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LANG Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des langues officielles


NUMÉRO 120 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 20 novembre 2018

[Enregistrement électronique]

(0855)

[Français]

    Nous reprenons la séance. Je vous rappelle que la séance est maintenant publique.
    Conformément à l'article 108(3) du Règlement, nous poursuivons notre étude sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles.
    Nous avons le plaisir de recevoir ce matin M. Mark Power, M. Darius Bossé et Mme Perri Ravon, qui sont avocats chez Juristes Power.
    Monsieur Power, vous disposez d'une quinzaine de minutes pour faire une entrée en matière. Ensuite, il y aura des échanges avec les membres du Comité.
     Merci, monsieur le président.
    Bonjour à toutes et à tous.
    Je vous remercie de cette invitation à discuter avec vous d'un sujet qui me passionne, mais qui est également important pour le Canada en entier: le statut des langues officielles et l'avenir de nos communautés.
    Dans les quelques minutes qui sont mises à ma disposition, je croyais utile de faire un bref tour d'horizon historique pour nous mettre dans le bain et bien comprendre ce qui se passe aujourd'hui, tant au Sénat qu'à la Chambre des communes, relativement à la modernisation de la Loi sur les langues officielles.
    Vous avez entre vos mains un petit document. Je vois que même Mme Boucher l'a.
    Tout d'abord, il ne faut pas oublier que, lorsque le Canada a été créé en 1867, le statut du français n'était presque pas protégé. À l'époque, on parlait du statut de l'anglais à l'Assemblée nationale, du statut du français ici, au Parlement fédéral, dans la législation ou de façon verbale, mais sinon, il n'y avait rien. Pour tout dire, les choses ont mal commencé. On avait promis à nos ancêtres que le français et l'anglais seraient les deux langues officielles dans tous les domaines d'intervention, or la Constitution n'a pas reflété cette promesse. Cela a mené à une période extrêmement difficile, qui a provoqué un réveil du Canada français, notamment au Québec, mais pas seulement dans cette province.
    À l'onglet 3 du document, vous trouverez un extrait en français du livre de Graham Fraser intitulé Sorry, I Don't Speak French, qui est suivi de l'extrait en anglais. Aux pages 41 et 42 de l'extrait en français, vous trouverez un récit historique tout à fait rocambolesque de l'arrivée à Ottawa des créditistes du Crédit social du Québec. À leur arrivée ici, ils ont dénoncé l'affichage uniquement en anglais du menu du restaurant parlementaire, des annonces de VIA Rail à la gare d'Ottawa, et j'en passe.
    Les Canadiens français, mais surtout les Québécois francophones, ont si bien dénoncé cet état de choses que cela a mené à la création, dans les années 1960, de la Commission Laurendeau-Dunton. Cela a donné lieu à un premier rapport en 1965 et à un vrai mouvement législatif. C'est pour cela que nous nous parlons aujourd'hui. Le vrai mouvement législatif, bien sûr, c'est la première Loi sur les langues officielles, déposée en 1968 et adoptée en 1969.
    Pour vous rappeler le chemin très important que le Canada a parcouru en quelques générations, je vous invite à jeter un coup d'oeil au document présenté à l'onglet 1. Vous pourrez en faire la lecture lorsque vous serez en avion, en train ou avant de vous coucher. Il s'agit de la déclaration du premier ministre de l'époque, le père de M. Justin Trudeau, qui explique ce que l'État canadien tente de faire au moment de déposer la première Loi sur les langues officielles.
    Ce n'est pas une question de partisanerie. Le discours de M. Trudeau prône la décolonisation. Il dit à quel point les Canadiens français ont souffert. Ce discours a été bien reçu par tous les partis de la Chambre. Cela a mené à la première Loi sur les langues officielles du Canada adoptée en 1969, que vous retrouverez à l'onglet 4.
    La bonne nouvelle, c'est que le statut du français a alors fait un gros bond en avant, et l'anglais a également été protégé. C'était du jamais vu jusqu'alors. La mauvaise nouvelle, c'est qu'aucun mécanisme de mise en oeuvre digne de cette appellation n'avait été prévu. La mise en oeuvre se faisait en vase clos. Chaque institution fédérale était responsable de veiller à ses propres besoins. Comme vous pouvez l'imaginer, quand la personne qui occupait le poste de ministre était intéressée, les choses se passaient bien, sinon cela se passait mal.
    Il y a ensuite eu, en 1982, la Charte canadienne des droits et libertés. Cela a permis un autre grand bond en avant pour le statut du français, surtout, mais également de l'anglais au Québec. On a prescrit un minimum en ce qui concerne l'éducation en langue anglaise.
    Pendant les années 1970, vos prédécesseurs parlementaires, tant à la Chambre des communes qu'au Sénat, commencent à dénoncer l'insuffisance de la première Loi sur les langues officielles. Cela mène à toutes sortes de débats intéressants. Je ne parle pas ici de l'accord du lac Meech ni de celui de Charlottetown, mais de la Loi sur les langues officielles. Ces débats se soldent par la Loi que vous connaissez bien et que vous maîtrisez. Dès lors, on conclut qu'elle doit être modernisée de fond en comble. Je devine qu'une des questions est de déterminer comment y parvenir. Vous trouverez ce texte de loi à l'onglet 5.
(0900)
    Une autre lecture de chevet fascinante est ce qui figure à l'onglet 2, soit le discours de Ray Hnatyshyn, alors député de Saskatoon-Ouest, au moment de la deuxième lecture d'un projet de loi, suivi du discours de Jean-Robert Gauthier, qui prend la parole au nom des libéraux, encore pour souligner la non-partisanerie de la question. Tout le monde était résolument d'accord sur la nécessité de revoir la Loi sur les langues officielles de fond en comble. C'est ce que vos prédécesseurs ont fait en 1988 et c'est ce qui doit maintenant être fait, et au plus vite, comme dirait ma mère.
    Que fait la Loi de 1988? Je veux souligner trois choses qui, à notre sens, sont importantes pour votre travail.
    La première est que le mécanisme de mise en oeuvre est complètement à repenser. En 1969, la mise en oeuvre de la Loi est diffuse. En 1988, on remet presque toute la responsabilité de la mise en oeuvre dans les mains du Conseil du Trésor. Pourquoi le Conseil du Trésor? C'est parce qu'il s'agit d'une agence centrale qui, comme vous le savez, est capable de dicter la marche à suivre à d'autres institutions fédérales.
    Cette décision a été prise sciemment et a reçu l'aval de tous les partis à la Chambre des communes. L'objectif visé était de corriger les erreurs de la première Loi et de se donner les moyens d'agir si l'on voulait vraiment faire quelque chose.
    Cela correspond à la partie VIII de la Loi sur les langues officielles, qui commence à l'article 46 et qui est intitulée « Attributions et obligations du Conseil du Trésor en matière de langues officielles ». C'est clair.
    La deuxième chose à souligner relativement à la Loi de 1988, c'est bien sûr la partie VII, qui encourage les institutions fédérales à prendre des mesures pour favoriser et encourager le développement du français et de l'anglais partout au Canada. On parle ici des fameux articles 41, 42 et 43.
    J'ai l'impression que nous allons en parler à la suite de la déclaration d'ouverture, mais je veux vous rappeler que la partie VII de la Loi ne date que de 1988. Au moment où elle a été adoptée, en 1988, elle n'était pas justiciable. Autrement dit, en 1988, on ne pouvait pas se présenter devant la Cour fédérale pour en exiger la mise en oeuvre. En outre, la partie VII relevait du Secrétariat d'État. Aujourd'hui, on parlerait de Patrimoine canadien. C'était l'une des seules parties de la Loi qui ne relevaient pas du Conseil du Trésor. À l'époque, certains dénonçaient le fait que cela n'allait probablement pas fonctionner. Sans doute me voyez-vous venir.
    En mars 1988, au Sénat, le sénateur De Bané s'est adressé à M. Lucien Bouchard, qui, à l'époque, était secrétaire d'État. C'est lui qui pilotait la nouvelle Loi sur les langues officielles au Parlement fédéral. Qu'a dit le sénateur De Bané? Je vous en lis un extrait. Malheureusement, cela ne se trouve pas dans le document qui est devant vous. Par contre, vous conviendrez que c'est fascinant, j'en suis certain:
Deuxièmement, monsieur le ministre, je voudrais revenir à cet article 42 auquel vous avez fait allusion. Permettez-moi de vous dire que personnellement je suis très pessimiste au sujet de l’impulsion que le secrétariat d’État pourra avoir avec un article aussi dilué que se lit de la façon suivante [...]
    Il a alors lu le texte de la partie VII.
Comme vous le savez, au gouvernement central il n’y a que deux ou trois organismes qui réellement ont un pouvoir de coordination : le Conseil du Trésor, le ministère des Finances, le Conseil privé. Je vous prédis, monsieur le ministre, que jamais l’article 42 ne vous donnera l’autorité pour appeler les ministres récalcitrants et pour leur dire en vertu de l’article 42 : je vous demande de poser tel et tel geste dans telle section du pays pour m’aider à atteindre les objectifs de la loi. Tel qu’il est, cet article-là, monsieur le ministre, tout ce qu’il va vous causer c’est des frustrations.

Pourquoi Gérard Pelletier avant vous, lorsqu’il était secrétaire d’État, a transféré ses responsabilités au Conseil du Trésor pour le respect du bilinguisme à l’intérieur de la Fonction publique? Ce n’est pas, et permettez-moi de vous le dire franchement, parce qu’il n’avait pas lui aussi des relations très privilégiées avec le premier ministre, non. C’est parce que la loi du secrétariat d’État ne lui donnait pas un pouvoir coercitif sur les ministères récalcitrants. C’est la raison pour laquelle, à un moment donné, c’est Gérard Pelletier lui-même qui a demandé que ça soit transféré au Conseil du Trésor qui lui, en vertu de la loi, doit approuver les budgets des ministères qui peut leur imposer des obligations. Il espérait par là que, bon, il pourrait davantage obtenir l’accord, même à reculon, des ministères récalcitrants. Penser que l’article 42 tel que libellé va vous donner ces pouvoirs-là, je vous prédis qu’il va être pour vous une grande ressource de frustration. Ce n’est pas des articles comme ça qui donnent à un ministère le pouvoir de faire travailler les autres qui ne veulent pas suivre votre direction.
    Malheureusement, mesdames et messieurs, le sénateur De Bané a eu tout à fait raison. Entre 1988 et 2005, pour les Canadiens français et les anglophones du Québec, la mise en oeuvre de la partie VII a été une histoire de grandes frustrations. La partie VII n'a pas fonctionné.
    C'est ce qui a mené le sénateur Jean-Robert Gauthier, en 2005, à modifier la partie VII. À cette occasion, le sénateur Gauthier a reçu l'appui de tous les partis, d'abord au Sénat et ensuite à la Chambre. Son projet de loi, qui a reçu la sanction royale, se trouve à l'onglet 7. Dans les communautés de langue officielle, on parle du projet de loi S-3.
    Que fait ce projet de loi? Il rend la partie VII justiciable. Autrement dit, il rend alors possibles les recours devant la Cour fédérale. Or, ce que le sénateur Gauthier n'a pas fait, ni aucun de vos prédécesseurs au Parlement — je pense qu'aucun des députés ici présents n'était là en 1988 —, c'est confier la responsabilité de la partie VII au Conseil du Trésor.
