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LANG Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des langues officielles


NUMÉRO 123 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 29 novembre 2018

[Enregistrement électronique]

(0850)

[Français]

     Conformément au paragraphe 108(3) du Règlement, nous poursuivons l'étude sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles.
    Ce matin, nous avons l'immense plaisir de recevoir, du Commissariat aux langues officielles du Nouveau-Brunswick, M. Michel Carrier, commissaire par intérim. Il est accompagné de M. Hugues Beaulieu, son directeur général.
    Nous recevons également, du Commissariat aux services en français de l'Ontario, M. François Boileau, commissaire, et M. Joseph Morin, conseiller juridique. Messieurs, je vous souhaite la bienvenue au Comité permanent des langues officielles, dans les circonstances que vous connaissez.
    Nous allons procéder ainsi: vous disposerez de 10 minutes chacun pour faire une présentation. Ensuite, comme à l'habitude, les membres du Comité vous poseront des questions ou feront des commentaires pour le reste de la période. Monsieur Carrier, voulez-vous commencer?
    Nous vous écoutons.
    D'entrée de jeu, puisque la réunion est télévisée, je croyais que le Comité offrirait un service de maquillage — pas à vous ou à moi, monsieur le président, étant donné que nous sommes jeunes et beaux, mais mon collègue, qui vit un stress énorme depuis deux semaines, aurait pu profiter d'un fond de teint et d'un peu de rouge. Passons.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs, membres du Comité, bonjour.
    Nous sommes très heureux de comparaître devant vous aujourd'hui afin de vous faire connaître notre position relativement à la modernisation de la Loi sur les langues officielles.

[Traduction]

    Le commissaire aux langues officielles du Nouveau-Brunswick est un agent indépendant de l'Assemblée législative du Nouveau-Brunswick. Son rôle est de procéder à des enquêtes, de présenter des rapports et de faire des recommandations visant le respect de la Loi sur les langues officielles du Nouveau-Brunswick. Le commissaire doit aussi promouvoir l'avancement des deux langues officielles dans la province. C'est en vertu de son mandat de promotion que le commissaire souhaite proposer des changements dans le cadre du projet de modernisation de la Loi sur les langues officielles du Canada.

[Français]

    Le Commissariat aux langues officielles du Nouveau-Brunswick a préparé un mémoire sur cette question. Il y a quelques semaines, nous avons officiellement remis ce mémoire au Comité sénatorial permanent des langues officielles. Je suis heureux de vous en remettre un exemplaire aujourd'hui.

[Traduction]

    La première partie de ce mémoire fait état de l'unicité juridique du Nouveau-Brunswick en matière de droits linguistiques et des lacunes du régime fédéral créé par la Loi sur les langues officielles en 1988 à l'égard de cette province.
    La deuxième partie invite le Parlement à corriger ces écarts en reconnaissant dans une version modernisée de la Loi sur les langues officielles du Canada l'unicité du Nouveau-Brunswick et à harmoniser, lorsque cela s'avère possible, les régimes linguistiques fédéral et néo-brunswickois.
    La troisième partie invite le Parlement à s'inspirer de la richesse des 50 années d'expérience néo-brunswickoise en matière de langues officielles et particulièrement de la plus récente mouture de la Loi sur les langues officielles du Nouveau-Brunswick.

[Français]

    Permettez-moi de résumer brièvement les deux premières parties de notre mémoire. Le Commissariat recommande que la Loi sur les langues officielles fédérale soit modifiée afin d'harmoniser les obligations du gouvernement fédéral d'offrir ses services et de communiquer avec le public dans les deux langues officielles avec celles du Nouveau-Brunswick.
    Comme vous le savez très bien, au niveau fédéral, le public a le droit d'employer le français et l'anglais pour communiquer avec les bureaux, les institutions du Parlement et du gouvernement du Canada et pour en recevoir les services là où l'emploi du français ou de l'anglais fait l'objet d'une demande importante ou se justifie par la vocation du bureau. Ainsi, la loi fédérale permet à plusieurs bureaux d'institutions fédérales au Nouveau-Brunswick de pratiquer l'unilinguisme. À l'heure actuelle, au moins deux bureaux fédéraux offrent leurs services uniquement en français, et au moins 51 bureaux fédéraux au Nouveau-Brunswick offrent leurs services uniquement en anglais. Des exemples de cela se retrouvent dans notre mémoire.
    Par contre, au niveau provincial, les gens du Nouveau-Brunswick ont le droit à l'emploi du français ou de l'anglais pour communiquer avec tout bureau des institutions de l'Assemblée législative et du gouvernement provincial, et pour en recevoir les services sans conditions. En d'autres termes, le critère de demande importante ne s'applique pas aux institutions provinciales du Nouveau-Brunswick.
(0855)

[Traduction]

    Au Nouveau-Brunswick, il existe donc une dissonance frappante entre, d'une part, le bilinguisme institutionnel complet en matière de communications et de services provinciaux et, d'autre part, le bilinguisme partiel et localisé dans les institutions fédérales. Le Parlement devrait donc adapter le libellé de l'article 22 de la Loi sur les langues officielles du Canada pour refléter, au Nouveau-Brunswick, le cadre constitutionnel dans lequel il opère et pour que le régime fédéral concorde avec le bilinguisme institutionnel complet du Nouveau-Brunswick.
    Le Commissariat aux langues officielles du Nouveau-Brunswick recommande que le Parlement modernise la Loi sur les langues officielles du Canada pour qu'elle oblige expressément le gouvernement fédéral à offrir ses services et à communiquer dans les deux langues officielles, partout au Nouveau-Brunswick. Il lui suffit, pour atteindre cet objectif, de prévoir que les obligations prévues à l'article 22 de la Loi sur les langues officielles du Canada valent pour tous les bureaux des institutions fédérales au Nouveau-Brunswick.

[Français]

     L'article 16.1 de la Charte enchâsse les droits et privilèges égaux des communautés linguistiques française et anglaise du Nouveau-Brunswick, incluant leur droit à des institutions d'enseignement distinctes et aux institutions culturelles distinctes nécessaires à leur protection et à leur promotion.
     Cette reconnaissance constitutionnelle, unique au Canada, ne se voit aucunement reflétée dans la loi fédérale actuelle. Pourtant, l'égalité des droits et privilèges des communautés linguistiques officielles du Nouveau-Brunswick doit influer sur les politiques publiques fédérales.

[Traduction]

    Le Parlement devrait moderniser la loi fédérale, à la lumière de l'ajout de l'article 16.1 à la Charte en 1993, pour qu'elle prévoie et encadre une obligation du gouvernement fédéral de tenir compte des droits et des privilèges égaux des communautés linguistiques française et anglaise du Nouveau-Brunswick. Une telle modernisation pourrait être atteinte en prévoyant à la partie VII de la loi fédérale un engagement additionnel — accompagné d'une obligation de prendre des mesures positives afin de le mettre en oeuvre — du gouvernement fédéral en vue de reconnaître et de promouvoir le statut et les droits et les privilèges égaux des communautés linguistiques française et anglaise du Nouveau-Brunswick, notamment de leur droit à des institutions d'enseignement distinctes et à des institutions culturelles distinctes nécessaires à leur protection et à leur promotion.
    Par exemple, l'égalité constitutionnelle des deux communautés linguistiques officielles au Nouveau-Brunswick doit également informer l'élaboration et l'application des politiques d'immigration du gouvernement fédéral. La Loi sur les langues officielles du Canada devrait obliger le gouvernement fédéral à tenir compte de l'équilibre linguistique spécifique du Nouveau-Brunswick et de la reconnaissance du statut, des droits et des privilèges égaux des communautés linguistiques française et anglaise de la province dans ses politiques d'immigration, de sorte à y maintenir l'équilibre linguistique existant.

[Français]

    L'intégration de l'article 16.1 à la Loi sur les langues officielles du Canada doit ultimement servir à appuyer son application concrète et ce, par des articles de loi spécifiques à notre province. En d'autres termes, l'intégration de l'article 16.1 à la Loi sur les langues officielles du Canada doit servir à mettre en application le principe d'égalité entre nos deux communautés linguistiques. Une modernisation de la Loi sur les langues officielles du Canada a le pouvoir d'appuyer grandement la vitalité des communautés de langue officielle chez nous.
    Je vous remercie de votre attention.
    Merci beaucoup, monsieur Carrier.
    Nous allons maintenant entendre M. François Boileau, de l'Ontario.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je suis très heureux d'être avec vous aujourd'hui.
    Je suis accompagné de M. Joseph Morin, notre conseiller juridique. Je suis également très heureux de me retrouver encore une fois devant un comité parlementaire avec mon collègue du Nouveau-Brunswick.
    J'aimerais vous remercier de m'avoir permis de comparaître aujourd'hui afin de vous présenter un mémoire sur les enjeux importants devant être pris en compte dans le cadre d'une modernisation de la Loi sur les langues officielles.

[Traduction]

    Nous étions tous satisfaits lorsque le premier ministre a annoncé qu'il s'engageait à moderniser la Loi. Vos collègues de l'autre chambre ont déjà entamé leur étude, et votre travail ici sera un excellent complément.
    La Loi sur les langues officielles peut et doit être un phare dans le domaine de la coopération entre le gouvernement fédéral et les provinces et les territoires. Toutefois, pour ce faire, elle doit être modernisée à plusieurs égards. Les acteurs n'ont peut-être pas changé depuis 50 ans, mais leurs rôles et leurs responsabilités en matière de langues officielles ont grandement évolué, tout comme ont évolué les communautés de langue officielle en situation minoritaire.

[Français]

    L'Ontario est aux prises avec le même débat. Il y a deux ans, j'ai recommandé au gouvernement de moderniser la Loi sur les services en français parce que, comme la Loi sur les langues officielles, elle ne répond plus aux réalités de la société. J'ai été entendu, mais peut-être pas de la bonne façon.
    Premièrement, je passerai en revue le nouveau Règlement sur les langues officielles — communications avec le public et prestation des services. Cela dit, je suis convaincu que mes collègues fédéraux formuleront des commentaires beaucoup plus précis.
    Deuxièmement, je vous recommanderai de renforcer les dispositions sur l'offre active des services.
    Troisièmement, je soulignerai l'importance de confier la mise en oeuvre de la Loi sur les langues officielles à une agence centrale.
    Enfin, je prendrai les quelques minutes qui me resteront pour vous expliquer ma vision du rôle d'un commissaire linguistique.
(0900)

[Traduction]

    Le Canada d'aujourd'hui n'est pas celui des années 1980. La population francophone est riche par sa diversité grâce à l'immigration et aux jeunes issus de familles exogames et de francophiles.
    Dans mon tout premier rapport annuel, je recommandais à la ministre déléguée aux Affaires francophones de l'Ontario — c'était le nom à l'époque — de revoir la définition de la population francophone afin de s'assurer de refléter adéquatement la nouvelle réalité de cette population. La méthode utilisée tenait compte seulement de la langue maternelle, ce qui excluait plus de 50 000 Franco-Ontariens.

[Français]

     Par exemple, une famille immigrante ayant l'arabe comme première langue et qui communique à la maison soit en arabe soit en français n'était pas considérée par le gouvernement comme faisant partie de la population francophone de l'Ontario. Pourtant, elle vit en français. Dès lors que cette famille met le pied ou l'orteil dehors, elle vit en français. Elle envoie ses enfants dans les écoles de langue française, elle participe aux activités de la communauté francophone: elle va au théâtre francophone, lit des journaux francophones et regarde les médias francophones, mais elle n'est pas considérée comme étant francophone.
    Je suis donc très heureux et fier que le gouvernement de l'Ontario ait adopté, en 2009, la Définition inclusive de francophone, ou ce qu'on appelle chez nous, la DIF.
    Cette nouvelle méthode inclut maintenant ceux et celles dont la langue maternelle n'est ni le français ni l'anglais, mais qui ont une bonne connaissance du français et qui l'utilisent à la maison, comme notre famille ayant l'arabe comme langue maternelle.
    J'ai aussi exprimé le souhait qu'une définition inclusive des francophones soit adoptée dans d'autres provinces et auprès du gouvernement fédéral. Je crois sincèrement qu'une définition plus inclusive de la francophonie doit être une composante d'une fédéralisme coopératif renouvelé axé sur les intérêts et les besoins propres aux communautés minoritaires de langue officielle.
    Le 25 octobre dernier, les ministres Joly et Brison annonçaient un projet de modifications au Règlement sur les langues officielles. La nouvelle méthode de calcul du Règlement proposée est plus inclusive et permet à plus de citoyens de recevoir des services. On assistera donc à une hausse importante de la demande et, conséquemment, à une augmentation du nombre de bureaux où le gouvernement va devoir servir les gens dans la langue de leur choix.

