LANG Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des langues officielles
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TÉMOIGNAGES
Le vendredi 2 mars 2018
[Enregistrement électronique]
[Français]
Je vous souhaite la bienvenue à tous.
Conformément à l'article 108(3) du Règlement, nous poursuivons notre étude sur l'accès aux services à la petite enfance dans la langue de la minorité. Nous sommes très heureux d'être avec vous, à Winnipeg, ce matin.
Dans un premier temps, nous avons de petits problèmes techniques à régler. Il nous manque de l'équipement pour l'interprétation. Je vais demander le consentement unanime de mes collègues pour que nous puissions procéder sans interprétation. Est-ce que ça va?
Je n'entends personne se plaindre, donc cela devrait aller.
Nous nous plaignons, mais ce n'est pas la faute du Comité. Nous allons donc procéder de cette manière, mais c'est exceptionnel.
C'est exceptionnel, bien sûr.
Ce matin, nous recevons, à titre personnel, Dominique Arbez, professeure et coordonnatrice de l'Éducation de la jeune enfance de l'Université de Saint-Boniface, et Mélanie Cwikla, directrice de l'École technique professionnelle de l'Université de Saint-Boniface.
Nous recevons, de l'Association des parents fransaskois, Carol-Guillaume Gagné et Peter Ormiston; de la Coalition francophone de la petite enfance du Manitoba, Joanne Colliou; du Conseil des écoles fransaskoises, Alpha Barry et Hélène Grimard; de la Division scolaire franco-manitobaine, Alain Laberge; de la Fédération des parents du Manitoba, Brigitte L'Heureux; et de la garderie Les Chouettes de Lorette, Juliette Chabot, sa directrice.
Je vais vous expliquer comment va fonctionner la séance. Vous disposerez chacun de cinq minutes mais, étant donné que vous êtes assez nombreux, je vous prierais de respecter ces cinq minutes, sinon je devrai intervenir et mettre fin à votre présentation pour permettre à tout le monde de parler. Nous voulons entendre tout le monde. Ne vous fâchez pas si j'interviens. Vous pourrez continuer à faire valoir votre point de vue lors de la deuxième partie de la séance, durant laquelle les députés disposeront chacun de six minutes pour faire des commentaires ou poser des questions sur votre présentation. Si vous n'avez pas la chance de terminer votre présentation, vous pourrez donc la poursuivre en répondant aux questions.
Cela vous va? Oui? Nous commençons donc immédiatement par Mme Arbez.
Madame Arbez, nous vous écoutons.
Je vous remercie, monsieur le président.
Mesdames et messieurs, je m'appelle Dominique Arbez. Je suis professeure et coordonnatrice du programme Éducation de la jeune enfance.
La formation du personnel est un élément clé pour assurer la qualité des services à la petite enfance. Au Manitoba, la Loi sur la garde d'enfants exige un ratio de personnel formé. Le programme Éducation de la jeune enfance de l'École technique et professionnelle à l'Université de Saint-Boniface existe maintenant depuis plus de 25 ans. Cette formation de deux ans menant à la classification EJE II est la seule à être dispensée en français au Manitoba.
Parmi nos diplômés, plusieurs sont devenus éducateurs et éducatrices, que ce soit en pouponnière, au niveau préscolaire, en prématernelle ou au niveau scolaire. Certains occupent des postes de gestionnaires de services de garde éducatifs, d'autres oeuvrent au sein du gouvernement pour assurer la coordination des services de garde. Certains sont maintenant professeurs dans ce même programme. Il serait difficile de mesurer l'impact sur notre communauté de tous ces professionnels en petite enfance et d'évaluer combien de familles et d'enfants ont bénéficié du fruit de leur travail.
Nous recommandons la mise en place de mesures pour renforcer la reconnaissance et la valorisation des professionnels en petite enfance en milieu minoritaire, afin de contribuer à leur recrutement et à leur fidélisation.
Nous recommandons aussi un appui accru des occasions de réseautage et de partage entre les divers professionnels, afin de les outiller et de favoriser leur engagement.
Nous faisons face, en salle de classe, à de nombreuses réalités culturelles et linguistiques que nous cherchons à reconnaître et à intégrer dans notre enseignement. Cette diversité entraîne certaines contraintes en ce qui concerne la maîtrise des deux langues officielles. Nos stages pratiques obligatoires en milieux francophone et anglophone ont mené à de nouveaux critères entourant les cours de langues. Ces restrictions, quoique nécessaires, ont contribué à une baisse des admissions.
Nous recommandons l'octroi de fonds permettant d'offrir plus de cours préparatoires aux études postsecondaires dans les deux langues officielles destinés aux étudiants potentiels.
Nous recommandons également de prévoir des fonds visant le recrutement d'étudiants potentiels ainsi que l'élaboration et l'offre de cours à distance assurant l'accessibilité à la formation.
Depuis la mise en oeuvre de notre deuxième mode d'obtention du diplôme, le programme accéléré nous permet d'offrir une formation aux étudiants ayant acquis une expérience de travail, facilitant ainsi l'atteinte des proportions de personnel formé requises par la loi. Malgré l'utilité de ce mode d'obtention, cette année, à la suite d'une compression du nombre de postes d'enseignement, nous avons dû apporter des modifications significatives à l'offre. Par conséquent, notre programme est le seul à offrir des cours simultanément aux deux groupes — ceux de l'année 1et de l'année 2 —, ce qui a permis la survie de ce modèle.
C'est pourquoi nous recommandons que le gouvernement provincial garantisse un financement stable malgré le nombre limité de candidats à ce modèle de formation.
Le diplôme avancé en leadership pour la jeune enfance conçu pour les gestionnaires en petite enfance avait été lancé en 2008. Malheureusement, le financement régulier n'a pas suivi. Le programme a été suspendu, et désormais, il n'est plus possible de poursuivre une formation avancée en petite enfance en français au Manitoba. Le Bachelor of Arts-Developmental Studies à l'Université de Winnipeg, avec laquelle nous avons signé une entente d'articulation, reconnaît notre diplôme comme l'équivalent de 30 crédits. Nous tentons depuis au moins cinq ans d'obtenir une entente similaire avec l'Université de Saint-Boniface. Toutefois, même si les discussions avancent, l'entente ne sera pas reconnue par la province pour la classification EJE III.
Nous recommandons que le gouvernement provincial fournisse des consignes claires et un financement adéquat favorisant l'élaboration et l'offre de la formation avancée en jeune enfance en français.
Contrairement à la nôtre, les autres institutions postsecondaires publiques au Manitoba comptent un ou des services de garde éducatifs pouvant bénéficier d'ententes de collaboration. Ces ententes donnent aux étudiants en petite enfance la possibilité d'un milieu de stage et d'observation exceptionnel. Cela représente un obstacle majeur pour la communauté francophone, notamment pour les familles qui pourraient profiter de ce centre de haute qualité.
Nous recommandons que les gouvernements fédéral et provincial approuvent un financement consacré à la mise sur pied d'un service de garde éducatif de haute qualité sur campus pouvant servir de modèle éducatif.
Nous savons que les universités et les collèges peuvent contribuer aux nouvelles connaissances en réalisant de la recherche en petite enfance.
Il nous semble qu'on rate une occasion en or en raison de l'abandon du projet du Centre d'excellence enfant, famille et communauté, qui aurait servi de centre de recherche en petite enfance en milieu minoritaire.
Nous recommandons que le gouvernement fédéral investisse davantage en recherche pour la petite enfance en milieu minoritaire.
Force est de constater que nos programmes de petite enfance en français ne jouissent pas, au Manitoba, de conditions égales à celles des programmes de langue anglaise. En conséquence, nous incitons votre comité à soutenir notre recherche d'un financement adéquat visant la formation en petite enfance en français.
Je vous remercie très sincèrement de votre attention.
Bonjour, je m'appelle Mélanie Cwikla, et je suis la directrice de l'École technique et professionnelle de l'Université de Saint-Boniface.
Mesdames et messieurs les députés, je vous souhaite la bienvenue chez nous, au Manitoba.
Vous aurez l'occasion, pendant votre court séjour, de constater que notre francophonie manitobaine est forte et fière, au coeur des Amériques. Par contre, la vitalité de notre francophonie est loin d'être assurée, et un meilleur accès à des services de jeune enfance en français est essentiel.
Comme en a parlé ma collègue Mme Arbez, la formation en éducation de la jeune enfance que nous offrons à l'Université de Saint-Boniface a beaucoup de défis à relever. Nous avons plusieurs défis à relever. Il est important de reconnaître que, pour avoir accès à des services de qualité en jeune enfance, il faut, certes, avoir des places en services de garde, mais il faut aussi avoir des éducateurs et des éducatrices formés. Il s'agit ici de se donner des assises fortes sur lesquelles asseoir le continuum de l'éducation en français, de la naissance jusqu'à la carrière.
Nos programmes francophones ont un double mandat: former des spécialistes du développement de la jeune enfance et former des spécialistes de la transmission de la langue. Aucun des collèges anglophones n'est doté d'un tel mandat. Pourtant, lorsque vient le temps d'évaluer le rendement de nos programmes de formation, les mêmes critères s'appliquent souvent, à savoir le nombre d'étudiants et le coût par étudiant. Nous avons peu ou pas de reconnaissance pour notre double mandat et pour le fait que notre bassin de recrutement est largement inférieur à celui des anglophones.
Pour appuyer l'accès à des services de jeune enfance dans les communautés linguistiques en situation minoritaire, il est souhaitable que le gouvernement fédéral s'assure qu'une partie des fonds transférés aux provinces est attribuée à la formation postsecondaire en français, afin de soutenir une offre de formation comparable à celle des collèges anglophones.
Comme ma collègue l'indiquait plus tôt, notre programme de formation pour les éducatrices en milieu de travail ne peut toujours pas compter sur un financement durable. Chaque année, il faut redemander du financement. Dans une telle situation, comment peut-on assurer la pérennité d'un programme? De plus, notre programme avancé de leadership a été suspendu, faute de financement. Qu'est-ce que cela veut dire? Cela veut dire qu'il n'existe aucune formation en français pour les éducatrices qui désirent devenir directrices d'un service de garde. De plus, les collèges anglophones sont en mesure d'offrir des formations avancées pour les enfants qui ont des besoins spéciaux, alors que, à l'Université de Saint-Boniface et à l'École technique et professionnelle, nous arrivons à peine à assurer la survie de nos programmes de base. Pourtant, les enfants francophones ont des besoins comparables à ceux des enfants anglophones, et nos centres ont un besoin criant de personnel qualifié. Quand je dis « un besoin criant de personnel qualifié », sachez que, des 21 services de garde francophones licenciés, 11 ont dû demander à la province une exception, parce qu'ils n'ont pas suffisamment de personnel formé. Alors, le besoin est criant.
La pénurie de personnel formé s'explique probablement par de nombreux facteurs, mais je n'en relèverai que deux, soit le salaire et les conditions de travail. Selon une étude menée par le Collège Red River auprès de ses diplômés de 2015-2016, ceux-ci gagnaient en moyenne 34 732 $ par année. Après avoir payé 8 000 $ en frais de scolarité et après avoir fait deux ans d'études, les diplômés gagnent un salaire équivalent à celui d'une personne qui a fait un certificat de cinq mois en aide aux soins de santé au coût de 2 400 $.
Quant aux conditions de travail, vous conviendrez qu'être éducatrice en jeune enfance relève presque de la vocation. Les conditions de travail en milieu minoritaire sont donc difficiles. Les éducatrices doivent, comme leurs collègues anglophones, bien préparer les enfants à l'entrée à l'école, mais à l'entrée à l'école française. Elles doivent donc, elles aussi, assumer un double mandat: le développement de l'enfance et la transmission de la langue. À la longue, certaines finissent par baisser les bras et quittent la profession. Le gouvernement fédéral peut jouer un rôle en adoptant une approche holistique qui valorisera la profession.
Certes, il faut des places, mais il ne faut pas négliger la formation de nos éducatrices, tant la formation de base que la formation continue. Nos enfants sont notre plus grande ressource, et la vitalité de nos communautés en dépend. Nous devons donc nous donner les moyens de nos ambitions.
D'autres ont réfléchi à la question, mais je pense qu'il est maintenant temps d'agir et d'investir en petite enfance, en tenant compte des besoins. Faire de la recherche dans le domaine de la jeune enfance minoritaire est nécessaire. Il serait souhaitable de prévoir une enveloppe spécifique pour la recherche dans les établissements francophones en milieu minoritaire, afin que les universités et les collèges puissent mener des recherches en collaboration avec les communautés francophones, et de documenter l'impact positif des investissements en jeune enfance sur la vitalité de nos communautés francophones en milieu minoritaire.
Plus nous aurons de données tangibles, plus nous serons outillés pour prendre de bonnes décisions. Cela s'applique autant à nous, les établissements et les communautés, qu'à vous, les gouvernements.
Nous croyons avoir un rôle à jouer dans l'accès à des services de garde de qualité, et nous souhaitons que le gouvernement fédéral reconnaisse ce rôle en appuyant la formation postsecondaire en français dans le domaine de l'éducation de la jeune enfance. Il s'agit de nous aider à contribuer au continuum de l'éducation en français, de la naissance à la carrière.
Pour terminer, si jamais le Comité désirait élargir sa réflexion, je l'inviterais à se pencher sur l'application de l'article 23de la loi au continuum de l'éducation à partir de la jeune enfance jusqu'au milieu du postsecondaire.
Merci.
Je m'appelle Carol-Guillaume Gagné et je suis le directeur général de l'Association des parents fransaskois. Nous sommes habitués de fonctionner avec des ressources limitées. Je vais donc laisser le vice-président livrer la présentation. S'il reste du temps, j'ajouterai de l'information. Je pense que, après tout, il est important d'entendre la voix des parents. En effet, sans les parents, la culture ne peut pas être transmise.
Membres du Comité, mesdames et messieurs, je vous salue. Je vous remercie de nous avoir convoqués à cette rencontre.
Avant de débuter cette présentation, j'aimerais remercier tous nos partenaires, notamment les représentants du Conseil des écoles fransaskoises, le CEF, qui sont présents aujourd'hui et qui nous ont aidé à formuler notre présentation. Je remercie également le Comité de nous accorder son attention.
Nous aimerions vous parler d'une partie de la réalité vécue par le secteur de la petite enfance dans notre communauté fransaskoise. De multiples difficultés affectent les services dispensés à la petite enfance en Saskatchewan. Ici, nous n'avons qu'à penser aux besoins des nouveaux arrivants et des familles exogames, qui composent une proportion croissante de la communauté fransaskoise; aux distances considérables qui séparent nos communautés fransaskoises; et aux disparités entre les services offerts dans les centres urbains, d'une part, et dans les zones rurales, d'autre part. Cette liste pourrait être plus longue encore.
Les fournisseurs de services déjà établis, dont les Centres éducatifs à la petite enfance, ou CEPE, les Centres d'appui à la famille et à l'enfance, ou CAFE, les prématernelles et les services de garde en milieu familial, sont obligés d'explorer des approches novatrices afin de répondre à ces difficultés. Comme vous le savez, la partie VII de la Loi sur les langues officielles précise que le gouvernement s'engage à prendre des mesures positives pour les communautés vivant en milieu minoritaire. Cela implique que tous les partenaires de cette communauté doivent être mis à contribution, dans le respect de leur mandat, afin de soutenir l'épanouissement de la communauté.
Pouvez-vous imaginer à quel point il est important de soutenir la petite enfance dans nos communautés minoritaires?
Il faut se rappeler qu'une liste d'attente au sein des services à la petite enfance équivaut à une perte de clientèle, non seulement pour les CEPE, mais aussi pour nos écoles fransaskoises. Finalement, c'est la communauté dans son ensemble qui perd de la vitalité.
