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Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
Tout d'abord, je tiens à remercier les membres du Comité de m'avoir invité à prendre la parole aujourd'hui sur l'important projet de modification de la Loi sur les langues officielles du Canada.
Lorsqu'on vit à l'extérieur de la ville d'Ottawa et de la province de l'Ontario, et surtout qu'on vit dans les provinces de l'Atlantique, on a souvent l'impression d'être oublié par les instances du gouvernement fédéral. C'est toujours avec une certaine surprise et une certaine joie que l'on reçoit une invitation à venir vous adresser la parole.
Je n'ai pas l'intention de parler trop longtemps, car je préfère plutôt répondre à vos questions.
Je me permettrai cependant de faire quelques commentaires d'ouverture et d'émettre certaines idées concernant le projet de modification de la Loi sur les langues officielles.
Comme vous le savez, la Loi sur les langues officielles a été adoptée en 1969. Le député Samson et moi étions là à ce moment et nous nous en souvenons. Nous étions aussi là lorsqu'elle a été remplacée en 1988 — M. Arseneault n'était pas encore né — par une nouvelle loi qui s'inspirait de dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés adoptée en 1982, notamment d'articles posant le principe de l'égalité de statut du français et de l'anglais — l'article 16 — et garantissant le droit d'être servi dans la langue officielle de son choix par les institutions fédérales — l'article 20.
Cette loi prévoyait donc un dispositif qui permettrait de mettre en oeuvre les dispositions de la Charte. À l'époque, cette loi a été reçue favorablement par les communautés de langue officielle en situation minoritaire. Faut-il aujourd'hui la modifier? C'est fort probable, car je suis d'avis que les lois doivent régulièrement être révisées afin de répondre aux changements de la société. Est-il nécessaire de tout recommencer du début? Je ne le crois pas. Les fondements de la Loi de 1988 sont toujours bons. Il suffit, à mon avis, d'en améliorer et d'en préciser certaines parties afin qu'elles répondent aux besoins du Canada de 2018.
Je tiens cependant à préciser que la Loi ne peut pas devenir une réponse à tous les problèmes et défis que connaissent les communautés minoritaires. Nous vivons dans un régime fédéral où les provinces ont certaines compétences qui leur sont exclusives. Si nous ne voulons pas nous retrouver dans des débats judiciaires sans fin, il faudra respecter le partage des compétences entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux, tout en assurant l'épanouissement et le développement des communautés de langue officielle en situation minoritaire.
Cela dit, il est essentiel que les provinces assument également leurs responsabilités en ce qui concerne la protection des communautés de langue officielle en situation minoritaire, notamment des communautés francophones hors Québec. On ne doit pas donner l'impression que les questions touchant aux langues officielles ne sont que la responsabilité du gouvernement fédéral. Des provinces comme le Nouveau-Brunswick doivent assumer pleinement leurs responsabilités dans ce domaine.
Je sais que, compte tenu de ce qui se passe actuellement, il est difficile de concevoir que les provinces puissent accepter d'assumer leur rôle, mais nous ne pouvons pas non plus croire que le gouvernement fédéral pourra tout régler par une simple loi.
J'ai une liste des modifications ou des sujets qui pourraient être abordés dans la nouvelle loi. Je vais les survoler rapidement. Vu le temps qui m'est donné, je préfère répondre à vos questions.
Évidemment, je reviens sur le bilinguisme des juges à la Cour suprême du Canada. Il faudrait modifier le paragraphe 16(1) de la Loi, mais cette simple modification ne sera pas suffisante. Il faudra également modifier l'article 5 de la Loi sur la Cour suprême, qui concerne la composition de celle-ci.
Puisque je suis juriste, je souligne qu'il faudrait un contrôle de la capacité des juges et des tribunaux à s'exprimer dans les deux langues officielles. Actuellement, c'est une autoévaluation qui est faite par les candidats à la magistrature, et on sait que c'est souvent insuffisant.
Il faudrait également qu'il y ait une valeur égale des décisions rendues dans les deux langues officielles.