[Traduction]

    Même si le Règlement n'est toujours pas très convivial, je suis heureux de constater que le nouveau Règlement va aussi tenir compte de la vitalité des communautés dans sa planification de la prestation de services. La manière dont ce sera pleinement intégré n'est pas vraiment claire. Cet aspect doit être précisé, de préférence avec votre aide et l'aide de mon collègue fédéral. N'empêche que nous l'avons.
    Comme je l'avais recommandé, les écoles primaires et secondaires seront des indicateurs de vitalité importants et elles auront une incidence sur le calcul de la « demande importante ». Vous devez maintenant vous assurer que la Loi sur les langues officielles modernisée reprend la même vision du Règlement et qu'elle s'appuie sur une définition inclusive et qualitative de la « demande importante ».

[Français]

    Je veux ajouter un mot sur le Règlement. Il comporte encore des zones grises. La question du public voyageur n'a pas vraiment été réglée dans le nouveau Règlement. Je pense que le Conseil du Trésor a fourni un bel effort en produisant ce règlement, mais il mérite d'être approfondi davantage, et votre comité devrait prendre le temps d'en examiner les détails.
    Comme la Définition inclusive de francophone, l'offre active est l'une des priorités dans ma vision de la prestation de services en français en Ontario. J'ai déposé, en 2016, un rapport spécial auprès de l'Assemblée législative de l'Ontario sur l'offre active et son importance pour l'atteinte des objectifs de la Loi sur les services en français.
    L'offre active est particulièrement essentielle lorsque le public en question est vulnérable. J'ai reçu plusieurs témoignages au sujet de l'importance de l'offre active, notamment dans le secteur de la santé.

[Traduction]

    Je me souviens d’un exemple où je me trouvais dans un bureau gouvernemental situé dans un espace appartenant à un collège de langue française dans le nord de l'Ontario. Les employés se parlaient en français. Les clients conversaient aussi en français. L’affichage était dans les deux langues. Pourtant, l’employée n’a parlé qu’en anglais à la cliente, et le tout s’est déroulé dans la langue de Shakespeare.

[Français]

    L'offre active est essentielle dans la prestation de services dans la langue de la minorité. Vous en conviendrez, ce n'est probablement pas en pleine procédure médicale qu'un francophone exigera qu'on respecte ses droits linguistiques. Ce n'est probablement pas non plus lorsqu'elle vient tout juste d'accoucher qu'une adolescente accablée de dépendances demandera à obtenir une évaluation psychosociale en français. C'est impossible. Il faut donc créer un environnement qui mettra ces personnes suffisamment en confiance pour demander des services en français. Pour cela, il faut qu'on les lui offre activement.
    Je recommande que le Parlement modifie la Loi sur les langues officielles de manière à prévoir une obligation d'adopter un règlement sur l'offre active.
    Le Parlement pourra inclure dans ce règlement une définition explicite de l'offre active, en plus de critères clairs à respecter, qui pourrait inclure: des mesures exactes et culturellement appropriées à prendre dès le premier contact; le choix de la langue du citoyen; le confort du citoyen; et une qualité du service égale ou équivalente au service offert en anglais.
    Tout cela est aussi dans notre mémoire.
    En ce qui concerne l'agence centrale, la Loi sur les langues officielles donne au Conseil du Trésor et à Patrimoine canadien la tâche de sa mise en oeuvre, mais ne leur impose pas d'obligations précises en matière de coordination des obligations dévolues aux institutions fédérales.
    Cela cause plusieurs problèmes puisque, si le Conseil du Trésor n'accorde pas la priorité à la mise en oeuvre de la Loi sur les langues officielles, c'est à Patrimoine canadien que revient la tâche. Or Patrimoine canadien n'a pas, et n'a jamais eu, l'autorité ni l'influence nécessaires sur les autres ministères pour faire ce travail.
    À l'époque où l'honorable Stéphane Dion était le président du Conseil privé, cette agence centrale pouvait jouer un rôle plus déterminant. Par exemple, toutes les soumissions au Cabinet devaient d'abord passer sous la lentille de langues officielles.
    Par contre, depuis ce temps, son rôle et son implication ont considérablement diminué.
    Au fil des ans, j'ai proposé diverses recommandations en ce sens, chez nous en Ontario, afin de bonifier l'analyse de tous les dossiers soumis au Cabinet, par une filtre qui considère leur impact sur l'application de la Loi sur les services en français, mais sans trop de succès.
    Je note donc qu'en tant qu'agence centrale visée spécifiquement par la Loi sur les langues officielles, le Conseil du Trésor pourra s'assurer que les ministères et autres institutions fédérales s'acquittent de leurs obligations en vertu de la Loi.
    Je suis d'avis que le vrai travail de mise en oeuvre de la Loi sur les langues officielles revient donc au Conseil du Trésor et que la Loi doit être modifiée en conséquence.
    Parlons maintenant du rôle du commissaire aux langues officielles. D'autres groupes vont se présenter devant vous et militer pour qu'on donne davantage de pouvoirs coercitifs au commissaire ou pour qu'on crée un tribunal sur les droits linguistiques. Ces idées méritent certainement toute votre attention, mais mon rôle, ce main, est de mettre en lumière un rôle qui semble être mal compris, soit celui de conseiller.
(0905)

[Traduction]

    Les commissaires linguistiques sont des ombudsmans. Ils reçoivent des plaintes du public et ils tentent de trouver des solutions acceptables pour les deux parties. En ce sens, ils sont aussi des médiateurs.
    Cependant, être commissaire exige en plus d’être proactif. Une plainte recevable et fondée signifie qu’il existe une violation de la Loi sur les services en français. Cela pourrait vouloir dire qu’il n’y avait pas d’employés bilingues lorsqu'une personne va acheter son permis de pêche ou encore qu’il n’y a aucun hôpital dans la région du Grand Toronto qui a le mandat d’offrir des soins de santé en français.

[Français]

     Une plainte recevable et fondée peut aussi venir du fait qu'une enfant francophone, Noémie, puisse être prise en charge par une Société d'aide à l'enfance et soit placée dans une famille anglophone, compromettant ainsi son identité culturelle et linguistique. Dans tous ces cas de plein potentiel, c'est un échec et le mal est déjà fait. C'est le devoir des commissaires de faire tout en leur possible pour prévenir ces échecs en proposant des recommandations, soit à la suite d'enquêtes, soit de leur propre initiative. Bref, c'est un rôle d'ombudsman. Les commissaires deviennent des acteurs importants et des conseillers utiles pour les ministres. On peut suivre leurs conseils pour éviter d'innombrables problèmes et de nombreuses plaintes.

[Traduction]

    Si vous m'avez invité à comparaître devant vous aujourd'hui, c’est pour vous faire part de mon expertise et de mon expérience et donc vous conseiller sur une marche à suivre pour veiller aux intérêts des communautés de langue officielle en situation minoritaire.

[Français]

    Ce mandat de conseil est essentiel au rôle du commissaire. Nous devons pouvoir interagir directement avec les ministres et leurs fonctionnaires afin de suggérer des stratégies pour le développement et la mise en oeuvre de politiques publiques qui respectent les obligations législatives et qui répondent aux besoins des gens.
    Le gouvernement, quel qu'il soit, a reçu la mandat de gouverner. Il revient souvent aux commissaires de rappeler au gouvernement qu'il a l'obligation de bien saisir les besoins propres aux communautés minoritaires de langues officielles afin d'adapter ses programmes et services en conséquence.
    Cela m'amène à la deuxième composante du mandat de conseiller, soit la consultation et la promotion. Dès le début de mon mandat, je me suis acharné à comprendre les communautés à qui la Loi sur les services en français accordait des droits. C'est seulement en allant parler aux gens qu'on peut comprendre leur situation, leurs défis et leurs aspirations. En plus de faire de la consultation, je faisais la promotion de la loi et des obligations qu'elle impose aux organismes gouvernementaux et aux fournisseurs de services.
    Je vous invite à repenser à Noémie, la jeune fille francophone placée dans une famille anglophone. Ce sont évidemment des situations que nous voulons éviter et arrêter, et je m'acharnais à rencontrer toutes les Sociétés d'aide à l'enfance, comme tous les autres fournisseurs des services en santé, en justice ou en immigration, pour leur expliquer l'importance de comprendre la situation des communautés francophones. Je leur soulignais aussi que, oui, la Loi sur les services en français leur imposait des obligations, mais qu'agir dans le meilleur intérêt des individus dépassait la loi. Il s'agit de faire la bonne chose pour un individu, pour sa famille et pour sa communauté.
    Ce travail de consultation et de promotion s'inscrit dans une approche proactive. Si, dès le début de la création d'une politique publique, d'un service ou d'un programme, le gouvernement reçoit et suit des conseils judicieux de la part du commissaire, il pourra ainsi éviter le gaspillage de ressources et de temps, et ainsi renforcer son efficience.
    J'aimerais ajouter que la consultation des communautés, la mobilisation des connaissances et la prestation de conseils peuvent prendre différentes formes.
(0910)

[Traduction]

    Dans mon dernier rapport annuel, j’ai effectué une projection de la communauté francophone de l’Ontario sur les 10 prochaines années. Le diagnostic n’est pas encourageant. Même si le nombre de francophones va augmenter, leur proportion va chuter dangereusement à moins de 4 %.
    Ma recommandation à la ministre des Affaires francophones, qu’elle a acceptée, c’est de doter le gouvernement d’un Plan d’action sur le développement des communautés francophones et la promotion du français en Ontario.

[Français]

