:
Merci, monsieur le président.
Monsieur le président, membres du Comité, je vous remercie d'avoir invité la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada à vous parler ce matin des questions reliées au recensement en tant que mécanisme de dénombrement des ayants droit en vertu de l'article 23 de la Charte.
Je prendrai comme point de départ une question qui a été posée par le statisticien Jean-Pierre Corbeil, la semaine dernière. Dans sa présentation, M. Corbeil a indiqué que le recensement ne permettait de dénombrer les ayants droit qu'en vertu de l'alinéa 23(1)a) de la Charte, soit de la première langue apprise et encore comprise. Il a ensuite déclaré ce qui suit:
La question se pose donc de savoir dans quelle mesure cette seule information est pertinente eu égard aux fins visées.
Pour répondre à cette question, il est utile de nous référer aux projections publiées il y a quelques semaines par Statistique Canada en ce qui a trait à l'évolution de l'immigration et des langues officielles au Canada d'ici 2036. Un des constats qui ressort de cette projection est qu'au fur et à mesure que la part de l'immigration augmente dans la population canadienne, la proportion de Canadiens et Canadiennes dont la langue maternelle est le français ou l'anglais diminue.
Cette tendance, nous l'observons déjà dans nos communautés. Dans mon réseau de connaissances, chez moi au Manitoba, il y a Lassana, un Malien d'origine dont la langue maternelle n'est pas le français, mais qui utilise cette langue tous les jours. C'est en français qu'il communique avec sa femme, qui est Chilienne et hispanophone. Leur fille fréquente une école de langue française. Techniquement, ce sont des ayants droit, même si ni l'un ni l'autre n'a le français comme langue maternelle.
Des exemples comme celui de Lassana et de sa conjointe, on en trouve de plus en plus dans toutes les régions du pays. Ce ne sont pas des exceptions; c'est le nouveau visage d'une francophonie qui évolue et qui se diversifie. C'est la réalité qui se vit au quotidien dans plusieurs de nos communautés. Identifier un francophone était sans doute beaucoup plus facile en 1982, lorsque la Charte canadienne des droits et libertés est entrée en vigueur. Ce l'est beaucoup moins aujourd'hui, alors qu'un nombre croissant de personnes qui ne sont pas nées au pays ou qui ont une autre langue maternelle vivent néanmoins en français et alors que les couples exogames ne sont plus simplement francophones et anglophones, mais aussi francophones et d'une autre langue.
Dans ce contexte, il serait tentant de dire que le recours à la seule question sur la langue maternelle comme indicateur permettant de dénombrer les ayants droit revient en quelque sorte à affirmer que l'intention du législateur a été de figer dans la Charte une définition rigide de ce qu'est un francophone. Bien sûr, telle n'était pas l'intention du législateur, et c'est pourquoi l'article 23 comporte plusieurs alinéas qu'il faut interpréter de façon large, en fonction de l'objectif de la Charte, c'est-à-dire de garantir que ceux et celles qui vivent en français en milieu minoritaire puissent recevoir leur éducation dans cette langue.
L'article 23 a été formulé avec des conditions d'admissibilité qui permettent d'inclure un grand nombre d'ayants droit, mais après trois décennies, le gouvernement du Canada ne s'est pas encore donné les moyens nécessaires pour identifier ou dénombrer ces individus d'une manière qui les englobe adéquatement. On le remarque maintenant, parce qu'en 2017, le seul recours à la langue maternelle n'est plus tenable.
Le seul véhicule que nous ayons à notre disposition pour régler cette question problématique demeure le recensement. C'est pourquoi, de recensement en recensement, les communautés francophones et acadienne se mobilisent à ce point pour y répondre. Il est normal, au fur et à mesure que la francophonie canadienne se complexifie, de se pencher occasionnellement sur le recensement et de se demander s'il permet toujours de bien la mesurer.
Pour revenir à l'article 23, on obtiendrait davantage de renseignements utiles si la formulation des questions linguistiques était autre que celle employée à l'heure actuelle. Par exemple, la combinaison des questions « Dans quelles langues avez-vous reçu votre éducation? » et « Dans quelles langues vos parents ont-ils reçu leur éducation? » permettrait d'identifier non seulement les individus de langue maternelle non officielle qui ont été éduqués en français, entièrement ou en partie, mais aussi ceux et celles qu'on appelle parfois les « francophones de la génération perdue ». Je fais allusion ici aux parents qui ont été éduqués en anglais alors que leurs propres parents avaient reçu leur éducation en français. Dénombrer ces personnes pour leur permettre d'inscrire leurs enfants à une école de langue française serait conforme à l'objectif corollaire de l'article 23 à titre de de réparation, un objectif qui a été reconnu par les tribunaux.
De manière plus générale, les tendances lourdes au niveau démographique nous appellent à revoir la manière dont on dénombre les francophones au pays.
Nous appuyons la recommandation avancée par l'Association canadienne-française de l'Alberta, il y a deux semaines, afin que la question au sujet de la langue maternelle soit clarifiée pour que les Canadiens comprennent qu'ils ne sont pas obligés de choisir entre le français et l'anglais lorsqu'ils y répondent. Cependant, ce n'est là qu'une partie de l'équation. Il y a un appétit pour une définition, un outil de mesure, qui permette vraiment de déterminer qui sont ceux qui vivent réellement en français au Canada, peu importe leur origine ou leur langue maternelle, et dans quelles circonstances ils vivent en français.
