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Monsieur le président, chers membres du Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes, je tiens à vous remercier de me donner l'occasion de vous rencontrer et de me présenter.
Tout d'abord, je désire exprimer toute la gratitude que je ressens d'avoir été retenue comme candidate au poste de commissaire aux langues officielles du Canada. Cette marque de confiance me touche beaucoup car, durant toute ma vie publique, la dualité linguistique du pays a été pour moi une source d'inspiration et d'engagement.
C'est avec beaucoup d'intérêt et d'enthousiasme que j'ai posé ma candidature au poste de commissaire aux langues officielles du Canada. Je crois avoir les connaissances nécessaires, les qualifications professionnelles requises et les habiletés personnelles reconnues pour assumer ce rôle avec compétence et efficacité.
[Traduction]
Mon parcours professionnel m'a permis d'évoluer et de réussir dans trois différents domaines de compétence: comme infirmière dans un premier temps, ensuite comme avocate et plus récemment comme députée et ministre au niveau provincial. Au tout début de ma carrière, j'ai oeuvré comme infirmière en milieu hospitalier dans différents services spécialisés et j'ai exercé des fonctions d'enseignement clinique. Après un retour aux études, j'ai pratiqué comme avocate spécialisée en droit du travail et de l'emploi. J'ai travaillé autant auprès des syndicats que des employeurs, acquérant ainsi une expertise de la médiation et de la conciliation. Parallèlement à mon travail juridique, j'ai occupé un poste de conseillère municipale à la Ville d'Ottawa.
[Français]
Ma carrière de députée provinciale et de ministre du gouvernement de l'Ontario s'est étalée sur une période de 12 ans. Au cours de ces 12 années, j'ai occupé sans interruption la fonction de ministre déléguée aux Affaires francophones du gouvernement de l'Ontario. À ce titre, j'ai mis en avant des mesures importantes pour assurer le développement de la communauté franco-ontarienne. Ces mesures incluent, entre autres, la création du Commissariat aux services en français, l'adoption d'une définition plus inclusive des francophones, l'adoption d'un règlement sur la prestation des services en français par un tiers pour le compte d'organismes gouvernementaux, l'autonomie de la chaîne TFO et, plus récemment, l'établissement d'une cible de 5 % pour l'immigration francophone.
Je peux vous assurer que tout le travail que j'ai effectué dans le cadre de cette fonction s'est voulu au-dessus des partis politiques et allant toujours dans le sens des besoins et des intérêts de la communauté francophone de l'Ontario.
[Traduction]
Pendant cette même période, j'ai également assumé divers mandats ministériels. J'ai occupé successivement les postes de ministre de la Culture, ministre des Services sociaux et communautaires, ministre de la Sécurité publique et des Services correctionnels, et enfin Procureure générale de l'Ontario. Pendant plusieurs années, j'ai siégé au Conseil du Trésor et au Conseil de gestion du gouvernement de l'Ontario. J'y ai promu une approche rigoureuse de contrôle fiscal. Ayant grandi au sein d'une famille propriétaire d'une petite entreprise, je traitais les dossiers de dépenses publiques avec la même prudence et prévoyance que mes parents m'avaient enseignée, en étant bien consciente qu'il s'agissait de ressources financières que les Ontariens nous avaient confiées.
[Français]
J'ai aussi assumé des charges ministérielles qui exigeaient un haut niveau de responsabilité professionnelle et publique. Au ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels ainsi qu'à celui des Services sociaux et communautaires, et à titre de procureure générale, j'ai eu à traiter de dossiers très complexes hautement confidentiels et d'une grande sensibilité.
En tant que procureure générale de l'Ontario, j'avais la responsabilité de m'assurer que tous les projets de loi et toutes les décisions d'ordre juridique du gouvernement se conformaient à la Constitution canadienne et en respectaient l'esprit. Dans cette fonction, j'avais également à m'assurer de la prévalence de la règle de droit dans l'exercice du pouvoir. À titre de conseillère juridique du Cabinet, je devais toujours agir d'une façon objective et non partisane.
