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JURI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND LEGAL AFFAIRS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES QUESTIONS JURIDIQUES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 20 novembre 1997

• 1537

[Traduction]

Le vice-président (M. John Maloney (Erie—Lincoln, Lib)): La séance est ouverte.

J'aimerais souhaiter la bienvenue au Dr Chapdelaine. Bienvenue encore une fois. Je vous invite à nous présenter votre exposé et nous passerons ensuite aux questions. Merci.

Dr Antoine Chapdelaine (Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux du Québec): Je tiens à vous remercier de nous fournir l'occasion de présenter nos commentaires au sujet de ces règlements. C'est la version définitive de ces règlements, du moins nous l'espérons. Nous pensons qu'ils sont importants—et je vais vous dire pourquoi dans un instant—non seulement parce que c'est la dernière série mais parce qu'ils traitent des détails techniques de la mise en oeuvre d'une chose que nous préconisons depuis 1989.

Je représente ici

[Français]

la Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux du Québec et le Conseil des directeurs régionaux de la santé publique du Québec.

La Conférence et le Conseil ont la responsabilité, au Québec, de la santé publique et de la santé des 18 régions socio-sanitaires. Donc, la Conférence a la responsabilité de toute la population du Québec, cela de par la Loi québécoise sur la santé et les services sociaux.

Depuis 1989, la Conférence et les directeurs de santé publique se sont intéressés, au-delà des traumatismes non intentionnels, c'est-à-dire les accidents, aux traumatismes intentionnels comme le suicide, parce que le taux de suicide au Québec a rejoint et dépassé le taux de mortalité sur la route, et la violence. C'est donc devenu un sujet d'intérêt.

Dès 1989, on a commencé à faire des études pour voir quelles étaient les circonstances et les causes de ces suicides et de cette violence. Comme vous le savez, ce sera bientôt la date anniversaire du massacre de l'École polytechnique. Tout de suite après cet événement, on s'est aussi intéressés aux instruments de violence et aux moyens que les gens utilisaient pour se suicider.

• 1540

L'un des moyens les plus fréquemment utilisés dans les suicides et dans les homicides est l'arme à feu. Cet instrument a un potentiel de lésions mortelles plus élevé que tous les autres moyens réunis, d'où l'intérêt qu'on lui porte. C'est aussi un des moyens qui peuvent être contrôlés. On peut réduire son accessibilité et sa capacité de léser le corps humain.

C'est la raison pour laquelle la Conférence et le Conseil des directeurs, depuis le tout début du processus qui nous amène ici, se sont fortement intéressés à la question du contrôle des armes, qui est de compétence fédérale, et font des représentations depuis 1989 ou 1990 sur cette question. Donc, ce n'est pas la première fois que mon président, le directeur de la santé publique du Québec et moi-même venons devant vous et devant le Sénat.

On va parler spécifiquement des aspects techniques de la réglementation, dont deux aspects que je souhaite soulever auprès de vous à titre de questions, mais j'aimerais d'abord vous parler de la base épidémiologique qui nous amène à vous faire les recommandations qui viennent.

Le réglementation vise surtout, cette fois-ci, à mettre en application deux choses auxquelles on tient depuis 1990. Premièrement, nous souhaitons que tous les propriétaires d'armes au Canada aient un permis de possession et pas seulement un permis d'acquisition, ce qui était l'ancienne formule et, deuxièmement, que toutes les armes possédées soient enregistrées au nom du possesseur.

La raison pour laquelle nous souhaitons cela, c'est la façon dont se déroulent les décès par arme à feu. Habituellement, cela se passe à la maison, avec des armes longues, en région rurale plus qu'en région urbaine, chez des gens qui, la plupart du temps, n'ont jamais commis d'actes violents avant. Donc, c'est tout à fait différent de l'épidémiologie plus policière du problème, qui préoccupe beaucoup d'adversaires de la loi.

En particulier, on a trouvé, par des études qui commencent maintenant à sortir à répétition dans les littératures scientifiques, que

[Traduction]

la seule présence d'une arme à feu dans une maison multiplie par cinq les risques de suicide, par trois les risques de meurtre et encore davantage les risques d'accident par rapport à une maison où il n'y a pas d'arme.

La principale raison pour laquelle nous sommes en faveur d'un système de délivrance de permis et d'enregistrement, aspect qui n'est pas à l'ordre du jour ici parce qu'il est prévu par la loi, nous le savons très bien... D'ici l'an 2001, tous les Canadiens qui possèdent une arme à feu ou en sont propriétaires seront tenus de posséder un permis et d'ici l'an 2003, toutes les armes devront être enregistrées au nom de leur propriétaire ou de leur détenteur. Voici pourquoi nous sommes favorables à cela...

[Français]

pour responsabiliser les propriétaires d'armes à feu.

• 1545

[Traduction]

Le fait de les obliger à démontrer qu'ils sont aptes à posséder une arme à feu en rendant le permis obligatoire, le fait de vérifier que ces personnes conservent leur arme à feu en procédant à des vérifications périodiques, le fait de s'assurer que cette arme à feu a pratiquement leur nom inscrit sur elle puisqu'elle est enregistrée au nom du possesseur, tout cela va favoriser, encourager et renforcer plusieurs choses, c'est du moins ce que nous pensons.

Tout d'abord, cela va renforcer la sécurité de l'entreposage des armes. Cela va inciter les possesseurs d'armes à les entreposer de façon sécuritaire chez eux, lorsqu'ils se déplacent de la maison au champ de tir, de la maison aux lieux de chasse, des lieux de chasse à la maison et en particulier, à la maison, car c'est là que se produisent la plupart des tragédies auxquelles s'intéressent les services de santé publique.

Deuxièmement, cela va permettre de veiller à ce que les personnes qui ne devraient être en possession d'une arme à feu n'en aient pas en leur possession ou ne puissent les conserver, ce que l'ancien système ne permettait pas. Les personnes qui ont commis un acte de violence, même aux États-Unis la personne qui a commis un acte de violence contre son conjoint ne peut posséder une arme à feu. Cela a même causé des difficultés aux services de police parce qu'il semble que certains policiers vont perdre leur emploi aux États-Unis. C'est un point positif du système canadien; le système de délivrance des permis et d'enregistrement va éviter que les personnes qui n'y sont pas aptes possèdent des armes.

Un troisième élément qui est, d'après nous, également très important—et je me base non seulement sur les études effectuées au Québec mais sur des études qui concernent d'autres provinces du Canada, l'ensemble du Canada—c'est la question des Canadiens qui possèdent une arme à feu mais dont la moitié, comme l'ont montré tous les sondages effectués depuis 1989, ne l'ont pas utilisée au cours des 12 derniers mois. Il y a donc la possibilité que de nombreux Canadiens n'utilisent pas leur arme à feu et que 15 ans après l'achat de cette arme, leur fils décide de se suicider avec.

Le système de délivrance des permis et d'enregistrement va inciter ces gens à dire oui, cela fait longtemps que j'ai cette arme au sous-sol et je ferais peut-être mieux de la vendre à quelqu'un qui en a plusieurs, qui pourra l'entreposer correctement et nous n'aurons plus ce problème... Nous espérons que cela va avoir pour effet de diminuer le nombre des foyers où se trouve une arme à feu parce qu'ils n'en ont pas besoin pour chasser ou pour d'autres utilisations légitimes, ce qui réduira les risques.

Il y a une autre raison pour laquelle nous vous invitons à adopter rapidement ces règlements. C'est pour respecter les objectifs qui ont été fixés à l'an 2001 et à 2003 pour certains éléments du système. Cela vous paraît peut-être un peu technique à cause du poste que j'occupe dans le domaine de la santé publique mais cela va grandement nous aider à mettre sur pied des programmes de sensibilisation à la sécurité. En sachant comment les armes à feu sont réparties dans nos collectivités, nous serons mieux à même de fixer nos priorités. Nous n'avons pas suffisamment d'argent pour tout faire mais nous pouvons cibler nos programmes d'éducation et les utiliser pour diminuer le nombre des accidents.

Je crois que cela couvre les principales raisons, que nous vous avons déjà exposées à au moins cinq ou six reprises et qui ont été consignées avec les mémoires que nous avons déposés antérieurement.

Pour ce qui est des règlements actuels, le principal message est que nous étudions cette question depuis suffisamment longtemps pour savoir que nous pourrions demander davantage mais nous avons accepté certains compromis pour des raisons pratiques. D'une façon générale, nous en sommes satisfaits.

• 1550

[Français]

La Conférence des régies régionales et le Conseil des directeurs

[Traduction]

sont, d'une façon générale, satisfaits de ce qui est peut-être la version définitive des règlements. On nous a invités à accepter certains compromis réalistes qui ont été présentés pour renforcer d'une part, la sécurité de tous les Canadiens et, d'autre part, pour réduire au maximum les démarches imposées aux possesseurs d'armes à feu.

Dans l'ensemble, nous sommes favorables à presque tout ce que contiennent ces règlements. Nous vous invitons toutefois vivement à les adopter aussi rapidement que possible pour que nous puissions travailler immédiatement à réaliser l'objectif essentiel de ce projet de loi tel qu'il a été adopté par la Chambre des communes, en 1995, si je ne me trompe pas. Cela dit, il y a des choses que j'aimerais vous demander, parce que nous ne sommes pas très sûrs de ce qu'elles veulent dire.

Les règlements parlent de «vérification» à la page 48 de la version française et à la page 46 de la version anglaise.