(0905)
    Cela peut vous sembler étrange d'entendre un juriste dire cela, mais le sénateur Gauthier a délaissé la voie administrative pour plutôt privilégier la voie juridique, ce qui a eu pour résultat un désastre. Je le dis toutefois avec le plus grand respect et la plus grande admiration pour celui qui a déjà représenté la circonscription d'Ottawa—Vanier. Il s'est trompé, on s'est trompé. On a sous-estimé l'immobilisme d'institutions fédérales.
    Pourquoi dis-je cela? C'est parce que la Cour fédérale a déclaré, en mai dernier, que la partie VII ne voulait rien dire. La modification du sénateur Jean-Robert Gauthier n'a donc rien donné. Essentiellement, la Loi dans son ensemble est malade.
    À l'onglet 8, vous trouverez certains extraits du jugement du juge Gascon. L'affaire Fédération des francophones de la Colombie-Britannique c. Canada (Emploi et Développement social) portait essentiellement sur l'interprétation de la partie VII, mais pas seulement sur cela.
    Je pense qu'il sera utile, dans le cadre de votre travail, de lire le paragraphe 213. Vous le trouverez à l'onglet 8. Cela va faire mal de lire cela, mais parfois il est important de comprendre le problème. Vers la fin du paragraphe 213 du jugement, le juge Gascon dit ceci:
Clairement, le texte de la loi révèle que l'expression « des mesures positives » ne signifie pas la même choses que ces autres types de mesures. Elle ne revêt pas, à l'évidence, les mêmes attributs d'exhaustivité, de nécessité, de précision ou de suffisance qu'on retrouve ailleurs dans la LLO.
    La partie VII ne dit pas ce qu'on voulait qu'elle dise.
    Citons un deuxième et dernier extrait. Il s'agit du paragraphe 216, et c'est là que cela fait vraiment mal. Le paragraphe commence ainsi:
En somme, l'article 41 n'impose pas d'obligations précises et particulières aux institutions fédérales. Rien dans le langage utilisé au paragraphe 41(2) n'évoque quelque spécificité que ce soit.
    Dans mon monde, que fait-on quand cela ne fonctionne pas devant un juge? On interjette appel, et c'est ce qui est en train de se produire. On verra quelle sera la position du gouvernement du Canada en appel. Dans mon monde, ce qui compte vraiment, c'est de gagner. Comment est-ce qu'on gagne? On vient devant les parlementaires et on demande que la Loi soit modifiée correctement.
    Cela nous ramène à notre sujet d'étude: que faire relativement à une loi qui est manifestement défaillante? En ce qui nous concerne, le temps est venu de réécrire la Loi au complet, comme vos prédécesseurs l'ont fait en 1988. Il y a lieu de reprendre la Loi, article par article, et de se demander si cela a toujours du sens en 2018 ou 2019. Peut-être que parfois la réponse sera oui. Sinon, il faudra améliorer les dispositions de la Loi.
    Ce n'est pas seulement la partie VII qui doit être repensée. Il faut aussi tenir compte des changements majeurs qui se sont manifestés au Canada au fil du temps.
    Je vous invite à regarder l'onglet 10. Vous y trouverez une très belle carte. C'est une carte qui fait rêver: elle nous dit que le français peut survivre à l'extérieur du Québec.
    Toutes ces écoles à l'extérieur du Québec n'existaient pas en 1982. Certaines d'entre elles, en Nouvelle-Écosse, ont été créées grâce au député de Sackville—Preston—Chezzetcook. Le fait est que nos communautés se portent bien mieux qu'avant. Or la Loi sur les langues officielles de 1988 ne reflète pas les conséquences de la gestion scolaire. Les conseils scolaires ne sont pas des joueurs majeurs. On a tout récemment proposé, par l'entremise de Mme Joly et de M. Brison, des modifications au Règlement sur les langues officielles du fédéral afin de reconnaître l'existence d'une école comme signe de la vitalité d'une communauté. Cependant, il n'y a pas que cela. Il faut repenser la Loi à la lumière du fait que le Canada français va bien mieux que durant les années 1970 et le début des années 1980.
    Il y a des idées provenant de toutes sortes de sources. Il y a de bonnes idées et de moins bonnes idées. Je vous invite à jeter un coup d'oeil à l'onglet 6. Vous y retrouverez une liste longue comme le bras, en français et en anglais, de toutes sortes de projets de loi qui ont tenté, de peine et de misère, de modifier la Loi sur les langues officielles avant 2015, donc avant les dernières élections fédérales. Les idées proviennent de plusieurs sources. Vous avez les vôtres. Vous aussi bien que les sénateurs entendez toutes sortes de témoins qui proposent largement de bonnes idées de réforme.
    En conclusion, en tant que juristes et professionnels, nous vous recommandons quatre choses.
    Premièrement, il faut donner davantage de pouvoir au Conseil du Trésor. Dans la Loi de 1988, les attributions faites à l'agence centrale qu'est le Conseil du Trésor étaient optionnelles. On avait prévu en 1988 que l'agence centrale pouvait agir. On devrait plutôt exiger qu'une agence centrale soit responsable des langues officielles.
    Deuxièmement, il faut prévoir un droit de participation et un droit de consultation des communautés de langue officielle avant que des décisions majeures gouvernementales ne soient prises. Évidemment, je ne parle pas d'un droit de veto; je ne suis pas si naïf que cela. L'idée est de s'assurer que les communautés de langue officielle et les communautés linguistiques tout court puissent participer aux débats publics avant qu'une décision majeure ne soit prise, tout cela dans leur intérêt. On fait cela pour les Autochtones, et c'est très bien. On devrait pouvoir faire cela pour les Canadiens français et les Canadiens anglais.
    Troisièmement, il faut un cadre de reddition de comptes adéquat. J'entends par là un tribunal administratif qui peut recevoir et traiter des disputes ou des problèmes de mise en oeuvre de la Loi, mais il faut aussi repenser le rôle et les responsabilités du commissaire aux langues officielles du Canada. Cela va de pair. Certaines choses vont bien, mais certaines choses vont très mal.
    Quatrièmement, enfin, le reste de la Loi doit être repensé. Il faut repenser aux obligations qui devraient être incluses dans la Loi. Il faudrait repenser aux droits qui devraient être consacrés dans la Loi. À ce sujet, la liste est très longue. Je sais que certains témoins ont déjà commencé à dresser cette liste. Vous avez vos propres idées. Le message à retenir est que cette loi fédérale a besoin d'être repensée et adoptée à nouveau, et le plus tôt sera le mieux.
    Merci de votre attention.
(0910)
    Merci beaucoup, monsieur Power.
    Nous allons passer immédiatement aux commentaires de mes collègues. Nous allons commencer par M. Clarke.
    Merci, monsieur le président.
    Bonjour à vous trois. Merci d'être ici.
    Votre présentation était très belle, monsieur Power, comme d'habitude. C'est impressionnant, tout ce que nous avons pu parcourir avec vous en 15 minutes.
    J'aimerais que vous creusiez davantage l'aspect de la mise en oeuvre. Ici, nous parlons souvent du contenu de la Loi, mais nous parlons moins souvent de sa mise en oeuvre.
    Vous avez mentionné que cela devrait être centralisé au sein d'une agence particulière ou d'un ministère comme le Conseil du Trésor. Pouvez-vous approfondir cet aspect et continuer de nous dire de quelle façon, selon vous, il est possible de renforcer la mise en oeuvre de la Loi?
    Merci de votre question, monsieur Clarke.
    J'ai deux éléments de réponse à vous soumettre.
    Premièrement, je vous invite à regarder l'onglet 5 du document. Vous y trouverez le texte de la Loi présentement en vigueur. Les numéros de page se trouvent au bas. Si vous allez à la page 22, vous y verrez l'intertitre de la partie VIII, « Attributions et obligations du Conseil du Trésor en matière de langues officielles ». Le paragraphe 46(1) est intitulé « Mission du Conseil du Trésor ». Ensuite, le paragraphe 46(2), intitulé « Attributions », débute ainsi:
    
(2) Le Conseil du Trésor peut, dans le cadre de cette mission [...]
    Suit alors une liste de toutes sortes de beaux pouvoirs. Je vous fais une recommandation très concrète: il faudrait remplacer le mot « peut » par le mot « doit ».
    Deuxièmement, monsieur Clarke, restons sur la même page et regardons le paragraphe 46(1), lequel énonce que « le Conseil du Trésor est chargé [...] des parties IV, V et VI » de la Loi. Il faudrait plutôt préciser ici que le Conseil du Trésor est chargé de l'application de toute la Loi, ou très certainement de la partie VII, à tout le moins.
(0915)
    En ce moment, la partie VII ne fait pas partie de cela, n'est-ce pas?
    Exactement. Je vous recommande de l'ajouter.
    Devrions-nous ajouter seulement la partie VII, ou tout le reste de la Loi?
    Selon moi, monsieur Clarke, il faudrait ajouter tout le reste de la Loi.
    D'accord.
    Permettez-moi d'ajouter un troisième élément de réponse, puis je me tairai, monsieur le président.
    Tout comme ses prédécesseurs conservateurs, l'actuel président du Conseil du Trésor, M. Brison, a toutes sortes de pouvoirs en vertu de l'article 7 de la Loi sur la gestion des finances publiques. Je vous prie de m'excuser, je n'ai malheureusement pas le texte de cet article devant moi et il n'est pas non plus dans le document, mais je pourrai vous le montrer à la pause. Cet article de la Loi sur la gestion des finances publiques précise le rôle et la mission du Conseil du Trésor. Cela constitue en quelque sorte la loi habilitante de cette agence centrale. Elle énumère les pouvoirs qui sont mis au service de toutes sortes de questions importantes, et je crois que ces pouvoirs devraient également être mis au service des langues officielles.
    Pourriez-vous revenir sur le contenu de la Loi sur les langues officielles? Y a-t-il des articles qui n'existent pas et que vous verriez dans la Loi?
    À titre d'exemple, est-ce que l'instauration d'un tribunal administratif ferait partie des priorités absolues, selon vous? Je crois que cela correspond à votre troisième recommandation. J'ai senti beaucoup d'opposition partout au Canada à l'idée d'avoir un tribunal administratif. Si cette option n'était pas possible, quoi d'autre suggéreriez-vous? Pourquoi penchez-vous plus pour un tribunal administratif que pour l'attribution de pouvoirs coercitifs au commissaire?
    Je respecte beaucoup le travail que vous faites, évidemment, mais je ne sais pas trop à qui vous parlez au Canada, monsieur Clarke. Je sillonne moi aussi le pays — trop, malheureusement —, et beaucoup de gens me disent le contraire. Il semble donc y avoir plus d'un point de vue.
    À l'heure actuelle, la Loi exige qu'on dépose d'abord une plainte au commissaire aux langues officielles et, dans presque tous les cas, qu'on attende le résultat de l'enquête avant de se présenter à la Cour fédérale. Ce processus est lourd pour les justiciables ou les organismes, et fait appel à des règles de preuve difficiles. L'idée d'un tribunal administratif est de favoriser, d'accélérer et de généraliser l'accès à la justice. Sur ce point, avec la permission du président, je vais céder la parole à ma collègue Mme Ravon.
    Au Canada, l'un des domaines permettant d'illustrer la notion de tribunal administratif est celui des droits de la personne. En étudiant la Loi canadienne sur les droits de la personne, on voit qu'il y est fait mention d'un tribunal administratif qui a le pouvoir de rendre des ordonnances exécutoires et d'imposer des sanctions. Tout un régime y est détaillé. Vous trouverez à l'onglet 14 du document cette loi qui constitue ce tribunal et qui explique la façon d'y accéder ainsi que les recours qu'il offre aux justiciables.
