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Nous allons maintenant commencer la séance.
J'aimerais d'abord vous dire à quel point nous sommes heureux d'être parmi vous ce matin, à Vancouver, en ce lendemain de budget. D'ailleurs, nous aurons certainement l'occasion d'en discuter.
Conformément à l'article 108(3) du Règlement, nous allons nous pencher sur l'accès aux services à la petite enfance dans la langue de la minorité.
Nous avons le plaisir de recevoir ce matin Mme Marie-France Lapierre et M. Marc-André Ouellette, du Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique; M. Yvon Laberge et Mme Isabelle Thibault, du Collège Éducacentre; Mmes Marie-Pierre Lavoie et Marie-Andrée Asselin, de la Fédération des parents francophones de Colombie-Britannique; Mme Maryse Beaujeau Weppenaar, directrice générale du Réseau-Femmes Colombie-Britannique; et Mme Jocelyne Ky, de la garderie prématernelle Tartine et Chocolat.
Bienvenue à tous.
Je vais devoir être assez strict quant au temps de parole. Chaque organisation disposera de cinq minutes pour livrer sa présentation. Il va falloir s'en tenir à cela pour être en mesure d'entendre tout le monde. Nous ne venons pas souvent à Vancouver et nous avons aujourd'hui un programme extrêmement chargé. Je vous prierais de vous limiter aux cinq minutes qui vous sont allouées. De cette façon, nous pourrons tenir une discussion par la suite, lors de la période des questions et commentaires à laquelle participeront les membres du Comité.
Nous allons commencer immédiatement par le Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique.
Madame Lapierre, vous avez la parole.
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D'accord, j'essaierai d'y faire attention.
Monsieur le président, chers députés, mesdames et messieurs, bonjour. Je vous remercie sincèrement de nous accorder l'occasion de parler devant vous aujourd'hui au nom du Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique, le CSF.
Votre comité sait très bien qu'il est fondamental de recruter des enfants dès le berceau afin d'assurer la vitalité de notre communauté en situation minoritaire. L'importance de la petite enfance pour notre communauté a d'ailleurs été soulevée et étudiée à plusieurs reprises par votre comité. Grâce au travail que vous avez fait en 2012 et en 2016 et grâce à celui réalisé par le Comité sénatorial permanent des langues officielles en 2005 et en 2017, vous avez pu cerner des problèmes structurels nécessitant des solutions permanentes. Nous sommes reconnaissants du travail qui a été réalisé.
Ces problèmes ne pourront pas être réglés seulement au moyen d'un autre plan d'action ou d'un protocole. Le financement est en tout point nécessaire, mais il n'est pas suffisant en matière de respect des droits de notre communauté. C'est pourquoi nous vous proposons humblement une solution permanente aux problèmes substantiels que vous avez cernés, c'est-à-dire une modification à la Loi sur les langues officielles.
En ce qui concerne la structure de notre présentation, Marc-André et moi discuterons de l'expérience du CSF en ce qui concerne notre programme d'éducation pour les enfants de 4 ans, soit la petite enfance. Cette expérience confirme d'ailleurs ce que nous enseigne la littérature en sciences sociales. L'éducation de la petite enfance a des répercussions directes sur le développement des enfants, et surtout sur le développement des enfants en situation minoritaire. Cela est d'ailleurs présenté dans notre mémoire. Finalement, nous discuterons du Cadre multilatéral d'apprentissage et de garde des jeunes enfants et des solutions que nous proposons pour relever les défis liés à l'éducation et à la petite enfance.
Tout d'abord, je vais vous présenter notre projet pilote pour les enfants de 4 ans, qui a été financé par des fonds fédéraux.
Commencé en 2013, ce projet a pour but de mieux préparer les élèves en vue de leur entrée à la maternelle, tant sur le plan linguistique que culturel. Dans le cadre de ce projet, nous avons mis au point un nouveau programme qui a permis d'offrir de nouvelles classes aux enfants de 4 ans.
Afin que vous compreniez mieux les répercussions et l'envergure d'un tel projet, permettez-moi tout d'abord de faire une petite mise en contexte.
Depuis sa création, le CSF a connu une croissance continue et marquée de ses effectifs, ayant passé de 1 750 élèves lors de sa création à plus de 6 000 élèves aujourd'hui, alors que la majorité des autres conseils scolaires de la province ont vu une diminution du nombre d'élèves.
Toutefois, le profil de la communauté franco-colombienne est beaucoup plus complexe que les effectifs de ses écoles ne le laissent penser. Le taux d'exogamie linguistique et culturelle est très élevé, et la province connaît l'un des plus hauts taux d'assimilation au pays.
Face à ces défis et grâce à un travail acharné, le CSF a ouvert des classes de 4 ans dans les villes de Kelowna, de Mission, de Chilliwack et de Rossland. Le tableau 2, qui se trouve à la page 7 de notre mémoire, présente notamment le nombre d'élèves inscrits dans ces programmes au cours de ses deux années d'existence. Tous les élèves de ce projet pilote sauf un se sont inscrits à maternelle l'année suivante. C'est une belle victoire pour le CSF. Les résultats des élèves inscrits au programme des 4 ans se trouvent au tableau 3 de la page 9 du mémoire. Ces résultats sont supérieurs à ceux des élèves dont la scolarisation n'a débuté qu'à la maternelle, soit vers l'âge de 5 ans. Les résultats sont impressionnants, mais ils sont loin d'être surprenants, d'après les recherches scientifiques et universitaires sur la question.
Vous comprendrez pourquoi le CSF souhaite étendre ce projet pilote à plus d'écoles. Pour ce faire, un financement supplémentaire est évidemment nécessaire. La province ne paie pas pour les initiatives pour les enfants de moins de 5 ans.
La réussite de ce projet pilote n'est pas un accident. La recherche en sciences sociales démontre clairement que la période d'éducation de la petite enfance est fondamentale dans le développement de l'enfant. Il va sans dire que ces conclusions sont encore plus importantes en contexte minoritaire.
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Je souhaite revenir sur le Cadre multilatéral d'apprentissage et de garde des jeunes enfants.
Sans égard au terme de ce cadre, il n'offre ni appui ni protection permanente à l'éducation en français dans le domaine de la petite enfance.
Vous savez probablement que le CSF, la Fédération des parents francophones de Colombie-Britannique et certains parents codemandeurs ont invité la Cour suprême de la Colombie-Britannique à conclure que l'article 23 de la Charte confère un droit à des services à la petite enfance, ce qu'elle a refusé, évidemment. La Cour a néanmoins tiré trois conclusions encourageantes relatives à la petite enfance, que nous résumons dans notre mémoire.
Les modestes gains réalisés devant les tribunaux en matière de petite enfance renforcent l'importance du Cadre multilatéral d'apprentissage et de garde des jeunes enfants pour l'avenir du français. En effet, le Cadre représente près de 400 millions de dollars annuellement sur trois ans. Pourtant, les besoins de nos communautés n'apparaissent pas comme étant une priorité dans ce cadre. Les obligations linguistiques ne sont mentionnées qu'à deux reprises, et ce, sans qu'on utilise de termes prescriptifs. Vous trouverez à la page 14 de notre mémoire ces deux extraits du Cadre, mais voici les deux mentions en question. La première mention est la suivante: « [...] ils reconnaissent les besoins particuliers des minorités francophones et anglophones [...] » Voici la deuxième mention, sous la rubrique des services inclusifs: « Nombre d'enfants bénéficiant de programmes ou nombre de programmes destinés à servir les enfants de différents milieux, y compris, mais sans s'y limiter, les enfants des minorités francophones et anglophones [...] » Cela s'arrête là.
Permettez-moi alors de douter que la Colombie-Britannique tienne compte de nos besoins quand viendra le temps de mettre en oeuvre ce cadre. Par exemple, la Colombie-Britannique est la seule province qui n'a toujours pas de politique sur les services en français. Je ne peux que vous faire part de mon expérience avec la province, contre laquelle je me bats pour l'éducation dans ma langue depuis plus de 20 ans.
À titre d'exemple, je veux aussi vous citer l'accord Canada—Colombie-Britannique signé le 23 février dernier. Dans celui-ci, la Colombie-Britannique met de côté 1,5 % de son budget pour des bourses aux éducatrices et aux éducateurs de la petite enfance de langue française. Cela équivaut à un montant quelque peu ridicule. Il s'agit...
Monsieur le président, honorables députés, chers collègues et observateurs, bonjour.
C'est au nom du conseil d'administration du Collège Éducacentre que j'aimerais vous présenter mes remerciements à la suite de votre invitation. Je m'appelle Yvon Laberge et je suis président-directeur général du Collège Éducacentre. J'ai le plaisir de vous présenter ma collègue Mme Isabelle Thibault, directrice des études.
Notre présentation se divise en trois grandes sections. D'abord, nous allons traiter de l'importance des services à la petite enfance dans le développement des communautés francophones en Colombie-Britannique. Ensuite, nous allons parler du Collège Éducacentre, et plus précisément des services que nous offrons à la petite enfance. Par la suite, nous allons présenter nos principales constatations, recommandations et conclusions.
Le sujet de discussion que vous proposez, soit l'accès aux services à la petite enfance en français, est des plus pertinents, voire essentiels au développement de la communauté d'expression française en Colombie-Britannique. Le Collège Éducacentre n'offre pas de services directement dédiés aux enfants. Fidèles à notre mission, nous offrons de la formation accréditée et des ateliers de développement professionnel aux intervenants dans le domaine de la petite enfance. Notre objectif est ainsi de continuellement améliorer la qualité des services de garde en français.
Les services à la petite enfance sont un volet essentiel du continuum en apprentissage tout au long de la vie. Nous reconnaissons que les premières années de vie sont essentielles au bon développement de l'enfant. Nous visons le développement des compétences fondamentales chez l'enfant et, en réponse aux besoins spécifiques qui émergent du contexte minoritaire francophone, il est crucial d'introduire dès la naissance des notions de développement des compétences langagières et de construction identitaire.
Constatant qu'il existe une hausse considérable du nombre d'inscriptions dans les programmes francophones de la maternelle à la 12e année, qu'il y a une pénurie de centres de services de garde ainsi qu'un manque d'intervenants certifiés, le Collège Éducacentre contribue à assurer des services de qualité par l'entremise de la formation dans le domaine de la petite enfance.
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Organisme à but non lucratif depuis 1992, le Collège Éducacentre a obtenu, en décembre 2015, le statut de collège privé émis par le ministère de l'Éducation supérieure de la Colombie-Britannique, et a reçu en même temps le sceau Education Quality Assurance. Depuis, le Collège Éducacentre est en mesure d'offrir ses propres certificats et diplômes, alors que précédemment il devait les émettre en partenariat avec des institutions reconnues. Par ailleurs, nous sommes le seul collège francophone en Colombie-Britannique.
Afin de rejoindre les francophones et les francophiles de l'ensemble de la province, nos cours, nos programmes et nos services sont offerts en présentiel dans l'un de nos trois campus, soit Vancouver, Prince George et Victoria. En 2016, nous avons ajouté un campus satellite à Surrey. Il est à noter que tous les programmes collégiaux sont offerts à distance par l'entremise de notre campus virtuel.
Le Collège offre un certificat et un diplôme en matière de petite enfance. Ses programmes crédités s'adressent aux personnes qui désirent devenir des intervenants qualifiés pour répondre aux besoins des enfants de 0 à 5 ans et ayant des besoins spéciaux. En Colombie-Britannique, la profession est régie par l'Early Childhood Education Registry, qui établit un profil de compétences du personnel de la petite enfance et assure que chaque institution le respecte.
