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LANG Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des langues officielles


NUMÉRO 060 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 11 mai 2017

[Enregistrement électronique]

(1105)

[Français]

    Conformément au paragraphe 108(3) du Règlement, nous étudions la mise en oeuvre intégrale de la Loi sur les langues officielles dans le système de justice canadien.
    Je souhaite la bienvenue à nos amis qui se joignent à nous ce matin, M. McColeman et Mme Alleslev. Je souhaite aussi la bienvenue aux témoins qui représentent KortoJura, l'honorable Denise LeBlanc, juge responsable du Programme linguistique juridique; M. Allain Roy, directeur général du Programme linguistique juridique; M. Normand Fortin, qui travaille à la conceptualisation, au contenu et à la certification pour le Service d'évaluation; ainsi que Mme Françoise Bonnin, directrice du Service d'évaluation.
    Mesdames et messieurs, je vous souhaite la bienvenue parmi nous.
    Nous allons vous écouter pendant une dizaine de minutes. Je ne sais pas si vous voulez partager votre temps de parole ou de quelle manière vous voulez fonctionner. Ensuite, nous ferons un tour de table pour formuler des les questions et des commentaires.
    Madame LeBlanc, nous vous écoutons.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs, je vous remercie de l'invitation à comparaître devant le Comité dans le cadre de l'étude sur la mise en oeuvre intégrale de la Loi sur les langues officielles. Nous vous sommes très reconnaissants de l'occasion qui nous est accordée de vous faire part des activités mises en oeuvre chez nous selon notre vision de l'atteinte de l'idéal en ce qui concerne l'accès à la justice dans les deux langues officielles pour les justiciables partout au Canada.
    Les activités en question ont vu le jour en 2011, alors que la Cour provinciale du Nouveau-Brunswick proposait au Conseil canadien de la magistrature de créer un programme de formation linguistique destiné aux juges canadiens de nomination provinciale. La juge Yvette Finn était alors désignée juge responsable du programme.
    De cette initiative s'est développé un programme de formation linguistique juridique qui se distingue par l'accent mis sur l'aspect pratique et dont découle un volet de l'évaluation de la compétence linguistique juridique, connu sous le nom KortoJura.
    En janvier 2017, je succédais à la juge Finn comme juge responsable du programme. Je suis très fière de vous présenter ceux qui m'accompagnent aujourd'hui. Monsieur le président l'a déjà fait. Il s'agit de M. Allain Roy, le directeur général du programme de formation, et de M. Normand Fortin, spécialiste langagier et responsable de la conceptualisation et du contenu du service d'évaluation KortoJura. Mme Françoise Bonnin est présente également pour répondre à toute question relative à KortoJura qui lui sera adressée.
    Sans plus tarder, je cède la parole à M. Roy, qui fera un survol des sessions de formation linguistique.
    Depuis le printemps 2011, au-delà d'une vingtaine de sessions de formation linguistique juridique ont été offertes. Plus d'une centaine de juges de toutes les provinces canadiennes et de tous les territoires sont venus soit dans la région de Caraquet, dans la péninsule acadienne, pour des sessions en français juridique, soit dans la région de Saint Andrews pour les sessions en anglais juridique. À ce nombre, s'ajoute une quarantaine de juges et de juristes qui composent les équipes pédagogiques.
    Ce programme est ancré dans deux communautés du Nouveau-Brunswick accueillantes et fières de partager leur culture. En plus des activités pédagogiques proprement dites, d'autres activités en interaction avec la communauté s'ajoutent, par exemple, des rallyes-questionnaires, la réalisation de minidocumentaires ou des soirées « meurtre et mystère ». Nos seules limites sont celles de notre imagination et le but poursuivi est toujours le même, celui de créer des contextes d'échanges axés sur la communication.
    Il faut aussi mentionner l'implication de la communauté juridique et du corps policier de la GRC qui enrichissent les formations en participant à divers exercices, comme les procès simulés. Si nous traduisons cette implication communautaire en chiffres depuis nos tout débuts, il s'agit de plus de 150 bénévoles de la communauté, une vingtaine d'avocats, un peu plus d'une vingtaine de policiers de la GRC, une quarantaine de comédiens et plus de 55 artistes.
    Il y a deux sessions en français juridique et deux sessions en anglais juridique par année. L'apport économique de ces sessions n'est pas à négliger pour les régions concernées, d'autant plus qu'elles ont lieu en dehors de la haute saison touristique.
    Le prochain défi que nous comptons relever est d'offrir d'autres activités entre les sessions afin de maintenir les acquis et de permettre une formation continue. Nous explorons des plateformes technologiques pour mettre en ligne des outils à la disponibilité de programmes de mentorat ou de tutorat. Nous voulons aussi créer, par l'entremise de ces nouvelles technologies, une communauté virtuelle avec tous les juges qui participent à nos sessions, un réseau pancanadien de mise en commun de connaissances pour que les juges des deux communautés linguistiques puissent s'entraider.
(1110)
    Afin d'ajouter du contexte aux propos de M. Roy, permettez-moi de mettre en relief certains éléments de notre approche pédagogique.
    Le Centre canadien du français juridique assure la préparation et la livraison du contenu pédagogique du programme, en collaboration avec les équipes de formateurs qui livrent le contenu des sessions de formation.
    Ces équipes de formateurs sont composées de juristes d'expérience, d'un spécialiste langagier et de juges qui viennent appuyer ces formateurs.
    Les sessions de formation sont assorties de deux composantes: un volet pédagogique communautaire, qui vous a déjà été expliqué par M. Roy, et un volet pédagogique tissant un lien entre les activités quotidiennes et l'acquisition de compétences langagières des juges apprenants. À chaque session de formation, un thème est adopté en fonction de la nature des accusations les plus courantes devant la cour provinciale.
    L'apprentissage des participants se fait par la participation à des activités mettant l'accent sur la compréhension et l'expression orale et écrite dans la langue seconde, et par la participation à des activités de simulation reproduisant, le plus fidèlement possible, les activités judiciaires en salle d'audience.
    Depuis 2014, des sessions en anglais juridique sont offertes aux juges du Québec en collaboration avec le Conseil de la magistrature. Le thème de collaboration et d'entraide entre les communautés linguistiques et les différents intervenants se poursuit au-delà des sessions de formation. Des juges apprenants deviennent des juges formateurs capables de soutenir leurs collègues partout au Canada, tissant ainsi des liens qui dépassent largement les bénéfices qui étaient prévus à l'origine.
    En ce qui à trait à KortoJura, dès le début du programme de formation, la notion de l'évaluation des compétences langagières s'est inscrite dans les objectifs visés, et ce, en raison des besoins qui se présentaient: le besoin de mesurer le progrès des participants afin d'évaluer l'efficacité du programme; le besoin de fournir à l'équipe pédagogique l'occasion d'adapter les moyens de formation aux besoins des participants; le besoin de permettre aux juges de faire une autoévaluation; et finalement, le besoin de faire connaître aux juges en chef le niveau de compétence langagière de leurs juges.
    Les outils d'évaluation, qui ont été administrés et validés, nous donnent l'occasion de mettre en oeuvre la vision d'un projet autonome et indépendant sous la forme d'un service d'évaluation en compétence langagière dans un contexte juridique.
    Je cède maintenant la parole à M. Fortin. Il traitera de la question de l'évaluation et de la certification de la compétence en communication orale dans la deuxième langue officielle en contexte juridique.
    Lorsqu'on parle d'outils, il s'agit de deux épreuves. Il y a le test de compréhension orale et le test d'expression orale en contexte juridique, calibrés tous les deux selon l'échelle de compétences dont je vous parlerai dans quelques instants. Le test de compréhension orale se fait en ligne à partir d'un ordinateur ou d'une tablette. Quant au test d'expression orale, il se déroule en personne ou en ligne en temps réel grâce à un logiciel sécurisé, sous forme de discussion dirigée avec un juriste animateur et un expert ou une experte en évaluation de la compétence langagière.
    L'échelle de compétences a été créée par un comité de juges et d'experts en évaluation de la langue seconde et a servi de guide pour l'élaboration des tests. Elle est basée sur les tâches qu'un ou une juge doit normalement accomplir. Les juges qui ont élaboré la grille avec moi ont pu classer les différentes tâches selon leur complexité et le niveau de compétence langagière nécessaire pour les accomplir. Cela nous a amenés à créer quatre niveaux de compétence langagière qui ont été peaufinés tout au long du processus de formation et d'évaluation. Je pourrais vous expliquer ce que représentent ces niveaux pendant la période des questions.
    En ce qui concerne la structure des tests, le test de compréhension orale est composé de plusieurs enregistrements authentiques, provenant de salles d'audience, à partir desquels les candidats doivent répondre à des questions à choix multiples, des questions à choix unique ou à des questions ouvertes. Le test d'expression orale sous forme de discussion comprend quatre segments suivant une progression graduelle du niveau 1 au niveau 4 de l'échelle de compétences.
    Le candidat prend d'abord connaissance d'un jugement rédigé dans sa langue maternelle et en discute ensuite avec un juge ou un juriste évaluateur dans la langue dans laquelle il subit examen. Pour la certification, après le test, les évaluateurs s'entendent immédiatement sur une appréciation en utilisant une grille d'évaluation créée à cet effet et recommandent à l'évaluateur en chef de KortoJura d'accorder une certification au candidat à un des niveaux de français juridique. Ils font aussi un diagnostic pour indiquer les lacunes que le candidat devrait combler pour atteindre le niveau suivant.
    Nous sommes en train d'élaborer le Legal English Listening Test pour les juges francophones. Ce test sera validé sous peu avec les juges qui ont suivi la formation à Saint Andrews.
    En terminant, je dirais que nos tests sont uniques, car ils ont été pensés et élaborés en collaboration avec des juges. Ils portent sur des situations réelles que vivent les juges et ils ont été validés par des juges. Ils sont corrigés par des juges et ces mêmes juges participent à la rédaction de l'appréciation finale de la compétence langagière de la personne qui passe le test. Aucun autre outil d'évaluation au Canada ou ailleurs au monde, à notre connaissance, ne répond à ces critères.
    Le service d'évaluation KortoJura, issu du programme de formation linguistique pour les juges, vise encore plus large et souhaite créer des tests pour des spécialistes des différents domaines juridiques qui suivent ce même modèle. Nous croyons que ce service contribuera de façon importante à l'amélioration de l'accès à la justice dans les deux langues officielles pour le justiciable canadien.
    Je vous remercie de nous avoir invités à vous faire part de notre travail.
(1115)
    Je vous remercie beaucoup de votre présentation.
    Puisque déjà cinq personnes ont demandé la parole, elles disposeront toutes de six minutes.
    Nous commençons par Mme Sylvie Boucher.
    Bonjour à tous et à toutes. Je suis heureuse de vous voir.
    J'aimerais savoir une chose. Le programme KortoJura a été pensé par des juges. Je consulte le site Web où on peut passer le test. Il faut au moins deux heures pour le faire, n'est-ce pas?
    Les provinces reconnaissent-elles ce test que vous mettez en ligne? Je parle des provinces où il y a une minorité francophone. J'imagine que vous êtes partout.
    Par ailleurs, pourquoi est-ce si important pour vous que les prochains juges à la Cour suprême soient bilingues?
    J'aimerais entendre votre opinion sur ces questions.
    Ce test n'a pas été élaboré juste pour les juges de la province du Nouveau-Brunswick. Dans le programme de formation, il y a des juges venant de toutes les provinces canadiennes. Mon collègue Allain Roy pourrait très bien vous en parler.
    D'accord. Parfait.
    Ce n'est donc pas du tout restreint à une province.
    C'est plus large.
    Oui.
    Pour ce qui est de savoir si le programme a été accepté par chaque province, je pense que c'est à venir.