J'ai déjà soumis une suggestion il y a plusieurs années déjà, mais j'y reviens. Je parle d'une protection législative pour le Programme de contestation judiciaire.
Je recommande une autre modification, qui a trait à la mise en oeuvre de la spécificité. J'aimerais simplement apporter une précision. Évidemment, j'ai lu les mémoires présentés par la Société de l'Acadie du Nouveau-Brunswick demandant que la spécificité du Nouveau-Brunswick soit reconnue dans la Loi sur les langues officielles. Je dois avouer que je vois des problèmes à cette demande. S'il faut que la Loi sur les langues officielles reconnaisse toutes les spécificités des provinces, on n'en finira plus. Cependant, on pourrait le faire par règlement.
Je crois que, récemment, il y a eu une modification au règlement sur la prestation des deux langues officielles reconnaissant que, là où il y a une école de la minorité, il doit y avoir une offre active. On pourrait aller encore plus loin. Le règlement fédéral sur la spécificité devrait reconnaître également la spécificité des provinces.
En d'autres mots, je ne comprends pas — j'ai dû me rendre jusqu'en Cour suprême du Canada pour forcer la Gendarmerie royale du Canada à respecter les obligations linguistiques au Nouveau-Brunswick — pourquoi le gouvernement fédéral ne reconnaîtrait pas que, sur l'ensemble du territoire du Nouveau-Brunswick, l'offre active existe de fait, étant donné que le Nouveau-Brunswick a choisi, lui, d'étendre ses obligations à l'ensemble de son territoire. On pourrait faire la même chose en Ontario et reconnaître qu'une offre active existe dans les régions désignées par la Loi sur les services en français.
Ensuite, il faut préciser ce qu'on entend par « mesures positives » dans la partie VII de la Loi. Je n'aime pas que les gens me disent qu'une mesure positive est tout ce qui n'est pas négatif; ce n'est pas suffisant. Par règlement, on devrait définir ce qu'on entend par des mesures positives.
Je serais prêt à répondre à des questions sur cet aspect, puisque j'ai été mené la poursuite judiciaire faisant suite à l'abolition du Programme de contestation judiciaire. De mon point de vue, les avocats du gouvernement fédéral avaient une interprétation assez bizarre es mesures positives. Nous pourrons y revenir.
En ce qui concerne les pouvoirs du commissaire aux langues officielles, il faut évidemment parler de l'établissement d'un tribunal des droits linguistiques. Contrairement à ce que l'on peut croire, ce n'est pas une idée nouvelle, puisque cela avait déjà été proposé par Victor Goldbloom quand il était commissaire aux langues officielles. Cette idée a été reprise plusieurs fois dans les années 1990. Ayant moi-même siégé au Tribunal canadien des droits de la personne, je ne comprends pas pourquoi la Loi sur les langues officielles ne pourrait pas prévoir un système similaire, où le Commissariat aux langues officielles serait responsable des enquêtes, mais référerait au tribunal des droits linguistiques les dossiers pour lesquels il n'obtient pas la collaboration des institutions fédérales. Le tribunal aurait le pouvoir d'émettre des ordonnances coercitives, tout comme le fait le Tribunal canadien des droits de la personne.
Ce sont donc les modifications en question. Il y en a d'autres sur lesquelles nous pourrons revenir lors de notre discussion.
Le Canada fêtera cette année les 50 ans de la Loi sur les langues officielles. Les droits reconnus dans cette loi quasi constitutionnelle sont des droits fondamentaux ancrés dans notre engagement envers l'égalité et le respect des minorités.
Ces valeurs sont malheureusement remises en question par certains gouvernements, et je tiens à rappeler ici que le gouvernement de l'Ontario n'est pas le seul en cause. Bien qu'elle soit moins accrocheuse et que l'on en parle moins à l'échelle nationale, la situation au Nouveau-Brunswick est également source d'inquiétude, même si l'on y attaque les droits linguistiques d'une façon moins visible.