Les statistiques démontrent parfaitement que les risques d'assimilation sont encore bien réels. La maîtrise de la langue est le moyen le plus efficace pour contrer l'assimilation. Le Commissariat aux langues officielles a publié, en octobre 2016, un rapport dans lequel on affirmait que, plus un enfant commençait tardivement à apprendre une langue, moins il avait de chance de la maîtriser. Cela confirme ce que de nombreuses études ont rapporté, à savoir que la période critique pour l'acquisition du langage est la petite enfance, soit de zéro à quatre ans.
Dans ce même rapport, le Commissariat aux langues officielles a exposé clairement quelques sombres réalités qui contribuent à cette assimilation. On y lit que, dans les communautés francophones en situation minoritaire, le développement de la petite enfance est notamment miné par un manque de ressources, une pénurie de personnel dans les centres de la petite enfance et une fragmentation des services.
En Saskatchewan, les services destinés aux petits enfants sont financés par le ministère de l'Éducation provincial. Pour nous, francophones en situation minoritaire, une telle approche universelle qui ne tient pas compte de nos particularités, de notre situation réelle et de nos défis spécifiques ne peut en aucun cas répondre adéquatement à nos besoins.
Les services à la petite enfance doivent donc s'inscrire dans un continuum, de la naissance à la fin des études. Afin de répondre adéquatement aux besoins des enfants et de leurs parents, de nombreux partenaires doivent travailler conjointement, selon une approche favorisant les échanges de services et d'information, le tout dans un climat de confiance et de vrai partenariat.
Comme vous vous en doutez, il n'est pas toujours facile d'établir des partenariats constructifs dans un contexte de rareté financière. Il est clair...
Merci beaucoup, monsieur Ormiston. Je dois mettre fin à votre présentation, mais vous pourrez compléter vos explications plus tard en répondant aux questions ou observations des députés.
Nous allons passer à Mme Colliou.
Je suis ici en tant que représentante de la Coalition francophone de la petite enfance du Manitoba, un regroupement de partenaires qui offre des programmes et des services aux familles d'enfants de zéro à six ans. Nous ne sommes pas responsables des centres de services de garde, mais plutôt de l'appui aux parents. Le comité directeur de la Coalition est composé de la Division scolaire franco-manitobaine, de la Fédération des parents du Manitoba et la Société de la francophonie manitobaine. Il y a aussi des tables de concertation où tous nos partenaires provinciaux peuvent siéger afin d'offrir des programmes et des services aux familles. Un des grands projets de la Coalition est celui des Centres de la petite enfance et de la famille, les CPEF, qui sont des centres de ressources pour les parents. Il y a 16 CPEF dans la province du Manitoba. Cinq d'entre eux sont situés dans des régions urbaines, les autres sont dans des milieux ruraux.
En ce moment, nous recevons du financement pour 11 de ces 16 CPEF. Nous avons dû étirer le financement. Nous faisons des demandes d'octroi à plusieurs endroits afin de combler les besoins, parce que les communautés nous l'ont demandé. Nous recommandons que le gouvernement fédéral nous donne de l'argent pour que nous puissions poursuivre notre projet. Cinq communautés-écoles sont quand même en attente d'un CPEF. Il y a un manque de fonds, et des familles sont en réclament haut et fort un CPEF dans leur communauté. Les cinq communautés qui nous restent sont aussi les communautés qui sont un peu plus éloignées de la région urbaine et qui ont encore plus de besoins que plusieurs autres.
Nous connaissons aussi une pénurie de personnel. Nous voulons que le personnel de nos CPEF ait une éducation en jeune enfance de niveau 2, pour commencer, parce que nous offrons aussi de l'appui aux parents. Nous voudrions aussi augmenter les heures de travail de ces coordonnatrices, qui ont des horaires de 20 à 30 heures par semaine, selon la région. Une région qui a une coordonnatrice travaillant seulement 20 heures par semaine ne peut pas offrir autant de programmes et de services qu'une autre. Nous recommandons de recevoir des fonds afin d'améliorer cela. Aussi, nous ne pouvons pas offrir de régimes de pension ou d'avantages sociaux à notre personnel. Depuis 6 ans, les hausses de salaire sont non existantes. Le financement que nous recevons a été stable depuis 2009 sans hausse liée au coût de la vie, entre autres. Tout augmente, sauf le financement.
Nous avons aussi un bon problème. Les CPEF attirent les familles vers la Division scolaire, ce qui y augmente le nombre d'étudiants. Cela fait que, dans le moment, il y a un manque d'espace dans les écoles pour des Centres de la petite enfance et de la famille, bien que la Division scolaire essaie de nous appuyer autant que possible.
Il y a aussi un grand manque de programmation en lien avec les familles exogames, puisque la grande population de nos utilisateurs est issue de familles exogames. Nous n'avons qu'un petit nombre de programmes qui s'adressent à cette clientèle. Nous devons améliorer cela aussi.
Enfin, il y a un grand manque de financement en ce qui a trait à l'évaluation et à la recherche en petite enfance. Nous avons des CPEF dans les communautés-écoles francophones de la province depuis 2004, et nous savons que nos programmes ont un grand effet qualitatif. Pourtant, la recherche ne le démontre pas. Nous avons beaucoup de données que nous pourrions utiliser pour compléter la recherche, afin de prouver que c'est important d'investir dans la petite enfance et que nous devrions continuer à le faire.
Je vous remercie.
Merci beaucoup, madame Colliou.
Nous passerons maintenant à M. Alpha Barry et Mme Hélène Grimard, qui feront leur présentation à deux.
Nous vous écoutons d'abord, monsieur Barry.
Je vous remercie, monsieur le président.
Chers députés, mesdames et messieurs, au nom de toute la communauté scolaire fransaskoise, permettez-moi de vous adresser nos meilleures salutations.
Je vous remercie sincèrement de m'accorder l'occasion de parler au nom du Conseil des écoles fransaskoises, connu sous l'acronyme CEFSK.
Notre présence ici est motivée par le profond désir de voir la Loi sur les langues officielles modernisée, surtout en ce qui a trait à l'éducation de la petite enfance en situation minoritaire. À cet égard, un mémoire est disponible, et il est déjà traduit dans les deux langues officielles. Son titre est « À l'aide! La communauté fransaskoise est à la merci de politiques assimilatrices du gouvernement de la Saskatchewan et le Parlement manque à l'appel ».
Le CEFSK aimerait donc saisir cette occasion pour vous faire part des défis pressants qu'il vit maintenant en matière d'éducation à la petite enfance. On doit s'attaquer à ces défis.
La première partie du mémoire que nous déposons aujourd'hui traite du cadre législatif de l'éducation de la petite enfance en Saskatchewan. La deuxième partie traite des défis auxquels est confronté le CEFSK dans le domaine de la petite enfance. Enfin, la troisième partie de notre mémoire contient une proposition de modification à la Loi sur les langues officielles.
En bref, il est tout à fait crucial que les fonds fédéraux destinés à la communauté fransaskoise soient utilisés de manière efficace pour combler les écarts créés par la structure législative adoptée par la province de la Saskatchewan. C'est donc dans cette optique que nous faisons aujourd'hui valoir l'importance capitale d'une modernisation de la Loi sur les langues officielles.
L'importance de la période de la petite enfance pour le développement intellectuel, émotif et identitaire n'a sans doute plus besoin d'être démontrée. Comme votre comité le sait très bien, la période de la petite enfance est encore plus fondamentale pour les communautés francophones et acadienne en situation minoritaire. La communauté fransaskoise fait face à un des plus hauts taux d'assimilation au pays et l'exogamie linguistique est en constante croissance. Également, le sous-financement chronique du CEF ne lui permet pas d'augmenter l'offre en ce qui a trait à la prématernelle.
Nous sommes très heureux que le gouvernement fédéral actuel semble plus réceptif. Nous aimerions souligner que le Cadre multilatéral pour l’apprentissage et la garde des jeunes enfants de 2017 constitue une belle initiative, mais soyons réalistes: il a une durée de sept ans, et les accords bilatéraux qui le mettront en oeuvre expireront trois ans après leur adoption. Il n'en demeure pas moins que la prise en compte des intérêts de nos communautés lors de la mise en oeuvre de ces instruments dépend d'une volonté politique clémente de notre gouvernement à notre égard, qui, soyons francs, se fait plutôt rare. Il existe un grand écart entre les programmes de la petite enfance offerts à la majorité et ceux qui sont offerts à la minorité. Cela est inacceptable, et cela contribue à l'assimilation de la province. C'est donc pour cette raison que les interventions du gouvernement fédéral sont critiques. Celles-ci doivent assurer la promotion des communautés de langue française en Saskatchewan et combler, au moins en partie, l'écart qui sépare nos communautés de la majorité anglophone en Saskatchewan.
Les lacunes décelées à plusieurs reprises par les conseils scolaires francophones en situation minoritaire et par votre comité exigent des solutions structurantes qui dépassent l'adoption d'un autre protocole, d'une feuille de route ou d'un cadre multilatéral. Prévoir des protections pour l'éducation à la petite enfance dans la Loi sur les langues officielles constituerait une solution permanente à ces problèmes.
Votre étude actuelle est l'occasion parfaite de recommander des modifications législatives. Ces dernières pourraient alors remédier de manière permanente aux problèmes du CEF en matière d'éducation à la petite enfance.
Le CEF vous remercie de lui avoir donné l'occasion de présenter ses inquiétudes et ses solutions.
Je vous remercie également.
Vous avez reçu une pochette aux couleurs de la Division scolaire franco-manitobaine, la DSFM. Il s'agit de notre mémoire, qui est un peu plus volumineux que ce que je vais vous présenter à l'instant. Nous ne voulions pas étirer le temps pour rien.
Monsieur le président et chers députés, la DSFM vous remercie d'être ici. C'est un privilège de vous accueillir au pays de Louis Riel, et c'est avec plaisir que je vous invite à venir visiter sa tombe ainsi que nos écoles, si vous avez un peu de temps cet après-midi.
Comme votre comité l'a mentionné à maintes reprises, la petite enfance est la base du continuum en éducation. Il s'agit d'une étape de vie cruciale, notamment en ce qui à trait au développement linguistique et identitaire, surtout, de l'enfant.
Malgré le consensus au sujet de l'importance de cette période pour le développement des enfants, particulièrement en situation minoritaire, les solutions proposées par le gouvernement fédéral ne permettent pas de régler le problème de l'accès aux services à la petite enfance en français.
Aujourd'hui, votre comité étudie à nouveau la question, et pour cela, je vous dis bravo! La DSFM vous invite à saisir cette énième étude du sujet pour recommander au gouvernement des solutions permanentes. La DSFM demande que les obligations du gouvernement fédéral soient renforcées de sorte à ne plus permettre au gouvernement du Manitoba d'utiliser les fonds fédéraux en vertu d'une entente, tel le Cadre multilatéral pour l’apprentissage et la garde des jeunes enfants, sans cerner les besoins de la DSFM et y répondre.
Il ne suffit pas que la DSFM et la communauté franco-manitobaine reçoivent une part des fonds fédéraux dans le domaine de la petite enfance proportionnelle à leurs effectifs. La juste part, c'est celle qui permet l'égalité réelle.
La solution est simple: le Parlement doit encadrer la discrétion des institutions fédérales de permettre à la province du Manitoba de faire ce qu'elle veut avec les fonds fédéraux. Conférez des droits aux communautés dans la Loi sur les langues officielles.
Je souhaite affirmer que le gouvernement du Manitoba reconnaît l'importance de l'éducation de la petite enfance, tant dans la Loi sur les écoles publiques que dans son budget. Cela dit, la DSFM s'inquiète toujours de la place qui est accordée aux besoins de la communauté franco-manitobaine par rapport à ceux de la majorité.
L'expérience de la DSFM dans le domaine de la petite enfance est positive, mais de nombreux défis demeurent. Depuis au moins 2012, la création de programmes de prématernelle à temps plein pour les enfants de 4 ans dans toutes les écoles de la DSFM constitue l'une de ses priorités. Par contre, les écoles de la DSFM ne comptent pas toutes des locaux adéquats, voire des locaux tout court, pour accueillir un tel programme.
En janvier 2014, la DSFM a mis sur pied un projet pilote pour créer un programme de prématernelle à temps plein. Aujourd'hui, la DSFM offre ce programme pilote dans cinq de ses écoles.
La DSFM a recueilli des données préliminaires sur les résultats des élèves inscrits à ce programme et, surtout, sur leur progression dans ses écoles. En utilisant les données sur la cohorte de 2014-2015 de l'École Gabrielle-Roy, qui est maintenant en deuxième année, nous avons constaté que le niveau de francisation des élèves inscrits au programme de prématernelle 4 ans était nettement supérieur à celui des élèves dont la scolarisation n'a débuté qu'à la maternelle, à 5 ans. Vous pourrez consulter le tableau 1, qui se trouve à la fin du mémoire plus volumineux.
La DSFM constate qu'à moins qu'ils aient des difficultés d'apprentissage, les élèves ayant commencé l'école à 4 ans ne requièrent plus de soutien de la phase d'accueil au début de la première année.
Bien que le gouvernement du Manitoba reconnaisse l'importance des programmes de prématernelle à 4 ans, la DSFM finance, à même son budget opérationnel, les programmes de prématernelle qu'elle offre dans ses cinq écoles, ainsi que l'espace qu'elle loue à des organismes tiers.
L'un des plus grands défis de la DSFM, outre le manque de financement des prématernelles à 4 ans, a trait à la concurrence des programmes de nursery qui sont offerts dans les écoles de langue anglaise. Cette concurrence désavantage la DSFM, qui perd des élèves au profit des écoles de la majorité qui sont plus proches et qui offrent un programme de prématernelle à 4 ans, notamment grâce à des fonds fédéraux.
Afin que le financement fédéral octroyé à la minorité dans le domaine de la petite enfance se rende véritablement aux initiatives choisies par la division scolaire et qu'il ait un véritable impact sur la réussite de nos élèves, il faut que les obligations du gouvernement fédéral soient renforcées.
À titre d'exemple, on peut citer l'accord qui a été signé en décembre 2017 et qui représente une entente bilatérale ne répondant pas aux besoins de la communauté franco-manitobaine. En effet, la DSFM s'inquiète des clauses linguistiques de l'accord, car celles-ci n'imposent pas suffisamment d'obligations au Manitoba. De plus, dans son propre communiqué de presse, qui, je souhaite le préciser, est disponible uniquement en anglais, le gouvernement du Manitoba décrit également ses objectifs relativement aux fonds de l'accord sans mentionner la spécificité des besoins de la communauté franco-manitobaine ou de la DSFM. Rappelons que le ministère de l'Emploi et du Développement social pourra changer cela d'ici trois ans, lorsque cette entente sera renégociée.
La DSFM profite donc de l'occasion qui lui est offerte pour vous proposer une solution permanente au problème lié à l'éducation de la petite enfance, soit la modification de la Loi sur les langues officielles. Ne vous méprenez pas, la DSFM est évidemment reconnaissante qu'une disposition consacrée aux besoins de la communauté franco-manitobaine ait été incluse dans l'accord, mais en réalité, il n'y a pas ici matière à célébration, car la francophonie est en droit de s'attendre à ce que les institutions fédérales incluent systématiquement de telles dispositions linguistiques. Vous conviendrez que les femmes ne devraient pas avoir à être reconnaissantes du fait que leur rémunération soit la même que celle des hommes.
En conclusion, bien que je ne sois pas un juriste et encore moins un parlementaire, à mon humble avis, nul n'est besoin de tenter d'arrêter la planète de tourner ou de modifier la Constitution du pays. Il y a simplement lieu de modifier la Loi sur les langues officielles. Il s'agirait d'une contribution permanente et structurante qui développerait assurément le français ici, au Manitoba.