En ce qui a trait à notre clientèle étudiante pour ces programmes, nous constatons que la majorité est inscrite à temps partiel et qu'elle met en moyenne trois ans pour obtenir le certificat et une année supplémentaire pour l'obtention du diplôme. En moyenne, notre clientèle est âgée de 35 à 40 ans et est essentiellement composée de mères de famille originaires d'une vingtaine de pays différents.
Il existe de nombreuses institutions qui offrent les mêmes programmes que le Collège, mais en anglais. La majorité des étudiants de ces programmes sont jeunes et peuvent se permettre d'étudier à temps plein et ainsi intégrer plus rapidement le marché du travail. En étant la seule institution à offrir la formation en français, nous faisons face à des problèmes différents de ceux auxquels font face les institutions anglophones.
Actuellement, nos programmes en petite enfance sont offerts en collaboration avec un collège anglophone, le Northern Lights College. Les étudiants francophones sont inscrits dans le système de ce collège et obtiennent un certificat ou un diplôme décerné conjointement par le Collège Éducacentre et le Northern Lights College. Celui-ci détient également les droits d'auteur sur les programmes.
Bien que le Northern Lights College soit un excellent partenaire, cette situation soulève des problèmes particuliers. Tout d'abord, les frais de scolarité sont régis par ce dernier et sont presque deux fois plus élevés que les nôtres. De plus, il est difficile de proposer des changements au contenu, au processus d'inscription ou aux critères d'admission.
L'une des grandes forces du Collège est sa capacité à intervenir rapidement pour répondre aux besoins particuliers du milieu francophone et à travailler en étroite collaboration avec ses partenaires communautaires. Or, comme vous pouvez le constater, ce partenariat nous freine dans notre capacité d'intervention. Si nous étions maîtres de notre programme, nous pourrions implanter des stratégies afin de mieux desservir notre clientèle unique.
Pour remédier à cette situation, le Collège aurait besoin d'élaborer son propre programme et de le faire accepter par l'Early Childhood Education Registry. La conception d'un programme coûte environ 200 000 $ et, actuellement, le Collège n'a pas accès à des fonds ni à une enveloppe budgétaire pour l'élaboration des programmes.
Au-delà des programmes collégiaux en petite enfance, le Collège est en mesure d'offrir les formations non créditées suivantes: une formation sur les fondements en alphabétisation familiale, qui vise à augmenter les capacités des intervenants en milieu minoritaire francophone; une formation sur l'introduction en garderie en milieu familial, qui permet aux participants de démarrer leur propre garderie; une certification en premiers soins pour enfants de la Croix-Rouge; des webinaires sur des thèmes propres à la petite enfance; une formation offerte dans le cadre de la rencontre annuelle de l'Association francophone des éducatrices et éducateurs de la petite enfance de la Colombie-Britannique.
Toutefois, faute de financement, nous sommes limités dans nos possibilités d'offrir ces formations. Par conséquent, elles ne sont offertes que si elles sont financièrement viables.
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Monsieur le président et chers députés, au nom de la Fédération des parents francophones de Colombie-Britannique, je vous remercie de venir chez nous pour étudier la question de l'accès aux services à la petite enfance en français. C'est un réel plaisir pour moi d'être ici aujourd'hui pour vous parler de ce sujet qui me tient tant à coeur.
La Fédération des parents francophones de Colombie-Britannique oeuvre dans le dossier de l'éducation depuis sa création, en 1979. Elle représente les parents des quelque 20 000 enfants ayant le droit de recevoir leur éducation primaire et secondaire en français ici, en Colombie-Britannique.
Notre fédération regroupe 47 associations de parents, 32 associations de parents actives dans les écoles du Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique et 15 associations de parents gestionnaires d'un centre préscolaire, qu'il s'agisse d'une garderie ou d'une prématernelle, offrant un programme en français.
La mission de la Fédération est de rassembler, représenter, appuyer et outiller les parents dans leur rôle de premiers éducateurs et de promouvoir leur engagement ainsi que leur participation à la création d'un milieu francophone vivant et exemplaire. La Fédération réalise cette mission en appuyant les parents et en les informant des choix qui s'offrent à eux et des comportements à adopter afin de favoriser le développement optimal de la langue française et de l'identité francophone chez leurs enfants. Elle accompagne et informe également les groupes de parents bénévoles oeuvrant au sein des écoles de langue française ou dans le domaine de la petite enfance qui démarrent des centres préscolaires ou qui en gèrent.
Dès ses premières années d'existence, la Fédération a revendiqué les garanties juridiques concrètes nécessaires pour l'établissement d'un système d'éducation en langue française de qualité et accessible partout en Colombie-Britannique. De plus, elle a participé activement à la mise sur pied de ce système. Ce travail de longue haleine a mené, en 1996, à la création du CSF, qui a la responsabilité de gérer le système d'éducation en langue française, de la maternelle à la 12e année, dans la province. Depuis, les effectifs de nos écoles ne cessent de croître d'année en année. Nous sommes particulièrement fiers du fait que le CSF compte aujourd'hui plus de 6 000 élèves.
Un tel succès est attribuable aux efforts concertés des parents, de la communauté et des administrateurs scolaires, mais aussi à ceux des centres préscolaires, qui sont, pour la grande majorité, logés au sein même des écoles de langue française. En effet, la grande majorité des garderies et des prématernelles en langue française en Colombie-Britannique sont administrées par des organismes sans but lucratif, dont la plupart sont des associations de parents, qui fonctionnent grâce aux frais que déboursent les parents utilisateurs.
Depuis plus de 20 ans, le secteur de la petite enfance s'impose comme un élément constitutif essentiel de l'éducation en langue française. L'accès à une telle éducation en Colombie-Britannique implique, bien entendu, un réseau d'écoles qui dispensent une éducation en français langue première aux enfants qui y sont admissibles et à ceux dont les parents aimeraient qu'ils y soient inscrits.
Cela dit, l'éducation en français doit être comprise dans son sens large. Elle commence dès la petite enfance avec la garderie, que fréquentent les poupons, les trottineurs et les enfants d'âge préscolaire, se poursuit à la prématernelle et va jusqu'au postsecondaire. C'est d'ailleurs tout le continuum d'éducation dans la langue de la minorité qui devrait jouir de garanties constitutionnelles.
Les garderies et les prématernelles en langue française, grâce à leur programme éducatif axé sur l'acquisition de compétences orales en français, sont d'excellents agents de francisation pour nos enfants et les préparent ainsi à leur entrée à l'école de langue française. Ces programmes influencent grandement le degré d'appartenance des enfants à leur communauté et participent à leur construction identitaire. La petite enfance est une porte d'entrée directe vers la maternelle. Les services de prématernelle et de garderie sont essentiels pour nos communautés, car ils soutiennent les parents dans leur rôle de transmission de la langue et de la culture francophones à leurs enfants.
Ces constats ne semblent d'ailleurs plus contestés de nos jours. En effet, des experts en développement des enfants, des sociolinguistes, le Commissariat aux langues officielles, le Comité sénatorial permanent des langues officielles et votre comité reconnaissent tous, officiellement et publiquement, dans plusieurs rapports et études, que l'accès à des services à la petite enfance en français constitue un enjeu fondamental pour la vitalité et l'épanouissement de nos communautés francophones en situation minoritaire, notamment parce que cet accès contribue au transfert de la langue et de la culture aux nouvelles générations.
Votre comité reconnaissait cette importance en 2012, dans son rapport intitulé « Après la Feuille de route: cap vers une amélioration des programmes et de la prestation des services ». Les membres de ce comité présents aujourd'hui l'ont reconnu de nouveau en décembre 2016, dans le rapport intitulé « Vers un nouveau plan d'action pour les langues officielles et un nouvel élan pour l'immigration francophone en milieu minoritaire ».
Le Comité sénatorial permanent des langues officielles, quant à lui, souligne l'importance de la petite enfance pour le développement de nos communautés et fait des recommandations à cet égard au gouvernement fédéral depuis 2005. Pourtant, les problèmes dans le domaine de la petite enfance demeurent les mêmes. Par exemple, en matière d'infrastructures, la demande de services de garderie en langue française pour la petite enfance continue de dépasser largement l'offre de ces services. Si l'on se base sur les données de Statistique Canada, qui sont faussées par le sous-dénombrement systématique des titulaires de droits en vertu de l'article 23 de la Charte, la province compte environ 4 000 enfants de 4 ans ou moins dont le français est la première langue apprise. Or, il n'y a que 450 places dans les garderies prématernelles. Cela correspond à plus ou moins 113 places par cohorte d'enfants.
Pour mettre les choses en perspective, je précise que plus de 650 élèves fréquentent cette année la maternelle dans une école du CSF. Cela signifie qu'environ 500 élèves actuellement en maternelle n'ont pas eu accès à des services de garde en français. On peut en déduire que la Colombie-Britannique aurait, au minimum, besoin de quatre fois 650 places de garderie additionnelles, soit un total de 2 600 places, si l'on présume que les enfants passent la première année de leur vie à la maison avec un de leurs parents. Je dis « au minimum », car, comme vous le savez, les données recueillies par Statistique Canada ne nous permettent pas de connaître le nombre réel de titulaires de droits en vertu de l'article 23. Comment peut-on planifier l'offre de services à la petite enfance si l'on ne sait pas combien il y a d'enfants de moins de 5 ans?
Au chapitre des ressources humaines, les effets de la pénurie d'éducatrices et d'éducateurs à la petite enfance qui afflige la province entière se font ressentir plus durement dans nos communautés, dont la vitalité dépend de l'accès à des services pour la petite enfance en français.
Le Collège Éducacentre est un partenaire clé dans la formation de cette main-d'oeuvre. Il est toutefois incapable à lui seul de former le nombre d'éducatrices et d'éducateurs dont a besoin le secteur de la petite enfance en français.
Ces problèmes, qui sont pourtant bien connus du ministère du Patrimoine canadien et du , découlent tous du peu d'appui financier consacré au domaine de la petite enfance. Ils ont des conséquences douloureuses sur le taux de transmission de la langue française chez les enfants dont un des parents parle le français.
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Bonjour, monsieur le président.
Mesdames, messieurs, membres du Comité, je vous remercie de votre invitation.
Réseau-Femmes Colombie-Britannique regroupe des femmes francophones de toute la province et a pour mandat de les représenter et de contribuer à leur développement économique, social et culturel.
Le réseau de garderies de la Colombie-Britannique fait face à une pénurie de places de qualité et abordables. Après l'Ontario, c'est en Colombie-Britannique que les frais de garderie sont les plus élevés au pays. En 2015, les frais mensuels moyens de garderie pour la région de Vancouver étaient de 1 225 $, pouvant même aller jusqu'à 2 000 $. Pour une famille composée de deux enfants et de deux adultes, les frais de garderie représentent en moyenne 23 % des dépenses, venant en deuxième place après le logement.
Selon le Greater Vancouver Board of Trade, ces frais élevés de garderie et la pénurie de places empêchent le retour au travail de plusieurs jeunes parents âgés de 24 à 34 ans et posent ainsi de sérieuses difficultés aux employeurs, qui ont du mal à recruter de la main-d'oeuvre.