J'aimerais parfois que soit aboli le Commissariat aux langues officielles du Nouveau-Brunswick, car cela mobiliserait davantage les gens. En effet, depuis quelques années, on constate une érosion inquiétante de l'engagement politique — tous partis confondus, et je ne fais pas de politique — en faveur des droits linguistiques au Nouveau-Brunswick. Évidemment, l'arrivée de l'Alliance des gens sur la scène provinciale augmente cette inquiétude.
Le principe, l'objet et la nature des droits linguistiques sont maintenant bien établis. Je fais miens les propos de l'honorable Michel Bastarache, un collègue, devant le Comité alors qu'il jugeait inacceptable que nous nous retrouvions encore devant les tribunaux en 2018 pour la mise en oeuvre de droits linguistiques reconnus depuis 50 ans.
D'ailleurs, comme la trilogie de 1986 l'a montré, les tribunaux non plus n'ont pas une approche immuable. Il ne faut pas tenir pour acquis qu'ils interpréteront toujours nos droits de façon excessivement généreuse. C'est pour cela qu'il faudrait aujourd'hui bâtir sur les acquis obtenus ces dernières années.
J'ai parfois l'impression que nous passons notre temps à réinventer la roue, que nous recommençons continuellement ces mêmes batailles que nous croyions pourtant avoir gagnées. Il vient un temps où l'on se demande s'il existe vraiment une volonté politique de mettre en oeuvre les droits linguistiques. Je me demande même si une loi sur les langues officielles révisée, même s'il s'agit de la meilleure loi sur terre, changera quoi que ce soit à cet état de choses si la volonté politique de mettre ces droits en oeuvre n'est pas présente.
Ce qu'il faut changer, à Ottawa et dans certaines provinces, c'est la perception qu'a la majorité de l'égalité linguistique. En d'autres mots, les droits linguistiques ne sont pas uniquement l'affaire des minorités, ils sont également l'affaire de la majorité, dont il faut changer la perception. Malheureusement, ce changement ne viendra ni d'une loi ni des tribunaux; il viendra d'un message et d'un engagement politiques de la part de tous les acteurs politiques.
Je vous remercie de votre attention. Je suis prêt à répondre à vos questions.
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Nous pourrions peut-être nous rencontrer pour prendre quelques bières à l'extérieur des cours. Bref, il y a une cinquantaine de questions que j'aimerais vous poser, mais je vais me concentrer sur une ou deux d'entre elles.
Nous avons abordé au cours du dernier mois la question des deux peuples fondateurs, qui est essentielle. Vous avez dit que la majorité devait comprendre cela. Je suis entièrement d'accord avec vous. Cette question a été mal présentée, mal comprise et mal appuyée. Cela dit, dépendre de la Loi pour faire tout le travail devient plus complexe. Je ne veux pas diminuer l'importance d'inclure des outils dans la Loi. J'ai vécu des expériences auprès de certains politiciens, que je ne nommerai pas. Je connais plusieurs sous-ministres, en particulier au Nouveau-Brunswick. À l'un d'entre eux, j'ai dit que je comprenais qu'il ne se demande pas ce qu'il pouvait faire pour aider les Acadiens en allant se coucher le soir; je lui ai aussi dit que, par contre, il avait la responsabilité et le devoir de bien comprendre les choses. Cette volonté est nécessaire.
Fournir des outils peut aider à soutenir la volonté, mais il y a des politiciens qui veulent survivre. Ils disent vouloir aider la minorité francophone, par exemple en Nouvelle-Écosse, mais ils se demandent comment ils vont justifier cela auprès de la majorité. La question devient alors complexe. Il faut leur fournir des outils. Je vais vous donner un exemple. En Nouvelle-Écosse, on octroyait des fonds supplémentaires aux conseils scolaires de langue anglaise pour qu'ils offrent de la formation aux nouveaux arrivants qui ne parlaient ni le français ni l'anglais. On leur offrait cette formation en anglais.