[Français]

Je me pose une question au nom de la Conférence. On comprend que la vérification des armes à feu, c'est-à-dire le fait qu'il faille s'assurer que c'est bien le bon numéro qui est sur l'arme afin que l'enregistrement soit effectué correctement, doive se faire au poste de police ou auprès d'une autorité agréée par la loi, qui devrait être quelqu'un dans la communauté qui est un expert en matière armes, soit un instructeur d'armes, soit un membre éminent

[Traduction]

des personnes du milieu des armes à feu. La vérification ne débutera que le 1er janvier 2003. Nous acceptons cela; nous comprenons les raisons—les raisons de coût, les raisons pratiques—pour lesquelles cela ne commencera qu'à ce moment. J'aimerais toutefois savoir si cela comprend les armes à feu à utilisation restreinte.

Je pourrais peut-être poser l'autre question plus tard.

Je vous remercie de votre attention.

Le vice-président (M. John Maloney): Docteur Chapdelaine, pour répondre à votre question, je vous dirais qu'effectivement nous croyons que cela comprend les armes à autorisation restreinte.

Dr Antoine Chapdelaine: Les armes de poing à autorisation restreinte?

Le vice-président (M. John Maloney): Oui.

Dr Antoine Chapdelaine: Si c'est le cas, nous trouvons cela quelque peu inquiétant. Un tel compromis nous préoccuperait pour diverses raisons. Ceux qui nous ont déjà entendus témoigner et qui ont pris connaissance de nos statistiques et du résultat de nos études, je pense à M. Ramsay, à Mme Barnes et à M. Lee, qui étaient ici avant, je ne reconnais pas les autres, à moins que je ne trompe, savent fort bien que ce sont les armes d'épaule, comme les fusils de chasse, les fusils et les carabines qui sont le plus fréquemment utilisées pour les suicides, pour les homicides et même dans les accidents.

Nous avons fait une étude dans la région de Québec et à Chaudière-Les Appalaches... Québec est une région un peu plus urbaine et Chaudière-Les Appalaches est située dans une région plus rurale. Nous avons étudié les méthodes utilisées pour les suicides survenus dans ces deux régions et nous avons examiné 600 dossiers et tableaux de coroners. Nous avons constaté que les armes à feu étaient utilisées très fréquemment dans les suicides mais lorsque nous avons étudié le calibre et le genre d'armes à feu utilisées, nous avons constaté que 94 p. 100 des 600 dossiers de suicides provenant de ces deux régions du Québec montraient qu'on avait utilisé une arme d'épaule. Le reste, soit environ six pour cent, concernait des armes de poing.

• 1555

Nous n'avions pas les moyens de vérifier ces hypothèses. Cette étude a été effectuée en 1990 et 1991, avant le projet de loi C-17, le premier projet de loi du gouvernement conservateur. Cela s'explique peut-être par le fait qu'il y avait déjà davantage de règles s'appliquant aux armes de poing et qu'il y avait moins d'armes de poing que d'armes d'épaule.

Nous n'allons pas exposer les raisons qui nous ont amenés à préconiser l'enregistrement et la délivrance de permis pour toutes les armes, y compris les armes d'épaule. Les raisons sont tout à fait évidentes à cause de l'épidémiologie du problème. Nous avons été soulagés de constater, au cours des années 90, que l'existence de règles plus nombreuses s'appliquant à la possession, à l'entreposage et à l'utilisation des armes de poing semblait avoir un effet sur leur utilisation dans les cas de suicide, et aussi pour les homicides et les accidents.

Le Canada a une longue tradition... Je crois que les armes de poing sont enregistrées depuis 1931 ou 1949. Les pistolets ont été réglementés parce que ce sont des objets particulièrement dangereux parce qu'on peut les cacher, les dissimuler. Si l'on procède à ce genre de vérification des armes de poing au moment où elles sont cédées, et il y a près d'un million de ces armes, nous pensons que cela va nuire aux objectifs de sécurité incorporés à la loi.

Je dois reconnaître que ce point n'avait pas vraiment été précisé parce que nous étions certains au moment de la conférence que, lorsque nous avons vu cela, nous nous sommes dit peut-être que cela ne peut se faire dans le cas des armes de poing; ils ont peut- être pensé viser uniquement les armes d'épaule pour des raisons de commodité, de coûts; nous nous sommes dit que cela devrait être suffisant. Ils m'ont demandé expressément de poser la question mais nous étions certains que la réponse serait différente de celle que le président vient de nous donner.

Je vous demande de bien le noter. Il y a peut-être un problème ici.

Le vice-président (M. John Maloney): Merci, docteur Chapdelaine.

Monsieur Ramsay.

M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Tout d'abord, monsieur le président, je ne comprends pas et je n'ai pas compris ce que veut dire notre témoin avec sa dernière déclaration. Je n'ai pas réussi à le suivre. Je suis désolé. Je n'ai pas compris.

Quoi qu'il en soit, je tiens à remercier notre témoin d'être venu ici.

Nous savons que, d'après les statistiques, plus de 75 p. 100 des morts causées par une arme à feu sont des suicides mais en plus d'essayer de dissuader les citoyens de posséder des armes à feu, comme vous l'avez mentionné... Vous avez dit que vous souhaitiez rendre le plus compliqué possible la possession d'une arme à feu. Est-ce bien cela? Vous ai-je bien compris?

Dr Antoine Chapdelaine: Non, vous ne m'avez pas compris.

M. Jack Ramsay: Je suis désolé. Qu'avez-vous dit?

Le vice-président (M. John Maloney): Réduire le plus possible les difficultés.

M. Jack Ramsay: Très bien. Excusez-moi. Je n'ai pas bien entendu.

Dr Antoine Chapdelaine: J'aurais dû le dire en français.

M. Jack Ramsay: Oui. On aurait pu alors s'en prendre à l'interprète ou simplement au fait que je suis un peu dur d'oreille.

Si les trois quarts des décès enregistrés annuellement sont causés par une arme à feu, je ne vois toujours pas comment l'enregistrement des armes à feu pourrait changer la situation.

• 1600

Je vais vous donner un exemple qui concerne les suicides, la principale cause de décès.

La personne qui possède une arme à feu et qui est rationnelle ne va pas l'utiliser contre elle-même, ni contre quelqu'un d'autre. Si cette personne possède une arme à feu, la fait enregistrer, la ferme sous clé et devient irrationnelle, comment le fait d'avoir enregistré cette arme à feu va l'empêcher d'utiliser l'arme contre elle?

J'ai dû mal à suivre pourquoi vous appuyez aussi vigoureusement ce projet de loi du point de vue que vous avez exprimé, à savoir pour réduire le nombre des suicides commis avec une arme à feu.

J'aimerais que vous me parliez de cela.

En outre, pourriez-vous dire au comité si votre groupe s'intéresse aux facteurs de causalité qui amènent une personne à devenir irrationnelle, à perdre le goût de vivre et à utiliser un instrument, dans ce cas une arme à feu, pour se suicider. Examinez- vous les causes des suicides et si vous l'avez fait, pensez-vous que ce nouveau règlement va pouvoir réduire ces statistiques?

J'aimerais que vous abordiez ces deux points.

Dr Antoine Chapdelaine: Merci d'avoir posé cette question, monsieur Ramsay.

Je vais vous répondre en anglais, si vous le permettez, mais n'hésitez pas à m'interrompre si je ne suis pas clair.

Tout d'abord, vous avez mentionné, je crois, à plusieurs reprises le mot «rationnel» et le fait qu'une personne peut devenir irrationnelle. Le suicide est étudié scientifiquement depuis Durkheim, au XIXe siècle; cela a marqué le début des études sérieuses dans ce domaine. Nous avons découvert qu'il existait une multitude de facteurs de risque. L'hygiène publique s'intéresse aux facteurs de risque, aux risques. Nous essayons de travailler sur les facteurs de risque que nous pouvons influencer, modifier.

La méthode utilisée en hygiène publique comporte deux règles rigoureuses. Premièrement il faut démontrer que le facteur de risque est relié au problème que l'on cherche à prévenir. Le deuxième aspect est qu'il faut être en mesure de modifier, d'influencer ou de changer le facteur de risque relié à ce problème.

Ce n'est pas parce que nous étudions les armes à feu qu'il ne faut pas lutter contre les causes fondamentales du suicide mais ces causes sont plus difficiles à cerner. Elles sont moins concrètes. Il existe une multitude de facteurs et l'on ne sait pas vraiment lequel est le plus important.

De sorte que, même si l'hygiène publique s'intéresse aux causes réelles du suicide, cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas examiner également les manifestations, les symptômes du suicide et les méthodes utilisées pour se suicider. C'est ce qui nous a amenés à étudier les armes à feu.

Pour en revenir à la rationalité, à la personne qui est rationnelle: les données dont nous disposons, concernant le facteur de risque, est qu'il y a entre 50 et 60 p. 100 des suicides qui sont commis avec une arme à feu, ou d'une autre façon, et où la victime a un taux d'alcoolémie très élevé. C'est même une des raisons pour lesquelles ceux qui mélangent certains médicaments qui pris seuls ne les tueraient pas, comme le Valium... Il est possible de prendre beaucoup de Valium sans ressentir grand-chose mais si on le mélange avec de l'alcool, on devient candidat au suicide. Il y a beaucoup d'alcool dans les suicides.

• 1605

Il y a, grosso modo, deux types de suicide. C'est en fait plus complexe que cela mais pour simplifier, on peut dire qu'il y a le suicide rationnel et le suicide impulsif. Ce ne sont pas les mêmes personnes qui choisissent l'un ou l'autre.

