LANG Réunion de comité
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Comité permanent des langues officielles
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 25 octobre 2016
[Enregistrement électronique]
[Français]
Ce matin, nous poursuivons notre étude de la feuille de route et de l'immigration dans les communautés francophones en milieu minoritaire.
Je dois vous dire qu'il y a un léger changement à l'horaire, parce qu'il y aura un vote à 10 heures. Nous allons donc essayer de tout régler durant la première heure, car des témoins avaient été convoqués. Nous allons devoir bouleverser l'ordre du jour pour raccourcir le temps de présentation des gens qui sont venus d'un peu partout.
Nous allons commencer. Je vous propose d'entendre au début l'Alliance des femmes de la francophonie canadienne. Mme Blandine Ngoga Tona, en est la présidente et va nous parler par vidéoconférence.
Bonjour madame, et bienvenue.
Nous allons donc vous laisser 10 minutes, c'est-à-dire cinq minutes à peu près au sujet de la feuille de route et cinq minutes au sujet de l'immigration. Par la suite, nous ferons un tour de table.
Le Centre d'accueil et d'établissement du Nord de l'Alberta suivra, et nous terminerons par le Réseau pour le développement de l'alphabétisme et des compétences. Nous aurons donc beaucoup de boulot au cours de la prochaine heure.
Alors, commençons sans tarder.
Bienvenue, madame. Nous vous écoutons durant une dizaine de minutes.
Merci, monsieur le président et membres du Comité.
J'aimerais d'abord vous remercier d'avoir invité l'Alliance des femmes de la francophonie canadienne à venir livrer ses remarques au sujet du prochain plan d'action en matière de langues officielles.
L'acronyme est AFFC. Il est long.
L'AFFC est la porte-parole de 1,3 million de femmes francophones et acadiennes vivant en situation linguistique minoritaire, et la représentante de 12 organismes de femmes francophones et acadiennes dispersées partout au pays.
Forte de son processus de consultation de l'hiver dernier, l'AFFC se sent très informée en ce qui a à trait aux besoins des femmes francophones de ces communautés. Elle défend le droit des femmes de la francophonie canadienne de vivre et de s'épanouir pleinement en français.
Nous allons jumeler nos deux interventions. Nous parlerons de la feuille de route tout en traitant d'immigration. J'espère que nous n'allons pas dépasser les 10 minutes.
Nous désirons axer notre intervention sur trois aspects particuliers: l'accessibilité à des services de garde en français; l'offre de services en français en lien avec la santé, calqués sur les besoins des femmes; et le renforcement des capacités des organismes, par et pour les femmes francophones.
Commençons donc par les services de garde. Vous le savez certainement déjà, les familles francophones ou exogames, et principalement immigrantes, se résignent à inscrire leurs enfants à un service de garde anglophone devant l'impossibilité de les inscrire à un service francophone. Cela contribue, malgré eux, à la perte du français.
Cette situation est désolante; elle est aussi néfaste pour la famille, l'enfant et la communauté. Tel que le montre le rapport du commissaire aux langues officielles, c'est la mère qui, traditionnellement, est le vecteur de transmission de la langue et de la culture au sein des familles. Ce n'est pas sans raison qu'on appelle notre première langue notre « langue maternelle ».
Offrir des services de garde francophones permet de partager cette responsabilité de protéger la langue et la culture francophones mais, aussi, d'assurer la vitalité d'une communauté pour qui cette langue et cette culture sont centrales.
Toutefois, cette infrastructure sociale permet bien plus. Elle permet la participation sereine des femmes sur le marché du travail, leur donnant ainsi le droit de contribuer pleinement à l'essor de leur région et de se développer professionnellement.
En effet, c'est bien souvent la femme qui se résoudra à demeurer à la maison pour s'occuper des enfants en français, lorsque l'offre de service est absente. À ce même sujet, j'aimerais montrer comment cela touche la femme immigrante.
Pour vous mettre en contexte, la femme francophone qui immigre ici peut être une professionnelle mais, le plus souvent et dans le cas des familles réfugiées principalement, elle n'a jamais travaillé et son niveau de littératie est très bas.
Elle a beaucoup d'enfants aussi. À cette femme, il est demandé, comme à toutes les autres, de pouvoir faciliter le processus d'intégration et d'équilibre de la famille. Cette intégration passe généralement par, soit des cours d'anglais, soit un emploi dans un milieu qui est, la plupart du temps, anglais. Il y a aussi tout un système d'orientation, principalement en anglais, dans le milieu francophone minoritaire. Cela est possible, pour elle, seulement si elle peut envoyer ses enfants soit à l'école soit à la garderie.
Si la nécessité de services de garde en français est la même pour toutes les femmes francophones, l'enjeu devient critique pour les femmes immigrantes pour deux raisons principales: d'abord, le français n'est pas nécessairement leur langue maternelle et, ensuite, la nécessité de l'intégration passe soit par des cours soit par un emploi. Cela rend la situation encore plus difficile. Si une femme est obligée de passer sa journée en anglais et que son enfant n'est pas placé dans une garderie française, combien de temps de qualité pensez-vous que cette famille va accorder au français?
C'est la première chose. Pourtant, ces immigrants viennent ici en tant que francophones et la plupart des immigrants francophones qui viennent ici — la grande majorité, je n'ai pas les dernières statistiques, mais celles de 2010 —, arrivent de l'Afrique dans une proportion de plus de 60 %. Ces personnes ont donc d'autres langues maternelles.
S'il n'y a pas une structure scolaire et en garderie qui permette à l'enfant de commencer son cheminement en français, combien de parents accepteront de payer pour un cours de francisation ou de devoir eux-mêmes franciser les enfants, alors qu'ils avaient une base principale qui devait être le français?
Je vais parler d'un deuxième aspect, celui de l'offre active. Pour ce qui est de l'offre des services en français en lien avec la santé, nous désirons mettre l'accent sur la nécessité de services pour les femmes vulnérables, notamment celles qui font face aux situations de violence.
Savez-vous combien il existe de maisons de transition en français dans le contexte minoritaire? Une seule et elle se trouve à Toronto. Elle n'offre que l'hébergement de première étape. Tous les autres centres qui accueillent des femmes pour la deuxième ou la troisième étape, et tous les logements de crise à part celui de Toronto, fonctionnent en anglais. Si une femme francophone est en crise, ou a un besoin immédiat pour cause de violence, elle devra peut-être recourir à un interprète et tout dépendra de l'heure à laquelle cet interprète est disponible. C'est la réalité des femmes en milieu minoritaire. En ce qui concerne la population des maisons de transition, — je prendrai le cas du Manitoba pour lequel j'ai le plus de statistiques —, celles-ci sont occupées à plus de 80 % par des femmes immigrantes.
Cela veut dire, une fois de plus, qu'il y a tout un ouvrage de sensibilisation et du travail à faire, afin de pouvoir répondre adéquatement à cette réalité.