    C'est à venir? D'accord.
    C'est ce que je voulais savoir. Cela étant dit, le Nouveau-Brunswick le reconnaît.
    On sait que le test pour les juges bilingues relève du Parlement, mais souvent, la province a son mot à dire.
    Le test donne lieu à une attestation. Cette attestation est-elle reconnue par la province? Est-elle reconnue quelque part?
    Je peux parler un peu de ce sujet.
    Oui.
    À l'heure actuelle, dans le processus de nomination provinciale au Nouveau-Brunswick, le test n'est pas obligatoire et n'est pas reconnu officiellement. Nous n'en sommes pas encore à exiger un test.
    D'accord. C'est bon. C'est ce que je voulais savoir.
    Ce test pourrait quand même nous aider beaucoup. Je pense aux francophones hors Québec et à l'utilisation des bons termes.
    Personnellement, je ne passerais pas ce test, parce que je ne suis pas avocate et que je n'ai jamais voulu être juge non plus.
    Combien de personnes réussissent le test de manière satisfaisante, c'est-à-dire à un haut niveau?
(1120)
    Peut-être que je devrais vous expliquer l'échelle de compétence de notre programme de formation.
    Oui, j'aimerais cela.
    Il y a quatre niveaux.
    C'est une partie que j'avais coupée de mon texte original.
    C'est bon. C'est cela que je voulais savoir.
    Il y a vraiment quatre niveaux de compétence.
    Moi, je ne fais pas partie des instigateurs du programme. Je travaille dans le volet des langues.
    C'est la juge Finn a été l'instigatrice du programme. Elle est partie du principe qu'un juge n'a pas vraiment besoin d'être complètement bilingue pour accomplir certaines tâches, pour lesquelles une certaine connaissance du français est suffisante.
    Ainsi, dans notre grille de compétence, la personne ayant le premier niveau, soit le FJ1, devrait avoir une compétence minimale pour présider une séance unique non contestée ou de nature administrative. Il peut s'agir d'un ajournement, d'un plaidoyer ou d'une demande à un individu de plaider coupable ou non coupable.
    Il y a des juges qui suivent la formation qui sont maintenant capables de faire cela. La vision de la juge Finn — et je pense que c'est aussi la vision de Mme LeBlanc — était de désengorger le système de justice.
    Si nous pouvons avoir suffisamment de juges ayant ce niveau linguistique, nous aurons réussi. Or, en ce moment, notre échantillon n'est pas assez grand pour dire que cela peut être généralisé. Cela dit, nous sommes en mesure de le voir parmi les juges qui suivent notre formation à Caraquet.
    Pour ce qui est des autres niveaux, le niveau FJ2 est un niveau plus élevé que le FJ1. À ce niveau, un juge est capable de présider plusieurs séances successives dans une journée, où les éléments contestés sont plutôt simples, mais pourraient exiger des témoignages, par exemple, une enquête sur remise en liberté ou des procès simples.
    Au niveau FJ3, un juge est capable de présider la majorité des séances, mais il pourrait rencontrer des difficultés lors d'une séance contestée impliquant plusieurs parties ou plusieurs témoins.
    Au niveau FJ4, un juge peut fonctionner dans un milieu où la grande majorité des activités judiciaires se déroulent dans la deuxième langue officielle.
    Comme vous le voyez, le niveau FJ1 n'est pas un niveau de débutant. Il faut que le français langue seconde ait été appris avant de pouvoir dire qu'un juge est au niveau FJ1.
    Environ combien de juges par année suivent cette formation ou font le test?
    Comme je vous le disais, depuis 2011, une centaine de juges sont venus à plus de 300 reprises.
    Il y a des juges qui reviennent à l'occasion; il y a deux sessions par année. À peu près 20 juges s'inscrivent par session.
    C'est la même chose en anglais juridique; ils sont des juges du Québec, pour la plupart.
    Aussi, nous pouvons faire un lien avec le travail de fond qui a été fait et les outils développés par M. Fortin et les juges qui ont suivi la formation. Par exemple, nous avons pu facilement valider des tests, parce que nous connaissions très bien les juges et leur niveau linguistique.
    À ce moment, je pense qu'il faut entre autres faire connaître nos tests et les faire accepter par différentes instances.
    Merci beaucoup, madame Boucher.
    Je donne maintenant la parole à M. René Arseneault, un député du Nouveau-Brunswick.
    Merci, monsieur le président.
    Je ne voudrais pas paraître prétentieux et il m'arrive très peu de l'être, mais je dirais que la lumière vient souvent du Nouveau-Brunswick.
    Des voix: Ah, ah!
    C'est une façon de voir les choses.
    Je félicite les témoins et les remercie d'être ici.
    Vos propos sont très éclairants. Je viens du Nouveau-Brunswick et je ne savais pas à quel point ce test était précis. Je pensais que c'était des tests de langue ordinaires, mais je constate qu'il y a toute une terminologie juridique en français et en anglais. Le commun des mortels ne sait pas à quel point il est important d'avoir la terminologie exacte en français ou en anglais.
    Vous avez bâti ce test autour de quatre niveaux, comme l'avez expliqué. Quand on est avocat, on sait exactement ce que cela veut dire. La présentation d'un simple plaidoyer de culpabilité ou de non-culpabilité, où la personne retourne chez elle et où le procès se tiendra dans deux semaines, n'est pas la même chose que la tenue d'une audience avec des témoins experts.
    Je vous dis bravo pour l'initiative. Il y a eu plusieurs essais-erreurs au cours des années. Vous êtes arrivé à un produit unique. Il y a 100 juges francophones et anglophones par année qui suivent des sessions de formation linguistique, si j'ai bien compris. Comme ils viennent à plusieurs reprises, on peut supposer qu'il y a eu 300 sessions de formation.
    Quelle est la répartition de juges francophones et anglophones? Est-ce un tiers de juges francophones du Québec et deux tiers de juges anglophones?
(1125)
    Oui. Je dirais deux tiers, un tiers.
    Cette répartition reflète la population canadienne.
    Combien d'entre eux viennent de l'extérieur des Maritimes?
    Nous avons toutes les statistiques. Quarante-cinq juges du Québec sont venus suivre la formation, et d'autres viennent des deux territoires, soit du Yukon et des Territoires du Nord-Ouest. Il y a deux juges de la Colombie-Britannique et sept juges de l'Alberta qui viennent régulièrement suivre la formation. C'est la même chose pour les juges de Terre-Neuve-et-Labrador. Il y a trois juges à l'Île-du-Prince-Édouard, et deux d'entre eux viennent suivre de la formation. Nous recevons donc pendant une semaine les deux tiers de la magistrature de l'Île-du-Prince-Édouard! Il y a aussi 11 juges de l'Ontario. Les juges de presque toutes les provinces sont venus suivre cette formation. Je précise que près d'une vingtaine de juges viennent aussi à titre de formateurs.
    C'est ce que j'ai pris en note. Il y a 150 bénévoles et 20 avocats, qui sont aussi bénévoles. Je sais à peu près comment cela fonctionne. Il y a 40 comédiens pour simuler des procès. C'est quand même toute une organisation. Cela a lieu deux fois par année pour les francophones et autant pour les anglophones. Par curiosité, j'aimerais bien assister à une session et voir comment cela se passe.
    Oui, tout à fait.
    Vous êtes le bienvenu. Pour ce qui est des comédiens et des artistes, je pense qu'un gagnant du Gala de la chanson de Caraquet sait qu'il y a du talent au Nouveau-Brunswick, dans la Péninsule acadienne.
    Ah, ah! Merci beaucoup. Cela me fera plaisir d'en chanter une.
    En 2014, vous êtes arrivés à ce produit unique. Quelles sont vos sources de financement?
    Le financement provient principalement du Fonds d'appui à l'accès à la justice dans les deux langues officielles, et ce, depuis le début. Notre programme d'évaluation des compétences langagières est entièrement soutenu par Justice Canada par l'entremise du Fonds d'appui à l'accès à la justice dans les deux langues officielles, ainsi que par la Société de développement régional du Nouveau-Brunswick.
    Pour tout ce qui touche les activités socioculturelles, pédagogiques ou communautaires, le financement vient des frais d'inscription des juges de 300 $. Ces activités ne sont pas soutenues par Justice Canada ou même par la Société de développement régional. Ces frais d'inscriptions nous permettent de couvrir les coûts liées à ces activités et à payer les artistes.
    Le financement est toujours le nerf de la guerre. Ce programme est unique, mais il doit faire des petits et s'étendre aux cours provinciales de tout le Canada. Vous l'avez déjà dit, mais je précise que nous parlons ici des cours provinciales.
    Le financement est-il adéquat et vous permet-il d'assurer votre développement à long terme? C'est ce que nous voulons entendre.
    Nous sommes à la veille d'un prochain plan d'action. Notre financement actuel se terminera le 31 mars 2018. Nous ferons bientôt des demandes pour les cinq prochaines années. Nous espérons que l'enveloppe du Fonds d'appui à l'accès à la justice dans les deux langues officielles de Justice Canada sera bonifiée. Nous aurons toujours besoin d'argent, c'est certain. Cela dit, nous fonctionnons très bien avec ce que nous avons actuellement.
    Je voudrais ajouter quelque chose, si je puis me permettre.
    Le service d'évaluation de KortoJura est en train de voler de ses propres ailes et de devenir une entité autonome et indépendante. Nous passons maintenant à la phase de mise en marché avec des avancées importantes. Étant donné le marché potentiel, les besoins de financement seront beaucoup plus importants que notre financement actuel, qui était au départ simplement destiné à mettre sur pied un projet visant à concevoir des outils.
    J'aimerais d'abord souligner que, depuis une dizaine de jours, le Nouveau-Brunswick a atteint la parité hommes-femmes dans la magistrature provinciale; il y a autant de femmes que d'hommes. De plus, pour la première fois dans l'histoire de la province, c'est une femme qui est juge en chef de la Cour provinciale.
    Aussi, quand j'étais plus jeune et que je fréquentais l'école de droit, je travaillais au Centre international de la common law en français. Nous avions fait venir des juristes louisianais qui voulaient connaître cette terminologie et cette façon de s'exprimer dans les deux langues officielles.
    Y a-t-il une clientèle potentielle pour vous du côté de nos amis cajuns? Y a-t-il un intérêt? Est-ce qu'on a cherché de ce côté?
(1130)
    Nous allons explorer cela. C'est une excellente idée, mais nous n'en sommes pas encore là. Nous nous concentrons encore sur le Canada.
    Il faudrait appeler Warren Perrin ou Marc Thibodeau.
    Merci beaucoup, monsieur Arseneault.
    Monsieur Choquette, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais d'abord remercier les témoins d'être ici.
    Je suis vraiment content de vous avoir invités. Nous faisons une étude sur l'accès à la justice dans les deux langues officielles et votre mission est vraiment remarquable et importante à cet égard.
    J'en profite pour souligner la présence de M. Yvon Godin, qui vient d'arriver. Il a travaillé très fort aussi pour qu'il y ait un accès à la justice dans les deux langues officielles et pour défendre les communautés de langue officielle en situation minoritaire. Je suis content qu'il soit venu nous saluer.
    Au nom de tout le groupe, nous vous souhaitons la bienvenue, monsieur Godin. Vous avez travaillé très fort à ce comité dans les années passées. Vous êtes certainement resté un bon ami du Comité, alors bienvenue parmi nous.
    Je tiens à dire bravo aux témoins pour leur bon travail.
    La mission que vous avez entreprise augmentera l'accès à la justice dans les deux langues officielles.
    On entend souvent dire qu'il n'y a pas de juges bilingues en Colombie-Britannique, à l'Île-du-Prince-Edouard ou à Terre-Neuve-et-Labrador, et qu'à cause de cela, on ne peut pas nommer de juges bilingues aux cours supérieures et à la Cour suprême du Canada. C'est ce qu'on entend dire.
    Votre mission est justement de démontrer que, au contraire, c'est possible. Vous travaillez en vue d'améliorer la situation. Selon la politique actuelle du gouvernement libéral, il faut nommer des juges bilingues à la Cour suprême du Canada. Il y a aussi une politique pour qu'il y ait plus de juges bilingues dans les cours supérieures.
    Bientôt, le bilinguisme des juges des cours supérieures pourra être évalué, mais pour cela, il faut qu'il y ait un test. Vous a-t-on contactés concernant l'élaboration d'un tel test?
    Nous savons que cette question est à l'ordre du jour et qu'il y a des recommandations en ce sens. On ne nous a pas contactés officiellement, mais on nous tient au courant de cette possibilité dans les années à venir.
    La politique existe déjà.
