LANG Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des langues officielles
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 3 octobre 2017
[Enregistrement électronique]
[Français]
Bonjour à tous.
Nous allons commencer assez rapidement, parce qu'un vote est prévu à la Chambre à 17 h 45. Nous allons voir comment nous pouvons répartir le temps de parole, étant donné que nous recevons deux groupes aujourd'hui et que nous devons également discuter de certains éléments entre nous.
Conformément au paragraphe 108(3) du Règlement, nous poursuivons l'étude sur les enjeux relatifs au dénombrement des ayants droit en vertu de l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés.
C'est avec plaisir que le Comité reçoit aujourd'hui M. Yvan Déry, directeur principal à la Direction générale des langues officielles à Patrimoine canadien. Nous recevons également Mme Johanne Denis, directrice générale, statistique sociale et démographie, et M. Jean-Pierre Corbeil, de la Division de la statistique sociale et autochtone, tous deux de Statistique Canada.
Messieurs, madame, je vous souhaite la bienvenue.
Je crois que chacun d'entre vous a une courte présentation à faire. Ensuite, comme d'habitude, nous passerons aux questions et commentaires des membres du Comité.
Nous allons commencer par M. Déry.
Je serai bref, puisque je n'ai pas vraiment de présentation.
Merci beaucoup de nous avoir invités à témoigner devant le Comité.
Le gouvernement a accueilli très favorablement votre rapport sur le dénombrement des ayants droit. Nous considérons, et ce n'est pas une nouvelle, que l'éducation est fondamentale pour la vitalité des communautés en situation minoritaire partout au pays. Donc, nous pensons que tout ce qui vient appuyer l'exercice du droit à l'éducation est important aussi. Nous avons accueilli favorablement votre rapport.
Dans notre réponse, nous avons fait état de notre volonté d'aider les gouvernements provinciaux et les conseils scolaires à mieux recenser les ayants droit en fonction de l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés. Nous avons donc demandé à Statistique Canada de définir les meilleurs moyens permettant d'avoir un dénombrement complet des ayants droit. C'est d'ailleurs dans la réponse du gouvernement.
Nous nous sommes également engagés à travailler avec Statistique Canada et d'autres partenaires dans le but d'obtenir de meilleures données concernant les communautés en situation minoritaire, notamment par une enquête postcensitaire ou par d'autres moyens qui seront à déterminer dans le cadre de la préparation du recensement de 2021.
Je vais pouvoir répondre à vos questions une fois que mes collègues auront fait leur présentation.
J'ai un court texte à vous lire.
J'aimerais d'abord remercier le Comité de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui.
Comme il est précisé dans la réponse du gouvernement au rapport du Comité permanent des langues officielles sur le dénombrement des ayants droit, Jean-Pierre Corbeil et moi-même désirons aujourd'hui réitérer le plein engagement de Statistique Canada à trouver les meilleurs moyens de recueillir des données de qualité sur les ayants droit. Nous nous engageons fermement à mettre toute notre science et notre expertise à profit afin de pouvoir répondre adéquatement à cet enjeu de grande importance. Nous nous sommes ainsi pleinement engagés à y travailler assidûment.
Cela dit, en tant qu'organisme statistique national, nous prenons notre rôle et notre responsabilité professionnelle très au sérieux. Ceux-ci consistent, d'une part, à bien comprendre les besoins en renseignements statistiques et à les traduire d'une façon scientifique et neutre, et, d'autre part, à établir un équilibre entre ces besoins, les impératifs quant à la qualité et les enjeux liés au fardeau de réponse sur la population. Statistique Canada a une longue et riche tradition ainsi qu'une réputation mondiale enviable en ce qui a trait à l'utilisation d'approches méthodologiques et d'outils novateurs pour satisfaire aux nombreux besoins en informations de nos utilisateurs de données.
En septembre 2017, nous avons procédé au lancement du processus de consultation publique sur le contenu du recensement de 2021 auprès de l'ensemble des Canadiens afin de mieux connaître leurs besoins en informations statistiques. Cette consultation est accessible en ligne et va se poursuivre jusqu'au 8 décembre 2017.
Dans le cadre de ce processus, nous avons fait parvenir une invitation personnelle à remplir le questionnaire de consultation en ligne aux divers intervenants et associations qui avaient fait parvenir une lettre au ministre Navdeep Bains au sujet de l'importance de recueillir des données probantes pour évaluer les besoins en matière d'éducation dans la langue officielle minoritaire. Nous travaillons également avec le personnel des bureaux régionaux de Statistique Canada, ainsi qu'avec les coordonnateurs statistiques des provinces et des territoires afin d'assurer la meilleure représentation possible des besoins et de l'utilisation des renseignements issus du recensement.
Nous avons également planifié une réunion de travail sur la question entre Statistique Canada et la direction de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, laquelle se tiendra le 11 octobre prochain. L'objectif est d'assurer une pleine transparence et de discuter des meilleurs moyens de mettre en commun les informations concernant l'évolution du dossier avec les représentants communautaires des provinces et des territoires.
À la suite de la consultation publique et de l'évaluation des besoins selon le cadre de détermination du contenu du recensement, tout changement proposé au contenu du recensement de la population va faire l'objet d'une évaluation rigoureuse, y compris des tests qualitatifs et quantitatifs, selon les standards élevés de Statistique Canada.
À ce stade-ci, personne ne peut prévoir les résultats des tests du questionnaire du recensement. Je souhaiterais vivement pouvoir vous dire aujourd'hui que les résultats seront positifs, mais on ne pourra pas le savoir tant et aussi longtemps qu'une analyse rigoureuse de ces résultats n'aura pas été effectuée.
Vous vous rappellerez sans doute que le processus par lequel les questions du recensement de la population sont approuvées est déterminé par la législation, plus précisément par la Loi sur la statistique. Lors de notre comparution précédente, nous vous avions parlé de l'article 21 de la Loi, qui prévoit que « [l]e gouverneur en conseil prescrit, par décret, les questions à poser lors [de tout recensement par Statistique Canada] ». Afin de faire en sorte que le public canadien soit informé de cette décision, la Loi exige également que les questions soient publiées dans la Gazette du Canada, au plus tard 30 jours après que le décret a été prononcé.
En se fondant sur les consultations publiques et sur les résultats d'un processus rigoureux de tests et d'évaluations, Statistique Canada présentera ses recommandations concernant le contenu du questionnaire du recensement au ministre responsable de Statistique Canada, c'est-à-dire le ministre de l'Innovation, des Sciences et du Développement économique. Les recommandations concernant le contenu du recensement seront prises en considération par le Cabinet au cours de l'automne 2019 et de l'hiver 2020, afin que les questions soient publiées dans la Gazette du Canada au plus tard au printemps 2020. Un tel calendrier des activités est nécessaire afin que tous les systèmes et les processus soient adéquatement mis au point, testés et terminés à temps pour la collecte qui débutera au milieu de l'année 2021.
Parallèlement au processus du recensement, nous travaillons en étroite collaboration avec nos collègues du ministère du Patrimoine canadien afin d'examiner les options permettant de recueillir des données additionnelles sur les minorités de langue officielle, y compris une nouvelle enquête postcensitaire sur le sujet. La question des ayants droit porte, bien entendu, sur l'admissibilité, mais également sur les intentions des parents ayants droit de fournir une éducation à leurs enfants dans la langue officielle minoritaire. À cet égard, il serait important de recueillir également de l'information sur les intentions, les motivations et les obstacles, ce que permettrait la tenue d'une enquête postcensitaire.
Le 10 novembre prochain, nous rencontrerons également les membres du Comité de gestion stratégique du Conseil des statistiques canadiennes de l'éducation afin d'examiner l'utilisation potentielle de leurs données administratives sur les inscriptions scolaires en vue du dénombrement des ayants droit au Canada.
De plus, comme il est recommandé dans le rapport du Comité permanent des langues officielles, Statistique Canada est en train de mettre sur pied un comité consultatif dont les objectifs seront non seulement d'examiner et de fournir des avis d'expert à Statistique Canada concernant les meilleures façons de recueillir des données fiables sur les ayants droit, mais également de fournir des avis externes sur la statistique linguistique en général. Ce groupe de travail devrait comprendre des experts reconnus du milieu universitaire dans le domaine de la statistique linguistique, des droits et des politiques linguistiques, ainsi que des représentants clés du milieu associatif. Puisqu'il s'agit d'un comité consultatif pour Statistique Canada, les membres seront approuvés par le statisticien en chef du Canada. La première rencontre de ce comité consultatif est prévue pour le mois de novembre 2017.
Comme vous pouvez le constater, Statistique Canada s'engage à être proactif à l'égard de cette question importante et prend son rôle et ses responsabilités très au sérieux.
Je vous remercie.
M. Jean-Pierre Corbeil et moi-même répondrons volontiers à vos questions sur le sujet.
Merci beaucoup, madame Denis.
Nous commençons immédiatement le premier tour de questions et commentaires.
Je demanderais à mes collègues de préciser à qui ils posent leurs questions ou adressent des commentaires.
Monsieur Généreux, vous avez la parole.
Merci, monsieur le président.
Je remercie les trois témoins d'être ici aujourd'hui.
C'est intéressant d'entendre la réponse de Statistique Canada aux inquiétudes qui ont été soulevées par l'ensemble des témoins que nous avons entendus lors de nos réunions.
Monsieur Corbeil, vous êtes déjà venu nous rencontrer et je me souviens de la conversation que nous avions eue. Nous avions discuté du nombre limité de questions qu'on pouvait mettre dans le recensement. On ne peut pas ajouter des questions au recensement comme on le veut. Si on modifie le questionnaire du recensement pour y ajouter des questions concernant les ayants droit, cela pourrait prendre la place de questions supplémentaires sur d'autres secteurs d'activité et même sur la francophonie.
Sans connaître à l'avance, comme Mme Denis vient de le dire, le résultat des consultations que vous allez faire, êtes-vous en mesure de nous dire si l'on pourra ajouter des questions au recensement?
Madame Denis, vous avez dit ne pas savoir si la consultation sera positive ou négative, mais de mon côté, je suis à peu près convaincu qu'elle sera positive. Le contraire serait très surprenant, d'après ce que nous avons entendu lors des consultations.
Si l'on ajoute des questions sur les ayants droit, cela aura-t-il pour conséquence que certaines questions sur d'autres secteurs devront être retirées du questionnaire?
C'est un art de formuler les questions du recensement de façon concise afin qu'elles soient acceptées par la population. Sur le plan du fardeau de réponse, vous avez tout à fait raison.
Nous avons examiné toute l'information recueillie lors de nos consultations. Nous avons un cadre pour l'établissement du contenu. Ce cadre nous permet de déterminer si une question donnée est nécessaire sur le plan législatif ou par rapport à des programmes ou à des politiques. Ensuite, nous équilibrons le tout. C'est un exercice que nous faisons continuellement. Si des questions supplémentaires sont nécessaires, nous allons les mettre dans le questionnaire, mais il y aura un compromis à faire.