Il est bien connu que ces services sont déficients, principalement parce qu'aucune politique n'oblige les établissements anglophones à dispenser des services en français. Ils sont liés aux capacités ponctuelles des organismes qui embauchent ici et là une employée bilingue disponible à des heures précises. Souvent, il faut passer par un organisme au Québec pour obtenir des services d'interprétation. Cela dépend encore si le besoin s'exprime pendant les heures régulières de travail. Hors de ces heures, il n'y a aucun service de consultation téléphonique pour les francophones en situation minoritaire qui se trouvent en situation de crise.
Donc, que fait cette femme francophone immigrante qui vit en Colombie-Britannique, qui craint pour sa sécurité ou celle de ses enfants et qui cherche de l'aide à un moment où l'employé est en vacance ou n'est pas disponible? Il s'agit de la réalité des femmes en situation minoritaire. Nous pensons aujourd'hui que, en appliquant l'analyse comparative selon les sexes dans le prochain plan d'action en matière de langues officielles, vous vous rendrez compte de toute l'importance des deux points dont je viens de faire mention pour l'atteinte d'une égalité de fait au Canada, avec une prise en considération de la réalité de la femme immigrante.
Nous pensons également qu'il est nécessaire de favoriser une infrastructure sociale qui permettrait de reconnaître la réalité des besoins de toutes les couches sociales de la nouvelle francophonie qui, de fait, est multiculturelle. Ces organismes pensent à ces infrastructures sociales, pensent à l'impact sur les femmes et offrent une programmation inclusive reflétant la diversité de la francophonie multiculturelle en situation minoritaire, c'est-à-dire hors du Québec.
Donc, pour compléter cette lecture de la situation, je parlerai de notre dernier point, soit le renforcement des capacités des organismes créés par et pour les femmes francophones en situation minoritaire. Ce renforcement passe d'abord par un financement de base adéquat et un financement qui adopte une perspective à long terme. Le changement n'est pas immédiat. Le changement devrait être progressif et encadrer ces organismes à long terme, parce que le travail qui se fait est divers et revêt différentes variables qu'il faut prendre le temps de mieux comprendre afin de structurer la réponse adéquate.
Nos ressources sont largement grugées par le travail de recherche de financement alors que l'on gagnerait à les utiliser pour offrir des services directs de qualité. Si cela était fait, nous profiterions tous de la nouvelle feuille de route.
Sur le point de l'immigration, sur ce renforcement, il faut encourager davantage les initiatives de solidarité où les femmes immigrantes pourraient se rencontrer, parler de leur réalité, et trouver elles-mêmes des solutions qui leur permettraient de voir comment elles pourraient combler leurs besoins et s'intégrer davantage dans la réalité de la francophonie en situation minoritaire. Nous ne voulons pas perdre les femmes francophones qui s'installent chez nous parce que la structure sociale n'est pas adaptée à leur réalité.
Je vous remercie et j'accueille maintenant vos questions.
Merci beaucoup, madame, de votre présentation.
À la suggestion de madame la greffière, nous poursuivrons avec toutes les allocutions après quoi nous ferons une tournée de questions et de commentaires.
Nous passons donc à une présentation du directeur général du Centre d'accueil et d'établissement du Nord de l'Alberta, M. Georges Bahaya. Nous suivrons le même système, à savoir à peu près cinq minutes pour la feuille de route et cinq autres minutes pour l'immigration.
Nous vous écoutons, monsieur Bahaya.
Merci, messieurs et mesdames membres du Comité.
Le sujet n'est pas facile, mais vous avez le texte et vous pourrez vous y référez.
D'abord, je voudrais vous remercier d'avoir invité le Centre d'accueil et d'établissement du Nord de l'Alberta, dont je suis le directeur depuis 13 ans. Le Centre est un organisme de l'Ouest qui accueillent les nouveaux arrivants francophones. Je vais vous présenter la perspective d'un centre d'accueil en milieu minoritaire.
En ce qui concerne la feuille de route, je vais vous parler de deux points. Pour nous, la feuille de route est nécessaire pour les communautés en situation minoritaire. Dans un second point, je vais démontrer que la feuille de route est une manière intelligente de lutter contre l'assimilation. Voilà les deux points qui sont très importants pour nous.
Pourquoi la feuille de route est-elle nécessaire? Pour un organisme d'établissement comme le nôtre, qui accueille des milliers de nouveaux arrivants venant s'établir dans l'Ouest canadien, la feuille de route est le seul moyen d'affirmer le bilinguisme du Canada. Ce n'est que dans la mesure où cette feuille de route est soutenue que nos nouveaux arrivants pourront garder la langue française dans un milieu majoritairement anglophone.
En effet, les nouveaux arrivants doivent s'inventer une nouvelle vie dans ces nouveaux milieux. C'est grâce aux services d'intégration en français qu'ils peuvent utiliser la langue française, pourvu qu'ils aient accès à des services en français. Pour nous, la feuille de route est une garantie. Elle est une assurance qui permet à tout migrant ou immigrant francophone d'avoir accès à des services en français en vue de la réussite de son processus d'établissement.
En ce qui concerne la manière intelligente de lutter contre l'assimilation, le bilinguisme au Canada n'est pas seulement un élément de notre héritage et une source de fierté, mais c'est aussi une valeur noble pour nous. Qu'adviendra-t-il de nos communautés si nous n'arrivons pas à entretenir la langue française?
Messieurs et mesdames membres du Comité permanent des langues officielles, sans la feuille de route sur la dualité linguistique, le bilinguisme serait une réalité en perte de vitesse et à propos duquel les langues se délieront. Les gens diront que le bilinguisme n'était qu'un mythe et ils souhaiteront la bienvenue au pays des assimilés.
Les migrants francophones des communautés en situation minoritaire en savent quelque chose. Dès qu'elles ne trouvent pas de services et des emplois en français, ces personnes vont simplement être assimilées par l'« anglophonie », qui ne cherchera pas à les orienter vers les quelques services qui sont offerts dans nos communautés en situation minoritaire.
Pour nous, la feuille de route est une base sur laquelle nos communautés en situation minoritaire peuvent s'appuyer pour éviter la perte de leur identité et de leur vitalité.
À ce sujet, je voudrais faire deux recommandations. La feuille de route doit augmenter et renforcer les ressources d'accueil et d'établissement dont disposent nos communautés francophones en situation minoritaire. Dans la feuille de route, on ne parle pas beaucoup de financement en ce qui a trait à l'immigration francophone. J'ai assisté à plusieurs réunions où les gens se demandaient combien de fonds sont dédiés à l'immigration francophone. Souvent, on ne nous donne pas la réponse.
Les centres d'accueil francophones sont obligés de quémander du financement à même l'enveloppe des centres anglophones pour accueillir les nouveaux arrivants francophones. Nous aimerions que vous donniez un réel appui aux centres d'accueil dans les communautés francophones en situation minoritaire.