J'ai réagi en disant que, pour notre part, nous avions la responsabilité d'instruire en français les Acadiens assimilés qui arrivaient dans nos écoles à l'âge de cinq ans et qui ne parlaient pas la langue utilisée dans l'établissement, soit celle de l'un des peuples fondateurs. Au début, on m'a opposé un refus, mais cette réflexion a fait en sorte que nous avons reçu des fonds pour les élèves qui arrivaient dans les écoles et ne parlaient pas la langue employée dans l'établissement.
Voici un autre exemple. Je trouve que le gouvernement actuel de la Nouvelle-Écosse favorise beaucoup l'appui aux francophones. Ce n'était pas le cas lorsque le gouvernement Dexter, que tout le monde a connu, était au pouvoir. Le NPD n'appuyait pas la minorité. C'est incroyable, mais c'est ce que nous avons vécu. Le gouvernement actuel dit qu'il existe une volonté, mais il se tourne aussi vers des outils. Par exemple, il dit que les conseils scolaires francophones sont liés à la Charte et à la Constitution et que, pour cette raison, il va les aider. La Nouvelle-Écosse est la première province au pays à considérer la possibilité d'établir une loi en français, en matière d'éducation, destinée uniquement aux francophones.
Mon préambule est toujours plus long que ma question. Cela dit, la volonté ne se cultive pas nécessairement au moyen d'une loi. Je me demande donc quels points essentiels de la Loi permettent d'offrir aux gens faisant preuve d'une assez bonne volonté les outils nécessaires pour faire valoir cela à la majorité anglophone.
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L'alinéa 32(2)a) de la Loi sur les langues officielles prévoyait déjà qu'il ne fallait pas tenir compte uniquement de la démographie, mais aussi des spécificités des communautés.
À l'époque, en 1990, j'avais comparu devant le comité parlementaire qui étudiait le Règlement de la Loi, pour dire qu'il fallait aller au-delà de la démographie et regarder la spécificité. Malheureusement, on n'en a pas tenu compte à ce moment-là. Je suis donc heureux de la modification qui a été apportée depuis pour demander de tenir compte de certaines institutions, comme les écoles, dans le cadre de la mise en oeuvre du Règlement.
À mon avis, nous pouvons aller encore plus loin et c'est à cela que je faisais référence tout à l'heure. Je sais que plusieurs groupes ont demandé de reconnaître ces spécificités dans la Loi elle-même. Malheureusement, je ne suis pas d'accord: nous aurions alors une spécificité pour le Québec, une autre pour la Nouvelle-Écosse, une troisième pour le Nouveau-Brunswick, et le reste, et la Loi deviendrait réellement ingérable. Cependant, nous pourrions le faire dans le Règlement.
Ainsi, ce dernier pourrait énoncer qu'il respecte les droits linguistiques reconnus dans une province. Par exemple, rien ne devrait obliger un francophone du Nouveau-Brunswick à faire la preuve d'une demande importante pour obtenir un service d'un organisme fédéral. J'ai dû me rendre jusqu'en Cour suprême contre la GRC à cet égard, mais l'arrêt ne s'applique malheureusement qu'à la GRC. En fait, il devrait s'appliquer à toutes les institutions fédérales, parce que le Nouveau-Brunswick a accepté de reconnaître l'égalité des communautés linguistiques.
Nous pourrions faire de même pour l'Ontario et reconnaître les spécificités juridiques des provinces pour élargir la portée du Règlement.
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Merci et bonjour, messieurs Paradis, Clarke et Choquette ainsi que les autres membres du Comité. Je m'appelle Geoffrey Chambers et je suis le président du Quebec Community Groups Network, un organisme à but non lucratif qui relie 58 organismes communautaires de langue anglaise de partout au Québec. Nous sommes au service de la communauté anglophone du Québec, qui est une communauté minoritaire de langue officielle. Je suis accompagné aujourd'hui de Stephen Thompson, notre directeur de la politique, de la recherche et des affaires publiques.
J'ai quelques points à mentionner avant de commencer.
