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Je vous souhaite la bienvenue à tous.
Conformément à l'article 108 du Règlement, nous poursuivons l'étude de l'examen des programmes d'appui aux médias des communautés de langue officielle en situation minoritaire.
Il nous fait plaisir de recevoir aujourd'hui, de la Fédération culturelle canadienne-française, Martin Théberge, président, Maggy Razafimbahiny, directrice générale, et Marie-Christine Morin, directrice adjointe.
Nous recevons aussi, de la Coopérative des publications fransaskoises, Marie-France Kenny, présidente.
Enfin, du Low Down to Hull & Back News, nous accueillons Melanie Scott, éditrice.
Bonjour et bienvenue à tous.
Nous allons procéder un peu comme nous avons l'habitude de le faire, c'est-à-dire que nous allons laisser de 5 à 6 minutes à chaque groupe pour nous faire une présentation. Par la suite, nous ferons un tour de table avec les députés pour des questions, des commentaires, et le reste. Le tout se terminera vers 17 h 30. Je vais essayer de gérer le temps le mieux possible.
Nous vous écoutons. Je pense que le premier groupe à l'ordre du jour est la Fédération culturelle canadienne-française.
Nous entrevoyons le potentiel des médias locaux en tant que vecteurs de changement et d'ouverture. Le gouvernement ne peut pas se passer des médias locaux en tant que pivot. En effet, ils lui donnent accès aux salons et aux cuisines de nos concitoyens.
Bonjour, je m'appelle Martin Théberge et je suis président de la Fédération culturelle canadienne-française, la FCCF. Comme le président l'a déjà précisé, je suis accompagné de Mme Maggy Razafimbahiny, qui est la directrice générale de notre organisme, et de Mme Marie-Christine Morin, qui en est la directrice adjointe. Je vous remercie, au nom de notre réseau, de nous avoir invités à comparaître devant vous aujourd'hui dans l'espoir que nous puissions vous outiller en vue de la défense de nos médias locaux. Nous vous félicitons d'avoir pris l'initiative d'aborder cet enjeu, qui revêt pour nous une importance fondamentale.
La FCCF est la porte-parole de la francophonie canadienne dans le secteur des arts, de la culture et des industries culturelles. Sa vision consiste à inspirer, mobiliser et transformer le Canada par les arts et la culture. Fondée en 1977, la FCCF est un organisme national dont la mission est de promouvoir l'expression artistique et culturelle des communautés francophones et acadienne. Son réseau compte 22 organismes membres, soit 7 regroupements nationaux au service d'une discipline artistique ou d'une industrie culturelle, 13 organismes oeuvrant au développement culturel et artistique dans 11 provinces et territoires du Canada, ainsi qu'un regroupement de réseaux de diffusion des arts de la scène et qu'une alliance de radios communautaires.
Dans cet enjeu dont nous traitons aujourd'hui, nous voyons converger diverses pièces essentielles du casse-tête des langues officielles. Toutes sont susceptibles d'influer sur les chances de réussite des communautés francophones et acadienne en ce qui a trait à leur développement et à leur épanouissement. La Loi sur les langues officielles est appelée à être modernisée; le nouveau Plan d'action pour les langues officielles est sur le point d'être dévoilé, sans parler de la vision « Un Canada créatif – Une vision pour les industries créatives canadiennes », qui nous invite sur la voie de l'innovation.
Nous avons toutes les raisons d'espérer que cette conjoncture particulière donnera un véritable coup de barre dans le dossier des langues officielles. Dans son budget, le ministre Morneau annonce un nouvel investissement de 400 millions de dollars afin de mettre en oeuvre le prochain Plan d'action pour les langues officielles. Considérant le travail qui doit être entrepris, cette promesse arrive à point nommé. Il faut redresser la situation dans les meilleurs délais et donner à nos médias les moyens d'optimiser leur contribution au mieux-être de nos concitoyens francophones et acadiens, partout au pays.