    Afin de cimenter la portée du rapport annuel, lundi dernier, le Commissariat a organisé un symposium intitulé « Se préparer, se projeter ». Plus de 230 experts, membres du gouvernement et représentants de la communauté se sont réunis pour discuter d'enjeux importants en matière de santé, de numérisation des services publics, de vieillissement de la population, d'immigration, de restructuration des services en personne, de production et de diffusion de contenu numérique en français, y compris dans les médias. Cela, c'est du travail proactif et qui a été fait en fonction des intérêts de la communauté francophone et non en réaction à la suite de plaintes, comme le travail de l'ombudsman le laisse sous-entendre.
    En conclusion, et je vais être très bref, j'aimerais vous parler de fédéralisme coopératif. On se doit de se doter de vrais mécanismes, et dans notre mémoire, on y fait suite.
    Nous sommes ombudsmans, médiateurs, conseillers, protecteurs, promoteurs, rassembleurs. Voilà les rôles d'un commissaire aux langues officielles ou d'un commissaire aux services en français chez nous. Nous avons tous ces rôles.
    En terminant, j'aimerais souligner que nous avons produit et que nous distribuerons à tous les membres du Comité une infographie sur les francophones en Ontario, qui vient tout juste de sortir lundi dernier. Nous en avons plusieurs copies. Cette infographie parle vraiment de la communauté francophone.
    Nous avons commencé à organiser une conférence importante. Vous savez que notre organisation est membre de l'Association internationale des commissaires linguistiques et que celle-ci se réunit une fois par année. Ce sera à Toronto en juin 2019.
    Nous serons heureux de répondre à vos questions.
     Merci beaucoup, messieurs Carrier et Boileau, de vos très belles présentations.
    Sans plus tarder, allons commencer un tour de table par M. Alupa Clarke.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Bonjour à tous.
    Monsieur Carrier et monsieur Boileau, je suis très content que vous soyez avec nous, ce matin.
    Monsieur Boileau, je pense que vos deux dernières semaines ont été bien remplies et chargées, mais je suis content de constater que vous semblez en pleine forme, égayé et prêt à combattre.
    Je voulais vous dire que, pour nous, au Parti conservateur du Canada, les droits linguistiques sont très importants. Nous sommes très heureux qu'il y ait eu une rencontre au sommet à laquelle participaient notre chef, M. Scheer, et le premier ministre, et qu'il en ait résulté une volonté d'être solidaire en ce qui a trait à la question des droits linguistiques en Ontario.
    Cela étant dit, ce matin, notre intérêt porte sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles. J'ai quelques questions assez directes à vous poser, et vous les avez quand même abordées, en quelque sorte, ce matin.
     Seriez-vous davantage en faveur de créer un tribunal administratif ou de donner des pouvoirs coercitifs au commissaire des langues officielles au gouvernement fédéral?
    Avant que vous répondiez, en guise de remarque, j'aimerais demander aux députés d'indiquer à qui ils posent leur question. Il y a deux commissaires devant nous.
    Oui.
    Un question peut s'adresser à eux deux, et ils peuvent y répondre chacun leur tour.
    Je le demande quand même à tous les députés.
    Merci, monsieur le président, vous avez raison.
    Ma question s'adressait donc aux deux commissaires.
    Je ne suis pas en faveur de pouvoirs coercitifs au niveau du Commissariat. Justement, cela se reflétait dans les derniers commentaires de mon collègue: le travail du commissaire en est un de diplomate, de conseiller et de rassembleur. Il revient à l'aile politique d'agir à la suite de recommandations et à la population de réagir aussi si les recommandations ne sont pas suivies.
    Il serait vraiment difficile d'engager et surtout d'interpeller la communauté majoritaire, si on avait ce genre de pouvoirs. Je pense qu'on peut réussir à faire ce travail dans le cadre du mandat qui nous est conféré sans avoir plus de pouvoir.
(0915)
    Vous êtes donc en faveur d'un tribunal.
    Je vais laisser aux autres le choix de se prononcer sur un tribunal fédéral. Pour ce qui est de chez nous, je ne suis pas convaincu que cela ajouterait quelque chose.
     Tout récemment, j'ai regardé la Commission des droits de la personne du Nouveau-Brunswick. Un cas en particulier a mis sept ans à se régler, et ce n'est pas parce que la Commission est très occupée. Je me dis que cela prend tout ce temps dans le cas d'une commission. Or on sait qu'il y a tout un processus, incluant la justice naturelle. Cela ne veut pas dire que nous ne suivons pas des principes de justice, mais, quand même, les avocats s'en mêleraient et cela pourrait retarder les choses. Cela peut aussi créer plus d'animosité.
    Je ne me prononcer que pour notre province, mais je ne crois pas que l'ajout d'un tribunal pourrait venir bonifier ce qu'on peut faire au Nouveau-Brunswick, pour le moment du moins.
    Merci, monsieur Carrier.
    Monsieur Boileau, voulez-vous ajouter quelque chose?
     Je partage tout à fait ce que mon collègue vient de dire.
    Il faut bien comprendre que la haute fonction publique a ce qu'on appelle des priorités concurrentielles. Elle reçoit beaucoup de demandes de partout, et elle est très sensible au vent, c'est-à-dire à la source du leadership.
    Si un travail était fait en amont par une agence centrale qui connaît bien la Loi sur les langues officielles, les règlements qui y sont afférents et ce que l'on doit faire pour s'assurer d'une réelle conformité aux obligations de la Loi, il y aurait moins de plaintes en aval et qu'on aura moins à travailler.
     Si vous aviez à choisir, quel serait votre choix?
    Si j'avais à choisir? Il n'y a aucun doute qu'il faut travailler en amont, parce que...
    Choisiriez-vous un tribunal administratif ou des pouvoirs coercitifs?
    Je crois qu'un tribunal alourdirait le processus et risquerait de déresponsabiliser certains ministères, qui se tourneraient vers les tribunaux et attendraient que ceux-ci leur disent quoi faire.
    C'est intéressant.
    Cela peut prendre beaucoup de temps, et je ne crois pas que ce soit la solution.
    Ce serait beaucoup mieux de travailler avec les institutions en amont. Il faudrait aussi une agence centrale forte, avec des règlements très précis et des indicateurs de rendement. Par ailleurs, la haute fonction publique devrait rendre de vrais comptes sur les progrès au regarde des différentes parties de la Loi sur les langues officielles.
    Vous me voyez surpris d'entendre cela, étant donné que l'ensemble des témoignages que nous avons entendus jusqu'à maintenant allaient plutôt dans le sens d'un tribunal administratif, mais je prends bien note de ce que vous avez dit.
    Monsieur Boileau, vous avez parlé du fait que, à l'époque de M. Dion, il y avait un secrétariat des langues officielles au sein du Conseil privé. Par contre, vous avez conclu votre présentation en disant que vous préféreriez que le Conseil du Trésor soit l'agence centrale qui applique la mise en oeuvre de la loi de manière coercitive au sein de l'appareil gouvernemental.
    Qu'est-ce qui vous fait pencher vers le Conseil du Trésor plutôt que vers un nouveau secrétariat des langues officielles au sein du Conseil privé?
    Je pense que le Conseil du Trésor joue déjà un rôle dans l'application de toutes les lois; de plus il contrôle les budgets, ce qui est pratique. De ce fait, il a une portée plutôt intéressante auprès de tous les autres ministères et organismes gouvernementaux du gouvernement du Canada, justement parce qu'il a le dernier mot sur les budgets. Il peut donc avoir une influence directe sur l'atteinte des objectifs de la Loi sur les langues officielles.
    Je vous remercie.
    Merci beaucoup, Alupa.
    On va se transporter au Nouveau-Brunswick, avec René Arseneault.
    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais poursuivre sur la lancée de mon ami M. Clarke.
    Je tiens d'abord à souligner que le Parti libéral se tient vraiment derrière les gens dans cette tempête, prêt à aller au-devant des coups. Nous sommes aussi heureux d'assister au mouvement de la population, ce mouvement maintenant pancanadien. Il a commencé ici, en Ontario, mais il est devenu pancanadien. Vous pouvez donc compter sur les libéraux au moins pour chercher toutes les solutions possibles et vous aider en ce sens.
    Je suis moi aussi surpris d'entendre cela, messieurs Carrier et Boileau. En passant, M. Carrier a été le premier commissaire aux langues officielles du Nouveau-Brunswick, et juste avant cela, il était le secrétaire du Barreau du Nouveau-Brunswick, à l'époque où j'ai été admis au Barreau et où le maquillage n'était pas nécessaire pour passer à la télévision. Il a donc beaucoup d'expérience. En ce moment, il est dans un mandat intérimaire maintenant pour presque deux ans encore.
(0920)
    Je suis surpris, moi aussi, parce que nous avons entendu beaucoup de témoins et il semblait vouloir se dessiner un consensus autour du fait que le commissaire devrait être le commissaire, l'enquêteur, point final, et qu'un tribunal devrait trancher lorsqu'il y aurait des conflits. J'entends ce que vous dites, et c'est vrai que c'est percutant, cela déresponsabiliserait les ministères, qui mettraient tout simplement cette question de côté.
    Monsieur Carrier, vous parliez de la Commission des droits de la personne du Nouveau-Brunswick, où les causes peuvent traîner pendant sept ans. Je peux comprendre l'inefficacité d'un tribunal administratif, mais n'y aurait-il pas moyen de créer un tribunal administratif pour les langues officielles avec des paramètres et des délais prévus, comme on le fait au Nouveau-Brunswick, par exemple, dans le cas des petites créances?
     On le pourrait, mais vous m'avez demandé ce que j'en pensais. Il semble que nous ayons une opinion différente de ce que vous avez déjà entendu, alors c'est bon.
    Je dois souligner que c'étaient des juristes qui parlaient de faire un tribunal.
    Ah oui, des juristes. Nous sommes aussi des juristes, ou presque.
    Écoutez, moi je vous donne mon avis. Il faut interpeller le monde politique. Est-ce qu'on déresponsabilise le monde politique en ajoutant un autre palier? On a le Commissariat, on a les tribunaux. On s'est aperçu que les tribunaux du Nouveau-Brunswick et d'ailleurs fonctionnent assez bien. Cela prend aussi moins de temps. Certaines décisions se sont retrouvées devant la Cour suprême après trois ou quatre ans. Je pense qu'il faut travailler en amont.
    On m'a souvent transmis des commentaires de politiciens. Ils disaient à des juristes qui intentaient des poursuites en matière de langues officielles qu'ils étaient d'accord avec eux, mais qu'ils ne voulaient pas prendre de telles décisions; ils voulaient qu'elles soient prises par un tribunal administratif ou par une cour, soit la Cour suprême, soit la Cour supérieure, car cela les dégageait de leur responsabilité.
    Moi, je trouve que c'est un manque de courage.
     C'est effectivement cela.
    C'est un manque d'engagement et un manque de compréhension. C'est bien beau, dire qu'il y a un manque de courage et de compréhension, mais comment peut-on créer cela? Je pense qu'on doit travailler en amont.
    La Loi sur les langues officielles du Nouveau-Brunswick a été adoptée en 1969. En 2002, iI y a eu une refonte, et on a créé le poste de commissaire. Cela fait donc 16 ans que le Commissariat est là. On a fait une étude, récemment, soit un genre de vérification en ce qui concerne les services gouvernementaux. En matière de langues officielles, il y a eu une amélioration importante. On n'entend pas parler de cela. On entend surtout parler des manques à gagner et des difficultés, mais il y a quand même eu une amélioration.
    Je pense que le Commissariat a eu une influence, mais il a fallu travailler en amont, soit rencontrer la haute direction. Même si on travaille à distance avec les ministres, les ministères et les institutions, il est possible d'avoir ces discussions, et on les a eues pour essayer de se faire comprendre. Des gens se désolent et disent que cela fait 50 ans que la Loi sur les langues officielles existe, mais qu'on est encore en train de mener les mêmes batailles.
    Je comprends ce que vous dites, mais je me fais l'avocat du diable.
    Nous avons entendu d'autres témoins nous dire qu'il faudrait peut-être modifier le paragraphe 46(2), à la partie VIII de la Loi sur les langues officielles du Canada en ajoutant la partie VII aux responsabilités du Conseil du Trésor. C'est une possibilité. Chez les politiciens, il y a souvent un manque de courage. Le Conseil du Trésor est géré par un ministre, soit une personne qui peut manquer de courage. Par exemple, au Nouveau-Brunswick, sous le dernier gouvernement, le ministre Arseneault a tapé sur la tête de la commissaire aux langues officielles de l'époque, alors qu'elle ne faisait qu'assumer sa responsabilité. Certains politiciens sont susceptibles de faiblir devant les obligations linguistiques.
    Comment pourrait-on s'assurer qu'une modification de la Loi qui donnerait plus de pouvoirs au Conseil du Trésor ne produirait pas ce manque de courage politique et rendrait cette obligation quasi constitutionnelle?
(0925)
    Il faudrait des directives très claires et des règlements forts dont l'application ne laisserait aucun doute, et s'ils n'étaient pas appliqués, il faudrait qu'il y ait des conséquences.
    Si de hauts fonctionnaires étaient eux-mêmes responsables et étaient évalués en fonction d'un rendement qui inclurait les différentes parties de la Loi sur les langues officielle, cela créerait un élan, une responsabilisation accrue.
    Je vous demande aussi de faire bien attention si vous donnez plus de pouvoirs coercitifs au commissaire, pour qui c'est déjà difficile. Je sais qu'on parle d'un tribunal administratif, mais on parle aussi de pouvoirs coercitifs. Dès qu'un commissaire doit donner des constats d'infraction, il cesse d'être un médiateur. Or il doit entendre toutes les parties. Cela vient donc alourdir énormément le travail du commissaire. Faites attention à cela.
    Pensez-y comme il faut avant de donner des pouvoirs coercitifs qui feraient perdre au commissaire sa capacité à trouver des solutions de rechange rapides aux plaintes, et au Nouveau-Brunswick, et en Ontario. Cela lui enlèverait la part de médiation de son travail. Il devrait s'engager dans un processus judiciaire, c'est-à-dire écouter une partie puis écouter l'autre, et donner raison à l'une d'entre elles. Ce serait compliqué.
    Ce serait dangereux.
    Merci, monsieur Arseneault.
    Nous passons maintenant à M. Choquette.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie, monsieur le commissaire, vous et les gens qui vous accompagnent.
    Avant de parler de la modernisation de la Loi sur les langues officielles, j'aimerais expliquer dans quel contexte nous sommes présentement. Le commissaire aux langues officielles du Canada a écrit récemment, dans une lettre du 23 novembre 2018, qu'on assistait à « une érosion des droits qui dépasse les frontières de l'Ontario ». Voici des extraits de son texte:

Comme j’ai pu le constater, l’onde de choc créée par cette annonce provoque l’indignation non seulement des Franco-Ontariens [...]



