:
Merci, monsieur le président.
Je suis accompagnée aujourd'hui de Me Pascale Giguère, qui est conseillère générale et directrice des affaires juridiques, de Mme Mary Donaghy, qui est commissaire adjointe aux politiques et communications, et de M. Jean Marleau, qui est commissaire adjoint par intérim de l'assurance de la conformité.
[Traduction]
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, bonjour.
J'aimerais tout d'abord vous remercier de m'avoir invitée à comparaître devant vous en ma qualité de commissaire aux langues officielles par intérim. J'en profite pour souligner que mon équipe et moi-même sommes toujours disponibles pour répondre aux questions des parlementaires, et ce, même en cette période de transition au Commissariat.
[Français]
L'étude que vous avez entreprise au sujet de l'accès à la justice est essentielle. Je vous remercie de me permettre de vous faire part de deux enjeux importants à cet égard.
Mes commentaires porteront d'abord sur l'affichage des jugements des cours fédérales, puis sur l'accès au système de justice.
[Traduction]
En ce qui concerne la question des décisions des cours fédérales, l'ancien commissaire, Graham Fraser, a déposé un rapport au Parlement, l'automne dernier, sur l'enquête visant le Service administratif des tribunaux judiciaires, ou le SATJ. Ce rapport fait suite à son rapport au gouverneur en conseil d'avril 2016.
Le coeur du conflit concerne l'affichage des jugements sur le site Web des cours fédérales, qui n'est souvent pas fait de façon simultanée dans les deux langues officielles. En fait, de nombreux mois peuvent s'écouler avant que la version dans l'autre langue officielle soit affichée.
[Français]
Nous avons commencé l'enquête sur cette situation en 2007. Des plaintes continuent d'être déposées à ce sujet 10 ans plus tard. L'institution estime que la publication des décisions des cours fédérales sur le site Web est uniquement régie par les dispositions de la partie III de la Loi sur les langues officielles, qui portent sur l'administration de la justice.
Elle soutient que les dispositions de la partie IV, qui imposent à toutes les institutions fédérales des obligations en matière de communications avec le public — incluant, selon nous, les communications faites sur le Web —, ne s'appliquent pas aux décisions des cours fédérales en raison du principe de l'indépendance judiciaire.
[Traduction]
Tout en reconnaissant l'importance d'un tel principe, nous sommes d'avis que la publication des jugements des cours fédérales est régie par la partie IV de la Loi sur les langues officielles et que c'est plutôt le droit du public d'avoir accès à la justice dans les deux langues officielles qui est directement compromis lorsque les jugements des cours fédérales ne sont pas publiés sur leur site Web simultanément dans les deux langues officielles.
Les nombreuses discussions tenues avec l'institution n'ont pas permis de régler le différend. Notre rapport final d'enquête de 2015 concluait que le SATJ était toujours en infraction à la Loi sur les langues officielles.
[Français]
Puisque l'institution n'a pas donné suite à notre recommandation, l'ancien commissaire, M. Fraser, a déposé un rapport au gouverneur en conseil et a recommandé que cette ambiguïté soit clarifiée, soit par un renvoi à la Cour suprême du Canada, soit par une modification législative.
À la suite de la décision de la de ne pas donner suite à cette recommandation, M. Fraser a déposé un rapport au Parlement.
Une clarification législative à ce sujet est donc nécessaire afin de dénouer cette impasse. J'espère que le Comité pourra recommander au gouvernement d'élaborer un projet de loi visant à préciser les obligations linguistiques des cours fédérales à cet égard.
[Traduction]
L'accès à la justice constitue un droit fondamental pour tous. Malgré les dispositions du Code criminel consacrant le droit de tous les Canadiens d'être entendus dans la langue officielle de leur choix partout au pays, l'exercice de ce droit fondamental se heurte à des obstacles particuliers pour environ deux millions de Canadiens vivant en situation linguistique minoritaire. Il en est de même pour les litiges civils où les lois provinciales ou territoriales reconnaissent à divers degrés le droit d'être entendu dans l'une ou l'autre des deux langues officielles.