Cet appétit, on le voit dans la définition inclusive de francophone, la DIF, qui a été mise de l'avant par le gouvernement de l'Ontario. Ce n'est pas simple et, n'étant pas statisticiens, nous n'avons pas de solutions magiques à vous présenter aujourd'hui. Cette réflexion doit avoir lieu et elle n'est pas simple parce que la francophonie, en 2017, n'est pas simple.
Avant de terminer, je me permets une réflexion d'ordre plus général sur l'accès à l'école de langue française. Au cours des dernières années, il est arrivé à au moins deux reprises qu'un litige entre un conseil scolaire et un gouvernement, en ce qui a trait au droit de déterminer l'accès à l'école de langue française, se retrouve devant les tribunaux. Dans le cas des écoles francophones aux Territoires du Nord-Ouest, la Cour d'appel du territoire a statué, il y a deux ans, que les gouvernements sont parfaitement justifiés de contrôler l'admission dans les écoles de la minorité, étant donné les coûts que cela représente. D'autre part, la Cour a affirmé que le droit à l'éducation en français garanti par la Charte vise les citoyens canadiens et exclut donc les immigrants. Mis en oeuvre, ces deux éléments peuvent avoir pour effet de réduire considérablement la population de nos écoles et de nuire à nos communautés.
Dans un autre jugement sur les droits scolaires au Yukon, la Cour Suprême a confirmé que les gouvernements ont en effet le pouvoir de contrôler l'accès aux écoles de la minorité. Nous en prenons acte. Cela dit, il y a peut-être lieu, pour le gouvernement fédéral, d'encourager les provinces et les territoires à interpréter l'article 23 d'une façon large, généreuse et qui soit conforme à l'objectif et à l'intention du législateur. Considérant que plus de 15 % de la population de nos communautés provient de l'immigration, il serait très dommageable que les gouvernements appliquent une interprétation restreinte et qui interdit l'accès à nos écoles aux résidents permanents ou même temporaires provenant de pays francophones, sous prétexte qu'ils ne sont pas citoyens canadiens.
Je vous remercie de votre attention et je suis prête à répondre à vos questions.
Les données recueillies par le recensement effectué par Statistique Canada permettent aux gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux de dénombrer leur population et comprend de l'information nécessaire, notamment sur l'âge, l'origine ethnique et la langue. Plus précisément, le recensement peut aussi mesurer la vitalité des communautés minoritaires francophones.
[Traduction]
Bien que cette vitalité sera mise à l’épreuve dans les prochaines années, les communautés francophones en situation minoritaire possèdent un outil précieux : un réseau pancanadien d’établissements scolaires de la langue de la minorité, qui est protégé, financé par l'État et géré par et pour les membres de la minorité. Les différents ordres de gouvernement ont besoin des données du recensement pour dénombrer les communautés francophones en situation minoritaire et les ayants droit en vertu de l’article 23 pour ensuite planifier les politiques publiques et la prestation de services à ces communautés.
L’article 23 accorde le droit à l’instruction aux parents francophones en situation minoritaire si ces derniers se retrouvent dans trois catégories d’ayants droit, soit ceux: dont la première langue apprise et encore comprise est le français; ceux qui ont reçu leur instruction au primaire en français en situation minoritaire; et ceux dont un enfant a reçu ou reçoit son instruction en français en situation minoritaire.
Pour bien planifier et mettre en œuvre les politiques publiques concernant l’instruction en français aux communautés francophones en situation minoritaire, les ministères de l’Éducation ont besoin de données sur les trois catégories d’ayants droit. Toutefois, ce ne sont pas toutes les données qui sont disponibles. Le recensement ne pose pas de questions liées aux deux dernières catégories d’ayants droit et, par conséquent, seuls les parents de la première catégorie sont comptés.
[Français]
Cette situation est inquiétante pour le Commissariat aux services en français, et ce, pour trois raisons.
Les ministères de l'Éducation n'ont pas le nombre exact d'ayants droit et, de ce fait, vont tenir compte d'un nombre moindre d'enfants admissibles lorsqu'ils planifient leurs réseaux d'écoles primaire et secondaire. De plus, la vitalité et le poids démographique des communautés francophones en situation minoritaire sont à la baisse. Un dénombrement plus juste des ayants droit favoriserait l'enrôlement de leurs enfants dans les programmes de la petite enfance et, conséquemment, assurerait un continuum d'apprentissage en français.
Dans le rapport spécial intitulé: « Quand le plus élémentaire devient secondaire: Des devoirs à compléter », j'ai recommandé à la ministre de l'Éducation de l'Ontario de revoir ses pratiques en matière de calcul des besoins dans le domaine de l'éducation de langue française. Je lui ai suggéré d'utiliser la définition inclusive de francophone, la DIF, qui est la méthode de calcul adoptée officiellement par le gouvernement de l'Ontario pour mieux prendre en compte la réalité diverse de la clientèle des conseils scolaires de langue française et effectuer des prédictions d'inscriptions plus exactes.
En vertu de l'article 23, si, dans une communauté donnée, le nombre d'ayants droit ne justifie pas la construction d'une école, habituellement, les ministères de l'Éducation ne vont pas en construire. Toutefois, si les ministères de l'Éducation utilisent des données du recensement pour planifier leurs effectifs, ils utilisent des données partielles puisque le recensement ne dénombre pas les ayants droit des deux dernières catégories. Il est donc évident que le nombre d'ayants droit, partout au pays, justifie l'ouverture de plus d'écoles et de plus grandes écoles dans plusieurs communautés francophones en situation minoritaire.