Nous commençons à voir des exemples qui dépassent les frontières de l’Ontario. Pensons au transfert de la Direction des affaires francophones de la Saskatchewan du Conseil exécutif provincial au ministère des Parcs, de la Culture et du Sport; à l’incertitude entourant l’avenir de la dualité linguistique à la suite des élections provinciales au Nouveau-Brunswick [...]
    Il s'agissait aussi, évidemment, de la dissolution du Commissariat aux services en français en Ontario et de l'Université de l'Ontario français.
    Êtes-vous d'accord sur la vision du commissaire aux langues officielles, selon qui il se passe quelque chose présentement? Nous vivons une période difficile, il y aurait des attaques et une atteinte aux droits aux services en français partout au pays.
     C'est votre bébé.
    Voilà une question bien difficile, monsieur Carrier.
    Ni M. Carrier ni moi ne ferons pas commentaires politiques aujourd'hui, c'est très clair.
    Cependant, pour ce qui est de faire des constats d'érosion, il faut quand même reconnaître qu'il y a un mouvement. Quand on laisse le populisme prendre place et qu'on lui donne une voix, quand les gens s'expriment de façon très libre, surtout sur les médias sociaux, et qu'une certaine frange de la population devient plus visible et bruyante, cela occupe l'espace public. Si on leur laisse cet espace public, ces gens vont évidemment se sentir légitimés de faire valoir leurs points de vue.
    Dans une démocratie, c'est bien de faire valoir tous les points de vue, entendons-nous bien là-dessus. Il ne s'agit pas de censurer les gens ou de limiter leurs discours, ce qu'ils prêchent ou ce qu'ils croient. Or la réalité est souvent un peu occultée par certaines versions des faits.
    Quand on dit aux gens que les langues officielles coûtent des milliards et des milliards de dollars, quel est l'enjeu? L'enjeu est la vérité, c'est faire comprendre à ces gens que ce n'est pas tout à fait le cas, qu'il en coûterait plus cher de ne pas offrir de services en français.
    En Ontario, de prime abord, si une personne âgée se pointe chez son médecin et ne comprend pas les directives, retourne à la maison et doit encore retourner au cabinet du médecin ou, encore pire, se rendre à l'urgence, les coûts en matière de santé viennent de tripler.
    La même chose s'applique en matière de santé mentale ou dans le cas des jeunes. Il y a énormément de situations possibles à cet égard. La question des langues officielles, ce n'est pas seulement permettre une communication dans les deux langues; c'est fournir le service approprié à ces personnes.
    Quand j'apprends que, au Manitoba, on retire le bureau du sous-ministre adjoint en éducation pour intégrer ses tâches au ministère même, je me dis que cela envoie un drôle de message. On parle souvent d'efficience. Dans ce cas-là, on élimine un poste qui coûte dans les 100 000 $ ou 110 000 $. Cela rendra-t-il vraiment le gouvernement plus efficient? Il en va de même pour mon bureau, en Ontario. On voulait l'abolir pour des questions d'efficience, mais on peut se demander pourquoi.
(0930)
    Parlons-en, de votre bureau, en Ontario.
    Quelle serait la différence de vous retrouver au Bureau de l'ombudsman? Vous en avez glissé un mot, mais pourquoi est-ce si important de conserver cette indépendance? Vous allez perdre votre indépendance si le Commissariat se retrouve là. De plus, ce n'est pas certain qu'il s'agira de vous, étant donné que c'est l'ombudsman qui embaucherait quelqu'un. Ce ne serait pas le premier ministre de l'Ontario qui vous dirait où aller.
    Qu'est-ce que cela changerait concrètement?
    En ce moment, une institution francophone est présente au sein de l'Assemblée législative. Il y a là un aspect symbolique.
    Or un autre aspect est beaucoup plus important. Le Commissariat aux services en français n'est pas un organisme de dernier recours comme l'est le Bureau de l'ombudsman de l'Ontario.
    Notre mandat est justement de prévenir; nous sommes proactifs. Nous faisons un travail d'ombudsman et nous recevons des plaintes, mais nous faisons plus que cela. Nous jouons un rôle de protection et de promotion.
    Comme je l'ai mentionné tantôt en guise d'introduction, le fait même qu'on parle d'une autre université est important. Bien sûr, c'est en latence depuis 40 ans, mais je vais vous donner un autre exemple.
    En 2012, lorsque nous avons déposé notre rapport d'enquête, enquête qui n'a pas été faite à la suite de plaintes mais de ma propre initiative, c'était justement dans le but de souligner le manque de programmes en français dans le Centre Sud-Ouest de l'Ontario, une région en croissance où vivent 250 000 personnes.
    Un francophone sur deux, dans la région de Toronto, n'est pas natif du Canada. C'est très diversifié. Dans mon équipe, huit personnes sur quatorze ne sont pas nées au Canada. C'est dans cette population que les francophones poursuivent le plus leur éducation postsecondaire et, paradoxalement, que l'on retrouve le moins d'institutions: à l'époque, en 2012, c'était entre 0 et 3 % pour ce qui est de l'éducation postsecondaire.
    Tout le débat sur ce projet et sur l'essence même de l'Université a recommencé grâce au travail d'un commissaire, si l'on veut. L'ombudsman ne pourra pas faire cela, ce n'est pas dans son ADN de le faire. Cela n'a rien à voir avec Paul Dubé, qui est un excellent ombudsman, ce n'est tout simplement pas dans l'ADN d'un ombudsman.
    Ce n'est pas son rôle.
    Monsieur Carrier, dans votre province, vivez-vous ce même sentiment d'érosion ou d'attaques envers les services en français?
     Comme vous le savez, des gens s'inquiètent d'avoir des députés provinciaux qui font partie d'un mouvement qui ressemble à un mouvement contre le bilinguisme officiel. Ce parti crie sur tous les toits qu'il n'est pas contre le bilinguisme, mais c'est le même parti qui, dans sa plateforme électorale, voulait abolir le poste de commissaire. On peut donc se poser des questions.
    Je suis donc inquiet, mais le rôle du commissaire est de réagir. Alors, depuis que le parti de M. Higgs a pris le pouvoir, j'ai rencontré le premier ministre, et nous avons passé 90 minutes à parler de questions de bilinguisme et de rapprochement des communautés. J'ai aussi rencontré le ministre de l'éducation. À mon retour, demain, je rencontrerai le chef du parti de l'Alliance des gens, M. Austin, et nous allons nous parler dans la face, comme on dit par chez nous. C'est un rôle que je peux jouer en tant que commissaire, parce que je suis indépendant, neutre, objectif et très intelligent, comme vous pouvez le constater.
    Des députés: Ha, ha!
    M. Michel Carrier: J'attendais que vous le disiez monsieur Arseneault.
    C'est un rôle qu'on peut jouer. Alors, on peut se désoler, mais on ne peut pas arrêter, et c'est pour cette raison qu'il est important de maintenir un commissariat.
     M. Boileau a fait un travail extraordinaire, et les gens qui l'ont suivi ont vu que son travail était respectueux envers toutes les communautés de l'Ontario. Qu'on décide de rejeter du revers de la main un joueur clé de la francophonie ontarienne me dépasse. Je ne suis pas le seul à être dépassé par cette décision, il va y avoir des manifestations et cela continuera.
    Il faut reconnaître rôle que joue, dans la conjoncture actuelle, le populisme dont il a parlé. Les gens sont détachés et ne font pas confiance à l'élite. Il faut donc essayer — je pense que Michel Doucet le disait plus tôt — d'engager la majorité et démontrer que ce sont des valeurs fondamentales pour tout le monde. Or ce n'est pas compris par tout le monde.
    Ai-je j'ai trop parlé, monsieur le président?
(0935)
    Non, ça va.
    Merci, monsieur Choquette.
    C'est maintenant le tour de Mme Fortier.
    Je vous remercie beaucoup de votre présence ce matin.
    Je représente la circonscription d'Ottawa—Vanier, une très forte communauté francophone et francophile, où le français fait partie de l'ADN des gens. Présentement, nous sommes en état de choc à cause de ce qui se passe en Ontario. Avant ma carrière de députée, j'ai eu le privilège de siéger au Comité consultatif provincial sur les affaires francophones, lorsque Madeleine Meilleur était ministre. J'y ai siégé pendant près de huit ans.
    Je peux témoigner de la transformation qu'a connue le rôle du commissaire entre sa création, en 2007, alors qu'il relevait directement de la ministre des Affaires francophones, et le moment où le commissaire est devenu indépendant, en 2014. Une transformation s'est faite dans l'appareil gouvernemental, où on a compris qu'il fallait un agent indépendant pour établir comment on pouvait mieux offrir des services en français dans la province. Le fait qu'il travaille avec l'appareil gouvernemental a beaucoup fait avancer les choses.
     Je veux donc reconnaître, entre autres, le travail du seul commissaire que nous avons eu depuis le début. Tous les rapports étaient constructifs et on avançait. Je me rappelle notamment du rapport spécial « L'offre active de services en français : la clé de voûte à l'atteinte des objectifs de la Loi sur les services en français de l’Ontario ». Non seulement la communauté disait qu'on parlait d'un différent langage, mais plusieurs des intervenants gouvernementaux le disaient aussi. Non seulement je veux reconnaître l'apport du gouvernement précédent qui a réalisé cette transformation, mais je veux également souligner que le commissaire a fait preuve de leadership pour faire avancer le projet d'indépendance.
    Il y a un nouveau gouvernement, il y a un recul. On nous annonce que, après tout ce qui a été fait pendant toutes ces années, il n'y aura plus d'indépendance. On recule.
    Je poserai mes premières questions à M. Boileau, notre commissaire. Dans cette situation, que peut-on faire pour protéger nos acquis, en Ontario? Par ailleurs, de quelle façon pouvons-nous moderniser la Loi sur les langues officielles fédérale afin de nous protéger en cas de changement de gouvernement? Quel mordant faut-il donner à la Loi pour s'assurer de pouvoir servir les intérêts des francophones vivant en milieu minoritaire, mais aussi ceux de la société canadienne au complet, qui tire des bénéfices de la valeur ajoutée que représentent le français et l'anglais, les deux langues officielles au pays?
    Pouvons-nous tirer des leçons de ce qui se passe pour voir comment moderniser la Loi sur les langues officielles afin qu'elle ait du mordant à l'avenir?
     Ironiquement, lorsqu'on nous a donné notre indépendance, en décembre 2013, et que c'est entré en vigueur, en janvier 2014, c'était dans le but de dépolitiser le poste de commissaire aux services en français. Bien que j'aie été choisi à la suite d'un concours exhaustif que des milliers de personnes avaient postulé et qu'ils aient choisi la meilleure personne, je relevais quand même du ministre. La ministre Madeleine Meilleur m'a vraiment laissé les coudées franches pour que je puisse faire mon travail. Cependant, un ou une autre ministre aurait pu avoir des idées différentes. On aurait pu me dire de laisser tomber telle enquête, par exemple. Il aurait pu envoyer un signal différent. C'est donc pour éviter de politiser les services en français qu'on avait recommandé que le poste relève de l'Assemblée législative. C'est ce qui est arrivé en 2014.
    Je regrette toutefois que, d'un simple trait de l'Assemblée législative, le poste lui-même puisse être aboli. Il suffit d'un parti majoritaire au pouvoir et d'un simple amendement dans une loi omnibus pour le faire, alors que les conditions pour retirer un commissaire ou un officier indépendant sont habituellement assez strictes. Il faut normalement tout une cause pour retirer le mandat d'un commissaire. Je trouve cela dangereux.
    Je ne me souviens pas exactement du libellé de la Loi sur les langues officielles fédérale, mais pour répondre à votre question, je pense qu'il faudrait s'assurer que le choix du ou de la commissaire devrait être approuvé par les deux-tiers de la Chambre des communes et du Sénat. Déjà, cela donnerait une protection accrue.
    J'aimerais que, chez nous en Ontario, si on doit abolir des postes de commissaire à l'environnement ou à l'enfance ou, bien sûr, aux services en français, que cela se fasse dans le cadre d'une discussion, d'un débat parlementaire où l'ensemble, ou les deux-tiers, des parlementaires seraient d'accord.
    Si je peux me le permettre, j'aimerais déposer officiellement une copie de tous nos rapports annuels auprès de votre Comité. Nous avons donc apporté une copie de tous nos rapports annuels ainsi qu'une copie de nos rapports d'enquête.
    Je sais que j'empiète sur votre temps de parole, mais je dépose donc les documents suivants: le « Rapport spécial sur la planification des services de santé en français »; l'« Étude sur les radios communautaires francophones de l'Ontario »; le « Rapport d’enquête — Dépliant unilingue anglais sur la grippe H1N1 : Des communications en voie de guérison », qui a donné une directive sur les communications en français; le « Rapport de suivi — Quand le plus élémentaire devient secondaire : Des devoirs à compléter », sur les écoles de langue française dans la région du Grand Toronto; le « Rapport d'enquête — L’état de l’éducation postsecondaire en langue française dans le Centre-Sud-Ouest de l’Ontario : Pas d’avenir sans accès » dont je vous parlais plus tôt; un résumé des tables rondes du colloque que nous avons tenu sur les 25 ans de la Loi sur les services en français; le rapport que nous avons fait conjointement M. Carrier, M. Graham Fraser et moi-même sur l'accès à la justice dans les deux langues officielles; le « Rapport d’enquête sur l’abolition de la Bourse pour étudier en français : L’importance de bien faire ses devoirs »; « Agir maintenant pour l'avenir des communautés francophones : pallier au déséquilibre en immigration », un rapport conjoint avec le commissaire fédéral, encore une fois; le « Rapport d'enquête sur le Centre Jules-Léger »; le « Rapport spécial — L’offre active de services en français : la clé de voûte à l’atteinte des objectifs de la Loi sur les services en français de l’Ontario », un résumé et le rapport lui-même; un autre « Rapport de suivi — Quand le plus élémentaire devient secondaire : Des devoirs à compléter »; l'« Étude sur la désignation : revitaliser l'offre de services en français »; et « Une directive sans direction : les défis des placements publicitaires dans les médias francophones en Ontario ».
     Nous avons fait cela, nous étions cinq, six dans nos belles années, et c'est ce que nous venons de perdre.
(0940)
    Merci, c'est clair.
    J'ai une autre question à vous poser. Je la continuerai tout à l'heure parce qu'il me faudra plus qu'une minute pour la poser. Comment peut-on renforcer les relations fédérales-provinciales à propos des ententes. Il y a la partie VII de la Loi sur les langues officielles; comment va-t-on s'assurer de mesures positives qui vont inciter les provinces à jouer aussi un rôle sur le terrain? J'aimerais entendre votre opinion et vos idées à cet égard.
    Le gouvernement fédéral utilise de plus en plus les ententes fédérales-provinciales-territoriales pour s'assurer que les francophones de l'extérieur du Québec et les anglophones du Québec bénéficient d'une protection, de services ou de programmes.
    Que cela soit dans le domaine de l'immigration, dans celui de la petite enfance ou de celui de la justice, il faut que ce soit mieux encadré. Tout récemment, en Colombie-Britannique, la Cour fédérale a déterminé que, en effet, il y avait une entente entre le gouvernement fédéral et celui de la province, mais que cette entente n'appelait pas de mesures spécifiques en vertu de la partie VII de la loi. Or c'est dangereux pour les communautés, parce que c'est au moyen de la partie VII qu'on peut invoquer un devoir positif du gouvernement fédéral.
    À la base, il faut s'assurer que les ententes ont des clauses linguistiques assez fortes et strictes pour obliger les deux paliers du gouvernement à être responsables de leurs services. Il faut aussi une disposition sur la reddition de comptes. Si la province ou le territoire reçoit des fonds fédéraux au bénéfice des communautés de langue officielle en situation minoritaire, ils doivent prouver qu'ils ont utilisé ces fonds pour les objectifs inclus dans la clause linguistique de l'entente fédérale-provinciale-territoriale.
(0945)
    Merci beaucoup.
    Nous allons faire une pause et suspendre la séance quelques minutes.
(0945)