Les communautés de langue officielle en situation minoritaire sont avant tout un projet culturel et les médias locaux sont un outil indispensable à la réussite de ce projet. Le gouvernement doit encourager la mise en vigueur de mesures positives et d'une mécanique d'ensemble visant à favoriser la collaboration, sur tous les plans, entre les diverses parties prenantes. Les médias locaux sont enracinés dans nos communautés. Ils nous comprennent et nous connaissent parce qu'ils évoluent avec nous, dans nos milieux. Ils sont des partenaires stratégiques de nos organismes car ils nous aident à tisser des liens avec notre communauté, qu'il s'agisse d'information, d'engagement ou de participation. Ils servent de tremplin à nos actions et à nos activités. Les statistiques en font foi: le taux de pénétration des foyers des médias communautaires varie entre 54 % et 83 %, selon les régions.
Nous croyons que, dans un contexte minoritaire, avoir un média porteur dans la communauté est un besoin criant. Le fait d'avoir accès à un contenu radio produit et diffusé localement agit directement sur la fierté d'être ce que nous sommes et nous pousse à exprimer, à partager et à faire rayonner cette fierté autour de nous. Nous croyons aussi que les médias communautaires influent sur la cohésion sociale et l'accueil des nouveaux arrivants dans nos communautés.
La FCCF est d'avis qu'il faut provoquer des occasions, d'abord, en invitant l'ensemble des parties prenantes à participer à une réflexion globale sur l'actualisation des médias au pays; ensuite, en encourageant le potentiel de création d'emploi et d'apprentissage expérientiel qu'offrent les médias locaux dans nos milieux et en misant sur ce potentiel. Par respect pour l'expertise et les capacités uniques des médias locaux, il faut aussi inviter ceux-ci à participer à l'élaboration d'une stratégie globale de promotion des communautés francophones et acadienne. Cette stratégie serait conçue conjointement par le gouvernement et le secteur communautaire, à titre de partenaires stratégiques clés. En outre, l'usager serait au centre de la réflexion et des stratégies qui en découleraient. Il faut aussi agir sur la sensibilité du gouvernement à l'égard des communautés de langue officielle en situation minoritaire et sur la connaissance qu'il en a. Les médias locaux jouent un rôle clé sur ce plan.
La FCCF est fière de compter parmi ses membres l'Alliance des radios communautaires du Canada, ou l'ARC du Canada, qui est la gestionnaire globale du dossier de la radiodiffusion communautaire en milieu minoritaire francophone au pays. Nous faisons d'ailleurs écho à ses propos.
Je cite ici son mémoire, réalisé conjointement avec l'Association de la presse francophone, ou l'APF, et l'Association des journaux régionaux du Québec, ou l'AJRQ, au sujet des médias communautaires en situation minoritaire, et qui a été présenté dans le cadre des consultations pancanadiennes sur les langues officielles menées par le ministère du Patrimoine canadien, en 2016:
[...] les médias communautaires en situation minoritaire contribuent directement à l'indice de vitalité de leurs communautés respectives. Ils touchent les sujets qui ne sont pas couverts par les grands médias et qui sont directement en lien avec le quotidien des communautés. Ils peuvent couvrir des sujets plus larges, mais ils le font toujours en faisant des liens avec les enjeux de leurs communautés locales et régionales.
Au-delà de leur mission d'information et de divertissement, les médias locaux se reconnaissent le devoir d'appuyer le développement des communautés. On pense, entre autres, à la formation technique et professionnelle qu'ils procurent à leurs effectifs. La valeur et la contribution des médias locaux en tant que milieu d'apprentissage professionnel et technique doivent être mieux reconnues. Voilà un exemple de complémentarité à explorer davantage.
Au-delà de la santé sociétale, l'action dynamique des médias locaux est vitale au secteur des arts et de la culture, dont nous sommes le porte-voix. Aucun autre acteur dans l'écosystème des communications au Canada ne serait en mesure de nous offrir une valeur équivalente. Nos médias locaux ont pour effet de catalyser nos efforts sur le plan de la diffusion. Ils ont aussi un impact direct sur le développement de la carrière des artistes en émergence de chez nous, qui, autrement, ne seraient pas valorisés par les médias de masse.