Je tiens à réitérer que nous condamnons la décision prise par le gouvernement de l'Ontario d'abolir le Commissariat aux services en français et d'annuler la création d'une nouvelle université francophone. Les Québécois anglophones sont solidaires des Franco-Ontariens et de tous les Canadiens francophones en situation minoritaire. Nous comprenons le combat qu'ils mènent et nous les appuyons. Nous sommes avec eux et ils peuvent compter sur notre soutien.
Nous aimerions également souligner le leadership des sénateurs Tardif et Cormier et de vos honorables collègues du Comité sénatorial permanent des langues officielles, qui ont incité le gouvernement du Canada à se pencher sur le règlement sur les langues officielles et à tenir la discussion nationale sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles que nous avons actuellement, dans le cadre de laquelle nous comparaissons aujourd'hui.
Enfin, nous profitons de l'occasion pour offrir notre soutien indéfectible à la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada et affirmer que nous appuyons les principes et les concepts énoncés dans le mémoire qu'elle a présenté au Comité. Nous avons les mêmes objectifs, à savoir améliorer le fonctionnement de la Loi sur les langues officielles et faire progresser les droits linguistiques de tous les Canadiens.
Il ne fait aucun doute que la loi doit être modernisée et que ce travail doit être effectué et terminé rapidement. La décision rendue par la Cour fédérale dans l'affaire FFCB c. Canada et l'immobilisme du commissaire aux langues officielles pour ce qui est de répondre aux plaintes déposées en vertu de la partie VII existent bel et bien. Le rapport Borbey-Mendelsohn de l'année dernière sur la dualité linguistique dans la fonction publique fédérale a mis en lumière les difficultés constantes auxquelles sont confrontés les Canadiens anglophones et francophones pour faire respecter leurs droits en vertu des parties IV et V de la loi. De nombreuses institutions fédérales ne respectent pas leurs obligations en vertu de la partie VI de la loi en ce qui concerne l'embauche de membres de notre communauté dans les milieux de travail au Québec.
La Loi sur les langues officielles est essentielle pour les Québécois anglophones. Cette loi est la seule mesure législative sur les droits linguistiques qui protègent les intérêts des Québécois anglophones en tant que communauté. Elle établit des droits quasi constitutionnels pour les anglophones québécois, y compris le droit de recevoir des services fédéraux en anglais, la représentation des anglophones au sein de la fonction publique fédérale et le droit des travailleurs anglophones de travailler en anglais. En outre, la loi fournit un cadre pour le financement grandement nécessaire des institutions et des réseaux de la communauté.
Je vais céder la parole à Stephen.
J'ai été ravi de pouvoir écouter ce matin le témoignage de Michel Doucet. Nous sommes tous les deux membres du comité consultatif sur les données linguistiques de Statistique Canada, qui s'est réuni hier.
En ce qui a trait à la modernisation de la loi, je vais expliquer les principes qui ont guidé notre réflexion, qui doivent être intégrés à la nouvelle loi.
Premièrement, il y a le principe de l'égalité des deux langues officielles. Aucun statut distinct ne peut être accordé et la loi ne peut pas non plus être rédigée de façon à ce qu'il y ait des approches différentes pour chaque langue. Grâce à des consultations efficaces, on peut faire preuve de souplesse lorsqu'il s'agit de répondre aux besoins uniques des communautés de langue officielle en situation minoritaire et d'atteindre l'égalité.
Deuxièmement, la nouvelle loi devrait prévoir des consultations obligatoires rigoureuses à tous les niveaux, y compris un mécanisme officiel pour tenir des consultations au niveau national, et prévoir des ressources suffisantes à cet égard. C'est une grande préoccupation pour les Québécois anglophones, qui ne sont pas à même de participer de manière égale aux discussions sur les langues officielles au niveau national, et leur présence n'est pas suffisamment visible malgré la taille de leur communauté.
Notre mémoire contient des recommandations précises. Je vais en mentionner quelques-unes.