    Cet exemple est intéressant. D'ailleurs, ce n'est pas juste au niveau fédéral. Tous les régimes provinciaux des droits de la personne au Canada ont un tribunal administratif spécialisé en la matière. C'est la norme.
    Ailleurs dans le monde, par exemple en Belgique ou en Suisse, y a-t-il des exemples de tribunaux administratifs traitant de droits linguistiques?
    Malheureusement, je n'ai aucune information à ce sujet.
    Si vous en trouvez, pouvez-vous nous l'envoyer?
    Absolument.
    Il serait intéressant de voir ce qu'un autre pays aurait vécu dans la foulée de l'implantation d'un tribunal administratif responsable de droits linguistiques.
    Tout à fait.
    Vous pouvez continuer votre réponse.
    Au bout du compte, les droits de la personne et les droits linguistiques, bien qu'ils soient garantis par des dispositions différentes de la Loi constitutionnelle de 1982 — l'article 15 et les articles 16 à 20, respectivement —, sont tout autant des droits fondamentaux et constitutionnels pour lesquels il faut des mécanismes forts de surveillance et de mise en oeuvre.
    Bien sûr, il y a des différences. Cependant, je pense qu'il est intéressant de s'inspirer du domaine des droits de la personne, car il offre des précédents très utiles en matière de surveillance et de sanctions. Il faut évidemment faire la part des choses, car certains régimes provinciaux des droits de la personne fonctionnent mieux que d'autres.
    Conformément à la Loi canadienne sur les droits de la personne, le plaignant s'adresse à la Commission canadienne des droits de la personne, laquelle fait enquête avant de décider de renvoyer ou non le dossier à un tribunal des droits de la personne. Ce dernier va pour sa part entendre les parties, écouter leurs observations, étudier la preuve, puis rendre des ordonnances exécutoires et imposer des sanctions.
(0920)
    Malheureusement, je vois que mon temps de parole est terminé. Merci.
    Merci.
    Nous poursuivons avec Mme Fortier.
    Merci, monsieur le président.
    Merci d'être ici aujourd'hui. Votre expertise nous aide beaucoup à déterminer la façon dont nous allons procéder à la modernisation de la Loi.
    D'après votre expertise, comment devrions-nous procéder? Par exemple, le sénateur Cormier a mené une consultation très intéressante qui a donné lieu à des rapports. Nous sommes en train d'examiner tout cela pour déterminer de quelle manière nous allons nous y prendre pour moderniser la Loi.
    On nous a fait plusieurs suggestions. Selon moi, pour amorcer cette modernisation, il faut mobiliser non seulement les communautés de langue officielle partout au pays, mais toute la société canadienne. Je suis curieuse de savoir comment vous voyez la chose.
    Comme vous le savez, nous manquerons de temps pour faire adopter un projet de loi avant les prochaines élections prévues l'année prochaine. Que pensez-vous que nous pourrions faire?
    Pour répondre à la prémisse de votre question, madame Fortier, je dois dire que, selon nous, les communautés ainsi que le Canada sont mobilisés pour cette question. Cela fait des années que les communautés de langue officielle en situation minoritaire, mais aussi les francophones au Québec, dénoncent certains problèmes structurels de la Loi.
    Qu'en est-il de la majorité anglophone? Elle est tombée amoureuse du français. À Vancouver, à Calgary, à Toronto, les gens font la file pour s'inscrire à des programmes d'immersion. Cela n'intéresse pas seulement les francophones hors Québec et les Acadiens, mais également ces anglophones qui aimeraient mieux ne pas avoir à faire la file et passer plus de temps avec leur famille.
    Les communautés sont donc mobilisées. À ma façon, je rejette la prémisse de votre question.
    Cela dit, nous vous recommandons de mener des consultations, bien sûr. Cependant, il y a déjà eu des consultations étendues. Vous avez déjà entendu plusieurs témoins lors de votre étude sur l'accès aux services à la petite enfance dans la langue de la minorité, laquelle a mené à une recommandation quant à la modernisation de la Loi. De plus, vos collègues au Sénat ont fait un travail herculéen jusqu'à maintenant. Évidemment, il faut tenir compte de ce qui a déjà été dit. Est-il nécessaire de mener des consultations pendant deux ou trois ans sur la question? Non, ce n'est pas nécessaire, quant à moi, puisqu'une bonne partie des consultations ont déjà été menées. Vous pourriez, un peu comme des juges, prendre connaissance d'office du travail de vos collègues sénateurs. Qui plus est, le Commissariat aux langues officielles a lui aussi déjà mené des consultations. Il a rencontré des milliers de personnes, et c'est tant mieux.
    Les temps ont un peu changé. En 2018, compte tenu des téléphones intelligents et de toute la technologie, les choses sont différentes de ce qu'elles étaient en 1988. Ce n'est pas comme à l'époque de la Commission Laurendeau-Dunton. On n'a pas besoin de consulter les gens pendant des années. Quelques mois suffisent, surtout quand les gens sont conscientisés et ont déjà eu une véritable chance de participer.
    Mon collègue M. Bossé a tout à fait raison de me rappeler l'étendue des consultations que Mme Joly a menées en vue de l'élaboration du plan d'action. Les gens ont été entendus. Lors de ces consultations, des francophones et des anglophones ont parlé du plan d'action, mais également des lacunes relevées dans la Loi.
    Bref, il faut passer à l'action. Est-ce réaliste de faire adopter un projet de loi avant les élections? Probablement que non. Cela dit, les langues officielles nécessitent que le gouvernement fédéral prenne des mesures bientôt.
    En tant que Franco-Ontarien ayant une petite fille qui fréquente une école francophone, cela me rassure d'entendre les principaux partis et le gouvernement déclarer que quelque chose sera fait, mais cela m'inquiète de ne pas savoir ce qui sera fait ni quand ce sera fait.
    Merci. Je voulais entendre votre point de vue là-dessus.
    Depuis jeudi dernier, je suis vraiment bouleversée par ce qui se passe en Ontario. De quelle façon la Loi peut-elle protéger les acquis partout au pays? Y a-t-il lieu d'examiner comment les ententes fédérales-provinciales et la collaboration au sein du pays peuvent nous permettre de revoir la Loi afin de renforcer les institutions fédérales et protéger les droits et les services offerts à la grandeur du pays? Y a-t-il un lien à faire avec l'exercice de modernisation de la Loi auquel nous nous livrons présentement?
(0925)
    Oui. J'ai deux remarques à faire à ce sujet.
    D'abord, vous trouverez dans le document, à l'onglet 5, le libellé de la loi fédérale. Les numéros de page sont notés au bas. À la page 20, vous trouverez le libellé de la partie VII, qui, disons les choses comme elles sont, est cancéreuse. C'est le cas de le dire. Je vous invite à lire l'article 43, qui se trouve au bas de la page. Quels sont présentement les pouvoirs du ministre du Patrimoine canadien? Il n'est pas tenu de faire quelque chose, mais il a quand même des pouvoirs. Ce que je veux souligner, c'est que la Loi de Lucien Bouchard a donné certains pouvoirs au ministre du Patrimoine canadien. Par exemple, le ministre peut prendre des mesures « de nature à favoriser l'épanouissement des minorités », comme prévu à l'alinéa 43(1)a), « pour encourager et appuyer l’apprentissage du français et de l’anglais », comme l'indique l'alinéa 43(1)b), « pour encourager et aider les gouvernements provinciaux à favoriser le développement des minorités », en vertu de l'alinéa 43(1)d), ou encore « pour encourager et aider ces gouvernements à donner à tous la possibilité d’apprendre le français et l’anglais », conformément à l'alinéa 43(1)e).
    Ce sont des assises législatives certaines qui permettent au gouvernement du Canada d'exercer, s'il le veut, son pouvoir de dépenser pour financer, en tout ou en partie, le démarrage d'une université franco-ontarienne, par exemple. Le journal Le Devoir, entre autres, en parlait ce matin. Cela pourrait également servir à financer, en tout ou en partie, le fonctionnement d'un commissariat aux langues officielles ou d'un commissariat aux services en français. Je crois savoir que cela se fait déjà dans les territoires et peut-être même au Nouveau-Brunswick.
    C'était ma première remarque.
    Voici ma deuxième. Bien sûr, le gouvernement peut parfois faire quelque chose en temps de crise. C'est bien, mais ce n'est pas fantastique. La Loi repensée devrait évidemment inclure une refonte de la partie VII. Il s'agirait d'une refonte de l'encadrement fédéral des fonds versés aux provinces aux fins des langues officielles. Évidemment, je vise ici le gouvernement fédéral, et non les provinces. J'anticipe la question, ou peut-être suis-je un peu paranoïaque, mais je veux vous dire que cela se fait. C'est ce que j'essaie de dire, madame Fortier et madame Boucher.
    À l'onglet 15 du document, on retrouve une loi fédérale portant sur le domaine le plus provincial qui soit, à savoir la santé. Je vous rappelle que les numéros de page se trouvent au bas. À la page 5, on retrouve les conditions d'octroi. Le gouvernement fédéral, dans l'exercice de son pouvoir de dépenser, dit qu'il verse des sommes importantes, mais qu'il tient à ce que certaines conditions soient respectées.
    Cela ne figure pas dans d'autres lois.
    C'est exact, madame Boucher.
    Si vous me le permettez, je vais énumérer ces conditions d'octroi:
a) la gestion publique;

b) l’intégralité;

c) l’universalité;

d) la transférabilité;

e) l’accessibilité.
     Pourquoi n'ajouterait-on pas un alinéa f), qui serait la dualité linguistique, que ce soit dans cette loi ou dans la nôtre? Est-ce rêver en couleur? Non.
    Je vous invite maintenant à consulter l'onglet 16.
    Voilà, nous aurons couvert tout le document.
    Après tout, nous sommes ici pour travailler.
    En effet, et j'aime cela.
    À l'onglet 16 se trouve un projet de loi parrainé par le regretté Mauril Bélanger. Que proposait-il? Il suggérait qu'on ajoute cet alinéa f) dans la Loi canadienne sur la santé. À mon avis, il serait possible d'améliorer la proposition de M. Bélanger en intégrant cette idée dans la Loi sur les langues officielles.
    Pour répondre à votre question, madame Fortier, je dois dire que des choses peuvent être faites relativement à la Loi actuelle, heureusement. Pour ce qui est de la suite des choses, de très bonnes idées ont déjà été proposées. À notre avis, celles-ci pourront et devront être mises en oeuvre dans une loi fédérale modernisée.
    Merci.
    Monsieur Choquette, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Power, chers collègues, je vous remercie énormément d'être présents aujourd'hui. Votre présentation nous éclaire et nous oriente, et nous vous en remercions grandement. Cela va guider notre réflexion et les recommandations que contiendra notre futur rapport. Merci beaucoup.
    J'aimerais revenir sur ce que Mme Fortier vient de mentionner. Présentement, nous vivons une crise. Bien sûr, nous tentons de conserver nos acquis. Nous nous rendons compte rapidement que certaines choses que nous considérions comme des acquis, par exemple le Commissariat aux services en français, demeurent fragiles. À ma connaissance, il y a trois commissaires en matière de langues officielles: un au fédéral, un autre au Nouveau-Brunswick et un troisième en Ontario, en l'occurrence au Commissariat aux services en français. Bien sûr, le projet d'université francophone à Toronto appartient à un autre domaine, c'est-à-dire l'éducation, qui est de compétence provinciale. Les francophones et les anglophones ont réussi à être maîtres des commissions scolaires, mais la petite enfance et l'éducation postsecondaire échappent à ces deux communautés.
