LANG Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des langues officielles
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 30 mai 2019
[Enregistrement électronique]
[Français]
Nous allons commencer la réunion 147, qui est télévisée aujourd'hui.
Nous avons l'honneur de recevoir aujourd'hui le commissaire aux langues officielles, M. Raymond Théberge.
Conformément à l'article 108(3)f) du Règlement, nous étudions le rapport annuel du commissaire aux langues officielles 2018-2019, renvoyé au Comité le jeudi 9 mai 2019.
Pour donner un peu de contexte sur la réunion d'aujourd'hui à tous les citoyens et à toutes les citoyennes qui nous écoutent, je précise que la loi prévoit la présentation d'un rapport annuel du commissaire aux langues officielles. C'est le cas depuis 1969, si je ne me trompe pas. Les conventions et traditions du Comité prévoient que nous recevions chaque fois, de manière diligente, le commissaire afin qu'il présente directement son rapport.
Monsieur le commissaire, vous aurez 10 minutes, comme c'est la coutume, pour nous faire part de vos propos d'introduction. Après, selon la procédure du Comité, nous ferons un tour de table pendant une heure.
Merci à vous et à votre équipe d'être ici aujourd'hui, soit Mme Giguère, commissaire adjointe, et Mme Saikaley.
La parole est à vous, monsieur le commissaire. Nous vous écoutons.
Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Bonjour, mesdames et messieurs.
Avant de commencer, je tiens à remercier le Comité pour son engagement à l'égard de l'avancement des deux langues officielles du Canada. Les travaux de ce comité, complémentaires aux activités du commissariat, sont d'une grande importance. C'est pourquoi je suis toujours heureux d'être invité à comparaître devant vous.
J'aimerais souligner la présence à mes côtés de Ghislaine Saikaley, commissaire adjointe, et de Pascale Giguère, avocate générale.
Je suis ici afin de vous présenter mon rapport annuel 2018-2019 ainsi que mon document de positionnement sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles.
Je tenais à présenter ces deux documents essentiels à la modernisation de la Loi afin d'influencer le processus décisionnel du gouvernement, et de proposer des solutions sur la façon dont ce dernier devrait procéder. Le gouvernement du Canada, les institutions fédérales, les tribunaux, les communautés et de nombreuses personnes ont contribué à faire du français et de l'anglais les langues de conversation au pays.
Nous avons fait beaucoup de chemin depuis 1969. Aujourd'hui, 50 ans plus tard, je constate que le Canada est loin d'être arrivé à destination en ce qui a trait aux langues officielles. En 2019, les droits linguistiques fondamentaux des Canadiens ne sont toujours pas respectés. Hélas, les Canadiens ne peuvent pas toujours obtenir des services dans la langue officielle de leur choix de la part des institutions fédérales, même quand ils y ont droit.
Les fonctionnaires fédéraux ne sont toujours pas en mesure de travailler dans la langue officielle de leur choix dans les régions désignées bilingues. Les communautés de langue officielle en situation minoritaire ne sont pas toujours consultées ou écoutées lorsque le gouvernement adopte de nouvelles politiques ou modifie des programmes. La population canadienne ne reçoit pas toujours d'importants renseignements de sécurité dans la langue officielle de son choix. Les électeurs canadiens ne peuvent pas toujours voter dans la langue officielle de leur choix, même s'il s'agit d'un droit fondamental.
[Français]
Nous devons trouver des solutions à long terme à ces problèmes systémiques. Mon rapport annuel fait état de quatre recommandations, dont l'une est de demander au premier ministre de déposer un projet de loi pour moderniser la Loi d'ici 2021. Les 18 autres recommandations formulées dans mon document de positionnement sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles sont des pistes de solution pour faire progresser les langues officielles de façon concrète et durable.
Je crois fermement que le gouvernement peut réaliser des progrès considérables dans ces dossiers s'il met en œuvre mes recommandations, qui sont le fruit des 50 ans d'expérience et d'expertise du Commissariat aux langues officielles. Ces recommandations appuient également les trois grandes priorités que j'ai établies au début de mon mandat, soit d'assurer la surveillance du plan d'action pour les langues officielles, de veiller à ce que les institutions fédérales respectent leurs obligations en matière de langues officielles et de moderniser la Loi sur les langues officielles.
Mon rapport annuel comprend des recommandations précises à l'intention de la ministre du Tourisme, des Langues officielles et de la Francophonie. L'objectif est la mise en œuvre de mécanismes de responsabilisation au regard des fonds consacrés aux programmes à l'appui des langues officielles, comme ceux prévus par le plan d'action pour les langues officielles. Nous devons veiller à ce que ceux-ci donnent des résultats dans les communautés ciblées. En ce qui concerne, notamment, les fonds que le gouvernement fédéral verse aux provinces et aux territoires par l'entremise d'ententes en matière d'éducation en langues officielles, il faut s'assurer que ceux-ci rendent compte de l'utilisation de ces fonds. De plus, je propose des solutions pour améliorer la conformité des institutions fédérales à la Loi sur les langues officielles.
La division des responsabilités liées aux langues officielles, qui existe au sein du gouvernement, porte à confusion et se révèle inefficace. C'est pourquoi je tiens à ce qu'une structure de gouvernance efficace soit intégrée à la version modernisée de la Loi, afin que les institutions fédérales et leurs représentants comprennent mieux leurs obligations et leurs responsabilités.
Je recommande donc que le premier ministre précise, avant le dépôt du prochain budget fédéral, les rôles et les responsabilités du gouvernement du Canada en matière de langues officielles.
[Traduction]
De nombreuses communautés à l'échelle du pays ont réalisé d'importantes avancées depuis l'adoption de la Loi sur les langues officielles en 1969. Cela dit, le fait que la Loi n'ait pas évolué au même rythme que les réalités canadiennes et les besoins des communautés a bien trop souvent freiné son progrès. Mon document de positionnement sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles comprend un ensemble clair de recommandations destinées au gouvernement fédéral. Ces dernières visent à garantir que la Loi modernisée est actuelle, dynamique et robuste. Nous savons où se trouvent les maillons faibles de la Loi, et mes recommandations proposent 18 solutions pour les corriger.
Par exemple, aux termes de la Loi, les obligations relatives à la prestation de services au public dans les deux langues officielles, la partie IV, et les droits des fonctionnaires en matière de langue de travail, la partie V, ne sont pas harmonisés. Ainsi, mes recommandations soulignent l'importance d'harmoniser ces deux parties de la Loi afin que les droits et les obligations concernant la langue de travail à la fonction publique soient clairs, actuels et cohérents.