Nous constatons une augmentation du suicide chez les personnes âgées. Il s'agit dans ce cas de suicides parfaitement rationnels. Nous ne pensons pas que nous réussirons jamais à prévenir ce type de suicides. Ces personnes n'utilisent pas seulement les armes à feu; elles peuvent utiliser une corde, des médicaments et de l'alcool. La diversité des moyens utilisés est assez horrible. Ce sont les suicides rationnels. Je ne pense pas que nous puissions faire quoi que ce soit pour cela pour le moment, je le regrette beaucoup.

Il y a un autre groupe de la population, nos jeunes, le groupe des 15 à 24 ans. Ils ont plus tendance à commettre ce que l'on appelle un «suicide impulsif». Leur suicide n'est pas relié à des problèmes psychiatriques, comme c'est le cas chez les personnes plus âgées, où il y a une schizophrénie ou une psychose paranoïde, des choses du genre. Les jeunes sont moins touchés par les maladies psychiatriques.

On a fait une enquête au Québec, il y a quelques années. Je crois que nous en avons parlé au cours d'une de vos séances. L'étude portait sur la sécurité dans l'entreposage des armes à feu. Nous avons examiné un grand nombre de cas. Ils étaient très typiques.

Je dois vous dire que nous avons lu près de 600 dossiers et je ne vous raconte pas des histoires. Nous avons examiné en détail 600 dossiers préparés par le coroner du Québec qui est chargé d'examiner comment ce genre de choses se produit. Les circonstances décrites dans ces dossiers vous font frissonner.

Vous avez un fils de 18 ans—et c'est un cas typique—qui est intelligent, qui étudie bien, il fait du sport, il ne prend pas de drogue, rien. Il sort un soir pour faire la fête.

Je n'y étais pas mais une de ces personnes est venue témoigner ici avec mes collègues, le Dr Maguire, M. Saint-Onge et le Dr Maurice. Ce jeune homme répond à cette description—17 ans, intelligent, pas de drogue, le fils que tout le monde voudrait avoir. Il sort avec des amis. La police l'arrête. Il prend peur et panique. Il rentre chez lui, trouve la carabine .22 de son père, trouve les balles dans le tiroir, les met où elles vont et tire.

Ce garçon est venu ici parce que c'est l'un des rares survivants. Il est aveugle. Vous souvenez-vous de lui?

C'est une histoire typique. Je pourrais vous en raconter des dizaines, ad nauseam.

Ce n'est donc pas rationnel, pas toujours. Cela l'est parfois mais dans ces cas-là, je ne pense pas que nous puissions faire grand-chose.

Au Québec, ce pourcentage est plutôt de 75 p. 100. Au Canada, si l'on prend toutes les provinces, y compris la vôtre, cela se rapproche de 80 p. 100. Je ne peux pas vous dire quel est le pourcentage de ce 80 p. 100 de suicides causés par les armes à feu qui sont impulsifs mais je peux vous dire que le groupe des jeunes qui se tuent avec une arme à feu—et ils ne manquent pas souvent, celui qui est venu ici et qui a survécu pour témoigner est un cas rare—commettent le plus souvent un suicide impulsif.

Il est possible d'empêcher ces suicides en plaçant des barrières, physiques et temporelles, à leur acte impulsif. Cela vaut également pour le propriétaire de l'arme.

Évidemment, le jeune garçon dont j'ai parlé a ramassé le fusil de son père ou de son oncle ou de quelqu'un d'autre alors que ce fusil aurait dû être entreposé de façon sécuritaire. Il n'aurait pas dû pouvoir se procurer la clé.

Lorsqu'il est venu ici, je crois qu'il a déclaré—du moins il nous l'a déclaré à nous—que s'il y avait eu un mécanisme de blocage de la détente, il ne serait sans doute pas aveugle aujourd'hui.

• 1610

Cela concernait également le propriétaire de l'arme. S'il a pris beaucoup d'alcool et qu'il agit plus ou moins de façon impulsive, il va lui falloir un peu de temps pour trouver la clé et il va également avoir du mal à s'en servir. Si on ajoute tous ces moments, on arrive à créer ce qu'on appelle une distance temporelle. Cela lui donne davantage de temps pour retrouver ses esprits. De sorte que dans les deux cas...

Avec la violence, je crois que l'on peut utiliser la même logique. Il existe une certaine proportion des actes de violence qui sont commis de façon très impulsive, qu'elle soit reliée à l'alcool ou non. Que celui qui n'a jamais perdu la tête une fois dans sa vie lance la première pierre. Si l'arme à feu se trouve à portée de main et qu'elle est immédiatement utilisable, une soirée qui aurait pu se terminer par une pile d'assiettes cassées pourrait se terminer par un décès.

Le vice-président (M. John Maloney): Merci, docteur Chapdelaine.

Monsieur Marceau.

[Français]

M. Richard Marceau (Charlesbourg, BQ): Monsieur le président, mon collègue Peter MacKay devant s'absenter, je vais lui laisser la parole et je reprendrai par la suite.

[Traduction]

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Je tiens à remercier mon collègue de m'avoir donné cette possibilité— j'ai en effet un autre rendez-vous. Je tiens également à remercier le docteur d'être venu devant le comité aujourd'hui.

Je crois que vous avez lancé un débat fort intéressant. La question de l'effet des drogues et de l'alcool sur l'état d'esprit d'une personne et sur sa rationalité, du risque que cela l'amène à commettre un acte impulsif dirigé contre elle ou contre quelqu'un d'autre, est à l'origine du grand nombre des suicides et des actes de violence, et c'est peut-être une cause plus déterminante que la possibilité de se procurer une arme.

D'après ce que je sais du système de justice pénale, on utilise de plus en plus les couteaux et les bâtons. Lorsque quelqu'un est décidé à commettre un acte de violence... Je suis d'accord avec le principe que vous mettez de l'avant selon lequel l'accès à une arme, qu'il s'agisse d'une arme de poing ou d'une arme d'épaule, est un facteur qui va déterminer si un acte de violence est commis. Et vous reconnaîtrez, j'en suis convaincu, que le C-17 met en place des obstacles physiques à la commission d'un tel acte, que ce soit le fait de mettre un fusil sous clé ou de mettre les munitions et l'arme dans des endroits différents. Vous avez mentionné cet aspect dans l'histoire du témoin qui nous a déclaré qu'il était rentré chez lui, avait pris une arme et l'avait chargé. On peut espérer que, s'il y avait eu un délai, cette personne n'aurait pas agi impulsivement comme elle l'a fait.

Il me semble toutefois comprendre de vos commentaires que, si vous estimez que ce règlement est positif, c'est en grande partie parce que vous souhaitez que finalement personne ne puisse avoir d'arme à la maison. C'est ce que je déduis du fait que votre groupe a demandé que l'on impose davantage de restrictions par voie réglementaire.

C'est, je crois, l'effet que va avoir ce système d'enregistrement lorsqu'il va entrer en vigueur. Il va devenir plus coûteux, plus compliqué, plus lourd, et il va être éventuellement plus difficile de posséder une arme à feu quel que soit l'usage envisagé—même une utilisation légitime et cela est conforme à votre hypothèse de base selon laquelle il y a peu de personnes au Canada qui ont besoin d'un fusil. Rares sont les gens qui ont besoin d'une carabine pour vivre.

• 1615

Ne risquons-nous pas d'adopter une attitude trop interventionniste en essayant de protéger les gens contre eux- mêmes? Si l'enregistrement de ces armes est une mesure prise dans le but éventuel d'interdire toutes les armes... et je ne sais pas si c'est bien là votre objectif final, n'est-ce pas aller un peu trop loin dans le but de protéger les gens contre eux-mêmes? Si c'est bien là le but de ces dispositions, pourquoi ne pas le dire au lieu d'adopter des règlements aussi restrictifs?

Dr Antoine Chapdelaine: Merci de votre question, même si ma tête allait des deux côtés.

La plupart des hypothèses que vous avez faites sur notre objectif sont exactes, c'est la question des obstacles. L'objectif consistant à rendre plus difficile l'usage impulsif d'une arme me paraît tout à fait légitime. J'espère par contre qu'il n'y a pas de malentendu et que vous ne pensez pas que notre but est d'interdire les armes ou d'interdire l'alcool ou les drogues ou le reste. Nous savons que cela n'est pas possible.

Notre but est de les contrôler, de renforcer—je ne sais pas si vous étiez arrivé lorsque j'ai mentionné cela—la sécurité des Canadiens et de réduire les démarches imposées aux propriétaires pour que les propriétaires légitimes... pour ceux qui chassent, qui font du tir sportif et même disons, pour les véritables collectionneurs, il n'y a pas de problème. Cela fait partie de notre tradition.

Vous avez posé deux questions dans votre commentaire. La première est la question des coûts. Tout cela va-t-il coûter trop cher? Avons-nous vraiment les moyens d'adopter un tel système et ne sommes-nous pas en train de placer trop d'obstacles pour essayer de protéger les gens contre eux-mêmes?

Je travaille sur cette question depuis 1989. Si vous vous souvenez, le gouvernement de l'époque avait proposé le projet de loi C-17, auquel vous avez fait allusion à deux reprises. Le ministre de la Justice avait demandé de faire partie du Conseil consultatif canadien des armes à feu qui était présidé par le sénateur Jacques Flynn de Québec.

Nous avons travaillé pendant trois ans sur certaines règles. Nous étions particulièrement satisfaits des règles que nous avons élaborées en matière d'entreposage sécuritaire. Nous étions très satisfaits de ces règles parce que la majorité des membres du conseil étaient des utilisateurs d'armes, des vendeurs de fusils, des tireurs olympiques et d'autres. Les représentants du système juridique, du système judiciaire ou du système de santé étaient minoritaires. J'étais seul de mon secteur.