La décision de la Cour suprême dans la cause Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique c. Colombie-Britannique confirme les dangers découlant de l'utilisation des seules données partielles du recensement par les ministères de l'Éducation lorsqu'ils dénombrent le nombre maximal potentiel d'ayants droit dans une communauté. Il y a des dangers réels que la province ou les territoires aient sous-estimé le nombre d'ayants droit et, conséquemment, effectué une planification d'effectifs qui ne reflète pas la réalité. De plus, les provinces et les territoires pourraient potentiellement utiliser le nombre plus bas d'ayants droit pour justifier le fait de donner moins de ressources nécessaires aux conseils scolaires francophones.
En somme, Statistique Canada se doit de modifier le recensement et d'y inclure des questions qui visent à dénombrer les parents des deux dernières catégories pour identifier correctement les ayants droit dans une communauté donnée et pour permettre aux ministères de l'Éducation de planifier leurs effectifs selon le nombre réel de ceux-ci.
Statistique Canada a récemment publié un rapport au sujet de l'immigration et de la vitalité de la francophonie canadienne. Les données sont inquiétantes. Entre 2015 et 2035, la proportion de personnes ayant le français comme langue maternelle dans les autres provinces que le Québec devrait fondre de 3,8 % à 2,7 %, et ce, en faisant abstraction des immigrants qui n'ont pas le français comme langue maternelle, mais qui le maîtrisent.
On attribue cette diminution à l'immigration, mais aussi à la faible fécondité et au vieillissement des francophones hors Québec. Le rapport intitulé: « Immigration et diversité : projections de la population du Canada et de ses régions, 2011 à 2036 » fait écho à ces conclusions. En 2036, le nombre de gens qui n'ont pas l'une ou l'autre langue officielle comme langue maternelle pourrait augmenter et représenter entre 26 % et 30,6 % de la population canadienne, comparativement à 20 % en 2011.
La diminution du poids démographique des francophones est préoccupante, surtout que l'Ontario a été incapable d'atteindre son objectif de 5 % d'immigration francophone. Le réseau d'écoles de langue française deviendra de plus en plus important comme moyen de préservation de la langue et de la culture francophones. Conséquemment, les ministères ne peuvent se permettre d'utiliser des données partielles du recensement, qui ne comportent pas de questions qui réussissent à répertorier toutes les catégories d'ayants droit.
Des programmes préscolaires aux études postsecondaires, en passant par le primaire et le secondaire, le dénombrement conforme des ayants droit est également essentiel pour maintenir un continuum d'apprentissage en français, notamment en Ontario. Le lien est très important entre l'accès à l'éducation dans la langue de la minorité, en vertu de l'article 23, et l'offre de services à la petite enfance. Le rapport intitulé: « La petite enfance : vecteur de vitalité des communautés francophones en situation minoritaire » de mon collègue, l'ex-commissaire aux langues officielles, souligne que non seulement les services offerts en français aux jeunes enfants permettent de soutenir l'apprentissage de la langue, mais favorisent également le développement d'un sentiment d'appartenance à la communauté francophone.
En Ontario, il est évident que les programmes de la petite enfance financés par le gouvernement provincial jouent un rôle crucial afin de maintenir le lien identitaire à la langue française chez les jeunes enfants, particulièrement les enfants issus des couples exogames.
[Traduction]
Les deux ordres de gouvernement devraient ouvrir le dialogue et travailler ensemble afin d'offrir des services à la petite enfance adéquats et équivalents aux services de la petite enfance offerts dans la langue de la majorité.
Lorsque le ministère de l’Éducation et le ministère des services à l’Enfance et à la Jeunesse planifient le nombre de places dans ces centres, ils devraient le faire en fonction du nombre potentiel d’ayants droit selon les données du recensement modifié. Les enfants qui bénéficieront des programmes de la petite enfance dans la langue de la minorité seront ceux qui fréquenteront les écoles primaires dans cette langue.
En ajoutant deux questions au recensement pour dénombrer les titulaires de droits des deux dernières catégories, en plus d’utiliser une définition inclusive des francophones, nous estimons qu’il y aura plus d’enfants dans les programmes préscolaires, et conséquemment plus d’étudiants aux niveaux primaire, secondaire et postsecondaire. Ce continuum d’apprentissage crée une masse critique de jeunes francophones, ce qui est vital pour les communautés francophones en situation minoritaire.
[Français]
Les communautés francophones en situation minoritaire font face à plusieurs défis qui peuvent sembler insurmontables. Compte tenu notamment du faible taux de fécondité, de la baisse du poids démographique et des effets de l'assimilation, maintenant plus que jamais, les ayants droit ont besoin d'un réseau institutionnel d'instruction complet, adéquat et de qualité équivalente.
Une pénurie d'écoles ou d'écoles de qualité égale signifie souvent un exode d'étudiants francophones vers les écoles de langue anglaise. Le recensement doit poser les questions nécessaires qui permettront de compter les ayants droit de toutes les catégories de la section du formulaire long touchant la scolarité.
Je propose donc au gouvernement fédéral d'ajouter deux questions au recensement de 2021. Celles-ci viseraient à produire un dénombrement complet et représentatif des ayants droit. Ces deux nouvelles questions devraient pouvoir indiquer combien de parents ont reçu leur instruction au niveau primaire dans la langue officielle de la minorité, conformément à l'alinéa 23(1)b). Demander si les gens ont complété des études primaires en français est une question relativement simple. Il s'agit aussi de savoir combien de parents ont un enfant qui a reçu ou qui reçoit son instruction au niveau primaire ou secondaire dans la langue officielle de la minorité, tel que prévu par le paragraphe 23(2), et s'ils ont un enfant inscrit dans une école de langue française. Effectuer ces changements dans un délai approprié permettrait l'ajout de ces questions au prochain recensement.