Cette année en particulier, nous essayons de remplacer certaines questions du questionnaire par des données administratives. Vous savez peut-être que nous avons utilisé les données fiscales cette fois-ci pour remplacer toute la série de questions sur le revenu qui figuraient auparavant dans le questionnaire, ce qui a permis de le raccourcir. En utilisant de manière accrue les données administratives quand on le peut, cela permet d'être beaucoup plus concis et d'être ouverts par rapport à l'ajout de nouvelles questions.
Je me souviens que, lors des consultations, le nombre d'éléments que les gens auraient voulu voir ajoutés au questionnaire était assez élevé. Les témoins qui ont comparu avaient des idées préconçues relativement à ce qu'ils s'attendaient à voir inclus dans le questionnaire.
Vous avez dit qu'un comité d'experts va être mis sur pied. J'imagine que ce comité va étudier l'ensemble des témoignages. Vous avez aussi dit avoir déjà entamé le processus en vue d'inviter de nouveau tous ces gens et de rencontrer tous ces experts. Je pense, par ailleurs, au commissaire aux services en français de l'Ontario...
MeBoileau avait émis des commentaires assez directs quant à ses attentes concernant l'éventualité d'ajouter de nouvelles questions. Il y aurait des répercussions potentielles, en fonction de la façon dont la question était posée ou du nombre de questions. Si on pose une question, on peut obtenir de multiples réponses. Il faut s'assurer de formuler les questions les plus pointues possible pour être en mesure de poser des gestes à la lumière des informations recueillies. Poser une question, c'est une chose, mais s'assurer d'être capable d'interpréter la réponse pour prendre des décisions par la suite en est une autre.
Je mentionnerais tout simplement que Statistique Canada est probablement l'agence ou l'organisme le mieux placé au Canada pour décider des questions, compte tenu de notre historique et de notre réputation. Des questions, nous en testons à longueur de journée. Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que la raison d'être des tests qualitatifs et quantitatifs que mène Statistique Canada, dans le cas de toute nouvelle enquête ou de toute nouvelle question, est qu'ils permettent de justement bien comprendre quelles sont les questions qui ne fonctionnent pas et quelles sont celles qui fonctionnent. Contrairement à la croyance populaire, une proportion importante de la population a parfois de la difficulté à comprendre des questions qui sont souvent simples.
Certains nous ont dit que deux questions suffisaient. Je peux vous garantir que ces deux questions ne permettraient pas de dénombrer correctement les ayants droit. C'est beaucoup plus complexe, et c'est la raison pour laquelle Statistique Canada doit mener ces tests afin de s'assurer d'avoir le meilleur libellé possible des questions.
Vous soulevez un point important, parce que, effectivement, quand les gens répondent à une question, encore faut-il qu'ils répondent correctement en fonction de la question qui leur est posée. Vous ne pouvez pas maîtriser cela, mais la simplicité des questions qui sont posées peut faire une différence. Je vous fais confiance. Je n'ai aucun doute à ce sujet.
Plusieurs témoins qui ont comparu durant les audiences de l'automne et de l'hiver derniers ont mentionné le pourcentage des ayants droits qu'ils avaient calculé. Des organismes disaient qu'ils ne recensaient même pas 50 % des ayants droit. Nous leur demandions comment ils étaient en mesure d'évaluer que 50 % des gens sont des ayants droit et ne le savent pas. Est-ce que, à l'aide du recensement, on est en mesure de recenser 100 % ou à peu près 100 % des gens qui répondent aux critères?
C'est notre objectif. Ce qu'il faut bien comprendre, et ma collègue Mme Denis l'a mentionné très clairement, c'est que nous devons absolument trouver un équilibre relativement au fardeau de réponse qui est imposé à l'ensemble des Canadiens. Je donne un exemple très simple. Doit-on poser une question sur la fréquentation possible des enfants à des écoles de la minorité, dans le but de dénombrer les ayants droit, aux personnes âgées de 75 ans et plus qui ne connaissent pas du tout le français et qui n'ont pas d'enfant à la maison depuis très longtemps?
La réponse est simple, mais si on ne le fait pas, il faut trouver une solution de rechange pour s'assurer de ne laisser personne de côté. Il faut vraiment trouver un équilibre entre les questions et le fardeau de réponse, déterminer à qui vont s'adresser ces questions afin de trouver un meilleur équilibre entre la population cible qu'on vise et le fardeau de réponse.
Merci beaucoup, monsieur le président, et merci beaucoup aux témoins de leur présence aujourd'hui.
Je vais commencer par mon ami M. Déry. Ce n'est pas que les autres ne sont pas mes amis, mais M. Déry et moi nous connaissons depuis bien longtemps.
Je saisis l'occasion de remercier et de féliciter Patrimoine Canadien d'avoir joué un rôle clé afin qu'une entente stratégique avec les conseils scolaires en milieu minoritaire, que notre comité avait recommandée, soit conclue. C'est certainement un outil qui va aider énormément à faire avancer l'éducation en français en milieu minoritaire. Je vous en remercie.
Vous dites que le gouvernement va faire tout en son possible pour que la promotion des ayants droit et de leurs droits soit assurée.
Pouvez-vous me donner un exemple? Vous avez déjà posé certains gestes. Pouvez-vous me donner un exemple d'autres mesures que vous avez l'intention de prendre pour vous assurer qu'on reconnaisse les droits des ayants droit?
Merci, monsieur Samson.
Comme vous le savez, les ententes fédérales-provinciales que nous signons en matière d'éducation sont assorties d'enveloppes qui peuvent être utilisées pour le recrutement des élèves. Beaucoup de conseils scolaires se servent de ces fonds, qui leur sont transmis par les provinces, pour faire des campagnes de promotion et toutes sortes de démarches de recrutement. Certaines provinces ont aussi financé des campagnes provinciales. L'argent fédéral est donc déjà utilisé à cette fin.
Comme nous le reconnaissons dans la réponse du gouvernement, il y aurait peut-être moyen de mieux coordonner ce travail. Il existe un mécanisme qui permet aux conseils scolaires, aux gouvernements provinciaux et à Patrimoine canadien de travailler ensemble. Il s'agit du comité tripartite dont nous avons déjà discuté. Nous y avons abordé la promotion à l'échelle nationale. C'est assez complexe. En effet, même si l'article 23 de la Charte est le même pour tout le monde, la grande majorité des provinces donne à des gens qui ne se qualifient pas, selon cet article, le droit de fréquenter l'école de la minorité. Il y a des comités d'admission dans la plupart des provinces. Par exemple, dans les provinces de l'Atlantique, on considère la langue maternelle d'un grand-parent si la langue maternelle des parents est l'anglais. De plus, on accepte automatiquement les enfants d'immigrants qui parlent français, même s'ils ne sont pas citoyens canadiens.
Nous parlons de promotion nationale, mais à l'échelle locale, les gens nous ont souvent dit vouloir que les choses se passent un peu différemment chez eux. Il faut que nous nous entendions avec les conseils scolaires ainsi qu'avec les provinces et territoires et que nous déterminions où nous pourrions agir dans le cadre d'une campagne nationale.
Merci beaucoup, monsieur Déry.
Je voudrais disposer de suffisamment de temps pour poser des questions à mes collègues de Statistique Canada. Certaines questions me dérangent depuis longtemps et c'est de plus en plus inconfortable.
On parle d'un plein engagement et je suis bien heureux d'entendre cela. Je m'inquiète par contre du fait qu'on parle de faire les choses différemment pour ce qui est de la collecte et de la communication des données. Il y a 30 ans que nous n'arrivons pas à obtenir les questions permettant d'assurer qu'on reçoive, aux termes de l'alinéa 23(1)b), des renseignements des parents qui font instruire leurs enfants en français ou, aux termes du paragraphe 23(2), de l'information sur les enfants dont les parents ont étudié en français. Nous avons manqué notre coup.
Qu'est-ce qui m'assure que cela va se faire?
Cela me fait très peur. On parle de consultation concernant les besoins. Or, les besoins ont été bien précisés. Dans votre réponse, vous parlez de mettre sur pied un comité de travail.
Nous allons vous communiquer le nom des membres une fois que le statisticien en chef les aura approuvés. Nous devons lui présenter notre liste et en discuter avec lui. Nous allons transmettre cette information au Comité dès que nous l'aurons. Ce devrait être au cours des deux prochaines semaines.
Je vous remercie.
Par contre, je veux soulever le point suivant. Toute la question du dénombrement est -elle directement liée aux conseils scolaires en milieu minoritaire?
Est-ce que ce sont les éducateurs et ces organismes qui y sont directement liés?
Les tribunaux, en Alberta, ont annoncé clairement que c'était aux conseils scolaires qu'il incombait de désigner ces élèves à partir du dénombrement.
Êtes-vous d'accord avec cela?
Les premiers utilisateurs doivent être les conseils scolaires, étant donné que le dénombrement émane de ces derniers, n'est-ce pas?
D'accord. Merci.
Je vais mieux dormir ce soir si vous me donnez la réponse que je cherche.
Est-ce que je peux conclure qu'au moins un membre du groupe de travail sera un représentant de la Fédération nationale des conseils scolaires francophones, qui travaille surtout dans un milieu minoritaire?
Pouvons-nous être certains qu'il y en aura au moins un?
Ces gens sont les premiers utilisateurs.
Nous ne pouvons pas vous répondre, mais nous considérerons cette possibilité. Cela dit, nous ne pouvons pas nous retrouver avec 20 membres. C'est clair. Nous en sommes présentement à déterminer la composition du comité. Plusieurs personnes n'ont pas encore reçu d'invitation, étant donné que nous devons trouver un équilibre en tenant compte de toutes les régions du Canada. Nous voulons que le comité renseigne Statistique Canada non seulement sur la question des ayants droit, mais également, comme ma collègue l'a précisé, sur la statistique linguistique en général. En effet, il y a plusieurs autres enjeux en matière de langue. Bien sûr, nous allons prendre en considération cette remarque et cette suggestion.
Quelqu'un va assurément me dire qui inviter. Plusieurs personnes vont demander pourquoi elles n'ont pas été invitées, pourquoi nous avons invité quelqu'un de l'Est plutôt que de l'Ouest du Canada, et ainsi de suite. Nous devons prendre tout cela en considération. Je peux vous assurer que nous allons tenir compte de...
Monsieur Corbeil, pardonnez-moi de vous interrompre.
Monsieur le président, j'aimerais simplement dire que ce sont les premiers utilisateurs, les utilisateurs primaires et les éducateurs, qui devraient siéger à ce groupe de travail. Si mes connaissances en mathématiques sont bonnes, un plus un égale deux.