Les médias locaux sont dans une situation très précaire, ce qui porte atteinte à leur capacité de jouer pleinement leur rôle. La stratégie de placement publicitaire du gouvernement fédéral de la dernière décennie a miné le réseau. Les médias locaux sont en crise financière et un réinvestissement s'impose dans les meilleurs délais. On a assisté à des fermetures et d'autres sont à prévoir à court et à moyen terme, tandis que certains subsistent à peine.
Il est critique de se pencher sur une stratégie d'investissement cohérente à court terme, dans le but de stabiliser la base de nos effectifs en médias locaux qui n'ont pas accès à un financement stable et récurrent.
Dans son mémoire conjoint avec I'APF et l'AJRQ, la FCCF appuie les mesures proposées par l'Alliance des radios communautaires.
Le réseau des médias communautaires, notre outil vital de communication à teneur locale, vivote. La logique du plus grand nombre et l'intérêt commercial priment, au détriment de la contribution essentielle de ces médias. La Société Radio-Canada, notre seul diffuseur national de langue française, est de moins en moins capable de desservir nos régions et de les faire participer à l'élaboration de contenus qui leur sont propres.
II faut préserver la capacité de nos développeurs de contenus francophones. C'est justement à cela que nous convie la vision émise par le gouvernement I'automne dernier, avec I'annonce d'« Un Canada créatif – Une vision pour les industries créatives canadiennes »: « II est temps pour le Canada d'aller de l'avant avec confiance et de placer la barre plus haut. » Ce sont les mots qu'a prononcés la , et c'est dans cette optique que la FCCF se positionne en tant que catalyseur prêt à rallier les forces vives du secteur et à I'aiguiller dans la même direction.
Nous exhortons le gouvernement du Canada à s'engager sur la voie de l'innovation et à entreprendre un travail rigoureux de design de solutions avec les médias locaux et les organismes nationaux pertinents. II faut habiliter les médias communautaires à jouer pleinement leurs rôles, valoriser leur contribution et leur donner les moyens de multiplier les effets bénéfiques de leurs actions.
Nous misons sur la portée de vos travaux et serons heureux de travailler avec vous.
Je vous remercie du temps que vous nous avez accordé.
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Monsieur le président, monsieur le secrétaire parlementaire, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie sincèrement d'avoir invité la Coopérative des publications fransaskoises, qui publie le journal
L'Eau vive, en Saskatchewan, depuis 1971. Je m'appelle Marie-France Kenny et j'en suis la présidente depuis mai 2017.
Tout d'abord, laissez-moi vous parler de notre journal. Notre journal était un hebdo jusqu'en mars 2016. En raison du manque de ressources financières, nous avons dû fermer pendant quelques mois et nous réorganiser. Grâce à la grande mobilisation de notre communauté et à la grande générosité du Centre de la francophonie des Amériques, de l'Assemblée communautaire fransaskoise et de Zachary Richard, nous avons amassé 49 000 $. Je vais vous démontrer à quel point la communauté tient à notre journal: si on fait le calcul par personne, ce serait comme si l'Ontario avait amassé 1,7 million de dollars. Nous avons donc relancé le journal grâce à des bénévoles engagés et à du personnel dévoué. Toutefois, nous avons diminué le nombre de publications à deux par mois plutôt qu'une par semaine.
Nous comptons sur un employé et demi. Il y a 13 communautés qui sont éloignées, et il faut huit heures pour se rendre de la plus éloignée à l'autre bout. Notre personnel doit donc coordonner le contenu du journal, couvrir la nouvelle, faire la rédaction et la révision des textes, gérer les pigistes, alimenter les réseaux sociaux quotidiennement, travailler avec l'infographe à la mise en page, faire la correction d'épreuves, faire les suivis avec l'imprimeur, numériser le tout, faire les demandes de subvention, faire les rapports aux bailleurs de fonds, faire les suivis concernant le budget, s'occuper de la vente de publicités et d'abonnements, répondre aux appels et au courrier, et j'en passe.