    Dans le cadre de la révision de la Loi sur les langues officielles, y a-t-il des changements que nous pouvons apporter afin d'améliorer le respect des droits linguistiques et, bien sûr, l'accessibilité à l'éducation dans les deux langues officielles partout au pays?
(0930)
    J'ai deux ou trois remarques à faire à la suite de votre question, monsieur Choquette.
    Premièrement, sans vouloir répéter ce que j'ai déjà expliqué, je pense qu'il ne faut pas sous-estimer le fait que, lorsque des parlementaires fédéraux se prononcent en faveur des langues officielles, cela est d'une utilité et d'une importance à la fois symboliques et réelles pour les communautés linguistiques, même lorsqu'il s'agit de disputes, de chicanes ou de crises, si je reprends le qualificatif que vous avez employé, sur le plan provincial.
    Ici, en mon nom personnel, je tiens à vous remercier tous, notamment M. Clarke, qui a manifesté son mécontentement relativement à la chose, mais aussi le gouvernement actuel et ses députés. En tant que francophone hors Québec, je trouve cela très rassurant et je vous en suis reconnaissant. C'est très important. À mon avis, cela fait partie du rôle fédéral dans une fédération.
    Ma deuxième remarque rejoint un peu le sillon qu'avait commencé à tracer Mme Fortier. Vous avez parlé de la petite enfance et de l'éducation postsecondaire. Depuis des lunes, le gouvernement du Canada accorde des millions de dollars aux provinces et aux territoires en imposant très peu de conditions, parfois aucune. En 2018, cela n'a tout simplement pas de sens. La responsabilité, la transparence et la reddition de comptes sont devenues des valeurs qui peuvent être utilisées à bon ou à mauvais escient, comme on l'a vu jeudi dernier. Il est illogique que le gouvernement du Canada dirige autant de fonds vers Toronto sans exiger une certaine contrepartie, par exemple le respect des promesses faites aux francophones. Je l'exprime de façon générale, mais c'est suffisant pour le moment.
    Pour ma troisième remarque, je reviens à la modernisation de la Loi sur les langues officielles. C'est quand même le sujet de l'heure, malgré la surprise de jeudi dernier. Comme des témoins vous l'ont déjà recommandé, la Loi sur les langues officielles devrait inclure un article exigeant l'adoption quinquennale, disons, d'un PLOE ou d'une entente fédérale-provinciale en matière d'enseignement. Cet article de la Loi pourrait également exiger l'adoption d'un plan d'action quinquennal. Je fais allusion ici à ce que les Fransaskois vous ont recommandé. Ce serait une façon structurelle et structurante de permettre dorénavant au gouvernement fédéral de suivre plus attentivement l'argent qu'il donne aux provinces. Si ces dernières savaient qu'il y aurait probablement des répercussions, elles y penseraient à deux fois ou même à trois fois avant de sabrer les programmes et les services qui nous sont chers.
    L'appui fédéral à l'enseignement de la maternelle à la 12e année n'est pas inusité, monsieur Choquette. Dans les années 1960, la Constitution ne donnait ni aux francophones hors Québec ni aux anglophones au Québec le droit à leurs écoles. Qu'a fait le gouvernement du Canada de l'époque, qui était celui du père de M. Justin Trudeau? Il a mis de l'argent sur la table, mais assorti de conditions, et on les respectait. Il est temps de revenir à cette notion de contrepartie, notamment en prévoyant dans la Loi des dispositions relatives à la responsabilité, à la transparence et à la reddition de comptes.
(0935)
    Me reste-t-il du temps, monsieur le président?
    Il vous reste seulement 10 secondes.
    Nous passons donc immédiatement à MM. Rioux et Arseneault, qui partageront leur temps de parole et disposeront chacun de trois minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais poursuivre sur le même sujet que M. Choquette.
    Nous venons de faire une tournée dans l'Ouest, où l'on nous a parlé continuellement de reddition de comptes. Les représentants des commissions scolaires nous ont dit ne pas savoir si celles-ci recevaient tout l'argent qui leur revenait.
    Vous avez d'ailleurs abordé la question. Y a-t-il des moyens plus précis qui pourraient être pris pour qu'il y ait reddition de comptes, afin de s'assurer que les commissions scolaires reçoivent bien l'argent que le gouvernement fédéral envoie?
    Sur un autre sujet, on m'a dit que la petite enfance ne faisait partie d'aucune entente relative aux minorités linguistiques. Des gens de Vancouver nous ont dit que quatre enfants francophones sur cinq n'avaient pas accès à des services à la petite enfance dans leur langue.
    Je ne sais pas trop par où commencer, monsieur Rioux.
    À certains points de vue, les choses vont bien, comme l'illustre la carte des écoles francophones du Canada. Cependant, les choses vont mal à d'autres égards. En effet, nous avons besoin de bien plus de places pour la petite enfance, par exemple, et nous avons besoin que l'argent versé aux provinces et aux territoires soit dépensé aux fins pour lesquelles il a été accordé.
    Vous m'avez dit que vous aviez reçu des représentants du Conseil des écoles fransaskoises, lequel propose très concrètement d'ajouter dans la Loi un alinéa selon lequel le gouvernement du Canada « s'assure que les fonds transférés aux provinces et aux territoires sont effectivement dépensés comme prévu dans les accords négociés ». Si la Loi prévoyait cela, les fonctionnaires auraient une mission bien différente, et le débat lui-même au Parlement serait probablement bien différent.
    Je désire rapidement ajouter que la question de transparence et de reddition de comptes intéresse bien évidemment les minorités comme les Fransaskois ou les Franco-Colombiens, mais qu'elle intéresse tout autant, voire plus, la majorité. En Colombie-Britannique, le Vancouver School Board effectue des compressions dans les programmes d'immersion. Pourtant, le financement fédéral est resté stable, et la province est riche. Comment se fait-il donc qu'Ottawa se trouve à verser autant d'argent qu'avant pour financer moins de places en immersion? Où va cet argent? Comment se fait-il que ce soit moi qui pose la question? Cela n'a pas de sens.
    À mon avis, la révision de la Loi ne devrait pas intéresser que les minorités linguistiques. C'est une question sociétale et nationale.
    Nous allons continuer avec M. Arseneault.
    Merci, monsieur le président.
    J'avais plein de questions, mais vous êtes tellement, comment dirais-je, éloquent, limpide et clair.
    C'est tout un compliment pour un avocat.
    Oui.
    Je n'ai que trois minutes.
    Plus on se penche sur la question et on brasse des idées, plus on voit que c'est sur le transfert des fonds qu'il va falloir insister. C'est le nerf de la guerre; c'est là que cela fait mal aux provinces. Quand le fédéral leur versera ces énormes montants, on devra s'assurer qu'elles respectent leurs obligations.
    Je reviens sur l'article 43 de la Loi. Je n'aime pas le libellé lorsqu'on dit que le ministre du Patrimoine canadien prend des mesures « pour encourager et appuyer l'apprentissage du français et de l'anglais ». C'est à l'alinéa 43(1)b). Je n'aime pas le mot « encourager ». Puisque nous parlons d'une reddition de comptes pour les transferts de fonds, il serait bien d'employer une autre expression comme « s'assurer de » l'apprentissage du français. Les mots de l'alinéa 43(1)b) sont peut-être bien beaux à la messe du dimanche matin à l'église, mais ils sont tellement vides de sens du point de vue juridique.
    Selon vous, pour parvenir à ce que vous proposez, ne devrions-nous pas remplacer ce libellé par un texte plus contraignant qui nous permettra de nous assurer que les fonds fédéraux consentis dans le cadre d'ententes avec les provinces sont envoyés aux bons endroits?
    Je fais le parallèle avec la minicrise qui oppose le gouvernement du Québec à la ministre fédérale de la Santé, Ginette Petitpas Taylor. D'un côté, la ministre dit qu'il ne peut pas y avoir deux systèmes de santé au Québec si la province veut sa part des transferts fédéraux. De l'autre, le Québec nous dit de ne pas nous mêler de ses affaires. C'est exactement la même situation.
    Comment voyez-vous l'application des obligations linguistiques dans les provinces, dans ce contexte?
(0940)
    Premièrement, comme juriste, je suis d'avis que ce dont le Canada français a besoin, ce dont nous avons besoin comme francophones, comme Acadiens ou comme Anglo-Québécois, ce sont de meilleurs droits. La seule chose réaliste à faire, c'est de modifier la Loi sur les langues officielles du fédéral. En effet, il serait irréaliste d'envisager une réforme constitutionnelle. Nous avons besoin de résultats tangibles. Cela sera possible si l'on modifie la Loi de manière à encadrer davantage ou mieux ce qui est fait par le gouvernement du Canada. Je vous propose donc de concentrer vos efforts sur Ottawa.
    Deuxièmement, monsieur Arseneault, vos prédécesseurs au Parlement ont déjà esquissé ce que pourrait être la partie VII. Je vous invite à retourner à l'onglet 5 du document. Vous nous avez amenés à la page 21 de la Loi, mais allons plutôt au milieu de la page suivante, où sont énumérées les attributions du Conseil du Trésor. Ici, je veux soulever un nouveau point. Vous avez déjà tous et toutes biffé le verbe « peut » pour le remplacer par le verbe « doit » au paragraphe 46(2). Je veux maintenant souligner d'autres mots.
    Qu'est-ce que M. Brison peut faire en sa qualité de président du Conseil du Trésor? Selon l'alinéa a), il peut « établir des principes d'application ». Selon l'alinéa b), il peut « recommander au gouverneur en conseil des mesures ». Selon l'alinéa c), il peut « donner des instructions pour l'application » de certaines parties de la Loi. Ce sont là des dispositions assez contraignantes, monsieur Arseneault. Le président du Conseil du Trésor peut aussi, selon l'alinéa d), « surveiller et vérifier l'observation par les institutions fédérales » de leurs obligations. Selon l'alinéa e), il peut « évaluer l'efficacité des principes et programmes ».
    Reprenons ces verbes et transposons-les dans la partie VII ou, mieux encore, réécrivons la partie VII pour confier toutes ces obligations au Conseil du Trésor, transformons le mot « peut » en « doit », et vos successeurs seront aux prises avec des problèmes bien moins graves d'ici une ou deux générations. Le problème structurel sur le plan fédéral concerne la reddition de comptes fédérale-provinciale-territoriale, mais aussi la gouvernance. Cela prend une responsabilisation.
    Je pars de la prémisse selon laquelle Mme Joly a les meilleures intentions du monde. Par contre, la Loi actuelle n'accorde ni à Mme Joly ni à M. Brison les pouvoirs nécessaires pour faire ce qui doit être fait pour nous, comme francophones.
    Ils n'ont pas de pouvoirs contraignants.
    C'est exact.
    Merci, monsieur Arseneault.
    Puis-je avoir encore 10 secondes?
    D'accord, allez-y.
    Il serait donc souhaitable d'assujettir le paragraphe 43(1) aux obligations de l'article 46. La façon d'appliquer l'article 46 viendrait nous aider à interpréter l'article 43 et les verbes qu'il utilise, par exemple « favoriser » ou « encourager ».
    Vous êtes le législateur, vous pouvez donc faire ce que vous voulez. Ce que je suis en train de vous recommander, concrètement, c'est de vous inspirer de ce qui existe et d'au moins ajouter la mention de la partie VII à la troisième ligne du paragraphe 46(1), à la page 22, où il est déjà fait mention des parties IV, V et VI.
    Merci.
    Fondamentalement, monsieur Arseneault, il faut réévaluer la Loi article par article. Certains sont à garder, d'autres sont à repenser.