Merci.
J'aime beaucoup les questions de M. Samson.
Nous travaillons fort et nous voulons que cela fonctionne. Le comité en question va nous aider à formuler des questions, à travailler ensemble de façon constructive et à trouver une façon d'y arriver. L'une des choses qui nous aident beaucoup, dans notre monde moderne et numérique, ce sont les questionnaires électroniques. En fait, un questionnaire électronique nous permet d'avoir des sélections automatiques, ce qui permet vraiment de cibler les populations d'intérêt. Nous fondons beaucoup d'espoir sur la possibilité d'utiliser un questionnaire électronique et sur la technologie actuelle.
Nous ne distribuons plus des questionnaires sur papier à toute la population, comme cela se faisait auparavant. La dernière fois, nous avons obtenu 70 % des réponses par Internet. Pour nous, il s'agit d'un outil que nous pourrons grandement utiliser dans le cadre de l'élaboration des questions.
Monsieur le président, j'abonde dans le sens de mon collègue M. Samson: moi aussi, j'aimerais dormir sur mes deux oreilles, mais je suis très inquiet.
Malheureusement, il n'y a ici aucun représentant du ministre Navdeep Bains, à qui j'aurais aimé poser la question. À défaut de m'adresser à un représentant du ministre, je vais me tourner vers M. Déry, de Patrimoine canadien.
La recommandation 4 du rapport, qui a été acceptée unanimement et qui émane de tous les experts qui sont venus témoigner devant le Comité, est ainsi rédigée:
Que le gouvernement du Canada mandate Statistique Canada d'ajouter obligatoirement au Recensement de 2021 des questions permettant de dénombrer tous les ayants droit au sens des alinéas 23(1)a) et b) et du paragraphe 23(2) de la Charte canadienne des droits et libertés, dans son interprétation la plus généreuse.
Quand on emploie le mot « obligatoirement », c'est assez clair.
Pourquoi Patrimoine canadien et Innovation, Sciences et Développement économique Canada, le ministère de M. Bains, n'ont-ils pas accepté cette recommandation?
Je suis peut-être mal placé pour répondre au nom de M. Bains et de son ministère, mais comme mes collègues de Statistique Canada pourront le préciser — et ils l'ont déjà fait —, le processus visant à déterminer les questions du recensement est établi depuis longtemps. Il y a des consultations et des tests. Par la suite, Statistique Canada, dont l'expertise est reconnue, formule une recommandation. Celle-ci sera ensuite approuvée ou rejetée, mais il reste que la détermination finale est faite par le Conseil des ministres.
La réponse du gouvernement indique qu'on a demandé à Statistique Canada de se pencher sur les meilleurs moyens de dénombrer toutes les catégories d'ayants droit. Statistique Canada doit se pencher sur les meilleures questions et les meilleurs moyens de le faire dans le cadre du recensement de 2021. C'est le début du processus dont Mme Denis vous a parlé. Statistique Canada va former ce comité de travail et tester les questions.
La position du gouvernement est la suivante: nous venons de demander à Statistique Canada d'inclure dans son travail les meilleures questions possibles pour dénombrer les ayants droit. Nous ne sommes pas en mesure, ni moi ni les gens de Statistique Canada, de dire aujourd'hui quel sera le résultat de cela, mais c'est notre façon d'être très près des résultats auxquels vous vous attendez.
Malheureusement, c'est la façon de ne pas aller de l'avant avec la recommandation 4, qui demandait au gouvernement de mandater Statistique Canada. Je comprends que Statistique Canada veuille voir toutes les options possibles autres que le recensement pour dénombrer tous les ayants droit.
Comme notre comité l'a très fortement précisé, seul le recensement peut permettre de dénombrer adéquatement les ayants droit. Malheureusement, vous n'êtes pas allés jusque-là. Il est sûr que cela nous inquiète. Nous espérons qu'à la fin cela donnera le même résultat, mais nous aurions aimé que ce soit plus clair dans votre réponse. Cela dit, j'ai encore de l'espoir. Nous verrons bien ce qu'il en sera à la fin.
Je veux me faire le porte-parole de tous les organismes de langues officielles qui, en voyant cette réponse, se demandent bien quel sera le résultat. Nous ne sommes pas certains que le recensement va donner les résultats que nous voulons.
C'était la première chose dont je voulais vous parler.
Madame Denis et monsieur Corbeil, je vais maintenant aborder un autre sujet avec vous, soit votre comité consultatif. Je ne sais pas si vous avez reçu des recommandations de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, ou FCFA, ou du Quebec Community Groups Network, ou QCGN, à cet égard. De notre côté, l'Association canadienne-française de l'Alberta, ou ACFA, nous a envoyé une lettre pour nous dire qu'elle aimerait que telle ou telle personne siège à ce comité consultatif.
Avez-vous consulté le QCGN et la FCFA pour vérifier quelles seraient les meilleures personnes pour siéger à ce comité?
Ma collègue Mme Denis vous a mentionné que nous allions avoir une rencontre le 11 octobre prochain avec les membres de la haute direction de la FCFA. L'un des objectifs de cette rencontre est justement de discuter de cela. Nous avons eu des discussions à ce sujet avec les membres du QCGN et nous en aurons d'autres encore.
Nous avons reçu des demandes de l'Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques, qui est un organisme important.
Sans vous donner le nom des organismes ou des membres de ce comité, je peux vous assurer que nous prenons tout cela en compte. Dans nos discussions avec les représentants de la FCFA et du QCGN, nous allons nous assurer que les meilleures personnes seront autour de la table.
Cette réponse va dans le sens des demandes des groupes. C'est très intéressant.
J'aimerais revenir sur l'erreur, la gaffe ou le problème électronique — je ne sais pas comment l'appeler — lié au recensement. Comment se fait-il que des experts de communautés anglophones, entre autres, aient dû sonner l'alerte pour que vous vous rendiez compte qu'il y avait une erreur dans les résultats du recensement? C'est quand même assez grave.
Je peux juste vous mentionner que la comparution prévue pour le 17 ou le 19 octobre prochain portera essentiellement sur ce sujet.
C'est ce que nous avions convenu, monsieur Choquette. Nous pourrons revenir sur le sujet au cours d'une autre séance.
Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être ici.
Monsieur Corbeil, je vais faire suite à la question de mon collègue. Vous aurez une rencontre formelle avec la FCFA le 11 octobre prochain et vous avez dit avoir discuté avec le QCGN. Avez-vous eu des rencontres formelles avec cet organisme pour savoir ce qu'il en est au Québec?
Tout ce que je peux vous dire, c'est que nous allons bientôt rencontrer le directeur de la recherche et des politiques au QCGN, et un des sujets de discussion portera justement sur cela.
Respectez-vous l'échéancier? Vous avez dit qu'il y aura une rencontre le 11 octobre et que, au mois de novembre, il y aura une réunion d'un autre groupe de travail.
Non, c'est le même comité consultatif. Notre objectif est d'avoir une première rencontre en novembre.
Plus tôt, mon collègue a parlé d'une liste de membres envisagés pour siéger au comité consultatif. Avez-vous envoyé des invitations en ce sens?
Nous nous sommes penchés sur le sujet. Simplement pour que vous le sachiez, cela date de la semaine dernière.
Nous sommes en train d'élaborer une liste pour essayer d'avoir le meilleur équilibre possible, comme ma collègue l'a dit, entre le milieu universitaire, des spécialistes du sujet, des représentants du milieu associatif, des juristes et des gens qui ont une expertise dans le domaine. Pour l'instant, je ne peux pas vous en dire plus.
D'accord.
Revenons un peu sur la recommandation 4 et sur le processus de tests et de consultations, ainsi que sur l'intention de trouver les meilleurs moyens de dénombrer les ayants droit. Ce qui me tracasse vraiment beaucoup, c'est d'assurer le respect des échéanciers et de garantir que nous serons très bien outillés. Vous avez mentionné plus tôt des dates et parlé de l'automne 2019, de l'hiver 2020 et du prochain recensement, en 2021.
Ce qui m'inquiète, c'est que nous pourrions recevoir les réponses tardivement et que nous n'ayons pas le temps de réagir afin de déterminer les bonnes questions à poser pour, justement, effectuer efficacement le dénombrement. Rassurez-moi, parce que je continue à être préoccupée.
Les échéanciers sont certainement très serrés. Nous menons différents tests. Il y a beaucoup de tests qualitatifs, dans le cadre desquels nous rencontrons les communautés de partout au Canada. Nous tenons ce que nous appelons des « groupes de discussion » ou des entrevues individuelles. Les tests appelés « qualitatifs » sont utilisés pour nous aider et nous aiguiller au sujet de la formulation des questions que nous proposons, à savoir si elles semblent bien comprises.
En ce qui concerne les tests quantitatifs — ceux-ci auront lieu plus tard, soit en 2019 —, nous utilisons alors nos méthodes statistiques fondées sur des plans d'expériences afin de voir quelle formulation est la mieux adaptée, ce qui va nous permettre de bien mesurer ce que nous tentons de mesurer. Comme M. Généreux le mentionnait plus tôt, il faut nous assurer d'avoir la question qui va viser vraiment le concept que nous tentons de mesurer. C'est donc par des tests quantitatifs que nous pouvons vraiment nous assurer statistiquement de la justesse des formulations.
Il y aura des tests qualitatifs durant toute l'année 2018 et des tests quantitatifs, jusqu'à un certain point, durant toute l'année 2019. Nous aurons donc une bonne année pour mener des tests, en fait presque deux ans.
Vous n'avez pas idée du nombre de questions que nous devons tester à chaque recensement pour nous assurer de leur validité, des requêtes nous parvenant d'un peu partout. Ce n'est pas la première fois que nous menons de tels tests. Nous le faisons à l'occasion de chaque recensement.
Je comprends, sauf que, dans le passé, cela nous a échappé et nous n'avons pas obtenu une évaluation juste du nombre des ayants droit.
Quand vous dites que cela nous a échappé, tout ce que je peux vous répondre, c'est que c'est la première fois, au cours des deux dernières années, que des gens exercent des pressions afin que Statistique Canada recueille de l'information de manière aussi explicite sur le sujet.
Comme ma collègue l'a dit, nous avons bien compris les exigences et les demandes. Je peux vous garantir qu'en ce qui concerne l'échéancier, Statistique Canada va tout mettre en oeuvre pour faire en sorte que toutes les questions qui peuvent nous permettre de dénombrer les ayants droit soient testées. Je peux vous le garantir et nous allons trouver le meilleur moyen pour le faire. C'est tout ce que nous pouvons faire.
Il faut seulement faire attention à la date à laquelle les questions seront prêtes. Il y a une sorte d'échéancier parallèle à respecter.