(0950)
    Nous reprenons la séance.
    J'inviterais maintenant Mme Lambropoulos à intervenir.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie les deux commissaires de leur présence ici aujourd'hui.
    Vous avez mentionné l'harmonisation qui se fait dans les provinces et au gouvernement fédéral en ce qui a trait aux commissaires. Le Commissariat aux services en français de l'Ontario et le Commissariat aux langues officielles du Canada ont récemment procédé à une harmonisation. Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet et nous en expliquer l'importance?
    Parlez-vous de l'accord au sein de nos propres commissariats?
    D'accord.
    C'est très simple. Nous avons aussi un accord avec le Nouveau-Brunswick, et le Nouveau-Brunswick a aussi un accord avec le Commissariat aux langues officielles. Voici ce que nous faisons. Nous savons que les plaignants ne sont normalement pas certains du commissariat dont cela relève en fonction de l'endroit. Nous les orientons. Si je reçois une plainte concernant une institution fédérale, j'informe le plaignant, mais je transfère aussi la plainte, si le plaignant est d'accord, à mon collègue fédéral pour qu'il puisse prendre la relève. C'est moins de tracas pour le plaignant.
    Nous avons aussi une entente pour faire la promotion de nos communications. Nous partageons nos priorités. Nous nous parlons. La preuve, nous avons réalisé ensemble une étude sur l'accès à la justice dans les langues officielles et minoritaires. Nous avons produit un rapport sur l'immigration, et cela témoigne aussi de notre volonté à tous les deux d'interpeller nos gouvernements en même temps pour dire les mêmes choses. C'était aussi un signal clair que nous collaborons et que nous demandons au gouvernement fédéral et au gouvernement provincial de travailler aussi de concert.
(0955)
    Merci beaucoup.
    Vous avez fait allusion à plusieurs reprises aux rôles du commissaire; vous avez en gros dit que le commissaire est un protecteur, un promoteur et un médiateur. Nous avons entendu un très grand nombre de témoins nous dire qu'il faudrait peut-être diviser ce poste et que ce rôle ne devrait pas être assumé par une seule personne. Cependant, vous avez mentionné que c'est important de ne pas séparer ces fonctions, parce que c'est bénéfique aux communautés.
    Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet? Vous avez également dit que les commissaires ne peuvent pas être trop sévères, parce qu'ils doivent aussi être des médiateurs. N'êtes-vous pas d'avis que les commissaires ne sont peut-être pas aussi efficaces qu'ils le pourraient, étant donné qu'ils assument tous ces rôles?
    L'ancien commissaire fédéral avait l'habitude de décrire son rôle comme la « responsabilité d'encourager et de déranger ». C'est vrai dans un certain sens. C'est notre rôle, et c'est un rôle important. C'est un rappel pour le gouvernement de nos obligations. Nous avons aussi un rôle de promotion. Lorsque je participe à des conférences, je rencontre de nombreuses personnes de toutes les sphères dans la province. Que ce soit un organisme de santé mentale à Barrie ou des sociétés d'aide à l'enfance dans le Nord, je rencontre de nombreux anglophones. Je ne débarque pas en leur disant qu'ils ont une obligation. Je parle de la communauté de langue française, de son importance, de son histoire et de son rôle. Je défends les intérêts de la communauté de langue française et je parle de l'utilisation du français dans le monde et j'explique que ce n'est pas une langue en déclin. C'est parfois ce que pensent des anglophones, parce que le français ne fait pas partie de leur quotidien. C'est en fait une langue qui connaît une très forte croissance dans le monde. Pas moins de 200 millions de personnes parlent actuellement français, et ce nombre atteindra 700 millions d'ici 2050.
    En ce qui concerne mon travail, à la fin de mes présentations, je dis aux gens que j'espère que mon message était clair. Cela ne vise pas à nous assurer que vous offrez le service parce que vous y êtes obligés. Je souhaite que vous le fassiez parce que c'est la chose à faire. C'est la chose à faire pour les personnes, les familles et la communauté. Si vous ne voulez pas le faire, parce que vous n'y croyez pas, faites-le parce que c'est une obligation.
    C'est ainsi que je conclus toutes mes présentations.

[Français]