Aussi, la mise en oeuvre et l'interprétation de la partie VII de la Loi, soit la promotion du français et de l'anglais, continuent de poser d'importantes difficultés. C'est pour cette raison que je recommande l'élaboration d'un règlement relatif à la partie VII, ce qui permettrait de clarifier certains concepts et d'établir des paramètres pour diriger les institutions fédérales dans l'adoption de mesures positives.
Les communautés de langue officielle garantissent une présence notable des deux langues officielles aux quatre coins du pays. Elles sont la pierre angulaire de la dualité linguistique au Canada. En tant que commissaire, je profiterai de toutes les occasions pour porter à l'attention du gouvernement fédéral et du Parlement les difficultés de ces communautés.
De plus, en tant que promoteur et protecteur des droits linguistiques, je crois qu'il est important d'innover. Cela peut se faire, entre autres, en offrant aux institutions fédérales des outils pertinents et utiles afin de les aider à se conformer à leurs obligations en matière de langues officielles. Bien que la majorité de mes recommandations soient mises en oeuvre par les institutions fédérales grâce aux enquêtes menées par mon équipe, cela n'aboutit pas nécessairement à un comportement durable. En effet, les plaintes se sont multipliées depuis 2012, et nous sommes passés d'environ 400 plaintes à plus d'un millier.
[Français]
Afin de pallier les problèmes systémiques auxquels il n'est pas toujours possible de répondre par des enquêtes, mon équipe lancera en juin 2019 un nouvel outil: le Modèle de maturité des langues officielles. Cet outil permettra aux institutions fédérales de poser un diagnostic sur leurs pratiques en matière de langues officielles afin de les aider à progresser de façon continue.
Enfin, j'aimerais saisir l'occasion de préciser que ma vision va bien au-delà de modifications de nature législative et réglementaire.
De nombreux jalons ont été franchis depuis l'adoption de la première Loi en 1969, je le concède. Toutefois, pouvons-nous réellement affirmer que la vision du législateur s'est concrétisée? Que nous réserve l'avenir si nous continuons à répéter les mêmes gestes, à prendre les mêmes décisions et à adopter les mêmes réflexes? Aurons-nous des visionnaires et des ambassadeurs au gouvernement fédéral et dans la société canadienne pour porter et célébrer le dossier des langues officielles pour les 50 prochaines années?
Je n'attends rien de moins qu'un engagement, un leadership et un changement de culture de la part du gouvernement fédéral afin que la dualité linguistique puisse s'épanouir pleinement, partout au Canada. En 2019, j'entends remettre les pendules à l'heure.
[Traduction]
Pour assurer la pertinence et la pérennité de la Loi et en viser l'application optimale, trois choses sont nécessaires pour le gouvernement fédéral: stopper l'érosion des droits linguistiques; moderniser la Loi; et assurer un leadership clair et affirmé.
Il est essentiel que le gouvernement fédéral réfléchisse aux changements dont la Loi doit faire l'objet. Les recommandations de mon rapport annuel et celles qui ciblent la modernisation de la Loi sont des pistes de solution qui serviront à protéger les droits linguistiques des Canadiens et à favoriser la dualité linguistique dans l'ensemble du pays.
[Français]
Je vous remercie de votre attention.
Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions, que je vous invite à poser dans la langue officielle de votre choix.
Monsieur le commissaire, je vous remercie de votre discours introductif et de votre rapport annuel. Je pense qu'il s'agit de votre deuxième rapport depuis que vous êtes en poste. C'est un rapport captivant et je suis sûr que mes collègues auront des questions intéressantes à vous poser.
J'en profite pour souhaiter à M. Ouellette la bienvenue au plus grand comité de la Chambre des communes. En effet, c'est ici que l'unité nationale se joue de jour en jour.
Je vous remercie de votre présence, monsieur.
Nous commençons nos questions et je cède la parole à Mme Boucher.
Bonjour monsieur Théberge.
Je suis toujours très contente de vous recevoir au Comité permanent des langues officielles et de constater que vous appréciez beaucoup le travail que nous y faisons. Cela fait du bien de voir qu'un comité est capable d'être non partisan la plupart du temps.
Vous dites dans votre discours que « [l]a division existante des responsabilités liées aux langues officielles au gouvernement porte à confusion et se révèle inefficace. C'est pourquoi je tiens à ce qu'une structure de gouvernance efficace soit intégrée à la version modernisée de la Loi [...] »
Pouvez-vous développer vos deux idées: où cela porte-t-il à confusion et que voudriez-vous voir en matière de gouvernance efficace?
Je vous remercie.
Présentement, dans l'appareil fédéral, la gouvernance en matière de langues officielles est répartie entre le Conseil du Trésor, qui s'occupe des parties IV, V et VI, et le ministère du Patrimoine canadien, qui s'occupe de la partie VII. Celle-ci touche surtout les communautés tandis que les parties IV et V concernent les communications, la prestation de services et la langue de travail. La difficulté, avec cette approche, est qu'il n'y a pas une personne, un ministre ou une structure qui est responsable de la gestion des langues officielles dans l'ensemble de l'appareil fédéral. Pour remédier à cette situation, certains ont proposé que l'on confie cela au Conseil du Trésor. D'autres ont proposé que ce soit confié au Bureau du Conseil privé. Or, il faut s'entendre sur certains principes. Je crois que si on arrive à le faire, on pourra s'entendre sur le choix de l'organisme central qui assurera cette gestion.
Comme je l'ai dit dans ma présentation, il faut premièrement clarifier les rôles et les responsabilités, autrement dit, déterminer qui est responsable et qui fait quoi au sein de l'appareil fédéral. Deuxièmement, on doit se doter d'un cadre de reddition des comptes. En d'autres mots, pour les langues officielles, il faut qu'il y ait des indicateurs pour préciser qui fait quoi. Troisièmement, on parle souvent de la « lentille langues officielles ». Il faut qu'il y en ait une pour tous les programmes et toutes les activités. Au lieu de penser aux langues officielles après avoir élaboré un programme, on devrait y penser dès le début. Quatrièmement, il faut une bonne gestion, une bonne intendance, ce qui implique de la promotion. Il faut promouvoir les langues officielles, et pas seulement au sein de l'appareil fédéral. Croyez-le ou non, mais, encore aujourd'hui, il y a des organismes fédéraux qui, sans nécessairement remettre en cause le fait qu'ils sont assujettis à la Loi sur les langues officielles, interprètent de façon très étroite leurs obligations. Enfin, il faut toujours s'assurer de parer le recul des langues officielles.