Nous avons une deuxième recommandation relativement à la feuille de route. Il faudrait donner des ressources et une variété de services dotés de moyens adéquats dans tout le secteur de la vie communautaire. Nous accueillons des nouveaux arrivants et nous évaluons leurs besoins, mais nous ne pouvons pas tout faire. Nous devons les orienter vers des services qui pourront répondre à leurs besoins.
Lorsque de tels services n'existent pas, nous n'avons d'autre choix que de les orienter vers la majorité anglophone, avec le risque que, à quelque niveau que ce soit, ces personnes s'assimilent à la langue de la majorité et s'écartent de nos services.
Voilà, messieurs et mesdames, ce que je peux vous dire sur la feuille de route des langues officielles, qui nous tient à coeur en tant que centre d'accueil. Bref, nos communautés ont besoin de services, et l'immigrant a besoin d'une communauté où il y a des services. C'est cela, notre souci majeur.
En ce qui concerne l'immigration, sans faire durer davantage l'introduction, je veux d'abord affirmer que l'immigration francophone dans les petites communautés en situation minoritaire est nécessaire.
Ensuite, je veux montrer qu'il faut des services en français pour la communauté si on veut soutenir cette immigration francophone. S'il n'y a pas de services en français dans la communauté, c'est inutile.
Enfin, comme madame l'a dit plus tôt, il nous faut des services offerts par et pour les francophones.
Je commencerai par le premier point, la nécessité de l'immigration francophone dans la communauté en situation minoritaire. Nous pensons que, de la même manière que la majorité anglophone profite de l'immigration pour accroître sa population, nous aussi, les francophones, avons besoin de l'immigration pour accroître notre population et combler des déficits démographiques. Nous sommes très frustrés de constater que la cible de 5 % qu'on a fixée pour l'immigration francophone n'a jamais été atteinte. Nous aimerions qu'elle le soit pour que nos communautés en profitent, de la même manière que les anglophones profitent de l'immigration. Sinon, nos communautés vont mourir, elles vont disparaître avec le temps.
L'immigration francophone est nécessaire. On doit pouvoir l'appuyer de manière confortable, comme on le fait pour la communauté anglophone.
Parlons des services en français dans la communauté. Je vais me référer à une étude récente qui a été menée dans l'Ouest canadien et dont mon organisme a été l'agent fiscal. L'étude est intitulée: « L’immigration francophone dans les territoires et l'Ouest canadien: réalités et perspectives après 10 ans d'accueil et de services ». Cette étude a été réalisée par d'éminents chercheurs d'universités de l'Ouest dirigés par le professeur Paulin Mulatris. L'étude sera publiée. Elle a été financée par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada.
Dans cette étude, on évoque quelques points dont je voudrais vous parler rapidement. Des recommandations sont ressorties de cette étude. On dit qu'au-delà des services qui répondent aux besoins primaires des migrants, il faut développer des services adaptés au niveau de formation de l'immigrant. Par « migrants », j'entends les migrants francophones.
Selon cette étude, les organismes francophones semblent mieux répondre aux besoins primaires et deviennent moins efficaces sur le long terme. En fait, on veut dire que nos organismes francophones qui aident les immigrants dans les communautés en situation minoritaire ne donnent que les services primaires. Lorsqu'on arrive aux services spécialisés, on est obligé de se tourner vers l'anglophonie, ce qui casse un peu le projet d'intégration en milieu minoritaire francophone pour ces immigrants qui, finalement, embrassent l'anglais, qui est la langue de la majorité ou de la communauté majoritaire.
On dit aussi qu'il faut examiner les possibilités de développer des services personnalisés répondant aux besoins réels des personnes reçues. Encore une fois, nos services sont un peu déficients, ils ne répondent pas toujours à tous les besoins, il faut qu'on les renforce davantage.
Il faut créer de nouveaux services de service social pour faire face à des problèmes émotionnels et de santé. Lorsque nous recevons les nouveaux arrivants et qu'ils ont des problèmes de santé mentale et émotionnels, ou autres, on n'a pas d'autre choix que des les envoyer vers l'anglophonie. Il n'y a rien de plus frustrant quand on accompagne quelqu'un qui est malade et qui a des problèmes de santé mentale que de passer par l'interprétation. C'est très frustrant, on n'arrive pas à faire le travail qu'il faut et, donc, il nous faut des services spécialisés.
On mentionne aussi qu'il faut équiper le point de contact francophone ou anglophone de l'information sur les services francophones. Ici aussi, c'est la même chose. Le peu de services que nous avons pour les nouveaux arrivants sont très peu connus. Il faut vraiment qu'on les vulgarise davantage pour qu'ils soient utilisés comme il faut.
Ces recommandations de la recherche montrent suffisamment que nos communautés ont besoin de nouveaux services en ce qui concerne l'immigration francophone. On a besoin de renforcer les services existants et, pour cela, nous allons simplement donner deux exemples.
Tout d'abord, nous pensons qu'il faut accroître la capacité opérationnelle des services d'accueil pour que nous puissions mieux accueillir et mieux intégrer les nouveaux arrivants. Je donnerai un exemple. Nous aimerions qu'on puisse étendre à toute la communauté en situation minoritaire le service de réinstallation, une expérience qui a été vécue par le Manitoba, qui réussit très bien la réinstallation des réfugiés francophones. Cette expérience a été vécue par le Manitoba et on réussit très bien. On devrait donc étendre cela à toutes les autres communautés.
Par ailleurs, je peux vous dire combien nous avons été frustrés lorsqu'on a accueilli les Syriens. Nous qui sommes à l'accueil, on nous a presque oubliés. Nous étions comme des acteurs, des observateurs alors que nos collègues anglophones étaient en train d'accueillir les Syriens alors qu'il y avait des Syriens francophones dans le groupe. Ceux-ci sont reçus par la communauté majoritairement anglophone et sont donc coupés de nos communautés d'accueil. Nous pensons qu'il faudrait vraiment qu'on puisse voir un peu. Même les réfugiés francophones, lorsqu'ils arrivent, sont reçus par la communauté anglophone, on ne les dirige pas vers nos communautés. Pourtant, nous avons les capacités de pouvoir les aider. Cela les amène à s'assimiler à la majorité.
Le second point est la...
Monsieur Bahaya, comme le temps passe, je suggère que vous développiez votre second point lorsque les membres du Comité poseront leurs questions.
Enfin, nous allons passer au Réseau pour le développement de l'alphabétisme et des compétences, qui est représenté par M. DesRoches et Mme Lopez.
Comme je l'ai dit, vous disposez d'environ cinq minutes pour faire votre présentation.
Monsieur le président, messieurs les vice-présidents, membres du Comité permanent des langues officielles, permettez-moi de vous raconter une histoire.