Nous avons réussi à nous entendre sur un compromis et les armuriers nous ont été d'un secours précieux pour mettre au point des dispositifs de sécurité et des façons sécuritaires d'entreposer les fusils. C'est le côté positif et il venait du gouvernement. Mais il manquait quelque chose et c'est là que vous avez mentionné que mon groupe voulait davantage.

Le projet de loi C-17 représentait un pas dans la bonne direction mais il manquait un élément important dans ce projet de loi C-17, élément que nous avons trouvé dans le projet de loi C-68 et dans celui qui a été adopté en 1995. C'était la volonté de responsabiliser le propriétaire d'arme.

Il était impensable de vouloir «responsabiliser», ou de penser que nous pourrions y parvenir, tous les propriétaires d'armes respectueux des lois, sans exiger—et c'est ce que ne prévoyait pas le projet de loi C-17—un permis de possession. Il leur suffisait d'obtenir une autorisation d'acquisition qui était un morceau de carton que l'on pouvait se procurer à l'époque pour 10 $; le prix a légèrement augmenté depuis. Il n'y avait pratiquement aucune vérification et avec ce papier, on pouvait acheter n'importe quelle arme n'importe quand.

Personne n'était vraiment responsable de la vérification. Cela est venu avec la loi suivante.

• 1620

Ces choses prennent du temps et je ne critique pas la Loi Campbell parce qu'elle a représenté un progrès. Mais je crois que cette loi est venue compléter le travail. C'est pourquoi nous voulons que l'on complète cette loi.

Pour ce qui est de la responsabilisation, il existe un autre facteur qui entre en jeu et qui ne concerne pas uniquement des cas anecdotiques; je pourrais vous citer des cas de ce genre ad nauseam.

Au sujet du lien entre l'arme et le propriétaire, je pourrais vous donner un exemple. Cela s'est passé à Longueuil, en 1995 ou 1996, je crois, un jeune de 14 ans s'est rendu chez un ami. Cet ami semblait avoir accès à un fusil de chasse à mécanisme à pompe de calibre 12 ou 20, ce qui est une arme très puissante. Il l'a volé à son ami de 14 ans et qui avait accès à cette arme. Il est rentré chez lui et a tué son frère pendant son sommeil. Il a ensuite attendu que ses parents reviennent et il les a tués tous les deux.

C'est un cas classique au Québec. Nous avons examiné ce cas. Il est non seulement incroyable qu'un enfant de 14 ans ait accès à un fusil et qu'il ait pu le voler parce qu'il avait été mal entreposé. C'était avant que n'entrent en vigueur les règles du projet de loi C-17 en matière d'entreposage, il faut que je vous le mentionne—mais c'était tout de même incroyable. Ce qui était vraiment incroyable était que légalement, le propriétaire du fusil aurait pu dire qu'il n'était pas à lui. Il n'y avait rien qui le reliait à ce fusil. Il n'avait pas de système d'enregistrement.

Il est difficile de se sentir responsable de sa propre voiture lorsque votre nom ne figure pas clairement sur la plaque d'immatriculation. C'est pourquoi...

M. Peter MacKay: Désolé de vous interrompre. Selon ce scénario...

Dr Antoine Chapdelaine: J'aimerais revenir à la question des coûts, si vous permettez.

M. Peter MacKay: Très bien. Je ne sais pas exactement comment l'arme était entreposée et je tiens compte des derniers changements introduits par le projet de loi C-17, mais pour ce qui est de l'aspect responsabilité, cet organisme de réglementation va, d'après moi, encourager les personnes qui commettent des infractions pénales à l'aide d'armes à feu à s'en débarrasser rapidement pour qu'on ne puisse les retracer, au cas où elles seraient enregistrées. Suivez-vous mon raisonnement?

Dr Antoine Chapdelaine: Oui, mais je ne vois pas le lien avec les règles dont nous parlons ici. La sanction de l'utilisation illégale d'une arme à feu a déjà été discutée et en tant que groupe, nous n'avions aucun commentaire à faire sur ce sujet.

M. Peter MacKay: Très bien.

Dr Antoine Chapdelaine: Pourrais-je revenir à la question des coûts avant que M. MacKay soit obligé de partir? Il a soulevé cette question et c'est un facteur important.

Lorsque je siégeais à ce conseil législatif, nous parlions déjà beaucoup du coût du système, des lois, etc. et pas seulement du coût que cela allait entraîner pour les propriétaires d'armes à feu. Allons-nous les faire payer tellement cher qu'ils vont renoncer à avoir des fusils? C'est une question légitime que le sénateur Flynn nous avait demandé d'examiner.

Par la suite, j'ai eu l'occasion de travailler avec des économistes et à regarder non seulement l'autre côté de la médaille, qui est celui des coûts d'un système d'enregistrement, etc., mais également celui des coûts que représentent les soins à donner aux blessés, les morts et les coûts sociaux... À l'époque, il y avait environ 1 400 décès par an, soit un peu plus de trois par jour au Canada. Au Québec, il y avait 400 décès causés par des armes à feu par an. Cela représente environ un décès par jour, à peu près.

Nous avons donc examiné la question des coûts. Vous connaissez probablement l'étude qui a été publiée, je crois un mois avant qu'elle ait été communiquée au Sénat en 1995, dans le Journal de l'Association médicale canadienne. C'est un journal très sérieux qui est lu par 60 000 médecins au Canada. Cette étude portait sur les coûts directs et indirects, parce qu'on nous posait beaucoup de questions. Il est possible d'évaluer directement le coût de l'intervention policière, des funérailles et les coûts médicaux, le cas échéant, mais il est plus difficile d'évaluer les coûts indirects, la perte de productivité, la perte de qualité de la vie, aspects très importants.

• 1625

Nous avons examiné cela avec un économiste et l'étude a été publiée. Nous en sommes arrivés à un chiffre époustouflant. En 1993, le total de tous ces coûts représentait près de 6 milliards de dollars pour l'ensemble du Canada.

J'ai vu récemment une évaluation plus précise de ces coûts. L'aspect qui va beaucoup vous intéresser est que l'auteur a comparé les coûts occasionnés aux États-Unis aux coûts canadiens. Cela est particulièrement intéressant parce que leur situation est pire que la nôtre. Cela coûte quand même beaucoup d'argent aux Canadiens.

Je vais parler des coûts en dollars américains—les auteurs de l'étude voulaient établir des comparaisons avec les Américains, et ils ont converti les dollars canadiens en dollars américains—que cela représente pour chaque enfant, grand-père, femme ou homme canadien par an à cause des blessures causées par des armes à feu. Il y a les coûts indirects, les coûts bruts et les coûts directs. Si ma mémoire est exacte—et je viens de lire cette étude dans l'avion—on parle de 180 $ américains par an pour chaque Canadien et de 50 $ de coûts directs par Canadien par an.

Évidemment, tous les Canadiens ne possèdent pas une arme à feu. En fait, il y a beaucoup de Canadiens qui paient parce que ces armes ne sont pas suffisamment contrôlées. Il faut donc faire très attention lorsque l'on parle des coûts.

M. Peter MacKay: Il y a beaucoup de gens qui paient pour les programmes de désintoxication dans les prisons et qui n'en ont jamais eu besoin eux-mêmes.

Dr Antoine Chapdelaine: Mais ici nous parlons d'un sport.

Le vice-président (M. John Maloney): Nous avons largement dépassé le temps. Il faut donner la parole à M. Marceau.

[Français]

M. Richard Marceau: J'aurai deux commentaires et ensuite quatre questions auxquelles je demanderais au Dr Chapdelaine de répondre.

Je voudrais commencer par vous remercier de votre présence ici aujourd'hui. Votre témoignage était très intéressant.

Deux faits m'ont un peu glacé. D'abord, il y a le fait que les suicides sont commis avec des armes à feu longues, à la maison et en milieu rural. C'est quelque chose qui m'a non seulement glacé, mais aussi beaucoup étonné. Le deuxième fait surprenant, c'est que la simple présence d'armes à feu fait augmenter de cinq fois le risque de suicide et de trois fois le risque d'homicide. Ce sont deux faits qu'on doit garder à l'esprit lorsqu'on étudie ce dossier.

Si je comprends bien votre notion de responsabilisation, vous dites que le projet de réglementation et d'enregistrement fera en sorte que les propriétaires d'armes à feu amélioreront leurs habitudes d'entreposage et que ce simple fait contribuera à diminuer considérablement ce que vous appelez les suicides irrationnels. C'est une étape de plus qui pourrait faire en sorte que les gens reprennent leur esprit avant d'utiliser les armes.

Deuxièmement, si je comprends bien votre message, vous nous dites de nous dépêcher d'adopter cette réglementation pour que tout soit prêt pour 2001. Finalement, il ne reste que trois ans—1998, 1999 et 2000—pour mettre cela en place et il faudrait commencer tout de suite.

Troisièmement, à la page 48 du texte français, vous demandez si cela inclut les armes à usage restreint. La réponse a été oui et vous avez dit que vous n'étiez pas satisfait de cela.

• 1630

Vouliez-vous dire que vous voudriez que l'enregistrement des armes à usage restreint commence aujourd'hui et pas seulement en 2003?

Quatrièmement, vous dites que si cette réglementation-là ne sauve que quelques vies, en mettant des barrières aux suicides irrationnels, l'objectif aura été atteint. On atteindra notre objectif si on diminue ne serait-ce qu'un tant soit peu le taux beaucoup trop élevé de suicide qu'on a au Québec et au Canada.

Dr Antoine Chapdelaine: Pour ce qui est des deux commentaires dont vous avez parlé, vous les retrouverez dans tous les mémoires qu'on a déposés ici à toutes les autres occasions. On pourrait facilement vous les faire parvenir si vous vouliez voir sur quoi on se base pour dire une chose pareille.