[Traduction]
Sur le plan des langues officielles au Canada, je crois pouvoir offrir une expertise unique. Au cours de mes 12 années comme ministre déléguée aux Affaires francophones de l'Ontario, j'ai établi et maintenu des liens de collaboration avec toute la francophonie canadienne et j'ai développé des relations étroites avec mes collègues des autres provinces. À l'échelle nationale, de 2003 à 2015, j'ai participé à toutes les conférences fédérales, provinciales et territoriales de la Francophonie. Sur la scène internationale, j'ai assisté à trois Sommets de la francophonie. Au sein de la délégation canadienne, j'ai contribué aux discussions et aux consensus qui s'établissaient en apportant à la table l'expérience unique et positive de l'Ontario, où vivent plus de 600 000 francophones, une communauté minoritaire de langue officielle de plus en plus diverse et dynamique. Originaire du Québec, je connais aussi la communauté anglophone du Québec, ses défis et ses aspirations.
[Français]
Tout au long de ma carrière, j'ai fait de l'intégrité et de la transparence les valeurs fondamentales de mon engagement dans la vie publique. Mes actions et mes décisions ont été analysées et scrutées par les médias, le public et les différents intervenants politiques. En tout temps, j'ai su démontrer mon intégrité auprès de l'opinion publique. En 25 ans de vie publique, j'ai toujours souscrit aux règles les plus strictes d'éthique et de responsabilité rattachées aux postes que j'occupais.
En terminant, si j'ai le privilège d'occuper le poste de commissaire aux langues officielles, mes priorités seront, entre autres, de bien faire connaître aux Canadiennes et aux Canadiens le rôle du commissaire, leurs droits et privilèges selon la Loi sur les langues officielles et les recours dont ils jouissent afin de faire respecter leurs droits, promouvoir et protéger la nature objective du Commissariat aux langues officielles et promouvoir l'offre active des services aux citoyens dans les deux langues.
[Traduction]
La croissance des communautés de langue officielle en situation minoritaire passe par l'immigration. Le ministère de l'Immigration s'est fixé des objectifs en ce qui concerne le recrutement d'immigrants francophones dans les provinces et territoires situés à l'extérieur du Québec, leur accueil, leur intégration, leur formation et leur rétention. Le Commissariat fera le suivi sur l'évolution de ce dossier afin que le ministère rencontre les objectifs qu'il s'est donnés.
Le Canada célèbre cette année le 150e anniversaire de la Confédération. Alors que les célébrations doivent refléter les deux langues officielles et l'histoire des deux peuples fondateurs de notre pays, le Commissariat doit veiller à ce que les ministères et agences tiennent pleinement compte de leurs obligations linguistiques dans les activités et les services qu'ils offriront au public.
[Français]
La Loi sur les langues officielles aura bientôt 50 ans, en 2019. Il sera très important, pour le Commissariat, de collaborer pleinement avec le président du Conseil du Trésor et avec la ministre du Patrimoine canadien afin de moderniser la Loi et d'utiliser les nouvelles technologies pour étendre les services du gouvernement à une plus grande population, et ce, dans les deux langues officielles.
L'accès à la justice dans les deux langues officielles, le développement de la petite enfance et le bilinguisme de la fonction publique seront d'autres dossiers qui retiendront l'attention du Commissariat.
Je viens de parler des grands axes de travail qui attendent le Commissariat et qui exigeront leadership, expérience, ouverture et impartialité. C'est donc avec un esprit de confiance, pleinement consciente des défis, mais résolument tournée vers l'avenir que je suis prête à assumer la fonction de commissaire aux langues officielles.
Je vous remercie de votre attention et je suis prête à répondre à vos questions.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Bonjour, madame Meilleur. Je vous remercie d'être parmi nous ce matin.
Compte tenu de votre parcours en tant que politicienne et praticienne du droit, vous avez assurément les compétences nécessaires pour occuper ce poste. Or ce n'est pas cette question mais bien celle concernant le processus ayant mené à votre nomination qui est sur toutes les lèvres, présentement.
Vous n'êtes pas sans savoir que les contributions que vous avez faites au Parti libéral du Canada par le passé et pendant la course à la chefferie de ce parti, lors des élections que M. Trudeau a remportées, sont de notoriété publique. Les sommes que vous avez versées au Parti libéral ont en quelque sorte comme effet de porter ombrage à votre candidature, dans la mesure où nous pouvons y voir de la partisanerie.