Le Comité sénatorial permanent des langues officielles étudie la question de la modernisation de la Loi, et la DSFM espère que vous ferez de même.
Merci beaucoup.
Merci beaucoup, monsieur Laberge.
Nous allons maintenant donner la parole à Mme Brigitte L'Heureux, de la Fédération des parents du Manitoba.
Bonjour à tous, chers députés et membres du Comité permanent des langues officielles. Je vous souhaite la bienvenue à Winnipeg.
J'aimerais tout d'abord vous remercier de m'avoir invitée et de me donner l'occasion de témoigner au nom de la Fédération des parents du Manitoba, ou FPM, et de faire des recommandations au gouvernement fédéral en matière de petite enfance en contexte minoritaire.
La FPM est un organisme qui a pour mandat de promouvoir l'éducation en français en offrant des programmes, des ateliers, des services, des ressources et du matériel didactique aux jeunes de 0 à 12 ans, aux regroupements préscolaires et scolaires, aux éducateurs en petite enfance, aux services de garde éducatifs francophones en milieu familial et en centre, aux conseils d'administration des services de garde éducatifs francophones, aux comités scolaires et aux autres groupes de parents.
Nous faisons la promotion de l'importance du rôle du parent comme premier éducateur dans le cheminement éducatif et l'épanouissement de ses enfants, peu importe qu'il choisisse de rester à la maison ou d'avoir recours à un service de garde éducatif en centre ou à domicile.
Face à la réalité des familles d'aujourd'hui et au nombre important de couples exogames, nos approches sont inclusives pour que tous les parents, y compris les parents anglophones, soient conscients qu'ils ont une influence positive sur le choix de la langue de leurs enfants.
Comme organisme de parents, nos défis sont nombreux. Nous manquons de ressources humaines pour accomplir tout ce que nous souhaiterions accomplir; nous ne pouvons pas rémunérer notre personnel de façon adéquate, ce qui rend difficiles le recrutement et la rétention du personnel qualifié; nous faisons face à des coûts élevés de location et de fonctionnement; et j'en passe.
La vision de la FPM est tout simplement « Pour l'amour de nos enfants et de la langue de chez nous ». C'est vraiment la passion pour notre cause qui nous nourrit tous les jours.
Nous bénéficions énormément du réseautage et du partage de projets avec d'autres organismes de parents en milieu minoritaire partout au pays, et ce, sous l'égide et le leadership de la Commission nationale des parents francophones, la CNPF. Pour nos organismes, le partage des projets et des bons coups est indispensable. Plus nous pourrons élaborer de projets pancanadiens en petite enfance, mieux nos communautés seront desservies.
Je recommande que le gouvernement fédéral augmente le financement de base des organismes qui oeuvrent en petite enfance, notamment les organismes de parents, pour qu'ils puissent faire ceci: embaucher et retenir du personnel qualifié; rehausser la qualité de la programmation et des services offerts aux parents et aux enfants; continuer le travail important de sensibilisation à l'importance de l'éducation en français dès la petite enfance; se doter de mécanismes de communication efficaces pour attirer et retenir les familles ayant droit à nos services et à ceux offerts par la communauté; appuyer les familles exogames; contribuer à la vitalité de la communauté; et combler l'écart du financement avec le taux d'inflation.
Je recommande que le gouvernement fédéral privilégie l'approche intermédiaire par et pour les communautés qu'offrent des organismes comme la CNPF. Cette approche nous permet de maximiser les investissements du gouvernement fédéral pour concevoir des projets pancanadiens basés sur les bonnes pratiques et les succès des autres provinces, pour partager nos connaissances, notre expertise et les défis auxquels font face nos communautés minoritaires et pour faire entendre la voix des parents aux niveaux provincial et national.
On ne peut pas parler des défis en matière de petite enfance sans parler du besoin criant d'espaces en service de garde éducatif francophone: environ 800 enfants sont sur des listes d'attente pour une place en service de garde éducatif francophone dans notre province. L'entente bilatérale vient d'être signée et nous sommes heureux que le gouvernement provincial compte financer 250 espaces francophones au cours des trois prochaines années, mais à lui seul, ce financement ne comble pas tous nos besoins.
Vu l'importance de la période de la petite enfance pour la vitalité de toutes les communautés et, sur le plan individuel, l'importance de la petite enfance pour l'apprentissage de la langue française, la construction identitaire et le développement du sentiment d'appartenance à la communauté, je recommande: que le gouvernement canadien investisse davantage dans des services de garde éducatifs de haute qualité, équitables, accessibles et abordables; que la petite enfance, vu son importance, soit prise en compte dans le prochain Plan d'action pour les langues officielles; que l'importance de l'éducation préscolaire dans le cheminement éducatif soit considérée dans l'application de l'article 23 et qu'elle puisse jouir de garanties constitutionnelles.
Merci beaucoup.
Merci beaucoup de cette présentation, madame L'Heureux. Je vous remercie tout spécialement de nous avoir aidés à planifier la réunion d'aujourd'hui.
Le prochain intervenant est Mme Chabot, du centre Les Chouettes de Lorette.
Madame Chabot, vous avez la parole.
Bonjour à tous.
Je vous remercie de m'avoir invitée afin de vous parler de ce qui se passe dans les services de garde.
Je m'appelle Juliette Chabot. Je travaille dans un service de garde en tant que directrice du centre Les Chouettes de Lorette, qui est situé à Lorette, au Manitoba. Lorette est une petite communauté où il y a beaucoup de francophones et c'est bien plaisant de travailler dans un tel endroit.
Notre centre est rattaché à l'École Lagimodière, qui fait partie de la DSFM. Nous avons un coin pour poupons, qui est très petit — qui compte seulement quatre espaces —, des espaces destinés à des enfants d'âge préscolaire et d'autres à ceux d'âge scolaire. Nous entretenons un partenariat efficace avec l'école et nous nous sentons bien appuyés pour ce qui est de donner des services en français dans notre centre.
Étant donné que nous sommes rattachés à une école française, nous essayons toujours de recruter des familles francophones en premier lieu. Souvent, notre clientèle est composée de familles exogames. Par conséquent, nous avons plusieurs petits dont la langue maternelle est l'anglais. Nous devons travailler de très près avec ces enfants pour qu'ils apprennent le français autant que possible avant leur entrée à l'école, et ce, compte tenu des ressources limitées dont nous disposons.
Comme tout autre centre, nous devons aussi gérer des listes d'attente. Nous sommes le seul centre qui offre des services en français à Lorette. Il y a quelques années, nous avons demandé du financement au gouvernement pour agrandir nos locaux, demande qui a été approuvée. Cependant, le gouvernement a suspendu notre projet.
Quand nous devons assurer des services spéciaux à un enfant, ces services ne sont pas toujours en français. En effet, au lieu d'inscrire l'enfant sur une liste d'attente et tarder à lui apporter notre aide, nous faisons appel la plupart du temps à des spécialistes anglophones pour assurer de tels services.
Pour ce qui est du personnel, nous devons toujours recruter des francophones pour travailler au service de garde, ce qui est honnêtement très difficile pour nous. Là encore, nous travaillons en partenariat avec l'Université de Saint-Boniface, qui nous envoie des étudiants en stage. C'est un très bon moyen pour nous de recruter du personnel bien formé.
Étant donné que les salaires sont très bas, c'est un grand défi de recruter du personnel qualifié. Nous devons nous fier entièrement à nos partenariats avec la DSFM, la FPM, la Coalition francophone de la petite enfance du Manitoba et l'Université de Saint-Boniface. Il n'y a pas assez de ressources pour assurer le service de garde en français.
Nous aussi espérons obtenir plus d'aide tant du gouvernement fédéral que du gouvernement provincial.
Merci.
Merci beaucoup, madame Chabot.
Nous allons commencer la période des questions et commentaires. Je demanderais aux députés de se présenter et de dire qui ils sont et d'où ils viennent, de façon à ce que nos amis d'en face puissent les reconnaître.
Nous commençons immédiatement par Mme Boucher.
Je me nomme Sylvie Boucher et je suis députée de la région de Québec, plus précisément de la circonscription de Beauport—Côte-de-Beaupré—Île d'Orléans—Charlevoix. Je suis d'allégeance conservatrice. Pour tout dire, je suis la seule femme d'allégeance conservatrice au Québec.
De 2006 à 2008, j'ai été secrétaire parlementaire aux Langues officielles. De 2008 à 2011, soit jusqu'à ce que je perde mes élections en raison de la « vague orange », j'ai été secrétaire parlementaire à la Condition féminine. Sachez que nous représentons plusieurs partis politiques, mais que notre comité est l'un des rares à ne pas faire de politicaillerie. C'est très rare. Je lance souvent des piques aux autres députés, mais c'est toujours à la blague. Je le dis avant que les autres ne le disent. La langue n'est pas une question d'affiliation politique, mais d'identité et de racines profondes.
Ce voyage a été très révélateur pour moi. Je suis estomaquée de voir qu'en 2018, on doive encore se battre pour sa langue. J'ai lu bien des choses — et ici je vais faire non pas de la politicaillerie mais de la politique —, notamment que des ententes bilatérales ont été conclues dans plusieurs provinces. Ainsi, mon confrère M. Vandal a annoncé le 23 février dernier la conclusion d'une entente de 47 millions de dollars représentant 1 400 nouvelles places en garderie pour le Manitoba. Des fonds ont donc été accordés au Manitoba.
Quelle proportion de ces fonds va être versée à la communauté francophone?
Ma question s'adresse à l'un ou l'autre des témoins. N'importe qui peut y répondre.
Ce sont 250 places sur 1 400, en service de garde, qui ont été réservées aux francophones. Toutefois, je crois qu'il faut fournir un peu de contexte. Étant donné que nous avions, nous les francophones, un très important rattrapage à faire, la pénurie à laquelle nous devions faire face était plus importante que chez les anglophones. C'est ce qu'indiquait la liste d'attente centralisée. On peut donc parler d'un léger rattrapage.
Toutefois, il faut aussi préciser qu'environ la moitié des 1 400 places en service de garde étaient déjà promises. Ces places existantes n'étaient pas financées. Le nouveau financement est donc destiné à la moitié des 1 400 places. Parmi les 250 places, certaines sont déjà existantes.
D'accord, merci.
À la page 8 du document qui en compte 13 et qui s'intitule « À l'aide! La communauté fransaskoise est à la merci de politiques assimilatrices du gouvernement de la Saskatchewan et le Parlement manque à l'appel », j'ai lu au point 24 quelque chose qui m'a fait sursauter.
On y lit ce qui suit:
Qui plus est, le gouvernement de la Saskatchewan a financé la création de 889 espaces en prématernelle de langue anglaise, incluant 810 places dans 18 nouvelles écoles communautaires à Saskatoon, à Regina, à Warman et à Martensville. Aucun financement n'a été accordé à la communauté fransaskoise.
Savez-vous pourquoi?
Pour ma part, je viens du Canada, plus particulièrement du Québec, et je connais les députés de cette province. Nous parlons tous français. Ceux qui parlent anglais se font regarder de travers.
Je ne connais pas vraiment les députés, ici, alors je vous pose la question: y a-t-il des élus francophones dans votre province qui peuvent vous aider?
La question semble peut-être banale, mais nous donnons beaucoup d'argent aux provinces.
Y a-t-il au sein du Parlement de la Saskatchewan des personnes qui parlent français, comme nous, qui peuvent vous aider en matière de francophonie, mais qui peuvent également vous aider à communiquer avec nous?
Vous comprendrez que, même si un élu francophone n'arrive pas à soumettre un projet de loi au vote, au moins la nouvelle va paraître dans les journaux. Personnellement, je n'ai pas encore lu d'article où un député qui se dit francophone, présent au cinq à sept, défend la cause.
Je vais juste vous donner un peu de contexte. En ce qui concerne le nombre de places en service de garde, une vingtaine de nouvelles écoles ont été construites, de façon assez stratégique, dans la province. Je peux vous dire que ce sont des écoles que je qualifierai d'« hôtels cinq étoiles ». Il n'y a que la piscine olympique qui leur manque. Ces écoles sont construites dans les nouvelles localités ou les nouveaux lotissements. Qui achète les nouvelles maisons? Ce sont les jeunes familles.
On parle du principe de disponibilité et d'accessibilité de l'école et des services, mais la seule école francophone est située au sud de la ville. Je prends mon cas comme exemple. Je suis parent avant d'être président du Conseil scolaire. J'ai trois jeunes enfants. Nous habitons tout à fait au nord de la ville dans un nouveau lotissement. Il nous faut traverser toute la ville pour atteindre la seule école francophone, qui est située au sud et où se trouve la seule garderie francophone. Je vous le dis, cela représente un acte d'abnégation. Le transport prend plus d'une heure. Quand les enfants arrivent à destination, nous n'avons quasiment pas le temps de nous occuper de plein d'autres choses pour eux. L'école est en fait le moyen, la voie qui permet de préserver les aspects culturel et linguistique.
Merci beaucoup, monsieur Barry.
Nous allons maintenant donner la parole à M. Dan Vandal.
Monsieur Vandal, nous vous écoutons.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Bienvenue à tout le monde. Je pense que la plupart d'entre vous me connaissez. Je suis Daniel Vandal, député de Saint-Boniface—Saint-Vital et j'en suis à mon premier mandat. Je suis conseiller de longue date, issu du territoire de Louis-Riel, à Saint-Boniface. J'espère que nous aurons l'occasion de visiter ce site cet après-midi.
Premièrement, je vous félicite du travail que vous faites dans vos communautés. Ce travail est très important et je le respecte beaucoup. Nous avons mené des consultations, l'année dernière, au sujet du nouveau plan stratégique qui a été annoncé, et la feuille de route était un des enjeux les plus importants pour nos communautés. Je vous félicite donc de votre travail.
Quand il s'agit de la petite enfance, parle-t-on des enfants âgés de 0 à 7 ans, de 8 ans, de 9 ans?
Une voix: De 0 à 5 ans.
Nous sommes allés à Vancouver et à Edmonton, et nous avons entendu beaucoup de chiffres différents.
En ce qui concerne les enfants âgés de 0 à 5 ans, quel est le nombre de places occupées actuellement au Manitoba? Y a-t-il quelqu'un qui a cette information?
Une voix: Je crois que c'est environ 600.
Voici mes deux questions: quel est le nombre de places occupées au Manitoba en ce moment, et quel est le nombre de personnes inscrites sur la liste d'attente?
Il y a actuellement environ de 500 à 600 enfants inscrits dans les services de garde éducatifs des 21 centres de la province. J'ai communiqué avec tous les centres en juillet 2017; nous avions environ 800 noms sur la liste d'attente, et toutes les places étaient prises. Une grande partie des demandes vient du quartier de Saint-Boniface, à Winnipeg, mais d'autres parviennent aussi de Saint-Vital et de St. James. Il y a aussi beaucoup de demandes venant du reste de la province.
Quelle est la proportion de gens dont le nom figure sur cette liste et qui vivent dans les régions rurales comparativement aux régions urbaines? Avez-vous mentionné cela, à propos de la liste d'attente?
C'est bien.
Mes autres questions s'adressent à Mmes Arbez et Cwikla, qui ont présenté beaucoup d'informations.
Pour résumer, mesdames Arbez et Cwikla, j'aimerais vous poser la question suivante: quel est votre plus grand défi et quelle est recommandation principale que vous adressez à ce comité et qu'il peut présenter à la Chambre des communes?
Nos principaux défis sont le financement et le recrutement.
Tout d'abord, il est difficile de recruter des étudiantes — la profession est très féminine —, parce que cela exige d'elles de payer 8 000 $ en frais de scolarité et d'investir deux ans de leur vie pour gagner, une fois diplômées, à peu près le salaire minimum, ou un peu plus si elles sont chanceuses. Donc, le recrutement est difficile. La valorisation de la profession est un problème.