Les armes longues en milieu rural, à domicile, chez des gens qui auparavant étaient normaux, qui n'avaient pas de problèmes, c'est assez flagrant. Les études qui nous ont amenés à affirmer que la seule présence d'une arme dans une maison augmente de cinq fois le risque de suicide et de trois fois le risque d'homicide, se corroborent les unes après les autres. En épidémiologie, on ne dit pas une chose pareille à moins d'avoir une série d'études qui sont bien faites et robustes en termes de méthodologie. J'apprécie que vous ayez relevé ces deux points.

Passons maintenant à vos questions. Pour ce qui est de la question de la responsabilisation et des suicides irrationnels, nous utilisons plutôt le terme «impulsifs», mais je pense qu'on parle de la même chose. On a bon espoir que la responsabilisation fasse que l'on entrepose mieux ces armes, de manière à allonger les barrières physiques et spatio-temporelles.

En ce qui a trait à la responsabilisation, on se base sur tout un historique de santé publique. Lorsqu'on réussit à sensibiliser les gens tout en les éduquant, on obtient plus que si on essaie juste de les éduquer ou juste de leur imposer des lois.

[Traduction]

Dans le domaine de l'hygiène publique, il y a trois grandes séries de mesures, à savoir la technologie, l'application des règles et l'éducation.

[Français]

En français, cela sort moins bien. L'engineering, c'est toutes les technologies qui font qu'on se protège: les vaccins, les verrous de détente, les sacs à air dans les voitures, ce genre de choses. Il y a les bouchons de sécurité

[Traduction]

pour les contenants de médicaments. C'est de la technologie et c'est efficace parce qu'il n'a pas besoin de demander quoi que ce soit aux utilisateurs. C'est un procédé efficace.

L'autre aspect est l'application des lois et la dernière, l'éducation. Si vous avez des lois qui disent aux gens qu'ils seront punis s'ils conduisent en état d'ébriété et que l'on place des barrages routiers et qu'on vérifie si les gens ont consommé de l'alcool, on utilise une technologie pour tester les taux d'alcoolémie. Si vous lancez également des campagnes d'éducation pour Noël, la période des Fêtes, les résultats sont meilleurs que si vous mettez tous vos oeufs dans le même panier.

C'est une question de dosage des stratégies. Nous en avons traité dans nos mémoires.

[Français]

Votre deuxième question avait trait à la raison pour laquelle nous avons hâte que ces règlements soient adoptés. On vous encourage

[Traduction]

à les faire adopter parce qu'il n'y a pas beaucoup de temps. J'aimerais que vous reteniez ce commentaire, parce que l'année 2001 va venir rapidement, et l'année 2003 aussi. La tâche à accomplir est très importante, elle est complexe, et comme tous ceux qui s'intéressent à cette question depuis des années le savent, comme certains d'entre vous, l'aspect application de la loi est très complexe.

• 1635

Mais nous sommes calmes et très sereins à l'égard de cette question parce que c'est la loi elle-même qui a fixé les dates 2001 et 2003 et personne ne peut changer la loi à moins de demander au Parlement de le faire. Espérons que cela ne se fera pas. Il demeure que le délai est court et que si nous voulons que ce soit efficace, il faut mettre toutes les chances du côté du législateur.

Je ne suis pas certain de vous avoir très bien compris.

[Français]

Il s'agit de la question de l'an 2003 pour la vérification. Cela nous fatigue que les armes à utilisation restreinte, comme les armes de poing, qui ont toujours été enregistrées depuis 1978... Il faut prendre leur numéro et la personne a une carte avec le numéro de l'arme qu'il possède. Pour cela, ça va. Cependant, il y a la question du transfert. Supposons que votre oncle décide de se défaire de son pistolet de police de calibre .38, qu'il a voulu racheter après son service, et qu'il le transfère à un de ses amis. On aimerait qu'on vérifie le numéro qui est transféré. On ne veut pas que ces armes soient réenregistrées, puisqu'elles sont déjà enregistrées, mais qu'il y ait vérification.

On lit dans le règlement:

    C) Le 1er janvier 2003 ou après cette date, fournir au directeur une attestation indiquant que les renseignements soumis à l'appui de la demande pour un nouveau certificat d'enregistrement ont été vérifiés par un vérificateur autorisé,...

Cela a trait aux armes à utilisation restreinte et la vérification devra être faite avant 2003. On accepte cela. On a eu beaucoup de discussions sur cela, mais on accepte, pour des raisons pratiques, la proposition qui est faite dans ces règlements, à savoir que les armes longues soient toutes vérifiées seulement après 2003.

Je vais vous parler de la

[Traduction]

du raisonnement qui nous a amenés à accepter l'année 2003 pour les armes d'épaule est le même qui nous a amenés à ne pas accepter cette date pour les armes de poing. Nous acceptons cette date pour les fusils parce que nous nous basons sur le fait que la plupart des Canadiens sont respectueux des lois. Lorsqu'ils remplissent leur déclaration d'impôt annuelle, ils fournissent habituellement des renseignements exacts. Il y en a quelques-uns qui ne le font pas mais ils sont rares. Nous ne voyons pas pourquoi il faudrait assumer avant l'an 2000 le coût et les difficultés que cela causerait. Nous acceptons le fait que les fusils enregistrés au Canada d'ici l'an 2000 ne seront pas tous vérifiés avant l'an 2003 parce que nous acceptons que les gens feront ce qu'ils peuvent pour placer le chiffre qui convient lorsque cela est possible. Lorsque cela ne l'est pas, ils demanderont de l'aide et je suis sûr qu'on la leur fournira.

La dernière question de M. Marceau,

[Français]

en santé publique, notre rôle n'est pas vraiment de dire que même si on sauve juste quelques vies, il vaut la peine de faire beaucoup de contrôle et tout cela. On est tenus, de par une nécessité qui est celle de calculer le rapport coûts-bénéfices, de se dire: Quels moyens pourrait-on utiliser pour avoir, comme disent les militaires, «the biggest bang for the buck», pour avoir le plus de résultats pour l'investissement?

Considérant ce que j'ai dit à M. MacKay sur les coûts, considérant les coûts annuels des blessures pour les Canadiens, et considérant ce que vont coûter les contrôles que l'on souhaite depuis sept ans, on trouve qu'il y a beaucoup plus de bénéfices que de coûts. Déjà, à l'époque du projet de loi C-17, on avait vu l'avantage de ce projet de loi dans la réduction du nombre de morts accidentelles.

• 1640

On avait de 200 à 300

[Traduction]

de blessures accidentelles chaque année au Canada au cours des années 70. Ce chiffre est passé à 60 environ, au moment où Mme Campbell est arrivée et il baisse toujours. Cela s'explique principalement par la loi adoptée en 1978 avec M. Allmand et ensuite par le C-17. Toutes ces mesures étaient très axées sur l'éducation. Cela est efficace pour la prévention des accidents.

Mais il s'agit là d'autres problèmes, comme les suicides et les homicides, et nous ne pouvons pas nous en remettre uniquement à l'éducation pour régler ces problèmes.

Je crois que le Parlement a décidé de faire un excellent investissement. Dans le domaine de la prévention du crime, c'est le meilleur des investissements qu'un gouvernement puisse faire. Cela ne sauvera pas que quelques vies. Cela en sauvera bien davantage.

Le vice-président (M. John Maloney): Merci, docteur Chapdelaine.

Madame Barnes.

Mme Sue Barnes (London-Ouest, Lib.): Merci beaucoup.

Je suis très heureuse de vous revoir. Après tous les témoins que j'ai entendus, je dirais que c'est encore vous qui êtes le plus logique et vous présentez très bien vos arguments sur un sujet qui suscite énormément de passion.

C'est la première fois que je prends la parole devant le comité au cours de cette législature. Vous avez parlé tout à l'heure du projet de loi C-17. J'ai été très déçue lorsque le Parti conservateur a modifié la position qu'il avait adoptée sur ce projet de loi, parce qu'à mes noces, le témoin était le secrétaire parlementaire du ministre de la Justice au sujet du C-17. J'ai suivi ce débat particulièrement passionné où le Parti conservateur défendait à l'époque ce genre de contrôle des armes à feu. C'est à ce moment-là que j'ai commencé à m'intéresser à ce dossier.

Je me souviens du jour où nous avons entendu un témoin parler de cette somme de 6 milliards de dollars qui représentait le coût annuel des décès et des accidents dus à des armes à feu. Malheureusement, ce débat n'était pas télévisé et je me souviens du peu de cas qu'en on fait les journaux. Ces derniers contenaient beaucoup d'articles qui parlaient du coût de l'enregistrement des armes, coût dont on a beaucoup parlé.

On me parle encore des difficultés reliées à l'enregistrement des armes d'épaule et des autres armes. Là encore, je n'oublierai jamais le témoignage de Priscilla de Villiers au cours de la dernière législature pendant laquelle nous avons examiné ce projet de loi. Son refrain était «Laissez-moi vous parler de ces difficultés.» Je me souviens avoir repris cette citation dans le discours que j'ai présenté à la Chambre sur ce projet de loi.

Et voilà que nous nous retrouvons en train d'examiner cette question. Je suis d'accord avec tout ce que vous avez dit aujourd'hui. Je sais qu'il est très difficile de répondre à l'affirmation suivante «Si les gens veulent se tuer, ils vont le faire». C'est une affirmation facile. Nous savons pourtant, de façon très précise, que dès qu'une personne utilise une arme à feu pour se suicider, elle y parvient. Toutes les autres méthodes combinées représentent un chiffre qui est de loin inférieur à celui des tentatives de suicides réussies.