Plus du tiers des familles à la recherche d'une place en garderie doivent attendre un minimum de six mois. Dans le cas des places pour les nourrissons et les bambins de 18 mois et moins, le délai est encore plus grand. Trop souvent, les familles sont forcées d'inscrire leurs enfants dans une garderie non accréditée, c'est-à-dire qui n'a pas été inspectée et jugée conforme aux normes de sécurité exigées par la province. Seulement 18 % du nombre total d'enfants âgés de 12 ans et moins fréquentent une garderie accréditée. Les garderies en milieu familial doivent parfois quitter la ville de Vancouver pour aller offrir leurs services ailleurs, en raison du coût élevé du logement.
Les frais de garderie placent les femmes dans une dépendance économique presque inévitable. Face à une pénurie de places et à des frais élevés, la plupart des familles n'ont qu'un seul choix: la personne qui gagne le moins reste à la maison jusqu'à ce que l'enfant ait 5 ans. Étant donné l'inégalité salariale entre les hommes et les femmes, c'est souvent la mère qui quitte son emploi. Ce choix, qui n'en est pas vraiment un, a un effet négatif sur la carrière, la retraite et l'avancement professionnel des femmes. Le congé paternel, bien qu'offert, n'est pas suffisamment reconnu aux yeux des employeurs; ces derniers n'apprécient pas l'absence prolongée de l'employé. Le fait de placer les femmes dans une position de dépendance économique soulève un risque de vulnérabilité sociale ou physique, voire de violence. Ce risque se répercute sur le développement ainsi que la santé mentale et physique de l'enfant.
Selon une étude de 2011 citée par Justice Canada, le coût de la violence conjugale est estimé à 6,9 milliards de dollars, dont 4,6 milliards visent les femmes et des tiers, c'est-à-dire les enfants.
Dans des groupes de Réseau-Femmes Colombie-Britannique, de nombreuses mères ou futures mères relatent les difficultés causées par l'absence de choix en matière de services de garde dès la petite enfance. Cette situation est d'autant plus compliquée qu'une grande partie de la communauté francophone en Colombie-Britannique est migrante ou immigrante. Sans repères ni soutien de leur famille, ces femmes deviennent encore plus isolées, ce qui nuit à leur santé mentale et physique. Leur besoin de pouvoir s'exprimer dans leur langue maternelle dans un environnement sécuritaire est d'autant plus important à cette étape.
Chaque année, près de 1 500 personnes participent aux activités organisées par les groupes de Réseau-Femmes Colombie-Britannique. Sur la plateforme de discussion du groupe des mamans francophones de Vancouver et de la Colombie-Britannique, certaines familles déclarent se trouver devant le choix suivant: ne pas migrer ou immigrer en Colombie-Britannique, ou alors partir de la province dès que la famille accueille le deuxième enfant.
Le manque de places abordables en garderie est une question économique compliquée par le coût exponentiel des logements dans les régions de la Colombie-Britannique où il y a du travail. La réussite de l'intégration des familles migrantes ou immigrantes est alors remise en cause. Cette situation est encore plus problématique lorsque la cellule familiale est monoparentale. Dans certains cas, les familles ont attendu que leur enfant ait 5 ans avant d'immigrer en Colombie-Britannique. Je vous invite à regarder le documentaire Femmes debout, réalisé par Marie Ka, sur trois mères célibataires francophones ayant immigré en Colombie-Britannique.
Par définition, la langue maternelle est à 80 % transmise à l'enfant par sa mère. Cela dit, l'environnement de l'enfant à l'extérieur de la cellule familiale reste un facteur primordial dès son plus jeune âge. Pour ce qui est du seuil critique de l'acquisition du langage, le niveau d'exposition doit correspondre à 30 % du temps pour bien ancrer l'apprentissage d'une langue chez les jeunes enfants bilingues. Ces 30 % équivalent à environ 28 heures par semaine.
Selon un rapport sur le développement de la petite enfance publié par le National Research Council et l'Institute of Medicine des États-Unis, la capacité d'apprendre une langue est optimale de la 34e semaine de la grossesse jusqu'à l'âge de 12 mois, période durant laquelle les synapses du cerveau se forment. La meilleure façon de devenir bilingue est d'apprendre les deux langues dès la naissance. L'apprentissage optimal se fait jusqu'à l'âge de 6 ou 7 ans, bien que certains chercheurs disent que c'est jusqu'à l'âge de 4 ans. Cela ne signifie pas qu'il est impossible de devenir bilingue plus tard.
Il est nécessaire d'avoir un milieu communautaire fort pour soutenir l'apprentissage du français en créant un environnement favorable autant aux familles qu'à la socialisation de l'enfant.
Depuis deux ans, la Fédération des parents francophones de Colombie-Britannique et le Réseau-Femmes Colombie-Britannique, en partenariat avec RésoSanté Colombie-Britannique, travaillent au développement du programme du CAFE. Le CAFE, c'est le point d'accès privilégié pour de l'information, des ressources et des activités à l'intention des familles francophones de Vancouver ayant des enfants âgés de 0 à 6 ans. Le rôle du CAFE est d'accueillir les parents et leurs jeunes enfants, d'embrasser la diversité, d'offrir divers services et programmes en lien avec la santé, l'éducation et le développement de la petite enfance, de rendre disponibles des ressources pour outiller les parents dans leur rôle de premiers éducateurs de leurs enfants, de fournir de l'information et d'aiguiller les familles en ce qui a trait aux services à la petite enfance disponibles, y compris les centres préscolaires, et enfin de promouvoir et offrir aux parents des activités et des occasions de s'amuser en français avec leurs enfants, de même que de rencontrer d'autres parents.
La vision du CAFE consiste à ce que les communautés francophones travaillent ensemble pour s'assurer que les familles ont accès aux services qui assurent la santé, le bien-être et le développement des jeunes enfants.
Le CAFE fait partie du réseau provincial des B.C. Early Years Centres. Pour en savoir davantage sur la stratégie provinciale de développement de la petite enfance et sur les B.C. Early Years Centres, veuillez consulter leurs sites Internet.
L'exemple de la réussite du projet du CAFE et du programme Franc départ démontre qu'il est nécessaire que ces services existent pour appuyer les familles tant sur les plans émotionnel et social que sur le plan du développement langagier. Favoriser un environnement propice au développement langagier doit passer autant par la possibilité de prise en charge des tout-petits que par l'utilisation des services qui aident les familles. Le programme du CAFE est offert seulement dans le Grand Vancouver, alors qu'il y a, au sein de Réseau-Femmes Colombie-Britannique, une demande criante pour que le programme de soutien soit implanté.
En conclusion, afin de répondre aux besoins liés au développement de la petite enfance dans la langue de la minorité, il est primordial d'accroître les infrastructures communautaires. Il faut évidemment commencer par désengorger les écoles existantes en disposant de plus d'infrastructures, tout en aidant au développement de la communauté francophone par un fort accroissement de ces capacités communautaires tant sur le plan financier que sur le plan humain.
Bien que la langue française soit au neuvième rang des langues les plus parlées en Colombie-Britannique, c'est une langue officielle qui a des droits. De ce fait, elle doit jouir des garanties et des moyens d'action qu'elle mérite.
Merci à vous.
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Monsieur le président, chers députés, mesdames et messieurs, bonjour.
Je voudrais d'abord remercier le Comité de son intérêt pour les services à la petite enfance en milieu minoritaire. C'est un sujet qui me tient à coeur.
En tant que mère de deux jeunes adultes élevés en Colombie-Britannique et qu'éducatrice en petite enfance, j'ai suivi personnellement et professionnellement, au cours des 20 dernières années, le développement de l'éducation à la petite enfance en français. J'aimerais vous parler de mon parcours personnel, qui est similaire à celui de beaucoup de familles exogames de Vancouver et d'ailleurs dans la province.
En 1992, aucun service à la petite enfance n'était offert en français à Vancouver. Mes enfants ont dû vivre leurs années préscolaires en anglais. Comme j'étais isolée de tout soutien, l'inscription de mes enfants à l'école francophone fut un vrai dilemme. J'ai malgré cela décidé de les y inscrire, et c'est donc seulement à partir de l'âge de 5 ans que mes enfants ont compris que le français était une langue vivante. Ils ont appris le français, mais ils ne se sont jamais vraiment identifiés à la culture francophone. Aujourd'hui, ils ne se considèrent pas comme des Canadiens francophones, mais bien comme des anglophones francophiles.
C'est pour cela que je suis persuadée de l'importance indéniable des services préscolaires en français. L'identité se forme dès le plus jeune âge, et c'est une responsabilité commune de soutenir les familles en milieu minoritaire dans la construction identitaire de leurs enfants. Mon expérience personnelle m'a démontré que nous ne pouvons pas y arriver seuls.
Du côté professionnel, je suis une éducatrice qualifiée depuis 20 ans. Je me suis jointe à la garderie Tartine et Chocolat dès son ouverture, en 2009. Notre garderie est une société à but non lucratif gérée par une association de parents bénévoles avec l'appui de la Fédération des parents francophones de Colombie-Britannique.
Tartine et Chocolat offre un service francophone aux enfants de 3 à 5 ans et les prépare à l'école élémentaire en français. Notre centre est ouvert de 8 heures à 17 h 30, toute l'année.
La garderie est située dans une vieille classe portative située dans la cour de l'École Anne-Hébert. Le Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique nous offre le local et nous en payons les frais d'entretien. Notre garderie compte seulement 16 places à plein temps et fonctionne à plein régime depuis son ouverture. Notre liste d'attente est longue et la demande ne cesse de croître. Les centres préscolaires situés dans les écoles du CSF sont limités par l'espace disponible dans l'école.
Les familles que nous accueillons sont en grande majorité des familles exogames et d'une grande diversité culturelle dont le parent parlant français, souvent isolé, fait face au défi de soutenir l'acquisition de la langue française dans la famille. Dans les 20 dernières années, à force de persévérance, des programmes pour les petits ont été élaborés, notamment le programme Franc départ, qui apporte un soutien communautaire très important. Cependant, les parents travaillent en majorité à plein temps et, pour garder leur emploi, ils cherchent désespérément à ce que leurs enfants fréquentent une garderie francophone. Les enfants qui ont la chance d'évoluer dans un milieu de garde francophone entre 0 et 5 ans arrivent à la maternelle avec une bonne maîtrise de la langue et une assurance marquée de leur identité francophone.
Malheureusement, malgré les études sur le sujet et leurs résultats probants, les défis et le manque permanent de ressources nuisent en amont au travail effectué. Les centres d'éducation à la petite enfance francophones font face à des défis systémiques et à des besoins urgents qui menacent leur survie.
D'abord, nos services en petite enfance, et plus particulièrement à Vancouver, font face à un manque criant de locaux adéquats et stables qui puissent répondre aux besoins de la clientèle. En janvier 2017, nous avons reçu de la part du CSF, tout comme deux autres services préscolaires, une lettre d'expulsion si le CSF ne pouvait pas trouver de solution pour accommoder la population scolaire grandissante de ses écoles. Malgré un sursis, nous travaillons depuis dans la certitude que, à court terme, notre garderie devra trouver un autre local ou fermer ses portes.
Notre service unique à l'est de la ville se retrouve sans soutien logistique ou financier pour faire face à cette situation. Nous avons un manque flagrant d'éducatrices et d'éducateurs francophones qualifiés, en raison de la complexité du processus d'obtention d'équivalence des diplômes d'une province à l'autre, notamment entre le Québec et la Colombie-Britannique. De plus, les salaires ne sont pas adaptés au coût de la vie. Le manque de personnel qualifié oblige souvent les employés des centres à travailler dans des conditions exigeantes, et parfois inacceptables. Par ailleurs, il y a peu ou pas d'avantages sociaux pour ce personnel, pas de régime collectif d'assurance-maladie ni de fonds de pension, ce qui entraîne un manque de reconnaissance pour la profession et un manque d'attrait pour le secteur de la petite enfance.