[Français]
Plusieurs de ces difficultés sont décrites dans l'étude sur l'accès à la justice que le précédent commissaire, M. Fraser, a publiée en 2013, conjointement avec ses homologues de l'Ontario et du Nouveau-Brunswick. Le processus de nomination des juges des cours supérieures y est examiné, de même que la formation linguistique qui leur est offerte. M. Fraser conclut que le processus ne permet pas d'assurer la nomination d'un nombre suffisant de juges ayant les compétences linguistiques requises pour entendre les citoyens dans la langue officielle de la minorité, et ce, sans délai ou coût supplémentaires.
Cette conclusion est fondée sur deux constats principaux.
[Traduction]
Premièrement, il n'existe aucune action concertée pour déterminer les besoins des cours supérieures en ce qui a trait à leur capacité bilingue ou veiller à ce qu'un nombre suffisant de juges bilingues soient nommés à ces cours.
Deuxièmement, il n'existe pas encore d'évaluation objective des compétences linguistiques des candidats à la magistrature des cours supérieures. Jusqu'à tout récemment, le seul critère à cet égard était une seule question dans le formulaire de candidature à la magistrature des cours supérieures demandant aux candidats d'évaluer eux-mêmes leur capacité de mener un procès dans l'une ou l'autre des deux langues officielles. Cette autoévaluation n'était jamais vérifiée de manière objective.
[Français]
Afin de corriger cette situation, l'étude formule 10 recommandations concrètes. Une démarche concertée de la part du ministre de la Justice du Canada, de ses homologues provinciaux et territoriaux ainsi que des juges en chef est nécessaire à leur application.
Le gouvernement fédéral précédent n'a pas donné suite aux recommandations de notre étude.
Toutefois, au cours de la dernière année, nous avons été en mesure de constater certains progrès. J'aimerais porter à votre attention, plus particulièrement, les changements qui ont été apportés en octobre 2016 par le gouvernement fédéral au processus de nomination des juges des cours supérieures.
[Traduction]
Le nouveau formulaire de mise en candidature comprend maintenant des questions plus précises sur les compétences linguistiques des candidats, et le nouveau processus prévoit la possibilité d'évaluer la compétence linguistique des candidats. Lorsque ce sera complètement mis en oeuvre, la devrait donc avoir en main les résultats de ces évaluations au moment d'examiner les besoins des cours avec un juge en chef ou de formuler des recommandations. Ces changements constituent des mesures concrètes qui donnent suite à certaines des recommandations formulées par l'ancien commissaire, M. Fraser, dans son étude.
[Français]
Ces progrès récents témoignent d'une prise de conscience dans les milieux juridiques à l'égard de l'accès à la justice dans les deux langues officielles. Il reste toutefois plusieurs autres enjeux à surmonter avant qu'il soit possible de conclure à un réel accès égal.
Je vous remercie de votre attention.
[Traduction]
C'est avec plaisir que je répondrai maintenant à vos questions.
:
Merci, monsieur le président.
Merci beaucoup aux témoins d'être ici ce matin.
Dans le cadre de l'étude actuelle, nous traitons de deux choses extrêmement importantes. J'ai malheureusement l'impression qu'il y a un élément qui tend à avoir préséance sur l'autre. Je parle ici de la nomination de juges bilingues à la Cour suprême. J'estime que la question de l'accès à la justice dans les deux langues officielles au Canada est aussi importante, sinon plus, que celle de la nomination de juges bilingues, ou que les deux sujets sont d'importance égale, devrais-je dire. On revient souvent sur la question de la nomination des juges, alors que, en réalité, le travail le plus colossal à faire est celui de rendre la justice accessible dans les communautés de langue officielle en milieu minoritaire. Ma première série de questions va toucher ce sujet, parce que j'estime vraiment nécessaire que nous nous y intéressions un peu plus.
Jusqu'à maintenant, les témoins que nous avons reçus étaient d'avis que l'un des problèmes importants était celui des ressources financières. En effet, il n'y a pas assez d'argent pour faire traduire et ainsi rendre disponibles dans toutes les provinces des jugements issus de la common law ou encore du droit civil. De telles traductions permettraient, par exemple, de rendre la jurisprudence accessible à tous, partout au Canada.