En 2003, le ministre responsable des langues officielles était M. Stéphane Dion, qui était au Conseil privé. D'autres ministres faisaient aussi partie de ce groupe. Ils étaient appuyés par un comité de sous-ministres. Par conséquent, lorsqu'un message partait d'en haut, on savait clairement où il allait. Aujourd'hui, il n'y a plus de comité de sous-ministres responsables des langues officielles. Il y a un comité formé de sous-ministres adjoints responsables des langues officielles qui relèvent de divers patrons. À mon avis, il faut que cette structure soit beaucoup plus centralisée et qu'il y ait un décideur en matière de langues officielles. C'est extrêmement important, parce que lorsque tout le monde est responsable, personne ne l'est.
On dit souvent que c'est une question de volonté politique. Il y a effectivement un aspect politique. Nous sommes des politiciens et notre mentalité est différente. Cela dit, croyez-vous que la machine elle-même s'adapte à la volonté des politiciens de moderniser les langues officielles? La machine est-elle prête à faire des concessions?
Souvent, nous jouons le jeu politique et il arrive que nous nous taquinions. Or, nous savons très bien que la machine est derrière nous. Nous allons passer, mais la machine, elle, va demeurer.
Est-ce que la machine gouvernementale s'est adaptée aux langues officielles?
Pendant les 10 dernières années, voire un peu plus, l'offre de services du gouvernement en matière de langues officielles a plafonné. Évidemment, il y a des difficultés et des défis du côté de la langue de travail, mais, à l'égard des langues officielles, une culture de complaisance s'est installée dans l'ensemble de l'appareil fédéral, à mon avis.
[Traduction]
Merci beaucoup d'être de nouveau parmi nous. Nous vous sommes réellement reconnaissants d'être présents.
Bien entendu, au Québec, nous faisons en ce moment face à une situation un peu étrange dans laquelle les commissions scolaires pourraient être menacées. Nous savons que cela peut représenter un risque énorme pour la communauté minoritaire qui devrait avoir accès à l'enseignement dans sa langue.
Dans votre troisième recommandation, vous en parlez un peu. Vous dites que la ministre des Langues officielles devrait envisager d'ajouter des clauses linguistiques assorties de mécanismes de transparence permettant au gouvernement fédéral de mesurer la conformité des provinces et des territoires.
Pouvez-vous nous fournir plus de renseignements à ce sujet et nous donner des exemples?
Il est clair qu'au fil des ans, l'utilisation des fonds alloués aux langues officielles a posé des problèmes dans de nombreuses administrations. Par exemple, dans une administration, on a utilisé les fonds pour payer les enseignants, mais ces derniers sont nécessaires, avec ou sans les langues officielles. Il faut s'assurer que les fonds sont utilisés pour payer les frais supplémentaires associés à l'enseignement du français langue seconde ou du français langue première.
Lorsque nous concluons ces accords, nous devons préciser clairement comment ces fonds doivent être dépensés. Quels programmes doivent-ils soutenir? Par exemple, s'agit-il des programmes de français langue seconde? Dans l'affirmative, que servent-ils à payer, des ressources ou du matériel supplémentaires? Il faut le préciser plutôt que d'acheter, par exemple, un autobus bilingue, des photocopieuses bilingues ou quelque chose du genre. Je pense que cela est déjà arrivé. Il est très important que les investissements effectués par le gouvernement fédéral atteignent les objectifs visés.
Avez-vous d'autres recommandations au sujet de l'éducation qui pourraient nous aider à protéger la langue de la minorité, en particulier au Québec?
Lorsque nous parlons de la partie VII de la Loi, nous parlons d'élaborer un ensemble de règlements. L'un des éléments de la réglementation pourrait être le plan d'action, et dans ce dernier, on pourrait notamment définir ce qui est important pour l'enseignement en langue minoritaire. Par exemple, nous devons impérativement être en mesure de repérer et de dénombrer les élèves admissibles dans chaque province. Dans la réglementation, on pourrait énumérer un certain nombre d'établissements qui ont une incidence particulière sur les communautés de langue officielle en situation minoritaire. Par exemple, Statistique Canada joue un rôle très important dans le repérage des ayants droit. C'est l'un des enjeux.
On pourrait également, par exemple, intégrer le financement de l'enseignement dans les langues première et seconde au plan d'action. Cela pourrait faire partie d'un règlement. Je pense que cela renforcerait réellement le fondement de l'enseignement dans la langue minoritaire, que ce soit au Québec ou ailleurs.
En ce qui concerne les commissions scolaires anglophones du Québec, elles sont évidemment visées par l'article 23 de la Charte. J'ai déjà écrit pour indiquer que j'y étais favorable. Nous tiendrons des réunions au cours des prochains mois pour discuter de ce dossier, et nous verrons quel genre de projet de loi sera présenté à l'automne.
Merci beaucoup.
Vous avez également mentionné qu'il y avait eu une hausse du nombre de plaintes en général: 1 087, soit près de 200 de plus que l'an dernier. J'aimerais savoir comment vos recommandations pourraient permettre de réduire ce nombre.
Je pense que si nous disposions d'un meilleur système de gouvernance, le message envoyé aux institutions serait beaucoup plus clair et permettrait d'assurer une surveillance plus efficace. Nous saurions qui est responsable de quoi. Par exemple, un ensemble particulier de plaintes ont été formulées au sujet de l'article 91, qui pourraient être résolues grâce à une directive claire du Conseil du Trésor.
De toute évidence, étant donné que plus de 50 % des plaintes ont trait aux communications au sein des services au public, nous devons trouver des moyens d'améliorer la capacité de la fonction publique fédérale de fournir ces services. Il nous faut donc améliorer la formation linguistique et le soutien en milieu de travail.
Encore une fois, tout cela doit provenir d'une directive de la haute direction.
[Français]
[Traduction]
J'ai posé toutes les questions que j'avais préparées pour vous, mais vous aimeriez peut-être nous en dire un peu plus sur votre quatrième recommandation.
En ce qui concerne la quatrième recommandation qui porte, encore une fois, sur le plan d'action, ce dernier est extrêmement important pour les communautés linguistiques en situation minoritaire. Le fait que le gouvernement accorde ce financement est une initiative très positive.