Je vous remercie à nouveau de m'avoir écouté et j'anticipe avec plaisir vos questions auxquelles je vais tenter de répondre au meilleur de mes connaissances.
:
Merci, monsieur le président.
Monsieur le secrétaire parlementaire, membres du Comité, bonjour.
Je vous remercie de votre invitation à témoigner dans le cadre de votre étude. Vous devriez avoir reçu une copie en français et en anglais de notre présentation de neuf pages, incluant deux petites annexes. En tant que bons avocats, nous ne la lirons pas, mais nous allons plutôt y ajouter des éléments. Cependant, sachez qu'il y a au moins une base sur laquelle peuvent s'appuyer ceux et celles qui sont peut-être plus visuels ou qui cherchent des réponses juridiques plus précises à certains points.
Si vous le permettez, monsieur le président, je vais dire quelques mots et, par la suite, je vais céder la parole à mon collègue, Me Marc-André Roy.
D'abord, il est peut-être utile de dire un ou deux mots à notre sujet.
Nous sommes des avocats qui travaillons beaucoup en droit de l'éducation. Nous travaillons beaucoup avec les conseils scolaires ou les commissions scolaires de langue française hors Québec qui utilisent tous les jours le genre de données recueillies par Statistique Canada dans son recensement. Nous avons beaucoup d'expérience sur le terrain relativement aux grandes frustrations et aux grandes limites imposées en ce moment par les données du recensement. Par exemple, nous avons participé à un procès qui a duré 240 jours. C'était l'enfer. Je ne voudrais plus jamais refaire cela de ma vie.
Nous avons passé 240 jours en Colombie-Britannique pendant lesquels une bonne partie du débat d'experts, qui a duré des semaines, consistait à prouver ce que signifie le fait de ne pas recueillir certaines données dans le recensement. Au nom des avocates et des avocats des conseils scolaires à travers le Canada qui font ce genre de travail, de même qu'au nom de celles et ceux qui représentent les gouvernements, nous vous remercions d'étudier cette question. Nous souhaitons que vous puissiez faire des recommandations qui permettront tant à Statistique Canada qu'à son ministre responsable, , de régler cette question une fois pour toute.
Je ne vous le cacherai pas, les communautés demandent essentiellement deux choses. D'abord, pourrait-on, s'il vous plaît, dénombrer dorénavant tous les ayants droit et non pas une seule des trois catégories, mais aussi les deux autres? Ensuite, pourrait-on, s'il vous plaît, recueillir de meilleures données par rapport à la vitalité linguistique des communautés? Cela est particulièrement important à l'heure actuelle étant donné l'annonce du président du Conseil du Trésor, , et de la ministre du Patrimoine canadien, , au sujet de la refonte du règlement qui encadre l'offre de services gouvernementaux fédéraux en français ou en anglais. Que ce soit pour la mise en oeuvre de l'article 23 ou de l'article 20, le travail que vous faites est, à mon sens, très important.
J'ai pris la peine de prendre connaissance des propos de tous les témoins que vous avez entendus. Selon moi, M. Landry vous a essentiellement proposé la structure d'un rapport. L'ACFA vous a déjà expliqué ce que les communautés de langue officielle en situation minoritaire feraient avec les données de Statistique Canada. M. Jean-Pierre Corbeil vous a expliqué qu'il n'était pas trop tard pour agir et que la conjoncture était maintenant favorable . M. Corbeil vous a expliqué également que le Cabinet fédéral avait le pouvoir de décider à cet égard. Statistique Canada est certes responsable de ce dossier mais, au final, c'est le gouvernement qui décide. Je le souligne tout simplement.
Considérant le peu de temps qu'il me reste, la chose la plus utile serait pour moi de reprendre les quatre raisons données par M. Corbeil pour ne pas modifier le recensement ou du moins ne pas le faire tout de suite. Je ne vous cacherai pas que je pense que ces raisons ne sont pas sérieuses. Je vais les aborder de front de façon distincte.
D'abord, M. Corbeil a souligné qu'il faudrait 11 questions de plus. Je ne suis pas statisticien. Je n'ai pas de doctorat dans ce domaine. Je vous mentionne tout simplement que M. Landry vous a dit tout de suite après la présentation de M. Corbeil que cela n'était pas nécessaire et qu'on pouvait aller chercher l'essentiel des données en très peu de questions.
L'ACFA et la Fédération des conseils scolaires francophones de l'Alberta remettront à votre comité, jeudi prochain, un rapport de 80 pages qui sera cosigné par M. Rodrigue Landry. Ce rapport fait état de questions susceptibles d'être posées.
Ce que M. Corbeil vous a dit à ce sujet n'est qu'un épouvantail et ce n'est certainement pas une raison pour ne pas agir. Par ailleurs, M. Corbeil a dit que cela allait coûter un peu plus cher. D'une part, est-ce vrai? Le gouvernement du Canada va mener le recensement de toute façon et on parle d'ajouter des questions dans le cadre d'une dépense quinquennale.
Toutefois, même si c'était vrai, la partie VII de la Loi sur les langues officielles exige que le gouvernement dépense des fonds quand cela aide les communautés de langue officielle en situation minoritaire et quand cela constitue une mesure vraiment positive pour elles. Il n'est pas trop tard pour que le secrétaire parlementaire inclue ces dépenses dans la prochaine feuille de route, si c'est vraiment une dépense importante. Selon moi, ce qui a été dit est encore une fois un épouvantail.