Certains de mes collègues des autres provinces et de l'APF qui ont témoigné avant moi vous ont donné une foule d'excellentes pistes de solution, dont le crédit d'impôt à la production d'information originale canadienne, la création d'un programme de remboursement partiel ou de crédit d'impôt pour les investissements numériques et le remboursement de la TPS à ceux qui font de la production originale canadienne, comme c'est le cas pour les livres. Je suis totalement d'accord sur ces solutions. On vous a aussi parlé de la publicité gouvernementale, et c'est là-dessus que j'aimerais mettre l'accent pour vous expliquer ce qui se passe maintenant entre le gouvernement et nos médias communautaires.
Vous conviendrez avec moi que le gouvernement du Canada a le mandat de communiquer avec l'ensemble des citoyens du Canada. De plus, la Loi sur les langues officielles exige qu'il le fasse dans les deux langues officielles.
À L'Eau vive, nous comptons sur 650 abonnements, dont seulement 30 sont exclusivement numériques. Personnellement, je ne vois que la version numérique. Tous, mis à part ces 30 abonnés, ont choisi les versions papier et numérique. C'est donc dire que la majorité de notre lectorat, même si certains prennent la version numérique, préfèrent avoir la version papier, sinon ils se désabonneraient de celle-ci pour ne prendre que l'abonnement numérique.
La Saskatchewan est grande. Plusieurs de nos communautés sont situées dans de petites régions rurales éloignées et n'ont pas accès à Internet haute vitesse. Nous sommes le seul diffuseur dont le produit est imprimé en français, en Saskatchewan. Un grand pan de notre communauté n'a donc pas accès aux publicités du gouvernement fédéral. Pourquoi? C'est parce que, en novembre 2013, la direction de la Coordination de la publicité des partenariats, lors d'une rencontre du Comité de concertation sur la publicité et les médias des communautés de langue officielle en situation minoritaire, aurait confirmé, en quelque sorte, un virage sur Internet pour l'achat de publicité. Ce virage a été confirmé par la suite par une directive émanant du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada.
Je ne vois aucun problème à donner la priorité à la publicité sur Internet, mais qu'on le fasse sans d'abord consulter les communautés et sans tenir compte des habitudes de nos abonnés, de la population — vieillissante dans notre cas — en Saskatchewan et du fait que plusieurs francophones en situation minoritaire n'ont pas accès à Internet haute vitesse et n'auront donc pas accès à la publicité du gouvernement fédéral, contrevient, à mon avis et de l'avis du ou de la commissaire aux langues officielles qui était en poste à ce moment-là, à la Loi sur les langues officielles. Encore, si on avait pu continuer à acheter de la publicité sur nos sites Web et dans notre journal, on aurait pu continuer à rejoindre ce lectorat.
Là où le bât blesse, c'est que le gouvernement fédéral a décidé, avec ce virage sur Internet, d'annoncer ou non sur des sites Internet en se basant sur l'achalandage des sites. Comprenez que le journal en est un de la Saskatchewan qui compte 650 abonnés. Je ne ferai donc jamais compétition à Google, à Facebook, au Journal de Montréal ou même à d'autres journaux francophones d'autres provinces et territoires. Plus le nombre de gens qui fréquentent le site est élevé, plus il y aura de publicités. La publicité fédérale a donc disparu de nos médias francophones. C'est ce qui s'est produit.
Je comprends qu'il y ait une directive en ce sens, mais il n'y a pas de directive visant à faire en sorte que le gouvernement continue systématiquement à annoncer dans les journaux pour offrir aux citoyens francophones l'accès à cette publicité. La loi dit que le gouvernement fédéral doit afficher les postes dans les deux langues officielles; c'est dans la loi.
Seulement pour notre petit journal, L'Eau vive, cela représente une perte de revenus de 50 000 $ par année. La perte de revenus de 1,5 million de dollars pour l'ensemble des journaux et des radios communautaires n'est pas faramineuse, mais pour de petits journaux et de petites radios, ça l'est. C'est ce que plusieurs personnes et moi pensons. Il en va de la survie de nos médias. À part Radio-Canada, nous sommes le seul média francophone qui rejoigne les gens en Saskatchewan.
Dans son rapport d'enquête de 2017, la commissaire aux langues officielles par intérim a donné raison aux communautés qui avaient porté plainte. Avant de prendre des décisions, le gouvernement aurait dû consulter les communautés et mettre en place des mesures pour en atténuer l'impact sur l'ensemble des communautés. Je ne parle pas ici seulement d'argent, mais de la possibilité des membres de notre communauté d'avoir accès à la publicité fédérale.