Il est par ailleurs frustrant de ne pas pouvoir accommoder les familles francophones ayant un enfant qui a des besoins particuliers. Par exemple, le bâtiment n'est pas adapté pour répondre aux besoins moteurs de l'enfant. Nous n'avons pas suffisamment de personnel de soutien francophone qualifié, et les organismes spécialisés offrent tous des services en anglais. J'ai donc vu plusieurs familles, découragées devant le manque de services disponibles, opter pour une éducation en milieu anglophone.
En conclusion, malgré les défis, le réseau de centres préscolaires a continué de se développer tout en obtenant des résultats positifs indéniables au cours des dernières années. Nous attendons de notre gouvernement fédéral le soutien et les ressources nécessaires pour appuyer et développer ce qui revient de droit aux citoyens canadiens de langue française, afin que les prochaines générations puissent, elles aussi, éprouver la même fierté.
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de vous faire part aujourd'hui de mon expérience d'éducatrice et de maman dans le cadre de votre étude qui vise à trouver des solutions concrètes dans le domaine de la petite enfance en français.
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Bonjour. Je m'appelle Sylvie Boucher et je suis une députée conservatrice. Je viens de la grande région de Québec et je représente la circonscription de Beauport—Côte-de-Beaupré—Île d'Orléans—Charlevoix.
J'ai été secrétaire parlementaire de la ministre de la Francophonie et des Langues officielles au sein du gouvernement Harper et, pendant pratiquement quatre ans, secrétaire parlementaire pour la Condition féminine. Bien que je vienne du Québec, j'ai toujours pris à coeur la langue française. La première fois que l'on m'a confié des responsabilités en matière de langues officielles, je ne comprenais pas très bien pourquoi. Au Québec, comme vous le savez, on parle effectivement très peu des francophones hors Québec. Je suis assez honnête pour le dire. Lorsque j'élevais mes filles, je leur disais qu'il y avait beaucoup de francophones à l'extérieur du Québec et qu'ils livraient probablement les mêmes batailles qu'au Québec, voire des batailles plus difficiles.
Cela étant dit, je suis très heureuse d'être revenue au Comité permanent des langues officielles. Nous avons un très beau comité. Pour avoir fait partie de plusieurs comités, je peux vous dire que les membres de ce comité-ci travaillent très bien ensemble, étant donné que la langue française n'a pas de couleur politique. Je suis effectivement conservatrice, mais en matière de langue française, je n'affiche aucune affiliation politique. Toutefois, si les libéraux se proclament les seuls défenseurs des langues officielles ce matin, je vais peut-être intervenir.
Voilà, j'ai affiché mes couleurs; c'est ce que vous avez demandé.
Cela étant dit, je vous ai écouté avec intérêt. J'aimerais confirmer certaines rumeurs. Est-il vrai que la Colombie-Britannique ne reconnaît pas les francophones comme une minorité linguistique.
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Merci, monsieur le président.
Merci à tous d'être présents aujourd'hui.
Je m'appelle François Choquette et je suis député de la circonscription de Drummond, située dans le Centre-du-Québec. Je suis du NPD. Je me présente rapidement parce que nous nous connaissons déjà assez bien.
La petite enfance est tellement importante. Vous vivez au quotidien l'importance de la petite enfance pour la vitalité de nos communautés, comme vous l'avez dit. En Colombie-Britannique, vous vivez des problèmes encore plus grands et plus difficiles qu'ailleurs au Canada, et il faut s'en occuper.
Il y a eu deux feuilles de route sur les langues officielles. La petite enfance faisait partie de la première, mais dans la deuxième, ce volet était disparu. Nous espérons que le prochain plan d'action mettra beaucoup l'accent sur la petite enfance, comme nous l'avons demandé.
Je vous écoute parler de votre réalité et je constate que ce n'est vraiment pas facile. Comme vous l'avez mentionné, en raison de l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, vous n'avez pas vraiment de droits en matière de petite enfance. C'est un problème que vous aimeriez que nous corrigions en modifiant la Loi sur les langues officielles.
Pouvez-vous faire de brefs commentaires là-dessus?
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Bonjour à toutes et à tous. Je vous remercie sincèrement d'avoir répondu à l'appel et d'être ici.
Je suis aussi un député acadien, mais je viens du Nouveau-Brunswick. Je dirais même que je suis fier d'être un député acadien, tout comme je suis très fier d'être Canadien. J'allais dire « mais »; il n'y a toutefois rien d'inconciliable entre ces deux réalités. Les membres de la communauté acadienne sont fiers de faire partie d'une minorité linguistique et d'être citoyens du pays, mais il n'en reste pas moins qu'ils doivent faire face à des défis.
Je suis avocat de formation. J'ai consacré toute ma vie tant à ma carrière d'avocat qu'à des organismes voués à la défense, à la protection et à la promotion des droits linguistiques. Je suis aussi membre de l'Association des juristes d'expression française du Nouveau-Brunswick. Secondé par une armée de bénévoles — dont vous faites partie — sur le terrain, je m'assure que la communauté vit et vibre en français au quotidien. En tout cas, merci beaucoup d'être ici.
Avant de poser mes questions, j'aimerais vous dire que je fais partie d'un superbe comité. Notre comité discute des enjeux linguistiques qui touchent tant les anglophones en situation minoritaire au Québec que les francophones en situation minoritaire hors Québec. Nous avons de grandes oreilles, nous écoutons et nous rédigeons beaucoup de rapports. Si vous avez la chance de venir nous voir à l'oeuvre à Ottawa, vous allez constater que nous sommes très efficaces.
Notre comité est très dynamique. Fait plutôt rare, du moins pour ce qui est de la députation fédérale, nous comptons quatre députés francophones qui viennent de l'extérieur du Québec, un député franco-ontarien et des députés du Québec. Il en manque un, faute du budget nécessaire, mais tous connaissent parfaitement la réalité sur le terrain, comme l'a dit Mme Boucher d'entrée de jeu, et ils y sont extrêmement sensibles.
Si vous avez des questions auxquelles il n'a pas été répondu complètement, veuillez les envoyer par écrit à la greffière. Ce que vous nous dites constitue une preuve, et nous en avons besoin pour rédiger nos rapports. Nous ne pouvons pas utiliser ce que nous n'entendons pas ou ce que nous ne lisons pas. Alors, si vous voulez obtenir les réponses à des questions ou un supplément de réponse à certaines d'entre elles, faites-nous parvenir vos commentaires par écrit. Je répète que cela constitue pour nous des éléments de preuve qui nous aident à rédiger nos rapports.
M. Choquette a soulevé un thème important, et M. Samson a parlé du dénombrement des ayants droit. Pour ma part, je vais essayer d'aborder autre chose.
Quelle est la répartition du nombre de francophones en Colombie-Britannique? La communauté francophone est-elle concentrée ici ou est-elle dispersée du nord au sud de la province?
Je suis Daniel Vandal. Je représente la circonscription de Saint-Boniface—Saint-Vital, dans la ville de Winnipeg. Je pense que nous nous sommes rencontrés à quelques reprises. J'ai grandi dans un village situé hors de Winnipeg, et ma première langue était le français. Quand j'ai déménagé à Winnipeg, je ne pouvais pas parler l'anglais, croyez-le ou non. Douze ans plus tard, je ne pouvais plus parler le français; je ne suis jamais allé à l'école francophone.
Toutefois, quand je me suis lancé dans les affaires publiques, j'ai recommencé à parler le français. J'avais la chance de pouvoir tirer profit de mes acquis en français. Il fallait simplement que je continue à le parler pour l'améliorer. Mes enfants ont grandi en français. Voilà, c'est mon histoire.
Madame Lavoie, comme vous le savez, nous avons signé des ententes bilatérales. J'ai annoncé, vendredi, au nom du , une entente conclue avec le Manitoba. Je crois que la Colombie-Britannique a annoncé la même journée la signature d'une entente similaire.
Que pensez-vous de ces ententes bilatérales? Que pourrions-nous faire de mieux à l'avenir?
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Je suis Bernard Généreux, député de Montmagny—L'Islet—Kamouraska—Rivière-du-Loup dans le Bas-Saint-Laurent, près de Québec.
Merci beaucoup d'être ici ce matin.
Je ne répéterai pas tout ce qui a été dit, mais je vais quand même ajouter mes félicitations à celles faites par M. Samson pour le travail que vous accomplissez quotidiennement dans le but de faire avancer la cause du français dans la province de la Colombie-Britannique.
À la lumière de certains chiffres qui ont été mentionnés ce matin, nous devons reconnaître que vous avez fait des avancées absolument extraordinaires, malgré les conditions dans lesquelles vous devez travailler. Dans de telles conditions et avec les moyens dont vous disposez, le fait de passer de 1 700 élèves à 6 000 élèves est fantastique.
Je vais poser une question à laquelle Mme Lapierre pourra peut-être répondre.
Si je ne m'abuse, selon le rapport fédéral-provincial, des sommes sont consacrées à l'éducation partout au Canada au moyen d'ententes qui existent déjà. Je ne parle pas de nouvelles lois ou de nouvelles ententes, mais plutôt de ce qui est déjà en place. La Colombie-Britannique reçoit de l'argent du gouvernement fédéral pour l'enseignement du français.
Comment se fait-il que la provenance de cet argent ne soit pas clairement précisée suivant des règles existantes en matière de reddition de comptes, par exemple? Avez-vous l'impression que cet argent est accordé à la Colombie-Britannique, mais qu'il n'est pas distribué comme il le devrait?
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Nous menons les mêmes batailles d'une province à l'autre. Nous avons tous présenté notre cause devant la cour à un moment ou à un autre.
Je vais profiter du fait que j'ai la parole pour vous dire que je fais également partie d'une famille exogame. J'ai commencé à collaborer avec le CSF quand mon fils avait 2 ans afin d'essayer de trouver une garderie où l'on parlait le français. Je travaillais à l'extérieur et mon mari était à la maison. Les enfants apprenaient donc plus l'anglais que le français, comme par osmose. Je me suis rendue à l'école du quartier, qui était située à 45 minutes de route de chez moi. En y arrivant, j'ai pleuré en voyant l'état de l'école. Je suis allée frapper à la porte et j'ai demandé ce que je devais faire pour démarrer une garderie dans cette école. On m'a dit qu'il n'y avait pas d'espace. Quand mes enfants étaient en 5e année et en 6e année, de l'espace s'est libéré parce qu'on avait fait des changements informatiques. Je suis revenue et, avec un autre parent, nous avons mis sur pied une garderie. Cela ne m'avantageait pas puisque mes enfants étaient alors en 5e année et en 6e année, ils n'avaient pas besoin de garderie à ce moment-là.
Nous avons mis sur pied un programme préscolaire. Le problème qui s'est posé, c'est que nous n'étions pas capables de retenir des éducatrices à cause des salaires. Finalement, nous avons offert un programme préscolaire à raison de trois jours par semaine.
C'est toujours une bataille; elle continue. Il y a de l'incertitude, parce que nous ne savons jamais si l'argent sera là ou non. C'est pour cela que nous demandons que la loi soit changée. Nous souhaitons que les provinces aient une responsabilité. L'éducation est un champ de compétence provinciale, mais la préservation de nos langues officielles, c'est de compétence fédérale. Nous avons tous l'obligation, à l'échelon fédéral, de faire en sorte que nous ne soyons pas tous assimilés.