    Monsieur Carrier, voulez-vous ajouter un commentaire?
     Je ne suis pas certain de comprendre votre question à savoir s'il y a trop de chapeaux et si on est moins efficace.
    Comme M. Boileau le disait tout à l'heure, nous sommes des meneurs de claques. Nous ne sommes pas seuls. Il y a plusieurs années, j'avais recommandé à l'Assemblée législative de créer un comité semblable à celui-ci qui permettraient aux députés provinciaux de participer aux projets visant à faire la promotion des langues officielles et de la vitalité des communautés linguistiques. Nous sommes là en tant que leaders, mais nous devons être soutenus. Nous pouvons jouer ce rôle, mais il reste que le côté politique doit aussi jouer son rôle. Quand cette volonté ne se trouve pas du côté politique, peut-être sommes-nous moins efficaces.
    Je dois vous dire que cela m'inquiétait. Je souffrais un peu du syndrome de Jésus-Christ par moment. Quand les choses fonctionnaient moins bien je pensais que c'était la faute de notre équipe, mais ce n'était pas le cas. Nous y croyons tellement! M. Boileau et moi sommes tellement impliqués, nous voulons tellement que cela fonctionne, que nous trouvons des outils et que nous développons des mécanismes. Or, si nous ne sommes pas appuyés par les gens de l'Assemblée législative et du Parlement ou par le commissaire aux langues officielles fédéral, cela n'avancera peut-être pas aussi vite que nous l'aimerions.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup, madame Lambropoulos.
    Nous poursuivons maintenant avec M. Blaney.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie les deux commissaires de leurs témoignages très éclairants.
    J'ai beaucoup apprécié les recommandations que vous avez faites pendant la première heure, notamment celles qui concernaient la modernisation de la Loi et qui parlaient de la gouvernance et d'un ministère qui chapeauterait l'ensemble.
    Monsieur Boileau, j'ai aimé votre recommandation en lien avec le Conseil du Trésor, qui coordonnerait l'ensemble des services de l'application de la Loi.
    J'ai une question à poser. Vous avez dit que vous, les commissaires, ne vouliez pas de pouvoirs de coercition, et qu'un tribunal aurait pour effet de tout judiciariser, autrement dit, d'entraîner la déresponsabilisation politique.
    Le Conseil du Trésor, lui, pourrait-il avoir des pouvoirs coercitifs pour l'application de la Loi sur les langues officielles?
(1000)
    Absolument.
    C'est ce que nous visons. Des pouvoirs réglementaires existent déjà dans la Loi sur les langues officielles. Or très peu de règlements ont été créés pour mettre en application la Loi sur les langues officielles. Cependant, s'il y avait davantage de règlements et si on y définissait justement les conséquences des manquements aux objectifs de la Loi sur les langues officielles, il reviendrait alors aux ministères d'expliquer leurs mauvaises décisions. Cela indiquerait clairement que ce n'est pas qu'un arbitre externe qui s'assure de la mise en oeuvre de la Loi, mais le gouvernement, qui se responsabilise et qui surveille les mesures.
    S'il y a des plaintes, elles reviendront toujours au commissaire fédéral aux langues officielles. Ce ne serait plus seulement à lui et à son équipe de vérifier tout ce qui se fait dans l'appareil gouvernemental. Il n'a pas les ressources pour vérifier cela.
    Pour garder son indépendance et son rôle de conseiller, il ne peut pas « jouer à la police«  non plus. C'est un peu ce que je décode ce matin.
    Monsieur Carrier, j'aimerais vous entendre. Vous avez étudié à Ottawa, mais vous faites carrière au Nouveau-Brunswick. Pouvez-vous nous parler du rôle de l'Université de Moncton? L'autre jour, M. Dupuis, de la FCFA, me disait qu'en ce qui concerne les institutions d'éducation, c'est un peu comme le sommet de la pyramide. Pouvez-vous nous dire de quelle façon vous voyez le rôle de l'Université de Moncton dans l'évolution de la francophonie au Nouveau-Brunswick?
    Cela a été primordial et essentiel d'avoir une université francophone pour les Acadiens. Cela a permis à bien des gens d'étudier en français à l'université, lorsque cela existait seulement au Québec ou ailleurs.
    L'Université de Moncton, sa faculté, ses employés et ses étudiants sont devenus des leaders au sein de la communauté acadienne. On en voit beaucoup.
    Prenez l'exemple de M. Arseneault. Ils ne sont pas tous gagnants, mais bon.
    Il n'écoutait pas, alors ça va.
    Tout à l'heure, pendant la pause, nous parlions du rôle des juristes qui sont passés par la Faculté de droit de l'Université de Moncton. C'est inestimable, surtout en matière de droits linguistiques. C'est une sommité. Nous avons développé un jargon de la common law. L'Université de Moncton est essentielle à la vitalité et à la survie de la communauté d'expression française chez nous.
     Diriez-vous que la province du Nouveau-Brunswick a été gagnante socialement et économiquement grâce à la création de l'Université de Moncton, que cela a été un plus pour tous les gens du Nouveau-Brunswick?
    Tout à fait.
    Je vois M. Samson qui veut parler de la Nouvelle-Écosse. Je ne sais pas s'il est allé à l'Université de Moncton.
    Je vais vous en parler. C'est aussi mon histoire.
    Vous êtes conseiller.
    Si j'étais au gouvernement ce matin, je me demanderais comment on peut continuer à faire avancer la dualité linguistique au pays tout en évitant les contrecoups. J'aimerais vous entendre là-dessus. Comment fait-on pour continuer à démontrer la valeur constructive et positive de la dualité et des pas qu'on fait en avant?
    Vous avez fait référence au populisme. J'aimerais vous entendre là-dessus, si c'est possible. Il me reste quelques minutes.
    Le mouvement populiste partout dans le monde nous inquiète tous. Tout le monde a sa propre interprétation de ce qui se passe. Je pense que les gens qui sont de ce regroupement se sentent détachés et pas entendus. Ils ne sentent pas qu'ils font partie des décisions.
    J'écoutais, hier, un extrait d'entrevue que l'ancien premier Harper donnait justement sur le sujet du populisme.
    Ces gens ne comprennent pas les questions de libre-échange des marchés. Ils sont détachés, inquiets et mécontents, alors, ils préconisent des solutions simplistes à des questions complexes.
    Chez nous, cela se traduit par le ressentiment contre les langues officielles, qui a toujours existé dans une petite partie de la population. Maintenant, peut-être des gens sont-ils un peu plus à l'écoute à cause de ce mouvement populiste, qui essaie de régler les problèmes de tout le monde de façon simpliste. Or le bilinguisme officiel a souvent été une cible facile pour ces gens. Les médias sociaux sont des forums qui leur permettent d'échanger leurs idées.
    Alors, si on veut se rapprocher de ces gens et si on veut qu'ils comprennent mieux, il va falloir démystifier beaucoup de choses. Les mythes continuent. On parlait tantôt des milliards de dollars dépensés, mais il faut parler aussi des bénéfices.
    Le Conference Board du Canada a publié une étude, au cours des derniers jours, selon laquelle la contribution du bilinguisme au Canada et en Ontario s'élève à des milliards de dollars.
    Je pense que cela fait partie d'un système démocratique de continuer à dialoguer avec les gens qui se posent ces questions.
    Peut-être faudra-il trouver de meilleurs outils à cause de ce mouvement populiste. On le connaissait mal. On est en train d'apprendre sur le tas. Je trouve cela un peu plus difficile depuis mon retour, il y a cinq ans, à cause de ce mouvement. On ne peut pas laisser tomber si on veut avoir une société qui se tient, qui reconnaît la valeur de tout le monde, des communautés ethniques, des communautés de langue officielle, et ainsi de suite. Il va falloir continuer à en jaser. Alors, je n'ai pas de solution.
(1005)
    Merci beaucoup, monsieur Blaney.
    On va se transporter en Nouvelle-Écosse, avec M. Samson.
     Encore une fois, merci beaucoup.
    Premièrement, je veux vous remercier d'être ici tous les quatre.
    Monsieur Carrier, je vous remercie de votre travail continu. Je vous remercie également, monsieur Boileau, qui avez un profil encore plus élevé et pancanadien aujourd'hui, et qui montrez clairement l'importance de son travail. Je vais toucher cela en quelques minutes.
    Avant que je commence, je veux dire ceci à mon collègue d'en face: l'Université de Moncton n'a pas été très bonne seulement pour la société du Nouveau-Brunswick.
    Je vais faire un bref historique. Quand j'y suis allé, environ 40 % des étudiants du Nouveau-Brunswick étaient du Québec. D'abord, cela leur permettait de gagner une année en évitant d'aller au cégep. Ensuite, ils voulaient être engagés dans la communauté francophone hors Québec, rencontrer des Acadiens et des Acadiennes de partout et travailler avec eux.
    Personnellement, j'ai fait ma scolarité entièrement en anglais; il n'y avait pas d'école française chez nous quand j'ai suivi mes cours. À la maison, on parlait français, à moins qu'il y ait un anglophone. Puis, quand est venu le temps de choisir une profession, je devais décider si je voulais vivre et continuer à contribuer à la société francophone. Il fallait que je me trouve une université francophone. Il y en avait une en Nouvelle-Écosse, ce qui est essentiel, et une au Nouveau-Brunswick. On ne pouvait pas aller en Ontario, parce qu'il n'y avait pas d'université française. Il n'y en a toujours pas aujourd'hui. C'est difficile, la vie.
    Je vais essayer de poser des questions pointues, parce que je suis reconnu pour mes longs préambules. J'ai trouvé quelque chose d'extrêmement intéressant dans les deux présentations que vous avez faites. Vous avez abordé des points très importants.
    Monsieur Carrier, vous avez parlé de l'alignement des bureaux fédéraux et provinciaux, et c'est très important. Il y a beaucoup d'offres de services qui sont uniquement en anglais au Nouveau-Brunswick.
    Pouvez-vous parler de cela?
    Je vous remercie de votre question.
    C'est difficile d'être plus clair que je l'ai été dans mon mémoire. Nous pensons qu'il y a une confusion créée par la divergence entre les deux paliers de gouvernement.
    Par ailleurs, je crois que cela va aider à la vitalité de la langue française au Nouveau-Brunswick.
(1010)
    Êtes-vous d'accord que le nouveau changement au Règlement sur les langues officielles va beaucoup aider cette question?
    Oui.
    Notre gouvernement fédéral a appuyé cela.
    La question de l'immigration est aussi très importante. Monsieur Carrier, vous avez dit qu'il fallait avoir un équilibre linguistique. Monsieur Boileau, vous avez parlé de l'importance d'implanter le Règlement. Je ne sais pas si c'est vous qui l'avez dit, mais la population francophone en Ontario augmente, même si son pourcentage diminue à cause de l'immigration. C'est là l'aspect crucial.
    Voulez-vous commenter cela, monsieur Boileau?
    En ce moment, il y a 4,7 % francophone en Ontario. Dans 10 ans, cela tombera à 3,9 %. Si nous voulons renverser cette tendance, il nous faudra deux choses importantes, soit un continuum en matière d'éducation qui aille de la petite enfance jusqu'au niveau postsecondaire et même au niveau de l'éducation des adultes, et une immigration francophone. Il nous faut donc des stratégies en matière de sélection, d'accueil, d'intégration, de formation et de rétention.
    Merci beaucoup.
    Vous m'avez beaucoup touché ce matin. Cela ne m'arrive pas tous les jeudis matins, mais j'ai été captivé par votre description du rôle de commissaire.
    En vous écoutant, ce matin, je me suis dit que si j'étais chef d'un gouvernement, j'aimerais qu'un commissaire fasse tout cela pour moi: la promotion, la protection, le rassemblement et l'offre active.
    Comme vous l'avez dit, vous n'arrivez pas dans des bureaux de rencontre pour obliger les gens à faire telle ou telle chose. Souvent, on ne voit pas ces problèmes. Peut-être que 75 % des cas difficiles sont réglés avant même que cela ne devienne un cas. Si j'étais chef d'un parti, ou premier ministre, je voudrais vous avoir dans mon équipe. Vous pourriez éliminer les problèmes de ma vie. Il y a des problèmes liés à la gouvernance, mais si vous éliminiez un des problèmes majeurs, soit celui des deux langues officielles, ce serait exceptionnel.
     L'an dernier, nous avons présenté une étude sur la désignation afin de revitaliser le principe d'organisme désigné en vertu de la Loi sur les services en français chez nous, en Ontario. Comme sa mise en oeuvre tardait, nous avons proposé discrètement au gouvernement de l'Ontario une ébauche, une base sur laquelle l'Office des affaires francophones, maintenant le ministère des Affaires francophones, pourrait se fonder de façon à ce que nous ayons maintenant plus d'organismes désignés, notamment dans la région de Toronto, où il n'y a que trois organismes désignés en tout ou en partie. Il n'y en a eu que 3 sur les 230 au cours des 30 dernières années. Ce n'est donc pas beaucoup.
    Nous avons conseillé le gouvernement de façon à atteindre l'objectif d'avoir plus d'organismes qui offrent des services en français et de s'assurer de le faire sur le terrain.
    J'ai une dernière question à vous poser, monsieur Carrier, et elle est très importante.
    Vous avez rencontré le premier ministre dès que a été élu, il y a deux ou trois semaines. Imaginez-vous, le commissaire a un face-à-face de 90 minutes avec le premier ministre dès son élection.
    Racontez-moi comment s'est déroulée votre réunion avec le premier ministre et celle avec le chef de l'Alliance des gens?
    La rencontre avec le chef de l'Alliance des gens est prévue demain.
    La rencontre avec le premier ministre s'est très bien passée. Comme tout politicien, il n'a pas pris de grands engagements, mais je pense que nous avons eu la chance de nous parler avec candeur et franchise. Dans le dossier des ambulances, le gouvernement voulait retirer la requête en révision judiciaire. Personnellement, je l'ai encouragé à continuer parce que la décision de l'arbitre contient des faiblesses énormes en matière d'interprétation des droits linguistiques.
    Pendant 90 minutes, vous avez parlé de...
    Merci, monsieur Samson.
    Nous allons maintenant céder la parole à M. Clarke.
(1015)
    Messieurs les commissaires, dans notre grande croisade visant la modernisation de la Loi sur les langues officielles — « croisade » me semble le bon mot —, il y a deux aspects concomitants.
    D'une part, il y a la loi en tant que telle et, peu importe le gouvernement au pouvoir en 2019, on va vouloir changer une multitude de phrases, de mots, afin de renforcer la loi. D'autre part, il y a des éléments plus globaux, comme établir un le tribunal ou non, comment centraliser la gouvernance, et le reste.
    Nous avons abordé ces éléments plus globaux tout au long de la période de questions, mais j'aimerais vous entendre nous parler davantage de la loi en tant que telle, des petits détails qui changent les choses de façon quotidienne pour les communautés linguistiques en situation minoritaire. Par exemple, des représentants de Juristes Power sont venus nous présenter une multitude de recommandations très pointilleuses, comme changer le mot « peut » par le mot « doit » dans la partie VII de la Loi. De la même façon, avez-vous des recommandations pointilleuses à nous faire d'un point de vue vraiment législatif au sein de la loi actuelle?
     Dans notre mémoire, nous avons des libellés assez précis. Je vais en profiter pour sortir un peu du mémoire.
    Je crois qu'il est temps d'avoir un peu plus d'imagination. Il y a une grande confusion entre la partie IV, qui traite des communications et des services, et les objectifs de la partie VII.
    Par exemple, chez nous en Ontario, il y a 14 articles dans la Loi. Il n'y a rien sur l'offre active et nous n'avons évidemment pas d'équivalent à la partie VII.
    Je suis entré en poste le 4 septembre 2007, et 10 jours plus tard, le 14 septembre, je rencontrais tous les sous-ministres en même temps. Je leur ai dit que le discours était toujours pertinent aujourd'hui. Il y avait la question de la communication, que nous espérions régler et nous avons finalement réglée au moyen d'une directive obligatoire sur les communications en français. Or il y avait aussi la question des services. Nous voulions nous assurer les services seraient adaptés aux besoins des communautés francophones, et ce, dans certains secteurs clés.
    Quand nous avons proposé cela dans le cadre de la révision de la Loi sur les services en français d'il y a deux ans, nous nous demandé qui pourrait aider à déterminer quels étaient les secteurs clés. Eh bien, c'était le Comité consultatif provincial pour les Affaires francophones, le CCAF, de la ministre Mulroney qui pouvait aider établir quels secteurs clés étaient prioritaires.
    Autrement dit, s'il existe une politique de recyclage de pneus usagés au ministère de l'Environnement, tant mieux si elle est dans les deux langues et si on les communique de façon efficiente sur les sites Web, mais si on parle de politiques qui vont toucher des femmes victimes de violence conjugale, de politiques qui vont viser des sociétés d'aide à l'enfance ou l'accès de la justice...
    C'est dans la capitale nationale qu'il y avait le plus de plaintes, déposées au palais de justice d'Ottawa. Or, à la suite d'une de mes recommandations, nous avons mis en place un projet pilote sur l'accès à la justice en français, qui est devenu permanent depuis 2015. Savez-vous combien de plaintes nous avons reçues depuis que ce projet est en place? C'est zéro, nous n'avons reçu aucune plainte! Les gens d'Ottawa sont un peu chiâleux. Je ne devrai pas dire cela, mais ils sont très véhéments. Il faut que nous pensions au service à la communauté, qui doit être adapté aux besoins en matière de santé, entre autres.
    Nous avons des entités de planification de services de santé en français. Je suis content d'en parler quelques secondes parce qu'ils jouent un rôle fondamental pour déterminer où sont les besoins et qui sont les fournisseurs pouvant offrir des services de santé en français.
    Tout cela, c'est un travail proactif, du travail de terrain, et c'est là l'essence même du rôle de commissaire, qui est de favoriser cette émergence.
    La justice, l'immigration et et services sociaux communautaires sont tous des enjeux clés. C'est là que nous devrions faire preuve d'imagination et adapter et moduler la notion de service aux besoins de la communauté. D'ailleurs, nous avons pu voir que le juge Gascon, dans son jugement, ne savait pas vraiment quoi faire de la partie VII.
    C'est pour cela qu'il faut changer certains mots. Merci, monsieur Boileau.
    Monsieur Carrier, avez-vous des changements législatifs pointilleux à l'esprit?
    Non. Notre mémoire contient des suggestions que vous pourrez lire un peu plus tard, mais je ne dirai pas que c'est « pointilleux ». Ce sont des suggestions d'améliorations.
    D'accord.
    Nous ne nous sommes pas penchés là-dessus de cette façon.
    Si j'ai bien compris, dans la présentation que vous avez faite plus tôt, vous sembliez dire que vous vouliez voir dans la Loi sur les langues officielles une reconnaissance du statut particulier du bilinguisme néo-brunswickois. Est-ce bien cela?
(1020)
    Certaines personnes, certains juristes disent que cela n'est pas nécessaire.
    Plus tôt cette semaine, M. Doucet disait que, si on reconnaît la spécificité du Nouveau-Brunswick, il va falloir reconnaître les autres spécificités.
    Il reste que la Charte canadienne des droits et des libertés reconnaît la spécificité du Nouveau-Brunswick. Je suis d'avis qu'on ne perd rien en l'incluant à la Loi.