Vous avez mentionné plus tôt que, à la lumière des réponses obtenues dans les tests statistiques, vous aviez constaté que des personnes avaient peut-être une mauvaise compréhension, soit du français, soit de l'anglais. Je ne crois pas que les problèmes d'analphabétisme ou de compréhension soient nouveaux.
Aussi, je ne crois pas qu'un test statistique puisse changer tant que cela au cours des années, mais il y a le fait que les gens devraient quand même avoir une meilleure instruction en 2017-2018 qu'en 1960. Jusqu'à quel point pensez-vous que nous sommes touchés par ce problème?
C'est ce que nous évaluons en menant les tests. Nous nous assurons d'avoir les questions les plus simples et concises possible qui nous permettent de mesurer ce que nous avons à mesurer. Quand nous disons que nous mettons à profit toute notre science, c'est ce que nous faisons.
Malheureusement, c'est encore le cas actuellement. Des gens ont encore des problèmes. Ce n'est pas un élément nouveau.
Merci beaucoup.
Nous passons maintenant à des temps de parole de quatre minutes.
Monsieur Vandal, vous avez la parole.
Je veux d'abord vous remercier de votre présentation.
Je vais vous faire part de bonnes et de mauvaises nouvelles que nous avons reçues ce matin de ma province. La Division scolaire franco-manitobaine, ou DSFM, confirme que le nombre d'inscriptions pour cette année est de 5 591. Cela représente une croissance de 2 %, ce qui est une bonne nouvelle. Les écoles en milieu urbain connaissent une forte croissance alors que certaines écoles en milieu rural affichent une baisse en matière d'inscriptions. Cette question est vraiment très importante pour nos petits villages, comme Saint-Georges, Saint-Jean-Baptiste et St-Pierre-Jolys. Dans plusieurs de ces petits villages, il n'y a pas d'accès Internet.
Madame Denis, vous avez dit obtenir 70 % des vos réponses par Internet dans le cadre du dénombrement.
C'est bien cela?
C'est peut-être un problème dans le cas des petits villages. Je voulais simplement vous le faire savoir.
Nous avons besoin de bonnes écoles. Malheureusement, comme ces gens n'ont pas toujours d'accès Internet, il se peut que le message ne se rende pas.
J'aimerais revenir sur le thème abordé par Mme Lapointe.
Vous avez parlé des questions qui étaient posées.
Y a-t-il des sondages?
En général, des libellés de questions sont proposés. Nous rencontrons des groupes de discussion pour nous assurer que les questions sont bien comprises et pour vérifier comment elles sont interprétées. Tel que cela a été mentionné plus tôt, la façon dont les gens comprennent une question dépend de la manière dont celle-ci est formulée. Les tests qualitatifs et les groupes de discussion nous permettent de nous assurer que les gens ont bien compris l'objectif et le libellé d'une question. Par la suite, nous menons une enquête quantitative, un genre de sondage, dans diverses régions du Canada.
L'échantillon est important. Si ce dernier totalise une centaine ou quelques centaines de personnes, les résultats peuvent être différents que s'il se chiffre à plusieurs milliers de personnes. Le test qualitatif, qui est mené auprès de plusieurs dizaines de milliers de personnes, nous permet de nous assurer que les questions sont bien comprises et que les résultats sont cohérents.
Nous commençons déjà à nous pencher sur la formulation des questions. En 2018, nous allons effectuer des tests qualitatifs. Comme l'a dit ma collègue, il s'agit d'un processus continu.
À quel moment précisément saurons-nous si le questionnaire du recensement comporte les questions nécessaires pour mieux dénombrer les ayants droit?
C'est une bonne question. Vous le saurez au moment de la publication dans la Gazette du Canada. À partir du moment où nous recommandons les questions au gouvernement, soit au ministre Navdeep Bains, cela devient secret. Le processus d'approbation du Cabinet entre alors en jeu.
Merci monsieur le président.
Bonjour à tous.
J'ai quelques questions d'ordre général. Je vais donc vous laisser décider lequel d'entre vous va répondre.
À l'heure actuelle, combien y a-t-il de Canadiens français au Canada?
Je ne parle pas ici de francophiles, mais de Canadiens français nés de mères canadiennes-françaises.
Qu'ont indiqué les derniers recensements à ce sujet?
D'accord.
Depuis l'entrée en vigueur de la Loi constitutionnelle de 1982 et l'application de l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, la proportion des ayants droit au Canada a-t-elle diminué, a-t-elle augmenté ou est-elle demeurée stable? Peu importe que le nombre de francophones soit exact ou pas, que démontrent les chiffres? À quoi ressemble la situation?
Je ne peux pas vous donner une réponse au sujet des ayants droit puisque, lors de l'enquête postcensitaire de 2006 sur la vitalité des minorités de langue officielle, c'était la première fois que nous étions en mesure de dénombrer les ayants droit suivant les trois critères énumérés à l'article 23 de la Charte.
Si nous utilisons uniquement le critère le plus important au Canada hors Québec, soit celui de la langue maternelle française, le nombre a toujours crû et il continue de croître.
D'accord, je comprends.
N'y a-t-il pas une autre façon pour Statistique Canada de permettre au gouvernement fédéral d'établir le nombre d'ayants droit, comme au moyen du numéro d'assurance sociale?
Je ne porte aucun jugement sur Statistique Canada, mais je pose la question. Il y a quand même toutes sortes d'outils qui sont mis à notre disposition.
À la naissance de mon fils et de ma fille, au Québec, j'ai répondu à des questions. Évidemment, je ne sais pas à quel endroit ils iront vivre plus tard. Cependant, il y a toutes sortes de façons de connaître les déplacements d'une personne, dont les demandes de passeport. Ce n'est là qu'un exemple.
Le Canada n'a-t-il pas d'autres outils pour déterminer qui est un ayant droit?
Elle n'a pas été pensée en fonction d'un dénombrement, mais bien en fonction du droit d'un citoyen de se présenter devant son ministère de l'Éducation ou son conseil scolaire pour dire qu'il a droit à l'éducation dans la langue de la minorité et qu'il veut se prévaloir de ce droit. Lorsqu'une personne se présente devant son conseil scolaire, c'est relativement facile de vérifier ses antécédents, d'avoir une discussion avec elle et de comprendre sa situation.
Quand on parle de dénombrement et d'estimation de la population générale, cela se complique. Ce que nous avons toujours pensé être la majorité des ayants droit est établie suivant le critère de la langue maternelle. Vous en avez discuté, et c'est inscrit dans votre rapport. C'est relativement simple à vérifier. Statistique Canada est très habile et très apte à le vérifier. Ce qui est plus complexe, ce sont les questions qui nous manquent, comme celles sur l'historique de l'éducation des parents.
De plus, il faut faire la différence entre le fait d'avoir fréquenté une école d'immersion française hors Québec, donc une école anglaise où l'on enseigne en français, et le fait de fréquenter une école française. Obtenir cette information au moyen d'une question simple, c'est déjà complexe.
C'est relativement simple pour la personne qui se présente à son conseil scolaire, d'autant que, dans la majorité des provinces, la plupart des conseils scolaires répondront à un citoyen qui est peut-être de langue maternelle anglaise ou à un immigrant qui n'est pas encore citoyen canadien que le comité d'admission a le pouvoir de l'admettre et que la province l'accepte. On est plus généreux sur le terrain que ce que propose l'article 23 de la Charte.
Le dénombrement des ayants droit se retrouve-t-il dans le recensement court, dans le recensement long ou dans les deux?
Merci, monsieur le président.
Je vais partager mon temps de parole avec M. Samson.
J'aimerais revenir en arrière et parler des réponses qu'ont données M. Corbeil et Mme Denis à une question de ma collègue Mme Linda Lapointe.
Je suis convaincu que vous recevez des milliers de suggestions de questions permettant d'étudier plusieurs sphères de notre société. J'aimerais simplement rappeler à Statistique Canada que le dénombrement des ayants droit relève d'une obligation constitutionnelle. C'est en dénombrant les ayants droit qu'on peut avoir accès à des données sur l'éducation. D'ailleurs, la Cour suprême du Canada nous a mentionné que c'était une des façons de le faire. Je sais bien que, indirectement, cela relève de Statistique Canada, mais le dénombrement des ayants droit est une obligation inscrite dans la Charte.
À Statistique Canada, y a-t-il des conseillers juridiques qui se penchent sur ces obligations?
Nous avons des conseillers juridiques, oui.
En ce moment, nous procédons à la création d'un groupe de travail, d'un comité consultatif. Nous allons nous assurer que des juristes de formation seront représentés au sein du comité. Ainsi, ceux-ci pourront renseigner Statistique Canada et donner des conseils sur les meilleurs moyens de rédiger les bonnes questions et sur la façon adéquate d'y répondre.
C'est une bonne question qu'a posée mon collègue.
Je pense aux architectes de la Charte canadienne des droits et libertés.
Pensez-vous que les architectes de la Charte, tant du palier fédéral que provincial, auraient inséré, à l'alinéa 23(1)a), la notion de parents « francophones », à l'alinéa 23(1)b), celle de parents « ayant reçu leur instruction » et, au paragraphe 23(2), celle d'enfant « ayant reçu son instruction » pour ne couvrir que les 30 années suivant l'adoption de la Charte?
Si on se demande ce qu'ils avaient en tête et quel était leur objectif, il me semble que quelque chose doit être fait rapidement.
Comme je le disais plus tôt, l'article 23 de la Charte a été rédigé pour donner des droits à des individus, et non pas pour faciliter le travail de Statistique Canada.
Des voix:Ah, ah!
Madame Denis, vous avez évoqué plus tôt la version électronique du recensement et le fait que 70 % des gens choisissent de remplir cette version.
Est-il possible, avec les technologies disponibles de nos jours — je ne fais pas référence à Phénix, bien au contraire —, d'adapter le recensement à certaines régions? On s'entend sur le fait que les formulaires sont les mêmes pour tout le monde au pays, que les mêmes questions sont posées à tout le monde.
Pouvons-nous envisager que, à l'avenir, on puisse adapter le questionnaire, soit selon les régions, soit autrement, pour déterminer que dans une région donnée, par exemple celle de M. Vandal, dans les petits villages où il n'y a pas d'accès Internet, il faut un formulaire modifié. Cela pourrait donner la possibilité de recueillir des informations beaucoup plus pointues. C'est facile de le faire de façon électronique, il n'y a qu'à cliquer sur une option et trois autres questions apparaissent, ce qui est impossible à faire sur papier.
Si c'est le cas, cela pourrait ouvrir la possibilité d'aller beaucoup plus loin, et de façon beaucoup plus pointue, en ce qui a trait aux questions qu'on veut poser à certains individus relativement à des droits qu'ils pourraient avoir, mais qu'ils ne connaissent pas.
C'est une excellente question. Il est clair que nous examinons cela très attentivement. Cependant, ce qu'il faut garder à l'esprit et bien comprendre, c'est que l'ordre des questions est fondamental, en raison d'un objectif de comparaison des réponses.