Le financement des programmes de formation aussi présente un défi. Le financement vient de la province. Pour notre programme régulier, nous avons un financement de base pluriannuel. Nous avons aussi, depuis 2013, un programme de formation en milieu de travail, mais il est financé par cohorte seulement. Nous devons donc présenter chaque année une nouvelle demande au gouvernement provincial pour qu'il finance nos places. L'année dernière, pour la cohorte qui a commencé en septembre 2016, nous avons reçu le financement en avril 2017. Cette année, nous n'avons toujours pas reçu notre financement, et nous arrivons à la fin de l'exercice financier.
Nous devons faire un acte de foi, offrir le programme et accepter de le faire sans financement. C'est difficile. Nous n'avons pas de...
Excusez-moi, il ne me reste pas beaucoup de temps.
Quelle est votre recommandation principale au Comité?
Ma recommandation est de diriger des fonds vers la formation postsecondaire et de vous assurer que les provinces sont redevables au gouvernement fédéral de cet investissement.
Merci beaucoup.
Monsieur Laberge, vous avez mentionné que, dans le domaine de la petite enfance et probablement dans d’autres domaines aussi, la communauté franco-manitobaine ne devrait pas recevoir seulement une part des fonds fédéraux proportionnelle à ses effectifs, mais bien sa juste part.
Avez-vous des exemples concrets de cas où la communauté ne reçoit pas sa juste part?
Dans le cas des garderies, c'est de l'argent fédéral qui va directement à des programmes anglophones. À notre avis, c'est de la discrimination. C'est de l'argent qui devrait aider à subventionner notre programme de prématernelle pour les enfants de 4 ans. C'est un cas flagrant pour nous, parce que nous savons très bien que si les enfants commencent dans une école à l'âge de 4 ans, ils vont continuer dans cette école.
Dans certains quartiers, beaucoup de francophones se voient offrir une place pour leur enfant de 4 ans dans une garderie située dans une école anglophone, et c'est là qu'il va continuer son cheminement. Il ne va pas intégrer le système francophone par la suite.
Merci beaucoup, monsieur Vandal. Nous sommes à Winnipeg aujourd'hui, alors j'aimerais vous féliciter, monsieur Vandal, pour le boulot que vous faites.
Au Parlement, à Ottawa, il y a plusieurs députés qui sont des francophones hors Québec et qui font un boulot exceptionnel pour la francophonie. Cela mérite d'être souligné. Nous en avons deux autres parmi nous aujourd'hui, que nous entendrons plus tard, soit Darrell Samson, de la Nouvelle-Écosse, et René Arseneault, du Nouveau-Brunswick. Ces députés vivent, dans leurs circonscriptions respectives, des situations comme celles dont vous nous parlez.
Félicitations à vous, monsieur Vandal, et à vous tous pour le travail que vous faites.
Monsieur Gagné, vouliez-vous dire quelque chose rapidement?
Oui. J'ai constaté que les dernières questions parlaient de Winnipeg. Je sais que nous sommes à Winnipeg, mais il y a aussi une réalité saskatchewanaise. Soit nous vous invitons officiellement à venir faire un tour chez nous pour que nous puissions vous présenter notre situation, soit nous prenons un peu plus de temps aujourd'hui pour vous présenter nos propres chiffres. C'est à votre choix.
Merci beaucoup.
Je suis François Choquette, député de Drummond, au Québec. Je suis porte-parole du NPD en matière de langues officielles et vice-président du Comité permanent des langues officielles. Je suis enseignant de français de profession, donc je connais un peu le monde de l'éducation.
Vous avez bien mentionné la grande importance de la petite enfance dans la lutte contre l'assimilation. Je suis déçu d'apprendre que le plus haut taux d'assimilation se trouve en Saskatchewan. J'appuie donc votre suggestion d'aller vous rencontrer à Saskatoon et à Regina. Nous nous excusons de ne pas avoir pu nous arrêter là-bas. Nous nous excusons aussi auprès des francophones du Nord; nous n'avons pas pu aller non plus dans les trois territoires.
Je veux faire vite, parce que nous avons peu de temps.
Ma première question s'adresse à MM. Laberge et Barry.
Vous avez dit qu'il y avait des ententes bilatérales contenant des clauses linguistiques entre les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral. Par contre, vous avez mentionné qu'il y avait des limites à ces ententes. Celles-ci ne seraient peut-être pas la solution pour assurer la pérennité du financement, le respect de la dualité linguistique et l'équité. Elles n'assureraient pas aux communautés francophones de recevoir leur juste part.
Pouvez-vous préciser votre pensée, à tour de rôle?
Merci beaucoup à nos amis franco-manitobains.
J'aimerais revenir sur l'essence de la raison pour laquelle nous avons déposé un mémoire qui comprenait une solution. La solution ne passe pas par les clauses. Je sais que nos amis les libéraux sont très fiers de leurs clauses linguistiques, et je tiens à les en féliciter et je leur en suis très reconnaissant, mais cela ne règle pas le problème. L'important, c'est d'inclure dans une loi fédérale une protection qui garantirait l'obligation de respecter les lois, la philosophie et la finalité de l'objet de l'article 23 de la Charte. En ce moment, nous sommes à la merci des politiques. En politique, si un parti veut être élu de nouveau, il ne doit pas prendre soin de la minorité, mais plutôt de la majorité. L'éducation en milieu minoritaire, qui est garantie par un droit constitutionnel, c'est l'affaire de tous.
Personnellement, je réfute la théorie selon laquelle l'éducation est de compétence provinciale alors que, d'un autre côté, la Constitution comporte des droits, des privilèges et une obligation de gérer tout ce qui est relatif à la langue et à la culture. On peut être à la merci d'un fonctionnaire anglophone qui ne participe pas aux activités de la communauté ou dont les enfants ne fréquentent pas l'école francophone. Pourtant, c'est lui qui doit me dire comment je dois dépenser les sommes qui me sont destinées. Ce n'est pas sérieux. Selon moi, c'est comme la Nivaquine, une petite pilule contre la malaria: cette pilule est tellement amère qu'on ne peut pas l'avaler.
Nos écoles font face au phénomène du décrochage culturel. Nous avons une école désuète, située tout au sud de la ville. Elle a une capacité de 300 élèves, mais elle compte aujourd'hui quelque 480 élèves. Elle n'a plus de bibliothèque, parce que nous avons dû en faire des salles de classe. L'année prochaine, nous nous attendons à accueillir plus de 500 élèves. C'est rendu qu'il faut faire la file pour aller faire ses besoins. C'est ridicule.
Vraiment, ce ne sont pas de clauses ni de règles que nous avons besoin. Nous avons besoin qu'une protection soit incluse dans une loi afin de reconnaître l'obligation de consulter et la question de la reddition de comptes. Si vous nous envoyez de l'argent, vous devez respecter vos obligations envers nous.
Il ne faut pas oublier que les conseils scolaires sont fatigués de traîner les gouvernements provinciaux en justice. La Loi sur les langues officielles peut être contestée devant la cour. À un moment donné, il faudra voir quels sont les recours, et non plus seulement pleurnicher.
Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question.
C'est parfait.
J'aimerais compléter ce que disait M. Barry tout à l'heure. Le problème que vit le Manitoba, je pense qu'il survient partout au Canada.
J'ai la chance de présider le Regroupement national des directions générales de l’éducation au Canada. Le même problème survient dans toutes les provinces. Vous êtes allés en Colombie-Britannique, et j'imagine que vous y avez entendu les mêmes défis. C'est la même chose en Alberta. C'est ce que vous entendrez d'est en ouest.
Tout à l'heure, on a parlé de la Loi sur les langues officielles. Il faut aussi donner du mordant à cette loi, afin qu'on puisse l'appliquer et qu'on puisse avoir des recours. Présentement, il n'y a pas beaucoup de recours. Devrait-on avoir recours à un tribunal pour faire appliquer cette loi? Donner plus de mordant à la loi serait une chose élémentaire, à notre avis.
Le deuxième élément serait de reconnaître les paragraphes 23(2) et 23(3) de la Charte, au moyen de la reconnaissance élargie des francophones dans le recensement. Cela permettrait une plus grande francophonie et permettrait aux écoles francophones de grandir. Présentement, nous nous battons avec les ministères provinciaux afin de faire reconnaître des ayants droit dans des endroits où nous n'avons pas d'écoles. Or la solution est simple pour les anglophones. Il y a un nouveau développement qui se bâtit. S'il y a des enfants et des familles qui arrivent, on bâtit une école anglaise. Ces enfants sont probablement des enfants d'ayants droit, mais ils vont aller dans une école anglophone. Nous perdons donc cet élément.
Le troisième élément, ce sont les espaces fédéraux. Le gouvernement fédéral donne des sommes d'argent pour que nous puissions construire des garderies à même nos écoles ou construire des espaces. Le nombre d'élèves croît de plus en plus, mais le provincial nous alloue les infrastructures minimales, c'est-à-dire une école très petite. Dans la majorité des cas, dans toutes les provinces où l'on a bâti des écoles francophones, celles-ci débordaient avant même leur ouverture. Qu'est-ce qui prend le bord? C'est la garderie. Les garderies sont en croissance, mais on ne peut pas leur donner plus d'espace dans nos écoles. Où vont donc ces enfants? Ils vont dans des garderies anglophones, dans des milieux anglophones, et ils continuent leur cheminement avec des amis anglophones dans des écoles anglophones.
Alors, il faut donner du mordant à la Loi sur les langues officielles.
Merci beaucoup, monsieur Laberge.
Nous passons maintenant à M. Samson.
Êtes-vous prêt, monsieur Samson?
Je suis toujours prêt.
Merci beaucoup d'être ici aujourd'hui. Nous avons vraiment la gamme.
Je vais d'abord me présenter, même si la plupart des témoins me connaissent.
Je m'appelle Darrell Samson et je suis député depuis 2015, mais j'ai fait carrière en éducation. Je connais donc les communautés, les garderies, les établissements postsecondaires, les fédérations de parents et les conseils scolaires. Avant d'être élu, j'ai été pendant 11 ans directeur général du seul conseil scolaire francophone de la Nouvelle-Écosse.
Je vous félicite pour votre engagement et je salue votre passion. Ce qui est drôle, quand on est en situation minoritaire, c'est qu'on doit travailler ensemble beaucoup plus que les autres. Comme le dit une expression que j'utilise souvent, il faut se coucher plus tard et se lever plus tôt pour faire avancer les choses. Je vous remercie énormément de votre travail. Il y a aussi une autre expression que je pourrais utiliser: plus on en fait, plus on voit ce qu'il reste à faire. C'est problématique.
L'évolution de la situation est intéressante. Il y a des succès, mais il y a aussi du temps perdu; on perd des enfants en attendant des services en français.
En 1982 a été édictée la Charte canadienne des droits et libertés, et son article 23 a aidé à faire progresser les choses. Aux environs de 1990, des conseils scolaires francophones ont été créés, ce qui a été un tournant énorme. Puis il y a eu des services en français dans toutes les provinces, à l'exception de la Colombie-Britannique. Hier, la Nouvelle-Écosse a annoncé un nouveau statut en matière d'éducation accordé uniquement au Conseil scolaire acadien provincial. Selon moi, cela va changer le monde. Comme vous l'avez dit toute la matinée, cela touche à la notion de symétrie et d'asymétrie. C'est là que se situe le problème.
J'ai plusieurs questions rapides à poser. Je sais que j'ai pris un peu de temps, mais il fallait mettre les choses en contexte.
Vous avez parlé des ententes contenant une clause linguistique. Je vais vous dire la vérité: nous avons travaillé fort et ce n'est pas facile d'avoir une clause linguistique, parce que les fonctionnaires disent que cela ne relève pas de leur compétence. Nous savons que cette clause ne va pas assez loin et qu'il faut apporter un changement pour améliorer la protection, comme on l'a bien expliqué tantôt. Nous devrons modifier la Loi sur les langues officielles très bientôt. Certaines provinces donnent plus que d'autres et les défis sont énormes, comme vous l'avez très bien expliqué.
Je vais essayer de poser mes questions très rapidement.
Le Programme des langues officielles dans l'enseignement donne des fonds supplémentaires pour améliorer l'éducation dans la langue de la minorité. Ne serait-il pas profitable qu'on donne aussi des fonds supplémentaires pour améliorer les services en français à la petite enfance?
La question s'adresse aux gens des deux conseils scolaires.
Personnellement, je pense qu'il faudrait commencer par comprendre où va l'argent du PLOE; ce serait très important. Il y a à peine trois mois, nous avons perdu un poste de sous-ministre adjoint en éducation, qui était financé par le gouvernement fédéral. On nous avait promis ce poste justement pour faire avancer les choses en éducation, mais il a été aboli. Où est allé cet argent? Nous n'en avons aucune idée. Nous venons de perdre 100 000 $ ou 125 000 $. Dans chacune des provinces, nous n'avons aucune idée d'où va l'argent du PLOE. Nous avons un pourcentage de cet argent, mais nous n'avons aucune idée de la façon dont il est dépensé.
Vous me demandez si on devrait donner du financement pour des services en français à la petite enfance. Oui, nous sommes tout à fait d'accord. Ce devrait être le cas partout au Canada, au minimum.
C'est bien, parce que le PLOE vise l'enrichissement de la langue. C'est fait par la communauté et pour la communauté, dans une certaine mesure. Il faut que l'argent se rende chez vous. Si on avait cela pour la petite enfance, ce serait super.
Je vais passer à autre chose, puisque mon temps de parole s'écoule, mais il est très important de bien cerner le problème.
Chaque province a un lieutenant-gouverneur qui représente le gouverneur général, lequel est le représentant du premier ministre du Canada et du gouvernement. Peut-être aurait-on besoin d'un lieutenant dans chaque province qui s'assurerait que les fonds consacrés aux provinces pour les minorités de langue officielle arrivent à bon port et que toutes les ententes entre le fédéral et les provinces, et pas seulement en éducation, comprennent une garantie que les fonds se rendent directement sur le terrain. C'est la clé, selon ce que je comprends. Cela donne matière à réflexion.
Nous n'avons pas beaucoup de temps, mais pouvez-vous parler de l'entente stratégique signée par la Fédération nationale des conseils scolaires francophones et le gouvernement fédéral? C'est un pas de plus vers une solution. Les représentants des deux conseils pourraient-ils s'exprimer sur ce point?
C'est une bonne chose que la FNCSF ait conclu ce partenariat. Toutefois, cela ne résout pas tous les problèmes, puisque le Conseil des ministres de l'Éducation du Canada a son mot à dire dans le versement des fonds fédéraux. Il faut donc tout mettre en contexte.
Si la FNCSF est mise à contribution et peut participer aux discussions, nous saurons davantage comment les fonds seront distribués d'une province à l'autre. Présentement, comme vous l'avez mentionné tout à l'heure, dans certaines provinces, on reçoit 30 %, 40 % ou 50 % des fonds, mais on ne sait pas du tout où va l'argent.
Merci beaucoup, monsieur Samson.
Nous passons à M. Arseneault.
À l'intention des témoins, veuillez vous présenter.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je suis René Arseneault, fier Acadien du Nouveau-Brunswick et francophone en milieu minoritaire. Je suis un peu chanceux, car j'habite dans une région assez homogène dont la population est majoritairement francophone. J'ai eu la chance, dans ma vie, de côtoyer plusieurs Franco-Manitobains. Lorsque j'ai suivi ma formation en droit à Moncton, plusieurs Franco-Manitobains fréquentaient cette école de droit. Je pense notamment à Christine Robidoux, aux frères Chartier, à Allain Laurencelle et aux nombreux autres de la région de Saint-Boniface, ainsi qu'aux gens des villages francophones du sud. Il y en avait un en particulier, dont le nom m'échappe. Il y avait aussi quelques Fransaskois, dont une Fransaskoise dont je me souviens bien, Lise Lorain.