Lundi matin, à 6 heures, le réveille-matin sonne. Marie-Lise et Adrien se lèvent pour commencer leur journée. La routine matinale est importante pour partir du bon pied. Marie-Lise prépare d'abord le petit-déjeuner. Ce matin, ce sera du gruau, des fruits frais, du lait pour les enfants et du café pour les adultes. Elle a choisi cette marque de gruau car, en consultant l'emballage, elle a noté avec satisfaction la faible teneur en sucre et en gras. Trop de sucre tôt le matin ferait que le chauffeur d'autobus se plaindrait que les enfants sont agités. Pour réussir sa recette, elle a utilisé une tasse à mesurer. Chaque portion de 28 grammes de gruau requiert 150 millilitres d'eau. Elle a donc besoin de 600 millilitres d'eau, soit un peu plus de deux tasses.
La fin de semaine, quand la famille a plus de temps, ce sont les enfants qui ont la responsabilité de mesurer les ingrédients. Comme elle l'a appris lors des séances d'alphabétisation familiale, il est bon de leur faire pratiquer de tels calculs. Il faut aussi faire attention en servant les portions individuelles. Si celles-ci sont divisées de façon inégale, cela pourrait faire des jaloux parmi les enfants, n'est-ce pas?
Adrien, pour sa part, s'assure de réveiller les enfants. Il voit à ce qu'ils soient habillés et attablés devant leur petit-déjeuner au plus tard à sept heures. La famille prend alors quelques minutes pour réviser verbalement l'horaire de la journée. Puis, à 7 h 30, l'autobus scolaire vient chercher les enfants pour les amener à l'école. C'est à ce moment que Marie-Lise et Adrien quittent la maison pour aller travailler.
Parce qu'ils ont toujours eu un emploi depuis leur arrivée au Canada, il y a huit ans, ils trouvent qu'ils ont de la chance. Marie-Lise est employée comme chef d'équipe dans une usine de transformation de poisson. Son équipe est composée de six personnes. Son groupe est responsable de l'emballage du poisson. Le travail lui-même est largement automatisé, mais il faut garder l'oeil ouvert car il arrive parfois que le système informatique tombe en panne. Il faut alors effectuer une série d'opérations informatiques pour remettre le système en marche, tout en continuant l'emballage de façon manuelle.
De son côté, Adrien travaille comme concierge dans un centre scolaire-communautaire. À son arrivée au Canada, son niveau de langue n'était pas suffisant pour travailler en français. Tout de suite, il s'est inscrit à des cours de mise à niveau offerts dans sa communauté d'accueil. En six mois, il a terminé sa formation linguistique et a même suivi une série de cours sur les matières dangereuses utilisées en milieu de travail. Il a alors décroché son premier emploi. Depuis sept ans, il a obtenu un certificat avancé en gestion des matières dangereuses. C'est maintenant lui qui met à jour annuellement le manuel de formation des concierges. De plus, il s'assure de rédiger toutes les nouvelles procédures nécessaires.
Pour vous et moi, l'histoire de Marie-Lise et Adrien n'a absolument rien d'extraordinaire. Cela pourrait se passer dans n'importe quelle ville ou village au Canada. En fait, l'histoire est fictive. Non seulement Marie-Lise et Adrien ne sont-ils pas de vraies personnes, mais la réalité de leur situation est également fictive. Les chances que deux adultes immigrants francophones possèdent un tel niveau d'alphabétisme et puissent maîtriser les neuf compétences jugées essentielles pour fonctionner dans notre société basée sur le savoir ne sont pas aussi bonnes qu'on pourrait le croire.
Lorsqu'on parle des compétences essentielles, de quoi s'agit-il exactement?
Il s'agit de la lecture, de la rédaction, de l'utilisation de documents, du calcul, de l'informatique, de la capacité de raisonnement, de la communication verbale, du travail d'équipe et de la formation continue.
Selon des enquêtes internationales portant sur l'alphabétisme, l'alphabétisation et les compétences des adultes, le pourcentage de la population canadienne âgée de 16 à 65 ans dont la performance est inférieure aux niveaux nécessaires pour être fonctionnel dans nos sociétés basées sur le savoir se situe autour de 42 %. Ce pourcentage demeure essentiellement le même depuis le milieu des années 1990. Chez les francophones de l'Ontario et du Manitoba, il se situe autour de 55 % et il est d'environ 65 % au Nouveau-Brunswick.
Dans un monde où le flot d'information est devenu constant et où l'accélération des transformations technologiques se fait à la vitesse de l'éclair, les enjeux reliés aux compétences essentielles sont majeurs et ont un impact direct sur le développement économique, social et culturel du pays.
Le RESDAC, soit le Réseau pour le développement de l'alphabétisme et des compétences, que je représente devant vous aujourd'hui, est à l'heure actuelle le seul organisme national encore existant, anglophone ou francophone, au pays.
De nombreux organismes ont dû fermer leurs portes au cours des dernières années.
Notre organisme est le seul à être encore ouvert. Nous soutenons le développement de l'alphabétisme et des compétences au Canada. Notre clientèle est composée d'adultes francophones, plus particulièrement ceux qui possèdent de faibles niveaux d'alphabétisme.
Notre organisme est l'un des 42 organismes qui font partie du Forum des leaders de la francophonie. Nous sommes probablement le seul de ce groupe à ne pas avoir de financement de base. Nous avons déjà eu un tel financement dans le passé, mais lorsque le gouvernement a voulu encourager les ministères à assumer leurs responsabilités, il y a eu transfert vers Emploi et Développement social Canada, et le financement de base n'était pas là.
Si nous existons encore, c'est que, pendant des années, nous avons généré des fonds autonomes que nous avons accumulés dans un fonds de réserve, justement pour nous permettre de continuer à accomplir notre mandat. Bien que nous ayons réduit au minimum nos activités, nous épuiserons notre réserve au mois de mars 2017.
La notion de littératie englobe l'alphabétisme et le développement des compétences essentielles, génériques, techniques et langagières. En ce qui concerne la littératie des francophones vivant en situation minoritaire, il y a des obstacles de taille: le niveau de scolarité; l'accès à l'éducation; la ruralité; la petite taille des communautés francophones en situation minoritaire; l'accès à la formation à cause de la distance physique, par exemple dans le Nord de l'Alberta; les limites du financement. Il y a aussi la diversité des besoins des communautés et des apprenants. Il faut une approche centrée sur l'apprenant et qui répond à ses besoins. Il y a d'autres obstacles comme la peur ou la méconnaissance des technologies et l'offre limitée de formation.
Pourtant, les avantages de la littératie sont clairs. Les revenus augmentent, le chômage diminue, la productivité et le produit intérieur brut augmentent, la santé s'améliore, la confiance sociale augmente, la participation citoyenne s'accroît, la participation bénévole augmente, le capital culturel s'enrichit, la transmission langagière et culturelle s'effectue d'une génération à l'autre. Pour assurer la pérennité de nos communautés vivant en situation minoritaire, on sait bien que la transmission de la langue est essentielle.