Je vous donne un exemple. Si, parce qu'on cherche quelque chose de particulier en ce qui touche une partie de la population, ou certaines municipalités, on ajoute trois ou quatre questions entre deux autres auxquelles d'autres citoyens que ceux concernés vont répondre, on peut se retrouver avec des réponses qui auront été influencées par ces nouvelles questions.
L'idée en fait, à laquelle nous réfléchissons, vise à déterminer s'il y a moyen de créer des suppléments de questions pour cibler des populations spécifiques selon des caractéristiques diverses, mais sans que cela brise la continuité ni l'ordre des questions auxquelles l'ensemble de la population doit répondre.
Plus tôt, M. Vandal vous a demandé si les rencontres du comité seraient publiques. Je ne suis pas certain d'avoir bien saisi la réponse.
Il semble que nous connaîtrons la composition des membres du comité d'ici deux ou trois semaines, est-ce exact?
C'est une bonne question. Il va falloir équilibrer les besoins d'information publique et la confidentialité des travaux du comité. Je ne peux pas vous répondre oui ou non. Nous verrons au fur et à mesure de la progression des travaux du comité. Ce dernier va conseiller le statisticien en chef. La confidentialité des travaux du comité est donc protégée par Statistique Canada ou par la Loi sur la statistique. Par ailleurs, ce que nous pouvons faire, c'est de voir ce que nous pouvons rendre public, ce que nous pouvons communiquer.
J'aimerais vous poser une sous-question dans ce cas.
Est-ce qu'il serait possible ou faisable de communiquer cette information, qui pourrait être entendue à huis clos ou en privé, au Comité permanent des langues officielles? Ce dernier travaille à huis clos de façon très régulière. Nous pourrions ainsi suivre les délibérations.
J'ai les mêmes interrogations et inquiétudes que bon nombre d'entre nous. Je ne suis pas quelqu'un d'inquiet d'habitude et je dors très bien, mais je fais quand même part à ceux qui le sont le fait que nous, au Comité permanent des langues officielles, nous avons pris l'initiative de lancer cette discussion. Je dois publiquement dire à M. Samson qu'il est un des grands responsables de cette interrogation relative aux ayants droit. Nous lui devons une fière chandelle à cet égard.
Le Comité a tenu des délibérations, a procédé à des consultations, a entendu des témoins très importants et très intelligents qui ont offert des présentations tout à fait pertinentes. Il me semble donc qu'il serait intéressant pour nous de pouvoir suivre les délibérations. Nous pourrions même peut-être vous apporter un éclairage additionnel, sans évidemment intervenir. Le Comité pourrait peut-être faire des recommandations à la lumière de ce qui aura été dit au cours de vos délibérations.
Nous sommes capables de travailler ensemble de manière confidentielle.
Merci beaucoup, monsieur Généreux.
Je veux juste souligner quelques points.
Il s'agit non seulement de la survie, mais également du développement des communautés francophones partout au pays. Vous avez un rôle tout à fait essentiel à jouer dans la survie et le développement de toutes les communautés francophones.
J'écoute ce qui se passe, et j'ai parfois l'impression que vous nous écoutez, mais que vous ne nous entendez pas. C'est ce que je ressens ici, à l'avant.
Je reviens sur un point que j'avais souligné lors d'une rencontre précédente. À l'automne 2019, il y aura des élections générales au Canada. Selon votre échéancier, vous voulez présenter des questions au Cabinet en 2019 pendant la campagne électorale. Cela m'inquiète. En 2019, le Cabinet aura autre chose à faire qu'à approuver, à désapprouver ou à modifier les questions que vous lui aurez présentées. Vous dites aux députés que nous sommes que nous connaîtrons le résultat en 2020 à peu près, après les élections de l'automne 2019, si elles ont bien lieu à cette date.
J'aimerais vous poser une question afin de dissiper les incertitudes des gens autour de la table. D'ici six mois, pourriez-vous nous présenter une ou des questions qui concerneront les alinéas 23(1)a) et 23(1)b) ainsi que le paragraphe 23(2) de la Charte canadienne des droits et libertés? Vous pourrez toujours les remanier par la suite, cela ne me pose pas de problème, mais d'ici le 31 mars, j'aimerais que vous nous soumettiez des exemples de questions qui toucheront les alinéas 23(1)a) et 23(1)b) ainsi que le paragraphe 23(2).
Tout ce que je peux vous dire à ce sujet, c'est que nous avons déjà donné aux membres du Comité les questions qui ont été utilisées pour dénombrer les ayants droit dans l'enquête postcensitaire sur la vitalité des minorités de langue officielle menée en 2006.
Selon les avis, nous avons eu besoin de huit à douze questions pour mesurer le nombre des ayants droit. J'entends par là que, pour pouvoir le mesurer en fonction de l'article 23 de la Charte, nous devons être en mesure de déterminer si les personnes sont des citoyens canadiens. Cette question figure présentement au recensement. Il y a également les questions sur la langue maternelle. Les autres questions ne font pas près d'une page de long, comme certains l'ont proposé, et elles ont déjà été posées.
En plus, elles ont déjà été testées pour les besoins de l'enquête de 2006. Nous pouvons vous acheminer ces questions.
J'ai posé ces questions à des juristes de formation. Dans la question qui dit que le parent doit avoir fréquenté l'école primaire en français au Canada, faut-il aussi demander s'il doit l'avoir fréquentée pendant une certaine durée? Ils m'ont répondu qu'ils ne le savaient pas encore.
Monsieur Corbeil, je comprends très bien les difficultés que vous exposez.
Je vous demande quelque chose de très concret et de très précis: d'ici le 31 mars, nous aimerions recevoir des exemples d'une ou deux questions qui touchent ce qui nous intéresse ici, c'est-à-dire des questions liées à l'article 23 de la Charte.
Vous ne pourrez pas avoir une ou deux questions pour dénombrer le nombre des ayants droit au titre de l'article 23 de la Charte.
Monsieur, je dis cela parce qu'elles ont déjà été testées en 2006 auprès de 5 000 répondants au Canada, hors Québec. Nous n'avons pas fait un petit sondage sur le coin de la table.
Tout ce que nous vous disons, c'est que si l'objectif — que nous prenons très au sérieux — est de dénombrer pleinement le nombre des ayants droit aux termes des trois critères énoncés à l'article 23 de la Charte, il faut veiller à ce que toutes ces questions soient posées.
Je peux vous envoyer les questions qui ont été posées dans le cadre de l'enquête postcensitaire. Nous essaierons de poser les mêmes questions.
Vous pourriez faire cela à l'intérieur des six mois dont je vous parle. Vous auriez jusqu'au 31 mars.
D'accord. Je vais en discuter avec mes collègues.
En attendant, je vous remercie de votre témoignage d'aujourd'hui.
Nous suspendons la séance pour quelques minutes.
Conformément à l'alinéa 108(3)f) du Règlement, nous poursuivons l'étude de la mise en oeuvre de la Loi sur les langues officielles à Air Canada.
Nous avons le plaisir de recevoir aujourd'hui, à titre de témoin, M. Pierre Foucher, qui est professeur à la Faculté de droit civil, à l'Université d'Ottawa.
Bienvenue, professeur Foucher. Je suis pour ma part un ancien diplômé de l'Université d'Ottawa en droit civil. C'est certainement un plaisir de vous compter parmi nous aujourd'hui. Vous disposerez d'une dizaine de minutes pour faire votre présentation. Ensuite, comme d'habitude, nous passerons aux questions et commentaires des membres du Comité.
Je dois aviser tout le monde que nous allons terminer la séance à 17 h 15 ou 17 h 20. En effet, un vote est prévu pour 17 h 45 et la sonnerie va se faire entendre vers 17 h15. De plus, comme nous aurons besoin de cinq minutes pour traiter des travaux du Comité à huis clos avant de terminer, je vais ajuster un peu l'horaire de chacun en fonction de nos impératifs.
Professeur Foucher, nous vous écoutons.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Mesdames et messieurs, bonjour. Je suis très honoré et heureux d'être parmi vous cet après-midi. Je n'ai pas eu l'occasion d'être invité à un comité parlementaire de la Chambre des communes depuis longtemps. J'aimerais simplement préciser que je pratique le bijuridisme, c'est-à-dire que j'enseigne à part égale le droit civil et la common law. En plus, je dirige un centre de recherche à la Faculté des arts. J'ai donc trois doyens.
C'est cela. Nous parlons au moins deux langues.
Je suis ici pour vous parler de la mise en oeuvre de la Loi sur les langues officielles à Air Canada. Pour me préparer, j'ai évidemment pris connaissance du rapport du commissaire aux langues officielles concernant Air Canada et de la réponse du transporteur au rapport préliminaire.
Je ne vais pas commenter ici la bataille de chiffres et les preuves qui, selon le Commissariat, sont accablantes contre Air Canada, alors que, selon la compagnie, le nombre peu élevé de plaintes en proportion du volume de passagers montrerait plutôt les progrès qu'elle aurait faits.
Je constate un profond désaccord entre les parties sur l'atteinte des objectifs de la Loi. Or, de par son mandat, le Commissariat est l'instance la plus à même d'évaluer le rythme des progrès et les retards.
Je vous entendais tout à l'heure discuter de l'article 23 de la Charte. D'expérience, je peux vous dire qu'on entend le même genre de commentaires à l'égard de certains gouvernements provinciaux qui rechignent à la pleine mise en oeuvre des droits scolaires de leur minorité, en disant qu'ils font des progrès et que cela prend du temps. Toutefois, en faisant cela, je m'écarterais de mon propos.
Votre comité s'est donc saisi, sur recommandation du commissaire sortant, de l'enjeu consistant à renforcer les pouvoirs de la Loi pour amener Air Canada à respecter pleinement ses exigences. Le rapport a proposé une action concertée en deux volets: d'une part, améliorer les sanctions avec des pénalités pécuniaires et, d'autre part, clarifier la portée de la Loi. Je vais aborder chacune de ces deux considérations.
Pour ce qui est des mécanismes de mise en oeuvre, je vous rassure tout de suite, le Commissariat n'a rien inventé. Si vous décidiez de recommander au gouvernement certaines des pistes d'action contenues dans le rapport du commissaire, vous ne feriez pas preuve de nouveauté, parce que ces sanctions existent ailleurs dans d'autres domaines et dans d'autres lois, et elles touchent d'autres organismes administratifs.
Toutes ces recommandations sont pertinentes. Il est bien difficile d'évaluer laquelle est la plus efficace — puisque vous allez peut-être me le demander —. C'est comme se demander combien de crimes sont évités parce qu'on a augmenté les pouvoirs de la police.