Dans votre allocution, vous avez dit ce qui suit:
En tout temps, j'ai su démontrer mon intégrité auprès de l'opinion publique. En 25 ans de vie publique, j'ai toujours souscrit aux règles les plus strictes d'éthique et de responsabilité rattachées aux postes que j'occupais.
Considérez-vous que la responsabilité et l'éthique reliées aux contributions politiques volontaires que vous avez faites sont acceptables?
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Ces contributions financières ont été faites lorsque j'étais députée et ministre. Dans le cadre de mes nouvelles fonctions, si j'ai le plaisir d'occuper le poste de commissaire, il va sans dire que je serai non partisane.
J'aimerais bien que les gens m'évaluent sur ce que je ferai. Je ne peux pas effacer mes 13 ans de politique et de politique partisane, en tant que ministre. Cela dit, je pense qu'il a été démontré très clairement que mon objectif et ma passion, en tant que ministre des Affaires francophones, ont toujours été la défense des francophones.
Il n'y a jamais eu de partisanerie, étant donné que j'avais toujours cet objectif en tête. En outre, j'étais la seule francophone au Cabinet et je défendais les droits des francophones. Je n'ai jamais laissé mon appartenance à un parti politique me faire perdre de vue la raison de ma présence au Cabinet. J'étais la porte-parole des francophones.
Je comprends que cette situation inquiète certaines personnes, mais comme je vous l'ai dit, j'ai une passion pour les langues officielles. J'ai travaillé pendant 25 ans à l'avancement de la francophonie, soit en Ontario, à la Ville d'Ottawa, et, plus tard, au sein du gouvernement ontarien. C'est ce que je m'engage à faire. Reconnaissant tout à fait que ce poste demande une très grande intégrité, je m'engage à ne jamais démontrer de partisanerie. Je me sens entièrement l'aise face à cela.
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Merci, monsieur le président.
Madame Meilleur, je vous souhaite la bienvenue. Je suis très heureux de vous accueillir. En tant que Franco-Ontarien, j'ai vu votre carrière et le rôle que vous avez joué pour la francophonie en Ontario et son importance.
J'ai relu quelques articles parus lorsque vous avez démissionné l'an dernier. J'aimerais d'abord vous faire part des commentaires qui ont été faits.
Le 12 juin 2016, Gilles LeVasseur écrivait dans Le Droit:
Toutefois, nous avons eu une excellente représentante de la réalité francophone au sein du gouvernement de l'Ontario et une voie pour les francophones et les francophiles.
Dans un article paru le 10 juin 2016 dans Le Droit, François Pierre Dufault parlait du legs de Madeleine Meilleur. Il écrivait:
Les Franco-Ontariens ont aujourd'hui un Commissariat aux services en français qui jouit d'une indépendance politique complète pour défendre leurs causes au parlement provincial. Ils ont un télédiffuseur public, TFO, entièrement indépendant de sa station-soeur anglophone TVO.
J'ai siégé au conseil d'administration de TFO et ce diffuseur a le vent dans les voiles, justement grâce à cette décision sur son indépendance.
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J'aimerais vous demander vos commentaires par la suite.
Dans un autre ordre d'idées, un article de Huguette Young est paru dans Le Droit le 11 juin 2016. On pouvait y lire ceci:
Le départ de Madeleine Meilleur laisse un vide qui sera difficile à combler, conviennent les adversaires politiques de la ministre.
De bons mots viennent de France Gélinas, députée néo-démocrate de Nickel Belt, qui n'avait pas prévu cette annonce. Elle avait parlé à la ministre Meilleur tous les jours cette semaine, la dernière fois à 16 heures jeudi. Mme Meilleur ne lui en avait pas soufflé mot.
Selon elle, « Madeleine était francophone avant d'être libérale. Dans le dossier de la francophonie, c'était une alliée. Elle venait me voir pour me dire: "France, ce serait bon que tu me poses une question là-dessus. Ça m'aiderait." » Car il était difficile parfois de vendre une telle décision favorable à la francophonie auprès du caucus libéral et du gouvernement.