    On ne vous a pas contactés. Alors, qui va évaluer le bilinguisme des juges des cours supérieures et comment seront-ils évalués?
    Vous avez dit être des précurseurs en la matière. À part vous, y a-t-il d'autres personnes qui peuvent évaluer le bilinguisme des juges des cours supérieures et de la Cour suprême du Canada? Y a-t-il des tests pour évaluer cela?
    En 2016, on a modifié le formulaire de demande des juges des cours supérieures, mais c'est encore une autoévaluation.
    C'est une autodéclaration.
    C'est une autodéclaration.
    Oui, c'est cela. Nous sommes en contact avec le bureau de la commissaire aux langues officielles. D'ailleurs, un des premiers à avoir parlé de nous est le commissaire Graham Fraser. Sur ce plan, je pense que des choses pourraient se développer.
    J'espère que Justice Canada et les gens responsables du Fonds d'appui à l'accès à la justice dans les deux langues officielles vous contacteront pour que vous puissiez élaborer des tests à l'intention des juges des cours supérieures et même de la Cour suprême du Canada. Tout le monde a hâte qu'il y ait des juges bilingues à la Cour suprême du Canada.
    Le financement que vous recevez du Fonds d'appui à l'accès à la justice dans les deux langues officielles est-il suffisant pour mener à bien votre mission?
    Je fais la nuance que le programme de formation pour les juges va bien. C'est certain qu'il pourrait être bonifié, ce qui nous aiderait à développer tout l'aspect technologique. Nous souhaitons aussi diversifier nos sources de financement. Nous voulons aller chercher des fonds ailleurs. Il n'y a pas que le Fonds d'appui à l'accès à la justice dans les deux langues officielles.
    Comme Mme Bonnin l'a dit, jusqu'à maintenant, KortoJura était un projet en développement. Maintenant, nous voulons une structure et une administration, et il est certain que cela demandera des fonds supplémentaires. Nous voulons étendre nos activités à toute la communauté juridique, car il n'y a pas que les juges qui sont concernés. Il est certain que KortoJura demandera des fonds supplémentaires à cette fin.
    On vous a approché lorsque le Plan d'action pour les langues officielles a été élaboré, étant donné que l'accès à la justice fait partie de ce plan et que votre mission va totalement dans ce sens.
    Dans le cadre du Plan, quelles recommandations avez-vous faites en matière d'accès à la justice?
(1135)
    Nous faisons partie du Réseau national de formation en justice, ou RNFJ. Je pense que M. Ronald Bisson a témoigné devant votre comité. Par l'entremise du RNFJ, des recommandations qui touchent notamment l'évaluation des compétences langagières ont été faites dans le rapport. À cet égard, nous collaborons étroitement avec ce réseau.
    D'accord.
    Caraquet est très éloigné des Territoires ou de Vancouver, par exemple.
    Oui.
    Or si je comprends bien, vous n'avez pas de difficulté à attirer les juges de ces endroits. Au contraire, ils veulent venir apprendre une langue seconde chez vous.
    Non seulement ils viennent chez nous, mais ils y reviennent. Nous nous disons alors qu'ils nous aiment beaucoup pour traverser le Canada et atterrir au petit aéroport local de Bathurst.
    En fait, tout cela est chapeauté par le Conseil canadien de la magistrature. Les juges en chef peuvent donc inviter des juges de leur cour à suivre la formation à Caraquet. En ce sens, les choses se font un peu en circuit fermé, mais cela nous permet de rejoindre les juges.
    Merci beaucoup, monsieur Choquette.
    Je vais maintenant céder la parole à M. Samson, de la Nouvelle-Écosse.
    Merci, monsieur le président.
    Mesdames et messieurs les témoins, je vous remercie beaucoup d'être parmi nous et d'informer notre comité du travail qui se fait sur le terrain pour appuyer les juges en général.
    C'est un réel plaisir de voir mon amie Denise LeBlanc, avec qui j'ai étudié à l'Université de Moncton. C'est la première fois que nous nous revoyons, je crois.
    Monsieur Roy, monsieur Fortin, madame Bonnin, c'est un plaisir de vous recevoir.
    Mes collègues ont surtout abordé le programme lui-même. Pour ma part, je vais essayer de sortir un peu de ce cadre.
    Notre gouvernement a annoncé que les juges de la Cour suprême devaient être bilingues.
    Qu'avez-vous entendu depuis, sur le terrain?
    Ce programme a-t-il suscité plus d'intérêt?
    N'importe qui peut répondre.
    En ce qui concerne KortoJura, il faut comprendre que c'était un projet, mais que cela va devenir une société indépendante. Nous allons créer des tests. Pour l'instant, nous avons des...
    Je ne veux pas que vous me donniez tous ces détails. Je veux simplement savoir si, depuis que notre gouvernement a annoncé qu'il était à la recherche de juges bilingues pour la Cour suprême, vous avez noté sur le terrain que votre programme suscitait davantage d'intérêt.
    Je ne sais pas si c'est relié à l'annonce du gouvernement, mais chose certaine, il y a de plus en plus d'intérêt pour le travail que nous faisons. C'est ce que nous observons.
    C'est très bien.
    Comme vous le savez probablement, dans le cas de la nomination du juge Rowe à la Cour suprême, il s'agissait d'une autoévaluation. Il y a eu également une évaluation pour la compréhension orale.
    Si l'on devait coter l'évaluation sur une échelle de un à quatre, où le résultat se situerait-il, en général?
    Parlez-vous ici des juges de la Cour suprême?
    Oui.
    Je dirais que le résultat se situe à quatre, étant donné qu'à ce niveau, la personne peut notamment faire des nuances. Or il arrive que l'interprétation nuise aux nuances.
    Votre programme est extrêmement intéressant. Je suis heureux que le Comité puisse en discuter.
    Certaines personnes disent qu'il n'y a pas suffisamment de juges bilingues au Canada pour satisfaire la demande.
    Qu'en pensez-vous?
    Se déclarer soi-même bilingue est une chose, mais traiter de sujets juridiques dans une salle d'audience en est une autre. Plutôt que de parler de capacité bilingue, je parlerais plutôt de capacité langagière. C'est d'ailleurs ce que les tests mesurent.
(1140)
    Quelle est votre opinion personnelle relativement à la disponibilité, au nombre suffisant de juges, au Canada, pour répondre à la demande? Comment ce service d'évaluation peut-il être utile ?
    Je ne peux pas me prononcer sur la disponibilité des juges, mais je dirais que les outils en question vont permettre d'établir le nombre d'entre eux qui possèdent les capacités langagières voulues.
    Quelles seraient vos recommandations au gouvernement en vue d'atteindre davantage ces objectifs? Si vous faisiez partie du gouvernement, comment voudriez-vous qu'il procède?
    Je crois qu'il faut que le gouvernement s'éloigne de la notion d'autoévaluation. L'intérêt, la capacité et la disponibilité de juges aptes à s'occuper de matières juridiques dans les deux langues découleront nécessairement de l'adoption d'un processus d'évaluation officiel, par opposition à celui d'autoévaluation.
    C'est excellent.
    Y a-t-il a d'autres institutions comme la vôtre qui offrent cette formation au Canada? Est-ce le seul programme du genre?
    Il y a toutes sortes de formation linguistique pour les juges des cours supérieures.
    Qu'en est-il de la formation juridique?
    Je ne crois pas que le contenu pédagogique soit le même que le nôtre.
    Étant donné l'importance accordée au bilinguisme à la Cour suprême et dans les cours supérieures, il vous faudra peut-être vous préparer à élargir votre programme et votre offre de service.
    J'ai une dernière question. Quelle promotion supplémentaire pourrait-on faire pour attirer davantage de gens du Canada d'abord?
    Nous avons fait des démarches auprès des divers juges en chef des provinces. Nous les invitons et nous les encourageons à tenir un dialogue avec nous afin de déterminer combien de juges voudraient participer à la formation que nous offrons. Nous faisons la promotion du programme par l'entremise du Conseil canadien de la magistrature. Il y a bien évidemment plusieurs autres façons de le faire. Nous serions très certainement prêts à engager un dialogue avec vous afin de savoir quelle serait la manière la plus efficace de procéder.
    C'est excellent.
    Merci beaucoup.
    Je vous dis bravo pour votre travail continu.
    Merci, monsieur le président, de votre patience.
    Merci, monsieur Samson.
    Nous passons maintenant au député Dan Vandal, du Manitoba.
    Vous avez mentionné que vous offrez une évaluation aux gens qui parlent français. Pouvez-vous également donner de la formation ou est-ce seulement un service d'évaluation?
    Nous offrons aussi l'enseignement en anglais à Saint Andrews.
    D'accord, c'est bien.
    D'ailleurs, nous travaillons avec le Centre canadien de français juridique.
    D'accord.
    Pouvez-vous me donner les chiffres, une fois de plus? Y a-t-il des gens du Manitoba qui y participent?
    Je peux vous les donner, oui.
    C'est bien.
    Si vous receviez davantage de ressources de la part du gouvernement, croyez-vous que la demande de services augmenterait de votre côté?
    Nous sommes actuellement en train de nous interroger de nouveau, puisque le nouveau plan d'action doit commencer avec la prochaine année financière. Je crois qu'il y a un comité, au Conseil canadien de la magistrature, qui s'occupe de formation linguistique. Nous avons fait part à ses membres de certaines réflexions, nous avons demandé ce qu'ils en pensaient, puisque c'est à eux que nous rendons ce service. Alors, oui, c'est une réflexion que nous effectuons actuellement.
    C'est bien.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, je vais poursuivre la conversation.
    Bonjour et bienvenue à tous. Merci d'être avec nous.
    Plus tôt, vous avez parlé d'élargir votre service pour rejoindre d'autres personnes du domaine de la justice. Vous agissez principalement auprès des juges, vous essayez de déterminer s'ils sont de niveau un, deux, trois ou quatre. Vous tenez des séances de simulation avec des avocats et des policiers. D'après votre expertise, quelles autres personnes pourraient profiter de ce service?
(1145)
    Je peux répondre à cela puisque, avant de travailler pour KortoJura, j'avais été embauché au Centre canadien de français juridique. J'avais commencé à bâtir les tests, mais il faudrait les peaufiner. Il y a une échelle de compétences pour les procureurs de la Couronne. Il y en a une aussi pour les greffiers et greffières, et pour les juges. Cela pourrait être élargi pour inclure les policiers. Cela peut se faire dans tous les domaines.
    Au cours de notre étude, nous avons parlé du bilinguisme des juges, de leur niveau de compétence, mais il y a aussi tout ce qui concerne le personnel de soutien. D'après ce que vous ont appris vos simulations — il y avait les greffières, les procureurs de la Couronne et même les policiers —, y a-t-il un besoin sur le terrain?
    Oui, mais je crois qu'on parlait du Centre canadien de français juridique. On y offre déjà de la formation à l'intention des procureurs et à d'autres professionnels. Des collaborations vont pouvoir s'établir avec eux aussi. On peut même envisager des partages de sessions avec des procureurs, des juges, faire des exercices en commun. Cependant, il est certain qu'une certaine clientèle est déjà desservie par le Centre canadien de français juridique.
    Pour ce qui est de KortoJura, oui, je crois que nous avons des visées en ce qui a trait à l'évaluation.
    Mme Bonnin pourrait en parler.
    Je voudrais savoir de quelle manière on détermine le niveau de compétence en langue seconde. Savez-vous si le Centre canadien de français juridique utilise une grille similaire pour déterminer qu'au niveau un, quelqu'un est capable de se débrouiller et, qu'au niveau quatre, une personne est très compétente dans les deux langues?
    À ma connaissance, le Centre ne fait pas nécessairement une évaluation, en tout cas pas comme nous le faisons. Nous avons mis au point des outils qui ont été testés et validés dans le cas des juges. À présent, nous avons une demande de toutes les professions juridiques liées de près ou de loin à la cour, ou qui ont une interaction avec la cour. Nous avons donc la possibilité d'élaborer des tests qui fonctionnent de la même manière que ceux mentionnés par M. Fortin, avec des spécialistes non seulement du domaine langagier, mais du domaine juridique. Nous voulons proposer des tests à ceux qui en ont besoin, et nous savons que la demande est absolument énorme, puisque nous travaillons au développement de ces marchés. Elle se situe au palier provincial, mais au fédéral aussi. Nous savons qu'il y a une énorme demande. Nous sommes prêts à y répondre, puisque nous avons le produit et que nous l'avons testé dans le cas des juges.
    Merci. Je crois que ma collègue aimerait vous poser une question.