    D'accord.
    Si vous le permettez, nous allons faire une pause et reprendre la séance dans environ cinq minutes.
(0940)

(0950)
    À titre d'information, veuillez noter que nous allons tenir un point de presse à 13 h 45 dans le foyer, juste avant la période des questions orales, relativement à la motion que nous avons adoptée unanimement ce matin. Je vous invite tous à vous joindre à moi à cette occasion. Nous n'avons pas convoqué personne; normalement, les journalistes sont déjà présents.
    Vous parlez de l'endroit à côté des « lobbys »?
    Oui. Je parle du foyer central où se tiennent les journalistes.
    À 13 h 45, nous allons nous y présenter pour parler un peu de la motion que nous avons adoptée à l'unanimité ce matin.
    Par ailleurs, pendant la pause, j'ai discuté avec M. Power du projet d'université francophone à Toronto. Je lui demanderais de donner plus de précisions sur cette question.
    Si le fédéral payait toute la somme, est-ce que quelque chose nous empêcherait d'aller de l'avant? Je sais que le gouvernement canadien investit déjà dans cette université. Jusqu'où va ce pouvoir de dépenser?
(0955)
    Personnellement, mon souhait est que M. Ford change d'idée et qu'il respecte ses promesses électorales à l'égard d'une université pour l'Ontario français.
    De façon générale, cette crise souligne à quel point il est important que le gouvernement fédéral n'oublie pas son pouvoir de persuasion ni le levier économique dont il dispose en raison des transferts qu'il accorde.
    Au-delà de cela, votre question vise vraiment à savoir, si jamais il le fallait ou si le Parlement fédéral le jugeait souhaitable, si le fédéral pourrait payer toute la note pour la création de cette université. La réponse est oui. Il le pourrait en vertu de son pouvoir de dépenser. C'est ce qu'on appelle le pouvoir fédéral de dépenser. Ottawa peut dépenser dans des champs de compétence provinciale. La santé en est un bon exemple. Le fédéral pourrait tout à fait sauver les meubles, essentiellement, et éponger l'écart financier pour permettre à cette institution de prendre son envol. Ce genre d'entente pourrait durer deux ou trois ans, le temps que de nouvelles idées jaillissent à Queen's Park, à Toronto.
    La réponse juridique est donc oui.
    Merci.
    Nous allons poursuivre notre tour de table avec Mme Lambropoulos.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins d'être parmi nous aujourd'hui.
    Ma question se rapporte à ce que vous avez dit, c'est-à-dire qu'il faut repenser le rôle du commissaire aux langues officielles. Je suis à l'onglet 4, à la page 11.
    Quels changements suggérez-vous pour que son rôle soit plus efficace et pour qu'il puisse avoir plus de pouvoirs?
    La bonne nouvelle, madame Lambropoulos, c'est que les choses ont bien changé depuis ce temps. Ce que nous retrouvons à l'onglet 4, à la page 11, ce sont les pouvoirs du commissaire aux langues officielles tels qu'ils existaient à la fin des années 1960.
    C'est quand même important et utile que vous souleviez cela. À vrai dire, cela n'a pas fonctionné, ce qui a mené à une refonte complète des pouvoirs du commissaire. Je suis content que vous me donniez l'occasion de le mentionner.
    À l'onglet suivant, l'onglet 5, vous retrouverez, à partir de la page 23, les pouvoirs et les responsabilités du commissaire depuis 1988.
    Cependant, cela ne change pas le fait que vos prédécesseurs, en 1988, ont opté pour un modèle selon lequel le commissaire aux langues officielles est censé être à la fois un champion — en anglais, je dirais cheerleader — et un policier, en ce sens qu'il doit mener des enquêtes et publier des rapports. De plus, il détient le pouvoir, lorsqu'il le désire, de se présenter devant les tribunaux, sans devoir lancer des recours lui-même.
    Selon notre avis professionnel, cette dualité ne fonctionne pas. L'une de nos recommandations fondamentales serait de diviser ces deux rôles. Cela explique davantage l'idée d'avoir un tribunal administratif. En fait, ce ne sont pas que les juristes qui recommandent cela. Même des gens qui ont déjà occupé le poste en dénoncent les difficultés inhérentes, et pas seulement les francophones. M. Graham Fraser aussi le dit publiquement à qui veut l'entendre.
    Cela fait longtemps.
    D'accord, merci.
    Je vais vous parler d'une situation qui existe dans ma circonscription, Saint-Laurent. C'est un peu différent du sujet dont nous parlons; je sais que l'éducation relève complètement des provinces. Cette année, 45 élèves ne vont pas à l'école, faute de places dans les écoles francophones. Dans certains cas, ce sont de nouveaux arrivants. Il y a une liste d'attente de 45 élèves au niveau secondaire. Ces enfants ne vont pas à l'école, ils sont assis à la maison et attendent une place. Il y a beaucoup de places dans les écoles anglophones. Il y a des classes qui ne sont pas du tout utilisées. En outre, de nombreux professeurs francophones sont disponibles pour enseigner.
    Je trouve cela incroyable. Comment le droit à l'éducation peut-il être moins important que la loi 101?
    Y a-t-il quelque chose que le fédéral peut faire pour améliorer la situation en ce qui a trait à l'éducation?
(1000)
    Je crois que les langues officielles au Canada y gagnent si des idées réalistes sont véritablement mises en oeuvre par le Parlement fédéral.
    Il y a certaines choses que nous ne vous recommandons certainement pas. Par exemple, à la suite de l'annonce de jeudi à Queen's Park, nous ne vous recommandons pas de transformer le commissaire aux langues officielles du Canada en ombudsman. Nous ne vous recommandons pas non plus d'essayer de faire modifier la loi 101 au Québec. C'est vous qui êtes les politiciens, mais, selon moi, ce ne sont pas des pistes porteuses de résultats. Cela étant dit, votre question soulève deux réponses qui pourraient vous aider.
    Tout d'abord, il existe évidemment un lien entre les places dans les écoles de la majorité et celles dans les écoles de la minorité, et parfois on peut aider l'un en aidant l'autre, de façon indirecte. Je ne connais malheureusement pas la situation dans Saint-Laurent, mais je sais très bien que, dans plusieurs régions à l'extérieur du Québec, que ce soit à Ottawa, à Toronto ou dans l'Ouest, si on créait davantage de places dans les écoles de langue française, cela permettrait de rapatrier des francophones qui sont inscrits en immersion et qui ne devraient pas l'être. Cela créerait des places en classes d'immersion, par ricochet, et diminuerait le temps d'attente pour l'immersion. C'est dire qu'une stratégie concertée, qui pense non seulement à la minorité, mais aussi à la majorité qui recherche les programmes d'immersion, serait utile à l'extérieur du Québec.
    Qu'en est-il de la situation que vous mentionnez? Je vous l'avoue, je ne le sais pas.
    Pour compléter, vous avez dit que l'éducation était de compétence provinciale, mais ce n'est pas le cas en ce qui concerne l'éducation de la maternelle à la 12e année, c'est-à-dire aux niveaux primaire et secondaire. La Constitution, à tort ou à raison — selon moi, c'est à raison —, a créé un troisième palier de gouvernement, de sorte que, pour des raisons de gestion et de contrôle, la province ne peut pas faire ce qu'elle veut quant aux écoles de langue française, que ce soit à Moncton, à Halifax ou à Vancouver. Ce prisme de gestion scolaire n'existait pas en 1988. La Cour suprême du Canada le reconnaîtra deux ans plus tard. Cela est donc absent de la Loi sur les langues officielles actuelle, que ce soit la partie VII ou les autres parties. Cela doit impérativement figurer comme point de référence dans une refonte de la Loi.
    Merci.
    Avant de passer à M. Deltell, je vais apporter une petite correction. J'ai mentionné plus tôt un point de presse à 13 h 45 dans le foyer, mais il se tiendra plutôt à 13 h 55, parce qu'on m'a dit que le micro était déjà pris à 13 h 45.
    Monsieur Deltell, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président. Je vous annonce tout de suite que je vais partager mon temps de parole avec mon collègue de Beauport—Limoilou.
    Mesdames et messieurs, merci de m'accueillir à votre comité.
    Madame et messieurs, bienvenue à votre Chambre des communes. Merci beaucoup pour la qualité de votre documentation. Je suis seulement de passage aujourd'hui, mais c'est un passage rentable, parce qu'il y a beaucoup d'information au pouce carré dans votre documentation.
    Je veux simplement poser une question pour faire suite à ce que M. Arseneault a demandé tout à l'heure.
    Dans la Loi sur les langues officielles, à la partie VIII, au paragraphe 46(2), sous la mention « Attributions », il est dit: « Le Conseil du Trésor peut [...] » Vous souhaitez remplacer le mot « peut » par le mot « doit ».
    Vous avez dit d'entrée de jeu, et le président l'a dit également, que les langues officielles ont peut-être un statut à part, parce qu'il s'agit justement d'un élément pancanadien d'importance majeure. Souhaitez-vous que le Conseil du Trésor doive donner des directives précises dans le cas de quelque transfert que ce soit, fédéral ou provincial, dans quelque domaine que ce soit, ou cela doit-il être, selon votre point de vue, appliqué exclusivement aux langues officielles?
(1005)
     Jusqu'à maintenant, nos recommandations ne portent que sur les langues officielles. Ce qui est demandé, en ce qui concerne les transferts fédéraux aux provinces et aux territoires, c'est que soit ajouté dans la loi un article disant, noir sur blanc, que lorsqu'une institution fédérale signe une entente avec une province ou un territoire, cette entente doit inclure au minimum ce qu'on appelle dans les communautés une clause linguistique.
    Je comprends l'idée de la clause linguistique. Vous l'avez très bien expliquée, en utilisant des propos clairs et avec la passion qu'on vous connaît.
    J'aimerais néanmoins vous poser une question. Si vous ne voulez pas répondre, libre à vous bien entendu, étant donné que vous êtes venu ici pour parler des langues officielles. Selon vous, cette obligation doit-elle être appliquée à tout transfert fédéral aux provinces ou aux territoires, qu'il s'agisse de la santé, de l'éducation ou d'un autre secteur d'activité?
    J'avoue, monsieur Deltell, ne pas avoir prévu cette question. Je vais donc répondre avec mon coeur. À mon avis, la problématique liée aux langues officielles est tout à fait différente. Si vous consultez la Charte canadienne des droits et libertés, vous verrez qu'elle porte majoritairement sur les langues officielles.
    Merci, monsieur Power. C'est clair.
    Je voudrais revenir au tribunal administratif. Vous avez donné l'exemple d'un tribunal des droits de la personne. Il a dû arriver que ce tribunal sanctionne une société d'État canadienne. Il ne sanctionne pas seulement des individus qui ont lésé d'autres individus, il doit aussi sanctionner des compagnies privées. Qu'arrive-t-il lorsque le tribunal des droits de la personne sanctionne une société d'État? Que fait-il? Inflige-t-il des sanctions pécuniaires, et le cas échéant, comment fait-il pour infliger des sanctions à une société d'État ou à un ministère?
    C'est une question importante pour nous. Si le tribunal disait à Air Canada, par exemple, qu'il l'a vu poser un geste qui enfreint la loi, il pourrait lui infliger une sanction pécuniaire de 5 000 $. Or pour Air Canada, cela équivaut à une taxe quotidienne. Ce n'est même pas un problème.
    C'est vrai.
    J'imagine que les compagnies n'aimeraient pas nécessairement cela, mais plusieurs nous ont dit que ce serait une solution facile. On nous a aussi parlé de la situation où l'État se sanctionnerait lui-même en devant payer des sanctions pécuniaires pour avoir enfreint la loi.