J'ai une autre citation. Dans un article écrit en 2012 — cela remonte à un certain temps — par Benjamin Vachet dans L'Express d'Orléans, on peut lire ceci: « Ministre déléguée aux Affaires francophones depuis 2003, Mme Meilleur retient la création du poste de Commissaire aux services en français comme l'un des plus grands accomplissements de sa carrière ».
Par ailleurs, on vous cite: « La création de ce poste est ma plus grande fierté car c'est une nouvelle étape pour le droit des Franco-Ontariens. »
Pouvez-vous faire quelques commentaires sur ces accomplissements? Je parle de l'importance de l'indépendance de TFO et des services à la communauté franco-ontarienne. Par ailleurs, pouvez-vous dire un mot sur l'indépendance du commissaire aux services en français en Ontario?
Je suis vraiment très fière de tout ce que nous avons accompli en Ontario en matière de francophonie. Je veux qu'il soit très clair, cependant, que je n'ai pas accompli cela toute seule: je l'ai fait avec les Franco-Ontariens, les membres de l'opposition et ma communauté. J'étais seule au Cabinet, mais je sentais derrière moi la présence de 600 000 Franco-Ontariens et Franco-Ontariennes. C'est ce qui me donnait du poids.
Vous avez parlé de Mme France Gélinas, avec qui j'ai toujours travaillé en étroite collaboration. Elle est également une grande défenseure des droits des francophones en Ontario et occupe le poste de présidente de la section ontarienne de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie. Récemment, j'ai reçu l'Ordre de la Pléiade. Elle m'a remis une belle carte, que j'aurais voulu vous apporter aujourd'hui. Je veux la remercier publiquement pour le travail accompli.
Quand j'ai intégré mes fonctions en tant que ministre des Affaires francophones, bien sûr, je n'avais pas toute une liste de tâches à accomplir. Même si j'avais oeuvré dans le domaine de la francophonie, j'arrivais tout juste au gouvernement. Ce sont les gens qui m'ont aidée à accomplir ce que j'avais au programme et ce que je voulais réaliser.
La création du poste de commissaire aux services en français fut la mesure la plus importante pour assurer la pérennité des services en français. Cette création s'est faite en deux étapes. Récemment, j'ai fait un discours sur la création du poste. Tout le monde n'aime pas qu'un agent du Parlement, indépendant et qui n'a pas été élu, soit nommé.
Il y a eu des objections, qui ne venaient pas seulement des gens de l'opposition, mais d'un bon nombre de mes collègues également. Nous nous sommes donc employés à les rassurer. Le poste, à la première étape, n'était pas indépendant. Il relevait de moi. Je n'étais pas très heureuse de cela. Je voulais en effet qu'il soit indépendant dès le départ. Comme le dit le proverbe, « Un tiens vaux mieux que deux tu l'auras ». Bien que relevant de moi, le commissaire Boileau a toujours eu toute l'indépendance nécessaire. Il l'a affirmé régulièrement au cours de ses conférences. La deuxième étape a consisté à octroyer l'indépendance au commissaire.
TFO est une superbe réalisation, qui rayonne non seulement au Canada, mais aussi aux États-Unis et ailleurs dans le monde. Présentement, le PDG de TFO est en Afrique du Sud pour faire la promotion de la chaîne. C'est un modèle, non seulement en Ontario, mais dans le monde.
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Je vais vous citer le texte qu'il vient de publier: « Cependant, la partisanerie n'a pas sa place dans les postes dans les postes d'hauts fonctionnaires du Parlement. Leurs responsabilités les obligent à s'élever au-dessus des joutes politiques. ». J'ouvre une parenthèse pour dire que vos collègues qui ne cessent de rapporter ce que vous avez dit quand vous avez quitté votre poste de ministre n'ont que des citations de politicienne à offrir.
Je continue à citer M. Léger: « Dans le cas qui nous intéresse [le votre], une nomination partisane contribue à politiser davantage les langues officielles à un moment où elles exigent plutôt une défense fondée sur une vision et des principes. » Cela est notre position également.
Nous croyons qu'il s'agit d'une erreur monumentale de la part du de choisir quelqu'un de sa propre formation politique mais, qui plus est, une personne qui a contribué à sa propre course à la direction et qui a contribué au Parti libéral fédéral. La distance nécessaire pour juger des actions de ce même Justin Trudeau, de ce même premier ministre, vous ne l'avez pas. Vous n'avez pas la distance critique nécessaire pour assumer cette fonction.