Pour ce qui est du plan d'action, nous devons nous assurer que les investissements effectués parviennent aux personnes qui sont censées recevoir ces fonds. Nous devons impérativement disposer d'un cadre clair et transparent en matière de responsabilité. Il doit être transparent. La population doit savoir de quelle façon nous allons assurer l'évaluation et comment ces fonds sont utilisés.
Je pense également qu'il est important que nous parlions des retombées. Quelles sont les retombées du plan d'action pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire? Nous devons trouver un moyen de les mesurer.
L'une de mes trois priorités qui découlent de cette recommandation est la façon dont le plan sera mis en œuvre au cours des prochaines années. Il ne suffit pas d'avoir le plan, il faut aussi pouvoir le mettre en œuvre. Je pense que c'est...
Merci, monsieur le commissaire.
[Français]
Nous passons maintenant à M. Choquette, des contrées entrepreneuriales de Drummondville.
Merci, monsieur le président.
Je remercie les trois témoins du Commissariat aux langues officielles d'être ici aujourd'hui.
Monsieur Théberge, vous avez parlé de vos trois objectifs ou souhaits pour les années à venir, soit d'arrêter l'érosion des droits linguistiques, de moderniser la Loi et de faire preuve de leadership. Je pense que c'est extrêmement important. Je viens juste de rencontrer des représentants de la Fédération de la jeunesse canadienne-française, qui ont quelque peu déploré le fait que la politique jeunesse du Canada ne traite pas des langues officielles, alors que cela devrait faire partie de notre identité canadienne à tous points de vue.
Récemment — je pense que c'était hier ou avant-hier —, M. Bigeau, de RDEE Canada, le Réseau de développement économique et d'employabilité pour les communautés francophones en situation minoritaire, a déploré le fait que la stratégie touristique canadienne ne comporte pas de volet francophone. Selon lui, « [s]i le tir n'est pas corrigé, le tourisme francophone sera délaissé pour cinq ans dans un secteur qui évolue rapidement. On ne peut pas se permettre de marcher, alors que tout le monde court. »
Dans des secteurs névralgiques ou stratégiques où on doit promouvoir les deux langues officielles, il semble donc que nous oublions notre identité canadienne, dont l'un des principes est le bilinguisme, l'existence de nos deux langues officielles. On dirait qu'on l'oublie, et, quand on fait remarquer cet oubli, on se fait dire que le bilinguisme est implicite, qu'il va de soi et qu'il n'est pas nécessaire de le mentionner.
Que pensez-vous de ces oublis ou de cette façon de penser et de dire que le bilinguisme va de soi et qu'il n'est pas nécessaire de l'inscrire dans la politique jeunesse ou dans la stratégie touristique, par exemple?
Comme je l'ai mentionné tantôt, lorsqu'on conçoit des programmes, des stratégies ou des activités au gouvernement, il est important à mon avis d'utiliser la « lentille langues officielles » et de chercher à comprendre de quelle façon ces programmes peuvent influer sur l'épanouissement et le développement des communautés de langue officielle en situation minoritaire. On n'a pas encore développé ce réflexe. Je ne sais pas si on l'a déjà eu, mais il est clair qu'il fait défaut.
Une des raisons pour lesquelles je recommande de centraliser le leadership au sein de l'appareil fédéral est qu'il est important de diffuser ce message et d'être capable de rappeler qu'il faut tenir compte des langues officielles lorsque l'on conçoit un programme. Pour revenir à un commentaire précédent, une certaine complaisance semble s'être installée dans l'appareil gouvernemental depuis un certain nombre d'années. Il faut donc essayer de brasser un peu la cage pour s'assurer d'utiliser la « lentille langues officielles » lorsqu'on développe un programme.
Sur la question du leadership, un article publié tout récemment sur la plateforme numérique ONFR+ parle de ces fameuses mauvaises traductions. Comme vous le savez, le gouvernement du Canada exige que tous les produits soient étiquetés dans les deux langues officielles. L'article citait des exemples, notamment l'expression chinese cake qui était traduite par « gâteau au Chinois », ou encore homemade bread qui était rendu par « pain aux maison ». Il a beau y avoir une obligation juridique d'étiqueter dans les deux langues officielles, elle n'est pas prise au sérieux, loin de là.
Vous avez mentionné qu'il y avait eu une augmentation du nombre de plaintes. On se pose toujours la question à savoir pourquoi: est-ce parce que l'on contrevient plus souvent à la Loi ou parce que les gens sont plus conscients de leurs droits?
Avez-vous l'autorité d'agir en lien avec l'étiquetage dans les deux langues officielles ou est-ce un dossier que vous suivez de loin? Il est beaucoup question des traductions au sein même du gouvernement du Canada, une question dont nous avons déjà discuté dans d'autres réunions du Comité. Quel rôle pouvez-vous jouer en matière d'étiquetage?
C'est un peu ironique, mais nous n'avons jamais reçu de plaintes sur l'étiquetage. Nous recevons beaucoup de plaintes visant Services publics et Approvisionnement Canada en ce qui concerne les traductions et les appels d'offres, mais jamais de plaintes sur l'étiquetage de la part des citoyens.
Merci beaucoup de vos commentaires, monsieur Théberge.
Effectivement, quand on dit qu'on va faire preuve de leadership, cela veut dire incorporer un volet langues officielles dans la politique jeunesse pour le Canada et aussi des volets langues officielles et langue française dans la stratégie touristique. C'est mon point de vue.
Merci, monsieur le président. Bienvenue dans votre fauteuil de la présidence.
Encore une fois, bienvenue à tous.
Monsieur Théberge, dans votre introduction, vous avez dit une phrase que je répète moi-même depuis des années. Je pense que tout le monde ici se répète cette phrase, qui est « [q]ue nous réserve l'avenir si l'on continue de répéter les mêmes gestes, de prendre les mêmes décisions et d'adopter les mêmes réflexes? » Au gré des gouvernements qui se succèdent, tous partis confondus, cette question devait résonner très fort dans chacun des caucus, chaque année. Là, il y a une élection qui s'en vient.
Pour un anglophone du Québec comme pour un francophone hors Québec, dans le contexte d'une discussion sur les droits linguistiques ou sur la Loi sur les langues officielles, le mot « égalité » laisse un très mauvais goût dans la bouche. C'est un mot extrêmement précis, qui ne laisse pas place à l'interprétation. Malgré tout cela, avec l'évolution de la jurisprudence, le mot « égalité » est le plus souvent dépouillé de tout son sens. C'est ce qu'on constate.