Revenons à l'histoire de Mare-Lise et d'Adrien.
On pourrait dire qu'ils font partie des 55 % de francophones chanceux qui vivent en situation minoritaire. En tant qu'immigrants francophones au Canada, ils ont réussi à faire leur petit bout de chemin au cours de leurs huit années de résidence parmi nous. Non seulement ils ont des emplois à la hauteur de leurs compétences, mais ils mettent celles-ci à profit quotidiennement. Non seulement ils savent lire et écrire, mais ils sont capables de décortiquer l'information nutritionnelle du gruau. Ce sont ces compétences au jour le jour qu'on a besoin d'acquérir et d'utiliser. Il faut savoir choisir les bons produits pour faire grandir sa famille en santé.
Marie-Lise est aussi en mesure de faire les calculs nécessaires pour sa recette. Ensemble, les membres de sa famille sont capables d'avoir une conversation au sujet de l'horaire de la journée, ce qui assure la transmission de la langue française aux enfants.
Dans leur emploi respectif, Marie-Lise et Adrien sont capables de se servir de la technologie, de résoudre des problèmes, de démontrer leur capacité de travailler en équipe, en plus de s'engager envers leur formation continue. Dans le cas particulier d'Adrien, il a accès à des cours de français. N'en devrait-il pas être ainsi pour tous les Canadiens et toutes les Canadiennes d'expression française?
Vous, les députés, vous connaissez ces Canadiens et ces Canadiennes; vous les rencontrez quand vous faites vos tournées. Ce sont vos électeurs. Vous les rencontrez dans les activités locales. Ils sollicitent votre aide, j'en suis sûr, ainsi que celle des municipalités et des députés provinciaux.
Les gens qui sollicitent de l'aide ont déjà un niveau de compétences leur permettant d'interagir avec vous dans le cadre du système. Cependant, il y a toute une strate de la société qui n'a pas ces compétences. Je pense que nous avons le devoir d'appuyer aussi ces gens dans le développement de leurs compétences.
Puisque l'immigration francophone est considérée comme le moyen prioritaire et privilégié d'assurer la pérennité des communautés francophones en situation minoritaire et que l'alphabétisme et le développement des compétences sont considérés comme des clés importantes de la prospérité économique, sociale et culturelle de ces communautés francophones, j'en viens à parler des demandes du RESDAC.
Dans la nouvelle feuille de route pour les langues officielles — peu importe le nom qu'on lui donnera —, il y aura un nouveau volet sur le développement. Nous souhaiterions que ce volet comprenne le développement de l'alphabétisme et des compétences et qu'il traite des compétences chez les immigrants.
Nous voudrions aussi une stratégie pancanadienne pour le développement de l'alphabétisme et des compétences, une stratégie continue d'éducation et de formation tout au long de la vie des adultes francophones, et un réinvestissement dans les services locaux liés aux diverses ententes et transferts. Il y a toutes sortes d'ententes fédérale-provinciales qui peuvent financer des activités de cet ordre. Toutefois, il est nécessaire que le gouvernement fédéral fasse son travail de chien de garde.
Je dois vous arrêter, monsieur DesRoches.
Il nous faut commencer immédiatement la période de questions et de commentaires.
Merci beaucoup de votre présentation.
Je demanderai aux députés de bien mentionner à qui ils posent leurs questions, car nous avons trois groupes devant nous, ce matin.
La parole est d'abord à Mme Boucher pour une période de cinq minutes.
Merci, monsieur le président.
Bonjour.
Merci d'être ici avec nous. C'est très intéressant de vous écouter et, surtout, d'essayer de comprendre votre réalité. Je suis du Québec, où la réalité est autre.
Je vais poser trois questions. L'une s'adressera à la représentante de l'Alliance des femmes de la francophone canadienne, la deuxième à M. Bahaya et l'autre à M. DesRoches.
Depuis plusieurs semaines, nous avons entendu souvent des groupes francophones nous dire que leur financement avait été coupé et cet argent versé plutôt à des groupes anglophones qui aident les immigrants francophones dans leur milieu. Cela est-il arrivé à l'AFFC et au CAE du Nord de l'Alberta?
En ce qui vous concerne monsieur DesRoches, j'aimerais savoir à combien s'élevait votre financement de base, et depuis combien de temps il vous a été retiré.
Merci beaucoup de votre question.
Je suis Blandine Ngoga Tona.
En effet, il y a eu beaucoup de coupes dans le financement des groupes de femmes. En ce moment, seulement cinq groupes sur les douze que nous représentons reçoivent du financement. En ce qui concerne les autres, le travail est effectué par des bénévoles, et cela, pour deux raisons. Premièrement, la plupart du temps, on nous dit que ce n'est pas pertinent de financer les groupes de femmes. Deuxièmement, on nous demande de nous adresser à Condition féminine Canada.
Toutefois, généralement, pour ce faire, il faut avoir un projet. Pour que nous puissions élaborer des projets, il faudrait avoir au moins un employé qui puisse faire ne serait-ce que le travail préliminaire de réunir les éléments nécessaires. Si nous n'avons même pas le financement de base, comment pouvons-nous réunir des femmes et évaluer dans quelle mesure nous allons élaborer un projet qui réponde spécifiquement à leurs besoins?
C'est contre-productif si, au bout du compte, nous ne recevons même pas le financement de base.
Je vous remercie de la question.
En ce qui touche le financement, je vais vous présenter deux situations. La première est celle d'un organisme de la région de Fort McMurray qui dispensait des services à l'employabilité aux francophones. Son financement a été coupé et l'argent dirigé vers des organismes anglophones. Ce service en français a presque disparu.
Je me souviens que, lors du congrès annuel de notre communauté, cette question a été évoquée. C'est un cas précis que vous pouvez vérifier. Dans le moment, les francophones qui arrivent à Fort McMurray pour chercher du travail doivent se diriger vers un organisme anglophone alors que, pendant très longtemps, notre communauté offrait ces services et cela se passait très bien.
Je parle dans mon texte de la deuxième situation. Il s'agit d'une coupe indirecte, en ce sens où l'on finance des postes francophones au sein d'organismes anglophones, pour nous empêcher de donner des services en français. Nous croyons que ces fonds devraient être dirigés vers les organismes francophones, pour que nous puissions nous-mêmes offrir les services. C'est pourquoi nous utilisons tous les jours le slogan dont ma collègue s'est servi tout à l'heure: « Nous voulons des services offerts par et pour les francophones. »
Pourquoi aller financer le poste d'un parlant français? Un parlant français dans un organisme anglophone n'est pas un francophone. Il se limite pratiquement à l'interprétation, mais il ne va pas tisser des liens entre ces immigrants et la communauté.
Or, dans le cadre d'un processus d'établissement et d'intégration, la communauté est vraiment la sève qui permet à la personne qui arrive dans un pays de pouvoir s'épanouir dans sa communauté. Une fois membre de sa propre communauté francophone, elle va aussi intégrer la grande communauté majoritaire.