Je suis contente que vous nous ayez apporté votre expérience et vos connaissances et ayez précisé cette question parce que je sais que l'on va reprendre constamment les mêmes arguments jusqu'à ce que la question soit vidée et que nous ayons notre système d'enregistrement, si nécessaire à la sécurité des Canadiens.

Dans votre exposé d'ouverture, vous avez parlé de l'étude qui donnait le nombre des cas de suicide, d'accident ou de décès lorsqu'il y avait une arme à feu au domicile. Je sais que vous avez les données avec vous et j'aimerais qu'elles soient versées au procès-verbal pour que les gens comprennent clairement que vous n'avez pas exprimé une simple opinion personnelle ou parlé d'un cas particulier, pour que les gens puissent prendre connaissance de ces données scientifiques. Veuillez nous en dire davantage sur le moment choisi pour effectuer l'étude et ses fondements scientifiques. Parlez-nous un peu plus du moment choisi, de la méthode, des résultats et des régions visées.

Dr Antoine Chapdelaine: Est-ce que votre question est bien...

Mme Sue Barnes: Parlez-moi de l'aspect scientifique de vos déclarations.

• 1645

Dr Antoine Chapdelaine: Évidemment, vous avez raison, madame Barnes. Les choses qui restent en mémoire après plusieurs années sont souvent des cas précis, peut-être celui d'une personne que nous avons rencontrée. Mais cela ne suffit pas pour défendre une cause, que ce soit devant un tribunal ou qu'il s'agisse de fournir des renseignements à des législateurs comme vous pour vous aider à prendre votre décision. C'est le rôle que les responsables de la santé publique essaient de jouer, vous aider à prendre cette décision. Il ne suffit pas de vous fournir des anecdotes. Il faut que ces observations reposent sur une base scientifique.

L'autre raison pour laquelle nous avons effectué cette étude est qu'en vous donnant des données précises et récentes, des éléments solides et à jour, nous vous aiderions à prendre vos décisions et à commettre moins d'erreurs. Si vous y allez à l'intuition, vous aurez peut-être la sensibilité politique qui vous permettra d'atteindre votre but mais vous réduisez vos chances de vous tromper si vous disposez de données solides sur lesquelles fonder votre décision.

Dans le passé, les services de santé publique ne s'intéressaient pas aux décès et aux accidents causés par les armes à feu. Nous avions déjà beaucoup à faire avec les maladies infectieuses, la santé au travail et les accidents de travail, la santé des mères et des enfants, etc. Nous avons été remarquablement absents, et j'estime que cela est décourageant, du débat qui a entouré le contrôle des armes à feu au cours des années 70 au Canada, lorsque M. Allmand était ministre de la Justice. Nous avons été totalement absents de ce débat. Les policiers y ont participé. Les policiers étaient directement intéressés et motivés à renforcer les contrôles parce qu'ils s'occupaient des criminels. Il y avait un aspect d'application de la loi mais ce sont également eux qui étaient menacés par ces armes. C'est sur eux qu'on tirait. Mais ils n'avaient toutefois pas beaucoup de données solides à présenter.

Ce n'est qu'au cours des années 80, aux États-Unis, à cause de l'ampleur du problème dans ce pays, que des scientifiques ont décidé qu'après tout, cela était peut-être aussi un problème de santé publique. Ils ont examiné les décès. Ils ont examiné les circonstances, les accidents, les coûts, etc. C'était un grave problème aux États-Unis.

La majorité des cerveaux qui travaillent dans le domaine de l'épidémiologie sont aux États-Unis et ces chercheurs se sont dit que puisqu'il s'agissait d'un problème de santé, pourquoi ne pas l'examiner de la même façon qu'on étudie les maladies infectieuses ou le tabagisme? Ne serait-il pas possible d'examiner ce problème et de déterminer les facteurs qui y sont liés, les facteurs de risque? On pourrait peut-être ainsi découvrir les variables liées à ce facteur et travailler sur les facteurs de risque. Est-ce efficace? Voilà comment nous procédons.

Les études n'ont débuté qu'en 1982. Les premières études n'ont été publiées qu'au moment du massacre de l'École polytechnique. Je dois reconnaître très humblement que j'ai étudié aux États-Unis dans les années 80. Ce sujet m'intéressait vaguement mais je m'occupais surtout de maladies infectieuses à cette époque. J'ai commencé à m'intéresser à ce sujet.

J'ai commencé à m'intéresser vivement à cette question le jour où j'ai passé l'examen du Collège royal en 1987. Nous étions en train de préparer les réponses à une liste de questions et il y a toujours des questions très bizarres. Une question est sortie: les armes à feu. Est-ce un problème de santé? Que faut-il faire?

J'ai été obligé de réfléchir très vite pour... C'est alors que j'ai constaté que l'on connaissait fort peu de choses à ce sujet.

Au cours de l'été 1989, avant le massacre de l'École polytechnique, il y a eu un cas de suicide au Québec qui nous a beaucoup frappé, ce qui nous a amené à étudier les méthodes utilisées pour se suicider. Nous avons commencé à passer en revue toute la recherche. Il n'y avait pas grand-chose. Il n'y avait pas un seul médecin canadien de la santé publique qui s'intéressait à ce sujet.

Il y avait des études en cours. Notamment celle qui comparaît Vancouver et Seattle et dont j'ai souvent parlé devant la Chambre. C'était une étude intéressante. Elle consistait à examiner la réglementation et le taux des décès des deux pays dans deux régions comparables.

• 1650

Seattle est une ville très semblable à Vancouver, tant sur le plan socio-économique que racial. Le taux des décès était beaucoup plus faible pour ce qui est des suicides et des homicides à Vancouver où il existait certains contrôles, en particulier à l'égard des armes de poing, qu'à Seattle où il n'y avait pratiquement aucun contrôle. C'était la toute première étude.

Je dois reconnaître que quand le massacre de l'École polytechnique est survenu, nous avons trouvé cela vraiment effroyable. Nous avons toutefois été très prudents parce que nous ne voulions pas profiter de l'occasion pour commencer à parler de ce sujet; nous avons donc attendu un certain temps avant de nous y intéresser. Notre intérêt est devenu officiel un peu après Noël lorsque nous avons déclaré que cela ne représentait que la pointe de l'iceberg et qu'il y avait un grave problème de santé publique qui représentait lui, le reste de l'iceberg. Il y a 400 décès au Québec. Douze femmes ont été tuées dans des circonstances très particulières mais ce genre de morts se produit dans d'autres circonstances et nous pourrions peut-être faire quelque chose.

Pour vous parler franchement, j'étais assez inquiet parce que nous ne disposions pas à l'époque de données solides qui pouvaient répondre à vos critères et vous aider à prendre vos décisions. Mais les données s'accumulaient. Je ne veux pas citer quelqu'un de l'Ontario mais il faut parfois faire preuve de bon sens lorsqu'il s'agit de la santé publique.

Au début, nous avions quelques données, quelques études et notre bon sens. Heureusement que ce que nous disait notre bon sens était confirmé de plus en plus par les études. Il y a eu beaucoup de publications dans les années 90. Je lisais les principaux journaux scientifiques, le New England Journal of Medicine et le Journal of the American Medical Association, ainsi que les revues canadiennes comme le Journal de l'Association médicale canadienne. On publiait des études fort intéressantes qui répondaient à la plupart des questions que nous nous posions.

Quelle est la différence entre une maison où il y a une arme et une maison où il n'y en a pas? Vous avez la réponse. Quelle est la différence entre une maison où les propriétaires ont une arme pour se protéger contre les cambrioleurs? Est-ce que cela les protège vraiment ou est-ce que c'est plutôt un danger pour les propriétaires de la maison? Vous avez également cette réponse.

Mme Sue Barnes: Voulez-vous qu'elle soit consignée au procès- verbal une nouvelle fois pour mes collègues?

Dr Antoine Chapdelaine: Je suis sûr que vous avez tous déjà entendu plusieurs fois les conclusions de ces études. Il est évident qu'une arme qui se trouve dans une maison va tuer beaucoup plus savent les personnes qui vivent dans cette maison que des cambrioleurs, pas cinq fois plus mais 43 fois plus. Il y a 43 fois plus de chances qu'une armée chargée et conservée à la maison dans un but de protection finisse par tuer une personne qui y vit, qu'elle soit utilisée pour commettre un suicide, la plupart du temps un suicide, un homicide ou à l'origine d'un accident, que par tuer un cambrioleur. C'est une des questions que l'on m'a posée.

M. Ramsay m'a posé une autre question au début de la séance au sujet de l'intention. Lorsque quelqu'un veut vraiment se suicider et n'a pas d'arme, il va utiliser autre chose. L'aspect de votre question qui touchait la rationalité me paraît très pertinente. Nous nous sommes posé ces questions mais ce n'est pas uniquement une question de rationalité. Il s'agit plutôt de savoir s'il y a accès à une arme et à une arme mortelle. Si quelqu'un utilise cette arme, il ne sera pas blessé, il va se tuer.

Mme Sue Barnes: Avez-vous des statistiques là-dessus?

Dr Antoine Chapdelaine: Très rapidement. Si l'on compare les coups de poing, les coups de couteau, utilisés dans les situations de violence interpersonnelle entre, disons, un mari et sa femme ou entre deux conjoints, la violence conjugale, et qu'on utilise tous ces moyens, si on utilise une arme à feu, il y a 12 fois plus de chances que la victime soit tuée que pour n'importe quelle autre méthode utilisée. Cela a été démontré à plusieurs reprises. Je ne vous en dirai pas plus.