Les parties IV, V, VI et VII de la loi sont étroitement liées, mais pourtant, elles sont mises en oeuvre séparément sans qu'il y ait une reddition de comptes cohérente. Comment une institution peut-elle respecter ses obligations en vertu de la partie IV si elle ne compte pas parmi son personnel un nombre suffisant de Canadiens issus de la communauté minoritaire de langue officielle ou bien permettre à des fonctionnaires fédéraux d'apprendre et de travailler dans la langue officielle de la minorité? Dans quelle mesure les institutions et organisations des communautés minoritaires de langue officielle sont-elles visibles aux yeux des institutions fédérales, qui s'engagent à prendre des mesures pour accroître la vitalité des langues, mais qui excluent les Canadiens issus de la communauté minoritaire de langue officielle des milieux de travail dans les régions? Appliquer isolément les parties IV à VII de la loi ne fonctionne pas.
Nous attirons également l'attention du Comité sur le problème du sous-emploi des Canadiens anglophones au sein de la fonction publique fédérale au Québec à l'extérieur de la région de la capitale nationale. Plusieurs institutions fédérales ne respectent pas leurs obligations en vertu de cette partie de la loi, qui est vague et nécessite un règlement en vue de la rendre applicable.
La partie VII de la loi doit être plus claire et prévoir une reddition de comptes. En outre, le doit obtenir le pouvoir de mettre en oeuvre les engagements qu'il a pris. Nous insistons également sur l'ajout de dispositions rigoureuses sur la transparence afin que tous les bénéficiaires des fonds fédéraux investis en vertu de la partie VII rendent compte de l'utilisation de ces fonds, y compris les gouvernements provinciaux et territoriaux. La loi doit également inclure des définitions claires pour les concepts de « mesures positives », « favoriser l'épanouissement » et « appuyer le développement » des communautés de langue officielle en situation minoritaire. Il faut également éliminer des expressions comme « en consultation avec », qui impliquent une responsabilité, sans toutefois que des pouvoirs y soient rattachés.
Nous souhaitons également que le rôle du commissaire aux langues officielles soit plus précis et qu'on mette sur pied un tribunal administratif doté du pouvoir d'imposer des sanctions pour des infractions à la loi.
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Les objectifs du QCGN, dans le cadre de cette discussion, sont non seulement d'offrir des suggestions sur la façon de rendre la loi plus efficace, mais également de saisir cette occasion pour renforcer les droits linguistiques des Canadiens. Comme je l'ai dit dans mon exposé, nous croyons fermement que les minorités linguistiques anglophones et francophones sont dans le même bateau, et c'est dans cet esprit que nous formulons les trois objectifs suivants.
Dans la partie V, qui porte sur la langue de travail, l'article suivant commence bien:
L'anglais et le français sont les langues de travail dans toutes les institutions fédérales. Les fonctionnaires et les employés de toutes les institutions fédérales ont le droit d'utiliser l'une ou l'autre des langues officielles.
Mais ensuite, cet article limite sévèrement ces droits, en fonction de la géographie. Toutefois, la technologie a rendu les limites géographiques, en matière de travail, largement obsolètes. De plus, la décision d'établir l'administration centrale d'une institution nationale à l'extérieur de la région de la capitale nationale crée souvent la situation absurde qui consiste à imposer aux bureaux des obligations liées aux services bilingues au public, en raison de la nature de leurs services, sans que les travailleurs de ces bureaux aient le droit de travailleur dans leur langue officielle.
En ce qui concerne les relations avec les employés, chaque fonctionnaire fédéral doit avoir le droit d'utiliser la langue officielle de son choix et le droit d'apprendre une langue seconde.
La partie III de la loi prévoit déjà un certain nombre d'obligations pour les cours et les tribunaux fédéraux en matière d'administration de la justice. Ces obligations devraient être maintenues et renforcées de façon importante. Les juges de la Cour suprême devraient pouvoir comprendre les langues officielles choisies par les parties, sans l'aide d'un interprète.