[Traduction]

    Il ne fait aucun doute que vous offrez un cours formidable, et nous sommes chanceux que vous proposiez ce programme. Merci beaucoup.
    D'après ce que j'entends, il y a probablement encore du travail à faire pour aider un plus grand nombre de juges à devenir bilingues. Vous avez indiqué qu'une centaine de juges ont suivi le programme. Pourriez-vous me donner une idée du pourcentage de ceux qui atteignent le niveau 4 et du nombre fois qu'ils doivent revenir pour y parvenir?
    Tout dépendrait du...
    Je m'exprime en anglais et je sais que vous allez dire que j'ai un accent qui n'est pas canadien...
    Des voix: Ah, ah!
    J'en ai un moi aussi.
    Une voix: Nous en avons tous un.
    Les juges retournent chez eux après leur semaine de formation. Tout dépend s'ils entendent un procès en langue seconde. Vous savez, il faut mettre ses connaissances en pratique, sinon, on les oublie. Les juges régressent parfois, mais ils reviennent pour suivre une autre session.
    Certains d'entre eux nous indiquent qu'ils peuvent au moins entendre le plaidoyer. Et certains atteignent le niveau 4.
    Environ combien de juges pouvez-vous former? Nous devons le comprendre pour connaître le volume. Combien de juges suivent le programme, combien de temps leur faut-il pour le faire et peuvent-ils le réussir à la première tentative? Cela aura une incidence certaine sur la possibilité que le gouvernement fédéral examine la question — s'il décide d'éliminer l'autoévaluation — et la rapidité à laquelle il pourrait intervenir.
    L'absence de séance de formation ou d'éducation entre les sessions de formation ou de tutorat plus longues constitue un des obstacles. Quand vient le temps de fonctionner dans une langue seconde, particulièrement dans un contexte juridique, vous comprendrez qu'il est difficile de réaliser des progrès si l'on n'assiste qu'à deux séances de formation officielle par année et que l'on n'a pas nécessairement l'occasion d'utiliser ses compétences dans l'intervalle.
    C'est un des aspects auquel nous réfléchissons lorsque nous envisageons ce qu'il se passera au cours des cinq prochaines années, car cela a une incidence sur le temps dont une personne aura besoin pour atteindre le niveau 4.
(1150)

[Français]