Il existe une solution immédiate, facile et peu coûteuse à mon avis: émettre une directive selon laquelle toute publicité du gouvernement fédéral sur Internet doit être systématiquement placée dans nos journaux en version papier et en version numérique, de même que dans les radios communautaires des communautés de langue officielle en situation minoritaire. Ainsi, le gouvernement du Canada pourra dire qu'il s'acquitte de son obligation en matière de langues officielles en plaçant de la publicité dans les deux langues afin de rejoindre l'ensemble de la population. Comme je l'ai déjà dit, on parle d'une somme de 1,5 million de dollars par année.
J'aimerais vous parler brièvement du virage numérique.
Ma collègue du journal La Liberté vous en a déjà parlé. Si certains journaux ont déjà fait ce virage, d'autres ne l'ont pas encore fait. Nous avons l'équivalent d'un employé et demi. Étant donné que les gens sont plutôt abonnés à la version papier, la version numérique n'est pas ce qui est le plus rapide chez nous.
Je sais qu'on prévoit investir dans le numérique, notamment dans ces fameux groupes de réflexion, mais le journal L'Eau vive n'a pas besoin de réfléchir avant de passer au numérique; il faut qu'elle le fasse. Or, pour y arriver, nous avons besoin de ressources. Nous avons un portail que nous peinons à mettre à jour parce que nous n'avons pas les ressources nécessaires. La création d'un fonds pour aider nos médias à faire la transition vers le numérique, plutôt que le fait de s'asseoir et d'y réfléchir, serait davantage efficace.
Nous estimons qu'un investissement de 50 000 $ nous permettrait de franchir l'étape nécessaire pour que le journal L'Eau vive devienne numérique, tout en conservant la version papier.
Le soir du budget, j'ai reçu un appel du cabinet de la . On me demandait ce que je pensais des mesures annoncées dans le budget pour les journaux de langue officielle en situation minoritaire. J'ai alors parlé du dossier de la publicité fédérale et on m'a dit que cela ne relevait pas de la ministre Joly.
Permettez-moi de vous lire un extrait de la lettre de mandat de la ministre Joly: « Travailler avec le Président du Conseil du Trésor d'assurer que tous les services fédéraux soient dispensés en conformité totale avec la Loi sur les langues officielles ». La lettre de mandat du président du Conseil du Trésor emploie les mots « en parfaite conformité ».
Il est clair qu'en ne tenant pas compte de l'impact sur les communautés en situation minoritaire, la directive émise par le Secrétariat du Conseil du Trésor ne respecte pas la partie VII de la Loi sur les langues officielles.
Cela va faire 50 ans que nous avons une loi sur les langues officielles. En 2009, j'étais devant ce comité — qui n'était pas composé des mêmes personnes — et je demandais quand on allait finir par appliquer cette loi. Là, je pense qu'il est temps de le faire, d'autant plus que demain, ce sera la Journée internationale de la Francophonie.
Aujourd'hui, maintenant, ce comité à la possibilité de réparer rapidement un tort qui nuit considérablement à nos communautés de langue officielle en situation minoritaire et qui contrevient à la Loi sur les langues officielles. Le Comité doit recommander qu'on émette une nouvelle directive voulant que toutes les publicités fédérales passent systématiquement dans nos médias en version papier comme en version numérique.
Mesdames et messieurs, je vous invite à poser ce geste concret et d'en faire une recommandation dans votre rapport. L'avenir et la vitalité de nos communautés en dépendent.
Je vous remercie.
Mes commentaires vont dans le même sens, mais du point de vue des anglophones.
[Traduction]
Merci de m'avoir invitée à témoigner.
Je m'appelle Melanie Scott, rédactrice du Low Down to Hull & Back News, un hebdomadaire communautaire destiné à une population anglophone minoritaire publié à Wakefield, au Québec, juste au nord de Gatineau. Ayant vécu à l'étranger, je peux confirmer la réussite que connaît notre nation dans les efforts qu'elle déploie pour établir et maintenir une société bilingue.