• 1655

Mme Sue Barnes: Je vais terminer en disant que, depuis un an, depuis que je siège ici, la National Rifle Association s'est vu attribuer le statut d'observateur aux Nations Unies et je suis heureuse de voir qu'il y a des gens comme vous qui vont pouvoir contrer son influence.

Le vice-président (M. John Maloney): Nous avons pris pas mal de temps pour la première ronde de questions. Il en reste encore un peu et je vais demander aux membres du comité de poser des questions brèves et succinctes et aux témoins de leur répondre de la même manière, si cela est possible.

Monsieur Ramsay.

M. Jack Ramsay: Vous avez mentionné que, depuis l'adoption du projet de loi C-17, le nombre des décès accidentels avait diminué de 300 dans l'ensemble du pays.

Dr Antoine Chapdelaine: Je suis désolé. J'ai été mal compris. Je ne me suis pas exprimé clairement, excusez-moi.

Non. Lorsque le projet de loi C-17 a été adopté, il y avait 60 décès accidentels par an. Je parle de blessures mortelles mais non intentionnelles. Ce chiffre a baissé mais je ne me souviens pas exactement de combien. Les gens de la Justice pourraient vous le dire.

Ce n'est pas uniquement dû à cette loi. C'est ce que j'essayais d'indiquer à M. Marceau.

Le fait que cette loi existe et que les gens en parlent a également un grand effet. Vous avez vu ce qu'en dit la presse depuis sept ans. Les gens en parlent et se disputent dans les autobus à propos de cette question—ils se disputent gentiment. Ils en parlent et cela crée un milieu où il y a une bonne loi et un bon règlement et où il y a des efforts d'éducation, de formation, les gens sont sensibilisés à cette question et les résultats suivent.

M. Jack Ramsay: Avez-vous des statistiques indiquant que le nombre des suicides a diminué depuis l'entrée en vigueur du projet de loi C-17 et, si tel est le cas, quel a été le pourcentage de cette diminution?

Dr Antoine Chapdelaine: Je sais que ce chiffre a baissé mais il ne serait pas prudent d'affirmer que cela est dû uniquement à l'adoption du projet de loi C-17. C'est pourquoi j'ai répondu...

M. Jack Ramsay: Ce n'est pas ce que je veux savoir. Si vous avez ces statistiques, vous pourriez les remettre au comité... Avez-vous des statistiques qui indiquent la façon dont le nombre des suicides a diminué depuis l'année au cours de laquelle le projet de loi C-17 est entré en vigueur, quels que puissent être les facteurs qui peuvent expliquer cette diminution? Ce chiffre a- t-il diminué ou augmenté ou avez-vous ces chiffres?

Dr Antoine Chapdelaine: Les chiffres ont légèrement diminué mais je ne les connais pas par coeur. Ils sont fournis par Statistique Canada.

Je les ai ici mais je n'ai les chiffres que jusqu'en 1995. Lorsque j'ai comparu ici la première fois, je crois en 1990, il y avait eu cette année-là 1 054 morts par suicide. L'année suivante, il y en a eu 1 109. En 1992, 1 048. En 1993, 1 053 et en 1994... Ces chiffres sont tellement proches que je ne pourrais pas affirmer qu'ils ont diminué mais il est psychologiquement encourageant de voir que ce chiffre est tombé à moins de 1 000, il est de 973. Mais en prenant une période de cinq ans avec des chiffres qui varient si faiblement, je ne réussirais pas l'examen du Collège royal si je vous affirmais qu'il y avait eu une véritable diminution.

M. Jack Ramsay: Votre recherche vous permet-elle de dire au comité ou de nous fournir des projections sur la réduction du nombre des suicides à laquelle on peut s'attendre lorsque ce règlement entrera en vigueur, lorsque ce projet de loi et ces règlements seront appliqués intégralement?

Dr Antoine Chapdelaine: Non, je ne le peux pas. Je ne peux pas vous...

M. Jack Ramsay: Même pas un ordre de grandeur?

Dr Antoine Chapdelaine: Ni une évaluation basée sur mon expérience. Je ne me sens pas en mesure de vous affirmer quoi que ce soit sur ce point.

M. Jack Ramsay: Très bien. Merci.

• 1700

Le vice-président (M. John Maloney): Monsieur Hubbard.

M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.): Le suicide est peut-être le pire aspect de notre système de santé canadien parce qu'il représente un échec soit de la part de la société soit de la part de l'individu qui n'a pas réussi à établir des liens suffisamment forts avec elle.

Je sais que dans de nombreuses provinces—et je ne sais pas si cela est vrai pour le Québec—il y a beaucoup de suicides qui sont commis sans violence et qui ne sont jamais déclarés correctement aux autorités. Est-ce une hypothèse qui vaut pour l'ensemble du pays? Arrive-t-il souvent que les médecins parlent simplement d'une «crise cardiaque», ou d'une autre cause médicale, pour remplir le certificat de décès au lieu de dire qu'il s'agissait d'un suicide sans violence? Le suicide s'accompagne en effet d'un certain stigmate. Docteur, est-ce une hypothèse réaliste?

Dr Antoine Chapdelaine: Habituellement, lorsque l'on examine les données relatives aux décès et aux homicides, il y a un certain nombre de suicides, d'homicides, d'accidents, de décès causés par des agents de loi—un peu moins de 10 par an au Canada—et où l'intention n'est pas déterminée. Ces derniers chiffres se situent entre 30 et 40.

Dans notre société, la religion n'influence plus la façon dont les policiers, les coroners ou les médecins rédigent leur certificat de décès. Cela a beaucoup changé par rapport à un passé proche où au Québec l'église était très puissante. Je parle uniquement du Québec; je ne connais pas la situation dans les autres provinces. Je ne pense pas que ce genre de décès soit vraiment sous-rapporté.

Pour ce qui est de comparer les données de Statistique Canada ou celles des décès enregistrés, nous avons le chiffre des enquêtes effectuées par les coroners. Au Québec, chaque suicide fait l'objet d'une enquête confiée à un coroner.

M. Charles Hubbard: Pour mon information personnelle, pouvez- vous me dire combien y a-t-il par an de suicides commis avec une arme à feu au Québec?

Dr Antoine Chapdelaine: Cela varie d'une année à l'autre. Il y a environ 1 100 à 1 200 suicides au Québec annuellement. Nous avons commencé à nous y intéresser parce que ce chiffre dépassait celui des décès causés par des accidents de la route au Québec, qui est tombé sous la barre des 1 000. Sur les 1 100 aux 1 200 suicides, 400 sont commis avec une arme à feu. Cela représente un peu plus de 30 p. 100.

M. Charles Hubbard: Vous avez surtout insisté dans votre témoignage sur la nécessité d'accélérer les choses et d'adopter ces règlements. Vous n'avez pas parlé des différents aspects de ces règlements, même si vous avez présenté quelques suggestions sur un point mineur.

Je crois que ces règlements préoccupent beaucoup les Canadiens. Il y a le projet de loi C-17 qui, selon nos services de police, n'a jamais vraiment été appliqué. Les services de police et le ministère de la Justice du Québec ont-ils manifesté la volonté de faire ce qu'il faut pour appliquer ces règlements?

Y a-t-il eu des discussions au Québec au sujet du projet de loi C-68 et de ces règlements? Pensez-vous que le gouvernement du Québec soit prêt à prendre les mesures nécessaires pour vérifier que les citoyens respectent ces règlements et cette loi?

Dr Antoine Chapdelaine: Nous pouvons savoir ce que pensent les Québécois, le gouvernement québécois et les représentants québécois qui siègent dans cette Chambre. Si vous regardez les sondages effectués entre 1990 et 1997, vous constaterez que 80 à 94 p. 100 des Québécois ont toujours été en faveur des divers projets de loi dans ce domaine. Ce sont également ces personnes qui élisent les députés provinciaux et fédéraux.

Lorsque le chef du gouvernement provincial actuel siégeait à la Chambre, son parti, le Bloc, était très favorable à ces mesures. Si vous examinez le registre des votes tenus à la Chambre le 13 juin 1995, vous pourrez voir que tous les députés bloquistes ont voté en faveur du projet de loi.

M. Charles Hubbard: Quel est le pourcentage des ménages québécois qui possèdent une arme à feu?

• 1705

Dr Antoine Chapdelaine: Les études varient, mais c'est entre 21 et 23 p. 100. Il y a une étude bizarre qui donne un chiffre de 29 p. 100 mais disons que c'est à peu près un sur quatre.

M. Charles Hubbard: Merci, monsieur le président.

Le vice-président (M. John Maloney): Monsieur Malhi, voulez- vous poser une brève question?

M. Gurbax Singh Malhi (Bramalea—Gore—Malton, Lib.): Oui.

Quelles sont les provinces où le nombre des suicides commis avec des armes à feu est le plus élevé? Pouvez-vous me dire également s'il existe des raisons particulières qui expliquent cet état de fait?

Dr Antoine Chapdelaine: Je ne savais pas si on allait me poser cette question. Je suis heureux de conclure avec cette question.

J'aimerais distribuer aux membres du comité un tableau que j'ai préparé hier avant de prendre l'avion. Il n'est pas très bien fait et je vous prie de m'en excuser.

Ce tableau compare, par province, le pourcentage des foyers où se trouvent des armes à feu avec le nombre des décès. Si vous prenez une règle et tracez une ligne sur ce tableau, cela donnerait une ligne droite en forte croissance.

J'ai préparé ce tableau rapidement et je n'ai pas pris le temps d'écrire au long le nom des provinces mais vous allez voir que, par exemple, l'Ontario, où il y a une arme à feu dans 15 p. 100 des foyers, est la province où il y a le moins de décès. Cela comprend les suicides, les homicides et les accidents sur une période de près de huit ans. Nous ne parlons pas seulement d'un an ou deux; il s'agit de six ou huit ans, je ne me souviens pas exactement. Voilà pour ce qui est des chiffres les plus faibles. Le Québec se situe à peu près au milieu.

