'hui. J'espère que vous l'avez trouvée intéressante.

Le comité va poursuivre ses délibérations. Nous allons nous réunir demain, à 9 heures.

La séance est levée.