Je vous dis cela après avoir lu ce matin un article dans l'Acadie Nouvelle, qui portait sur la décision rendue par la Cour d'appel du Nouveau-Brunswick au sujet d'une cause sur le droit linguistique. Encore une fois, il fallait aller devant les tribunaux, pour rien, mais la communauté avait raison sur le droit linguistique. Cela a été encore une fois une perte de temps et de ressources humaines, pour rien.
Je vais vous poser une question difficile. Le Commissariat a 50 ans d'expérience, mais le Comité permanent des langues officielles, et ceux qui étaient là avant nous, ont aussi pas mal d'années d'expérience. Nous avons entendu des constitutionnalistes. Nous avons tout entendu. Il y a bien assez de rapports sur les tablettes.
On parle de responsabiliser les provinces lors des transferts fédéraux en matière d'éducation. J'aborde cela parce que, souvent — et je pense qu'il y a consensus autour de la table — parmi tous les éléments à traiter en priorité, il y a l'éducation, qui commence dès la petite enfance jusqu'au postsecondaire. Si on perd ces gens-là, on perd des francophones. On perd tout ce qu'il y a d'exponentiel avec la prochaine génération.
En ce qui concerne votre troisième recommandation, comment peut-on s'assurer, à la suite des transferts fédéraux vers les provinces en matière d'éducation, que ces provinces joueront leur rôle, qu'elles le joueront vraiment? Comment s'assurer d'accéder à des données qui nous permettront de mesurer l'incidence que ces transferts auront eue sur les communautés francophones hors Québec ou sur les communautés anglophones au Québec? Comment savoir que l'argent investi a vraiment été investi au bon endroit et a porté des fruits? Je sais que c'est notre vœu le plus cher à tous, mais comment peut-on le faire en tenant compte des compétences provinciales et fédérales, et de tout ce qu'on sait déjà?
Je veux entendre le mécanisme, la façon dont on va le faire.
Lorsqu'on parle de l'éducation en milieu minoritaire, surtout, ou en français langue seconde, la partie VII de la Loi offre énormément de possibilités, mais pas telle qu'elle est rédigée actuellement.
En réponse à vos propos du début, il faut premièrement moderniser la Loi. Deuxièmement, la partie VII est la partie qui touche les communautés, qui touche le développement et l'épanouissement des communautés.
Dans le Règlement, il faut préciser un cadre de reddition visant les ententes fédérales-provinciales en matière d'éducation. Il faut que cela soit intégré au Règlement. S'il est intégré à la Loi, nous espérons que cette loi sera respectée. Tant et aussi longtemps qu'il n'y aura pas de cadre législatif ou réglementaire, cela laissera beaucoup trop de marge de manœuvre.
En ce qui concerne vos premiers commentaires, nous devons moderniser la Loi. Nous devons avoir une loi beaucoup plus cohérente qu'elle ne l'est actuellement. Il faut qu'il y ait un lien et une articulation entre les parties IV, V et VI. Il faut donner un cadre réglementaire à la partie VII. Il faut se poser des questions sur les mécanismes de conformité et sur la gouvernance. Moderniser la Loi n'est pas seulement une question d'apporter quelques modifications, mais de faire réellement des changements structuraux importants.
Je vais continuer, parce que M. Samson va sûrement m'emboîter le pas.
Il faut un cadre législatif ou réglementaire qui ne laisse pas de place à des interprétations de la partie VII. Comment peut-on convaincre les provinces ou s'attendre à ce qu'elles soient réceptives à cela? C'est toujours la sacrée division entre les compétences fédérales et provinciales qui m'inquiète, parce que c'est toujours le passeport qui permet à une province de dire qu'elle n'en a pas besoin et qu'il faut respecter cela.
Je pense qu'il faut se placer dans le contexte suivant: premièrement, changer la Constitution, c'est presque impossible. Changer une loi, c'est très difficile, mais on peut quand même apporter des changements à un cadre réglementaire. Je pense que cela se joue sur le plan des règlements. Le fédéral a le pouvoir de dépenser et peut certainement imposer des conditions pour l'utilisation de ses fonds. Cela fait partie de la Loi, c'est un mécanisme de mise en œuvre...
Excusez-moi de vous interrompre, monsieur Théberge, mais vous dites que le fédéral « peut certainement », c'est ce que vous venez de dire. Peut-il « certainement » ou « assurément », « sans aucun doute », imposer des conditions?
Vous dites qu'il peut certainement imposer des conditions lorsqu'il transfère des fonds. Déjà, il y a un doute. Est-ce qu'il peut ou est-ce qu'il ne peut pas le faire?
Présentement, c'est un peu flou, surtout relativement à la partie VII. Si on a un cadre réglementaire solide conforme à la partie VII, cela sous-entend qu'on va respecter le Règlement.
Actuellement, on n'a pas de données, au contraire, c'est-à-dire qu'on a très peu de clauses linguistiques comme telles. Cependant, elles ne font pas partie d'un règlement.
Merci, monsieur le commissaire.
Je voudrais souhaiter la bienvenue à M. Long à ce comité. Merci d'être ici aujourd'hui.
Nous allons maintenant passer la parole à M. Samson.
Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur Théberge, ainsi qu'à votre équipe, pour le travail que vous avez accompli. Vous êtes entré en poste à un moment où les choses se discutent. Il semble que cela brasse au sujet de la modernisation de la Loi.
D'une certaine façon, c'est un défi, parce qu'il y a beaucoup de tirs qui viennent de partout. Par ailleurs, c'est une occasion propice de vraiment influer sur les changements qu'il est crucial d'apporter pour que la Loi ait vraiment du mordant.
Je consulte votre rapport et je trouve qu'il contient de très bonnes choses. Les mots semblent bien expliquer le fonctionnement.
Je vais essayer de faire comme le faisait mon collègue et ajouter un peu de moutarde. Je vais lancer des sujets et vous allez me dire comment cela va fonctionner, selon votre vision.
Prenons le recensement. Statistique Canada est une agence indépendante sur laquelle le gouvernement n'a pas vraiment de prise directe, sauf pour certains processus qu'il peut appliquer par l'entremise du Cabinet. Il y a des débats et des discussions pendant deux ans. On a presque écrit la question.
Comment cela va-t-il fonctionner, selon vous?
Dans un règlement, par exemple, il pourrait y avoir un préambule qui stipule certains énoncés et qui contient des définitions et des directives très claires. Il pourrait aussi y avoir une liste d'institutions fédérales qui ont une incidence particulière sur l'épanouissement des communautés.