La troisième raison invoquée par M. Corbeil pour ne pas obtempérer aux demandes des communautés est la suivante. D'une part, M. Corbeil suggère que les provinces peuvent peut-être recueillir elles-mêmes des données fiables. De toute façon, on va consulter les communautés — ce sont les mots de M. Corbeil —, mais on verra ce que cela va donner.
[Traduction]
Le processus est important, mais les résultats le sont encore davantage.
[Français]
On ne veut pas seulement être consultés, on veut que le recensement pose de vraies questions qui vont donner de vraies données.
De plus, on parle beaucoup, surtout à l'heure actuelle, de fédéralisme coopératif. Cela veut dire que le gouvernement fédéral doit écouter quand les provinces lui demandent quelque chose. Si vous prenez le fascicule que je vous ai remis et que vous consultez l'avant-dernière page, vous verrez une lettre d'une page. Ce n'est pas du génie nucléaire. Notez bien l'en-tête. De la façon la plus claire possible, le gouvernement de la Colombie-Britannique ne demande pas à l'honorable Navdeep Bains s'il est possible d'avoir une enquête postcensitaire ou de recueillir davantage de données dans nos écoles. Au premier paragraphe, à la deuxième ligne, il est mentionné ce qui suit:
[Traduction]
« dans le but de modifier le recensement canadien ».
[Français]
Au deuxième paragraphe, on peut lire ce qui suit:
[Traduction]
Je vous écris en appui au CSF. Le ministère de l’Éducation appuie la demande du CSF de recevoir des données complètes et fiables concernant les trois catégories des titulaires de droits à l’éducation dans une langue minoritaire en vertu de l’article 23 de la Charte…
[Français]
Je vous cite les mots importants:
[Traduction]
... et convient que la façon la plus efficace de recevoir ces informations est par le biais du recensement de Statistique Canada.
[Français]
La troisième province de la fédération sur le plan de la population demande au gouvernement du Canada de modifier le recensement. Ce n'est pas une réponse acceptable quand Statistique Canada dit que les provinces peuvent peut-être s'en occuper. Arrêtons de niaiser et modifions le recensement!
J'en viens à mon quatrième et dernier point, monsieur le président. Lors de sa comparution. M. Corbeil a dit essentiellement ces mots que j'ai entendus:
[...] mais quand des gens disent que Statistique Canada ne dénombre qu'une faible partie ou que 50 % des ayants droit, j'aimerais savoir de quelle façon ils s'y prennent pour mesurer ou pour obtenir ce pourcentage.
Autrement dit, M. Corbeil demande s'il y a vraiment un problème. D'une part, il s'agit de savoir how do I prove a negative?
On n'a pas les statistiques sur les deux autres catégories d'ayants droit. C'est déjà un problème grave 35 ans après l'entrée en vigueur de la Charte.
Si ce n'est pas assez pour vous convaincre, écoutez ce qui suit. Les députés Samson, Lefebvre, Arseneault et Vandal savent très bien de quoi je parle. La très grande majorité des ayants droit francophones qui arrivent à la maternelle de langue française ont besoin de francisation. Ils arrivent en classe et ils ont le droit d'être là, mais l'anglais est leur première langue apprise et toujours comprise. On doit donc les franciser. Les pédagogues dans la salle peuvent vous expliquer que cela fonctionne.
Il y a toutefois un problème. Quand ces enfants deviennent adultes et quand ils remplissent le recensement, ils indiquent que le français n'est pas leur première langue apprise. Le recensement ne les compte donc pas. Pour nous, ce sont des ayants droit en vertu de l'alinéa 23(1)b). Quand les juges nous disent qu'il y a de moins en moins de francophones, quand M. Corbeil nous dit que quelques ayants droit sont dénombrés, on constate que de toutes les catégories, on dénombre celle qui est la moins importante. On ne dénombre pas ces ayants droit en vertu de l'alinéa 23(1)b). Je le sais, parce que dans le dossier en Colombie-Britannique, sauf exception, l'anglais est la première langue apprise pour presque tous les enfants qui arrivent à la maternelle partout dans la province.
C'est la même chose à North Bay, c'est la même chose à Sudbury, c'est la même chose presque partout au Manitoba et certainement en Nouvelle-Écosse, et le député M. Samson le sait très bien. Cela arrive même ici, à Ottawa. C'est sur un plan personnel et je n'irai pas tout de suite dans les détails.
De grâce, peut-on compter tous les ayants droits? En ce moment la situation dans laquelle on se trouve avec les données du recensement est ridicule et je termine sur ce point.
Quand on fait des commandes spéciales auprès de Statistique Canada pour recenser le nombre d'ayants droit à Squamish, à Pemberton, à Sechelt et à Whistler en Colombie-Britannique, on constate qu'il y a plus d'élèves francophones dans les écoles que le recensement ne le montre.
On pourrait penser que c'est ainsi parce qu'il y a une politique d'admission généreuse. Cela peut faire croire qu'on laisse entrer des non-ayants droit. Ce n'est pas le cas, car la province de la Colombie-Britannique interdit les non-ayants droit dans les écoles de la minorité. Ces données sont donc inutiles. Peut-on agir, s'il vous plaît?
Merci.
:
Merci, monsieur le président.