Pour revenir aux langues officielles, certes le nombre de plaintes peut servir de point de comparaison, mais la diminution de plaintes peut résulter de beaucoup de facteurs et pas seulement de la peur du gendarme. Chaque proposition du commissaire a ses avantages et ses inconvénients.
Évaluons les quatre propositions. Le commissaire propose d'abord des ententes exécutoires ou des accords de conformité. Ces ententes auraient une force juridique, si elles ne sont pas respectées, et pourraient mener à d'autres sanctions. C'est un modèle qu'on retrouve au Commissariat à la protection de la vie privée du Canada. Cela serait un progrès relativement aux plans d'action que fournit Air Canada au Commissariat, mais qu'elle ne respecte pas par la suite. Par contre, la création de ces ententes ne fonctionne pas si ces dernières ne sont pas accompagnées d'au moins un autre mécanisme, car il faut être en mesure d'exiger d'une partie contractante le respect de ses engagements.
La deuxième proposition est la création de dommages-intérêts légaux. Ceux-ci seraient imposés en raison de la seule violation de la loi, sans besoin de prouver une négligence ni de présenter une preuve de dommages. Les dommages-intérêts en droits linguistiques sont déjà acceptés. Au moins une décision les ont utilisés en 2006, dans une affaire mettant en cause les Territoires du Nord-Ouest. C'est un jugement rendu par la juge Moreau. Une fourchette de compensations serait établie, et la Cour fédérale devrait d'abord être saisie du recours et décider qu'il y a violation de la Loi. Ensuite, des critères permettraient à la Cour de choisir entre des dommages-intérêts élevés ou faibles. Cette voie requiert qu'on se présente devant la cour, ce qui représente des dépenses.
Le troisième volet, ce sont les amendes administratives. La Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada définirait les violations qui donnent lieu à des amendes. L'amende est une punition. Contrairement aux dommages-intérêts, qui ont une certaine fonction compensatoire et dissuasive, une amende sert à punir. Cela remplace la prison. Elle doit être importante, pour ne pas que l'entreprise qui se la voit infligée ne la considère comme une taxe déguisée ou un coût d'exploitation normal.
[Traduction]
Elle ne doit pas considérer que cela fait partie de ce qu'il en coûte pour être en affaires.
[Français]
Il faut que cela fasse un peu plus mal au portefeuille pour que cela soit vraiment une amende.
Une amende administrative est une peine souvent utilisée en droit réglementaire pour assurer le respect de certains règlements qui interdisent des conduites fautives. Ce système est prévu au Nunavut, mais il n'a pas encore été utilisé à ma connaissance. Le Québec l'applique aussi pour faire respecter la Loi 101 et l'utilise plus souvent. Au Québec, il faut passer par le directeur des poursuites criminelles et pénales, qui porte des accusations au nom du procureur général. Si la cour constate une violation de la Charte de la langue française, elle peut — elle l'a déjà fait — infliger les amendes suivant les barèmes prévus dans la Loi.
Le dernier mécanisme proposé par le Commissariat est ce qu'il appelle les « sanctions administratives pécuniaires ». Ce sont des amendes automatiques qui ne sont pas à la discrétion d'un juge. Elles sont infligées par l'entité qui administre la Loi. Dans le cas qui nous occupe, cela serait le Commissariat aux langues officielles. L'Office des transports du Canada a déjà ce pouvoir en ce qui concerne la publicité des prix et des services aériens. Air Canada est donc habituée aux sanctions administratives.
L'Agence des services frontaliers du Canada ou le Tribunal de la concurrence peuvent aussi les infliger à des compagnies aériennes, y compris Air Canada. C'est rapide et peu coûteux pour l'usager qui n'a pas à se présenter devant la cour. On n'a pas besoin de recourir au directeur des poursuites criminelles ni à s'en remettre à la discrétion d'un procureur général provincial. Le Commissariat pourrait obtenir le pouvoir de les infliger. Cependant, les commissaires linguistiques rechignent, en général, à disposer de ce pouvoir. Ils disent que cela va affaiblir leur neutralité et leur impartialité.
Pour ma part, je crois que des mécanismes de sauvegarde internes peuvent être mis en place pour faire fonctionner un tel système sans détruire la crédibilité du ou de la commissaire. J'ai en tête, par exemple, un système comme celui de la Régie des alcools, des courses et des jeux du Québec, où il y a une division à part pour ce qui est des sanctions.
Je vais maintenant passer rapidement à la seconde partie du rapport du commissaire, qui consiste en une clarification de la portée de la Loi. On a proposé de corriger l'effet de la cause Thibodeau — je crois que vous avez reçu ce dernier en tant que témoin — pour préciser que la fameuse Convention de Montréal, régissant l'octroi de dommages-intérêts dans le transport aérien international, ne peut pas s'appliquer ni faire obstacle à d'autres réparations pécuniaires pour une violation de la Loi sur les langues officielles lors de vols nationaux à l'intérieur du Canada. Une telle modification est possible et ne contreviendrait pas au droit international.
On sait aussi que la restructuration d'Air Canada a eu pour effet de soustraire plusieurs de ses divisions à l'application de la Loi sur les langues officielles. Il faudrait trouver une façon d'éviter cela à l'avenir. La loi de privatisation pourrait contenir des clauses de droits acquis et aussi étendre les obligations aux transporteurs régionaux qui agissent pour le compte d'Air Canada, même si ce ne sont pas des filiales. On pourrait aussi intégrer un mécanisme de décret.
Enfin, on examine certaines hypothèses concernant la portée de la Loi sur les langues officielles sur Air Canada, soit de laisser les choses en l'état, étendre les obligations linguistiques à tous les transporteurs aériens à l'intérieur du Canada, comme WestJet ou Air Transat, ou encore abandonner simplement l'exigence linguistique concernant Air Canada et laisser jouer le marché. Cette dernière hypothèse n'est pas acceptable à mes yeux, car le marché va toujours favoriser la langue la plus forte. C'est ce que nous apprend la sociolinguistique.
Dans un pays qui valorise la dualité linguistique, cela ne fonctionnera pas. On pourrait aussi bien étendre un tel raisonnement aux ports, aux aéroports ou à toute autre entité fédérale qu'on chercherait à privatiser et, à moyen terme, cela serait la fin de la politique de bilinguisme officiel. Je ne crois donc pas que la solution soit d'exempter Air Canada de la Loi.
On suggère également de mandater l'Office des transports du Canada, ou OTC, en lui conférant une compétence exclusive en ce qui touche les politiques linguistiques des transporteurs aériens. Cela n'est pas une bonne idée non plus. Le commissaire aux langues officielles conserve sa compétence en matière de mise en oeuvre de la Loi, même si d'autres entités pourraient jouer un rôle. C'est le modèle dit de la « compétence concurrente ».
Je me permets — et j'achève ma présentation —, de citer le juge Martineau de la Cour fédérale. Il y avait un litige entre Radio-Canada et le Commissariat aux langues officielles. L'un des arguments de défense de Radio-Canada était de dire que le Commissariat n'avait pas à mener des enquêtes linguistiques à son sujet ni au sujet de sa programmation puisqu'il s'agissait de la responsabilité du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, ou CRTC.
Le juge Martineau a répondu ceci: « Je crois fermement que cette façon obstinée de chercher, coûte que coûte, à scinder le “radiodiffuseur“ de l'“institution“ n'a pas lieu d'être du point de vue de l'application de toute obligation linguistique de nature constitutionnelle, quasi constitutionnelle ou statutaire. »
Selon moi, nous ne pouvons pas non plus séparer la fonction de transporteur commercial de celle d'institution nationale de transport aérien. Si le CRTC peut, aux côtés du commissaire, régir la politique linguistique de Radio-Canada, il me semble que le Commissariat devrait pouvoir conserver tous ses pouvoirs concernant l'application de la Loi sur les langues officielles.
Il faut se rappeler qu'Air Canada n'est pas n'importe quelle compagnie aérienne, c'est le transporteur national du Canada. Air Canada a appartenu à la Couronne fédérale, raison pour laquelle des exigences linguistiques ont été maintenues. La nécessité de les maintenir s'applique autant aujourd'hui qu'à l'époque de sa privatisation.
J'abonde aussi dans le sens de ceux et celles qui pensent qu'Air Canada ne peut se dérober à ses engagements en changeant sa structure d'entreprise. Comme les tribunaux l'ont dit à quelques reprises, le gouvernement ne peut échapper à ses obligations indirectement en faisant faire le travail par quelqu'un d'autre.
Les sanctions pécuniaires sont des moyens dissuasifs pour ce qui est de l'application de la Loi. Elles doivent être utilisées avec parcimonie, mais elles doivent exister pour assurer une meilleure conformité avec les obligations. Sinon, la Loi sur les langues officielles demeurera une loi qu'il sera bien difficile de faire respecter, même si elle crée des obligations juridiques au même titre que toutes les autres lois.
Merci beaucoup.
Je suis prêt à répondre à vos questions dans la langue officielle de votre choix.
Merci beaucoup, professeur Foucher.
Nous passons à un tour de table, et le temps de parole est de cinq minutes pour chaque intervenant, en commençant par M. Clarke.
Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur Foucher, d'être parmi nous aujourd'hui. Cela est très apprécié. Vous avez offert une belle présentation, j'en ai déjà appris davantage.
J'aimerais que vous poursuiviez vos explications au sujet des conséquences et des avantages de la recommandation 4 du commissaire, celle touchant les sanctions administratives pécuniaires. Vous avez mentionné que l'une des conséquences serait de miner la crédibilité du commissaire, entre autres.
Je vous donnerais le temps nécessaire, à l'intérieur des cinq minutes qui me sont allouées, pour aborder plus en profondeur les conséquences et les avantages de cette recommandation.
Commençons par les avantages. Les sanctions administratives sont rapides, simples, automatiques et prévues dans une loi, un règlement, un décret. Il pourrait y avoir des balises dans la Loi qui permettraient au commissaire de déclencher le processus après qu'il aurait rédigé un certain nombres de rapports à propos de manquements d'Air Canada concernant le respect de la Loi.
Les autres solutions nécessitent de se présenter devant la cour.
L'un des inconvénients mentionnés par les commissaires, et non par moi, est que si un commissaire mène une enquête au sujet d'Air Canada — ou de toute autre institution, si nous étendons le système à d'autres institutions fédérales —, il pourrait être accueilli avec des froncements de sourcils. Air Canada pourrait dire qu'elle sait bien que si elle ne fait pas ce qui est demandé, ce sera automatique et qu'il y aura une pénalité. Cela transformerait le rôle du commissaire en celui de police linguistique, ce que le commissaire ne voudrait pas.
Je dis qu'il y a moyen de structurer le système de manière à créer une certaine cloison entre la fonction d'enquête et de recommandation du commissaire et la fonction des sanctions administratives. Dans la structure du Commissariat aux langues officielles, il y aurait une division qui s'occuperait uniquement des sanctions administratives. Le commissaire pourrait décider que c'en est assez et envoyer le rapport à sa section administrative, qui pourrait déclencher le processus.