Cette question ne m'a pas été posée directement, mais il s'agit de la même réalité. Le Bureau de l'alphabétisation et des compétences essentielles a fait un appel d'offres pour des initiatives de développement de l'alphabétisme. On ne précisait pas qu'il fallait que ce soit des groupes francophones qui offrent des services en français. Donc, il y a eu des groupes anglophones de l'extérieur du Québec qui ont reçu du financement pour offrir des services en alphabétisme en français.
Quant au financement de base, il se situait entre 400 000 $ et 600 000 $ par année. La dernière subvention remonte à 2013.
Merci beaucoup.
Bonjour, madame Ngoga Tona. Ma question porte sur le financement de base attribué à l'Alliance des femmes de la francophonie canadienne. Quel financement de base votre organisation reçoit-elle des gouvernements?
Ce financement a été réduit et continue de l'être chaque année. L'année dernière, nous avons reçu 284 000 $ et cette année, 275 000 $. Il y a deux ans, nous avions reçu presque 300 000 $, et 500 000 $ il y a de cela trois ou quatre ans. Le financement est réduit d'année en année, au point où on se demande toujours s'il sera coupé l'année suivante. C'est ce qui se produit depuis presque deux ans. Donc, le financement est passé de presque un million de dollars à 500 000 $, 300 000 $, 284 000 $ et maintenant 275 000 $.
Donc, c'est votre financement de base.
J'aimerais maintenant parler de la feuille de route. Avez-vous bénéficié directement des programmes ou du financement de la feuille de route?
Oui, nous avons reçu du financement de base par l'entremise du programme des langues officielles de Patrimoine canadien.
Quels sont les chiffres pour la feuille de route?
Quelles sont les réussites obtenues avec la feuille de route?
C'est uniquement pour notre projet relatif à la transmission la langue maternelle dans un contexte exogame que nous avons obtenu du financement de Patrimoine canadien.
Pourriez-vous nous décrire les réussites obtenues avec la feuille de route au niveau de la programmation de votre organisation?
Certainement.
Comme je l'ai mentionné, l'Alliance des femmes de la francophonie canadienne représente 12 groupes de femmes des quatre coins du Canada et beaucoup de ces groupes ont des projets, par exemple, sur la violence faite aux femmes. Près de 100 femmes par année bénéficient de services à cet égard.
Concernant l'exogamie, l'Alliance a mis en place un projet intitulé « FrancoZone » notamment au Yukon, en Colombie-Britannique, en Alberta et en Nouvelle-Écosse. Outre nos organismes, d'autres groupes de femmes utilisent ce programme pour voir comment on peut favoriser les activités des femmes de couples exogames qui transmettent le français, leur langue maternelle, à leurs enfants.
Nous avons aussi un programme de mentorat pour encourager les jeunes femmes francophones à devenir des leaders dans leur communauté. Je pense que nous avons démontré aux différents niveaux de la feuille de route que notre programmation répond aux exigences des langues officielles.
Merci.
Nous sommes tous conscients de l'importance de l'accès aux services en français lorsque le français est notre langue maternelle, que ce soit pour les services sociaux, les soins de santé.
Dans le cas des services touchant la violence faite aux femmes, comment se compare l'offre de services en français à celle des services en anglais dans votre communauté?
Je vais prendre l'exemple du Manitoba où je vis. Malheureusement, il n'y a pas au Manitoba de logements de première étape pour les femmes francophones qui vivent une situation de crise ou de conflit. Les femmes francophones n'ont pas non plus accès à un service téléphonique d'intervention en situation de crise. Autrement dit, ces femmes en situation de crise ou de conflit doivent nécessairement s'adresser à un organisme anglophone. Il n'y a pas non plus d'employés bilingues dans cet organisme, mais il semble qu'on a l'intention d'en recruter si l'organisme obtient le financement nécessaire. Au besoin, on a recours aux services de bénévoles ou d'interprétation. Personnellement, j'y ai souvent fait du bénévolat ainsi qu'au centre de deuxième étape pour les femmes victimes de violence.
Malheureusement, cet organisme ne peut recevoir dans ses installations que 10 personnes à la fois. Avec 40 personnes en attente d'un logement par année, la liste d'attente pour un logement est longue si l'on considère que 80 % de la clientèle sont de nouvelles arrivantes francophones. Notre situation est critique, non seulement à la première étape, mais également en ce qui concerne les structures de soutien pour les femmes francophones en général et les femmes francophones immigrantes en particulier.
Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être présents aujourd'hui.
C'est très intéressant et très enrichissant. Je viens moi-même du monde de l'éducation. L'éducation va de la petite enfance jusqu'au monde adulte. Vous avez parlé des compétences de base. Or les immigrants — et je parle ici des nouveaux arrivants — ne possèdent pas tous les compétences de base lorsqu'ils arrivent au Canada. On peut penser ici aux réfugiés francophones. Il est très intéressant de pouvoir leur offrir ces compétences de base à leur arrivée.
Monsieur DesRoches, vous avez dit ne plus recevoir de financement de base depuis 2013. Vous continuez malgré tout, grâce à vos réserves, à offrir des services.
Si vous n'avez plus de financement de base, à qui ce financement a-t-il été octroyé?
Je vais tenter une réponse. C'est une bonne question, mais je ne sais pas à qui a été alloué ce financement de base.
Notre financement de base provenait au départ du Bureau de l'alphabétisation et des compétences essentielles, mais ce dernier a décidé de ne plus offrir de financement de base aux organismes nationaux ou aux coalitions provinciales. Cette décision a été mise en vigueur à partir de 2013.
En outre, le Bureau a réorienté ses services de façon à ne répondre qu'aux besoins du marché du travail. Or quand nous parlons de développement de l'alphabétisme et des compétences, nous parlons aussi de la famille, de la communauté, de la participation citoyenne et des parents qui, à ce titre, ont des compétences qui leur permettent d'appuyer le développement de leurs enfants, et ainsi de suite. Nous parlons aussi du travail, mais pas uniquement de cela. Présentement, le Bureau a vraiment une approche différente, que nous ne comprenons pas très bien. Il fonctionne un peu comme une entreprise privée qui veut choisir ses partenaires et fonctionner uniquement en fonction du développement du marché du travail.
Il ne s'agit vraiment pas d'une approche qui vise à soutenir les communautés de langue officielle en situation minoritaire.
Il a peut-être cet objectif, mais seulement dans une perspective économique, arrimée au marché du travail.
On parle souvent de l'approche « par et pour »; or ces services sont-ils offerts par les communautés de langue officielle en situation minoritaire?
Oui, c'est généralement le cas. Nous pouvons encore obtenir du financement par projet, mais il ne provient pas toujours du Bureau de l'alphabétisation et des compétences essentielles. Nous recevons parfois du financement de nos membres, dans les provinces et territoires, par l'entremise de leurs propres organismes gouvernementaux, et ce, dans le cadre d'ententes...