    Sur le plan opérationnel, les fonctionnaires fédéraux travaillent avec la Loi de façon régulière. Pourquoi ne pas refléter cela? C'est une question de symbolisme. Nous avons besoin de ce symbolisme, nous avons besoin que ce soit là et qu'on ne se pose pas de questions parce que ce dont le Nouveau-Brunswick a réussi à se doter en matière de droit constitutionnel est clair.
    Pourquoi cela ne serait-il pas reflété? C'est un autre outil. On parle d'engager la majorité, de dialoguer, et cetera. C'est un autre message.
    Merci, monsieur CLarke.
    Plusieurs intervenants ont demandé la parole. Ce sera donc une ronde où chacun disposera de quatre minutes.
    Nous commençons par M. François Choquette.
    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais revenir sur vos propos, monsieur Boileau. Vous avez mentionné les rapports et les études que vous avez faits, et vous avez mentionné d'où venait le projet de l'Université de l'Ontario français.
    Vous avez dit que vous y aviez travaillé. Pouvez-vous nous expliquer le travail que vous avez fait en lien avec cette université? Elle était presque née. Il y avait eu des nominations au conseil d'administration et des programmes étaient déjà formés. Le processus était donc très avancé.
    Comment avez-vous vu qu'il s'agissait d'un besoin? Comment y avez-vous travaillé?
    D'abord, il es évident que, dans le Centre-Sud-Ouest, il manquait de programmes en français au niveau postsecondaire. De plus, cette population est en forte croissance.
    Nous nous sommes donc penchés là-dessus de notre propre chef, parce que nous voulions analyser cette question plus en profondeur. Nous avons donc demandé tous les chiffres. Nous avons fait un rapport de 78 pages, que nous venons de déposer aujourd'hui, pour parler de l'état de l'éducation postsecondaire dans le Centre-Sud-Ouest de l'Ontario.
    Un rapport de 2012, intitulé « L'état de l'éducation postsecondaire en langue française dans le Centre-Sud-Ouest de l'Ontario : Pas d'avenir sans accès » — c'était un titre un peu coup de poing —, servait justement à faire part de ce manque criant au gouvernement et aux fonctionnaires.
    Il s'agit d'une région où la population est en croissance, et c'est la région où population étudiante fait le plus d'études postsecondaires. Or, comme il manque de programmes d'études postsecondaires en français, il est assez clair que les étudiants vont faire leurs études en anglais. Ils seront formés en anglais et on se retrouvera ensuite dans des situations aberrantes où des infirmières francophones hésiteront à nous parler en français, parce qu'elles n'auront pas appris la terminologie et les mots exacts en français. Elles seront un peu mal à l'aise.
    Comme nous entendions cela chaque semaine, il était temps de conseiller le gouvernement afin de s'assurer d'avoir une éducation postsecondaire en français.
    En publiant le rapport, nous avons allumé un feu contrôlé, mais c'est la communauté qui l'a pris en charge, notamment les organismes, comme l'Assemblée de la francophonie de l'Ontario, l'AFO, la Fédération de la jeunesse franco-ontarienne, la FESFO et le Rassemblement étudiant franco-ontarien, le REFO. Ils ont tenu les États généraux sur le postsecondaire en Ontario français.
     Un dialogue s'est installé entre la communauté et le gouvernement. Ce dernier a fait deux autres études, qui confirmaient notre rapport d'enquête et nos chiffres. Elles confirmaient évidemment nos chiffres, car ceux-ci venaient du ministère de Formation et des Collèges et Universités et du ministère de l'Éducation. Cela a démarré cette discussion, et le dialogue a été entamé au sein de la communauté. Nous avons pris un peu de recul en nous disant que, maintenant, ce n'était plus de notre ressort, car il y avait un dialogue dans la communauté. La création de l'Université s'est faite.
    Toutefois, en ce moment, le fait que cela ait été abandonné m'interpelle en tant que commissaire, parce qu'il y a toujours ce manque criant de programmes en éducation postsecondaire en français dans la région du Centre-Sud-Ouest.
    Pour terminer, que peut faire le gouvernement fédéral? En ce moment, il y a des reculs. Disons-le de manière simple. Il y a un recul au Commissariat aux services en français. Ce dernier a-t-il 20 ou 30 ans d'existence, à peu près?
    Non, il existe depuis 11 ans.
(1025)
    D'accord. Il a 11 ans d'existence.
    Je suis vieux, mais pas tant que ça.
    Il y a le recul par rapport à l'université où les programmes étaient presque prêts. Ces reculs interpellent aussi le gouvernement fédéral. Comme on le disait plus tôt, cette crise linguistique ne touche pas seulement l'Ontario. Cela dépasse ses frontières.
    Hier, les chefs de parti du gouvernement fédéral se sont rencontrés hier et se sont demandés ce qu'ils pouvaient faire concrètement pour soutenir le bilinguisme et les deux langues officielles partout au Canada.
    Quel rôle peut jouer le gouvernement fédéral dans la situation actuelle de l'Ontario? Quel signal peut-il envoyer?
    Tout au long de notre histoire, le gouvernement fédéral a toujours répondu présent lorsqu'il y avait des crises linguistiques. Ce n'était peut-être pas toujours de la bonne façon, toutefois, au cours des dernières décennies, le gouvernement fédéral s'est certainement impliqué. Il l'a fait lors de la crise linguistique au Manitoba, à la fin des années 1980, et au moment d'autres crises linguistiques d'un bout à l'autre du pays. Le gouvernement fédéral a été présent, que ce soit en finançant le Programme de contestation judiciaire, d'autres activités, des ententes entre le Canada et la communauté, des ententes entre le Canada et la communauté dans les langues officielles ou le Programme des langues officielles dans l'enseignement, le PLOE.
    Le gouvernement fédéral a encore un rôle à jouer. Je ne suis pas en train de dire qu'il devrait donner un montant précis d'argent. Ce n'est pas à moi de le dire. Toutefois, dans ce cas-ci, le gouvernement de l'Ontario nous dit qu'il fait face à un déficit de 15 milliards de dollars et qu'il ne peut tout simplement pas donner le 0,07 % du financement que demande l'Université de l'Ontario français pour pouvoir démarrer. En effet, celle-ci demande au gouvernement de l'Ontario un montant de 84 millions de dollars sur 10 ans, ce qui équivaut à 0,07 % du montant total de 6,8 milliards de dollars requis pour créer cette université.
     Si le gouvernement fédéral pouvait participer au débat, dire au gouvernement de l'Ontario qu'il sera présent et lui demander d'en discuter si les difficultés ne sont que financières. Je crois que cela montrerait un bel aspect du fédéralisme coopératif que souhaitent tous les Canadiens.
     Merci beaucoup.
    Monsieur Blaney, vous disposez de quatre minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Vous avez soulevé un très bon point, monsieur Boileau, en ce qui a trait aux mécanismes qui existent au gouvernement fédéral.
    J'aimerais continuer dans la même veine que M. Choquette. On sait que des programmes fédéraux existent. Je faisais référence à l'Université de Moncton. À votre connaissance, existe-t-il des programmes où le gouvernement fédéral a contribué à des projets scolaires en Ontario?
    Oui. Un financement est accordé par l'entremise du Programme de langues officielles dans l'enseignement, le PLOE. D'ailleurs, un renouvellement du PLOE est présentement en négociation, si je ne m'abuse.
    Ces financements sont très importants, mais comprenons-nous bien: en Ontario, le gouvernement provincial se responsabilise. Il octroie plus de 1 milliard de dollars de fonds publics sont octroyés aux écoles de langue française.
    Bien sûr, ce n'est pas seulement pour faire plaisir aux francophones; ces enfants seraient quand même dans le système de l'éducation. Si ce n'était pas dans le système francophone, ces enfants devraient aller dans le système anglophone. C'est bonnet blanc, blanc bonnet, en un sens. Il faut des toits pour ces écoles.
    Le fédéral offre quand même une aide, qui n'est pas la même que celle des autres provinces. En matière d'éducation, l'Ontario reçoit beaucoup moins d'argent par habitant que d'autres provinces et territoires.
    En ce moment, on vit une crise. Peut-être est-il temps que le fédéral se demande ce qu'il pourrait faire de plus pour s'assurer qu'après 40 ans, on puisse enfin faire avancer une université de l'Ontario français. On l'a créée, elle est là. Peut-on agir dès maintenant pour s'assurer qu'on ne reprendra pas encore un autre débat pendant encore cinq ou dix ans. Cela n'a pas de sens.
    La communauté francophone mérite mieux. La communauté francophone diversifiée du Centre-Sud-Ouest de l'Ontario mérite également mieux. Le gouvernement aussi mérite mieux. On parle d'emplois bilingues et on parle d'employés qui vont être formés en français mais qui vont apprendre la terminologie dans les deux langues, comme ils le font dans nos collèges, que ce soit la Cité collégiale ou le Collège Boréal.
    Cela fait qu'il y aura des employés qui vont nous offrir des services de santé, de justice et d'éducation. C'est ce dont nous avons besoin, une main-d'oeuvre bilingue qui va vraiment aider l'Ontario à rester au niveau où il devrait être.
    Tous ces milliards de dollars — je ne parle pas seulement des milliards de dollars pour l'éducation de langue française, mais aussi pour l'éducation en immersion de nos amis francophiles —, tous ces investissements s'arrêtent avant le niveau postsecondaire. Ensuite, on espère que ces gens qu'on a formés aux niveaux élémentaire et secondaire seront bilingues de façon fonctionnelle par la suite. Cela n'a aucun sens de ne pas aller dans cette direction.
(1030)
    Merci, monsieur Boileau.
    Je sais que le temps file rapidement. Dans votre présentation, vous avez beaucoup parlé de l'offre active au niveau provincial. Au fédéral, on a ce qu'on appelle la partie VII, qui parle de la promotion. Dans les deux cas, on dirait qu'il y avait beaucoup de confusion et que ce n'est pas clair.
    Quelle est votre recommandation pour qu'on donne un sens tant à l'offre active qu'à la fameuse responsabilité du gouvernement de promouvoir la dualité linguistique?
    Notre mémoire contient six critères que nous avions établis et qui pourraient être mis en oeuvre dans le cadre d'un règlement sur l'offre active en Ontario.
    Vous les avez présentés.
    Oui, nous les avons présentés plus tôt.
    Le gouvernement fédéral aurait déjà une définition plus claire de l'offre active et du contexte dans lequel elle doit être mise en avant. On pourrait détailler cela davantage par règlement. Nous proposons également des mesures.
    Passons maintenant à la partie VII. Comme je l'ai dit tantôt, il y a une confusion des genres entre les objectifs de communication et de prestation de services de la partie IV et les services qui seront être modulés au besoin de la population.
    Je vous invite à relire l'arrêt de la Cour suprême du Canada dans l'affaire DesRochers, il y a déjà quelques années. Dans cet arrêt de la Cour suprême du Canada, on avait quand même fait la distinction entre la partie IV et la partie VII de la Loi, mais cela demeure souvent incompris.
    Je pense qu'une clarification accompagnée d'un règlement qui appliquerait la partie VII serait déjà d'une grande aide. On a ce pouvoir. On a le pouvoir d'adopter un règlement sur la partie VII. On en a le pouvoir mais il n'y a jamais eu de règlement qui a été adopté en ce qui a trait à la partie VII.
    Excusez-moi, monsieur Blaney, je vais être obligé de donner la parole à l'intervenant suivant parce qu'il nous reste que très peu de temps.
    Merci, monsieur Boileau.
     Monsieur Rioux, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leur présence.
    D'abord, j'aimerais souligner la résilience des francophones hors Québec. Je pense que votre discours, monsieur Boileau, en fait partie, tout comme le geste qu'a posé Mme Amanda Simard.
    Je tiens aussi à souligner votre vitalité. Mme Denise Bombardier vous avait à peu près enterrés lors d'un épisode Tout le monde en parle. Je pense que cela a créé une nouvelle ouverture d'esprit au Québec. Les gens se rendent compte que le rayonnement du fait français à l'extérieur du Québec permet d'assurer la survie du seul foyer francophone en Amérique du Nord.
    Je pense qu'il s'agit d'une nouvelle approche et qu'une nouvelle ère commence au Québec. Une nouvelle relation entre les cousins du Québec et les cousins francophones hors Québec est en train de s'établir.
    Le bilinguisme est la base de notre identité au Canada. Je suis un nouveau membre de ce comité. Alors, vous voudrez peut-être me corriger.
    Ma première question s'adresse à M. Carrier et ma deuxième s'adressera à vous, monsieur Boileau.
    Le commissaire, dont le poste est remis en cause en Ontario, ne pourrait-il pas être nommé par le fédéral, qui aurait un commissaire par province? Ceux-ci pourraient s'assurer de la reddition de comptes des provinces pour ce qui est des fonds venant du fédéral qui ne sont pas attribués là où ils devraient l'être?
    Est-ce qu'il serait possible d'avoir un commissaire relevant du fédéral dans chacune des provinces? Serait-ce inconstitutionnel?
    Le Commissariat aux langues officielles fédéral a un pied à terre partout au Canada. Il a un bureau à Moncton. Il est de compétence fédérale. Il n'est pas de compétence provinciale.
    Par contre, pourrait-il commenter la responsabilité et les transferts de fonds? Pourrait-il étudier cette question et entretenir des dialogues avec le bureau provincial?
    La question du transfert de fonds pour les ententes a été soulevée par d'autres intervenants. Ces fonds sont-ils vraiment dépensés pour appuyer la vitalité des communautés linguistiques? Certaines questions se posent à ce sujet.
    Sur le plan constitutionnel, il pourrait y avoir de l'ingérence, mais nous pourrions certainement travailler main dans la main pour assurer que la part fédérale donne les fruits escomptés.
(1035)
    Je vous remercie.
    J'aurais une question plus spécifique à poser à M. Boileau.
    En ce qui a trait aux droits linguistiques, y a-t-il des expériences ailleurs dans le monde dont nous pourrions nous inspirer?
     Oui, il y en a absolument.
    Je vais continuer dans la même veine. Le gouvernement fédéral participe déjà au financement de certains programmes de services en français dans les provinces et des ententes existent en ce moment, mais il ne faudrait pas non plus déresponsabiliser les provinces. Chez nous, il y a un commissaire provincial et c'est beaucoup plus facile de traiter d'égal à égal. Nous faisons partie de la même grande famille. Quand un autre gouvernement arrive au pouvoir, il faut mettre des petits gants blancs et c'est un peu plus délicat.
    En réponse à votre question, je vous dirai que nous faisons partie de l'Association internationale des commissaires linguistiques. J'ai eu le plaisir de participer à une réunion par WebEx, l'an dernier, qui portait sur les questions de l'offre active. Nous avons justement cette expertise et nous avons développé une étude spéciale, et je sais que cela a été très prisé à l'extérieur du pays. À l'inverse, nous avons pris note de ce que font nos collègues gallois en matière de santé. Ils ont aussi des initiatives très intéressantes en matière de santé dont ils nous ont fait part.
    Nous faisons donc partie de cette association, et en juin 2019, nous aurons l'occasion de lancer un livre lors d'une conférence internationale où on attend plus de 250 participants et qui est déjà toute organisée et orchestrée. Nous avons un éditeur, Éditions Yvon Blais, et nous lancerons un livre écrit par des experts internationaux, qui expliquent le rôle d'un ombudsman linguistique; des cas pratiques de chacun des membres de l'Association seront dans les chapitres de ce livre.
    Il ne faut pas oublier que la loi sur les langues officielles de l'Irlande a été calquée sur la Loi sur les langues officielles du Canada, et que la loi sur les langues officielles du Kosovo a été calquée sur la loi sur les langues officielles de l'Irlande. Le Canada a joué un rôle incroyablement important en matière de dualité linguistique dans le monde. Nous avons un pays où on ne se bat pas dans des guerres de tranchées, nous vivons une paix linguistique relative. On peut avoir des débats populistes, mais on ne prend pas les armes. Des pays comme l'Ukraine, la Macédoine et la Croatie regardent avec envie ce qui se passe chez nous. Nous sommes maintenant en contact avec nos collègues de la Nouvelle-Zélande, qui deviendront peut-être membres de l'Association internationale des commissaires linguistiques. La Roumanie aussi veut en devenir membre.
    Or tout cela est mis en péril parce que nous n'existerons peut-être plus en juin 2019. Heureusement, l'ombudsman de l'Ontario serait peut-être prêt à s'impliquer, nous en avons discuté. Or nous n'avons eu aucun appui de la part du gouvernement fédéral. Pourtant, c'est une année de célébrations, c'est le 50e anniversaire de la Loi sur les langues officielles. On a peut-être fermé la porte parce que notre association est provinciale.
    Si vous connaissez des gens que cela pourrait intéresser, il serait important que vous fassiez savoir que cette conférence internationale aura lieu à Toronto. C'est l'année des langues autochtones. On nous a aussi confirmé que, dans chacune des tables rondes, il y aura un représentant des communautés autochtones, pas seulement du Canada, mais de partout au monde. Je pense donc que ce donnerait l'occasion au gouvernement du Canada d'apporter son soutien financier, bien sûr, mais aussi de participer à cette conférence.
    Merci beaucoup.
    Le prochain intervenant est M. Paul Lefebvre, de Sudbury.
    Merci, monsieur le président.
    Je suis de Sudbury et je suis un diplômé du Programme de common law en français de l'Université d'Ottawa.
    Messieurs Carrier, Boileau, Morin et Beaulieu, je vous remercie d'être parmi nous. Je suis très heureux de vous voir.
    Monsieur Boileau, je vous remercie de l'invitation que vous venez de nous faire et de vous assurer que nous sommes au courant qu'une conférence aura lieu à Toronto. Nous allons faire un suivi.
    Je voudrais vous parler du Programme de contestation judiciaire. J'étais étudiant à l'Université d'Ottawa, lors de l'affaire Montfort, et je me souviens que le Programme de contestation judiciaire avait permis que le recours concernant l'Hôpital Montfort se concrétise. Le Programme de contestation judiciaire a été aboli, puis il a été rétabli. Selon votre expérience, quelle est l'importance d'un tel programme pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire?
(1040)
    Pour une question de transparence, je dois d'abord dire que j'en ai été le premier directeur général lorsqu'il a été rétabli, en 1994. Je ne suis donc pas tout à fait neutre. Je tenais à le souligner.
    Ce programme est évidemment fondamental en matière de droit linguistique, que ce soit pour nos collègues et compatriotes anglophones du Québec ou pour nos compatriotes franco-canadiens. Le Programme de contestation judiciaire existe depuis 1978. Depuis sa création, alors que c'était encore un obscur programme du ministère de la Justice du gouvernement fédéral de l'époque, il a suivi toute évolution en matière de droit à l'égalité et, depuis les années 1990, en matière de droits linguistiques. C'est un outil absolument essentiel.
    Il permet aux communautés et aux individus d'atteindre une certaine parité, quoique ce ne sera jamais parfaitement équivalent, avec tous les fonds investis par les procureurs généraux à l'encontre des droits linguistiques. Cela permet donc de relativiser cela en défendant le fait qu'ils ont des droits. C'est un programme unique au monde et qui est observé partout dans le monde. Peut-être n'est-il plus unique, j'ai perdu le compte à cet égard, mais il reste que c'est un outil extrêmement important.
    Je vais revenir à vous un peu plus tard.
    Monsieur Carrier, avez-vous une opinion là-dessus?