On parle d'avoir un accès à la justice égal dans les deux langues officielles au Canada, mais on est loin, même très loin du compte. Une analyse ou une étude a-t-elle était faite qui pourrait inciter le ou les gouvernements à injecter les sommes nécessaires? A-t-on évalué à combien s'élèveraient les sommes nécessaires pour qu'on procède à une traduction pratiquement instantanée des jugements, afin de les rendre accessibles à l'ensemble de la profession?
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leur présence.
Je suis avocat et je vis dans un milieu minoritaire, soit à Sudbury, dans le Nord de l'Ontario, et j'ai fait mes études à l'Université d'Ottawa en français. Donc, cette question me touche particulièrement.
Dans vos commentaires, vous avez dit que le formulaire de mise en candidature pour les juges avait changé. J'ai constaté que les questions y étaient plus claires. Je pense que la ministre pourra prendre une décision beaucoup plus éclairée qu'auparavant au moment de déterminer s'ils ont les compétences nécessaires.
À part cela, il reste des défis à surmonter. À la page 5 de votre présentation, on peut lire ceci: « [...] il n'existe aucune action concertée pour déterminer les besoins des cours supérieures en ce qui a trait à leur capacité bilingue ou pour veiller à ce qu'un nombre suffisant de juges bilingues soient nommés à ces cours. »
Pourriez-vous nous dire qui décide quelles régions ont besoin de juges bilingues? Prenons l'exemple de l'Ontario. Ce n'est pas la qui dit que cette région a besoin de juges bilingues. J'aimerais savoir qui décide. Est-ce le juge en chef de la cour, un groupe local ou le ministère de la Justice qui décide dans quelles régions il devrait y avoir un juge bilingue?
:
Merci, monsieur le président.
Merci beaucoup aux témoins de leur présence aujourd'hui et de leur témoignage.
L'accès à la justice dans les deux langues officielles était une question très importante pour l'ancien député Yvon Godin, qui siégeait à ce comité comme représentant du NPD et que je remplace à ce titre. Il en a fait son cheval de bataille et il a travaillé très fort à ce dossier. Il a notamment présenté deux projets de loi sur le bilinguisme des juges à la Cour suprême du Canada, projets qui ont été appuyés par l'ancien commissaire Fraser au fil des années.
Présentement, il y a un débat au sujet d'une politique que les libéraux ont adoptée sur la nomination des juges bilingues. Bien sûr, une politique est un premier pas très apprécié, mais nous voudrions que cette obligation de bilinguisme des juges de la Cour suprême du Canada soit inscrite dans un projet de loi.
Avez-vous eu des échos de ce débat parmi les constitutionnalistes, pour ce qui est de déterminer si une telle exigence serait constitutionnelle ou non? M. Fraser, le précédent commissaire aux langues officielles, n'a jamais parlé de cette question. Est-ce un sujet que votre équipe a abordé? Quelle solution proposeriez-vous?
Cela m'amène à la question suivante. Est-ce possible de dénombrer tous les juristes, avocates ou avocats qui sortent des facultés de droit francophones ou bilingues et de savoir comment ces gens sont répartis dans le pays, d'un océan à l'autre?
Depuis 1988, il y a plusieurs personnes qui étudient le droit en français. Je suis moi-même un ancien étudiant de la Faculté de droit de l'Université de Moncton, qui est francophone. Il y a maintenant l'Université d'Ottawa qui enseigne le droit en français. Je pense qu'il y a même l'Université de Sherbrooke qui enseigne la common law en français. Je ne connais pas tous les détails, mais je sais qu'il y a eu une évolution rapide. Du temps où j'étudiais à l'Université de Moncton, il y avait des étudiants de chaque province, pratiquement. Ces étudiants avaient l'anglais comme langue maternelle et venaient étudier à Moncton. Cela doit se faire aussi à Ottawa et ailleurs.
Historiquement, je peux comprendre l'appréhension et la crainte des gens de l'Ouest de ne pas avoir de juges de leur région à la Cour suprême en raison de cette exigence de bilinguisme. Je trouve néanmoins que cette exception n'est pas cohérente, étant donné que les juges des autres tribunaux fédéraux doivent être bilingues. Il y a quand même des tribunaux fédéraux dans l'Ouest canadien. Pourquoi fait-on une exception pour la Cour suprême du Canada?