Cela se ferait un peu de la manière adoptée par la Régie des alcools, des courses et des jeux, dont vous parliez plus tôt.
Exactement, la Régie des alcools, des courses et des jeux fonctionne un peu de cette façon. Il y a une séparation entre la délivrance des permis, les questions de réglementation et le système de sanctions, lequel fonctionne complètement à part pour préserver l'aspect plus neutre de la fonction de délivrance des permis.
En ce qui concerne les conséquences, vous avez parlé de celles subies par le Commissariat. Quelles seraient les conséquences pour Air Canada?
J'imagine que si les pénalités sont assez élevées et fréquentes, à un certain moment, Air Canada, qui est une compagnie privée, réagirait en augmentant le prix des billets d'avion. À ce moment, les clients réagiraient à leur tour en désertant la compagnie. Air Canada va se rendre compte que, pour des raisons économiques, elle ne peut faire autrement que de respecter la Loi parce que les sanctions se multiplient.
Cela pourrait fonctionner.
Comme je le disais tantôt, nous ne saurons jamais combien d'accidents on réussit à prévenir en donnant des amendes aux conducteurs fautifs. Par contre, c'est certainement un facteur dissuasif qui incite les gens à respecter la loi. S'ils ne respectent pas la loi, ils devront en payer le prix.
Oui, cela émane de l'Office, mais ce n'est pas l'Office lui-même qui traite ces questions. L'Office envoie le dossier au Directeur des poursuites criminelles et pénales, ou DPCP, lequel déposera la plainte et se présentera devant la Cour du Québec pour plaider l'affaire. Ultimement, les juges de la Cour du Québec infligeront une pénalité s'ils constatent une violation de la Loi. Ce n'est donc plus entre les mains de l'Office. On a voulu séparer complètement ce rôle de celui de l'Office, mais il est dévolu au DPCP. C'est un autre modèle, mais il faudrait imaginer une division du ministère de la Justice du Canada qui s'occuperait des poursuites. En ce qui concerne les contraventions, on sait que, en général, le ministère de la Justice a délégué son pouvoir de poursuites pour les infractions sommaires aux procureurs généraux des provinces. D'ailleurs, c'est ce qui a généré l'affaire liée aux contraventions au début des années 2000.
Par hasard, pourriez-vous nous donner des exemples de transporteurs du Québec qui étaient fautifs et qui ont eu des démêlés avec la police linguistique au Québec? De quelle façon ont-ils évolué?
En conclusion, pourriez-vous commenter davantage les avis des experts sociolinguistiques selon lesquels, dans un contexte où il n'y a pas de protection législative appliquée de manière stricte, ce serait voué à l'échec dans le libre marché?
J'ai 38 ans de carrière, alors j'ai fréquenté beaucoup de sociolinguistes, de politologues et autres. La preuve est accablante.
Selon le sociolinguiste Louis-Jean Calvet, les villes, par exemple, sont des avaleuses de langues. Selon lui, au bout de 15 ans, les gens d'une même ville vont tous parler la même langue si on ne fait rien pour protéger celle de la minorité. Un autre a dit que les langues en contact sont des langues en conflit; c'est la langue la plus forte qui gagnera.
La preuve est accablante. On ne peut pas s'en sortir. S'il n'y a pas de loi pour protéger l'usage d'une langue ou pour lui offrir de l'espace, la langue la plus forte va dominer. C'est encore plus évident ici, en Amérique du Nord, où nous sommes entourés de 330 millions d'anglophones.
Merci, monsieur le président.
Monsieur Foucher, quel plaisir de vous voir ici! Nous ne nous sommes pas vus depuis plus de 20 ans.
M. Foucher était mon professeur de droit constitutionnel. Il était, entre autres, entraîneur pour le concours juridique Laskin, mais il était avant tout un excellent musicien qui grattait la guitare et chantait des chansons de Robert Charlebois.
Les questions de mon collègue M. Clarke étaient excellentes. En fait, elles croisaient les miennes.
Les sanctions pécuniaires semblent être une piste de solution vraiment économique, du point de vue juridique et procédural.
Évidemment, on parle de modifier la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada. C'est de cette loi qu'on parle, est-ce bien cela?
Doit-on concilier cela et le paragraphe 77(4) de la Loi sur les langues officielles, qui a une portée beaucoup plus large?
Comment pourrions-nous modifier les deux lois afin d'atteindre cet objectif?
En fait, il est certain que les sanctions administratives prévues dans la Loi sur la participation publique au capital d’Air Canada s'appliqueraient seulement à Air Canada. Cela laisserait ouverts les autres recours prévus par la Loi sur les langues officielles, s'il y a lieu. Ce serait vraiment un mécanisme bien ficelé destiné à Air Canada.
Je ne veux pas encore déborder du mandat que vous m'avez accordé, mais, si j'avais le choix, j'inclurais cela directement dans la Loi sur les langues officielles, pour que cela s'applique à tout le monde.
Ce n'est pas la question qui m'a été posée, mais si vous me demandez mon opinion, la réponse est oui.
Selon moi, c'est scandaleux que la Loi sur les langues officielles soit l'une des seules lois du Canada qui permet si peu de recours et qui prévoit si peu de sanctions lorsqu'on ne la respecte pas. On aurait avantage à durcir un peu les mécanismes.
On parle d'Air Canada, mais je voudrais quand même parler de la Loi sur les langues officielles.
À la lecture du paragraphe 77(4), on constate que celui-ci n'a quasiment aucun mordant.
S'il y a un problème à régler, c'est bien celui d'Air Canada. En fait, l'historique qu'en a fait l'ancien commissaire aux langues officielles est accablant. De 1974 à aujourd'hui, cela n'a pas cessé.
Quelles pistes de solution permettraient de modifier le paragraphe 77(4) en vue de non seulement régler le problème d'Air Canada, mais aussi de protéger les autres agences et de faire la promotion de celles-ci?
L'article 77 — pour ceux autour de la table qui ne sont pas juristes —, est celui qui permet aux juges d'ordonner des réparations convenables et justes. Cela présuppose qu'une personne est déjà devant la cour, qu'elle est devant le tribunal, la Cour fédérale. C'est le mécanisme que la Loi sur les langues officielles a mis en place. Si vous parlez d'amendes administratives, il faudrait passer par ce mécanisme, mais si vous parlez des sanctions administratives pécuniaires, ou SAP, qui sont automatiques, il n'y aurait pas besoin de le faire. La responsabilité reviendrait directement au commissaire aux langues officielles. On n'aurait pas besoin de s'appuyer sur le paragraphe 77(4).
Le paragraphe 77(4) laisse la porte ouverte à différentes options. Les tribunaux auraient pu être innovateurs en ce qui concerne les sanctions. On a vu la juge Moreau accorder des dommages-intérêts dans l'affaire des Territoires du Nord-Ouest. Dans l'affaire Thibodeau, on a vu la Cour de première instance rendre une ordonnance appelée « structurelle ». Elle avait le pouvoir de le faire. La Cour suprême l'a annulée, disant que l'ordonnance était trop vague, et ainsi de suite. Toutefois, le pouvoir de la cour de se prononcer existe déjà.
La difficulté vient du fait que les juges sont prudents et qu'ils ne veulent pas trop innover en ce qui touche les recours qu'ils accordent. Nous pourrions donc leur donner des idées. Nous pourrions leur dire notamment d'imposer une amende, des dommages-intérêts et d'élaborer une série de critères en ce sens. Nous n'allons pas réécrire la Loi cet après-midi, mais nous pourrions les alimenter un peu en leur disant qu'ils peuvent agir et, que s'ils le font, ils vont respecter l'intention du législateur.
C'est un excellent commentaire. Nous avons reçu M. Thibodeau lors de notre dernière réunion. Selon lui, une amende de 1 500 $ serait juste. Il nous a mentionné qu'il était devenu un spécialiste de sa cause, davantage même que certains avocats. Il lui est maintenant facile de présenter ses revendications devant la cour, mais, pour le commun des mortels qui entreprend un recours contre Air Canada, par exemple, pour la première fois, seul et sans avocat, cela représente une montagne de travail. Que pensez-vous de l'imposition d'une amende de 1 500 $? Croyez-vous que ce soit une punition juste, qui offre assez de mordant et de pouvoir de dissuasion?
Dans le cas d'une première infraction, ce serait peut-être acceptable. Par contre, si Air Canada récidive, la réponse est non. Il faudrait augmenter le montant de l'amende de manière importante, comme je le disais plus tôt. Il ne faut pas que cela soit une taxe d'affaires, il faut que ce soit vraiment dissuasif. J'aime toujours donner l'exemple des amendes prévues pour excès de vitesse et du retrait du permis de conduire. Plus la vitesse est grande, plus l'amende est élevée. Sur l'autoroute 417, entre Montréal et Ottawa, il y a un gros panneau indiquant que si quelqu'un se fait intercepter parce qu'il a conduit à telle vitesse, la sanction peut aller jusqu'à la suspension du permis, assortie peut être — je n'en suis pas sûr —, d'une amende de 1 000 $. En voyant cela, on se dit qu'il vaut mieux lever le pied. C'est ce genre de position qu'il faut adopter à l'endroit des compagnies aériennes, comme dans le cas de n'importe qui. Si on exagère, on va payer une amende qui va être assez importante.
Merci, monsieur le président.
Merci de votre témoignage, monsieur Foucher. Vos propos sont très intéressants et nous éclairent quant aux possibilités et aux avantages des quatre suggestions formulées par l'ancien commissaire aux langues officielles, M. Fraser. J'ai demandé aux gens du Commissariat pourquoi il y en avait quatre et si l'une était préférable aux autres. Ils ont eu de la difficulté à me répondre.
J'espérais recevoir une réponse de votre part. J'ai une petite idée de ce qu'elle sera, mais je vais vous poser la question quand même. Donneriez-vous la préférence à l'une des quatre suggestions?
Au début, vous avez mentionné que chacune des suggestions comportait des avantages et des inconvénients, mais je comprends à présent que si une préférence devait être établie, les sanctions administratives pécuniaires l'emporteraient.
Pour cela, Il faudrait apporter des modifications à la Loi sur la participation publique au capital d’Air Canada, n'est-ce pas?
Le sujet de ma prochaine question a été déjà abordé par M. Arseneault, mais je vais en parler quand même aussi.
Nous nous sommes beaucoup demandé si le Commissariat aux langues officielles devrait avoir plus de pouvoirs.
Outre Air Canada, d'autres agences sont un peu plus récalcitrantes lorsqu'il s'agit du respect de la Loi sur les langues officielles. Vous avez glissé un mot à ce sujet, mais j'aimerais que vous nous en parliez un peu plus en détail. Est-ce qu'on devrait donner plus de pouvoirs au commissaire aux langues officielles et, si oui, comment cela se ferait-il de façon concrète?