Mesdames et messieurs, membres du comité, je vais faire de mon mieux pour prendre le relais de Me Power. Je vais aborder trois points que M. Corbeil a traités dans le cadre de son témoignage de la semaine dernière. Je vais ensuite dire quelques mots sur notre fascicule.
Premièrement, M. Corbeil a indiqué que les communautés francophones en situation minoritaire n'étaient pas les seules à demander que des questions spécifiques leur soient consacrées et à présenter cette requête comme une urgence. Je ne sais pas de quel groupe parlait M. Corbeil, mais les communautés de langue officielle en situation minoritaire sont les seules — peut-être avec les communautés autochtones — à avoir des droits qui dépendent de leur nombre et à être protégées par la Charte. Il y a tout de même une distinction importante à faire à cet égard.
Statistique Canada et le gouvernement devraient faire preuve de leadership et nous fournir les données dont nous avons besoin. Ce sont des données très précises qui nous permettent de cerner les titulaires de droits là où ils se trouvent, que ce soit dans de petites communautés ou dans des centres urbains. Les extrapolations basées sur des sondages, le questionnaire long du recensement ou d'autres sondages administrés à des échantillons de la population ne sont tout simplement pas suffisants pour nous.
Deuxièmement, M. Corbeil a dit qu'il y avait déjà trop de questions sur les langues officielles dans le recensement. La réponse à cela est que le recensement comporte en effet plusieurs questions sur les langues officielles et que nous devrions être fiers, en tant que citoyens de ce pays, de nous assurer de bien connaître les populations de langue officielle en situation minoritaire. Cependant, comme je l'ai mentionné, il n'y a pas de droits liés à la langue fréquemment parlée à la maison, bien que des questions portent sur ce sujet.
Nos droits sont basés sur la première langue apprise et encore comprise ainsi que sur la langue d'instruction des parents et de leurs enfants. En ignorant deux de ces trois catégories, il pourrait y avoir 20 questions, ce qui n'est pas suffisant. Si le nombre de questions est vraiment l'enjeu, ce dont je doute, il faut remettre dans le questionnaire long les questions portant sur la langue fréquemment parlée à la maison. Avant que le gouvernement précédent ne les retirent, ces questions se trouvaient en effet dans le questionnaire long. Il faut donc utiliser cet espace pour des questions essentielles qui doivent être posées à la totalité des gens et non pas seulement à 25 % de la population.
Troisièmement, M. Corbeil a dit que Statistique Canada n'avait pas consulté de juristes et n'a pas indiqué qu'il avait l'intention de le faire. Or selon nous, c'est un problème, et ce, pour deux raisons.
D'abord, la partie VII de la Loi oblige le gouvernement à consulter les minorités et à bien s'informer. Cela implique qu'il doit consulter des spécialistes du domaine de l'éducation et du secteur communautaire, mais aussi des juristes. En outre, le fait de ne pas consulter des juristes peut entraîner des erreurs. Par exemple, lors de sa comparution, M. Corbeil a souligné qu'un des enjeux actuels était que la langue maternelle d'un bon nombre d'immigrants s'établissant au pays n'était ni le français ni l'anglais et que les immigrants francophones s'établissant à l'extérieur du Québec n'étaient pas couverts par l'alinéa 23(1)a) de la Charte. Or c'est faux.
Par exemple, les d'immigrants qui viennent de pays arabes et qui ont appris l'arabe, le français et l'anglais, dans cet ordre, ont comme première langue officielle parlée le français. Ces gens sont donc des ayants droit dès qu'ils acquièrent la citoyenneté canadienne. En fait, la presque totalité des provinces et des territoires les admettent dans les écoles francophones avant même qu'ils n'obtiennent leur citoyenneté, même s'ils ne sont pas encore officiellement des ayants droit. Il est donc nécessaire de les dénombrer.
C'était les trois aspects de la comparution de M. Corbeil que je voulais aborder.
J'aimerais vous décrire brièvement le document pour qu'il puisse vous être utile après notre passage. Il compte neuf pages, ce qui comprend l'annexe dont Me Power a parlé.
La première page et demie résume la situation et énonce certains faits de nature juridique qui vous seront sûrement utiles. Les six pages suivantes reproduisent des extraits de lois ou de jurisprudence que nous avons cru bon de porter à votre attention. Chaque paragraphe est précédé d'un sous-titre, qui est un énoncé que viennent appuyer les citations. Il est très facile de bien saisir l'information en parcourant le document.
Concrètement, ce qui est demandé, c'est qu'on soit en mesure de prendre des décisions basées sur des faits, comme Me Power l'a dit. En anglais, on dirait:
[Traduction]
la prise de décisions fondée sur des données probantes
[Français]
C'est tout ce que demandent les communautés de langue officielle en situation minoritaire. C'est très important pour elles.
Nous recommandons de modifier, dans le recensement, la question sur la langue maternelle et d'ajouter quelques questions — et non pas 11 — visant à connaître la langue d'instruction des parents et de leurs enfants. Une enquête postcensitaire n'est pas suffisante. Je pense qu'assez de choses ont été dites à ce sujet. Ce n'est pas quelque chose que les provinces peuvent faire à moitié. Il faut que ce soit le gouvernement fédéral qui le fasse par le truchement du recensement, qui administre les questions à 100 % de la population. Le respect de l'article 23 et de l'article 20 de la Charte sur les services et les communications gouvernementales en dépend.
Le Comité va mener son étude et déposer un rapport qui, j'en suis certain, sera très important. Il serait très dommage qu'il soit mis sur une tablette et y accumule la poussière.