Bon, passons sur la crainte et l'appréhension.
Connaissez-vous la répartition des avocates et avocats dits bilingues, depuis l'avènement des facultés de droit en français?
J'en arrive à la question qui tue, comme à l'émission Tout le monde en parle.
On ne peut pas être contre la vertu, et je suis d'accord sur le fait que les juges de la Cour suprême du Canada doivent être bilingues. Cependant, j'estime qu'il y a une différence fondamentale entre un juge qui est parfaitement bilingue et un juge qui est fonctionnellement bilingue. Actuellement, le gouvernement souhaite qu'on nomme des juges qui sont fonctionnellement bilingues.
Faites-vous la distinction entre un juge qui est parfaitement bilingue et un juge qui est fonctionnellement bilingue? Si un juge est fonctionnellement bilingue, est-ce suffisant pour qu'il siège à la Cour suprême du Canada?
Selon la définition du gouvernement, un juge fonctionnellement bilingue est capable de comprendre le français et l'anglais, mais il n'est pas nécessairement capable de s'exprimer en français ou en anglais. On pourra me corriger si ce n'est pas cela. Pour ma part, je ne considérerais pas un tel juge comme bilingue. C'est mon opinion, mais j'aimerais connaître la vôtre.
:
Selon moi, une personne qui est assez bilingue, ce n'est pas la même chose qu'une personne qui est parfaitement bilingue. Vous allez m'excuser, monsieur le président, mais je suis obligé de le dire à plusieurs reprises.
Cela dit, je comprends l'ambition, l'objectif, voire le rêve d'avoir un pays parfaitement bilingue d'un bout à l'autre; nous y rêvons tous. Nous rêvons tous d'avoir des juges parfaitement bilingues non seulement à la Cour suprême, mais dans toutes les cours partout au Canada. En effet, ce serait super. À ce compte, le bon Dieu est-il bilingue? Je ne le sais pas, mais quand on va arriver en haut, ce serait bien que ce soit le cas; ce serait le monde idéal.
Comme vous l’avez fait remarquer tout à l’heure, cette exception a été créée parce qu’on pouvait compter sur ses 10 doigts ou à peu près les juges parfaitement bilingues provenant d’une province anglophone. Cela correspond peut-être moins à la réalité d’aujourd'hui. En effet, depuis 1988, la société a évolué et le bilinguisme a quand même avancé au Canada, il faut bien le dire.
Cette réalité justifie-t-elle qu’on enchâsse dans une loi canadienne l’obligation de choisir un candidat qui est peut-être un peu moins compétent, mais qui est bilingue? Cette loi va-t-elle faire en sorte, à un moment donné, de nous imposer de choisir, au lieu d’un candidat plus compétent, un autre candidat bilingue, lequel n’aurait même pas l’obligation d’être parfaitement bilingue, mais bien fonctionnellement bilingue, ce qui pourrait s’avérer insuffisant dans certains cas, comme vous le dites? Comprenez-vous ce que je veux dire?
:
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, merci de nous donner l’occasion de vous présenter notre rapport de vérification des services bilingues fournis au public voyageur par l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien, ou l'ACSTA, publié il y a seulement quelques semaines.
L’ACSTA est une organisation relativement jeune: elle n’a été établie à titre de société mandataire qu’en 2002. Depuis ce temps, le Commissariat aux langues officielles a mené plusieurs interventions visant à aider l’institution fédérale à comprendre et à remplir ses obligations en matière de langues officielles.
[Français]
En 2012, dans le cadre d'un exercice visant les droits linguistiques du public voyageur dans les aéroports, le Commissariat aux langues officielles a effectué des observations auprès de l'Administration canadienne de la sûreté du transport aérien, l'ACSTA, dans huit aéroports internationaux.