    Que fait un tribunal administratif des droits de la personne dans de tels cas?
    D'abord, en général, les réparations qu'un tribunal des droits de la personne accorde vont plutôt aux victimes. C'est l'objectif principal. Ensuite, il peut y avoir des pénalités, par exemple des sanctions administratives ou pécuniaires, mais le rôle premier d'un tribunal des droits de la personne est de réparer une violation qui a été commise. On parle de dommages et intérêts, et une somme est offerte à la victime en guise de compensation, comme on le voit dans d'autres domaines du droit.
     S'ajoute ensuite à cela la possibilité d'accorder une réparation de nature déclaratoire, soit de dire que les droits d'une personne ont été violés. Il pourrait aussi y avoir des formes d'injonction. Par exemple, le tribunal pourrait dire à un organisme ou à une institution qu'il lui faut poser ou arrêter de poser un geste donné. Enfin, il pourrait aussi y avoir des sanctions punitives. C'est un peu ce que vous disiez.
    Il faut penser à toute la gamme de réparations possibles qu'un tribunal peut utiliser. C'est l'avantage que représente ce genre d'institution. Cela permet beaucoup de flexibilité. Dans le domaine des droits linguistiques, on pourrait opter pour les réparations qui nous semblent les plus appropriées dans ce domaine. Elles seraient un peu faites sur mesure.
    Avez-vous en tête des exemples où un tribunal des droits de la personne a dû sanctionner une société d'État, qu'il s'agisse de sanctions pécuniaires ou administratives? Ce que j'entends le plus souvent, c'est qu'il serait ridicule de créer un tribunal qui sanctionnerait le gouvernement. En ce qui concerne un tribunal des droits de la personne, ce genre de situation s'est certainement présentée au cours des 30 dernières années. Comme je l'ai déjà dit, vous pourrez nous faire parvenir cette information par courriel ou par un autre moyen.
    Oui, je pense qu'il serait préférable que nous vous fournissions des exemples précis.
    D'accord.
    Il faut savoir comment procède le tribunal et quand cela se produit. Quand je parle de cela aux gens, ils me disent tous que mes propos sont ridicules, qu'on ne demanderait pas à un ministère de verser de l'argent au gouvernement central pour avoir enfreint la loi de ce même gouvernement. C'est un cercle vicieux. Cela doit sûrement se faire dans le cas d'un tribunal des droits de la personne.
    Il faut comprendre qu'en général, l'argent va à la victime.
    Oui.
    Tout est orienté vers la victime. Qu'il s'agisse d'une violation des droits de la personne ou des droits linguistiques, l'argent va à la victime et non au gouvernement.
(1010)
    D'accord.
    Monsieur Power, voulez-vous ajouter un commentaire?
    Oui.
    Monsieur Clarke, je peux vous rassurer: ce n'est pas ridicule. Nous allons vous l'expliquer par écrit. Vous dépendez de nous. Nous allons bien vous nourrir.
    À l'onglet 12, vous trouverez un extrait de la Loi sur les langues officielles du Nunavut. C'est loin, mais le but est de voir que les choses ont changé au Canada depuis 1988. Qu'est-ce qu'on y voit? On y voit un fonds pour la promotion des langues officielles qui est nourri par les ordonnances de la cour. On ne parle pas de l'enrichissement personnel de francophones ou d'anglophones. Il est possible d'envisager cela comme un outil de développement communautaire.
    Ma troisième et dernière remarque sera très rapide. Cela peut sembler très curieux venant d'un juriste, mais je tiens à préciser que le but principal est d'éviter les tribunaux. Oui, il est important de parler d'un tribunal administratif et d'un plan B quand les choses vont mal, mais fondamentalement, pour éviter les tribunaux, il faut repenser la gestion administrative. Pour cela, il faut un organisme central, non pas qui peut poser, mais qui pose effectivement des gestes.
    Merci beaucoup.
    Je donne maintenant la parole à M. Samson, de la Nouvelle-Écosse.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Chers collègues, je vous remercie beaucoup de votre présentation exceptionnelle. Cela nous éclaire sur plusieurs aspects et nous aide à concrétiser davantage les choses.
    Je vais faire suite à la question de mon collègue M. Deltell. Je ne sais pas si c'est un atout, mais j'aurais répondu de la même façon que vous avez répondu, monsieur Power. Il y a deux peuples fondateurs au Canada. Le gouvernement fédéral a la responsabilité de faire respecter la Loi sur les langues officielles tant pour ce qui est des minorités francophones hors Québec que pour les minorités anglophones au Québec. Il est primordial que nous ayons le pouvoir de nous assurer qu'elle est respectée. On peut certainement demander que cela s'applique au secteur de la santé ou à d'autres secteurs, mais il est obligatoire que les provinces aient le pouvoir de faire respecter la Loi.
    Mes questions porteront sur l'éducation.
    La Loi sur les langues officielles ne mentionne pas le secteur de l'éducation. Comment peut-on inscrire cela dans la Loi? La Cour suprême a statué que les conseils scolaires ou les francophones ont droit à des écoles dans leur langue. Ce n'est pas inclus dans la Loi, mais comment pourrait-on l'inclure ?
    Premièrement, la Loi sur les langues officielles fédérale effleure la question de l'éducation. Je vous invite à aller jeter un coup d'oeil — pas maintenant mais plus tard — à l'alinéa 43(1)b) de la Loi, où il est question d'encourager et d'appuyer l'apprentissage du français et de l'anglais. En 1988, c'était bien, mais en 2018, c'est mauvais. Les choses ont changé.
    Ensuite, les conséquences qui en ont découlé pour les écoles, comme cela est illustré sur la belle carte à l'onglet 10, c'est qu'il existe maintenant des gouvernements scolaires. Comme vous le savez, ces derniers ont signé récemment une entente stratégique avec le ministère du Patrimoine canadien, et ce n'est pas sans raison. Les communautés de langue officielle en situation minoritaire qui exercent la gestion scolaire devraient avoir un mot à dire sur la façon dont sont dépensés les fonds fédéraux envoyés aux provinces et aux territoires à leur bénéfice.
    Cela m'amène à ma deuxième question. Le gouvernement fédéral ne devrait-il pas acheminer l'argent directement aux conseils scolaires? Après tout, ce sont eux qui ont la responsabilité de faire le travail.
    Monsieur Samson, cela se fait déjà dans d'autres secteurs d'activité. Le gouvernement du Canada signe parfois des ententes directement avec des organismes communautaires. Il l'a déjà fait en développement économique, mais jusqu'à maintenant, il ne l'a pas fait en éducation. Pourquoi? Je me permets de lancer l'hypothèse qui suit. Comme il s'agit de sommes importantes, certaines provinces préfèrent peut-être dépenser ces fonds à leur guise.
    Dans la Charte canadienne des droits et libertés, les conseils scolaires sont beaucoup plus reconnus que les organismes communautaires. Ils ont donc un pouvoir de gouvernance. Vous avez parlé de gouvernement; c'est comme une gouvernance. Les conseils scolaires ne devraient-ils pas avoir ce pouvoir, encore plus que le secteur de la santé? La santé est un exemple de domaine où il n'y a pas cette obligation.
    Le point, monsieur Samson, c'est que jusqu'à maintenant, le gouvernement du Canada a été incohérent dans la façon dont il a signé ou non des ententes avec les communautés. Le but fondamental de la modernisation de la Loi est d'assurer une meilleure cohérence. En matière d'éducation, les provinces et les territoires négocient des ententes avec Patrimoine canadien à notre bénéfice. En conséquence, ce qui se passe en ce moment, c'est que M. Ford et ses fonctionnaires discutent avec Patrimoine canadien en vue de la signature d'une entente entre le Canada et l'Ontario à mon bénéfice et à celui de ma petite-fille. Or, en ce moment, je ne suis pas convaincu que le gouvernement de l'Ontario pense à mes meilleurs intérêts.
(1015)
    Monsieur Power, je dois vous arrêter, mais je sais où vous allez et je suis entièrement d'accord avec vous. On en a eu la preuve la semaine passée.
    Il y a un problème en ce qui concerne les biens immobiliers dans les provinces. On n'a pas accès à des terrains. Les provinces peuvent jouer à essayer d'obtenir un terrain pendant 5, 10 ou 20 ans, comme en Colombie-Britannique, et nous, nous sommes en train de vendre des terrains qui appartiennent au gouvernement fédéral. C'est un exemple concret. Qu'est-ce qu'on peut faire? Que peut-on changer à la Loi sur les langues officielles pour faire en sorte qu'il y ait une consultation directe et pour savoir quels sont les besoins de la minorité?
    Je vais être plus succinct et j'accepte la rétroaction.
    Le Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique, ou CSFCB, a déjà présenté un mémoire à votre comité. À la page 8, il propose le libellé exact d'un article à ajouter à la Loi. Cet article aurait pour effet que le gouvernement du Canada penserait au moins aux communautés de langue officielle avant de vendre un terrain. Ces communautés ne demandent pas des terrains gratuits, elles sont prêtes à les acheter, mais encore faut-il qu'elles aient la chance de les acheter. Je parle d'une option d'achat, essentiellement.
    Monsieur Samson, j'anticipe votre prochaine question. Jusqu'à quel point ce problème est-il grave? On ne le sait pas parce qu'on ne recense pas tous les ayants droit. C'est une autre demande du CSFCB, qui figure à la page 15 de son mémoire. Pour ma part, j'aimerais répondre à deux questions additionnelles dans le recensement de 2021.
    J'ai une dernière question. Vous avez dit que le Conseil du Trésor « doit » assurer le dénombrement des ayants droit, et je suis tout à fait d'accord avec vous; nous en avons d'ailleurs discuté ici.
    Qu'arriverait-il s'il y avait un gouvernement et un ministre du Conseil du Trésor faibles? Que faudrait-il mettre dans la Loi pour faire en sorte que cela soit respecté, ou est-ce que la façon dont ce sera écrit pourra être contesté en cour?
    De bons avocats.
    Merci, monsieur Choquette!
    Je veux penser que les deux langues officielles sont suffisamment importantes pour qu'il continue d'exister un beau consensus comme celui qu'il y a à votre comité. Je suis rassuré de savoir qu'une belle annonce à venir fait l'unanimité.
    Je veux aussi penser que le scénario que vous évoquez n'est qu'hypothétique. Pour reprendre votre hypothèse, imaginons que les choses aillent mal. Si on repensait la Loi sur les langues officielles pour qu'une agence centrale soit véritablement responsable de son application, cela rendrait la vie plus simple en cas de contestation judiciaire parce que la reddition de comptes serait beaucoup plus claire. En outre, cela rassurerait le ou la juge de la Cour fédérale, qui aura peut-être un jour à ordonner que ce soit fait ou pas, de voir que le législateur, donc le Parlement fédéral, a bien pensé à son affaire et a voulu que cette loi soit véritablement mise en oeuvre.
    Quelque chose ressort clairement du récent jugement du juge Gascon, qui figure à l'onglet 8. Il conclut que vos prédécesseurs n'ont pas vraiment voulu que cette loi ait du mordant. Je veux penser qu'il se trompe, et nous comptons sur vous pour en faire la démonstration.
    Merci beaucoup, monsieur Power.
    Madame Boucher, vous avez la parole.
    Bonjour, monsieur Power.
    C'est toujours un honneur de vous avoir avec nous. Vos propos sont clairs, nets et précis, ce qui n'est pas toujours le cas de ceux d'autres avocats. Je vous en félicite.