La situation est quand même différente aujourd'hui. Je suis vraiment contente que vos enfants puissent parler les deux langues, mais il faut dire qu'il y a beaucoup plus de possibilités d'accéder à du contenu anglophone. Les anglophones sont beaucoup moins exposés au risque d'être assimilés que les francophones. Lorsque mes enfants étaient tout petits, ils se présentaient comme étant des anglophones. À un certain moment, ils se sont présentés comme étant bilingues. Maintenant qu'ils sont ados — ils auront 15 ans et 17 ans la semaine prochaine —, ils disent qu'ils sont des franco-colombiens. Ce n'est pas grand-chose, mais pour moi, c'est un gros succès.
Des voix: Bravo!
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Nous reprenons la séance.
Conformément à l'article 108(3) du Règlement, nous procédons à l'étude sur les programmes d'enseignement du français et de l'anglais langue seconde.
Je souhaite la bienvenue aux témoins suivants: M. Damien Hubert, directeur de l'Alliance française de Vancouver; Mme Danielle Dalton et M. Patrick Witwicki, de l'Association des francophones et francophiles du Nord-Ouest; Mme Sophie Bergeron, de l'Association provinciale des professeurs d'immersion et du programme francophone de Colombie-Britannique; Mme Diane Tijman et M. Glyn Lewis, de Canadian Parents for French, Colombie-Britannique et Yukon; M. Gino LeBlanc, du Bureau des affaires francophones et francophiles, directeur à l'Université Simon-Fraser.
Nous allons procéder de la façon suivante. Vous disposerez de cinq minutes chacun pour faire votre présentation. Je vais être assez sévère quant au respect de la période allouée de cinq minutes. Nous disposons d'une période déterminée et nous voulons permettre aux députés d'intervenir et de vous poser des questions après vos présentations.
Après vos présentations de cinq minutes chacune, nous passerons à la période des questions et commentaires. Les députés disposeront d'environ six minutes chacun pour intervenir, ce qu'ils savent déjà. Je voulais que vous connaissiez les règles du jeu de notre comité.
Encore une fois, bienvenue à tous. Cela nous fait extrêmement plaisir d'être avec vous à Vancouver aujourd'hui; c'est une occasion tout à fait spéciale. Nous apprenons des choses très importantes sur la vie que mènent les francophones ici ainsi que sur les personnes qui veulent apprendre le français. Nous allons vous entendre là-dessus.
J'imagine que nous commençons par M. Hubert. Est-ce bien cela?
L'Alliance française de Vancouver est une association à but non lucratif dont la mission est de faire la promotion de la langue et de la culture françaises. Elle a été créée en 1904, à Vancouver; c'est une vieille institution, et elle existe toujours.
Nous sommes avant tout une école de langue. C'est ce qui nous permet de subvenir à nos besoins, car nous ne recevons aucune subvention du gouvernement, que ce soit du fédéral ou du provincial. Nous sommes entièrement autonomes sur le plan financier, c'est-à-dire que les cours de français permettent de faire fonctionner l'institution, de payer les enseignants et de créer des programmes culturels, car notre vision est de faire apprendre la langue et de faire vivre la culture française. Nous avons un centre de ressources, qui constitue la plus grande bibliothèque francophone de la Colombie-Britannique, ce que peu de gens savent. Nous offrons également une série d'activités culturelles.
Quand je dis « école de langue », c'est évidemment pour des apprenants en formation continue, c'est-à-dire pour des personnes qui désirent apprendre le français de leur propre chef. Il peut s'agir aussi bien d'enfants à partir de 5 ans jusqu'à des adultes de 90 ans, peut-être même plus; il faudrait que je vérifie. Quoi qu'il en soit, il n'y a pas de limite d'âge s'il y a de la bonne volonté.
Actuellement, nous avons environ 2 500 étudiants par an, ce qui est relativement considérable et nous permet de dire que le français présente un intérêt pour les francophiles et les francophones. Cela représente environ 100 000 heures de cours vendues par an et 5 000 inscriptions.
Ce que nous offrons, ce sont des cours de français langue étrangère. C'est une méthode particulière d'enseignement du français basée sur l'approche actionnelle, c'est-à-dire qui est axée sur l'interaction, sur la mise en situation et sur la communication avant tout. Cela donne immédiatement la possibilité de parler et de vivre en français dans les activités de la vie quotidienne.
En plus du volet enseignement, il y a les ressources culturelles. Si on offre la possibilité à ces apprenants de vivre des expériences culturelles en français, cela favorise l'intégration, l'assimilation et la compréhension de la langue. Nous tenons un peu plus de 60 événements par année. Comme c'est la fin de l'année, j'ai les chiffres en tête. En 2017, nous avons accueilli 1 800 personnes à nos événements culturels. Il pouvait s'agir d'apprenants, de francophiles et de francophones. L'idée est de créer des occasions où les apprenants et les francophones de tous âges peuvent se rencontrer et échanger, afin qu'ils puissent prendre conscience que la langue française vit à Vancouver, en Colombie-Britannique, que plein d'événements en français ont lieu et qu'on peut pratiquer le français et parler dans cette langue dans la vie quotidienne.
Voilà. J'ai respecté la période allouée de cinq minutes.
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Merci, monsieur le président et chers membres du Comité.
Je suis francophile et directeur général de l'AFFNO. Je suis aussi un bon exemple, je crois, de l'importance de l'immersion en français. J'ai suivi le programme d'immersion en français jusqu'à l'obtention de mon diplôme.
Aujourd'hui, nous avions le choix de faire notre présentation en anglais ou en français, mais j'ai décidé de la faire en français pour vous montrer l'importance et le succès du programme de français langue seconde.
Des voix: Bravo!
Vous avez tous reçu l'exposé chronologique qui explique ce qui s'est passé au cours des cinq dernières années dans notre région relativement aux conseils scolaires et au FLS. Aujourd'hui, je vais profiter de cette période de cinq minutes pour parler de notre situation particulière dans le Nord-Ouest de la Colombie-Britannique en ce qui a trait au programme d'immersion en français, au processus de réflexion entre nos conseils scolaires dans le Nord-Ouest — nous en avons quatre — et à ce que les associations comme la nôtre exigent de ces mêmes conseils scolaires. J'évoquerai aussi des conflits entre le FLS et les langues autochtones et, finalement, à la fin de mon discours, je vais présenter nos recommandations au Comité.
Premièrement, je vais parler du défi no 1 auquel nous devons faire face dans le Nord. Notre région est très rurale; il y a des petites villes partout, dont Terrace, qui est la plus grande et dont la population compte 15 000 personnes. Dans le Nord-Ouest, nous n'avons pas accès aux mêmes produits de base que dans les grandes villes. De plus, c'est difficile de recruter des professeurs qui parlent aussi le français pour enseigner dans le programme d'immersion en français. Il y a aussi un problème en ce qui a trait aux listes d'attente dans les endroits où le programme n'existe pas. C'est très possible que nos francophones et francophiles n'aient pas la possibilité d'étudier la langue française à l'école, ce qui est injuste.
Il y a aussi un autre problème, celui de l'attrition dans les écoles secondaires. Comme elles sont plus petites que celles des grandes villes, il y a moins d'options dans les écoles secondaires pour les élèves. Alors, il y a toujours des conflits entre les choix de cours, et cela cause l'attrition.
Les défis, en ce qui concerne les conseils scolaires, sont d'abord le budget et l'argent. En ce moment, chaque conseil scolaire reçoit des fonds pour l'éducation en français, dont les montants sont inscrits dans notre mémoire. Cependant, seulement 15 % de ces montants peuvent être utilisés pour les frais administratifs, comme les salaires.
Il en va de même en ce qui a trait à la planification. Les élèves inscrits dans nos écoles secondaires éprouvent beaucoup de problèmes en ce qui concerne les horaires et la planification des cours d'immersion en français en raison de conflits avec les autres cours. Alors, notre préoccupation no 1 en ce qui concerne les conseils scolaires, c'est l'apathie.
Comme nous le mentionnons dans notre mémoire, nous sommes en désaccord avec nos conseils scolaires, sauf celui de Prince Rupert, depuis plusieurs années. De toute évidence, si les conseils scolaires avaient le choix, ils préféreraient ne pas offrir de cours en français. De plus, les conseils scolaires ne font pas de publicité pour promouvoir le programme. Il y a donc un manque de soutien à l'égard des élèves et des professeurs. J'entends souvent des parents et des professeurs de notre région dire qu'ils se sentent délaissés. Leur perception, c'est que les conseils scolaires ne veulent rien faire et qu'ils préfèrent laisser l'attrition continuer d'augmenter jusqu'au point où le nombre d'inscriptions soit tellement bas qu'ils pourront supprimer le programme.
Finalement, nous vivons une situation unique dans le Nord-Ouest en ce qui concerne le FLS et les langues autochtones. Les langues autochtones sont enseignées dans les écoles de presque toutes les villes de notre région. À Hazelton, par exemple, le mariage de trois langues fonctionne: chaque enfant à la possibilité d'apprendre l'anglais, le français et le gitanmaax, une langue autochtone, et nous trouvons cela fantastique.
Par ailleurs, à Haida Gwaii, par exemple, le conseil scolaire de l'endroit, ayant subi beaucoup de pression de la part des chefs haidas, a soudainement supprimé le programme d'immersion parce que les gens disaient que les deux langues officielles de Haida Gwaii étaient l'anglais et le haida.
Nous voulons, partout dans notre coin, dans le Nord-Ouest et partout au Canada, ce qui fonctionne à Hazelton.
Je sais que d'autres associations vont probablement demander la même chose, mais voici nos quatre recommandations au Comité.
Premièrement, il faut que les fonds alloués à l'enseignement du français langue seconde ainsi que le pourcentage des frais administratifs, qui est de 15 % aujourd'hui, soient augmentés.
Deuxièmement, les conseils scolaires des communautés rurales devraient recevoir du soutien supplémentaire pour trouver des professeurs qui parlent français pour donner des cours de français langue seconde.
Troisièmement, l'éducation dans la deuxième langue officielle, soit le français, et, le cas échéant, dans la langue autochtone de la région devrait devenir obligatoire et être protégée par une garantie constitutionnelle, dans un but de réconciliation.
Enfin, quatrièmement, les gouvernements fédéral et provincial devraient élaborer un plan d'action pour régler le problème de l'attrition dans les écoles secondaires des villes éloignées. Ils devraient aussi trouver des façons d'offrir du soutien aux conseil scolaires, aux étudiants, aux professeurs et même aux parents, afin que le programme se poursuive et soit un succès.
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Je comprends et je m'excuse. Je voulais simplement dire que le Sénat a déposé un rapport, au mois de mai dernier, sur les programmes francophones et francophiles.
[Traduction]
...Le rapport était intitulé « Horizon 2018: Vers un appui renforcé à l’apprentissage du français en Colombie-Britannique ». Je crois que nous devons reconnaître la somme de travail colossale qui a été investie dans ce rapport. Le rapport souligne la gravité de la situation, ce que nous avons aussi constaté, et le besoin urgent de réagir. Le rapport est un appel à l’action.
[Français]
Hier, c'était mon anniversaire, et j'ai reçu le plus grand cadeau qui soit. Grâce à l'annonce du gouvernement, j'ai beaucoup plus d'espoir aujourd'hui. Je vous remercie.