Vous arrivez à obtenir du financement par projet, mais vous n'avez plus de financement de base.
Qu'est-ce que cela a comme conséquences, dans votre réalité quotidienne?
Je suis également président du Collège Acadie, qui est situé à l'Île-du-Prince-Édouard. Il s'agit d'un organisme « à deux têtes » comme on en trouve dans les communautés de langue officielle. Nous offrons des programmes d'alphabétisation, mais aussi des programmes collégiaux.
Pour l'offre de services à l'Île-du-Prince-Édouard, nous recevons un montant dans le cadre des Ententes sur le développement du marché du travail, mais ce montant n'est pas suffisant pour offrir tous les services aux adultes apprenants francophones de l'Île-du-Prince-Édouard. Il nous faut donc jouer avec le financement par projet, sur le territoire. Nous pouvons soumettre un projet à un ministère ou à un autre, mais le service n'est pas centré sur les besoins de l'apprenant.
En ce qui a trait au financement de base, pour un organisme comme notre petit collège, à l'Île-du-Prince-Édouard, le RESDAC est essentiel quant à la veille stratégique sur les nouvelles approches. On parle ici de manières plus rapides d'amener l'apprenant à acquérir des compétences pour le marché du travail, des compétences essentielles ou des compétences en alphabétisation familiale permettant d'assurer la transmission de la langue.
Nous n'avons pas vu les gens du RESDAC, face à face, depuis 2014. Tout se fait par téléphone, vidéoconférence ou autres moyens. C'est bien beau les vidéoconférences, mais je connais Mme Ngoga Tona, et c'est d'autant plus intéressant qu'elle soit ici avec nous. Cela dit, c'est la réalité de notre pays.
Pour notre part, nous voulons connaître les meilleures pratiques du monde en matière d'éducation des adultes. Le RESDAC, de son côté, passe d'un projet de littératie juridique à un projet de littératie en santé, puis à un autre projet. Cela répond à des besoins, mais ce n'est pas centré sur le besoin holistique de l'apprenant. On saute d'une chose à l'autre, et il n'y a pas de continuité dans le travail qu'on fait.
Merci à tous et à toutes d'être ici aujourd'hui. J'ai apprécié vos présentations.
Notre comité met l'accent sur deux choses extrêmement importantes, dont il parle depuis des années: l'immigration en milieu minoritaire et la feuille de route qui le guide dans ses travaux.
J'ai quelques brèves questions. Je vais commencer par m'adresser à vous, monsieur Bahaya.
Vous avez dit que l'objectif de 5 % est loin d'être atteint. Selon vous, quel est le problème? Quelle est la solution? Si vous étiez président de ce comité et que je vous donnais tous les fonds nécessaires, que feriez-vous?
Il faut qu'il y ait une volonté politique. Je suis content que vous me posiez la question en tant que député, parce que c'est vous qui allez faire le travail.
Vous avez le pouvoir d'influencer les décisions des ministères pour qu'ils atteignent les objectifs. De mon côté, je gère des projets. Quand je présente une demande de financement, on me donne des objectifs. Lorsque je n'atteins pas ces objectifs, on me sanctionne. Ici, il n'y a pas de sanctions, et c'est pour cela que la situation est restée la même.
Si je dis que je vais servir 1 000 clients, on me donnera un million de dollars. Si, à la fin de l'année, je n'ai pas servi 1 000 clients, on prendra des fonds sur le million de dollars de l'année prochaine, ce qui me permettra de les servir.
C'est un problème d'équité. Nous nous sentons un peu frustrés parce qu'on nous oublie. La solution serait d'envoyer davantage de francophones dans les communautés en situation minoritaire, comme on l'a promis, et de donner des moyens aux organismes qui donnent des services à ces gens.
Je vous demanderais de répondre en cinq secondes à ma prochaine question.
Des représentants du ministère nous ont présenté leur stratégie ou leur plan d'action. Ils nous ont dit qu'il y a des gens qui s'occupent uniquement du dossier de l'immigration francophone. Les connaissez-vous bien?
Merci.
J'adresserais à M. DesRoches deux questions importantes sur l'alphabétisation.
Prenons le cas d'un francophone ou d'un Acadien de 45 ans qui n'a pas eu accès à des écoles françaises. Pourriez-vous lui offrir des services, et jusqu'à quel point? Quels problèmes pourraient se poser?
La situation varie beaucoup d'une province à l'autre. Au Nouveau-Brunswick, il y a un programme d'alphabétisation tant dans la communauté qu'au niveau collégial. Dans d'autres provinces, notamment en Colombie-Britannique, il y a de grandes lacunes par rapport à l'accès à ces services.
Concernant le francophone de 45 ans que vous avez donné comme exemple, il ne faut pas oublier qu'il n'a peut-être jamais eu accès à une éducation en français, parce qu'à l'époque, ce droit n'était pas inscrit dans la Charte . Même si cette personne a 45 ans aujourd'hui, si ses parents sont des ayants droit, selon nos conseillers juridiques, il y a une obligation constitutionnelle de lui offrir des services.
Ce n'est pas sa faute s'il a décroché de l'école à 15 ou à 16 ans et s'il n'a pas eu accès à une école de langue française dans sa communauté. C'est vraiment la cause de son problème d'alphabétisme aujourd'hui. Les services n'ont pas été rendus au moment où ils devaient l'être. Selon nos conseillers juridiques, il y a une obligation constitutionnelle en vertu de l'article 23 de s'assurer que ces gens ont accès à des services.
Jusqu'ici, la question de l'alphabétisation et de développement des compétences a été vue comme quelque chose qu'il était bien d'avoir, s'il y avait du financement pour cela. Cependant, ce n'est pas traité avec le sérieux avec lequel on traite l'éducation primaire et l'éducation secondaire, qui sont protégées par la Charte.
Quand notre financement de base a pris fin, nous avons établi une stratégie en trois temps pour savoir ce que nous allions faire pour que les francophones en situation minoritaire aient accès à des services d'alphabétisation en français.
Nous avons déposé une plainte au Commissariat aux langues officielles sur le processus de consultation du Bureau de l'alphabétisation et des compétences essentielles, parce que nous ne nous sommes pas sentis respectés comme francophones dans le processus de consultation. On nous a peut-être consultés sans que nous nous en rendions compte. Nous n'avons pas encore reçu le rapport du Commissariat. Il nous sera envoyé cette semaine, semble-t-il.
Nous avons aussi demandé quelques avis juridiques pour savoir, en vertu de l'article 20 et de l'article 23 de la Charte, quelle serait la base...
Vous n'en avez déjà plus. Merci beaucoup, monsieur Samson.
En terminant, je vais permettre trois questions courtes, en commençant par M. Arseneault, qui sera suivi de Mme Lapointe et de M. Généreux.
Monsieur Arseneault, vous avez la parole. Veuillez poser une question courte.