Je mentionne cela parce que mes questions porteront peut-être plus sur le droit. Il y a des juristes ici. D'ailleurs, le premier juge issu de la première cohorte de la Faculté de droit de l'Université de Moncton, au début des années 1980, vient de Saint-Boniface. C'est M. Chartier, justement. Il y a donc ici une communauté juridique assez active et présente.
Madame Cwikla, plus tôt, je crois que vous avez été la première à parler d'inclure des droits dans la loi ou de modifier l'article 23 de la Charte. Est-ce que vous avez lu des mémoires de la communauté d'ici à ce sujet?
Je n'ai pas nécessairement parlé de les inclure dans la Constitution ou de modifier celle-ci, mais j'ai dit qu'il fallait se demander si, dans sa forme actuelle, l'accès à l'éducation dans la langue de la minorité s'applique à l'ensemble du continuum de l'éducation.
À ma connaissance, il n'y a pas de mémoires. Tout ce que j'ai lu à ce sujet est un article de M. Giroux, du Nord de l'Ontario, qui parlait des garanties implicites de l'accès à l'enseignement postsecondaire dans le cadre de la Constitution. Toutefois, si on veut que des francophones profitent de l'article 23, il faut que le français soit leur langue maternelle.
Je rappelle à tous que l'article 23 fait allusion à l'école primaire et à l'école secondaire, mais pas à la période préscolaire ni aux études postsecondaires. Il s'agirait donc d'assurer le continuum de l'éducation en offrant des services en français dès la petite enfance et jusqu'aux études postsecondaires. C'est bien ce que vous dites, n'est-ce pas?
Il s'agit aussi d'offrir un appui aux contestations judiciaires. Cela coûte de l'argent d'aller faire valoir ses droits devant la Cour suprême. Si le gouvernement peut donner de l'argent aux communautés pour qu'elles puissent mener ces batailles linguistiques, je suis certaine que vous en trouverez qui voudront les mener.
Oui, il y a de nombreux experts en ce domaine.
Les provinces se sont déjà engagées dans plusieurs batailles juridiques. Le problème, c'est que ces batailles durent des années, 10 ans, 12 ans. Même après une victoire, il faut autant d'années pour convaincre le gouvernement d'agir, particulièrement dans le domaine de l'éducation.
Je vais adresser une question à la communauté fransaskoise. En fait, la question s'applique à toutes les provinces autres que le Québec. Le Canada est grand, les provinces de l'Ouest sont immenses, la communauté francophone est éparpillée du nord au sud. Nous avons visité la Colombie-Britannique, puis l'Alberta, et nous sommes maintenant ici, à Winnipeg. Nous ne sommes pas allés en Saskatchewan, mais vous êtes ici pour nous en parler. Nous connaissons notre géographie. Quel est le choix cruel que nous devons faire pour nous assurer que les droits de la masse critique de francophones sont respectés? Où devons-nous tracer la ligne en ce qui concerne les services offerts et le financement provenant du fédéral et des gouvernements provinciaux? Comment prendre cette décision cruelle et comment fixer les limites?
Monsieur Gagné, vous pouvez répondre.
En attendant que M. Gagné soit prêt, je peux vous répondre.
La solution est très simple, monsieur Arseneault, ce sont les services offerts par la communauté et pour la communauté, et les gens qui le font doivent avoir une certaine ardeur, une certaine protection, une certaine légitimité. C'est ce que nous vous proposons. C'est vraiment de nous permettre d'avoir une protection inscrite dans une loi fédérale. Quand cela fait partie d'une loi, ce n'est plus quelque chose qu'on peut changer de façon administrative. Cela provient du Parlement, cela devient public.
Quand nous aurons l'occasion de présenter les défis de notre communauté et de proposer des solutions, et que nous aurons les moyens de le faire...
Je vous interromps, car j'aimerais savoir quelle est votre définition d'une communauté francophone en Saskatchewan. À partir de combien d'habitants peut-on dire qu'il s'agit d'une communauté qui a besoin d'une garderie et d'une école primaire?
Je me mets dans la peau du fonctionnaire à Ottawa ou du ministre qui devra prendre une décision. J'ai en tête l'article 23 de la Charte, qui dit « lorsque le nombre de ces enfants le justifie ».
Je vais prendre l'exemple de la communauté fransaskoise. Cette communauté est constituée de gens qui, au quotidien, vivent la culture francophone, se définissent comme étant des francophones, veulent vivre en français et s'inquiètent de la vitalité et de la pérennité de leur groupe. C'est cela, la communauté francophone.
Il y a des francophiles. Il y a également les programmes d'immersion. Je dis toujours que les programmes d'immersion existent parce qu'il y a des francophones.
Avez-vous des suggestions permettant de nous assurer que le financement fédéral attribué à la petite enfance ou à l'éducation se rend là où il est censé aller? Nous devons savoir comment les fonds sont gérés et administrés, si nous voulons pouvoir observer les données, effectuer des calculs et comptabiliser les résultats. Avez-vous des pistes de solution à cet égard?
Oui, mais une loi pourrait-elle permettre de suivre la trace des fonds octroyés par Ottawa jusqu'à ce qu'ils soient attribués à une communauté comme Gravelbourg?
Commençons par avoir une loi qui précise la question de la reddition de comptes, des rôles et des responsabilités. Lorsque cette loi sera en place, nous passerons à un processus de reddition de comptes. Cela pourrait être fait par Patrimoine canadien, par un tribunal administratif ou par d'autres instances. Cela pourrait être des lieutenants-gouverneurs qui veilleraient à cela. Les solutions sont multiples, mais nous n'en sommes pas rendus là.
Rappelez-vous toujours que, lorsque de l'argent est destiné aux communautés pour veiller à leur vitalité, il y a un fonctionnaire qui décide de la manière dont cet argent doit être dépensé. Dans la plupart des cas, cela ne répond pas aux besoins de la communauté. C'est un problème.
Bonjour.
Depuis tantôt, on parle beaucoup d'une nouvelle Loi sur les langues officielles. Ces temps-ci, on parle beaucoup de l'égalité entre les hommes et les femmes. De la même manière, ne serait-il pas possible d'avoir une loi assez forte pour établir une égalité entre les anglophones et les francophones? Ce serait aussi simple que cela.
Est-ce qu'on a déjà communiqué avec vous pour vous demander de faire partie de la solution en vue de rédiger une nouvelle Loi sur les langues officielles? Je parle de tous les francophones, vous qui êtes ici, mais aussi ceux des quelques régions de l'Ouest que nous avons visitées récemment ainsi que les communautés de l'Est. C'est vous qui connaissez le mieux votre propre réalité.
C'est une bonne question.
Eh bien, j'ai enfin l'occasion de m'exprimer; voilà qui me plaît. Ça y est, vous n'aurez pas le choix, vous allez devoir venir nous voir chez nous.
Cela dit, nous n'avons pas vraiment été consultés à ce sujet, mais il ne faut pas nécessairement considérer les choses sous cet angle. Nous ne jouons pas selon les mêmes règles. Dans certaines régions, nous n'avons pas une masse critique de francophones.
Nous avons besoin de services de qualité. Comme nous le disons depuis tantôt, pour que nos communautés soient vivantes, il faut qu'elles puissent vivre et apprécier la culture, et ce sont souvent les organismes qui gravitent autour de la communauté qui donnent vie à la culture. Pour que nos familles soient intéressées à participer à ces activités, il faut leur offrir des activités de qualité égale à celle des activités offertes à la majorité. Il faut se rappeler que 70 % de nos familles sont exogames. Elles font donc déjà partie de la majorité et participent beaucoup aux activités de celle-ci. Elles ne vont pas participer à des activités qu'elles considèrent comme moins valables ou moins intéressantes.
Toutefois, financer des activités culturelles d'une qualité équivalente coûte cher. Cela représente beaucoup de travail. Il reste que nous allons peut-être devoir en venir à cela. Sinon, dans 15 ou 20 ans, nous en serons encore à discuter de cette situation.
Merci beaucoup, monsieur Gagné.
Voilà qui met fin à notre rencontre avec vous ce matin. Je vous remercie énormément de la contribution que vous apportez à la société. Au nom des membres de notre comité, je vous dis un grand merci pour le bénévolat et le travail que vous faites.
Avant de suspendre la séance, je vais vous demander de rester en place et demander aux députés de se placer derrière vous pour que nous puissions prendre une photo de groupe.
Nous suspendons la séance et nous allons la reprendre tantôt avec un nouveau groupe de témoins.
Conformément à l'article 108(3) du Règlement, nous poursuivons notre étude sur les programmes d'enseignement du français et de l'anglais langue seconde.
Nous avons le plaisir de recevoir aujourd'hui M. Derrek Bentley, à titre personnel, M. Jeff Anderson, qui est directeur de l'École Guyot, M. Ron Cadez, qui est directeur de l'École Howden, et Mme Sandra Drzystek, qui est agente de liaison du français langue seconde au ministère de l'Éducation et de la Formation du Manitoba.
Je vous souhaite à tous la bienvenue.
Voici comment nous allons procéder. Chacun de vous va disposer d'environ cinq minutes pour livrer sa présentation. Nous passerons ensuite à une période de commentaires et de questions à laquelle prendront part les membres du Comité. Ces interventions auront une durée de six minutes et seront constituées de commentaires ou de questions. Voilà, ce sont les règles du jeu.
Nous allons commencer immédiatement par M. Bentley.
Merci beaucoup de l'invitation aujourd'hui.
Je vous parlerai de ma propre expérience. J'ai appris le français dans un programme d'immersion. Par la suite, pendant une partie de mon secondaire, j'ai fréquenté une école francophone en tant que non-ayant droit. J'ai fait mes études postsecondaires en anglais. Je n'ai jamais eu l'occasion de parler français chez moi.
Maintenant, je siège au conseil d'administration de Canadian Parents for French au niveau national. Je suis aussi président du Conseil jeunesse provincial du Manitoba et représentant manitobain au sein de la Fédération de la jeunesse canadienne-française.
Cette vie remplie d'expériences m'amène aujourd'hui devant vous pour parler des programmes d'enseignement du français langue seconde.
Aujourd'hui, mon identité est aussi francophone qu'anglophone, sinon plus, mais comment est-ce possible si je n'ai parlé qu'en anglais chez moi?
Depuis qu'on a écrit plusieurs lois la concernant, la francophonie telle qu'on la connaît a beaucoup changé. On parle de plus en plus d'une jeunesse d'expression française, plutôt que des étiquettes francophones et francophiles. On parle de plus en plus de sécurité linguistique. Ces petits changements à la terminologie ont de grandes répercussions sur la façon dont on choisit de voir le monde.
Cependant, ces changements sociétaux doivent être reflétés dans les lois et les politiques. Il faut faire évoluer la façon dont on voit les langues officielles au Canada. C'est comme si, pendant longtemps, il y avait eu une hiérarchie au sein de la francophonie et qu'il y avait des personnes plus francophones et d'autres moins francophones. Dans cette hiérarchie, les francophones de souche, ceux dont le français est la première langue, sont souvent placés au niveau le plus élevé, ceux qui sont bilingues et dont le français est la langue seconde sont quelque part au milieu, et ceux qui apprennent encore le français se retrouvent encore plus bas.
Il faut défaire cette hiérarchie artificielle. Les lois, les structures et les politiques du gouvernement doivent encourager et créer une francophonie canadienne où nous avons tous l'occasion d'apprendre et de vivre en français.
Premièrement, il y a un immense besoin de redéfinir ce qu'est un francophone aux yeux du gouvernement, dans le but d'élargir cette définition et d'inclure beaucoup plus de gens. Effectivement, tous les gens d'expression française devraient avoir accès à des services en français, ce qui n'est pas toujours le cas. Il faut travailler à normaliser le français partout, dans le but de créer un Canada véritablement bilingue.
Deuxièmement, l'ensemble des services en français doivent prévoir assez de place dans les infrastructures et assez d'enseignants qualifiés pour enseigner la langue à tous ceux qui veulent l'apprendre. Ma vie a été changée par le français. Je suis impliqué et engagé un peu partout en français, même si ce n'est pas ma langue maternelle. Je trouve très difficile de savoir que d'autres jeunes partout au pays n'ont pas cette occasion. Imaginons ma vie si ma mère avait perdu à la loterie pour avoir une place pour moi en immersion. Où serais-je aujourd'hui? Je ne serais certainement pas devant vous. Il faut que les programmes de français langue seconde partout au pays soient de qualité et offerts équitablement à tous ceux qui le veulent. À mon avis, le bilinguisme fait partie du contrat social, qui est fondamental au Canada. J'irais même jusqu'à dire que l'apprentissage du français et de l'anglais à l'école devrait être un droit pour les Canadiens et les Canadiennes.
Troisièmement, toujours en ce qui concerne l'éducation, il faut qu'il y ait plus d'options et d'institutions postsecondaires en français. Je ne devrais pas être obligé d'étudier en anglais après le secondaire à cause d'un manque d'accès à des programmes en français. C'est certain que la création de ces institutions prendra du temps, mais entretemps, il y aurait lieu d'offrir des bourses pour couvrir les coûts très élevés découlant du fait que les étudiants ne peuvent pas demeurer dans leur région et doivent déménager. Cela aiderait beaucoup à ce que tous puissent poursuivre des études postsecondaires dans la langue de leur choix.
Quatrièmement, le français doit être plus qu'une simple langue parlée à l'école, même pour les jeunes qui étudient en français langue seconde. Il faut mieux promouvoir une francophonie riche et plurielle, et célébrer sa diversité, ses cultures et ses accents partout au Canada. On parle ici de sécurité linguistique. Il faut promouvoir une francophonie canadienne plus grande que jamais. Il faut valoriser les accents et les façons de parler en créant des espaces et un Canada où nous nous sentons à l'aise de parler notre français à notre façon.
Finalement, il faut créer plus d'environnements inclusifs en finançant des projets qui permettent aux Canadiens d'expression française d'innover et de discuter en français, et cela inclut les jeunes d'expression française dont le français est la langue seconde. Ces projets sont essentiels particulièrement pour la jeunesse et ils doivent être créés par les jeunes et pour les jeunes. Les jeunes savent ce dont ont besoin d'autres jeunes. Il peut s'agir de cuisiner en français, de jouer au soccer en français ou de tenir des débats en français. Le français doit être le médium et non la fin. Surtout, il faut avoir confiance et offrir des ressources aux organismes qui savent mettre en oeuvre ces projets.
Des organismes comme le Conseil jeunesse provincial et Canadian Parents for French offrent des solutions par l'entremise de leurs programmes, mais ils n'ont pas assez de ressources pour rejoindre un nombre maximal de clients. On parle souvent de la sécurité linguistique pour les personnes dont le français est la langue maternelle, mais pour les personnes dont c'est la langue seconde, il y a toute une autre couche de complexité. Au bout du compte, c'est en s'exerçant à parler le français dans de multiples aspects de sa vie qu'on devient confiant et bilingue.
Bref, s'il y a une chose que j'espère que vous retiendrez de ma présentation, c'est que nous sommes en 2018 et que la francophonie canadienne a beaucoup changé au cours des dernières années. Il faut que nos lois et nos politiques changent pour mieux refléter cette francophonie en évolution. Rêvons d'un Canada où le français est normal, où nous pouvons le parler n'importe où et où nous pouvons recevoir un service en français sans même songer à le demander. Je crois fortement que nous pouvons réaliser ce rêve ensemble.