Nous recommandons aussi au Comité de demeurer saisi de la question et de faire comparaître périodiquement, par exemple tous les quatre mois ou six mois, des représentants de Statistique Canada et le ministre Bains, afin qu'ils vous tiennent au courant des progrès réalisés dans la mise en oeuvre de vos recommandations.
M. Samson sait de quoi je parle. La même chose s'est produite en Nouvelle-Écosse dans l'affaire Doucet-Boudreau où les tribunaux sont demeurés saisis de cette affaire après avoir rendu leur jugement pour s'assurer qu'il est respecté. C'est même devenu un terme connu en droit. On parle de l'ordonnance Boudreau pour désigner le suivi d'une affaire jusqu'à la fin. Je vous recommande fortement de faire cela.
Pour répéter ce que Me Power a dit, nous sommes en train de préparer avec M. Landry un rapport en collaboration avec plusieurs acteurs du secteur de l'éducation ainsi que du domaine communautaire. La version française de ce rapport vous sera transmise plus tard cette semaine et la version traduite le sera très bientôt.
Je vous remercie.
C'est avec plaisir que nous répondrons à vos questions.
D'après ce que je comprends, la comparution devant le Comité de M. Jean-Pierre Corbeil ne vous a pas impressionnés. Lorsque M. Corbeil est venu nous rencontrer, il a indiqué que le recensement comportait 11 questions sur ces enjeux et que, selon lui, ce n'était peut-être pas le meilleur véhicule pour recueillir les données dont il est question.
Je viens du Québec. Je connais peu ou pas la situation des ayants droit, mais cela fait quand même longtemps que j'étudie la question des langues officielles. J'ai posé des questions à plusieurs témoins qui m'ont dit que beaucoup de personnes, même encore de nos jours, ne savent pas ce qu'est un ayant droit. Le fait que les gens, même les francophones, ne connaissent pas la définition d'un ayant droit peut aussi poser problème. Si ce n'est pas clair pour eux, cela peut l'être difficilement pour les autres. Les témoins nous ont dit que c'était vrai, à savoir que les gens ne savaient pas nécessairement ce qu'était un ayant droit et que c'était confus dans leur esprit.
M. Corbeil a parlé de 11 questions et vous parlez d'en avoir moins. Vous êtes en milieu minoritaire. Vous assistez tous les jours à cette bataille chez vous. Selon vous, quelles seraient les questions les plus probantes qui pourraient le mieux vous aider à obtenir le décompte exact de francophones hors Québec ou des anglophones au Québec, même s'ils ne sont pas reconnus comme étant des ayants droit?
Vous nous demandez de vous aider, mais nous aurions peut-être aussi besoin d'aide de votre part puisque vous vivez cette situation tous les jours. Il y a parmi vous des juristes. Madame Lanthier, cela fait longtemps que vous êtes dans le domaine. C'est la même chose pour vous aussi, madame Côté. Quelle serait la meilleure façon pour le Comité de vous aider pour que soient élaborées des questions qui permettraient d'obtenir des réponses pertinentes dans le cadre du recensement?
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Merci beaucoup de cette question.
Votre question est intéressante, puisque les ministres Brison et Joly ont entrepris une démarche en vue de réviser le Règlement sur les langues officielles, à savoir les communications avec le public et la prestation des services, dont traite la partie IV de la Loi sur les langues officielles.
Le Commissariat a entrepris cette démarche en 2005-2006 alors que j'y travaillais en tant qu'avocat. Nous avons fait une tournée canadienne pour revoir cela. Nous voulions présenter un rapport spécial au Parlement sur cette question. Il y a alors eu un changement de commissaire, qui ne considérait pas que c'était une bonne approche.
Quand je suis devenu commissaire, j'avais ces idées en tête. Ce fut d'ailleurs la première recommandation de mon premier rapport annuel que j'ai déposé au gouvernement de l'Ontario. J'ai recommandé que l'Ontario se dote d'une définition inclusive.
La DIF permet l'utilisation des mêmes données brutes dont je viens de parler. Les questions sont les mêmes. L'Ontario ne pose pas des questions différentes. C'est la méthode de calcul qui est différente en Ontario. Le gouvernement fédéral peut considérer quelqu'un comme un allophone alors qu'en Ontario, il sera considéré comme un francophone. Je m'explique à cet égard.
Prenons l'exemple d'une famille maghrébine du Maroc qui immigre ici. La première langue apprise des membres de cette famille est l'arabe. Ils arrivent en Ontario et on leur demande quelle est leur première langue apprise. Ils nous répondent que c'est l'arabe. On passe alors à la question suivante, qui vise à savoir quelle langue ils parlent régulièrement à la maison. S'ils nous répondent que c'est l'arabe et le français ou l'arabe et l'anglais, ils sont considérés comme étant des allophones. Ils parlent le français, mais ils sont considérés comme des allophones. Toutefois, la définition inclusive de l'Ontario fait en sorte que ces gens sont considérés comme étant des francophones.
Si une famille dit parler l'arabe, le français et l'anglais à la maison, aux fins des statistiques en Ontario, elle sera considérée une fois sur deux comme francophone et une fois sur deux comme anglophone.
Toutes les familles qui viennent, par exemple, de Roumanie, du Vietnam, du Sénégal, du Mali ou d'Haïti, et dont la première langue apprise est autre que le français, lorsqu'elles arrivent en Ontario, elles vivent en français. Elles participent aux activités de la communauté francophone et elles envoient leurs enfants dans des écoles françaises. Alors, pourquoi ne pas les considérer comme étant des francophones?
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Je vous remercie de la question.