    Farce à part, monsieur Power, je vais poursuivre dans le même sens que M. Samson.
    Je suis d'accord pour qu'on utilise le mot « doit » plutôt que le mot « peut ». Que faudrait-il changer à la Loi? On a confié de nouvelles responsabilités au ministère du Patrimoine canadien. Il doit tenir des consultations, mais ce ministère vient en addition au Conseil du Trésor. J'extrapole peut-être, mais je considère que Patrimoine canadien n'a pas beaucoup de pouvoir, contrairement au Conseil du Trésor. C'est ce que je comprends de tout ce que je lis.
    Patrimoine canadien mène des consultations auprès des autres ministères fédéraux. Hormis cela, est-il déjà arrivé que, quel que soit le parti politique au pouvoir, la personne responsable à Patrimoine canadien ait eu assez de pouvoir pour faire changer les choses en ce qui a trait à la Loi sur les langues officielles, ou devra-t-on toujours se tourner vers le Conseil du Trésor?
(1020)
    Votre question est une question de droit, et oui, nous sommes quelques juristes et quelques apprentis juristes. Ce n'est pas tout le monde qui traîne la Constitution dans sa sacoche!
    Votre question appelle deux réponses. D'abord, la Loi donne certains pouvoirs optionnels à M. Brison et n'en donne pas à Mme Joly. Fondamentalement, il y a lieu de rapatrier ces pouvoirs et de les bonifier, et non d'utiliser un dénominateur commun.
    Je ne veux rien enlever à Mme Joly, mais ce n'est pas elle qui est ministre de Patrimoine canadien, c'est M. Pablo Rodriguez. Cela devient un peu compliqué et c'est triste. M. Rodriguez est ministre de Patrimoine canadien, Mme Joly est ministre du Tourisme, des Langues officielles et de la Francophonie, et il y a le Conseil du Trésor.
    Peu importe le parti, lequel de ces trois ministres a le plus de pouvoir? Est-ce M. Brison, M. Rodriguez ou Mme Joly?
    Dans l'ordre, c'est M. Brison, Mme Joly et M. Rodriguez. Pourquoi? Parce que, quand le gouvernement a réorganisé les ministères, on a pris un décret afin que les attributions normalement rattachées à Patrimoine canadien suivent Mme Joly dans ses nouvelles fonctions. C'est la réponse technique à votre question technique.
    Madame Boucher, cela ne devrait pas changer de cette façon tous les deux ou trois ans, même si les intentions sont peut-être bonnes. À notre avis et en tant que professionnels, il y aurait lieu de codifier dans la Loi une structure qui ait de l'allure afin qu'elle ne puisse pas être changée au gré des décrets ni des cycles d'alternance gouvernementale. La question des langues officielles est suffisamment importante pour qu'on puisse aller au-delà de cela, quant à nous.
    J'avoue que j'ai perdu mon idée. Je suis désolé, madame Boucher.
    Si je comprends bien votre logique, les lois, comme la Loi sur les langues officielles, sont suffisamment importantes pour qu'elles ne soient pas politisées.
    Nous sommes des politiciens, nous sommes quand même assez ouverts. Il faudrait qu'une loi soit assez forte pour que, s'il y a un changement de parti au pouvoir à la suite d'une élection, cette loi reste intacte et suive le calendrier prévu. N'est-ce pas?
    Tous les partis ont soit contribué de façon directe à la Loi sur les langues officielles, soit fait des suggestions concrètes pour l'améliorer. Les libéraux ont lancé le bal en 1969; les conservateurs sont responsables d'une loi qui était excellente en 1988; et les néo-démocrates ont fait toutes sortes de suggestions en cours de route.
    C'est le temps de passer à l'action. Ce sont les libéraux qui sont actuellement au pouvoir. Nous avons besoin d'une meilleure loi pour les francophones et les anglophones de partout au pays.
    Merci beaucoup.
    Merci, madame Boucher.
    Je donne la parole à M. Choquette.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je voudrais revenir au jugement dans l'affaire Gascon. Ce jugement a vraiment ébranlé toutes les communautés partout au Canada en raison de l'interprétation que le juge a faite de la partie VII.
    J'ai bien aimé le fait que vous ayez dit qu'il en a fait une interprétation qui n'était pas la vôtre et que ce n'était pas la volonté des législateurs à l'époque.
    La partie VII, bien sûr, doit être révisée. On parle notamment de mesures positives, lesquelles ne sont pas définies.
    Selon vous, de quelle façon devrait-on éventuellement définir ces mesures positives?
    Je commencerais par souligner que le jugement de la Cour fédérale est long, détaillé, réfléchi et qu'il est source d'idées pour une refonte de la Loi, y compris la partie VII.
    Il n'est pas nécessaire que le gouvernement tente de faire annuler le jugement en appel, ou même d'interjeter appel, si on devait appliquer les idées de la Cour fédérale.
    Quant à la substance comme telle de la partie VII, d'abord et avant tout, il faut de la clarté et du détail. Ce sont les deux idées qui jaillissent, qui remontent à la surface, à la suite du jugement de la Cour fédérale.
    La Cour fédérale nous dit que c'est beaucoup trop général et que c'est très flou. Pire encore, elle nous dit que, dans d'autres parties de la Loi, le Parlement fédéral a été très clair; il ne l'a pas été dans la partie VII.
    Le sénateur Gauthier a évidemment fait du mieux qu'il le pouvait et il nous a rendu service en la modifiant en 2005. Ironiquement, à sa façon, la Cour fédérale nous a peut-être rendu service aussi en mai dernier.
    On a diagnostiqué le problème, et on connaît le remède qui s'impose. C'est le temps de passer à l'action en rédigeant une partie VII qui soit détaillée, qui précise une approche proactive et systémique, qui contienne des mesures positives et ciblées, tout cela en faisant appel à la participation active des citoyens. Cela a été dit par mes collègues, Me Ravon et Me Bossé, et par moi-même, mais cela a aussi été dit par le commissaire aux langues officielles dans son rapport annuel.
    Voulez-vous deviner à quelle date? C'était en 2006.
    Cela fait longtemps qu'on en parle. Passons à l'action.
(1025)
    Il y a eu récemment une refonte des règlements. Certains acteurs et certains organismes se sont demandé pourquoi on ne parlait pas des règlements de la partie VII. Peut-être cela aurait-il pu clarifier certaines obligations en attendant une révision de la Loi. C'est un résultat auquel on s'attend de cette partie VII.
    Il y a eu des débats relativement à cela. Malheureusement, la refonte est faite des règlements. Par la suite, il faudrait donc des règlements qui découleraient de cette partie VII, si je comprends bien.
    Il y a sûrement des choses que j'ignore. Toutefois, il n'y a rien en théorie qui empêcherait le gouvernement de prendre un règlement au sujet de la partie VII prochainement. Cela se fait, en théorie.
    Par contre, monsieur Choquette, la vraie question est de savoir si les communautés de langue officielle en situation minoritaire ont besoin d'un pansement ou si elles ont besoin que l'on traite le problème fondamental.
    Parfois, le pansement, c'est bien, mais ce n'est pas la solution à long terme. Il faut une réforme de la Loi. Il est vrai que le jugement de la Cour fédérale nous amène à préciser notre pensée relativement à la partie VII.
    Vos collègues au Sénat, depuis maintenant un an et demi, étudient toutes sortes de belles questions liées à la Loi, pas seulement à la partie VII et pas seulement à la réglementation. Vos prédécesseurs ont fait la même chose. C'est pourquoi nous avons jugé utile d'inclure à l'onglet 6 la liste des projets de loi présentés avant les dernières élections fédérales.
    Cela prend plus qu'un règlement, monsieur Choquette, pour régler le problème.
     Finalement, parlons du Commissariat aux langues officielles. Vous avez commencé à expliquer la nécessité de revoir quelque peu le rôle du commissaire et les dispositions de la Loi qui traitent du Commissariat. Vous recommandez entre autres l'ajout d'un tribunal administratif. Y a-t-il d'autres éléments de la Loi concernant le Commissariat qui devraient être revus, révisés ou améliorés?
    Monsieur Choquette, ce serait déjà très bien si ces deux choses étaient mises en oeuvre.
    Je tiens aussi à souligner combien M. Théberge, le commissaire fédéral, participe activement à cette discussion de société. Il a récemment proposé des idées nouvelles et constructives pour faire avancer les choses différemment.
    Puisque, comme députés, vous voulez du concret, prenons un exemple concret. Le commissaire aux langues officielles, conformément à une nouvelle mouture de la Loi, pourrait être tenu de préparer des dossiers de preuve qui seraient ensuite présentés en cour, que ce soit à la Cour fédérale ou à un tribunal administratif des langues officielles. Or préparer la preuve coûte cher. C'est compliqué et cela prend du temps.
     Il serait donc utile qu'un plaignant sache que cette preuve et l'argumentation juridique sont fondées alors qu'elles sont présentées à l'instance qui tranchera, qu'il s'agisse d'un tribunal ou d'un juge de la Cour fédérale. Dans la plupart des cas, les plaintes sont fondées. Certaines plaintes pourraient être frivoles, bien sûr, et devront être rejetées.
     À l'heure actuelle, c'est uniquement au plaignant qu'incombe le fardeau de la preuve. Le commissaire a le choix de fournir certains éléments de preuve s'il le souhaite. À mon avis, il serait utile pour l'avenir du français et des langues officielles que le commissaire soit tenu de produire des dossiers de preuve dans certains cas. Cela constituerait un changement très important en matière d'accès à la justice et, commentaire ironique venant d'un avocat, diminuerait le besoin de saisir un tribunal de l'affaire. En effet, la qualité de la preuve serait meilleure, ce qui encouragerait les transactions.
(1030)
    Merci beaucoup.
    Monsieur Clarke, vous avez la parole.
    Il y a deux semaines, nous avons entendu les témoignages de hauts fonctionnaires des ministères du Patrimoine canadien et du Tourisme, des langues officielles et de la Francophonie. Leur répartition n'était pas très claire.
    Je leur ai demandé si, dans leur institution, ils avaient entamé une première étape, peu importe laquelle, du processus menant à une révision de la Loi. Quelqu'un m'a répondu que oui. J'ai demandé quelle était cette première étape et la réponse a été qu'il fallait organiser des consultations, lentement mais sûrement. J'ai demandé si cette première étape avait débuté. Je pense qu'il a répondu que ce n'était pas vraiment le cas, mais il faudra regarder le compte-rendu de la réunion. Ce témoin semblait dire que les fonctionnaires en cause sont actuellement en discussion avec la ministre pour savoir comment aller de l'avant et déclencher la première étape.
    Monsieur Power, je rappelle ces faits pour vous dire que je pense qu'une refonte majeure de la Loi n'aura pas lieu d'ici les prochaines élections. Je souhaite être cartésien et efficace au bénéfice des CLOSM de partout au pays et je ne veux pas me répéter. Cependant — je pense que vous avez abordé cette question indirectement avec M. Choquette —, le jugement qui a été rendu en Colombie-Britannique est vraiment défavorable aux droits linguistiques au Canada. Par contre, il illustre de manière intéressante les déficiences de la partie VII de la Loi.
    Par conséquent, si je vous dis, avec tristesse, de renoncer à la possibilité d'une refonte majeure de la Loi d'ici les élections de 2019, quelles mesures législatives le gouvernement pourrait-il prendre tout de suite sans attendre cette refonte? Je pense ici à des mesures faciles à adopter à la Chambre pendant les six mois qu'il nous reste à siéger.