L'institution avait reçu des notes parfaites relativement à l'offre active visuelle. Cependant, elle devait améliorer l'offre active en personne et la disponibilité des services dans la langue officielle de la minorité linguistique. Malgré cela, en 2014-2015, elle s'est classée au deuxième rang parmi les institutions visées par le plus grand nombre de plaintes déposées au Commissariat, plaintes qui étaient liées à la partie IV de la Loi sur les langues officielles en ce qui a trait aux communications avec le public.
[Traduction]
Le Commissariat a donc réalisé une vérification de l’ACSTA de décembre 2015 à mars 2016 pour déterminer la mesure dans laquelle l’institution remplit ses obligations linguistiques envers le public voyageur.
Les agents de contrôle dans les aéroports, qui sont en fait des employés de tiers fournisseurs de services qui agissent pour le compte de l’ACSTA, effectuent un travail exigeant et très précis, qui vise d’abord et avant tout à veiller à la sécurité du public voyageur dans les aéroports.
Ils surveillent le mouvement des passagers et de leurs effets personnels aux points de contrôle des aéroports partout au pays avant leur entrée dans la zone sécurisée d’un aéroport; il s’agit d’une étape obligatoire pour le public voyageur avant l'embarquement. Ces agents de contrôle doivent appliquer les obligations linguistiques pertinentes et suivre les normes établies par Transports Canada.
[Français]
Une offre active de services dans les deux langues officielles aux points de contrôle est particulièrement cruciale lorsque les personnes qui offrent un service sont en position d'autorité. Dans ce contexte, l'offre active de services bilingues prend toute son importance. Les voyageurs doivent savoir, dès le départ, qu'ils peuvent utiliser le français ou l'anglais dans leurs interactions avec les agents de contrôle.
La vérification portait principalement sur le premier secteur d'activité de l'ACSTA, soit le contrôle des passagers, de leurs bagages de cabine et de leurs effets personnels aux points de contrôle des aéroports de classe 1, c'est-à-dire les aéroports qui accueillent au moins un million de passagers par année et qui sont ainsi tenus d'offrir des services dans les deux langues officielles, conformément à la loi.
[Traduction]
La vérification visait quatre objectifs: vérifier si la haute direction de l’ACSTA s’engage à mettre en oeuvre la partie IV de la Loi sur les langues officielles, qui porte sur les communications avec le public et la prestation des services, de façon à garantir aux passagers la possibilité d’être servis dans la langue officielle de leur choix; vérifier si l’ACSTA dispose d’un mécanisme officiel pour faire l’offre active et fournit des services de qualité égale en français et en anglais à toutes les étapes du processus de contrôle de sûreté dans les aéroports; vérifier si l’ACSTA tient compte des besoins des communautés de langue officielle en situation minoritaire dans l’aménagement de ses services bilingues; et vérifier que l’ACSTA surveille de manière efficace la prestation de services de qualité égale en français et en anglais par les tiers fournisseurs de services avec lesquels elle a conclu des contrats pour assurer des services aux points de contrôle dans les aéroports.
[Français]
La vérification nous a permis de constater que la haute direction de l'ACSTA a déployé beaucoup d'efforts pour intégrer les langues officielles dans son travail en conformité avec les principes et responsabilités énoncés dans sa politique sur les langues officielles. Malgré les efforts déployés afin de communiquer clairement ses obligations en matière de langues officielles à tous les employés des fournisseurs de services, les agents de contrôle de l'ACSTA n'accueillent pas toujours le public voyageur dans les deux langues officielles et les services disponibles ne sont pas toujours de qualité égale dans les deux langues officielles. Les compétences linguistiques des agents de contrôle ne sont pas évaluées de façon uniforme par les différents fournisseurs de services au Canada.
Il y également un manque d'uniformité dans la formation offerte par ces fournisseurs de services aux agents de contrôle concernant les langues officielles. L'ACSTA ne connaît pas le nombre optimal d'employés nécessaire pour assurer des services bilingues en tout temps, et la norme actuelle énoncée dans les clauses linguistiques ne garantit pas des services de qualité égale dans les deux langues officielles.
[Traduction]
L’ACSTA ne consulte pas les communautés de langue officielle en situation minoritaire relativement aux services. Elle vérifie la satisfaction des passagers en ce qui concerne les services fournis dans leur langue officielle de préférence. Cependant, le nombre de francophones interrogés est peu élevé, et il est difficile de conclure à l’exactitude des résultats obtenus sur les services offerts aux francophones en raison de la méthodologie actuelle.