    Merci, madame Alleslev.
    Monsieur Généreux, vous disposez de trois minutes.
    Je vous remercie tous d'être ici. Je ne vais rien vous demander en échange, mais je vous ai trouvé deux nouveaux clients!
    Dans un autre ordre d'idées, ce que vous avez fait pour les juges pourrait être utilisé dans d'autres domaines, comme vous l'avez dit, monsieur Fortin. Nous avons rencontré des infirmières avant-hier et nous aimerions bien qu'il y ait un examen canadien afin que les infirmières au Canada soient reconnues et passent leur examen en français.
    Par ailleurs, cela pourrait être utilisé pour les nouveaux immigrants au Canada, qui sont obligés de passer des tests en français. Or, malgré le fait que ces gens parlent français, ils ne réussissent pas le test. Je ne sais pas quel est le problème, au Canada. On n'est pas en mesure d'avoir des tests pour montrer que les gens sont véritablement capables de comprendre notre culture ou notre histoire.
    En ce qui a trait à la question des juges bilingues, on ne peut pas être contre la vertu, comme je l'ai dit à plusieurs reprises, mais le gouvernement fait une nette distinction entre un juge bilingue et un juge bilingue fonctionnel. On a entendu cela à plusieurs reprises.
    Selon votre grille d'évaluation qui comprend quatre niveaux, quel niveau faut-il atteindre pour être reconnu comme un juge bilingue fonctionnel? Je considère que le fait que le gouvernement veuille enchâsser dans une loi l'obligation pour les juges de la Cour suprême d'être bilingues peut poser problème. Selon vos tests, quel niveau les juges devront-ils atteindre pour pouvoir dire qu'ils sont véritablement bilingues et ainsi pouvoir être nommés à la Cour suprême?
    Je connais des gens qui sont parfaitement bilingues. Je considère, par exemple, que Thomas Mulcair est bilingue. Il s'exprime dans les deux langues de façon parfaite, selon moi. Évidemment, il n'est pas juge, il est avocat. S'il voulait devenir juge et passer votre test, j'imagine qu'il devrait inévitablement obtenir le niveau 4. Y a-t-il un niveau 5 pour devenir juge à la Cour suprême? Quand on a atteint le niveau 4, y a-t-on accès?
    J'ai l'impression qu'il faudrait obtenir le niveau 4.
    Vous pensez qu'il faudrait atteindre le niveau 4.
    Oui, car le niveau 4 s'applique à quelqu'un qui est capable de fonctionner dans un milieu francophone ou anglophone.
    Il serait donc considéré comme étant parfaitement bilingue, selon vous.
    Oui.
    Il serait donc plus que bilingue fonctionnel. Selon moi, cette notion de « bilingue fonctionnel » pose problème. Ainsi, je ne considère pas bilingue quelqu'un qui entend une cause, qui comprend la cause, mais qui n'est pas capable de s'exprimer dans la langue dont il a, semble-t-il, compris le contenu. Il doit être en mesure de communiquer, d'échanger et de comprendre tout en français ou tout en anglais, c'est-à-dire dans les deux langues officielles.
    Cela dépend du sens qu'on attribue au mot « fonctionnel ». J'abonderais dans le même sens que vous si l'expression « bilingue fonctionnel » s'appliquait à quelqu'un qui est parfaitement capable de fonctionner dans une langue et dans l'autre, dans une salle de cour.
    Il n'y a pas de définition. Pour ma part, je n'en ai jamais vu jusqu'à présent. Je n'ai jamais vu de définition de ce qu'est un juge bilingue et du niveau requis pour déterminer s'il l'est ou s'il ne l'est pas.
    Encore une fois, on ne peut pas être contre la vertu. En même temps, si on enchâsse cela dans une loi, peut-être qu'il n'y aura pas assez de juges bilingues dans certaines provinces anglophones. Si on est obligé de déterminer une seconde catégorie, qui désigne quelqu'un qui n'est pas parfaitement bilingue, qui est donc bilingue fonctionnel, est-ce parce qu'on pense qu'il n'y aura jamais assez de personnes bilingues dans certaines provinces canadiennes pour pouvoir nommer des juges à la Cour suprême? Je me pose la question.
    Je vais vous expliquer comment nous avons préparé le test, car cela pourrait répondre à votre question. Nous ne nous sommes pas assis en improvisant ce que nous allions écrire. Ce sont les juges eux-mêmes qui nous ont dit que pour faire telle chose en particulier, ils devaient être parfaitement bilingues, tandis que pour certaines comparutions...
    Oui, je comprends cela.
    Dans le cas des juges de la Cour suprême, il faudrait déterminer avec eux ce qu'il faut pour fonctionner à la Cour suprême.
    Merci beaucoup.
    J'aimerais conclure rapidement, monsieur le président, si vous me le permettez.
    Madame la juge LeBlanc, vous avez dit, un peu plus tôt, qu'on devrait parler de compétences langagières au lieu de parler de bilinguisme. Vous faites une différence entre les deux. Pouvez-vous nous expliquer rapidement quelle est cette différence?
(1155)
    Selon moi, il est facile de se dire bilingue. Un juge peut se considérer bilingue s'il va magasiner au centre Rideau et qu'il se fait comprendre par la caissière ou qui que ce soit d'autre. Il peut se considérer bilingue.
    Cependant, je fais une distinction s'il est dans une salle d'audience et que sa capacité langagière n'est pas suffisante pour pouvoir communiquer dans les deux langues officielles avec le justiciable, par exemple, ou s'il entend la preuve lors d'une enquête sur le cautionnement et qu'il ne maîtrise pas assez la langue pour rendre une décision en très peu de temps avec des raisons logiques et cohérentes. Je parle alors de capacités langagières dans l'une ou l'autre des langues.
    Merci.
    Merci beaucoup, madame la juge.
    Au nom des membres du Comité, je remercie et félicite les quatre témoins, qui ont accompli un travail tout à fait exceptionnel. C'était une très belle présentation.
    Nous allons suspendre la séance pendant quelques minutes. Pendant ce temps, nous pourrons échanger quelques propos avec M. Yvon Godin, si ce dernier veut bien s'approcher.
(1155)

(1205)
    Nous reprenons l'étude sur la mise en oeuvre intégrale de la Loi sur les langues officielles dans le système de justice canadien.
    Cela nous fait plaisir de recevoir M. Benoît Pelletier, qui enseigne à la Faculté de droit de l'Université d'Ottawa et qui est ancien ministre.
    Monsieur Pelletier, bienvenue.
    Vous disposez d'environ 10 minutes pour faire votre présentation. Ensuite, nous passerons aux tours de questions et commentaires de mes collègues.
    Nous vous écoutons.
    Monsieur le président, d'abord, merci de m'inviter à me joindre à vous pour discuter du bilinguisme des juges de la Cour suprême du Canada sous un angle juridique, mais peut-être aussi sous un angle politique, si vous le souhaitez.

[Traduction]

    Je répondrai avec plaisir à vos questions dans la langue officielle de votre choix, même si je m'exprimerai principalement en français. J'ai rédigé un résumé de mon exposé, qui vous a été envoyé. Je voudrais remercier la greffière du Comité de nous avoir demandé de préparer ce résumé pour que vous ayez mon exposé dans les deux langues officielles. Les anglophones peuvent suivre cet exposé en lisant la version anglaise.

[Français]