[Traduction]

    Je suis d'accord.
    Vous êtes d'accord. C'est excellent.

[Français]

    Comme vous le savez, ces causes constitutionnelles prennent beaucoup de temps et exigent beaucoup de fonds. Or les justiciables qui voudraient mener ces revendications ne peuvent pas se le payer.
    Je soulève cette question, parce que c'est clair qu'il y a eu une époque où on n'en avait pas accès à ce programme.
    Dans ce pays, que représente le fait de ne pas avoir accès à ces fonds pour appuyer leurs revendications touchant les droits linguistiques?
    Sans ce programme, comment les gens qui veulent revendiquer leurs droits peuvent-ils faire avancer leur cause? Où peuvent-ils aller?
    Ils ne vont nulle part, à moins de faire une campagne sur le site de GoFundMe, ou ce genre de chose, ce qui peut toujours se faire en complément.
    Cela donne une base. Cela donne au moins une légitimité à une communauté ou à un groupe de parents ou d'individus. Cela leur permet de se payer un avocat ou une avocate qui va se pencher sur la question. C'est au moins un début. Ce montant de 5 000 $ peut être octroyé pour vérifier s'il y a une base juridique ou un fondement quelconque.
    Si c'st le cas, on soumet alors une autre demande au Programme de contestation judiciaire, et les comités d'experts — c'est leur travail — analysent les plans de match des avocats ou avocates retenues pour savoir s'il s'agit d'une cause importante, d'une nouvelle cause et si c'est une cause qui va faire avancer les droits linguistiques et d'égalité au Canada. Je trouve cela fondamental. Cela donne une base sur laquelle il est possible de commencer une discussion. Ensuite, il est évidemment possible de faire des campagnes de financement individuel, comme ce fut la cas à l'époque de l'affaire de l'Hôpital Montfort. En effet, le Programme de contestation judiciaire n'a pas tout payé dans cette affaire. L'Hôpital Montfort est aussi allé chercher de l'appui du Québec, notamment, et d'autres gouvernements.
    Je dois conclure, parce qu'il ne me reste qu'une minute.
    Nous allons rédiger un rapport sur ce sujet. Qu'aimeriez-vous y voir? Avez-vous oublié de dire quelque chose ou y a-t-il une question dont vous auriez aimé parler pour qu'elle fasse partie de notre rapport? Monsieur Carrier, monsieur Boileau, avez-vous quelque chose à ajouter? Vous avez le dernier mot.
    Comme vous pouvez le voir, on aime bien s'entendre parler.
    Non, je pense que ce soit assez complet. Si, par la suite, vous avez des questions plus précises à nous poser, vous savez où nous trouver. Pour le moment, et pour ne pas empiéter sur le temps des autres, je n'ai rien à ajouter.
(1045)
    Je tiens à vous remercier très chaleureusement de votre invitation, aujourd'hui. Nous sommes à votre disposition encore quelques mois chacun pour répondre à des questions additionnelles, s'il y en a.
    Au nom de tous, je vous remercie beaucoup, messieurs, de votre comparution et de cet extraordinaire échange. C'était tout à fait formidable.
    Nous ajournons jusqu'à mardi prochain. La séance est levée.
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