Je prierais les témoins de répondre par une réponse courte.
Monsieur DesRoches, j'ai été étonné, plus tôt, par le pourcentage — 65 % — des gens du Nouveau-Brunswick qui ne répondent pas aux critères de compétences de base en littéracie, en numératie et en informatique que vous évoquiez. Je résume.
Pouvez-vous contextualiser cette statistique? Dans quel contexte ce pourcentage de 65% est-il apparu?
Cela provient d'études internationales. Ces enquêtes ont été faites par l'Organisation de coopération et de développement économiques, ou OCDE, partout dans le monde, sur les compétences de niveau 1 à 5.
Ce pourcentage est plus élevé chez les francophones que chez les anglophones au Nouveau-Brunswick. En Ontario, la différence n'est pas aussi marquée, mais au Nouveau-Brunswick, elle l'est beaucoup.
Récemment, Statistique Canada a fait une analyse plus poussée des données du Programme pour l’évaluation internationale des compétences des adultes, le PEICA. Lors de la dernière enquête internationale, qui date de 2013, on a fait une analyse particulière pour le Nouveau-Brunswick. Nous leur avions demandé de le faire pour l'Ontario et ils l'ont aussi fait pour le Nouveau-Brunswick. Je vous les enverrai aussi.
J'aimerais poser une question à Mme Ngoga Tona.
Vous avez dit que les services de garde n'étaient pas disponibles en français. Quels sont les problèmes causés par ce manque de services de garde en français?
Les listes d'attente sont très longues. Il n'y a pas assez de services de garde. Mes enfants ont 4 et 6 ans et leurs noms figurent sur la liste d'attente depuis des années. Les enfants ont donc dû fréquenter des garderies anglophones et il a fallu les refranciser lorsqu'ils sont allés à l'école. Les listes d'attente sont très longues.
C'est la situation d'un seul parent. L'offre n'est pas suffisante pour répondre à la demande des parents francophones. Je ne parle que de la situation dans la ville de Winnipeg. Si nous recueillions des données dans tout le Canada, je pense que nous constaterions que beaucoup plus de parents en milieu minoritaire n'ont pas accès aux garderies francophones.
Puis-je continuer?
Monsieur Bahaya, j'aimerais vous poser une question, rapidement, en ce qui a trait à l'immigration et au taux de rétention des francophones en situation minoritaire. Avez-vous pu calculer combien de personnes restaient dans les milieux francophones?
Je n'ai pas les chiffres exacts, mais en Alberta, je pense que le taux de rétention est de 90 %. Nous sommes contents parce que très peu de gens partent malgré le contexte économique actuel de l'Alberta. Nous continuons à recevoir des clients. Nous avons atteint nos cibles, il n'y a pas eu de baisse.
Ceux qui sont présents restent. Ils bénéficient d'un petit soutien communautaire, mais celui-ci doit être renforcé. Les gens des services communautaires travaillent fort pour les aider à se sentir à l'aise, ce qui permet la rétention. Malgré les conditions économiques difficiles, ils réussissent à rester.
Merci, monsieur le président.
Monsieur Bahaya, je vais vous surnommer « monsieur reddition de comptes ». Vos propos sont très intéressants. Les organismes sont en effet contraints à rendre des comptes de façon sérieuse. En ce qui a trait aux députés, l'élection du gouvernement à tous les quatre ans constitue notre reddition de comptes, d'une certaine manière. Je trouve intéressant que vous ayez le souci de vous assurer que l'argent est dépensé de façon productive.
Le gouvernement a annoncé, lors de la dernière élection, qu'il mettrait en place des programmes d'infrastructures et il est actuellement en train de les instaurer. On parle beaucoup d'infrastructures sociales pour la petite enfance. Mme Ngoga Tona en a parlé. Sentez-vous que les francophones en milieu minoritaire ont accès à ces programmes?
Je n'en suis pas certain. Pour ce qui est des programmes d'infrastructures, je crois qu'on ne les a pas encore mis en place. Nous les attendons donc et la communauté les revendique.
Nous avons demandé qu'il y ait un centre communautaire et un centre de santé dans la ville de Calgary. Nous attendons et nous avons fait pression à cet égard. Ce programme est le bienvenu puisqu'il y a un manque flagrant d'infrastructures dans nos communautés.
Tout le monde nous en a parlé, particulièrement au sujet de la petite enfance.
Madame Ngoga Tona, tout à l'heure, vous avez beaucoup mis l'accent sur les infrastructures sociales en disant que toutes les couches sociales doivent être permises à l'intérieur de ces infrastructures.
Que vouliez-vous dire exactement?
Je vous remercie pour votre question.
À ce propos, j'aimerais qu'on reconnaisse d'abord que la francophonie actuelle est multiculturelle et qu'il faudrait une offre active où les gens seraient informés de l'existence de ces services.
Principalement, il faut faire la promotion auprès des nouveaux arrivants. Si ces structures ne reconnaissent pas cette réalité, du fait qu'on a d'abord une francophonie multiculturelle avec des personnes ayant des niveaux d'éducation et de littératie différents, très peu de personnes sauront que des services sont disponibles.
En ce qui concerne les services qui existent, ils sont très peu adaptés à la réalité et aux besoins. Combien de garderies sont disponibles? À quelle heure sont-elles ouvertes? Les femmes peuvent-elles y accéder avec des petits enfants âgés de moins de deux ans, par exemple?
Il faudrait qu'on soit conscient que s'il y a une programmation d'activités, ce ne soit pas seulement dans les garderies, mais aussi dans les centres culturels.
Il faut aussi qu'on sache que les femmes viendront avec des petits enfants. Ces structures sociales doivent répondre aux besoins, sachant que les femmes ont nécessairement besoin de garderie lorsqu'elles vont dans les activités, et sachant qu'elles auront beaucoup d'enfants. Il faut inclure un espace où ces enfants pourront avoir aussi des activités en même temps que les parents.
On ne répond pas aux besoins des parents et des femmes, ici principalement. C'est pour cela que je dis que l'infrastructure doit être réactive à la réalité des femmes, quelles qu'elles soient, peu importe la couche sociale d'où elles viennent.
Merci beaucoup, madame Ngoga Tona.
Cela met fin à la séance d'aujourd'hui. Merci beaucoup à tous nos invités. Ce furent de superbes présentations.
Merci beaucoup, monsieur DesRoches, madame Lopez, monsieur Bahaya et madame Ngoga Tona pour vos présentations.
Je tiens à indiquer aux membres du Comité que la séance de jeudi matin, alors que nous recevrons la ministre du Patrimoine canadien, aura lieu dans l'édifice du Centre. Il faut donc se rappeler que la séance aura lieu à cet endroit et qu'elle sera télédiffusée.
Cela met fin à la séance d'aujourd'hui. Merci beaucoup d'être venus nous rencontrer. Ce fut un plaisir.
La séance est levée.
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