Chers membres du Comité, merci beaucoup de m'avoir invité aujourd'hui.
Mon allocution d'ouverture sera plutôt personnelle. Je n'aborderai pas les grandes questions que d'autres ont si bien traitées.
Je suis issu d'une famille unilingue anglophone du Sud-Ouest de l'Ontario qui exploitait une petite ferme laitière près de Sarnia, où il n'y avait pas un seul francophone. J'ai suivi des cours de français de base, à raison de 20 minutes par jour, de la 3e à la 8e année, puis de la 9e à la 11e année au secondaire. Ce programme m'a été indispensable et a changé mon parcours de vie. Ce sont ces cours de français langue seconde qui m'ont inspiré et qui ont fait de moi un passionné de la langue française. Je me souviens de notre enseignante qui nous avait montré des diapositives où l'on voyait des jeunes enfants au Carnaval de Québec et sur le canal Rideau. Elle nous disait que ces enfants parlaient le français, et cela nous semblait étrange, car nous ne connaissions personne qui parlait le français. Même notre professeure était anglophone.
Après ma 11e année, j'ai passé une année à Casablanca, au Maroc, comme étudiant d'échange international dans un lycée français. Au retour de ce voyage magnifique, j'ai terminé ma 13e année dans le Sud-Ouest de l'Ontario.
Par la suite, j'ai fait mes études universitaires en français. J'ai obtenu un baccalauréat en sciences à l'Université d'Ottawa, qui est à quelque 700 kilomètres de chez moi. J'ai choisi cette université parce que son programme bilingue me permettait de faire mes études en sciences en français. C'était donc une immersion très tardive pour moi.
À la suite de mon baccalauréat à l'Université d'Ottawa, j'ai obtenu une maîtrise en sciences. Puis, j'ai obtenu mon baccalauréat en éducation à l'Université Laurentienne, à Sudbury, une autre ville située très loin de Sarnia, d'où je viens. À l'époque, il n'y avait pas de programmes en français dans ma région.
Après tout cela, j'ai déménagé au Manitoba, et c'est là que j'ai commencé ma carrière. J'oeuvre au sein du programme d'immersion de cette province depuis 22 ans maintenant. Je suis à la Division scolaire Louis-Riel depuis 18 ans.
Comme enseignant, j'ai enseigné des cours de physique, de sciences de la nature et de mathématiques au secondaire et au présecondaire. À titre de conseiller pédagogique au Bureau de l'éducation française, j'ai contribué à la conception de programmes d'études en sciences de la nature de la maternelle à la 12e année. Je suis directeur d'école depuis 13 ans, toujours dans des écoles offrant uniquement le programme d'immersion.
Par ailleurs, je détiens une maîtrise en administration scolaire du Collège universitaire de Saint-Boniface.
Ainsi, même si je suis issu d'une famille strictement anglophone, j'ai obtenu trois de mes quatre diplômes universitaires à la suite d'études en français.
J'ai à coeur l'éducation en français, non seulement du côté professionnel, mais aussi du côté personnel. J'ai quatre garçons âgés de 12 à 18 ans. Ces enfants, que nous élevons dans les deux langues, ont fréquenté et fréquentent toujours les écoles de la DSFM.
Je vous remercie beaucoup de cette occasion.
Merci de m'avoir invité à comparaître devant vous aujourd'hui.
Ce matin, j'ai le plaisir de vous parler de mon expérience dans les écoles d'immersion. Je suis directeur de l'École Howden, qui fait partie de la Division scolaire Louis-Riel, ici, à Winnipeg. Tout au long de ma carrière, c'est-à-dire pendant 24 ans, j'ai été enseignant et administrateur au sein des écoles d'immersion, à tous les niveaux, c'est-à-dire de la maternelle à la 12e année. J'ai enseigné la musique au primaire et au secondaire pendant 10 ans. J'ai été pendant trois ans le directeur adjoint du Collège Béliveau, une école qui accueille les élèves de la 7e à la 12e année. Pendant 11 ans, j'ai été directeur d'abord de l'École Provencher, qui accueille les élèves de la maternelle à la 8e année, puis de l'École Howden, qui accueille les élèves de la maternelle à la 6e année. Je suis très fier d'être membre de l'équipe de notre division scolaire. La Division scolaire Louis-Riel est considérée comme un leader en matière d'immersion dans la province, et je suis très privilégié d'avoir eu l'occasion de travailler et d'apprendre dans un environnement qui valorise beaucoup l'apprentissage des deux langues officielles du Canada.
Au début de ma carrière, je n'étais pas bilingue. En fait, je pensais que mon expérience de la langue française avait pris fin lors de mon dernier cours de français de base, soit en 12e année, ou quand j'ai abandonné mon cours de français lors de ma première année à l'Université de Toronto parce que j'étais complètement perdu après trois mois. Je n'ai donc pas appris le français dans l'enfance ni comme élève, mais bien comme enseignant dans une école d'immersion. C'est comme enseignant et comme apprenant que j'ai constaté pour la première fois la véritable force de ce programme. Grâce à la réussite et aux progrès langagiers de mes élèves, ce dont j'ai été témoin dès le début de ma carrière, j'ai appris à reconnaître le potentiel de ce programme, au point où j'ai même choisi une école d'immersion pour mes enfants.
La réussite de mes élèves a influencé ma façon de voir l'apprentissage dans une école d'immersion en tant qu'éducateur. Par exemple, je crois fermement que le programme d'immersion ne devrait pas être considéré comme étant élitiste. En fait, il s'adresse à tous les élèves. Je crois que tous les élèves, à peu d'exceptions près, peuvent se hisser vers la réussite, peu importe dans quel domaine ils étudient et peu importe s'ils font leurs études dans un programme d'immersion ou dans un programme d'études en anglais. Cependant, pour maximiser les avantages que peut procurer le fait d'étudier dans ce programme, certaines conditions devraient être réunies.
J'ai exploré ces conditions alors que je faisais des recherches pour les besoins de ma thèse dans le cadre de mes études de maîtrise en éducation à l'Université de Lethbridge. Mes recherches visaient à connaître les raisons pour lesquelles certains élèves passaient du programme d'immersion au programme d'études en anglais au moment de leur entrée au secondaire. J'ai appris que les écoles d'immersion de la Division scolaire Louis-Riel ont un taux d'inscription et un taux de rétention qui se trouvent parmi les plus élevés du pays. Ce que j'ai conclu, c'est que le modèle de nos écoles et le fait d'insister sur un environnement à voie unique en français de la maternelle à la 12e année sont des facteurs qui ont beaucoup contribué au succès de nos écoles. Le modèle d'école à voie unique à tous les niveaux, surtout au secondaire, est très rare au Manitoba et au pays.
Je crois également qu'un milieu d'apprentissage en français est essentiel pour maximiser le potentiel des élèves. Évidemment, je crois beaucoup au travail que je fais et au potentiel de nos écoles d'immersion.
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion d'ajouter ma voix à cette discussion importante. J'ai hâte de répondre à vos questions pour vous faire part de mes opinions.
Merci.
Je suis très heureuse d'être ici aujourd'hui. Je pourrais vous faire part de tout mon parcours personnel, mais je préférerais vous parler du contexte manitobain et du travail que je fais au ministère de l'Éducation et de la Formation.
J'ai appris le français grâce à des cours de français de base, comme d'autres ici l'ont fait. J'ai été enseignante de français dans un programme d'études en anglais et enseignante dans un programme d'immersion en français. J'ai aussi été conseillère divisionnaire dans une division scolaire pour le volet français ainsi qu'en ce qui a trait à d'autres langues, comme l'anglais langue seconde, l'espagnol et l'allemand, entre autres.
Je vais m'adresser à vous dans les deux langues officielles, parce que je pense qu'il doit y avoir des espaces où il est possible de communiquer dans les deux langues. Je vais donc me permettre de parler en français et en anglais.
[Traduction]
Mon poste actuel, que j'occupe depuis 11 ans, est agente de liaison pour le français langue seconde. Dans le cadre de mes fonctions, je suis appelée à comprendre et à éliminer les difficultés en français langue seconde au Manitoba ainsi qu'à appuyer les divisions scolaires et d'autres partenaires dans l'amélioration du fait français dans notre province.
Je tiens beaucoup à cela en raison de mon expérience personnelle. Je le vois chez les enfants au quotidien. Ce qui m'accroche, c'est que, pour tant de personnes, il s'agit d'un cheminement. C'est presque un miracle que certains de nos enfants persévèrent jusqu'à la fin de la 12e année, voire poursuivent leurs études, car j'entends de bien des gens que nos étudiants bilingues ou plurilingues n'ont pas nécessairement une place légitime dans la société canadienne. Ce n'est peut-être pas quelque chose que vous aimez entendre, mais c'est la réalité.
La confiance, la confiance dans les compétences linguistiques, compte parmi les plus grandes difficultés que nous devons surmonter. Cela vaut tant pour les étudiants que pour les enseignants.
J'aimerais parler du français dans le programme anglophone et aussi de l'immersion française. Toutes les divisions scolaires du Manitoba offrent des cours de français dans le programme anglophone de la maternelle à la 12e année. Ce n'est pas rendu obligatoire par la province, mais la plupart des divisions scolaires le rendent obligatoire.
La plupart des enseignants sont des généralistes. Ils peuvent avoir ou non une certaine compétence en français. Il existe peu ou pas de formation pour eux lorsqu'ils font leurs études à la faculté d'enseignement. C'est une énorme préoccupation. À l'échelle provinciale, nous offrons beaucoup de perfectionnement professionnel et d'apprentissage, mais ces enseignants ne se considèrent pas nécessairement comme des enseignants de langue. Ils enseignent chaque jour toutes les matières, de la maternelle à la 8e année. Les enseignants des écoles secondaires sont parfois des spécialistes. Je l'étais, mais pour la plupart, ce n'est pas le cas.
Par conséquent, les élèves sont peu exposés de la maternelle à la 8e année, et le peu d'exposition qu'ils ont n'est pas très bonne. Après cinq, six ou sept ans de cours de français, la plupart des élèves terminent l'école élémentaire avec pratiquement aucune aptitude à communiquer en français. Quel est le résultat? Il y a une énorme réduction du nombre d'inscriptions dans les écoles secondaires. Si peu d'étudiants persévèrent jusqu'à la 12e année que c'en est stupéfiant.
Lorsque j'ai fais mes études, de nombreux étudiants poursuivaient jusqu'en 12e année. Certains d'entre nous ici présents faisons partie de ces étudiants. Cela se voit moins dans la société d'aujourd'hui, et cela me préoccupe profondément. Il faut tenir compte du fait que, pour la plupart des étudiants manitobains, il s'agit du seul moyen d'accéder à une éducation en langue française. Les étudiants francophones comptent pour 31 % des étudiants manitobains dans le programme anglophone, alors que 13 % de la population étudiante fait ses études en immersion française, dont je vais parler ensuite.
Parlons maintenant de l'immersion française. Je crois que la même chose s'applique. Nous vendons le rêve, mais le concrétisons-nous vraiment?
Merci, Sandra. Nous devons passer à la série de questions et observations par les membres du Comité.
[Français]
Les membres du Comité ont six minutes pour s'exprimer, pour vous poser des questions et pour formuler des commentaires.
Nous allons commencer par Mme Sylvie Boucher, qui va d'abord se présenter.
Bonjour.
Je m'appelle Sylvie Boucher et je suis députée dans la grande région de Québec, plus précisément dans la circonscription de Beauport—Côte-de-Beaupré—Île d'Orléans—Charlevoix. J'ai été secrétaire parlementaire aux Langues officielles pendant un an et demi, puis secrétaire parlementaire à la Condition féminine. Depuis 2006, je me bats beaucoup pour la langue française, même si je suis moi-même québécoise.
Aujourd'hui, je dois dire qu'en vous écoutant, il me semble intéressant de constater que vous, des unilingues anglophones, avez été attirés par notre langue. Messieurs Bentley et Anderson, vous avez beaucoup parlé de votre expérience personnelle, mais qu'est-ce qui vous a donné l'envie de parler français? Vous étiez d'une famille unilingue anglaise, et, aujourd'hui, vous vous battez pour faire comprendre aux gens qu'on peut être à la fois bilingue, anglophone et francophone, et vivre en français.
Pouvez-vous me dire ce qui vous a attiré vers le français et pourquoi, aujourd'hui, vous avez choisi ce cheval de bataille?
En ce qui me concerne, mes parents m'ont inscrit dans une école d'immersion simplement parce que chez nous, dans notre communauté, l'école qui offrait ce programme était reconnue comme étant une bonne école. Cela a donc commencé ainsi, sans que je sois en cause et presque par hasard.
Lorsque j'étais au primaire, tout le monde autour de moi parlait le français. Je croyais donc que tous les jeunes parlaient le français et que c'était normal. Lorsque je suis arrivé au secondaire, j'ai étudié dans une école à double voie pendant environ six mois et je me suis rendu compte que, dans cette école, il n'y avait qu'un tiers des jeunes qui parlaient le français et deux tiers qui parlaient seulement l'anglais. Mon monde a changé à ce moment. C'est pour cela que j'ai choisi une école dont la langue première était le français et aujourd'hui, je pense que j'avais déjà cette idée, quand j'étais jeune, que cela était normal.
Dans mon esprit, je peux vraiment voir un Canada où c'est effectivement normal pour les jeunes comme pour les adultes, partout au Canada, d'apprendre le français et l'anglais, et de pouvoir parler l'une ou l'autre langue n'importe où. Je pense donc que cela vient de cette expérience, du fait de se rendre compte soudainement que ce n'est pas normal de ne parler qu'une seule langue et de vouloir que d'autres jeunes vivent des expériences comme celles que j'ai connues à l'école.
Personnellement, je pense que ce sont vraiment les enseignants qui ont éveillé cette passion chez moi. Si j'avais eu des enseignants qui n'étaient pas passionnés, je ne le serais jamais devenu. Alors, c'est certain que cela a fait une grande différence pour moi. Ce sont aussi des enseignants qui m'ont permis de comprendre qu'il était possible d'utiliser la langue française ailleurs. Alors, en 11e année, j'ai passé une semaine à Ottawa lors du Forum pour jeunes Canadiens. C'était tellement excitant! C'était merveilleux d'entendre tant de personnes parler le français!
Nous avons aussi fait un voyage à Ottawa, à Montréal et à Québec en 8e année. Cela m'a aussi permis d'explorer une tout autre culture. Cela a été fascinant pour moi. Alors, si des enseignants n'avaient pas organisé ces voyages et ouvert la porte à ces possibilités, je n'aurais jamais découvert cela.
Vous venez de dire une phrase qui me frappe.
Nous parlons du Manitoba. Nous avons fait un voyage jusqu'ici, dans l'Ouest, pour nous apercevoir que votre province ou les provinces de l'Ouest sont frileuses à l'idée de reconnaître le fait français. Et pourtant, vous venez de dire vous-même que le fait d'apprendre les deux langues vous a ouvert au monde.
Nous avons aussi beaucoup parlé, au cours d'autres séances, de réviser la Loi sur les langues officielles parce qu'elle n'a pas été revue depuis 50 ans. Si vous aviez une suggestion à faire ici, au Comité, quelle serait la première chose que vous voudriez que nous fassions pour vous afin de faire avancer le fait français?
J'ai une seule suggestion: donner aux élèves davantage d'occasions de vivre en français, créer des programmes fédéraux qui permettraient aux élèves d'avoir des occasions — pas juste au secondaire, mais de la maternelle à la 12e année —, de vivre en français avec des locuteurs natifs. Cela veut dire qu'ils auraient un ami francophone quelque part, un contact personnel avec la langue. C'est cela qui manque, ils n'ont pas ce lien, cette possibilité d'apprendre le français en dehors de l'école.