Pour l'Alberta, les chiffres sont plus élevés mais le pourcentage des foyers où se trouvent une arme à feu est également un peu plus élevé. Je ne me souviens pas exactement. Cela est proche de 49 p. 100. Ce sont le Yukon et les Territoires du Nord- Ouest qui sont vraiment loin des autres.

Pour vous dire la vérité, c'est un confrère américain qui m'a donné cette idée. Il comparait les provinces canadiennes avec les États américains.

Où pensez-vous que se situeraient les États américains, si je peux vous poser cette question?

Mme Sue Barnes: Cela ne figurera pas au procès-verbal?

Dr Antoine Chapdelaine: De façon assez surprenante, ils se situent entre 50 et 60 p. 100.

Lorsqu'il m'a montré ce tableau, il m'a montré les provinces canadiennes. Il m'a demandé quelle était la province qui correspondait au point situé entre 50 et 60 p. 100. Cette province était les États-Unis.

Il existe donc une corrélation entre le nombre des armes à feu se trouvant dans les foyers et le nombre des décès. Mais il existe une autre corrélation avec un autre phénomène qui est très importante aussi.

Quelles sont les provinces canadiennes qui s'opposent le plus au contrôle des armes? Il est normal que ceux qui possèdent le plus d'armes à feu veulent les conserver ou s'opposent le plus vigoureusement aux contrôles. Ces provinces sont bien évidemment l'Alberta, le Yukon et les Territoires du Nord-Ouest.

Il est triste et paradoxal de constater que plus le nombre des décès est élevé, plus le pourcentage des maisons où se trouve une arme à feu est élevé et plus il y a d'opposition.

Je vous prie d'excuser la mauvaise qualité du tableau.

Le vice-président (M. John Maloney): Avez-vous autre chose monsieur Malhi?

M. Gurbax Singh Malhi: Non.

Le vice-président (M. John Maloney): Y a-t-il d'autres questions?

M. Jack Ramsay: Oui.

Avez-vous le chiffre global pour les suicides au cours de la même période? Le nombre total des suicides au Canada, quelle que soit la méthode utilisée.

Dr Antoine Chapdelaine: Le taux global de suicides.

M. Jack Ramsay: Oui.

Dr Antoine Chapdelaine: Vous savez que lorsque vous parlez de taux, vous allez avoir un chiffre correspondant à 100 000 habitants, au lieu de chiffres...

M. Jack Ramsay: Non, je veux les chiffres réels. Avez-vous ces chiffres?

Dr Antoine Chapdelaine: Les chiffres.

M. Jack Ramsay: Oui.

• 1710

Dr Antoine Chapdelaine: Pour ce qui est des suicides, Justice Canada devrait pouvoir vous fournir ces chiffres.

M. Jack Ramsay: Je me demandais si vous les aviez.

Dr Antoine Chapdelaine: Les suicides, nombre total, l'ensemble du Canada... Quelle année voulez-vous?

M. Jack Ramsay: La même période. À partir de 1991, je crois, pour cette période de cinq ou six ans.

Dr Antoine Chapdelaine: En 1990, on a enregistré au total 3 379 suicides, dont 1 054 commis avec une arme à feu. Si l'on passe à 1994, il y en avait 3 749 au total dont 973 avec une arme à feu.

M. Jack Ramsay: Oui, il est intéressant de noter que le nombre des suicides commis avec une arme à feu est en baisse mais que le nombre total des suicides augmente. Que peut-on en conclure? Cela indique-t-il que les gens n'utilisent pas les armes à feu mais d'autres moyens?

Dr Antoine Chapdelaine: Je ne sais pas.

M. Jack Ramsay: Avez-vous des commentaires à ce sujet?

Dr Antoine Chapdelaine: Non, je ne ferais pas de commentaire sur ce chiffre, pour vous parler franchement.

J'aimerais revenir sur un point. M. Ramsay pose une question importante et intéressante non seulement sur le plan scientifique mais qui a également des conséquences sur les règlements. C'est la question de la méthode de remplacement. Les personnes qui n'ont pas d'armes utilisent autre chose.

Je dois vous mettre en garde contre cet argument et ce, pour deux raisons. Tout d'abord, la méthode de remplacement va nécessairement être moins mortelle. Il y aura peut-être davantage de personnes qui vont utiliser cette méthode mais il y en aura moins qui figureront dans les statistiques.

L'autre aspect important est que cela varie avec le groupe d'âge et assez bizarrement, l'épidémiologie chez les personnes âgées est très différente de celle que l'on retrouve chez les jeunes. Les jeunes ne changent pas de méthode. Les personnes âgées le font mais pas avec n'importe laquelle.

En Grande-Bretagne, il y a eu une diminution des suicides avec le gaz domestique parce qu'ils ont remplacé le gaz de houille qui contient beaucoup de monoxyde de carbone par du méthane, un gaz qui contient peu de monoxyde de carbone. C'est le monoxyde de carbone qui tue. En Angleterre, il y avait autant de personnes qui essayaient de s'empoisonner au gaz mais il y en avait beaucoup moins qui en mouraient. Chez les personnes âgées, les gens ne cherchaient pas une autre méthode. Ils n'utilisaient pas la corde ou... En Angleterre, pour des raisons historiques liées à la pendaison, la corde n'est pas souvent utilisée pour se suicider. Les gens n'utilisaient pas d'autres méthodes.

Dans la catégorie étudiée, celle des jeunes, qui représente un aspect important de l'avenir du Canada, on a constaté qu'ils n'utilisent pas d'autres méthodes lorsqu'il n'y a pas d'armes à feu. S'ils ne trouvent pas d'armes à feu, ils ne le font pas. Je ne sais pas pourquoi. C'est peut-être à cause du caractère irrationnel de ce genre de suicide, facteur dont vous avez parlé. Je ne sais comment expliquer cela.

Je ne sais quelle conclusion il faudrait tirer si l'on complétait ces chiffres mais il faudrait éviter de tirer des conclusions hâtives et de croire que le contrôle des armes n'est pas efficace parce que les gens vont utiliser d'autres méthodes ou que le nombre des suicides est de toute façon en diminution.

M. Jack Ramsay: L'aspect qui m'intéresse est que, si un programme réussi à réduire le nombre des suicides dans une région, il est dommage que ce résultat ne se reflète pas dans les chiffres globaux; et cela n'apparaît pas dans les chiffres concernant la période 1990 à 1994. C'est un chiffre encourageant dans la mesure où au cours de cette période le nombre total des suicides commis avec une arme à feu a diminué alors que le nombre total des suicides commis au cours de la même période a augmenté.

Le vice-président (M. John Maloney): Vous vouliez faire un bref commentaire, madame Barnes.

Mme Sue Barnes: J'allais demander à notre expert de nous dire pourquoi les services d'écoute téléphonique pour la prévention du suicide donnent de bons résultats.

• 1715

Dr Antoine Chapdelaine: Pourquoi donnent-ils de bons résultats? Cela n'est pas prouvé.

Mme Sue Barnes: Très bien. Je vais reformuler ma question pour en arriver au point que je voulais aborder.

Pourquoi le fait de retarder la décision ou de retarder une tentative de suicide—un effort, quel qu'il soit, dans notre contexte, le temps de présenter une demande, un délai avant d'obtenir un permis, le fait de remplir un formulaire, d'avoir des munitions entreposées sous clé ou une arme entreposée de la même façon—pourquoi cela a-t-il un effet? Ou est-ce que cela n'a aucun effet sur les tentatives de suicide?

Dr Antoine Chapdelaine: C'est une question délicate. Grosso modo, ce n'est pas la même chose que de savoir si les lignes S.O.S. sont efficaces. Il n'est pas démontré qu'elles le sont, ni qu'elles ne le sont pas.

Il n'est pas démontré qu'elles sont efficaces parce que ce sont pratiquement toujours les mêmes personnes qui appellent et que ces gens ne sont pas très motivés à se suicider. Les personnes qui veulent vraiment se suicider n'appellent pas. Si ces personnes peuvent avoir accès à une arme, elles vont mourir. Elles réussissent très souvent leur suicide. C'est dans leur cas que les obstacles sont les plus efficaces.

Cela revient à mettre ses oeufs dans le même panier mais pas dans les mêmes compartiments. D'un côté, il y a les services d'appel qui permettent de rassurer certaines personnes et de l'autre, il s'agit de réduire l'accès à des armes mortelles et la possibilité de les utiliser.

Le nombre des suicides commis en sautant du pont de Québec est passé à zéro, ce qui est surprenant. Le pont de Québec était un endroit très populaire pour les candidats au suicide, à un point tel que nous avons décidé d'installer des barrières. Depuis que cela a été fait, il n'y a eu que deux cas. Il y en avait avant 12 par an. En cinq ans, il n'y a eu que deux cas de suicide au lieu de 12 par an. Le seul fait de placer des barrières, des obstacles semble avoir un effet.

Mme Sue Barnes: C'était le point que je voulais aborder—les obstacles. Merci.

Le vice-président (M. John Maloney): Merci, docteur Chapdelaine, nous avons apprécié votre témoignage. Cela a été très intéressant. Nous avons trouvé votre tableau, en particulier, fort intéressant. Merci beaucoup d'être venu aujourd'hui. Nous en sommes très heureux.

Je vous demande de m'excuser, mesdames et messieurs, d'avoir légèrement dépassé l'heure convenue.

La séance est levée.