L’ACSTA a déjà effectué une évaluation de la qualité des services offerts au public voyageur, qui comprenait un volet sur les langues officielles. L’annexe B de notre vérification présente la liste des 15 recommandations, les commentaires et le plan d’action de l’ACSTA, ainsi que mes commentaires.
[Français]
Je suis en grande partie satisfaite des mesures et des échéances proposées par l'ACSTA. Son plan d'action est susceptible d'améliorer grandement le rendement de l'institution et d'améliorer concrètement le service aux passagers. J'incite l'ACSTA à poursuivre sa réflexion concernant les mesures proposées en réponse à la recommandation 3, qui vise à ce que l'ACSTA revoie l'identification linguistique des postes de directeurs et de gestionnaires principaux en région, et à la recommandation 8, qui vise à ce que l'ACSTA revoie ses normes liées aux langues officielles dans le Programme de conformité des contrats. J'encourage, par ailleurs, l'institution à uniformiser les conséquences de ne pas respecter ces nouvelles normes dans toutes les régions.
[Traduction]
Au bout du compte, l’ACSTA doit pleinement mettre en oeuvre l’ensemble des recommandations contenues dans le rapport de vérification pour respecter ses obligations prévues par la Loi sur les langues officielles pour ce qui est des communications avec le public et de la prestation des services dans les deux langues officielles. Le Commissariat procédera au suivi de la mise en oeuvre des recommandations au cours des 18 à 24 prochains mois.
C’est avec plaisir que je répondrai maintenant à vos questions.
Dans les documents, il est question de certains aéroports. Vous avez dit plus tôt qu'il était plus facile de respecter la question du bilinguisme à Ottawa et à Montréal, car il y a beaucoup de personnes bilingues au sein de la population. J'ai les données ici. Ce sont des notes globales, et elles figurent dans le tableau 3 ayant pour titre « Résultats des observations dans les aéroports, Administration canadienne de la sûreté du transport aérien, 2012-2013 ».
L'aéroport international Jean-Lesage de Québec a une note de 91 %. Est-ce parce qu'il était difficile de recruter des gens bilingues?
Pour Montréal, la note est de 95 %. Il me semble que ce devrait être 100 % étant donné qu'il y a un bassin de population bilingue disponible.
À Ottawa, où il semble que ce soit facile de recruter en raison de la population bilingue, la note est de 79 %. Je suis donc inquiète parce que vous avez dit que c'était problématique à Toronto. Vous savez que Toronto est la plaque tournante pour le transport partout en Amérique. Nombre de gens viennent de Montréal et de Québec, et ils transitent par Toronto pour se rendre ailleurs. Vous avez fait allusion tantôt aux gens qui ne voyagent pas souvent et qui sont plus nerveux. Cela m'inquiète beaucoup.
Il y a des pourcentages inquiétants, compte tenu de votre observation concernant la facilité de trouver des gens bilingues à Ottawa et à Montréal. À Québec, je présume que les gens, comme M. Généreux, sont bilingues. Il doit y en avoir d'autres.
Une voix: Non, ce n'est pas à 100 %.
Mme Linda Lapointe: J'aimerais entendre ce que vous en pensez, car cela m'inquiète un peu.
M. Samson a abordé une question critique, soit celle des fournisseurs délinquants. J'aimerais en parler à mon tour.
Vous parliez de solutions. En fait, la solution est strictement politique. Il n'y en a pas d'autres. Or, il est extrêmement dangereux, au Canada, de parler de bilinguisme. Cela peut nous faire perdre une élection.
En novembre 2015, la Cour suprême a rendu un jugement dans l'affaire Caron-Boutet. Selon moi, ce n'est pas par hasard que la décision a été rendue après l'élection. Pendant l'élection, cela aurait pu déclencher une crise constitutionnelle ou, du moins, une crise politique. C'est bien sûr une cause que vous connaissez très bien, madame. La Cour a décidé de rejeter la contestation de ces deux francophones de l'Alberta et de la Saskatchewan qui s'appuyait sur un raisonnement historique et sur des conventions. Selon eux, l'Alberta et la Saskatchewan devaient être des provinces bilingues et toutes leurs lois devaient, par le fait même, être bilingues. Ils ont malheureusement perdu leur cause, et ce, parce que la Cour suprême doit d'abord et avant tout protéger l'unité canadienne. Elle ne le dit pas, mais il reste que c'est son rôle absolu.