On sait très bien que Statistique Canada a toujours eu une incidence sur les communautés. Lorsqu'on décide de donner un service là où le nombre le justifie, c'est toujours à partir des données de Statistique Canada. Statistique Canada, à mon avis, devrait donc être reconnue comme une institution qui a une incidence directe sur les communautés et cela fait partie...
On pourrait enlever l'exception au paragraphe 16(1), mais cela ne changerait pas nécessairement le processus de nomination des juges à la Cour suprême.
Oui, en partie, mais le processus de nomination a été établi différemment dans la décision de Cour suprême concernant le juge Nadon. À mon avis, il faut apporter un changement législatif.
C'est au législateur de développer la législation nécessaire. Si nous regardons cela dans une perspective historique, certains projets de loi étaient soutenus par l'opposition, mais pas par le gouvernement. Il y a quand même des exemples.
Vous répondez bien. Jusqu'à maintenant, votre note est bonne.
Parlons maintenant des biens immobiliers. C'est un gros problème, au Canada. C'est bien beau de les entendre dire qu'il y a eu 78 contacts, mais j'étais directeur général et je peux vous dire qu'il n'y a pas eu de contacts en Nouvelle-Écosse. Toutefois, je ne vais pas m'attarder à cela.
Il est essentiel d'établir un fonctionnement qui précède la division ou la vente de la tarte. Les francophones ne demandent même pas un terrain gratuit: ils disent qu'ils vont le payer à la valeur marchande. Même dans un pays bilingue et dans le contexte de la dualité linguistique, nous n'avons pas accès à des terrains. Même si j'ai tout l'argent nécessaire et que le coffre est plein, on ne peut me garantir d'avoir une parcelle de terrain de 90 arpents, en Colombie-Britannique, par exemple. On ne peut même pas en avoir un.
Comment votre vision va-t-elle fonctionner pour assurer que les choses se passent différemment à cet égard?
Il y a deux choses. Premièrement, on doit inclure dans le Règlement un mécanisme formel de consultation des communautés. Dans cette situation, il faut que les communautés soient consultées. Deuxièmement, on peut certainement préciser ce genre d'intervention dans le Règlement.
Toutefois, quand je regarde certains des cas particuliers que vous mentionniez, on n'a même pas consulté la communauté. On est allé de l'avant et on a vendu les terrains sans consulter la communauté. Donc, avant tout, il y a l'obligation de consulter.
Cela ne devrait-il pas se faire automatiquement? Si, à l'échelle provinciale ou municipale il y a un besoin chez des francophones hors Québec ou des anglophones du Québec, ils doivent être les premiers à être consultés ou, du moins, l'être en même temps.
Cela devrait aller plus loin que la consultation, selon moi. Au chapitre des biens immobiliers, les Autochtones ont automatiquement droit à un pourcentage.
Ils sont en quatrième place. Nous ne sommes même pas là.
La vision que vous avancez nous y mènera-t-elle? Si oui, comment?
Encore une fois, je reviens au Règlement. Dans le Règlement, on doit d'abord déterminer tous les éléments qui peuvent appuyer l'essor des communautés. Si l'on parle d'éducation et d'accès à des terrains ou à des écoles, il faut que cela en fasse partie. Toutefois, il ne faut pas oublier le mécanisme de consultation, qui doit avoir du mordant.
Merci, monsieur le vice-président.
Je remercie les témoins d'être ici ce matin.
Monsieur Théberge, je vais reprendre une partie de votre allocution et vous poser des questions. Vous dites que « les fonctionnaires fédéraux ne sont toujours pas en mesure de travailler dans la langue officielle de leur choix dans les régions désignées bilingues ».
Le Canada est un pays bilingue. Nos institutions fédérales sont bilingues. Quand vous dites qu'ils ne peuvent travailler dans la langue de leur choix, cela veut sans doute dire qu'ils ne sont pas capables de travailler en français. Le contraire m'étonnerait beaucoup. S'il y a des régions désignées bilingues, cela veut dire qu'il y a des régions désignées unilingues. Pourtant, nos institutions fédérales sont bilingues.
J'ai quelques commentaires à formuler.
Premièrement, lorsqu'on examine la partie V de la Loi, qui porte sur la langue de travail, on parle de régions géographiques où l'on peut travailler en français ou dans la langue officielle de son choix qui ont été désignées en 1977. Depuis 1977, le monde a changé complètement. Donc, il faut revoir toute cette géographie.
Je comprends dans quelle direction vous allez, mais je veux aller plus loin que cela.
Je vous mets au défi, au cours de la prochaine année de votre mandat, de trouver au Canada des fonctionnaires unilingues francophones. Je vous mets au défi. Ils sont pratiquement tous anglophones. Essayez de trouver un unilingue francophone.
Je vis à Lévis, près de Québec. Dans mon bureau de circonscription de Lévis—Lotbinière, j'ai reçu des gens qui voulaient travailler dans la fonction publique fédérale, dans la ville de Québec. Cependant, l'exigence quant au niveau de connaissance de l'anglais est assez élevée. Pourtant, à Québec, ils travaillent tous en français. Toutefois, on leur dit qu'il peut y avoir des réunions durant lesquelles il faudra discuter de plusieurs communications en anglais et que, s'ils n'atteignent pas le niveau requis, ils ne peuvent pas travailler.
Toutefois, je ne suis pas sûr qu'à Toronto ce soit la même chose. À Toronto, on travaille en anglais. Si le niveau de français d'un anglophone n'est pas adéquat, on va peut-être lui offrir des cours, et peut-être qu'il n'en aura jamais besoin.
C'est discriminatoire envers les francophones. Les chances ne sont pas égales. Les francophones vont tous parler anglais pour accéder à des métiers, à des professions dans la fonction publique. Les francophones s'accommodent. Je vous donne un exemple simple: 12 fonctionnaires sont présents lors d'une réunion. La première personne qui prend la parole s'adresse aux autres en anglais. Par la suite, toute la réunion se poursuit en anglais, même s'il y a 11 francophones présents. C'est toujours comme cela.
Dans le cadre de votre mandat, pourrez-vous encourager ceux qui font des efforts? Souvent, on parle des problèmes, mais on ne parle pas d'initiatives à l'intérieur d'un ministère. Il pourrait s'agir, par exemple, pour sensibiliser les gens, que, le mardi matin de chaque semaine, tous les fonctionnaires parlent français, même à l'heure du repas du midi. Ils ont appris le français, mais ils ne l'utilisent pas.