[Traduction]
Je ne peux cependant pas dire qu’il y a eu beaucoup de changements en Colombie-Britannique depuis que le rapport du Sénat a été publié, en mai dernier. En fait, à certains endroits, l’accès à l’enseignement du français a reculé par rapport à l’an dernier. Le cas le plus publicisé est celui de la commission scolaire de Vancouver qui a procédé à la fermeture de cinq classes d’immersion française au niveau de la maternelle, ce qui a certes été l’une de nos plus grandes déceptions en tant que groupe de parents qui souhaite et appuie le bilinguisme.
En tant que présidente de Canadian Parents for French pour la Colombie-Britannique et le Yukon, je représente 7 000 membres, lesquels appartiennent à un réseau national qui regroupe 25 000 parents à l’échelle du pays. Tous ces gens souhaitent que leurs enfants aient accès à un enseignement en français et à des activités culturelles en français. Je suis la mère de deux enfants, et mes enfants viennent de terminer le programme d’immersion. J’ai travaillé comme professeure de français et comme coordonnatrice linguistique, à Richmond. En tant que jeune enseignante, j’ai pu tirer parti du programme fédéral Explore, et j’ai étudié au Québec et en France. Mon expérience avec le français me porte à croire que l’enseignement de la langue française en Colombie-Britannique en est à un point critique.
Oui, il y a beaucoup de choses dont nous pouvons être fiers: 5 700 francophones sont inscrits dans les écoles et 54 000 élèves sont dans des programmes d’immersion française. Au cours des 20 dernières années, les programmes d’immersion française ont cru de 65 % et les inscriptions à nos programmes en français ont augmenté d’environ 75 %. Néanmoins, le succès engendre la demande et, depuis quelques années, des conseils scolaires comme ceux de Vancouver et de Surrey ont annulé annuellement des centaines d'inscriptions d'étudiants en immersion française. En fait, j’ai entendu parler de 400 annulations à Vancouver au cours de la dernière année, et de 250, à Surrey.
Beaucoup de parents nous contactent pour nous dirent qu'ils sont inquiets de ne pas voir leur enfant accéder au programme. Pour les parents d'enfants qui ont l'âge d'être dans un programme d'immersion à la maternelle, il y a très peu d'options. Ils peuvent attendre jusqu'en 1re année, alors que le nombre d'enfants par classe augmente de deux; ils peuvent aussi attendre jusqu'en 6e année, alors que certains districts scolaires offrent une immersion tardive à laquelle vous pourrez peut-être inscrire votre enfant si vous gagnez au tirage au sort. Pour avoir accès au programme, certains parents déménageront dans une autre ville. D'autres se mettront à faire la navette pour reconduire l'enfant à l'école et aller le chercher. Certains autres « placeront » leur enfant chez un membre de la parenté — c'est ce qu'on m'a dit — pour lui permettre d'aller dans une école où le programme est donné. Lorsque j'étais coordonnatrice linguistique, à Richmond, j'ai vu une mère louer un garage afin d'avoir une adresse lui permettant d'inscrire son enfant au programme.
Il est vrai que la Colombie-Britannique offre beaucoup d'options en français. Le Conseil scolaire francophone offre un excellent enseignement en français, mais, de toute évidence, le nombre d'écoles est limité pour l'instant. La difficulté que pose le fait d'avoir à faire parcourir aux enfants de grandes distances en autobus pousse certains parents francophones à placer leurs enfants en immersion française, voire dans un programme en anglais. Le français de base est offert à grande échelle, mais il faudra à l'enfant des années d'étude additionnelles pour qu'il devienne bilingue. Le français intensif est une autre option de bonne tenue, mais il n'est offert que dans une poignée de districts. Oui, l'immersion française est offerte à bien des endroits, mais les inscriptions sont contrôlées de près; les conseils scolaires dressent des obstacles artificiels pour accéder à ces programmes, comme des plafonds d'inscriptions, des tirages au sort et des attentes en ligne prolongées. Ils réussissent ainsi à empêcher certains enfants d'accéder au programme. Ces obstacles sont une insulte aux parents, mais, dans les faits, ils permettent aux districts de garder un contrôle très serré sur les inscriptions. Nous pouvons spéculer sur les raisons qui poussent les districts à vouloir limiter la croissance, mais il y a une chose qui est tout à fait claire: il y a présentement une grave pénurie de professeurs pour enseigner en français.
Un autre point intéressant, c'est que le programme d'immersion française a débuté en Colombie-Britannique à la fin des années 1970, et que bon nombre des diplômés de ce programme sont maintenant des parents. Ils sont un peu le symbole de cette formidable réussite canadienne, mais, à notre grand désarroi, ils sont confrontés à d'énormes défis lorsque vient le temps d'inscrire leurs propres enfants au programme d'immersion française. En tant que Canadiens, nous célébrons les mérites sociaux et cognitifs du bilinguisme et les compétences qu'il apporte. Toutefois, nous n'offrons aucune garantie pour l'éducation en français. Oui, la Charte confère ces droits aux francophones, mais aucun droit aux francophiles, et c'est une lacune fondamentale qu'il importe selon moi de combler.
Canadian Parents for French voit les difficultés auxquelles les commissions scolaires doivent faire face à l'heure actuelle. Il n'est point facile de trouver des enseignants, des salles de classe et des ressources appropriées, et nous proposons une approche comportant plusieurs volets ainsi que quelques recommandations. Et merci à notre cher gouvernement de son annonce d'hier. Je demanderais cependant au gouvernement de travailler avec notre ministère de l'Éducation sur des cibles particulières, dont la bonification des programmes de formation pour enseignant en français, ici et dans l'ensemble de la province. Il conviendrait aussi d'augmenter la formation spécialisée pour les enseignants et les aides-enseignants afin de soutenir l'inclusion et l'aide à l'apprentissage en français. Il faudrait également offrir des programmes de mentorat à l'intention des enseignants débutants et de perfectionnement professionnel continu en français, dont des programmes d'immersion intensive en milieu francophone et d'acquisition du français de base. Enfin, il faudrait bonifier les fonds consacrés au perfectionnement professionnel afin de permettre aux enseignants de développer leurs compétences linguistiques sur le plan pédagogique ainsi que leur compréhension de la culture.
Il serait très utile d'ajuster le salaire des enseignants en fonction du marché. Les salaires des enseignants de notre province arrivent au 2e rang des salaires les plus bas au Canada, alors que le coût de la vie ici est le plus élevé au pays. Il est donc extrêmement difficile d'inciter des enseignants de l'extérieur de la province à venir travailler chez nous.
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Je m'appelle Glyn Lewis, et je suis directeur général de la section Colombie-Britannique et Yukon de l’association Canadian Parents for French. Je suis un produit du programme d'immersion française de Burnaby, en banlieue de Vancouver. Je vais vous communiquer mes notes en anglais parce que c'est un peu plus facile, mais si vous posez des questions en français, je pourrai vous répondre en français ou en anglais.
[Traduction]
Je vais essayer de ne pas trop répéter ce que Diane a dit. Je pense qu'elle a donné un aperçu très complet des programmes et de la situation ici en Colombie-Britannique et au Yukon. Je vais quand même ajouter certaines choses, et ensuite, je parlerai plus spécifiquement de mon expérience personnelle et de la façon dont cela pourrait se rapporter à la Loi sur les langues officielles ainsi qu'aux modifications et révisions connexes.
Avant de nous présenter devant vous, nous avons reçu une liste de questions. Je les ai passées en revue et j'en ai retenu trois que je tiens absolument à commenter et à approfondir.
La première question est celle où l'on nous demandait si la qualité des programmes de français langue seconde répond aux attentes des étudiants et de leurs parents. Comme vous pouvez le voir avec l'exemple de Patrick, les programmes d'immersion française sont généralement très efficaces. Je dirais que c'est le cas dans l'ensemble du Canada, mais que c'est absolument le cas ici, en Colombie-Britannique et au Yukon. Nous avons d'excellents enseignants. Le programme est très « immersif ». Le programme peut s'appuyer sur une communauté très solide. Comme nous le disons constamment, l'objectif du programme d'immersion française est de faire en sorte que nos diplômés aient acquis une maîtrise fonctionnelle des deux langues à la fin de leur cours, et je crois que la plupart des étudiants qui s'appliquent de façon raisonnable y parviennent. Je crois que ceux qui s'appliquent un peu plus terminent leur cours avec un degré de compétence étonnant.
Selon moi, là où il y a des préoccupations et des problèmes légitimes, c'est en ce qui concerne le français de base. Comme le disait Diane, en Colombie-Britannique, les étudiants doivent suivre un cours en langue seconde entre la 5e et la 8e année. De façon générale, la deuxième langue qui est offerte est le français, et cela s'explique probablement par les mesures incitatives qui viennent avec le financement fédéral pour le français. Sauf que cette deuxième langue ne doit pas nécessairement être le français; les étudiants pourraient très bien apprendre le mandarin, le pendjabi ou quelque chose d'autre.
En Colombie-Britannique, il y a 180 000 étudiants qui sont inscrits aux programmes de français de base, soit près du tiers de la population étudiante de toute la province. Malheureusement, au cours des 20 dernières années, nous avons constaté une diminution précipitée du nombre d'inscriptions à ces programmes, et cela s'explique par toutes sortes de raisons. Je vais en décrire deux rapidement.
Il y a d'abord le fait que les enseignants qui enseignent le français de base ne se sentent pas à l'aise d'enseigner cette matière, ce que démontrent constamment les études et les sondages effectués à ce sujet. Ils ne se sentent pas à l'aise de parler la langue. Une étude réalisée en 2008 par Wendy Carr à l'Université Simon-Fraser montre que 80 % des enseignants qui enseignent le français de base au primaire et au secondaire ne se sentent pas à l'aise de parler français. Dans cette optique, on peut s'imaginer l'incidence négative que cela peut avoir sur l'apprentissage des étudiants ou sur la volonté que ceux-ci pourraient avoir de développer un goût pour cette langue et cette culture.
La deuxième préoccupation que nous avons quant à l'apprentissage du français de base, c'est qu'il faut vraiment des activités parascolaires pour compléter les cours en classe. Cela s'explique par le fait que les étudiants n'ont souvent peu ou pas de contact avec les communautés francophones ou avec la langue et la culture française. Voilà pourquoi nous devons considérer et promouvoir les programmes d'échange et les expériences culturelles immersives. Nous veillerons en cela à permettre aux étudiants de compléter les notions reçues en classe et à inciter ces derniers à poursuivre leur apprentissage de la langue française. C'était la grande question que je voulais aborder.
De la liste que l'on nous a remise, la deuxième question à laquelle je tenais à répondre cherchait à savoir s'il y avait des ressources pour faciliter l'accès aux programmes de français langue seconde pour les immigrants étudiants dont le français n'est pas la langue maternelle ou pour qui le français n'est pas une langue parlée officielle. La question portait sur les nouveaux Canadiens et sur l'existence de ressources et de stratégies pour les aider à prendre part aux programmes de français langue seconde.
De façon générale, je crois que les nouveaux Canadiens participent en grand nombre à ces programmes. À Burnaby, il y a une école où la majorité des familles qui participent à l'immersion française ne parlent pas français ou anglais à la maison. Il s'agit donc de familles qui parlent surtout le mandarin, le pendjabi ou quelque autre langue. Je crois qu'en général, à leur arrivée, les nouveaux Canadiens perçoivent le Canada comme étant un pays bilingue — parfois plus que nous le percevons nous-mêmes — et ils veulent que leurs enfants s'approprient cette langue. Ils veulent que leurs enfants s'intègrent, qu'ils embrassent la langue et la culture de leur terre d'accueil, de cet endroit qu'ils appellent désormais leur patrie. Voilà pourquoi ils cherchent à participer à ce programme.