    L'article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867 est l'article par lequel le Parlement a édicté la Loi sur la Cour suprême. La Loi sur la Cour suprême est une loi fédérale, dont les dispositions sont en partie enchâssées dans la Constitution du Canada, c'est-à-dire intégrées dans celle-ci. Cela ressort essentiellement du Renvoi relatif à la Loi sur la Cour suprême, une décision importante qui a été rendue par la Cour en 2014 et dont j'aurai l'occasion de parler plus en détail tout à l'heure, pendant la période de questions.
    La Loi constitutionnelle de 1982 prévoit que les modifications constitutionnelles relatives à la composition de la Cour suprême sont assujetties à l'alinéa 41d) de la loi de 1982 — l'article 41 traitant du consentement unanime. Quant aux autres modifications constitutionnelles touchant à la Cour suprême du Canada, elles sont soumises à l'alinéa 42(1)d) de cette loi — la formule 7-50.
    La question qui se pose toutefois est de savoir quand on est en présence d'une modification purement constitutionnelle et quand on ne l'est pas. Quand on est en présence d'une modification de nature constitutionnelle, on doit appliquer les alinéas 41d) et 42(1)d). Lorsqu'on ne l'est pas, la modification peut être effectuée par le Parlement lui-même.
    Le Renvoi relatif à la Loi sur la Cour suprême nous dit que les caractéristiques essentielles de la Cour suprême sont protégées par la partie V de la loi de 1982. Ces caractéristiques essentielles touchent à la pérennité de la Cour, au bon fonctionnement de la Cour et à la place que la Cour occupe dans les ordres juridique et constitutionnel du Canada.
    Plus particulièrement, l'alinéa 41d) de la loi de 1982 porte sur le paragraphe 4(1) et les articles 5 et 6 de la Loi sur la Cour suprême. Ces articles codifient la composition de la Cour et les conditions de nomination de ses juges telles qu'elles existaient en 1982. En d'autres mots, la composition de la Cour et les conditions de nomination des juges, telles qu'elles ont été codifiées par le paragraphe 4(1) et les articles 5 et 6 de la Loi sur la Cour suprême et telles qu'elles existaient en 1982, sont couvertes par l'alinéa 41d) de la loi de 1982.
    Le paragraphe 4(1) et les articles 5 et 6 en question couvrent aussi la pérennité de la Cour — puisque son abolition en éliminerait complètement la composition —, le fonctionnement et la légitimité de la Cour dans sa fonction de cour générale d'appel pour le Canada, la compétence et l'intégrité de la Cour, de même que la représentation spéciale du Québec à la Cour. Quant à l'alinéa 42(1)d) de la loi de 1982, il porte sur les autres caractéristiques essentielles de la Cour, mais non pas sur toutes les dispositions de la Loi sur la Cour suprême.
    Les caractéristiques essentielles de la Cour doivent être définies à la lumière de son rôle dans la structure constitutionnelle canadienne, tel qu'il a évolué jusqu'au rapatriement. Cela inclut la compétence de la Cour en tant que cour générale de dernier ressort pour le Canada, notamment en matière d'interprétation de la Constitution et son indépendance.
    L'alinéa 42(1)d) de la loi de 1982, lequel porte sur la Cour suprême, inclut également le bon fonctionnement de la Cour.
    La Loi sur les langues officielles est une loi fédérale, dont certaines dispositions ont un caractère quasi constitutionnel, tel que prévu à l'article 82 de cette loi. C'est le cas des dispositions de sa partie III, intitulée « Administration de la justice ». Toutefois, les dispositions de la Loi sur les langues officielles peuvent être amendées unilatéralement par le Parlement, à condition, entre autres, qu'elles ne touchent pas à une caractéristique essentielle de la Cour suprême du Canada.
(1210)
    L'article 16 de la Loi sur les langues officielles prévoit que les tribunaux fédéraux, autres que la Cour suprême, doivent veiller à ce que celui qui entend l'affaire comprenne l'anglais lorsque les parties ont opté pour que l'affaire ait lieu en anglais, le français lorsque les parties ont opté pour que l'affaire ait lieu en français, et le français et l'anglais lorsque les parties ont opté pour que l'affaire ait lieu dans les deux langues.
    Nous sommes d'avis que l'imposition du bilinguisme comme critère de sélection des juges de la Cour suprême du Canada ne toucherait pas aux caractéristiques essentielles de cette cour. En effet, une telle exigence ne toucherait pas aux aspects suivants: la pérennité de la Cour; le bon fonctionnement de la Cour; la place que la Cour occupe dans les ordres juridique et constitutionnel du Canada; la composition de la Cour telle qu'elle a été codifiée par le paragraphe 4(1) et les articles 5 et 6 de la Loi sur la Cour suprême et telle qu'elle existait en 1982; les conditions de nomination des juges de la Cour telles qu'elles ont été codifiées par le paragraphe 4(1) et les articles 5 et 6 de la Loi sur la Cour suprême et telles qu'elles existaient en 1982; la légitimité de la Cour; la compétence de la Cour; l'intégrité de la Cour; le rôle de la Cour dans la structure constitutionnelle tel qu'il a évolué jusqu'au rapatriement; enfin, la compétence de la Cour en tant que cour générale de dernier ressort pour le Canada, notamment en matière d'interprétation de la Constitution et son indépendance.
    En conclusion, nous sommes d'avis que le bilinguisme des juges de la Cour suprême peut être imposé unilatéralement par le Parlement, que ce soit au moyen d'un amendement à la Loi sur les langues officielles ou autrement.
    Merci beaucoup de votre présentation, maître Pelletier.
    Nous allons commencer le premier tour de questions et commentaires avec M. Généreux.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Pelletier, bienvenue.
    De toute évidence, vous êtes favorable à l'adoption du projet de loi C-203. Selon vous, devrait-on modifier ce projet de loi pour indiquer que les juges doivent être bilingues fonctionnels ou maintenir son libellé actuel? Le gouvernement fait la distinction entre un juge bilingue et un juge bilingue fonctionnel, puisqu'il a commencé à nommer des juges qui se considèrent eux-mêmes comme bilingues fonctionnels. Les témoins que nous avons entendus avant vous, notamment Mme la juge LeBlanc, ont parlé de compétences langagières plutôt que de bilinguisme.
    On ne peut pas être contre la vertu, mais pour ma part, je fais une différence entre quelqu'un qui est bilingue fonctionnel et quelqu'un qui est véritablement bilingue.
    Est-ce que vous, vous faites cette différence?
    D'abord, je dois dire que je suis favorable à ce que le bilinguisme soit imposé comme condition de nomination des juges de la Cour suprême, mais au-delà de cela, je suis d'avis qu'on peut le faire constitutionnellement.
    Voulez-vous dire qu'on peut imposer cette condition sans que ce soit enchâssé dans une loi?
    Non. On peut le faire dans une loi sans que ce soit enchâssé dans la Constitution du Canada.
    D'accord.
    Je me suis fondé sur le Renvoi relatif à la Loi sur la Cour suprême, donc sur la décision rendue en 2014 par la Cour suprême du Canada.
    Dans cette décision, la Cour suprême dit essentiellement que les caractéristiques essentielles de la Cour suprême sont visées par des procédures complexes de modification constitutionnelle, qu'il s'agisse, dans le cas de la composition de la Cour, de la règle de l'unanimité, ou, dans les autres cas, de la formule 7-50.
    Il faut déterminer si, en rendant le bilinguisme obligatoire chez les juges de la Cour suprême, on modifierait ou affecterait une caractéristique essentielle de la Cour. Après avoir fait une analyse exhaustive du Renvoi relatif à la Loi sur la Cour suprême, j'en ai conclu que la réponse était non. La Cour donne suffisamment d'indications sur les caractéristiques essentielles de la Cour pour que je puisse en venir à cette conclusion. C'est d'ailleurs ce raisonnement que j'élabore dans le sommaire que je vous ai remis.
    Essentiellement, les caractéristiques de la Cour ont trait à sa pérennité, donc à son existence même. Pour ce qui est de savoir si le bilinguisme des juges de la Cour suprême mettrait en danger l'existence même de la Cour, la réponse est non. Les caractéristiques essentielles touchent le bon fonctionnement de la Cour. Quant à savoir si le fait d'exiger le bilinguisme chez les juges de la Cour suprême compromettrait le bon fonctionnement de la Cour, la réponse est non.
    L'autre critère essentiel est la place que la Cour occupe dans l'ordre constitutionnel et légal canadien. Pour ce qui est de savoir si le fait d'imposer le bilinguisme aux juges de la Cour suprême affecterait le rôle de cette dernière en tant que tribunal d'appel de dernier ressort au Canada, la réponse est non, encore une fois.
    En me basant sur ce renvoi, j'en conclus que le bilinguisme peut être imposé sans qu'il faille procéder à une modification constitutionnelle formelle.
(1215)
    Dans ce cas, peut-on s'attendre à ce qu'il soit possible de conserver la représentativité de l'ensemble des régions canadiennes et de piger dans une banque de candidats suffisamment bilingues pour siéger à la Cour suprême, et ce, pour toutes les provinces canadiennes?
    S'il le faut, on peut prévoir une période transitoire pour permettre aux juristes de s'adapter et, dans certains cas — disons-le simplement —, de suivre des cours de français.
    Cela dit, si le premier ministre et le gouvernement du Canada annoncent très clairement que les juges de la Cour suprême du Canada devront désormais être bilingues et que cela sera prévu par un amendement à une loi, les juristes vont entendre et comprendre le message. À mon amis, ils sont suffisamment qualifiés, bien formés et intelligents pour s'adapter à la nouvelle règle, voire pour le faire assez rapidement.
    Ce sera le cas des personnes qui aspirent à être nommées à la Cour suprême.
    Ces personnes vont en effet prendre les moyens — dans le bons sens du terme, évidemment — pour y arriver et, pour ce faire, accumuler les qualifications nécessaires. Si le bilinguisme en est une, ces personnes comprendront la nécessité de devenir bilingue et de se faire une raison à ce sujet.
    Merci, monsieur Généreux.
    Madame Lapointe, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Bienvenue, monsieur Pelletier. C'est un réel plaisir de vous recevoir aujourd'hui. Nous avons déjà eu l'occasion de siéger ensemble à l'Assemblée nationale.
    Selon certains, l'imposition du bilinguisme aux juges de la Cour suprême serait impossible, inconstitutionnelle. Or vous avez fait valoir vos arguments à ce sujet.
    Disposez-vous d'arguments supplémentaires pour convaincre les personnes opposées à cette imposition?
    Je vais d'abord vous parler de l'aspect légal, puis du point de vue politique.
    C'était ma deuxième question.
    Sur le plan légal, je suis convaincu, à 100 %, qu'il est possible d'imposer le bilinguisme aux juges de la Cour suprême du Canada sans procéder à une modification constitutionnelle formelle. Ceux qui prétendent le contraire font preuve d'une prudence extrême ou cherchent un prétexte. À mes yeux, le Renvoi relatif à la Loi sur la Cour suprême est suffisamment clair, je le répète, pour qu'on puisse en dégager l'idée voulant que le bilinguisme puisse être imposé aux juges sans une modification constitutionnelle complexe.
    Cela peut être fait par un amendement à la Loi sur la Cour suprême, par un amendement à la Loi sur les langues officielles ou par l'adoption d'une nouvelle loi qui traiterait de cette condition de nomination.