Si nous ne sommes pas capables d'instaurer cela dans nos institutions fédérales, si nous ne sommes pas capables de donner l'exemple, cela ne donne absolument rien de continuer. L'existence du Commissariat aux langues officielles ne donne absolument rien. Vous devez promouvoir les bonnes pratiques et peut-être faire un rappel à ceux qui pourraient en faire plus.
Il y a de très bons exemples d'initiatives dans la fonction publique par lesquelles, justement, les gens sont encouragés à utiliser leur langue seconde. Nous, au Commissariat, nous avons élaboré des outils pour mener des réunions bilingues. Nous donnons des formations à ce sujet. Certains ministères, comme celui des Ressources naturelles, ont préparé leur propre cours de langue seconde en raison du lexique spécialisé qui est utilisé. Il y a donc des initiatives.
De façon générale, au cours d'un sondage, lorsque nous posons la question aux fonctionnaires afin de savoir s'ils sont à l'aise de rédiger dans la langue de leur choix, entre 92 % et 95 % des anglophones disent que oui, mais, chez les francophones, c'est seulement entre 67 % et 70 % — et cela n'a pas changé depuis 10 ans.
Je reviens à ce que je disais tout à l'heure. Il y a une complaisance qui s'est installée. Nous devons trouver des façons d'y remédier. Nous pouvons le faire par l'entremise de la partie V. Nous devons assurer la formation linguistique. Nous devons fournir les outils et les occasions nécessaires pour utiliser la langue seconde.
Nous travaillons actuellement à une étude sur l'insécurité linguistique au sein de la fonction publique, auprès des francophones et des anglophones. C'est à un stade exploratoire. Nous examinons les résultats. Ce qui est intéressant, c'est que les anglophones veulent avoir l'occasion d'utiliser le français, tout comme les francophones veulent l'inverse. C'est donc important de créer des situations qui y sont propices.
Cependant, depuis un certain nombre d'années, il se donne de moins en moins de formation linguistique, ce qui fait qu'on n'a pas les outils nécessaires. Les équipes de travail sont virtuelles; la façon de travailler change.
Il est clair que, si nous voulons avoir un meilleur service dans les deux langues officielles, il faut que les fonctionnaires puissent travailler dans la langue de leur choix.
Merci beaucoup.
[Le député s'exprime en cri ainsi qu'il suit:]
ᓂ ᐚᐦᑰᒫᑲᓇᐠ ᑖᓂᓯ ᓂ ᒥᔦᐧᔨᐦᑌᐣ ᑳ ᐋᐧᐸᒥᑕᑲᐧᐤ
[Le député fournit la traduction suivante:]
Monsieur le président, je salue tous les gens que je connais. Je suis très fier d'être ici.
[Français]
Je veux parler du projet de loi C-91, Loi concernant les langues autochtones. Il y aura un nouveau commissaire aux langues autochtones.
Quel sera votre rôle dans la création de ce bureau qui va protéger les langues autochtones et assurer leur utilisation dans des situations extrêmement minoritaires partout au Canada?
Comme je l'ai dit à plusieurs reprises, nous appuyons fortement la reconnaissance officielle des premières langues du Canada. Nous ne voulons pas nous imposer, mais, si on nous le demande, nous sommes certainement prêts à aider le nouveau commissaire à s'établir, à lui expliquer comment nous fonctionnons et à l'aider à comprendre ses obligations.
Pour l'instant, le mandat du commissaire des langues autochtones — je pense qu'il y en aura plus qu'un — est de faire la promotion de ces langues. C'est une chose. La revitalisation, c'est une autre chose. Mon prédécesseur a rencontré M. Bellegarde. J'ai répété souvent que nous offrirons l'appui nécessaire, si on nous le demande. Nous sommes prêts à fournir toute l'aide nécessaire pour que ce poste ou cette fonction soit une réussite.
Votre commissariat existe depuis 50 ans et s'occupe de la protection des droits linguistiques partout au pays, tant des francophones que des anglophones. Quels conseils donneriez-vous à ce nouveau bureau pour protéger les langues autochtones? Quels conseils pouvez-vous offrir aux peuples autochtones dans l'établissement de ce bureau? À quoi devraient-ils s'attaquer en priorité?
Tout d'abord, il est nécessaire de connaître l'état des langues autochtones telles qu'elles existent aujourd'hui. Ensuite, étant donné qu'il y a urgence d'agir pour plusieurs de ces langues, il faut cibler rapidement celles qui sont dans une situation critique. Il est important de faire de la sensibilisation et de promouvoir ces langues en s'attaquant tout de suite aux causes systémiques de leur déclin.
Très souvent, les langues autochtones ne sont pas écrites et il y a très peu de locuteurs. Il n'y a pas d'appui non plus du côté de l'éducation. Il faut élaborer tout de suite un plan d'action pour connaître l'état des langues et déterminer ce à quoi il faut s'attaquer en premier. C'est urgent. On ne peut pas passer trois, quatre, cinq ou six ans à en parler, il faut passer à l'action immédiatement.
Vous avez parlé des données. Je crois que de nombreux Autochtones surestiment leur capacité à parler la langue. C'est peut-être la même chose pour les francophones ou les personnes qui ont appris le français comme langue seconde à l'extérieur du Québec. Ces gens se disent bilingues, mais, en réalité, leur niveau de langue est un peu plus faible que ce qu'ils pensent.
En va-t-il de même pour les langues autochtones? Vous êtes un spécialiste des questions linguistiques. Les données dont on dispose aujourd'hui sont-elles suffisantes pour passer à l'action ou a-t-on vraiment besoin d'une étude approfondie pour connaître l'état actuel des langues autochtones?
Aujourd'hui, on parle de trois langues en particulier: le cri, l'inuktitut et l'ojibwé. Ces langues ont une certaine vitalité, mais je ne sais pas si on a toutes les données nécessaires pour alimenter la réflexion sur toutes les langues autochtones.
Le travail que fait Statistique Canada est important pour les langues officielles, mais il l'est aussi pour les langues autochtones. Il faut savoir où sont les locuteurs, quel âge ils ont, où ils habitent, et ainsi de suite. Une fois qu'on a ce portrait, on peut élaborer des stratégies beaucoup plus facilement.
Au Manitoba, le cri parlé dans le nord est différent de celui parlé dans le sud. Il est extrêmement important de bien connaître le milieu. Il y a beaucoup de recherches et de données pour alimenter la réflexion sur la situation des communautés francophones ou anglophones en situation minoritaire. Au-delà des données, il faut faire une réflexion approfondie et développer un champ de recherche pour voir comment on peut faire avancer la cause des langues autochtones.