Le fait de vous rendre compte de cela vous fait-il hésiter aujourd'hui? Vous essayez de nous citer des cas qui n'ont pas de rapport afin de justifier votre nomination, parce qu'elle est hautement partisane. Vous êtes trop collée aux libéraux. M. Trudeau a fait une erreur, de notre point de vue.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Madame Meilleur, c'est un grand plaisir de vous avoir parmi nous.
Je vais reprendre vos dernières paroles. Vous dites que vous ne pouvez pas effacer 13 ans de vie politique. S'il vous plaît, n'effacez pas l'efficacité: le travail que vous avez fait pour défendre la minorité française en Ontario a été exceptionnel.
J'ai été tellement touché par votre candidature. J'entrevois que votre travail de défense de la francophonie en Ontario s'étendra maintenant à tout le pays. Quelle chance que d'avoir une personne qui a tellement travaillé, qui a défendu la cause francophone et acadienne au Canada et qui va maintenant pouvoir continuer ce travail, mais à l'échelle du pays. C'est quelque chose d'exceptionnel et je suis extrêmement content que vous ayez postulé. C'était un processus très transparent, ouvert, et si vous ne l'aviez pas fait, cela aurait représenté une perte pour nous, selon moi.
Il y a un autre aspect que j'aimerais soulever. Je dis toujours que la qualité d'un leader ne se mesure pas en fonction de la couleur politique qu'il adopte. On mesure la qualité d'un leader en fonction de l'état de situation qu'il quitte et non en fonction de la situation comme elle était lorsqu'il est arrivé en poste. C'est pourquoi je suis tellement content. Je me dis que, pendant cinq ou sept ans — je crois que le mandat est de sept ans —, si vous êtes la candidate choisie, l'influence que vous allez exercer sur la francophonie et en milieu minoritaire au Canada peut s'avérer très intéressante.
J'aimerais vous poser deux questions. Premièrement, quelles sont, selon vous, les priorités qu'un commissaire aux langues officielles devrait se donner à l'échelle nationale? Deuxièmement, j'aimerais toucher le sujet de l'éducation. J'ai passé 30 ans dans ce milieu, dont les 11 dernières années comme directeur général au Conseil scolaire acadien provincial de la Nouvelle-Écosse. Il s'agit d'écoles qui sont issues de l'adoption de la Charte canadienne des droits et libertés et elles continuer à tenter d'améliorer leur offre de services. Comment les systèmes d'éducation en milieu minoritaire peuvent-ils continuer à progresser avec notre aide, même s'ils relèvent de la compétence des provinces? Quelle importance notre gouvernement doit-il donner à l'éducation? Je vous demande quelques commentaires.
Je suis une grande admiratrice des Acadiens. Je dis toujours qu'il est plus facile de parler français à Kiamika, petit village d'environ 250 personnes situé près de Mont-Laurier, dans les Laurentides, qu'en Acadie. Si vous ne connaissez pas Kiamika, sachez que personne n'y parlait anglais lorsque j'y suis née ni pendant toutes les années où j'y ai grandi et étudié. Je suis justement venue en Ontario pour y effectuer mes études en sciences infirmières et apprendre l'anglais, car mon père estimait que le bilinguisme était important. Étant unilingue francophone, il trouvait difficile de mener ses activités dans le milieu des affaires.
Cela étant dit, la loi précise clairement le rôle du commissaire. Je veux cependant vous parler aujourd'hui d'un sujet très important, c'est-à-dire l'éducation. Il faut que les minorités, tant les anglophones au Québec que les francophones dans le reste du pays, aient un système d'éducation fort et accessible parce que c'est la seule façon pour elles de freiner l'assimilation et de pouvoir continuer à parler leur langue. Cela justifie tout l'investissement et le travail que le Commissariat peut faire, en collaboration bien sûr avec le gouvernement fédéral et le ministère du Patrimoine canadien, qui ont tous deux un grand rôle à jouer pour aider les communautés en situation minoritaire.