Je vous rappelle aussi que, sur le site du Commissariat aux langues officielles, M. Graham Fraser, votre prédécesseur, s'est dit extrêmement déçu de ce jugement de la Cour suprême.
L'avocat de M. Caron, l'un des requérants dans la cause, a dit ceci: « Le gouvernement Trudeau devrait faire la bonne chose et dire qu'il va corriger cette erreur-là et payer l'argent qu'il faut aux provinces de la Saskatchewan et de l'Alberta pour traduire toutes leurs lois, et les règles de la cour. »
Le bilinguisme, c'est une question de politique et de fric. Voilà le problème. Cela coûte extrêmement cher. Quand la Cour suprême a décidé que le Manitoba devait être bilingue, selon les conventions, cela a coûté des milliards de dollars.
Pour que les fournisseurs cessent d'être délinquants, il faut que nous, les politiciens, donnions l'exemple. Nous pourrions notamment investir les milliards de dollars nécessaires pour que l'Alberta et la Saskatchewan deviennent des provinces bilingues. De cette façon, elles ne pourraient plus s'opposer à cette idée pour des raisons financières.
Par contre, il y aurait alors des problèmes politiques. En effet, je ne suis pas sûr que Mme Notley serait réélue si elle prenait cette initiative.
Cela étant dit, madame, j'aimerais savoir si, comme M. Fraser, vous avez été déçue de ce jugement et si vous croyez que le gouvernement libéral actuel — et c'est vraiment sans partisanerie que je le demande — devrait corriger ce problème d'une façon politique et ne pas s'arrêter à ce jugement?
:
Ce serait peut-être cela, la solution.
Le Nouveau-Brunswick est la seule province officiellement bilingue, bien que le Québec le soit aussi. En effet, selon l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, toutes nos lois doivent être bilingues. À l'Assemblée nationale du Québec, on peut s'exprimer en anglais librement. Un ministre s'est même fait reprocher d'avoir répondu en français à une question posée en anglais la semaine dernière à l'Assemblée nationale.
Je me pose de sérieuses questions à propos de la Loi sur les langues officielles. Selon moi, les très importantes rivalités culturelles et la culture politique au Canada font qu'on n'arrive pas à mettre cette loi en vigueur adéquatement.
Cela m'amène à ma deuxième question.
En tant que commissaire intérimaire, croyez-vous que le bilinguisme régional, comme en Suisse, pourrait être une solution? Chaque région tiendrait un référendum qui permettrait de choisir une langue, et on appliquerait ensuite ce choix. Trouvez-vous que c'est révolutionnaire, trop dangereux? Quel est votre point de vue à ce sujet?
:
Merci, monsieur le président.
Je voudrais revenir sur la question d'Air Canada.
Le rapport spécial contient quelques pistes de solution. Je ne sais pas si vous avez reçu une réponse du ministère des Transports ou d'un autre ministère à la suite de ces recommandations. Tout à l'heure, il a été question des recommandations relatives à l'ACSTA, dont deux n'ont pas été acceptées. Vous êtes cependant en train de travailler à cela avec la nouvelle présidence.
Le commissaire Fraser a rappelé qu'il faisait très rarement un rapport spécial et que, s'il en avait déposé un, c'était parce que l'heure était grave. Il a souligné que la situation était très particulière et qu'il fallait prendre des mesures exceptionnelles pour régler le problème.
C'est sûr que vous avez reçu du ministère des Transports une belle lettre ou une belle réponse disant qu'il allait examiner et évaluer la situation, d'autant plus que des rumeurs ont circulé récemment concernant la possibilité de privatiser les aéroports. Cela nous inquiète beaucoup.
Avez-vous reçu une réponse dans le contexte de ces rumeurs de privatisation éventuelle des aéroports?