[Traduction]
Je me demandais si vous pourriez nous parler un peu des raisons pour lesquelles nous semblons toujours avoir une impression aussi négative des langues en situation minoritaire, qu'il s'agisse du français en dehors du Québec ou de l'anglais au Québec. Au lieu d'avoir constamment des perceptions si négatives, comme s'il s'agissait d'une bataille, pourrait-on trouver un moyen de les rendre positives et de les célébrer?
Je pense que nous devons les traiter comme une valeur canadienne fondamentale. L'identité canadienne repose en grande partie sur le pluralisme, sur la diversité. Il ne devrait pas seulement s'agir de la diversité des cultures, mais aussi de la diversité des langues, qui fait partie de notre identité.
Le Canada est un pays en évolution. Dans 20 ans, il ne sera plus ce qu'il est aujourd'hui, et c'est là notre force. Nous devons toujours parler des valeurs canadiennes fondamentales. Je pense que lorsque nous parlons des langues officielles et des langues premières, nous devrions en parler comme d'une valeur fondamentale de l'identité canadienne. C'est ainsi que nous devrions les promouvoir, non pas comme une obligation, mais comme une valeur.
Merci, monsieur le commissaire.
Nous arrivons maintenant à la dernière intervenante.
[Français]
Madame Boucher, vous avez quatre minutes.
Bonjour.
Je suis fascinée que nous ayons encore cette discussion en 2019. Dans un discours que j'ai fait à la Chambre sur l'égalité des sexes, j'ai dit qu'il serait temps de parler aussi d'égalité du français et de l'anglais. Aujourd'hui, en 2019, on parle beaucoup de l'égalité des langues.
Cela dit, j'aimerais que vous m'expliquiez davantage ce que vous entendez par un régime de surveillance de la Loi sur les langues officielles. On veut moderniser la Loi et vous avez parlé d'un régime de surveillance. En quoi consisterait un tel régime?
Cela fait longtemps qu'on parle d'égalité des langues. Un jugement important de la Cour suprême du Canada, R. c Beaulac, parle d'égalité réelle. Je pense qu'on doit codifier certains concepts de la Loi, notamment l'égalité réelle des langues.
L'égalité réelle veut dire qu'on reconnaît aussi le caractère réparateur des droits linguistiques. Il faut en faire plus et ne jamais oublier que la Loi sur les langues officielles est quasi constitutionnelle et, qu'à ce titre, elle fait partie des valeurs canadiennes. Honnêtement, on est très loin de cela.
Au sujet de la conformité, il est important de reconnaître que les pouvoirs du commissaire se limitent à faire des enquêtes et à formuler des recommandations. On doit instaurer d'autres mécanismes de conformité, que ce soit des ententes exécutoires ou des sanctions pécuniaires. On peut aussi songer à la création d'un tribunal. Tout cela est essentiel.
On se demandait tantôt ce qu'on pouvait faire pour changer les comportements. S'il n'y a pas de mécanismes de conformité, les comportements ne changeront pas. On parle de donner plus de mordant à la Loi, mais, pour cela, il faudrait attribuer au commissaire d'autres pouvoirs au-delà de celui de formuler des recommandations.
Merci, madame Boucher.
M. Choquette a laissé tomber ses trois minutes avec honneur.
Monsieur le commissaire, j'ai deux questions à vous poser, et je suis sûr que M. Samson sera content d'entendre la première.
J'aimerais parler du bilinguisme des juges de la Cour suprême du Canada. Je ne crois pas me tromper en disant que tous les membres de ce comité voudraient voir un vrai changement législatif pour que les juges à la Cour suprême du Canada soient obligatoirement bilingues. Nous avons d'ailleurs tous voté en faveur du projet de loi très louable de M. Choquette.
J'ai une demande spéciale pour vous, qui va au-delà des travaux de ce comité. Il ne nous reste que trois semaines, mais vous, il vous reste au moins six ans en poste.
Actuellement, il y a un gros problème. Des avocats du ministère de la Justice prétendent être des constitutionnalistes, et certains le sont réellement. Je vous lance l'idée suivante, même si j'ignore si vous avez l'autorité de le faire. Les gens ne travaillent pas gratuitement, mais seriez-vous en mesure d'employer certains constitutionnalistes pour vous aider à écrire un texte juridique ou une contre-argumentation solide et bien appuyée à opposer aux juristes du ministère de la Justice, lequel texte nous pourrions utiliser ultérieurement?
Nous avons besoin de vous. En tant que députés, nous n'avons pas les ressources nécessaires pour employer de grands constitutionnalistes, mais votre bureau les a. Il est doté d'un budget substantiel. Serait-il bon de monter un argumentaire constitutionnel à l'appui du projet de loi de M. Choquette?
Au symposium qui a eu lieu au début de la semaine, nous avons discuté du bilinguisme des juges à la Cour suprême. Il y a eu tout un débat visant à déterminer si c'était constitutionnel ou non. On peut toujours aller chercher un avis juridique, mais on tombe alors dans ce monde. À un moment donné, il reviendra au législateur de prendre la décision. En principe...
Considérez cette avenue, s'il vous plaît. Nous aurions besoin de votre aide à cet égard.
Enfin, je veux vous remercier, monsieur le commissaire, du travail que vous avez accompli au cours de la dernière année, notamment pour votre deuxième rapport. Je veux que vous sachiez que nous vous appuyons moralement. Nous sommes avec vous. Vous n'êtes pas seul, en tant qu'individu, au Canada. Vos tâches sont importantes et vos responsabilités sont lourdes. Je vous encourage fortement à poursuivre dans ce sens, voire même à exercer un peu plus de pressions, peu importe le gouvernement qui sera au pouvoir. Bien entendu, vous n'avez aucune crainte à avoir. Ce que je veux dire, c'est que nous vous appuyons. Les sondages semblent démontrer que la majorité des Canadiens appuient votre travail, ce qui est positif. Je tiens vraiment à ce que vous sachiez que nous sommes derrière vous. Pour notre part, nous nous attendons à ce que vous soyez derrière nous.
Je vous remercie, monsieur le commissaire, d'avoir comparu devant nous aujourd'hui.
Je remercie mes collègues de leurs questions.
Aimeriez-vous dire quelques mots?
J'aimerais simplement dire, quitte à me répéter, que nous apprécions énormément l'appui de votre comité et le travail que vous faites.
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