Je crois que la difficulté à cet égard — et Diane en a parlé dans sa déclaration liminaire —, c'est que nous devons nous assurer de faire assez de place dans ces programmes pour éviter de refuser l'accès à ces familles. C'est l'observation que je tenais à faire concernant l'accès aux programmes de français langue seconde pour les nouveaux Canadiens.
La dernière question — et je fais attention au temps qu'il me reste —, c'est celle qui cherchait à savoir si l'apprentissage du français langue seconde devrait être protégé par des garanties constitutionnelles. C'est une question que Diane a abordée dans son exposé. Nous sommes des diplômés de programmes comme le programme d'immersion française, mais on ne garantit pas les mêmes droits à nos enfants ni la même accessibilité à l'apprentissage du français.
Je vis ici, à Vancouver. Je peux vous brosser un portrait de mon parcours, très rapidement. Ma mère est née en Grèce. Elle est allée à Paris pour devenir professeur de français. Elle a déménagé à Vancouver où elle a rencontré mon père, un Canadien de sixième génération de la côte Ouest. Ma mère était une internationaliste multiculturelle et multilingue, et mon père était un gars de la côte Ouest on ne peut plus traditionnel qui était anti-français. Je me suis toujours demandé comment ils s'étaient rencontrés et comment ils ont pu penser que c'était une bonne idée pour eux d'être ensemble.
Ma mère était persévérante. Elle voulait que ses deux enfants apprennent le français même si mon père était indifférent à l'égard de cette langue et qu'il lui arrivait parfois de s'en moquer. Je le répète, c'était un gars bien ordinaire de la côte Ouest. Toujours est-il que ma mère a insisté et que j'ai suivi le programme d'immersion tardive, à Burnaby. Ma soeur, elle, a suivi le programme francophone à Vancouver. Je suis allé à l'Université Simon-Fraser et j'ai étudié la chimie, et je n'ai jamais pensé que j'allais un jour revenir à la langue française. Après avoir obtenu mon diplôme universitaire, j'ai décidé que je voulais vivre à Montréal. Je voulais voir une autre partie du pays et en faire l'expérience. C'est l'une des meilleures choses qui me soient arrivées, et c'est bien parce que j'avais eu cette formation en français que j'ai pu saisir l'occasion.
Lorsque j'étais à Montréal, on m'a invité à retourner sur la côte Ouest afin de travailler pour Canadian Parents for French. J'ai passé les huit dernières années à défendre les droits des enfants afin qu'ils puissent avoir les mêmes ouvertures que Patrick et moi avons eues, ces occasions favorables qui ont changé nos vies.
Comme Diane en a parlé dans son exposé, il semble que le problème est le suivant: parce que je vis dans une collectivité comme Vancouver, dans quelques années, quand j'aurai des enfants et que je voudrai les inscrire à ces programmes, je devrai me mettre en ligne et donner mon nom pour un tirage au sort. Leur participation dépendra de l'issue de ce tirage.
Ma recommandation la plus importante au Comité serait de faire en sorte que ces droits et garanties soient étendus aux familles comme la mienne et celle de Patrick.
Merci.
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Bonjour, monsieur le président.
Avant de commencer mon allocution de cinq minutes, j'aimerais remercier les membres du Comité de s'être déplacés ici, dans la francophonie franco-colombienne. J'aimerais aussi saluer la greffière du Comité. Je l'ai côtoyée alors que nous étions à l'Université d'Ottawa, il y a longtemps. Nous avons travaillé ensemble. Elle a de très grandes compétences. J'imagine donc que le rapport qu'elle produira sera excellent.
Le Bureau des affaires francophones et francophiles, le BAFF, est sûrement mal connu, mais avant d'en parler, j'aimerais dire que ce que vous avez entendu ce matin doit être conjugué avec ce que vous entendrez cet après-midi. En d'autres mots, pour que le français langue seconde existe, il doit y avoir une communauté et une vitalité francophones. Mme Tijman, M. Lewis et M. Witwicki l'ont dit, et je le dis aussi: pour que le français langue seconde existe, il faut des communautés francophones vivantes en Colombie-Britannique, dans l'Ouest canadien, en Acadie et ailleurs. Je ne voudrais pas que vous dissociiez les deux dynamiques, puisqu'elles sont issues de la même réalité.
Le BAFF est un produit du plan Dion. Le président se rappellera sûrement du plan Dion, rendu public en 2003. Quant au Bureau des affaires francophones et francophiles à l'Université Simon-Fraser, il a été mis sur pied en 2004.
Je représente le postsecondaire en français, en Colombie Britannique. L'Université de la Colombie-Britannique, une université soeur de l'Université Simon-Fraser, offre des cours et forme des enseignants et des enseignantes en français, bien entendu. Chez nous, les sciences politiques, l'histoire et l'éducation sont enseignées en français. Cela peut vous surprendre, mais cela fonctionne depuis 2004. De plus, nous sommes en pleine croissance. Une des choses que j'aimerais que vous reteniez, comme Mme Tijman et M. Lewis l'ont dit, c'est que la demande est là et que nous sommes incapables d'y répondre.
Ce n'est pas comme si vous veniez ici pour évaluer comment nous stimulons l'intérêt pour le français ou la culture. Cet intérêt est déjà présent, même chez les nouveaux arrivants. C'est important de le dire. Dans l'imaginaire des gens qui arrivent en Colombie-Britannique, le français joue un rôle important. Toutefois, nous ne pouvons pas suffire à la demande.
Je ne veux pas dire ce qu'un groupe a déjà dit, soit que l'argent va tout régler et que nous en avons besoin de plus. En réalité, l'un des messages clés que je veux faire passer, c'est que l'infrastructure est là. L'Université Simon-Fraser a un bureau, et nous avons a reçu 1,5 million de dollars en 2003 pour offrir des cours en français, en éducation, en sciences politiques et en histoire. De plus, nous avons un French Cohort Program.
Comme je le disais à M. Arsenault, demain matin, je serais prêt à commencer un programme de criminologie entièrement en français avec à peu près 300 000 dollars. Je pourrais embaucher des professeurs et recruter entre 20 et 30 étudiants. L'infrastructure est là et la machine est prête à fonctionner, mais les ressources sont insuffisantes. Je ne ferai pas le procès du financement en matière de langue officielle au cours des 10 dernières années, mais je peux témoigner de la stagnation importante du financement.
Le BAFF est un exemple, comme le sont le Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique, que vous avez reçu ce matin, les groupes communautaires tels que Canadian Parents for French et l'Alliance française de Vancouver, dirigée par M. Hubert. L'infrastructure est là. Vous ne partez donc pas de zéro.
Quatre cent millions de dollars ont été annoncés hier et 305 millions de dollars sont octroyés au ministère du Patrimoine canadien. Comment ces sommes d'argent vont-elles se rendre au Programme des langues officielles dans l’enseignement, le PLOE? On s'entendra pour dire que nous serons soutenus en grande partie par le PLOE.
Comment cet argent va-t-il se rendre ici? C'est à vous de nous aider. C'est à vous de répondre à cette question. Comment peut-on convaincre les hauts fonctionnaires du ministère du Patrimoine canadien que, en Colombie-Britannique et même dans l'Ouest, si on veut avoir une vision plus canadienne de l'ouest, la machine est là.
L'Université de Saint-Boniface, le Campus Saint-Jean sont prêts. Non seulement ils sont prêts, mais la demande est là. Des places en immersion française sont attribuées au moyen de loteries et des gens font la file sous la pluie à Vancouver. C'est ce message que je veux vous transmettre ce matin. Bien sûr, nous pouvons entrer dans les détails quant à la façon de faire.
Je viens de l'Acadie et j'ai travaillé à l'Université de Moncton pendant 15 ans. J'ai aussi travaillé à l'Université Mount Allison, à Sackville. J'ai vu ce qu'il y avait là-bas, mais j'ai découvert ici une demande pour l'immersion. C'est une augmentation fulgurante. Le problème, c'est que si on n'agit pas rapidement, la demande pour le français de base, sera malheureusement sur son déclin, comme l'a dit M. Lewis.
Comme Mme Tijman l'a dit, les parents d'aujourd'hui sont les produits de la vision du Canada de M. Trudeau, de la dualité nationale. Le temps d'agir, c'est maintenant. Si on n'agit pas maintenant, nous nous retrouverons sur un terrain glissant.
Je reviens maintenant sur le BAFF et l'Université Simon-Fraser. J'ai les pieds un peu dans le français langue seconde, mais aussi dans la communauté francophone. Le BAFF est membre de l’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne, ou l'ACUFC. Les professeurs, les enseignants et les enseignantes que je forme vont aboutir dans les écoles d'immersion, tout comme ils vont aboutir au Conseil scolaire francophone. Je vis un peu ces deux réalités.
J'aimerais consacrer le reste du temps qui m'est alloué à des réflexions un peu plus générales.
M. Lewis a terminé en disant qu'il faudrait peut-être envisager des droits fondamentaux pour les gens qui souhaitent apprendre la deuxième langue officielle. C'est l'une des questions que vous nous avez soumises, et je réponds par l'affirmative. Je crois même que vous devriez, comme le fait le Sénat, repenser la Loi sur les langues officielles. Elle est désuète et cela commence à se faire sentir.
L'article 23 de la Charte ne s'applique pas aux études postsecondaires. Pour moi, et pour l'Université Simon-Fraser, les 2,1 millions de dollars que le ministère du Patrimoine canadien et les contribuables investissent ne sont pas protégés. Il n'y a pas de garantie et ces fonds pourraient disparaître demain. J'imagine que les porte-parole du milieu de la petite enfance vous ont dit la même chose ce matin.
Au Bureau des affaires francophones et francophiles de l'Université Simon-Fraser, nous parlons d'un continuum en éducation, et le postsecondaire est important pour nous. Il est nécessaire de former des enseignants. C'est ce que nous faisons, ainsi que l'Université de la Colombie-Britannique et d'autres institutions, mais la pénurie d'enseignants se fait sentir.
Je vous résume la situation. Je vais voir le doyen de la Faculté d'éducation pour lui dire que je formerai 52 enseignants en français cette année. La formation de chacun d'eux coûte de 10 000 à 12 000 $. Cinquante-deux enseignants, c'est le vrai nombre, en passant, mais je serais capable de le doubler dès demain. Il me faudrait simplement 12 000 $ par étudiant supplémentaire, que la province devrait payer. Cependant, la discussion ne va pas plus loin parce que ni la province ni le fédéral n'offrent les ressources nécessaires. J'imagine que c'est un peu la même situation pour l'Université de la Colombie-Britannique.
Je ne veux pas limiter le débat à la seule question des ressources, mais je tiens à vous laisser savoir que l'infrastructure existe déjà. Il ne nous reste plus qu'à aller de l'avant. Une fois que la situation sera débloquée, nous pourrons enfin accroître la vitalité francophone en Colombie-Britannique.
Je termine là-dessus, et je suis prêt à répondre à vos questions.