Les activités à l'extérieur de l'école, c'est la clé du contact personnel. Des voyages scolaires, des échanges comme ceux offerts dans le cadre de la Société éducative de visites et d'échanges au Canada, ou SEVEQ, cela fait toute la différence. Il faut reconnaître qu'il y a un espace pour les personnes qui sont plurilingues ou bilingues. Elles ne sont pas québécoises, elles ne sont pas franco-manitobaines et ne le seront pas non plus. Elles sont bilingues, elles ont une autre identité, il faut vraiment appuyer cette identité, créer cet espace pour elles.
Merci beaucoup, madame Boucher.
Dan Vandal sera le prochain intervenant, mais simplement en guise d'introduction, j'aimerais féliciter M. Vandal — je l'ai fait auprès du premier groupe de témoins, plus tôt — de son excellent travail pour la francophonie dans la région.
Vous savez, à Ottawa, plusieurs de nos députés sont francophones et viennent de l'extérieur du Québec. C'est vraiment surprenant. Aujourd'hui, trois d'entre eux sont parmi nous: en plus de monsieur Vandal, il y a Darrell Samson, qui est de la Nouvelle-Écosse, et René Arseneault, qui est du Nouveau-Brunswick. Il y a une présence francophone importante au Parlement, à Ottawa.
Félicitations, monsieur Vandal, pour ce que vous faites pour votre région.
Vous avez la parole, monsieur Vandal.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Nous sommes heureux d'accueillir aujourd'hui tous nos témoins. Les deux écoles en question, l'École Guyot et l'École Howden, sont situées respectivement à Windsor Park et à Southdale, dans ma circonscription de Saint Boniface—Saint Vital. Je vous félicite. Continuez le bon travail que vous faites pour notre langue et pour notre communauté.
Ma première question s'adresse à Mme Drzystek.
J'essaie de comprendre en quoi se distinguent tous les programmes qui existent dans notre système scolaire. Il y a notamment le programme d'enseignement du français langue seconde et le programme d'immersion. Quand mes enfants étaient plus petits, il y avait même le programme 50-50. Je crois que c'était à l'École Provencher.
Quelle est la différence entre le programme d'enseignement du français langue seconde et le programme d'immersion?
Le concept de français langue seconde correspond à ce que l'on appelait auparavant Basic French, ou français de base. Cela fait partie du programme anglais au Manitoba. Normalement, les élèves ont de 30 à 45 minutes de cours de français par jour, et au secondaire, 110 heures de cours de français. C'est seulement un cours de langue, alors qu'en immersion, toutes les matières scolaires sont enseignées en français.
La difficulté, au Manitoba, c'est qu'il n'y a pas assez de professeurs dans toutes les matières, par exemple en éducation physique ou en musique. Il peut aussi manquer de conseillers pédagogiques, d'orthopédagogues ou d'orienteurs. C'est là qu'il y a un manque de personnel. Le budget fédéral annoncé prévoit des sommes pour la formation des enseignants, domaine où il y a une lacune.
Non. J'étais directeur de l'École Provencher quand le programme a été annulé. Le programme a évolué au fil des années, et vers la fin, ce n'était plus un programme pour des francophones. L'idée, à l'origine, était d'offrir aux francophones l'occasion d'apprendre un peu l'anglais. Des matières, comme les mathématiques et les sciences, étaient enseignées en anglais, et le reste du programme était en français. Selon notre perception, le programme était devenu vers la fin une version diluée du programme d'immersion. C'étaient des anglophones qui s'inscrivaient au programme pour apprendre un peu de français et un peu d'anglais. Cela allait un peu à l'encontre de la philosophie de notre division scolaire quant au programme d'immersion. C'est à ce moment qu'on a décidé de passer d'un programme 50-50 à l'École Provencher à un programme d'immersion.
Au Manitoba, il y a la Division scolaire franco-manitobaine où c'est le français langue première. Au lieu d'avoir un programme 50-50 pour les francophones, les ayants droit suivent un programme français et ils ont le choix de suivre un programme d'immersion en français. C'est vraiment deux systèmes FL2, soit le programme de français de base et le programme d'immersion.
Je connais assez bien la DSFM. Comme c'est le cas pour M. Bentley, mon plus jeune est diplômé d'une école de la DSFM.
J'ai un peu entendu parler d'un programme d'immersion élitiste. Les deux directeurs d'école peuvent-ils en parler brièvement?
Oui.
Mme Drzystek a fait allusion au fait que, dans certaines divisions scolaires, on ne fait peut-être pas appel à des spécialistes, à des orthopédagogues ou à des orienteurs bilingues. Dans beaucoup de divisions scolaires, le programme d'immersion est offert dans des écoles à double voie, c'est-à-dire qu'il y a deux programmes à l'intérieur d'une même école.
Les parents ont souvent une fausse perception. Ils croient que, si leur enfant rencontre des difficultés dans le programme d'immersion, c'est à cause de la langue. En tant qu'administrateurs, notre travail est de leur faire prendre connaissance des recherches démontrant que le fait de changer de programme n'est pas la solution aux difficultés d'apprentissage.
Nous sommes très bien appuyés dans notre division scolaire quant au programme d'immersion. Des orthopédagogues, des orienteurs, des psychologues et des travailleuses sociales francophones peuvent aider les enfants qui fréquentent notre école d'immersion. C'est important. La recherche démontre que, lorsqu'ils peuvent recevoir un appui adéquat, les enfants ayant des difficultés d'apprentissage peuvent bien réussir dans le programme d'immersion. Mais défaire un mythe, ce n'est pas toujours évident.
J'aimerais ajouter un commentaire à ceux de mon collègue.
Il me semble que l'une des réactions fréquentes, face à un élève qui éprouve des difficultés, est de suggérer un transfert, comme l'a dit M. Anderson. Ce n'est pas nécessairement les parents qui considèrent cette possibilité. Elle est souvent proposée par les professeurs. Mes recherches ont révélé qu'il s'agissait d'une approche commune. Même maintenant, c'est l'une des premières recommandations que font les psychologues de l'extérieur qui évaluent des enfants en difficulté et qui ne connaissent pas vraiment notre programme. Or nous sommes convaincus que cette recommandation n'est pas souhaitable.
Mme Drzystek a mentionné que, dans l'ensemble de la province, 13 % des élèves étaient inscrits au programme d'immersion. Hier soir, il y avait 30 familles dans mon école, mais il n'y en avait que 14 dans l'école anglophone avoisinante. Environ la moitié des familles de notre quartier ont des enfants qui sont inscrits à notre programme d'immersion. Cela constitue une bonne représentation de la population. Nous devons répondre à tous les besoins et nous travaillons fort pour y arriver.
Je vous remercie tous d'être parmi nous aujourd'hui. Vos témoignages sont très intéressants et vos parcours, vraiment inspirants.
Je m'appelle François Choquette et je représente la circonscription de Drummond. La ville de Drummondville est bien connue pour sa poutine, bien sûr. Vous pourrez y goûter si jamais vous passez par là, bien que ce ne soit pas un aliment très sain. Je suis enseignant de français de profession. J'admire donc ce que vous faites. Enfin, en tant que député du NPD, je suis présentement vice-président du Comité permanent des langues officielles.
Nous sommes allés en Colombie-Britannique et avons appris que les cours de français langue seconde n'étaient pas obligatoires. Plusieurs conseils scolaires ont décidé de ne pas les offrir. Il n'y a ni programme d'immersion en français ni cours de français langue seconde. C'est une lacune.
D'après ce que je comprends, au Manitoba, la province ou le ministère ne rend pas obligatoire l'enseignement du français langue seconde, mais pratiquement toutes les écoles ou tous les conseils scolaires en dispensent.
Quelle est la réalité? Est-ce que tous les enfants ont la possibilité de faire de l'immersion en français? D'après ce que je comprends, environ 13 % des anglophones du Manitoba ont accès à de l'immersion en français.
Est-ce que tous les autres ont accès à des cours de français langue seconde?
Au Manitoba, on utilise le terme « division scolaire ». Toutes les divisions scolaires manitobaines offrent des cours de français. Normalement, ils sont obligatoires de la quatrième à la huitième année. Ils sont toujours optionnels au niveau secondaire. Certaines divisions scolaires offrent des cours de français de la maternelle à la troisième année. Il y a 37 divisions scolaires au Manitoba, et 23 d'entre elles offrent de l'immersion en français et des cours de français langue seconde.
Si je le comprends bien, c'est obligatoire jusqu'au niveau correspondant à la deuxième année du secondaire au Québec.
On parle donc de la huitième année. C'est optionnel par la suite. Les étudiants peuvent alors suivre un cours d'espagnol, d'arabe, de mandarin, d'informatique ou sur tout autre sujet, je suppose.
Vous avez fait des recommandations au sujet du programme d'immersion en français, du fait qu'il est perçu comme étant un peu élitiste. Vous en avez déjà parlé. On entend la même critique un peu partout. Dans l'Ouest, ont dit que ce programme est élitiste, que c'est un tirage à la loterie qui détermine si on a une place, et ainsi de suite.
Quelle recommandation faites-vous quant aux écoles qui offrent un programme d'immersion plutôt que des cours de français langue seconde?
Si j'ai bien compris, 13 % des élèves ont accès à des programmes d'immersion en français.
Est-ce exact?
Non, il s'agit là du pourcentage d'élèves qui, à l'échelle de la province, choisissent le programme d'immersion en français. Dans notre division scolaire, environ 50 % des nouvelles inscriptions sont destinées au programme d'immersion.
Dans 23 divisions scolaires manitobaines, tous les élèves qui s'intéressent au programme d'immersion en français peuvent s'y inscrire. Nous disposons des places nécessaires. Quelques divisions n'offrent pas d'immersion en français, mais 23 des 37 divisions scolaires le font. En réalité, 13 % des élèves sont inscrits au programme. La différence se situe entre les villes et les zones rurales et le Nord. Quoi qu'il en soit, les élèves ont accès à cette formation.
C'est très important, car en Colombie-Britannique, les élèves qui veulent aller en immersion ne peuvent pas le faire, faute de place. Ici, au Manitoba, ce n'est pas un problème.
Non, ce n'est pas un problème. Tous les élèves peuvent s'inscrire au programme d'immersion de l'école de leur quartier s'il y est offert. Il n'y a pas de loterie de la sorte ici.
C'est important de comprendre cette nuance. Ce n'est pas la même dynamique. Alors, quel serait votre défi principal? Est-ce qu'il s'agirait de la qualité des enseignants du programme d'immersion française ou de français langue seconde?
Par ailleurs, on a aussi entendu dire que certains élèves suivaient tout le programme sans pour autant parler davantage le français à la fin.
Vous avez parlé de la nécessité d'avoir des contacts directs, comme dans le cadre du programme d’échanges étudiants de la Société éducative de visites et d’échanges au Canada, la SEVEC, mais est-ce que la qualité des enseignants est assez bonne?
La qualité des enseignants est assez bonne. Nous sommes très chanceux, ici, au Manitoba. L'Université de Saint-Boniface offre un programme d'éducation au baccalauréat et à la maîtrise. Nous avons donc un excellent accès au développement professionnel en français.
L'un des défis actuels, c'est que la demande d'enseignants qui peuvent travailler en français excède la capacité d'en former du programme à l'Université de Saint-Boniface. Nous nous voyons donc parfois dans l'obligation d'embaucher d'autres gens dont le français est peut-être un peu rouillé. Cela arrive plus souvent à la campagne, un milieu isolé, ou encore lorsqu'il y a un poste à combler au mois de février, par exemple, où il n'y a plus beaucoup de personnes disponibles sur le marché. De telles situations peuvent parfois se présenter.
Merci beaucoup.
Je m'appelle Darrell Samson. Je suis le seul député acadien de la Nouvelle-Écosse élu à Ottawa, ce qui est un privilège. Cependant, tout privilège s'accompagne d'une responsabilité. Je dois m'assurer d'apporter ma contribution en matière de francophonie, et ce, pour toute la province. J'en avais également la responsabilité en tant qu'ancien directeur général de toutes les écoles françaises de la Nouvelle-Écosse, poste que j'ai occupé pendant 11 ans avant d'être élu.
J'ai fait carrière en éducation pendant 30 ans. Au début, j'étais responsable du français de base et de l'immersion au sein d'un conseil scolaire anglophone. Il n'y avait pas de conseil scolaire francophone, à ce moment. J'ai même réuni les professeurs d'immersion et les professeurs de français de base, pour qu'ils puissent commencer à se parler. Il n'y avait pas seulement les classes d'immersion qui étaient considérées comme étant élitistes, les professeurs l'étaient aussi. Je vous offre donc une petite fenêtre sur l'avenir. Les professeurs d'immersion disaient que le français de base n'était pas leur problème, qu'ils n'enseignaient pas à ces gens-là, que leur travail était vraiment difficile et qu'il fallait vraiment être un acteur, un peu comme dans ce que vous avez décrit. Même les professeurs de français de base se considéraient inférieurs. J'ai forcé cela gentiment mais avec succès. Le syndicat n'était pas content, mais il a appris à vivre avec cela. Ceux qui étaient qualifiés pouvaient enseigner le cours en immersion, mais ils devaient aussi enseigner deux cours de français de base, et vice versa. Ainsi, ceux qui enseignaient le français de base devaient aussi enseigner deux cours en immersion. Cela a changé le monde, parce que les professeurs ont commencé à se parler. Les professeurs d'immersion avaient grand besoin des professeurs de français de base pour apprendre à enseigner le français de base, parce que l'approche est totalement différente.
Tout cela n'est pas mon objectif aujourd'hui.
Ma première réaction, en ce qui concerne vos présentations, se résume en un seul mot: « impressionnant »! Vous nous avez fait part de vos parcours anglophones et de l'endroit où vous êtes rendus aujourd'hui. Je crois que vous devriez faire des vidéos ensemble. Elles seraient diffusées partout au canada, et la ministre en serait contente. De plus, cela permettrait de valoriser davantage l'immersion.
Monsieur Cadez, vous avez a parlé de la recherche, et vous aviez mille fois raison. En Nouvelle-Écosse, il y avait un mythe entourant les écoles françaises. Les parents ne voulaient pas inscrire leurs enfants à une école homogène française, c'est-à-dire à une école uniquement française, parce qu'ils avaient peur que leurs enfants perdent leur anglais. Ils avaient peur que ceux-ci ne puissent pas aller à l'université en anglais ou qu'ils ne puissent pas travailler en anglais. La recherche démontre le contraire, bien sûr. D'ailleurs, aujourd'hui, lors des mêmes examens, non seulement nos élèves francophones réussissent très bien en français, mais ils réussissent mieux en anglais que ne le font les élèves anglophones. C'est intéressant.
Vous nous avez fait part d'un autre mythe extrêmement intéressant, et là encore, vous aviez parfaitement raison. Vous avez dit que, si l'enfant a de la difficulté, les parents pensent à l'envoyer dans une école anglophone. Comme vous l'avez dit, la recherche démontre clairement qu'un enfant obtient en général les mêmes résultats d'une langue ou dans l'autre, une fois qu'il possède les compétences liées aux langues en question. Ce sera la même chose pour un enfant ayant des difficultés d'apprentissage. Le pire, c'est que c'étaient les professeurs qui poussaient les familles à le faire.
Je vais maintenant vous poser de brèves questions, puisque vous avez vécu tout cela. Quels changements positifs ont eu lieu au cours des 20 dernières années? Que voyez-vous à l'horizon que l'on pourrait améliorer?