Comme je l'ai dit aux commissaires précédents à un moment ou à un autre de leur mandat, le commissaire aux langues officielles devrait avoir davantage de pouvoirs. Ils me répondaient tous que ces pouvoirs accrus mineraient leur indépendance et qu'ils préféraient le statu quo. Je leur rétorquais alors qu'il serait possible de séparer les pouvoirs ou de les graduer. Il y a indéniablement toutes sortes de moyens qu'on peut utiliser pour calmer l'appréhension des commissaires qui ont peur de perdre leur crédibilité en raison de pouvoirs accrus.
On parle ici d'une agence administrative. Au départ, l'idée était que le commissaire effectue des enquêtes, qu'il établisse des rapports et qu'il formule des recommandations à l'intention du Parlement et des institutions fédérales. En cas de problème, l'affaire pouvait ultimement être portée devant la Cour fédérale. On n'a pas donné aux commissaires tous les outils voulus pour qu'ils accomplissent leur mandat correctement.
Je suis d'accord pour qu'on donne davantage de pouvoirs au commissaire, non seulement à ceux du gouvernement fédéral, mais également aux commissaires des provinces, que ce soit le Nouveau-Brunswick, l'Ontario ou une autre.
Merci beaucoup de cette réponse.
J'ai cru comprendre qu'on pourrait leur donner davantage de pouvoirs en modifiant la Loi sur les langues officielles.
Cela nous éclaire vraiment. Bientôt, notre comité va réviser la Loi sur les langues officielles, comme vous l'avez recommandé.
C'est très intéressant. On pourrait le faire en ajoutant des sanctions administratives pécuniaires, ou SAP, à la Loi sur les langues officielles, n'est-ce pas?
Cela pourrait se faire.
Vous avez dit que les SAP présentent des avantages et des inconvénients. Ces sanctions constitueraient-elles un pouvoir efficace pour le Commissariat aux langues officielles? Vous avez dit au début que les ententes exécutoires peuvent être intéressantes, mais qu'elles ne sont pas suffisantes. Est-ce que les SAP pourraient être complémentaires de ces ententes?
Oui, parce qu'on veut donner une chance à l'institution fédérale en cause de faire quelque chose pour corriger le problème. On lui demanderait de soumettre un plan, comme ce qui est fait présentement.
Prenons l'exemple d'Air Canada qui soumet un plan au commissaire. Ce dernier lui confirme que le plan est satisfaisant et que tout ira bien, mais après deux ans, la société abandonne son plan et il n'y a pas de sanctions. Si le plan avait une valeur juridique, Air Canada se verrait infliger des sanctions administratives pécuniaires au bout de ces deux années.
Merci, monsieur le président.
Monsieur Foucher, merci d'être ici. J'ai fait mes études en français à la Faculté de droit de l'Université d'Ottawa, section de common law. Vous avez aussi fréquenté cette faculté ainsi que celle de Moncton, n'est-ce pas?
Il y a quelques mois, lorsque les représentants de Transports Canada sont venus témoigner au Comité, ils ont laissé sous-entendre qu'il était temps de laisser Air Canada faire ce qu'elle voulait et ne plus s'occuper de l'offre de services en français. Quand ils ont comparu devant nous, des représentants de cette société nous ont dit que tous les transporteurs devraient, eux aussi, être assujettis à la Loi sur les langues officielles, comme vous l'avez mentionné.
Qu'avez-vous à dire à ce sujet?
Je vais profiter de ma liberté d'universitaire. C'est bien d'être professeur, car on peut parfois dire des choses qui peuvent sembler énormes.
Il y a déjà des difficultés quant à l'application de la Loi à Air Canada. Si on appliquait la Loi à tous les transporteurs, cela augmenterait la difficulté. Il faudrait que le Commissariat aux langues officielles dispose d'un plus grand budget. J'irais encore plus loin. Je ne comprends pas pourquoi toutes les institutions de compétence fédérale, notamment les banques, les compagnie aériennes et les sociétés de transport interprovincial, ne sont pas assujetties à la Loi sur les langues officielles. Elles aussi devraient être tenues de respecter la partie IV de la Loi et d'offrir des services à leurs clients en français ou en anglais partout au Canada.
Dans la même logique de ce que j'ai dit tantôt, si on ne protège pas une langue, la langue la plus forte va l'emporter. Il ne suffit pas que les banques aient le choix de faire des actes hypothécaires en français, il faudrait les obliger à l'offrir à leurs clients. Il faudrait qu'elles soient obligées de faire des annonces bilingues et d'avoir des employés bilingues. Ce que je dis est énorme.
Il y aurait alors beaucoup d'institutions qui seraient assujetties à la Loi. Il faudrait peut-être y aller graduellement.
S'il y avait une révision de la Loi sur les langues officielles, je crois qu'il faudrait aborder et étudier l'aspect visant à étendre la Loi.
Présentement, nous travaillons à un rapport qui aborde toute la question liée à Air Canada. Lorsque le commissaire est venu témoigner devant le Comité, il a affirmé que cela faisait 30 ou 40 ans que la situation durait. Évidemment, la question des sanctions, pécuniaires ou autres, fait partie des sujets que nous aimerions aborder. D'ailleurs, monsieur Foucher, nous vous remercions beaucoup de vos commentaires à ce sujet.
J'aimerais vous poser une brève question.
Vous avez dit que d'autres sanctions ont été appliquées à d'autres secteurs. Pouvez-vous nous éclairer sur les autres sanctions appliquées?
Ce sont des situations où une entreprise assujettie à un commissariat viole une exigence prévue par la loi. Dans ce cas, le commissaire en question déclenche automatiquement une sanction administrative pénale. C'est, entre autres, la façon dont fonctionne le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada.
Cela sert d'outil de dissuasion en ce qui concerne la compagnie.
Oui, c'est déjà fait. Comme je vous l'ai dit au début de ma présentation, les quatre suggestions du commissaire sont déjà mises en application.
La semaine dernière, nous avons entendu le témoignage de M. Thibodeau. Il nous a expliqué que, selon lui, lorsqu'une enseigne « Exit » se trouvait au-dessus de la porte de l'avion ou de l'aéroport ou dans les locaux d'Air Canada, cela violait ses droits.
Une entreprise comme Air Canada utilise des avions, mais elle ne les fabrique pas. Avant la signature d'un contrat, elle pourrait toujours exiger que l'on écrive « Exit » ou « Sortie » au-dessus de la porte de l'avion. Ce n'est pas le cas, car ce sont des avions qui sont vendus partout dans le monde.
Croyez-vous qu'il s'agit véritablement d'une violation des droits linguistiques de M. Thibodeau? Je ne veux pas me faire l'avocat du diable, mais c'est devenu... Je n'arrive pas à penser au bon mot, pouvez-vous m'aider à le trouver?
Une mission, oui.
À un moment donné, trop, c'est comme pas assez.
Dans ce cas-ci, quelqu'un essaie de trouver tous les problèmes auxquels il peut se heurter ou tous les éléments qui peuvent brimer ses droits dans le but de les dénoncer systématiquement. Sur le fond, je comprends très bien la mission de M. Thibodeau. De toute évidence, cela est devenu une mission pour lui et c'est son droit.
Si le commissaire avait la possibilité de donner une amende à une entreprise sans que personne ait à justifier en quoi les droits linguistiques n'ont pas été respectés, cela n'ouvre-t-il pas la porte à des abus épouvantables?
Il y a deux éléments à cette question.
Premièrement, s'il y a un abus de la part du commissaire, les tribunaux sont là pour le corriger. Nous le voyons dans d'autres domaines administratifs. J'ai donné des cours de droit administratif dans ma carrière et j'ai enseigné cela aux étudiants.
Deuxièmement, quant au fond de la question, il est vrai que le simple fait de lire « Exit » au-dessus de la porte de l'avion ne fait pas que la personne deviendra anglophone. Cependant, c'est un message que l'on envoie à la population de langue maternelle française. C'est comme si on lui disait que sa langue était secondaire. Pour le jeune qui voit cela, ce sont comme des gouttes qui tombent dans un vase. Comme le disait Gilles Vigneault, la goutte qui tombe dans le vase et qui le fait déborder n'est pas plus grosse que les autres. Toutefois, quand le vase est plein, il déborde. C'est cela, l'affichage bilingue. C'est cela, les annonces bilingues dans les aéroports et les billets d'avion bilingues. Pourquoi pensez-vous que les Inuits ont exigé que le transporteur aérien imprime ses billets d'avion en inuktitut? Je suis allé au Nunavut et mon billet d'avion était imprimé en trois langues. Pourquoi ont-ils exigé cela? C'est parce que la population inuite veut que l'inuktitut devienne une langue commerciale. C'est le même esprit qui est derrière la Loi sur les langues officielles.
Prise isolément, vous avez raison, cette affaire peut avoir l'air de celle d'un missionnaire à la Don Quichotte qui court après les moulins à vent avec son épée. Cependant, si on ne fait pas attention, si on ne tire pas une ligne dans le sable pour indiquer que c'est maintenant que cela se termine, les gouttes continuent de tomber dans le verre et celui-ci va déborder.
Vous préféreriez modifier la Loi plutôt que de voir le commissaire s'attaquer uniquement à Air Canada. Le fait d'inclure les dispositions dans la Loi revient à dire que toutes les institutions de compétence fédérale seront assujetties à la Loi.
Évidemment, le commissaire ne reçoit pas uniquement les plaintes qui concernent Air Canada, même si nous parlons souvent d'Air Canada. Je ne veux pas être l'avocat d'Air Canada, parce que je ne suis pas avocat; je suis débosseleur. Il n'en demeure pas moins que...
Des voix: Ah, ah!
Mais quoi, vous n'arrêtez pas de vous flatter, vous, avec vos professions.
Je fais des farces; il ne faudrait pas que je brusque les témoins.
Par souci d'équité, on pourrait déterminer que l'ensemble des organismes fédéraux doivent être sur un pied d'égalité et ne pas cibler uniquement Air Canada, VIA Rail ou toute autre organisation, est-ce exact?
Oui. On a ciblé Air Canada parce que cette société a appartenu au gouvernement fédéral, mais appliquer cela à l'ensemble des transporteurs aériens sur le territoire canadien pourrait être une idée intéressante.
Ce que vous proposez, c'est l'option 4, c'est-à-dire des sanctions administratives pécuniaires.
Est-ce le commissaire qui doit aussi faire appliquer cela?
Oui, mais vos propos étaient fort instructifs pour les membres du Comité. Au nom de tous, je vous remercie encore une fois de votre présentation.
Je vous remercie de m'avoir invité et je vous souhaite bonne chance. Nous lirons votre rapport avec grand intérêt.
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