Un grand nombre de communautés ne disposent pas des ressources nécessaires pour fournir des services dans les deux langues officielles ou, comme la municipalité de La Pêche, n'ont pas accès à Internet haute vitesse. Les journaux locaux sont essentiels pour les communautés qu'ils servent, car ils permettent de connecter les gens et de fournir des renseignements primordiaux que personne d'autre ne diffuse. Dans le cas du Low Down, un des rares journaux communautaires qui demeurent indépendants, dynamiques et vitaux pour son lectorat, il constitue la seule source anglophone fiable de nouvelles et d'informations dans notre région. Il n'existe aucune autre source vers laquelle les gens peuvent se tourner pour obtenir des articles objectifs ayant fait l'objet de recherches exhaustives.
Notre journal n'est pas comme un grand quotidien. Les journaux quotidiens ont perdu leur lectorat, mais ce n'est pas notre cas. Nous connaissons nos communautés mieux que quiconque, car nous y vivons et y travaillons. Notre quotidien est lu d'une couverture à l'autre chaque semaine.
Il ne faut pas confondre les médias sociaux et les médias réels. Le contenu issu des utilisateurs ne remplacera jamais les vraies nouvelles, car les utilisateurs n'interrogent pas les gens, ne participent pas aux réunions des conseils municipaux et ne posent pas de questions difficiles comme le font les journalistes. Nous avons tous entendu parler des fausses nouvelles et de leurs effets secondaires néfastes. Il est absolument essentiel que les sources de vraies nouvelles soient soutenues pour que Facebook, Twitter et Instagram ne soient pas les médias vers lesquels les gens se tournent pour s'informer, peu importe la langue utilisée.
Les plateformes de médias sociaux et les services d'agrégation de nouvelles récupèrent notre travail, le modifiant parfois au passage sans tenir compte de son origine et sans le payer. Au début, les médias se demandaient s'il fallait publier les nouvelles en ligne ou non. Les services de nouvelles ont fait l'erreur d'offrir leur contenu gratuitement sans penser à l'avenir. Je le sais; j'étais là.
Le monde des nouvelles en ligne est maintenant une pagaille chaotique. Même si on nous rappelle constamment qu'il faut être en ligne pour survivre, les services en ligne ne permettent pas de payer les factures. Nous sommes obligés d'adopter un médium qui est plus susceptible de nous acculer à la faillite que d'assurer notre survie. À titre de journaliste, j'ai publié mes articles dans des dizaines de grands journaux et magazines, mais le travail de rédactrice que j'ai accompli pour le journal d'une toute petite ville s'est révélé plus gratifiant que tout ce que j'ai fait d'autre, car je vois quotidiennement des preuves de notre lien avec la communauté.
Je vais traiter très brièvement du Fonds du Canada pour les périodiques, qui a joué un rôle fondamental en maintenant des publications anglophones et francophones en vie, y compris la nôtre. Bien que les publications aient grandement besoin de son soutien, il a accordé des subventions à des publications qui ont cessé de paraître ou qui ne paraissent plus conformément aux conditions de ces subventions. Par exemple, comme l'a révélé Canadaland, qui a obtenu ces renseignements dans le cadre d'une demande d'accès à l'information, le magazine hebdomadaire Maclean's a reçu 1,5 million de dollars en 2016, puis a réduit son édition papier de 75 %, et Châtelaine, après avoir reçu près de 2,5 millions de dollars du fonds, est passé de 12 à 6 numéros pas année pour les éditions anglaise et française. Rogers Media, une filiale de Rogers Communications, qui est coté à la Bourse de Toronto, est une puissance médiatique qui a reçu du fonds 16 subventions d'une valeur de près de 9 millions de dollars en 2016-2017, mais elle a sommairement suspendu ou vendu les 16 publications pour lesquelles elle a reçu ces fonds, ou en a réduit le calendrier de parution.
Ces exemples montrent comment le Fonds du Canada pour les périodiques ne remplit pas son mandat, et je cite:
Le Fonds du Canada pour les périodiques fournit une aide financière aux magazines imprimés, aux journaux non quotidiens et aux périodiques numériques afin de leur permettre de continuer à offrir aux Canadiennes et aux Canadiens le contenu que ces derniers désirent lire malgré les désavantages du marché.