    Je ne sais pas si vous aimerez la réponse, monsieur Clarke, mais je préfère vous dire la vérité. Il faut que la prochaine mouture de la Loi sur les langues officielles soit bien faite. Or, pour qu'elle soit bien faite, il faut un peu de temps. Je vous recommande évidemment de procéder rapidement et d'affecter les ressources nécessaires, et je souhaite que ce soit ce que fera le gouvernement. Toutefois, je suis d'avis qu'il ne serait pas prudent de faire à tout prix adopter une mauvaise loi rapidement, sans attendre l'issue des travaux.
    Sans qu'il s'agisse d'une nouvelle loi au complet, cela pourrait-il être, par exemple, un amendement à la partie VII de la Loi?
    Monsieur Joly...
    Des voix: Ha, ha!
     Monsieur Clarke, veuillez pardonner ce signe de fatigue.
    Je pensais vous attrister en vous disant que cela ne serait pas fait avant 2019. En fait, je ne connais pas la vérité, contrairement aux libéraux.
    Je vous demande s'il ne serait pas possible de simplement amender la Loi sans la changer complètement?
     La Loi est malade. Elle est cancéreuse. Il lui faudrait une grosse opération. Plus qu'un pansement, il lui faudrait des traitements de chimiothérapie.
    Cependant, n'oublions pas le jugement qui a été rendu en Colombie-Britannique, et qui pourrait faire rapidement jurisprudence en un an. D'ici l'entrée en vigueur de la nouvelle mouture de la Loi, dans peut-être deux ou trois ans si l'on attend après les élections, il faut éviter qu'un autre jugement ne vienne confirmer celui-ci. Par conséquent, que pouvons-nous faire tout de suite? Comment pouvons-nous amender la partie VII pour empêcher dès à présent ce jugement en Colombie-Britannique de faire jurisprudence?
    Premièrement, le président du Conseil du Trésor, M. Brison, pourrait agir en exerçant les pouvoirs que lui confère l'article 46 de la Loi. Ce serait déjà beaucoup. Cela signifie peut-être de renvoyer nos amis du gouvernement à leurs devoirs, mais ils sont là pour cela. Ce serait quelque chose de concret et de possible.
    Deuxièmement, et je parle ici en mon nom personnel et non au nom de la Fédération des francophones de la Colombie-Britannique, je ne vois aucune raison pour laquelle nous ne pourrions pas, sans tarder, interjeter appel de ce jugement en Cour d'appel fédérale, puisque tous les partis s'entendent actuellement pour réformer la Loi. Ce serait un autre geste concret, mais vous voudrez probablement appeler la Fédération à Vancouver pour lui demander son opinion à cet égard.
    Effectivement, des mesures administratives concrètes peuvent être prises, par exemple dans le cadre des ententes fédérales-provinciales qui se négocient en ce moment, notamment en matière d'éducation. Beaucoup de choses peuvent se faire autrement qu'au moyen de la Loi.
    Quoi qu'il advienne, je vous encourage à continuer votre travail. Ainsi, dans le pire des cas, nous ne serons pas obligés de revenir à la case départ au début de la prochaine législature, peu importe qui sera au pouvoir, et nous pourrons reprendre le flambeau et finir par adopter une loi qui convienne à tous.
    En ce moment, y a-t-il d'autres causes devant les tribunaux canadiens dans lesquelles une des parties pourrait vouloir s'appuyer sur le jugement de la Colombie-Britannique?
(1035)
    Oui, il y a toutes sortes de plaintes.
    Le danger est donc imminent.
    Les réponse est oui.
    Les avocats du gouvernement du Canada suivent les instructions qu'ils reçoivent. Il revient à la ministre de la Justice et procureure générale du Canada, Mme Wilson-Raybould, de leur donner des instructions sur les questions de langues officielles que soulèvent ces causes. Ce n'est pas à moi de le faire.
    Mme Joly rapportait à ce comité, il y a deux semaines, qu'elle avait dit au Cabinet — si je ne me trompe pas — de ne pas nécessairement suivre le raisonnement du juge de la Colombie-Britannique. Est-ce que cela correspond à ce que vous suggérez que dise Mme Wilson-Raybould à ses avocats?
    D'une part, le commissaire est indépendant et ce, avec raison. Jusqu'à preuve du contraire, il faut respecter cette indépendance, qui est importante.
    D'autre part, je vous ai énuméré une liste de gestes concrets que pourrait poser le gouvernement autrement que par voie législative et qui donneraient des résultats immédiats.
    En réponse à votre question précise, ce jugement a effectivement des conséquences, bien qu'il ne soit qu'un jugement parmi tous ceux, provenant de sources diverses, dont pourrait s'inspirer la Cour fédérale. La Cour d'appel fédérale devra clarifier la question à un moment donné, mais, d'ici là, la ministre pourrait effectivement demander à ses avocats de ne pas mettre certains arguments en avant.
    Merci, monsieur Clarke.
    Monsieur Power, j'aimerais que vous clarifiiez un point.
    À un moment donné, à l'époque de Stéphane Dion, le Conseil privé menait politiquement le dossier des langues officielles. Y aurait-il lieu de revenir à cela? Comment le faire dans le contexte d'un renouvellement de la Loi? Comment réussir à imposer une volonté politique supérieure à tout le monde, y compris au Conseil du Trésor, chargé de l'application des directives? Nous constatons que les langues officielles sont souvent ballottées d'un responsable à l'autre.
    Monsieur le président, je pense que M. Dion a accompli un travail spectaculaire dans le dossier des langues officielles pendant qu'il en était responsable. On peut penser ce que l'on veut de M. Dion sur d'autres questions, mais il a fait un travail tout à fait remarquable en matière de langues officielles.
    Si je comprends bien, par contre, ses succès dépendaient notamment de la relation privilégiée qu'il entretenait avec le premier ministre de l'époque. C'est l'une des raisons, mais pas la seule, pour lesquelles j'ai cité le sénateur Pierre De Bané dans ma présentation au sujet de la relation privilégiée de Gérard Pelletier avec le premier ministre de l'époque.
    Les langues officielles ne devraient pas dépendre des bonnes relations entre les ministres clés et le premier ministre. Parfois, cela fonctionne bien, comme à l'époque de M. Pelletier ou à celle de M. Dion, mais parfois, cela fonctionne très mal. Les communautés ont besoin de certitudes, lesquelles sont également bénéfiques au gouvernement du Canada et à ses institutions. C'est la raison pour laquelle, selon notre avis professionnel, il y aurait lieu d'habiliter et de mandater une agence centrale, en l'occurrence le Conseil du Trésor.
     Je vous remercie.
    Je cède maintenant la parole à M. Arseneault.
    De combien de temps est-ce que je dispose?
    Il nous reste environ cinq minutes.
    Je vais partager ce temps avec mon ami M. Rioux.
    J'aimerais poser une question sur la décision rendue par le juge Gascon, de la Cour fédérale. N'a-t-on pas fait appel de cette décision?
    Oui. Un avis d'appel a été soumis, et c'est à la Fédération des francophones de la Colombie-Britannique de présenter un mémoire en tant que partie appelante.
    En toute transparence, je dois vous dire que nous sommes les avocats de la Fédération des francophones de la Colombie-Britannique. Oui, en effet, une procédure d'appel est en cours.
    J'imagine qu'en vertu de la procédure normale un appel peut être fait et une décision rendue bien avant la modification de la Loi sur les langues officielles.
    Oui.
    Selon vous, quel serait le pire scénario et quel serait le meilleur scénario résultant du jugement de cet appel? C'est une question hypothétique, et je sais que les avocats détestent cela.
    Ils détestent ou ils adorent cela.
    Peu importe la décision de la Cour d'appel fédérale, par définition, les juges ne peuvent pas réécrire la loi, ce qui est une bonne chose. Même si la Cour d'appel fédérale devait corriger certaines incohérences dans la loi, les juges ne pourraient pas la réécrire et ne devraient pas pouvoir le faire. Ce n'est pas leur rôle, c'est le vôtre. C'est pourquoi, peu importe la décision rendue, la démarche que vous entreprenez et celle que le Sénat poursuit depuis déjà 18 mois sont si importantes.
    Par contre, monsieur le député, cette démarche doit déboucher sur un résultat concret, c'est-à-dire une nouvelle loi.
(1040)
    Je vous remercie. Je vais maintenant céder la parole à M. Rioux.
    Merci.
    Je vais revenir sur la question de la petite enfance. On nous a dit que, dans l'Ouest du pays, il n'y avait pas d'argent pour les transferts en matière de petite enfance. Il en résulte que quatre enfants sur cinq, en Colombie-Britannique, ne peuvent pas fréquenter un centre de la petite enfance de langue française. Si on veut maintenir la langue naturelle de l'enfant, je pense que la petite enfance est fondamentale.
    Cette situation peut-elle être corrigée?
    Oui. D'une part, il faut vraiment applaudir à la démarche du ministre Duclos pour ce qui est de la petite enfance. Des sommes très importantes sont acheminées vers les provinces et les territoires. Ce n'est pas assez, mais c'est sans conteste un progrès.
    En revanche, les fameuses dispositions linguistiques incluses dans les ententes sont défaillantes et sont faites à la pièce. Il y en aura une dans une entente négociée par M. Duclos et une autre dans une entente qui sera négociée par Mme Joly. Il y en aura une troisième ici ou là. Une uniformisation est nécessaire. Cela devrait se faire. La Loi sur les langues officielles devrait prescrire, noir sur blanc, le minimum linguistique qui doit être inclus dans toute entente fédérale-provinciale. C'est notamment le libellé qui a été proposé par le Conseil des écoles fransaskoises à la page 18 de son mémoire.
    La proportionnalité de la démarche est un concept qui existe dans d'autres domaines, par exemple dans celui de la santé. On en fait beaucoup, mais c'est à la pièce. Quand les choses vont bien — cela rejoint un peu la question du président —, c'est le fruit du hasard, mais quand elles vont mal, c'est parce que la structure est défaillante. De grâce, modifiez l'architecture juridique.
    Je remercie M. Bossé de me rappeler un point. Parfois, les choses vont bien, et c'est le fruit du hasard. L'entente entre le fédéral et les provinces qui porte notamment sur les infrastructures culturelles est importante. L'infrastructure, c'est de l'argent. Or cette entente n'inclut aucune clause linguistique. L'appareil fédéral est énorme. On ne peut pas s'attendre à ce qu'une institution fédérale consulte toujours les autres. C'est la raison pour laquelle des choses si importantes doivent passer par un organisme central. C'est ce qui se fait en matière d'équité salariale et d'égalité des races, ainsi que dans d'autres domaines d'importance. Il y a des normes fédérales. On devrait faire la même chose pour les langues officielles.
    Je vous remercie.
    Avant que la réunion ne se termine, la greffière va vous communiquer une information.
    Je voulais simplement vous rappeler que ce mercredi, on va déposer à la Chambre le rapport sur les infirmières. Je viens tout juste de recevoir un appel de la Tribune de la presse. On m'a dit que la conférence de presse ne pourrait pas avoir lieu dans le foyer à cause de l'énoncé économique.
    Ce sera demain.
    Cela se fera donc à 15 h 45 plutôt qu'à 15 h 30, et ce sera à la salle Charles-Lynch. Je vais vous faire parvenir un avis modifié.
    En terminant, je voudrais remercier MM. Mark Power et Darius Bossé, ainsi que Mme Perri Ravon, de nous avoir livré leurs témoignages. C'était clair, limpide et vraiment instructif pour l'ensemble des membres du Comité. Je vous remercie grandement.
     Merci bien.
    Merci beaucoup.
    La séance est levée.
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