Au Manitoba, il y a un bon programme appelé « French for Life ». De plus, il y a des babillards partout en ville, sur les autobus et sur les bancs. Je pense qu'il y a eu un beau changement au cours des 20 dernières années. On promeut le français comme langue vivante auprès de tout le monde. On le fait non seulement auprès des jeunes qui ont appris le français à la maison, mais aussi auprès des jeunes qui l'apprennent à l'école. À mon avis, c'est la raison pour laquelle il y a une augmentation de la demande et des inscriptions aux programmes d'immersion.
Je pense que cela va continuer à l'avenir. Je rêve que tous les jeunes apprennent le français et l'anglais, que tous les jeunes soient bilingues. Ainsi, il pourrait y avoir partout des commerces où on me parlerait français sans même que j'aie à me demander si le service sera offert en français ou non. C'est de cela que je rêve. Je pense que la façon de le réaliser passe par l'éducation à l'école, mais aussi, de façon informelle, par projets comme les Jeux de la francophonie canadienne et le Parlement jeunesse pancanadien, par exemple.
Je travaille dans la même division scolaire. Au début de ma carrière, je travaillais au niveau secondaire, mais présentement, je travaille au niveau primaire. Je vois une nouvelle génération arriver, et je vois plusieurs de mes anciens élèves, certains de nos finissants du programme d'immersion, emmener leurs enfants chez nous maintenant.
Cette hausse de population dans nos écoles est attribuable à la bonne expérience que ces parents ont vécue dans nos écoles quand ils étaient étudiants. Ils choisissent maintenant l'immersion pour leurs enfants.
Madame et messieurs, je vous remercie d'être ici.
D'abord, je vous prie de me pardonner, je suis arrivé en retard de 10 ou 15 minutes.
Je suis vraiment en admiration devant vous. Pour moi, vous faites office de missionnaires. Vous êtes anglophones et vous faites la promotion de la culture et de la langue françaises dans le milieu de l'éducation, entre autres.
Monsieur Bentley, vous avez dit tantôt que cela allait de soi, que c'était normal pour vous de vivre en français. Au comité, nous avons une inquiétude quant au fait d'essayer d'attraper les élèves dès leur jeune âge afin de les préparer à faire leur primaire en français et de faire en sorte que cela aille de soi.
Que pensez-vous du fait que quelqu'un vive dans une bulle francophone à un très jeune âge? L'orientation que l'enfant prendra dans ses études par la suite ou la facilité pour lui de continuer en français ou en anglais dépend-elle du fait qu'il aura baigné dans la culture française ou qu'il aura pu faire son apprentissage en français?
Ma question était longue. Monsieur Anderson, voulez-vous y répondre?
Si je comprends bien, vous parlez des enfants qui vivent déjà en français avant d'arriver en milieu scolaire. Est-ce bien cela?
Je suis un francophone du Nouveau-Brunswick. Je viens de Madawaska—Restigouche. Nous apprenons à nos amis québécois que les francophones hors Québec ont un complexe de minoritaire. Quand nous allons en France ou au Québec, certains d'entre nous sont gênés de parler français. Des témoins de la Colombie-Britannique en ont justement parlé. C'est un fait: nous avons le complexe du minoritaire.
Or les choses changent. Par exemple, M. Vandal, quand il s'adresse au caucus national en tant que président du caucus autochtone libéral, parle en français et en anglais. M. Robert-Falcon Ouellette fait la même chose, tout comme MM. Samson et Arseneault. Il y en a aussi d'autres qui le font. C'est incroyable. Il n'en reste pas moins que ce complexe du minoritaire est bien vivant. Il a trait au fait de se sentir à l'aise de parler cette langue.
Selon vous, est-il important que les services d'apprentissage en français soient offerts aux élèves dès leur jeune âge, pour s'assurer qu'au primaire, et dans les études secondaires ou postsecondaires qui suivront, ils auront un intérêt à poursuivre leur éducation en français?
Comme je l'ai mentionné, cela concerne la sécurité linguistique 101. Plus tôt on commence à parler français, plus on sera confiant plus tard. En effet, on doit offrir des occasions de parler français à un très jeune âge, mais plus tard aussi. Il ne faut pas que le français ne soit parlé qu'à l'école.
Même si l'enfant commence à parler français à un très jeune âge, après sa 10e année, il se demandera comment vivre en français en situation minoritaire alors qu'il n'aura jamais parlé français ailleurs qu'à l'école. Il faut commencer très jeune à apprendre à faire confiance à la qualité de son français, mais il doit aussi y avoir des occasions de le parler ailleurs qu'à l'école. Cela permet de constater qu'on peut parler français partout afin de briser ce complexe du minoritaire.
C'est ce que j'ai vécu aussi. Une personne doit pouvoir parler en français ailleurs qu'à l'école afin de réaliser qu'elle peut bien le parler sans que les gens la jugent à cause de son accent ou des fautes qu'elle fait, et voir que son français est le sien et qu'il est correct.
C'est en pratiquant le français qu'on peut l'améliorer. On croit souvent que, si on corrige tout le temps quelqu'un, il va améliorer son français. En fait, je pense que c'est l'opposé. En ne le corrigeant pas et en lui donnant des occasions de le pratiquer, il va s'améliorer rapidement. Le fait de savoir que ce n'est pas « un mère » mais « une mère » vient seulement avec la pratique.
Tout à l'heure, vous avez parlé d'aide fédérale et de la nécessité de créer des occasions de vivre en français ailleurs qu'à l'école. À quoi pensiez-vous en disant cela? De quel genre d'aide fédérale parliez-vous et pour faire quoi exactement?
Je pense à des programmes pouvant permettre aux élèves d'être entourés d'amis. J'aime beaucoup cette question, parce qu'elle touche l'identité bilingue. Au Canada — et au Manitoba dans notre cas —, les francophones ou les non francophones, selon l'étiquette qu'on veut leur apposer, ont tous ce même complexe. Or il faut dénouer cela entre nous. Il faut parler de ce qu'est un cheminement linguistique. Tout le monde a un parcours.
Nous pouvons nous demander comment nous avons réagi lorsque nous étions incertains. Est-ce que nous nous sommes tus? Avons-nous décidé de continuer notre parcours? Avions-nous des amis qui pouvaient nous aider, nous encourager ou nous corriger?
Il s'agit d'un parcours bilingue à partir de la première année jusqu'à la douzième, et comme adulte par la suite.
Que signifie être bilingue? Cela veut dire que, parfois, nous n'avons pas beaucoup de confiance. C'est ce que nous avons découvert au Manitoba. Nous utilisons maintenant le terme « insécurité linguistique ». Les élèves, mais aussi les enseignants, manquent de confiance à l'égard de leur langue.
Comment peut-on travailler à cela? C'est en valorisant les expériences linguistiques des élèves. Nous parlons toujours du fait d'être bilingue, mais personne ne peut vraiment définir en quoi cela consiste. En outre, il y a un mythe voulant que les programmes d'immersion permettent aux étudiants de s'exprimer comme des Québécois ou des Français. Quand je parle de mythe, je pense aux parents. Ils croient que les élèves, une fois leur 12e année terminée, vont s'exprimer parfaitement, comme des locuteurs natifs francophones. Ce n'est pas l'objectif. En plus, ce n'est pas nécessairement réalisable pour tous. Il faut plutôt changer de discours et considérer ce que veut dire apprendre une langue à long terme, pour la vie, avec tout ce que cela comporte d'erreurs et d'insécurité, notamment.
Cela fait partie de l'identité des personnes. Il faut en parler. Dans le domaine de l'éducation, nous utilisons le terme « métacognition ». Il s'agit d'un processus qui permet de réfléchir à ce qu'on a fait et à ce qu'on peut faire ou ne pas faire pour s'améliorer.
Merci beaucoup. C'est vraiment très intéressant. Je vais poursuivre dans la même veine que mon confrère René Arseneault.
Vous dites que, pour vivre en français, il faut des incitatifs autres que ceux du milieu scolaire.
Nous avons entendu parler du milieu culturel des autres provinces, mais j'aimerais savoir si celui du Manitoba est adapté à la réalité du bilinguisme.
Avez-vous davantage accès à la culture anglophone qu'à la culture francophone?
J'ai toujours pensé que la culture, c'étaient nos racines profondes. Pour ma part, je suis une francophone du Québec. Or je peux vous dire que les Québécois ne parlent pas tous correctement le français. Nous avons chacun notre propre dialecte. C'est le cas au Nouveau-Brunswick, par exemple. Vous avez parlé plus tôt du français parlé par les Québécois ou les Français. Il reste que le français parlé dans la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean n'est pas du tout le même qu'à Québec ou qu'à Montréal.
Selon vous, le gouvernement fédéral devrait-il insister davantage pour vous faire connaître la culture francophone?
C'est sûr que nous voulons offrir la chance à nos élèves de connaître la culture française. À Winnipeg, nous sommes très chanceux, car beaucoup d'institutions offrent des programmes dans les deux langues. Nous pouvons emmener nos enfants au Musée canadien pour les droits de la personne, au centre environnemental de FortWhyte, au marais Oak Hammock ou au Musée du Manitoba. Tous ces endroits offrent des programmes de qualité dans les deux langues, et il y en a encore plusieurs autres. Du côté artistique, l'Orchestre symphonique de Winnipeg offre des concerts en français dans le cadre de programmes scolaires. C'est tout une interprétation. C'est en français et c'est tellement beau! De plus, des musiciens d'autres coins du pays passent par Winnipeg.
Cependant, les enfants inscrits à des programmes d'immersion à Brandon, à Dauphin et à Thompson n'ont pas accès à autant de ressources. Le gouvernement fédéral pourrait améliorer la situation simplement en continuant à subventionner l'élaboration de tels programmes, mais aussi en subventionnant les coûts de déplacement pour aider les enfants de régions plus éloignées à se rendre à Winnipeg pour profiter de ces programmes. Ce serait important.
On a mentionné le manque de confiance chez certains enseignants. Le programme French Immersion for Teachers, ou FIT, de l'Université de Saint-Boniface offre un programme de réadaptation linguistique pour aider les enseignants d'immersion ou de français langue seconde qui veulent peaufiner leurs talents linguistiques et bien s'adapter à leur niveau. Le gouvernement fédéral subventionne déjà en partie ces programmes. C'est sûr qu'on pourrait aider encore plus les enseignants en soutenant davantage ces programmes.
Vous venez d'aborder un bon point.
À Winnipeg, en milieu urbain, on a davantage accès à ces programmes. Il y a le facteur de la distance. Les francophones sont disséminés un peu partout dans les provinces de l'Ouest, et c'est la même chose dans les provinces de l'Est. Les gens qui sont en immersion ailleurs que dans les grandes villes ont-ils le même accès aux programmes que les ceux vivant en milieu urbain?
Je peux répondre à cela.
Le gouvernement fédéral donne déjà des fonds au titre d'un programme de revitalisation. Il s'agit d'ententes Canada-Manitoba qui ont vraiment pour objectif de faciliter l'accès aux activités culturelles et d'enrichissement de la langue. Il y a des subventions pour ces activités, mais c'est clair que ces dernières coûtent plus cher que ce qui est reçu en subventions.
J'aimerais que les organisations culturelles manitobaines francophones soient subventionnées afin qu'elles puissent offrir d'autres programmes partout dans la province. Il y en a plusieurs, mais ce n'est pas suffisant. Oui, il y a un orchestre symphonique et de grandes organisations, mais il y a d'autres personnes qui peuvent offrir des activités culturelles en français. J'aimerais que ces personnes reçoivent l'appui nécessaire afin qu'elles puissent offrir ces activités dans les écoles. Ce serait important.
J'aimerais ajouter quelque chose au sujet de la façon que le fédéral pourrait apporter sa contribution. Il pourrait démontrer aux Canadiens partout au pays qu'il y a une francophonie canadienne riche. Le complexe auquel on a fait allusion est attribuable au fait que notre identité canadienne bilingue... Je veux vraiment revenir à cette idée. La langue seconde est différente de la langue première, mais cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de similitudes. Au Manitoba, il y a une culture francophone riche. Il y a des personnes dont c'est la langue maternelle et des personnes dont c'est la langue seconde. Quelle est l'identité canadienne francophone? Elle tient de l'image que donnent des gens comme moi qui ont toujours étudié et travaillé en français, qui vivent en français ici. On dit que c'est cela, le Canada, mais j'aimerais qu'une sorte de campagne vienne l'illustrer.
J'aimerais soulever deux points rapidement. Premièrement, je crois que nous avons davantage besoin de contenu qui provient d'ici, du Manitoba ou de l'Ouest, qui représente nos accents ainsi que nos façons de nous exprimer. En outre, il faut refléter l'accent et la façon de parler des jeunes francophones ainsi que des jeunes qui apprennent le français en tant que langue seconde.
Deuxièmement, je pense qu'il est possible de faire quelque chose de concret au moyen du Programme des langues officielles dans le domaine de l'éducation. Il faudrait voir comment l'argent est utilisé par les provinces; comment celles-ci doivent rendre des comptes au fédéral; comment, en tant que citoyens ou membres d'un organisme, nous pouvons nous assurer que les fonds sont réellement octroyés à des programmes de français langue première ou langue seconde et qu'ils sont utilisés pour permettre à des jeunes de voir une pièce en français au Théâtre cercle Molière plutôt que pour acheter du matériel de basketball à de jeunes francophones.
J'aimerais poser une question. Ce ne serait pas le mot de la fin. M'accordez-vous une minute, monsieur le président?
Voici la question qui tue.
Madame Drzystek, vous avez dit que le fédéral avait comme mission de montrer aux Canadiens à quel point la culture bilingue était riche. Je suis plus vieux que vous, mais quand j'étais très jeune, je ne savais même pas qu'il y avait des anglophones au Canada. Un programme canadien avait comme objectif de valoriser le bilinguisme au Canada. Je ne savais pas comment cela fonctionnait, vu que j'étais trop jeune. La porte-parole de ce programme était Angèle Arsenault, qui était originaire de l'Île-du-Prince-Édouard. À titre d'information, il ne s'agit pas de ma mère. On pouvait y entendre des chansons du genre « Bonjour, mon ami, How are you, my friend? Ça va très bien, thank you ».
Aujourd'hui, à l'ère de l'inclusion et du multiculturalisme, comment peut-on promouvoir cette idée et en convaincre les gens?
Cela me tient à coeur parce que beaucoup de gens immigrent au Manitoba, comme partout ailleurs au pays, et qu'un bon nombre de ces néo-Canadiens choisissent l'immersion en français pour leurs enfants, parce qu'ils y croient. Comme le Canada est un pays bilingue, ils croient que leurs enfants vont apprendre les deux langues officielles. Ils espèrent aussi que le Canada les encourage à conserver leur propre langue et qu'il valorise le tout. C'est pourquoi je considère essentiel qu'on parle de bilinguisme, de multilinguisme et d'identité canadienne pour tous les Canadiens.
Certains croient que cela va nuire aux langues officielles, mais au contraire, cela va contribuer à convaincre les gens de la valeur accordée à l'apprentissage des langues et du fait qu'il peut enrichir leur vie, notamment en ce qui concerne la langue traditionnelle. Voilà ce qu'est le Canada.
Les gens disent parfois que
[Traduction]
le monde a besoin de plus de pays comme le Canada,
[Français]
et c'est pour cette raison. On parle de cette situation, mais il faut l'enrichir. J'espère que ce comité va considérer les deux langues officielles, qui ont un statut très important, mais aussi la nécessité de dire à chaque nouveau citoyen qu'il est important et qu'on valorise la langues qu'il parle. C'est ensemble que nous représentons la richesse du Canada.
Merci beaucoup, madame Drzystek.
J'aimerais vous remercier tous grandement. La rencontre et la discussion étaient excellentes. Je vous félicite pour votre contribution à la société. C'est fondamental et tout à fait extraordinaire.
Avant de lever la séance, je vous demanderais de rester en place pour que nous puissions prendre une photo de groupe.
La séance est levée.
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