Le commissaire aux langues officielles a pour rôle d'encourager l'accès à l'éducation et la mise en place d'un bon système d'éducation pour tous, même pour les communautés en situation minoritaire où les défis sont beaucoup plus élevés que partout ailleurs. Cela peut se faire en ciblant, par exemple, l'immigration francophone, et c'est pour cela que l'Ontario s'est donné une cible de 5 %.
Lorsque j'étais ministre en Ontario, je travaillais toujours de très près avec le gouvernement en place ainsi qu'avec le commissaire aux langues officielles afin d'assurer non seulement la survie de la langue de la minorité et la promotion de la dualité linguistique, mais également la progression du nombre de francophones. Il y a plus de 600 000 francophones, et il existe différentes méthodes susceptibles d'augmenter ce nombre.
Prenons l'exemple des nouveaux arrivants au pays pour qui la langue maternelle n'est ni l'anglais ni le français, mais qui parlent le français à la maison. Nous avions appris leur frustration de constater que leur nombre n'était pas comptabilisé dans les recensements. Nous avons donc changé la définition du terme « francophone » en Ontario. Le nombre de francophones comptabilisés en Ontario est alors passé à 50 000 parce que ces nouveaux arrivants voulaient faire partie de la communauté francophone. Ils ne voulaient pas être écartés du fait que leur langue maternelle n'était pas le français.
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Bonjour, madame Meilleur, et bienvenue. Nous vous accueillons avec plaisir aujourd'hui.
Vous disiez plus tôt que vous veniez de Kiamika, dans les Hautes-Laurentides. Pour ma part, je représente fièrement la circonscription de Rivière-des-Mille-Îles, située dans les Basses-Laurentides, qui comprend Deux-Montagnes, Saint-Eustache, Boisbriand et Rosemère. Je souligne que les villes de Deux-Montagnes et de Rosemère abritent toutes deux une communauté minoritaire anglophone.
J'ai une question à vous poser concernant davantage les anglophones. Je comprends très bien qu'on parle beaucoup des francophones. Cependant, au Québec, il y a l'effet miroir en ce qui concerne la communauté anglophone, qui représente quand même 14 % de la population, c'est-à-dire près d'un million d'anglophones au Québec.
Je vous ai parlé de ma circonscription, et mon collègue M. Samson a beaucoup parlé des francophones. En vous fondant sur votre expérience en Ontario quant aux défis liés aux minorités francophones — je pense notamment à ceux que vous avez relevés en matière de santé concernant l'Hôpital Montfort —, y aurait-il des pratiques en Ontario qui pourraient être appliquées au Québec en matière de soins de santé ou d'accès à la justice? Quel est votre point de vue à cet égard pour la minorité anglophone au Québec, sachant qu'il y a quand même des différences au Québec?
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Je vais d'abord parler du dernier ministère où j'ai travaillé. L'accès à la justice dans les deux langues a été une priorité pour moi. Lorsque j'occupais le poste de procureure générale, j'ai nommé des juges bilingues parce que je voulais combler ce déficit en Ontario.
[Traduction]
Effectivement, une justice différée est une justice refusée.
[Français]
J'ai essayé de mettre ce processus en marche.
J'ai aussi nommé, pour la première fois, une femme franco-ontarienne comme juge en chef de la cour la plus occupée au Canada, la Cour de justice de l'Ontario.
D'entrée de jeu, je tiens à vous dire que je connais la communauté anglophone du Québec, mais que je voudrais la connaître encore plus. Nous avons une maison en Gaspésie et je connais les anglophones de cette région. Néanmoins, je réserverai ma première visite aux anglophones du Québec parce que je sais qu'ils veulent rencontrer le ou la nouvelle commissaire.
D'ailleurs, j'ai été invitée à un gala où on remettait le prix Goldbloom. On m'a dit qu'on souhaitait que soit adopté l'objectif de l'Ontario de 5 % en immigration. On voudrait voir la même chose au Québec. La diminution du poids démographique des anglophones au Québec préoccupe ceux-ci.
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Merci, madame Lapointe.
Bienvenue, madame Meilleur. Je vous félicite pour votre parcours que je connaissais peu.