De plus, la loi devrait créer une obligation fédérale en vertu de la partie VII pour encourager et aider les gouvernements provinciaux, afin d'assurer que l'accès à l'ensemble du système de justice est offert dans les deux langues officielles. Il n'est pas très utile d'avoir un juge bilingue si le greffier ne peut pas travailler dans la langue de la minorité et que d'autres fonctions du tribunal ne sont pas disponibles.
Les parties IV, V et VI de la loi devraient s'appliquer à toutes les entreprises privées sous réglementation fédérale. Les seules entreprises privées du Québec qui ne sont pas assujetties à la Charte de la langue française sont des entreprises sous réglementation fédérale comme les banques à charte, les entreprises de télécommunications et les sociétés de transport.
Les propositions visant à élargir le champ d'application de la Charte de la langue française à ces entités ne seraient pas seulement incohérentes sur le plan constitutionnel, mais elles auraient aussi pour effet de fragmenter les droits linguistiques constitutionnels en fonction du territoire, ce qui représenterait une menace inacceptable pour les minorités linguistiques francophones et anglophones de partout au pays.
En revanche, élargir la portée de la Loi sur les langues officielles pour l'appliquer aux entreprises sous réglementation fédérale permettrait non seulement de corriger un problème qui existe dans la loi du Québec, mais aussi de s'assurer que ces entreprises profitent des retombées économiques qui découlent des activités dans les deux langues officielles du Canada d'un bout à l'autre du pays et de créer des droits linguistiques en vertu de la loi pour des milliers de travailleurs dans les entreprises sous réglementation fédérale partout au pays.
Cela offrirait également le droit de travailler dans les entreprises sous réglementation fédérale et de recevoir leurs services dans la langue de la minorité dans chaque province. Ce serait donc un gain à la fois pour les minorités francophones et anglophones et pour les populations majoritaires francophones et anglophones d'un bout à l'autre du pays.
Merci beaucoup. Nous avons hâte de répondre à vos questions.
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Pour atténuer un peu ces propos, oui, dans l'ensemble, nous sommes sous-représentés au Québec. Certains établissements réussissent très bien à cet égard, mais manifestement, d'autres n'y arrivent pas du tout.
Le Service correctionnel du Canada emploie environ 3 700 personnes au Québec, dont environ 150 anglophones. Les effets de cette situation sont évidents dans le cas d'un prisonnier anglophone qui se trouve dans le Centre fédéral de formation de Laval ou dans l'Établissement de Donnacona.
Je ne crois pas que cela ait été fait de façon délibérée. Je ne crois pas qu'il y ait un méfait quelconque dans ce cas-ci. C'est juste qu'ils ne se rendent pas compte de la situation.
Par exemple, les Québécois anglophones sont surreprésentés dans l'Agence des services frontaliers du Canada. En effet, les collectivités anglophones ont tendance à être situées le long de la frontière, et ces emplois ont tendance à nécessiter des employés bilingues. Il s'ensuit que si vous connaissez un oncle ou que vous avez un père ou une soeur ou que vous connaissez quelqu'un qui travaille là-bas... Ce sont des contacts, comme nous le savons tous, qui permettent d'obtenir un emploi.
Lorsqu'il s'agit de milieux de travail tel le Service correctionnel du Canada, EDSC, Défense nationale ou certains autres établissements qui n'ont pas ce type de relations avec la collectivité, les jeunes ne peuvent pas profiter de ces contacts et ils ont de la difficulté à obtenir un emploi.
Cela dit, l'an dernier, nous avons rencontré le greffier du Conseil privé. En effet, M. Wernick s'intéresse beaucoup à cette question. Nous travaillons actuellement avec le Conseil fédéral du Québec et la Commission de la fonction publique afin de trouver des façons d'accroître le nombre de Québécois anglophones qui travaillent dans la fonction publique fédérale au Québec.
Je vous remercie beaucoup.