    Sur le plan politique, souvent, ceux qui s'opposent à la nomination de juges bilingues à la Cour suprême considèrent que ce serait injuste pour les juristes anglophones. Cependant, je vous dirai que la plus grande injustice est vécue par les justiciables eux-mêmes, qui se rendent à la Cour supérieure du Québec et à la Cour d'appel du Québec dans leur langue et qui sont confrontés à un dilemme lorsqu'ils font appel à la Cour suprême du Canada. Le dilemme est de savoir si la personne va s'exprimer en français, et ainsi courir le risque qu'un juge ne comprenne pas les subtilités de l'argumentation, ou si elle passera plutôt à l'anglais.
    Les justiciables sont les premières victimes, à mon avis.
(1220)
    Vous parlez de l'injustice envers ceux qui s'expriment en anglais, mais je pense qu'il y a aussi une injustice envers les francophones.
    Il y a une injustice envers les francophones qui, eux, dans bien des cas, sont exposés à la langue anglaise et entendent des causes en français et en anglais. Je pense à certains juges bilingues qui entendent des causes dans les deux langues.
    Par contre, la plus grande injustice est vécue par les justiciables, à mon avis. Cet argument a déjà été soulevé — je ne suis pas le premier à le faire — et mériterait d'être répété à satiété à mon avis.
    Merci beaucoup.
    Nous avons parlé plus tôt des juges. Si nous imposions le bilinguisme par un amendement à la Loi sur les langues officielles ou par une nouvelle loi, selon vous, en combien de temps les juges déjà en poste pourraient-ils devenir bilingues?
    Je pense que s'ils font preuve de beaucoup de détermination, en l'espace de quelques mois, ils peuvent arriver à avoir une connaissance tout à fait suffisante du français pour comprendre la cause.
    Un peu plus tôt, des représentants de KortoJura ont dit qu'ils faisaient des simulations. Je sais que si on ne pratique pas la deuxième langue officielle, on perd très facilement les mots précis. En ce qui concerne les juges qui aspirent à la Cour suprême et qui ne comprennent qu'une langue, comment pourrait-on faire pour qu'ils réussissent à acquérir une connaissance de la deuxième langue pour devenir juge à la Cour suprême?
    Tout d'abord, c'est souvent une question d'initiative personnelle. Une personne qui veut vraiment accéder à cette fonction cherchera à apprendre le français. Elle s'intéressera peut-être même davantage au droit civil, tant qu'à y être, parce qu'on parle beaucoup du bilinguisme, mais on pourrait aussi parler du bijuridisme. Limitons-nous au bilinguisme pour le moment.
    Cela doit surtout débuter par une démarche individuelle. Les facultés de droit peuvent aussi rendre accessible aux étudiants des cours de français. Cependant, on ne peut pas isoler un bassin de candidats potentiels sans que ces gens ne rendent publique leur ambition. Je pense que cela demeurera essentiellement des initiatives personnelles, mais appuyées, je l'espère, par les facultés de droit.
(1225)
    Merci beaucoup, madame Lapointe.
    Merci beaucoup.
    Nous allons continuer avec M. Choquette.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Pelletier, d'être ici aujourd'hui.
    Comme M. Yvon Godin l'a expliqué plus tôt, les libéraux ont appuyé à l'époque le projet de loi sur la nomination des juges bilingues à la Cour suprême. Or l'arrêt Nadon, dont vous avez parlé et qui a été rendu en 2014, si ma mémoire est bonne, a changé un peu l'argumentaire de mes collègues. Cette fois, ils disent qu'un changement à la Loi sur la Cour suprême pourrait nécessiter un changement constitutionnel.
    Il y a quelques semaines ou quelques mois, nous avons reçu un autre expert, M. Sébastien Grammond. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion d'écouter ou de lire son témoignage, ou si vous connaissez un peu son opinion. Il nous a expliqué à peu près la même chose que vous, soit qu'il faut faire une différence entre les critères essentiels et les critères non essentiels à la nomination des juges. À votre connaissance, sur quoi s'appuient les personnes qui sont d'avis qu'un tel changement serait non constitutionnel?
    C'est effectivement sur le Renvoi relatif à la Loi sur la Cour suprême, l'affaire Nadon. Je répète que, dans cette décision, la Cour suprême a dit que les caractéristiques essentielles de la Cour étaient soumises à une procédure complexe de modification constitutionnelle.
    La question est de savoir quelles sont les caractéristiques essentielles de la Cour. C'est pourquoi dans le sommaire de ma présentation j'ai énuméré une série de caractéristiques essentielles de la Cour.
    Cela est très bien décrit, d'ailleurs. Merci beaucoup de ce travail.
    Merci.
    Je ne crois pas, et j'en suis même convaincu, que la nomination de juges bilingues à la Cour suprême du Canada affecte l'une de ses caractéristiques essentielles.
    Dans la mesure où une caractéristique essentielle n'est pas affectée, le Parlement peut apporter un amendement à la Loi sur la Cour suprême. Je répète: dans la mesure où une caractéristique essentielle n'est pas affectée.
    Dans le cas qui nous occupe, le bilinguisme pourrait être imposé par un amendement à la Loi sur la Cour suprême. Si le gouvernement du Canada a des craintes que ce soit illégal, il peut toujours soumettre un renvoi auprès de la Cour suprême pour lui poser carrément la question. Cependant, cela peut également être fait par un amendement à la loi concernant les langues officielles, auquel cas, l'article 16 de cette loi s'appliquerait aux juges de la Cour suprême, tout autant qu'aux autres juges des tribunaux fédéraux. Cela peut également être fait par l'adoption d'une nouvelle loi, quoique c'est un scénario qui me semble moins probable, mais néanmoins théoriquement possible. Cela serait donc fait par l'adoption d'une nouvelle disposition législative qui prévoirait la nomination de juges bilingues à la Cour suprême du Canada.
    La question est de savoir ce que nous entendons par juges « bilingues ».
    Nous pourrons le déterminer. Nous avons la chance d'avoir KortoJura, entre autres, qui peut faire des évaluations.
    Voilà.
    Vous avez raison, il faut absolument évaluer les juges de la Cour suprême, ainsi que ceux des cours supérieures, qui s'autoévaluent. Je suis de ceux qui sont d'avis qu'il devrait y avoir une évaluation de compétence linguistique. Les juges nommés à la Cour suprême devraient également subir une évaluation.
    M. Grammond, qui est un expert, a mentionné la même chose que vous. Vous êtes deux experts à affirmer être persuadés que ce n'est pas une condition essentielle et que, par conséquent, nous pouvons modifier les conditions, peu importe par quel processus de loi.
    C'est important, parce que, jusqu'à maintenant, nous n'avons entendu aucun constitutionnaliste ou expert en mesure de nous dire pourquoi ce serait anticonstitutionnel. Tout le monde nous rappelle l'arrêt Nadon, mais dans l'arrêt Nadon, il n'est jamais dit qu'une condition de compétence linguistique serait anticonstitutionnelle. Vous avez bien mentionné pourquoi cela est le cas, ce qui est vraiment apprécié.
    Ce que je pourrais ajouter en ce qui concerne les juges à la Cour suprême est relatif au projet de loi. Comme vous l'avez mentionné, il y a plus d'une façon de procéder.
    La conclusion de votre présentation est vraiment pertinente et je vais la relire: « En conclusion, nous sommes d'avis que le bilinguisme des juges de la Cour suprême peut être imposé unilatéralement par le Parlement, et ce, que ce soit au moyen d'un amendement à la Loi concernant les langues officielles ou autrement. » C'est clair.
    Vous ne voyez pas quel argument certaines personnes pourraient avancer pour affirmer que la loi serait anticonstitutionnelle. À votre connaissance, il n'y a pas d'arguments qui viennent soutenir cela.
(1230)
    Non, mais je vais apporter une nuance importante.
    Dans le Renvoi relatif à la Loi sur la Cour suprême, il est dit que la composition de la Cour fait partie des caractéristiques essentielles, tout comme les conditions de nomination. La Cour précise que ce sont les conditions de nomination telles qu'elles ont été codifiées par le paragraphe 4(1) et les articles 5 et 6 de la Loi sur la Cour suprême. C'est là qu'il peut y avoir une ambiguïté, laquelle amène certaines personnes ayant un réflexe d'extrême prudence à dire qu'on toucherait aux caractéristiques essentielles de la Cour.
    Dans ce paragraphe, il n'y a pas de critère par rapport...
    Non. Au paragraphe 4(1) et aux articles 5 et 6 de la Loi sur la Cour suprême, il n'est pas question du bilinguisme des juges ou des différents critères de qualification, mais bien de la composition de la Cour. On y indique qu'elle est composée de neuf juges et que trois d'entre eux doivent provenir du Québec. Il y est question des conditions de nomination en général.
    Vous en concluez donc que ce n'est pas inconstitutionnel.
    Voilà.
    Merci beaucoup, monsieur Choquette.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Arseneault, c'est votre tour.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Pelletier, je vais continuer sur la lancée de M. Choquette, mais avant, je veux vous remercier de nous faire profiter de vos connaissances, du fruit de vos recherches et de votre compréhension de tout ce qui entoure l'affaire Nadon.
    Je reviens à la Loi constitutionnelle de 1982, mais je ne veux pas vous faire redire dans d'autres mots ce que vous venez de nous dire.
    L'alinéa 41d) semble soulever un peu l'inquiétude de certains juristes extrêmement prudents et presque chastes. À cet alinéa, on emploie les mots « la composition de la Cour suprême ».
    Quelqu'un a-t-il donné une définition du mot « composition » tel qu'il apparaît à l'alinéa 41d) de la Loi constitutionnelle de 1982?
    Oui, la Cour suprême nous donne une définition.
    Est-ce dans l'arrêt Nadon?
    Oui. La Cour y précise que ce sont les conditions de nomination et la composition de la Cour telles que codifiées par le paragraphe 4(1) et les articles 5 et 6 de la Loi sur la Cour suprême.
    Exactement. C'est ce dont parlait mon collègue M. Choquette.
    Selon ce que vous nous dites aujourd'hui, tant qu'on ne touche pas à la composition telle qu'elle est expliquée dans l'arrêt Nadon et telle qu'elle apparaît au paragraphe 4(1) et aux articles 5 et 6 de la Loi sur la Cour suprême du Canada, on n'a pas besoin de faire de modification constitutionnelle pour énoncer une obligation de bilinguisme des juges de la Cour suprême du Canada ou de n'importe quelle cour supérieure.
    C'est cela.
    Au paragraphe 4(1) et aux articles 5 et 6 de la Loi sur la Cour suprême, la signification du mot « composition » est claire. On n'y parle pas de parité hommes-femmes ou de français-anglais. Quant à moi, on devrait exiger qu'il y ait le plus rapidement possible une parité hommes-femmes dans nos tribunaux.
    Là, il est question de bilinguisme.
    Oui, mais on pourrait invoquer le même argument.
    Bref, voici ce à quoi je veux en venir. D'entrée de jeu, vous avez dit qu'un amendement à la Loi sur les langues officielles ou à une autre loi est le moyen que vous privilégieriez. C'est la première loi que vous modifieriez. Pour vous, est-ce la voie la plus facile et la plus simple?
    Oui, c'est la voie la plus facile et probablement celle...
(1235)
    C'est la moins agressive.
    Oui. C'est celle qui soulèverait le moins de débats juridiques parce qu'on ne toucherait pas à la Loi sur la Cour suprême, bien qu'on pourrait le faire — je le répète —, puisqu'on ne toucherait pas à une caractéristique essentielle de la Cour suprême.
    Si l'on devait modifier la Loi sur les langues officielles, on supprimerait l'exclusion concernant la Cour suprême au paragraphe 16(1) de cette loi.
    Oui, voilà.
    Voici le paragraphe 16(1) de la Loi sur les langues officielles:
Il incombe aux tribunaux fédéraux autres que la Cour suprême du Canada de veiller à ce que celui qui entend l'affaire:

a) comprenne l'anglais [...]

b) comprenne le français [...]
    Donc, on supprimerait les mots « autres que la Cour suprême du Canada ».
    Oui.
    Selon vous, c'est la voie la plus facile et la moins agressive. Elle ne va pas chatouiller les gens qui prétendent qu'il faut modifier la Constitution. C'est ce que je comprends.
    Oui, mais je n'hésiterais pas à les chatouiller en suggérant une modification à la Loi sur la Cour suprême directement. Si on voulait être très clair et dire que les juges doivent non seulement comprendre le français, mais également s'exprimer en français, il faudrait peut-être passer par d'autres voies que celle de l'article 16 qui comporte sa part d'ambiguïtés.
    À l'article 16, il est écrit que les juges doivent être en mesure de comprendre une langue et non que les juges doivent être en mesure de s'exprimer dans une langue. Si on veut vraiment être clair, on pourrait opter pour insérer une définition nouvelle dans la Loi sur la Cour suprême, qui mentionnerait que les juges doivent être en mesure de s'exprimer en anglais et en français pour être nommés à la Cour suprême du Canada.
    Cela nous amène à la question du niveau linguistique. C'est une question que vous avez débattue ce matin, d'après ce que je comprends. Je suis moins qualifié à cet égard.
    C'est bien.
    Excusez-moi, mais je n'ai ni reçu ni lu le document que vous avez fourni. Je ne l'ai pas sous la main. Avez-vous proposé une modification à l'article 16?
    Oui. Je parle, à la fin, d'une modification à la Loi sur les langues officielles, ou autre. Quand je parlais d'une modification à la Loi sur les langues officielles, j'avais l'article 16 en tête, en effet.
    Vous n'avez pas proposé dans un paragraphe ou dans un texte ce à quoi cela devrait ressembler.
    Non, parce que cela demande une appréciation des compétences linguistiques qui m'échappe.
    Il s'agit donc de deux choses. Si nous devions modifier le paragraphe 16(1), il faudrait enlever l'exclusion de la Cour suprême et inscrire, aux sous-alinéas qui suivent, qu'il faut que le juge puisse s'exprimer dans les deux langues en plus de les comprendre.
    Si on voulait le faire, il faudrait une disposition spéciale relative à la Cour suprême du Canada ou une disposition applicable à tous les tribunaux fédéraux. C'est une mécanique qui me semble néanmoins un peu plus complexe. Ce que vous suggérez — ajouter à l'article 16 quelque chose de particulier pour la Cour suprême — est quand même un peu plus complexe sur le plan de la rédaction juridique.
    Merci beaucoup, monsieur Arseneault.
    M. Vandal va partager son temps de parole avec M. Samson.
    Monsieur Vandal, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup, monsieur Pelletier, de votre présentation.
    Je viens de Saint-Boniface au Manitoba, la capitale autochtone des Premières Nations et des Métis du Canada. Je travaille beaucoup avec la Manitoba Metis Federation, et les chefs du Manitoba me disent que si les candidats pour la Cour suprême doivent être bilingues, il n'y aura jamais de juge inuit ou métis.
    Avez-vous une opinion à cet égard?
    Si c'est le cas, ce sera aussi le cas avec les directives émises en ce moment par le premier ministre du Canada. Par des voies non législatives et non constitutionnelles, il indique que les juges à la Cour suprême doivent être nommés s'ils ont un niveau de bilinguisme effectif. Si c'est le cas, les Autochtones seront pénalisés.
    J'ai vu l'intervention que les Autochtones ont faite, en particulier, le chef de l'Assemblée des Premières Nations. Je vous dirai que je n'ai pas de solution dans leur cas.
    Il faut se rappeler que le bilinguisme officiel fait partie de la Constitution du Canada et qu'il est tout à fait normal que les juges de la Cour suprême devraient être à l'aise dans les deux langues, mais je n'ai pas de solution pour leur cas en particulier.
    Je sais que le sénateur Murray Sinclair et que le chef national Perry Bellegarde ont prévenu le gouvernement du risque que les Autochtones soient lésés par une mesure qui imposerait le bilinguisme.
    Honnêtement, je n'ai pas de solution particulière à suggérer à cet égard.
(1240)
    Monsieur Samson, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Pelletier, je veux d'abord vous dire que c'est un plaisir de vous revoir. J'ai entendu un discours que vous donniez il y a une dizaine d'années à la Fédération nationale des conseils scolaires francophones Le discours, qui portait sur les façons d'appuyer la relation entre le Québec et les milieux minoritaires, avait été fort apprécié. Je veux encore une fois souligner votre leadership et vous remercier.
    La situation entourant les juges de la Cour suprême touche les deux peuples fondateurs. En effet, les trois juges du Québec doivent pouvoir parler les deux langues. C'est également le cas pour les six autres juges. C'est donc dire que le terrain de jeu est le même.
    Je veux également féliciter le juge Rowe. Si mes informations sont exactes, ses compétences en français n'étaient pas très poussées il y a deux ou trois ans. Or il a vraiment concentré son énergie sur l'apprentissage et la maîtrise de la langue, et il a réussi. C'est là un exemple concret. Je vais maintenant passer à ma question.
    Si vous étiez premier ministre, quelle option choisiriez-vous et pourquoi?
    Je choisirais la modification à la Loi sur les langues officielles. C'est ce qui me semble le plus aisé et le plus évident dans les circonstances. La Cour suprême elle-même rend des décisions dans le cadre desquelles elle reconnaît que le bilinguisme est une valeur fondamentale de la société canadienne et soutient qu'on doit tendre vers l'égalité des deux langues, et ce, non seulement en théorie mais en pratique également.
    Or si on doit, dans les faits, tendre vers l'égalité des deux langues officielles, imaginez que le bilinguisme ne soit pas exigé d'une personne qui veut être nommée à la Cour suprême du Canada. Il me semble que cela contredirait la propre jurisprudence de la Cour suprême.
    Votre choix serait donc de modifier la Loi sur les langues officielles.
    Oui.
    Cela pourrait engendrer d'autres modifications à la Loi.
    Oui.
    Est-ce qu'il me reste un peu de temps?
    J'aimerais laisser ma collègue poser une question.
    Il vous reste une minute.

[Traduction]

    Alors que nous sommes à la recherche d'un compromis au Canada, que pensez-vous d'une Cour suprême où tous les juges ne seraient pas bilingues? Quelle incidence cela pourrait-il avoir sur la modification éventuelle de la Loi sur les langues officielles? Dans le cas présent, faudrait-il envisager de modifier la Loi sur la Cour suprême? Faut-il que ce soit tout ou rien?
    Je pense qu'il faut que tous les juges soient bilingues, car si l'un d'eux de l'est pas, on signifiera clairement aux avocats qu'ils doivent parler anglais pour être bien compris des juges. Quant aux juges eux-mêmes, ils se parleront en anglais. Je pense que c'est une question de justice à l'endroit des citoyens et de tous ceux qui s'adressent à la Cour suprême. Il s'agit aussi d'une question de justice parmi les juges de la Cour suprême eux-mêmes. Si l'un d'entre eux ne parle pas français, l'anglais sera la langue commune.
(1245)
    Serait-il possible de modifier la Loi sur les langues officielles pour exiger qu'une partie, et non l'ensemble, des juges soient bilingues?
    Je ne vois pas comment on pourrait le faire sans enchâsser le statu quo dans la loi.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Madame Boucher, je vous cède la parole pour trois minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Bonjour, monsieur Pelletier. C'est un honneur pour nous de vous rencontrer. Je vous remercie de nous faire comprendre davantage ce qu'est la Constitution. Parfois, on s'y perd.
    Ce projet de loi est à l'ordre du jour depuis bon nombre d'années. J'étais secrétaire parlementaire pour les langues officielles par le passé et, en effet, M. Godin, j'ai voté contre le projet de loi pour beaucoup de raisons.
    Pour faire suite à ce que nous avons entendu plus tôt, j'ai moi aussi toujours un peu de difficulté à expliquer le bilinguisme, en ce sens que le fait d'être parfaitement bilingue est une chose, de comprendre une autre langue en est une autre et de s'exprimer dans cette langue en est une autre encore.
    Selon moi, un juge bilingue doit non seulement comprendre la langue, mais aussi parler et comprendre le langage juridique. Tout à l'heure, quand les représentants de KortoJura sont venus témoigner, j'ai apprécié les entendre dire que, lorsqu'on demande à des juges d'être bilingues, il faut d'abord qu'ils comprennent la langue juridique.
    Je suis assez bilingue. Si je me retrouvais à la Cour suprême, si j'étais avocate ou que je devenais juge, je ne suis pas certaine que je pourrais apprivoiser la langue juridique autant en anglais qu'en français. C'est ce qui me pose un peu de difficulté. Pour ma part, j'ai toujours eu de la difficulté à comprendre pourquoi il n'y aurait plus besoin d'interprètes. Il y a plusieurs variantes du français, tout dépendant de la provenance du locuteur.
    Je suis du Québec et, si j'écoute M. Samson parler, je ne suis pas certaine de toujours comprendre ce qu'il dit.
    Ah, ha! C'était dit de manière gentille.
    Cela étant dit, comment peut-on faire pour enchâsser dans une loi le fait que nous soyons d'accord pour que les juges soient bilingues, sans toucher à la Constitution, mais en incluant l'aspect juridique du langage, qui m'apparaît de plus en plus important à la lumière des témoignages que nous avons recueillis?
    Il y a deux choses. Premièrement, si quelqu'un vient soutenir devant vous que le bilinguisme obligatoire affecterait une caractéristique essentielle de la Cour suprême, demandez-lui à l'inverse si l'unilinguisme est une caractéristique essentielle de la Cour suprême.
    C'est un bon point.
    Très clairement, la réponse est non. Pourtant, c'est l'unilinguisme qu'on veut modifier.
    Oui, c'est vrai.
    Voilà.
    Alors, lorsque vous vous demandez, dans le fond, quelle situation serait modifiée, c'est celle de l'unilinguisme. Jamais on ne me convaincra que l'unilinguisme est une caractéristique essentielle de la Cour suprême du Canada. Je vous le dis: jamais on ne convaincra un juge de la Cour suprême, non plus, que c'est le cas.
    S'il y avait un renvoi devant la Cour suprême du Canada, je suis convaincu que cette dernière déclarerait, comme je l'ai fait — c'est dit sans prétention, car, de toute façon, mon analyse est fondée sur le jugement de la Cour elle-même — que cela ne demande pas une modification constitutionnelle pour prévoir le bilinguisme obligatoire à la Cour suprême du Canada.
    Deuxièmement, pour ce qui est du reste, le juge doit comprendre l'oral et l'écrit. Doit-il, de surcroît, pouvoir s'exprimer en français? Je vous dirai que cela serait souhaitable. Toutefois, si cela devient un obstacle politique sine qua non, la modification de l'article 16 de la Loi sur les langues officielles pourrait, à tout le moins, représenter un bon compromis.
    D'accord, merci beaucoup.
    Merci.
    Merci, madame Boucher.
    Merci beaucoup, monsieur Pelletier, de cet extraordinaire échange entre vous et les membres du Comité. C'était très éclairant. Merci, encore une fois, au nom des membres du Comité.
    Merci.
    Nous allons suspendre la séance durant deux minutes, et revenir à huis-clos pour discuter des travaux futurs du Comité.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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