Je vais revenir brièvement sur ce que M. Landry vous a dit au sujet de l'importance de la petite enfance et de l'éducation.
Si l'on voit cela comme des cercles concentriques, on constate à quel point cela est primordial pour la transmission et la vitalité de la langue. Comme nous le savons, les écoles de langue française et la petite enfance jouent un rôle crucial. Le nombre de ces personnes, dans les communautés, est aussi important. Chaque personne compte. Il importe de pouvoir identifier chaque personne qui est susceptible d'avoir le droit de fréquenter une école de langue française et de participer à l'ensemble des activités qui se déroulent en français dans nos communautés. Dans certaines d'entre elles, l'école de langue française ou le centre scolaire communautaire est l'endroit où se manifeste la vitalité de la langue. Dans certains villages, l'école est pratiquement le seul endroit où l'on peut organiser des activités et vivre en français.
À mon avis, le pouvoir d'attraction de l'école est important. Il en va de même pour la capacité d'identifier ces gens et d'agir par la suite sur leur volonté de rester francophones, de vivre en français et d'inscrire leurs enfants à une école de langue française. Les juristes expriment cela en termes de droits alors que, de notre côté, nous parlons de développement communautaire et d'activités pouvant être mises en oeuvre pour que le français soit présent sur la place publique et soit vu comme une langue intéressante. Il s'agit de la capacité d'attraction.
Pour ce qui est de savoir où se trouvent ces gens, cela nous aide à déterminer à quelle clientèle nous nous adressons réellement, où sont les gens qui nous manquent, qui ils sont et comment nous pouvons les rejoindre. D'après ce que nous savons présentement, 50 % des ayants droit n'envoient pas leurs enfants dans une école de langue française.
Est-ce vrai ou y en a-t-il davantage? Il me semble que nous aurions intérêt à le savoir.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Chers amis, c'est toujours un plaisir de vous recevoir pour discuter de questions aussi importantes. Je vous remercie d'être parmi nous aujourd'hui. Notre comité étudie plusieurs questions cruciales concernant les minorités. Dans ce contexte, il est impératif que nous trouvions des solutions et que nous formulions rapidement des recommandations .
Je vais d'abord féliciter mes collègues conservateurs et néo-démocrates — ce que je ne fais pas souvent —, qui nous appuient beaucoup à cet égard. Ils disent ne pas vivre en milieu minoritaire, ne pas avoir d'expérience sur le terrain ou disposer de toute l'information nécessaire, mais ils ont été de vrais partenaires dans le cadre de cette étude et de celles que nous avons faites depuis le début des travaux du Comité permanent des langues officielles.
Par ailleurs, je n'étais pas présent quand M. Corbeil a comparu devant le Comité. Comme les questions dont vous nous avez fait part aujourd'hui me font très mal, je n'aurais probablement pas été de bonne humeur lors de sa comparution. Je suis heureux que vous ayez pu réfléchir à ces questions.
On dit que des droits sont octroyés en fonction du nombre d'élèves, mais on ne pose pas les questions appropriées qui permettraient de donner des résultats. Cela me pose un problème.
Vous avez parlé plus tôt du nombre d'élèves qui ont besoin de services de francisation. En tant qu'ex-directeur général dans le milieu scolaire, permettez-moi de vous dire qu'environ 80 % des élèves qui s'inscrivent dans les écoles françaises de la Nouvelle-Écosse ont besoin d'appui en matière de francisation. Ce pourcentage reflète probablement la situation de l'ensemble du pays, à l'exception du Nouveau-Brunswick, bien sûr. C'est donc un problème majeur.
D'après ce qu'a dit M. Roy plus tôt, les enfants qui ont besoin de services de francisation ne sont pas couverts par les questions du recensement. Par conséquent, quand ils deviennent parents à leur tour, ils ne bénéficient pas de ces droits. Nous faisons face à un problème majeur auquel nous devons trouver une solution.
On dit que pour assurer la cohérence des données, il est important que ces questions soient posées dans le cadre du recensement plutôt que dans un contexte provincial.
Maître Power et maître Roy, avez-vous des commentaires à formuler à ce sujet?
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Merci, monsieur le président.
Je vais me faire l'avocate du diable. La conservatrice en moi va s'exprimer.
Je ne suis pas en désaccord avec tout ce qui s'est dit aujourd'hui. Au contraire, je dirais que c'est une nécessité pour les communautés francophones hors Québec d'avoir de bons outils et des données exactes pour aller de l'avant.
Avec tout le respect que je vous dois, monsieur Boileau, j'ai cependant un peu de difficulté à accepter que certaines des demandes que vous venez de faire engagent les provinces. Certaines provinces, pour ne pas les nommer, sont réfractaires à l'intervention du fédéral. Que fait-on si un certain nombre de gouvernements provinciaux ne veulent pas qu'on négocie directement avec les commissions scolaires? Vous connaissez cette réalité.
On va parler du Québec, puisque que c'est ma province. Si le fédéral remet de l'argent au Québec, il ne va pas demander à la province où cet argent sera investi, car on lui opposera un refus catégorique de répondre.
On empiète donc ainsi dans certains champs de compétence provinciaux. Ce n'est pas une bonne idée de se mettre à dos les provinces pour faire avancer le fait français à l'extérieur du Québec.
En tant que gouvernement fédéral, sans empiéter dans les champs de compétence provinciaux, quelle serait la meilleure façon de faire pour justement ne pas se mettre les provinces à dos, pour aller de l'avant avec elles et les avoir comme partenaires à l'avenir?