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Vous soulevez un très bon point, un problème majeur qui révèle votre expérience dans ce dossier: l'imputabilité des provinces quant aux sommes d'argent qu'elles reçoivent du gouvernement fédéral. Je ne suis pas prêt à dire que les investissements fédéraux ne donnent aucun rendement, mais vous avez raison de rappeler qu'il est difficile de faire le suivi et d'obtenir des comptes sur la façon dont les provinces dépensent les sommes reçues.
M. Lewis et Mme Tijman sont en Colombie-Britannique depuis plus longtemps que moi. Je viens d'arriver, mais je dirais qu'il souffle quand même un léger vent de changement. Je voudrais soulever une note optimiste. M. Dix a été nommé ministre responsable du Programme des affaires francophones en Colombie-Britannique. C'est un portefeuille qui ne dispose pas d'un gros budget, mais c'est un début. Pour sa part, M. Fleming, le ministre de l'Éducation, fait montre d'une certaine ouverture, qui reste à travailler. Il souffle donc un léger vent de changement.
Cependant, les investissements fédéraux jouent effectivement un grand rôle. Je suis d'avis que vous devez être rigoureux quand le gouvernement fédéral investit, et que vous devez demander des comptes.
Je me rappelle avoir eu cette discussion avec M. Mauril Bélanger à l'époque. Il disait la même chose, qu'il fallait garder l'argent à l'oeil. Où va l'argent une fois qu'il est dans les coffres de la province? Il faut pouvoir en suivre la trace.
Cela demeure donc important et je vous invite à en faire l'un des critères des ententes bilatérales. Sans vouloir paraître trop optimiste, je dirais qu'il souffle un vent de changement en Colombie-Britannique. Je vais laisser mes collègues répondre, mais je trouve que tout tombe à point. Comment seront affectés les 400 millions de dollars annoncés dans le budget d'hier? Cela manque de détails concrets. Par ailleurs, comment pourrons-nous nous assurer que la province investira cet argent dans les bons programmes une fois que vous aurez émis vos recommandations? Je vous invite à faire preuve de rigueur à ce sujet.
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C'était une très bonne question.
J'ai utilisé l'exemple de Hazelton, où les trois langues sont utilisées. C'est important, parce que dans les trois petites communautés de Hazelton, de South Hazelton et de New Hazelton, les gens ont le soutien de la nation Gitxsan. Les trois langues sont enseignées à l'école, comme c'est le cas à Haida Gwaii. Juste avant Noël, il y a eu un spectacle où les enfants ont chanté une chanson de Noël en anglais, en français et en gitxsanimaax. Comme je n'étais pas là, je ne peux pas vous donner le titre de la chanson.
Dans quelques communautés, même à Prince Rupert où l'immersion française est soutenue par les conseils scolaires, les élèves entre la cinquième et la huitième année qui ne sont pas en immersion française doivent choisir le français de base ou le sm'algyax, mais ils ne peuvent pas apprendre les deux. Nous croyons que si le conseil scolaire, que ce soit celui de Prince Rupert ou de Haida Gwaii, décidait d'instaurer une règle selon laquelle les trois langues — le français, le haida et l'anglais — doivent être enseignées, même les gens qui ne voudraient pas cela seraient tenus de respecter cette règle. Nous avons vu où cela fonctionne et où cela n'a pas fonctionné, comme l'a dit M. Lewis. C'est notre réalité, dans le Nord-Ouest.
Dans le processus de réconciliation, les Autochtones veulent protéger leur langue et c'est très important. En même temps, à Haida Gwaii, les Haidas placent leurs enfants dans un programme d'immersion française. Oui, nous voulons protéger nos langues, mais nous voulons aussi que les élèves aient la chance d'apprendre le français, car ainsi, ils auront beaucoup plus de possibilités d'emploi une fois diplômés que s'ils ne parlaient qu'une seule langue.
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Je parle déjà le français, alors je vais m’exprimer en anglais.
Je sais pertinemment dans quelles situations nous nous trouvons dans certains cas, et c’est très simple. Mon époux a enseigné toute sa vie, et j’ai donc été en mesure de baigner complètement dans ce milieu. En outre, dans mon ancienne vie, j’ai été enseignante, animatrice ou peu importe le titre que vous souhaitez m’attribuer, et j’ai eu des occasions de travailler à ce niveau. Voilà comment les choses se passent: lorsque la BCTF vous remet un certificat pour enseigner, vous êtes censés connaître toutes les matières et être en mesure de les enseigner, y compris la chimie, les mathématiques, la biologie et la langue.
Imaginez ma surprise lorsque j’ai découvert, alors que j’enseignais le français, que l’une des étudiantes de ma classe était Nancy Griffith-Zahner, la femme qui allait diriger le programme de français de base. Cela ne m’a pas vraiment étonnée parce que cela se produit constamment. La BCTF ne nous apporte aucun soutien, et une autre raison pour laquelle les écoles n’aiment pas vraiment faire appel à des personnes externes, c’est qu’elles ne tiennent pas à perturber la BCTF. Je ne cherche pas à offenser la BCTF; je dis simplement qu’à ce niveau, on s’attend à ce que vous enseigniez toutes les matières.
Nous avons perdu la spécialisation qui existait dans nos classes, il y a de nombreuses années, et c’est l’une des raisons pour lesquelles les élèves ont des problèmes en mathématiques et en langue. Cela n’a rien d’un secret.
Voilà ma réponse.
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Merci, monsieur le président.
Je vous remercie tous d'être présents.
C'est très intéressant. Je suis député de Madawaska—Restigouche. Nous parlons de langues autochtones. Madawaska est un nom malécite et Restigouche est un nom micmac.
Je suis un député libéral, puisque toutes les circonscriptions de l'Atlantique sont libérales. J'aime dire que le soleil se lève toujours en Atlantique pour ensuite éclairer le Centre et le Pacifique.
Je dis cela à la blague.
Nous avons discuté ce matin avec des gens du milieu scolaire. Je suis vraiment étonné qu'il n'y ait pas de programme ferme en Colombie-Britannique. Vous avez parlé du programme de français de base. Je suis peut-être naïf, mais je trouve inconcevable que, dans une même province, des conseils scolaires puissent choisir un cursus différent des autres. Ce n'est pas ce qui se fait dans ma province, et je pensais qu'il en allait de même partout.
Plus tôt, M. LeBlanc, un compatriote acadien du Nouveau-Brunswick, a parlé des besoins. Tout cela est une synergie, une roue qui tourne. Il faut une communauté pour que des gens vibrent en français. Or pour que ce soit possible, l'éducation est essentielle. Il faut aussi que des gens la maintiennent et en fassent la promotion. Bref, on parle d'une symbiose communautaire dans le cas de l'éducation.
Nous avons parmi nous M. Hubert, de l'Alliance française de Vancouver. Nous recevons aussi des représentants de l'Association des francophones et francophiles du Nord-Ouest.
Vous avez vu le budget et avez entendu parler des 400 millions de dollars. Selon vous, quels secteurs principaux faudrait-il alimenter?
Monsieur Hubert, nous vous écoutons.
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Bonjour tout le monde. Je vous remercie d'être ici aujourd'hui.
Je m'appelle Darrell Samson. Je suis le seul élu acadien de la Nouvelle-Écosse — un titre dont je suis fier — mais un de mes collègues vient du Nouveau-Brunswick.
Avant d'être élu, j'ai été directeur général du conseil scolaire francophone de la Nouvelle-Écosse pendant 11 ans. Avant la création du conseil scolaire francophone, j'ai travaillé pour le conseil scolaire anglophone, où j'étais facilitateur en matière d'immersion et de français de base. À l'époque, il n'y avait pas encore d'écoles françaises. Nous avons réussi à mettre en place une stratégie qui a très bien fonctionné. Cependant, elle va peut-être à l'encontre de la situation que vous vivez sur le terrain, à l'encontre de ce qui se passe chez vous. Vous avez dit que 80 % des enseignants n'étaient pas à l'aise avec la langue française. Chez nous, ce n'était pas là le problème. Notre problème, c'était que les enseignants de français de base se sentaient moins appuyés, et qu'ils avaient de plus grands défis d'enseignement à relever que les enseignants en immersion.
Le syndicat ne m'aimait pas parce que, pour résoudre le problème, j'ai gentiment forcé les enseignants qui le pouvaient à enseigner les deux langues. Les enseignants en immersion devaient enseigner deux cours en français de base et les enseignants de français de base devaient enseigner deux cours en immersion. Cela a complètement changé l'enseignement, parce que, pour la première fois, ce n'était pas seulement les élèves qui étaient vus comme étant l'élite, mais aussi les enseignants. Les enseignants de français de base ont vite appris comment enseigner, parce que c'est plus facile d'enseigner en immersion. C'était juste une parenthèse.
M. Lewis, j'ai une très bonne nouvelle à vous annoncer. Je n'ai pas vérifié auprès de mes collègues, mais je vais quand même vous annoncer la bonne nouvelle. En réalité, vous avez le droit d'inscrire vos futurs enfants à l'école française. Vous n'aurez donc pas à inscrire leurs noms sur la liste d'attente pour l'immersion. Vous êtes d'une famille francophone; votre mère était francophone, si je ne me trompe pas. Toutefois, cela ne change rien parce que votre soeur ou votre frère a fréquenté l'école française. Si un enfant est un ayant droit, toute sa famille le devient aussi. Pour les 100 prochaines années, tous les enfants seront inclus dans la définition d'ayant droit.
Monsieur LeBlanc...
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Monsieur LeBlanc, je ne veux pas m'embarquer dans des considérations politiques, mais vous avez dit que pendant 10 ans le retard s'était accumulé à cause du manque d'investissement ou du réaménagement de l'investissement. Je sais que le gouvernement de l'époque, dont je faisais partie, a pris des décisions difficiles pour revenir à l'équilibre budgétaire, décisions qu'il croyait être justifiées et justifiables. Les communautés francophones partout au Canada et plusieurs organisations scientifiques et d'autres en ont subi les conséquences.
J'entends dire depuis ce matin que, malgré tout, le réseau francophone se développe en Colombie-Britannique et au Canada et qu'il y a une volonté absolument spectaculaire de toute la communauté francophone hors Québec de prendre sa place véritablement et de mettre tout en oeuvre pour assurer son développement.
Vous avez dit d'entrée de jeu que l'argent ne réglait pas tout et qu'il fallait une volonté véritable. Tout à l'heure, Mme Boucher a dit que le gouvernement fédéral donnait de l'argent aux provinces et que, malgré toutes les ententes, les provinces n'en font pas toujours ce qu'elles doivent en faire ou ce qui est prévu qu'elles en fassent. Nous devrons absolument le mentionner dans nos conclusions. Il faut que le fédéral s'assure qu'il y a une reddition de comptes et que l'argent est dépensé aux fins prévues. Malgré toute la bonne volonté du fédéral, il y a toujours deux parties à une entente et deux côtés à une médaille. Malheureusement, je constate aujourd'hui que l'autre partie ne fait pas son travail. C'est malheureux, mais c'est ainsi.
Je donne à tous les témoins la possibilité d'en parler, mais avant, je tiens à vous féliciter, monsieur Hubert. Votre organisme ne reçoit aucune subvention, mais il offre quand même des cours de français à des centaines d'individus. Encore une fois, ce n'est pas une question d'argent, mais de volonté. Certes, l'argent aide énormément, mais il faut qu'il y ait une volonté. Je vous félicite et je suis vraiment épaté de voir tout ce que vous faites et toute l'énergie que vous y mettez, comme le font les autres groupes qui étaient ici ce matin. Tout cela m'interpelle énormément.