Rogers ne surmonte pas les désavantages du marché; il fait de l'argent. Ses actions ont terminé la journée à 58,72 $ vendredi.
Il faut effectuer un examen du fonds pour veiller à ce que les publications anglophones et francophones qui sont essentielles pour les communautés qu'ils servent et qui sont vraiment dans le besoin aient une chance de survie. Les gestionnaires du fonds doivent examiner plus attentivement ce qu'il se passe dans le monde réel de l'édition.
En outre, le gouvernement fédéral doit respecter les publications indépendantes en y achetant des espaces publicitaires annonçant des services publics qui fournissent des renseignements essentiels pour la population canadienne. Comme je l'ai souligné, bien des habitants des communautés rurales ne peuvent accéder à l'information en ligne et dépendent des journaux pour se tenir informés de ce que fait leur gouvernement.
Croyez-moi, personne ne se dirige en journalisme pour l'argent ou la gloire. Les horaires sont déments, la paie, pitoyable, et le stress, constant. Non, nous ne sommes pas des neurochirurgiens, mais si un rédacteur ne réussit pas à publier le journal à temps, la situation est fort simple; comme le déclarerait Donald Trump, on est congédié. Nous publions sans faute notre journal à temps chaque semaine depuis 45 ans en 2 250 exemplaires. Cette longue histoire, au cours de laquelle nous avons servi nos lecteurs, pourrait se terminer en raison de forces extérieures que nous ne pouvons contrôler.
J'espère avoir jeté une certaine lumière sur une industrie qui a besoin d'aide pour que les Canadiens reçoivent de vraies nouvelles dans la langue de leur choix, peu importe où ils vivent.
Merci.
:
Je vous remercie, monsieur le président.
[Traduction]
Merci de témoigner.
[Français]
Je représente la circonscription de , au nord de Montréal. Elle englobe Deux-Montagnes, Saint-Eustache, Boisbriand et Rosemère.
[Traduction]
Il s'y trouve une communauté anglophone où on publie le North Shore News. Je suis certaine que vous le savez, étant membre de l'association des 40 partenaires.
[Français]
Je comprends très bien quand vous dites que, dans la région de Montréal, vous n'existez pas dans les banlieues pour faire des nouvelles. Il faut des médias locaux, et vous n'avez pas besoin de m'en convaincre.
Dans ma circonscription, il y a deux journaux locaux. Le Groupe JCL publie un journal francophone, et le North Shore News couvre les communautés anglophones. En effet, 20 % de la population que je représente sont anglophones. C'est un pivot.
Pour ce qui est des nouvelles et des annonceurs, vous avez parlé plus tôt du Journal de Montréal . Si les gens de la Saskatchewan lisent le Journal de Montréal, les annonceurs ne rejoindront pas les consommateurs. Compte tenu du bassin de population, si les annonceurs veulent rejoindre les clients, il faut des médias sociaux.
Je vais faire une petite parenthèse. Si vous voulez ajouter quoi que ce soit que vous n'avez pas dit, quoi que ce soit qui aiderait le Comité à faire son rapport, vous pouvez l'envoyer à la greffière par écrit.
J'ai eu une discussion avec le Groupe JCL. Oui, c'est un média en milieu majoritaire, mais voici ce qu'il a fait dernièrement.
Vous parlez toujours de vous tourner vers une version numérique. Il faut bien alimenter la plateforme numérique, à la condition, bien sûr, que les gens aient Internet haute vitesse. Même dans la banlieue nord de Montréal, il y a certains endroits où les gens n'ont pas accès à Internet haute vitesse.
Une plateforme numérique coûte cher, car il faut constamment l'alimenter en nouvelles. On nous a dit ici que cela coûtait plus cher que de publier une version papier du journal toutes les deux semaines ou chaque semaine.
Le Groupe JCL a changé sa façon de faire. Il a décidé que, tant qu'un contenu n'est pas dans la version papier, il ne le met pas sur sa plateforme numérique. The North Shore News, de son côté, publie tout en même temps.
Que pensez-vous de cela?