Je suis un Acadien du Nouveau-Brunswick et je vis comme un minoritaire, si on veut, en milieu majoritaire. J'ai eu la chance de faire mes études, de la maternelle jusqu'à l'école de droit inclusivement, dans ma langue maternelle, celle d'Antonine Maillet, grâce à des gens de votre trempe au Nouveau-Brunswick qui, dans le passé, avaient compris que l'éducation était la première chose qui permettait aux communautés de langue officielle en situation minoritaire de vibrer et de s'autopromouvoir.
Je ne vous pose pas une colle, mais regardons la Loi sur les langues officielle que vous avez dû étudier. Comme vous le dites, vous avez rencontré le précédent commissaire pour voir comment cela fonctionnait, quel était le cadre. Je suis certain que vous avez examiné tous les paramètres relatifs à ce poste, même si vos fonctions restent à confirmer.
L'article 52 de la Loi vous permet de vous entourer d'experts. M. Darrell Samson fait souvent allusion à l'éducation. Puisque les objectifs sont piteux en ce qui a trait à l'immigration francophone et qu'il faudrait faire vibrer davantage les communautés minoritaires en milieu majoritaire, croyez-vous qu'on pourrait amorcer un changement de cap? Je sais que vous n'êtes pas encore entrée en fonction, mais y a-t-il un rôle que vous pourriez tenir, à titre de nouvelle commissaire? Pourriez-vous aller voir et écouter des experts qui proviennent d'ailleurs, peut-être davantage que ceux qui ont été traditionnellement consultés?
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Je voudrais d'ailleurs saluer la sénatrice Chaput, qui a mis en avant un projet de loi vraiment ambitieux. J'espère qu'il sera adopté un jour, mais il représente déjà un pas en avant.
Il ne faut pas seulement considérer le nombre de personnes, mais la vitalité d'une communauté. Nous avons tous un rôle à jouer pour assurer la vitalité des communautés, que ce soit sur le plan culturel, éducatif ou en matière de santé. Dans ce dernier domaine, il y a de plus grands défis, parce qu'il est difficile de recruter des professionnels francophones de la santé. Toutefois, nous devons y travailler.
Je connais aussi les communautés et les petits villages de l'Ontario. Je ne connais pas très bien les petits villages du Manitoba, à l'exception de Fisher Branch, mais je connais ceux de l'Ontario.
La plupart des francophones en Ontario vivent dans des petits villages. Comment peut-on les appuyer pour faire en sorte qu'ils puissent conserver leur langue, que ce soit par l'entremise de programmes de financement ou d'études? Je sais que M. Fraser a également mené une étude sur les médias francophones, plus précisément sur les journaux communautaires.
Il faut poursuivre dans cette direction et voir à ce que ses recommandations soient entérinées.
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La vous a appelée elle-même. Je ne vois aucun rôle pour la ministre de la Justice dans le processus de nomination du commissaire aux langues officielles, au contraire. Le commissaire doit se rendre en cour pour défendre les droits des francophones hors Québec et de la minorité québécoise d'expression anglaise contre le gouvernement, contre le ministère de la Justice.
Alors, c'est très préoccupant pour nous d'apprendre que la elle-même vous a informée de votre nouvelle situation, alors que ce n'est pas votre alliée. C'est une personne à qui vous allez être obligée de demander des comptes.
Je vais terminer avec une citation, qui me semble de première importance, d'une décision du juge Martineau, de la Cour fédérale du Canada. Il reprend les paroles du commissaire de l'époque, en l'occurrence M. Fraser, qui décrit son rôle de cette manière:
« [à] titre de haut fonctionnaire du Parlement, j'offre aux parlementaires des conseils impartiaux fondés sur des informations objectives et concrètes pour les aider à jouer leur rôle de premier plan qui consiste à tenir le gouvernement fédéral responsable de la gérance du statut d'égalité du français et de l'anglais au Canada ».
C'est cette obligation d'exiger une reddition de comptes qui est la première responsabilité du commissaire. Avec tout ce que nous avons entendu aujourd'hui, loin d'être rassurés, nous sommes plus convaincus que jamais que, sur la forme — en ce qui concerne la non-consultation si bien étayée par mes collègues conservateurs — autant que sur le fond de cette consultation factice, cela serait une erreur et cela minerait la crédibilité de la fonction de commissaire aux langues officielles d'approuver cette nomination.