[Traduction]
De J'aimerais commencer par souligner votre appui aux francophones de l'Ontario, qui a été particulièrement bien reçu, et honnêtement, à titre de Franco-Ontarienne moi-même, j'ai vraiment apprécié que vous ayez été si prompts pour appuyer la communauté, et je sais que la communauté l'a beaucoup apprécié aussi. Je vous remercie donc de cette collaboration et je vous remercie d'avoir été si vites sur la gâchette, comme on dit.
même, je tiens à dire qu'en tant que Franco-Ontarienne, je comprends qu'il n'y a pas de formule universelle quand on examine la loi, donc si une chose fonctionne pour les francophones, elle ne fonctionnera pas nécessairement pour les anglophones. Je comprends que nos réalités diffèrent.
M. Blaney vous a posé des questions sur les défis qui se posent et pour moi, c'est toujours une occasion d'apprendre à mieux comprendre non seulement les défis, mais aussi les solutions que vous voulez proposer, pour que nous puissions les appuyer et témoigner de notre appui à la communauté anglophone du Québec dans la prochaine loi.
Je comprends les réalités propres aux services de santé. Il faut mieux harmoniser les transferts et veiller à ce qu'il y ait des dispositions linguistiques pour le Québec. Je ne sais pas trop comment procéder, ni comment les formuler, toutefois. Vous avez lancé quelques idées. Voudriez-vous peut-être continuer de nous expliquer exactement ce que nous devrions changer dans cette loi pour répondre à vos besoins?
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Si vous me le permettez, j'aimerais commencer par réagir à la première chose que vous avez dite. La population francophone organisée de l'Ontario est un modèle pour son aptitude à défendre ses droits et à exercer un leadership efficace sur les enjeux qui la touchent pour la communauté anglophone du Québec.
Si l'on se reporte 50 ans en arrière, on pourrait dire que la communauté anglophone du Québec jouissait d'une meilleure situation pour ce qui est des institutions auxquelles elle avait accès et des facteurs socioéconomiques, mais comme nous le savons, les Québécois anglophones s'en tirent moins bien économiquement que tout autre groupe linguistique au Canada en ce moment, donc le modèle a changé.
De même, la relation avec notre gouvernement provincial est telle que nos institutions se dégradent. Il est peut-être vrai qu'il y a plusieurs hôpitaux qui ont tous été construits par la communauté il y a 50 ans, mais aujourd'hui, ce sont tous des hôpitaux bilingues qui servent tout le monde. Ce sont de bons hôpitaux, et ils sont en général capables de nous offrir de bons services dans notre langue, mais je dis « en général » parce qu'il y a aussi des exemples qui montrent que ces services s'érodent. L'Hôpital de Sherbrooke, que M. Blaney a sans doute connu pendant son enfance, a disparu. Il a été éliminé suite à la promesse que l'obligation d'offrir des services en anglais serait transférée au CHUS, mais cela n'a pas été le cas. Les règles ont changé en cours de route, et cette promesse est morte.
Nous avons besoin de mécanismes pour nous attaquer à ces problèmes. Les Franco-Ontariens se sont justement dotés de mécanismes du genre. Leur commissaire en est un exemple, et je souligne que nous sommes très inquiets de voir son poste aboli. Nous aimerions qu'il y ait aussi quelqu'un au Québec qui puisse intervenir en cas de réduction des services. Il n'y a pas de commissariat du genre au Québec.
Il y a beaucoup d'autres exemples que je pourrais vous donner, mais ce serait trop long. Je vous parle surtout de structures provinciales, mais nous aimerions que le gouvernement fédéral joue un rôle actif à l'appui de ce genre de chose.
Pour revenir à une autre chose que vous avez mentionnée, le gouvernement fédéral nous fournit un soutien actif, mais il est souvent détourné, si bien que les communautés elles-mêmes finissent par ne pas y avoir accès à cause d'un manque de transparence et de reddition de comptes dans le système de transfert actuellement. Je sais que le gouvernement fédéral a affirmé souhaiter améliorer la façon dont ces fonds sont versés. Je sais qu'il se heurte à de la résistance. Nous voudrions que vous sachiez...