LANG Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des langues officielles
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TÉMOIGNAGES
Le lundi 5 février 2018
[Enregistrement électronique]
[Français]
Conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous allons faire l'examen des programmes d'appui à la littératie et à la numératie au Canada.
Nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui M. Michel Robillard, directeur général de la Coalition ontarienne de formation des adultes.
Bonjour.
Nous accueillons également une représentante du Réseau pour le développement de l'alphabétisme et des compétences, ou RESDAC, soit Mme Gabrielle Lopez.
Bienvenue à tous les deux.
Nous allons commencer par entendre vos témoignages pendant une dizaine de minutes, puis il y aura un tour de questions et de commentaires de la part des collègues.
Nous vous écoutons.
Merci.
Monsieur le président, députés du gouvernement et députés des partis de l'opposition, je vous remercie de votre travail, de votre engagement et de vos rapports. Ils témoignent de votre écoute et de votre compréhension du vécu des membres de nos communautés.
Je m'appelle Michel Robillard et je suis directeur général de la Coalition ontarienne de formation des adultes, la COFA. Je suis également administrateur du RESDAC, et c'est en cette qualité que je suis ici.
Je vous prie d'excuser l'absence de M. Donald DesRoches, qui n'a malheureusement pas pu décoller de l'Île-du-Prince-Édouard en raison de problèmes mécaniques de notre transporteur national. Je le remplace aujourd'hui.
Je suis accompagné de Mme Gabrielle Lopez, qui est l'ancienne directrice générale du RESDAC.
M. DesRoches et Mme Lopez ont témoigné ici en octobre 2016, au nom du RESDAC, sur l'enjeu de l'alphabétisme en lien avec l'immigration.
Aujourd'hui, j'aimerais aborder deux points. Je vais parler de notre plainte au Commissariat aux langues officielles qui concerne le financement de base, le manque de consultation et les critères d'admissibilité, de même que des suites de la recommandation 6 formulée dans votre rapport intitulé « Vers un nouveau plan d'action pour les langues officielles et un nouvel élan pour l'immigration francophone en milieu minoritaire ».
À l'heure actuelle, le RESDAC est le seul organisme national qui s'occupe des niveaux d'alphabétisme et des compétences essentielles des adultes francophones vivant en situation minoritaire au Canada. Nous représentons les groupes communautaires et collégiaux qui offrent des services de formation et de développement de l'alphabétisme et des compétences dans les provinces et les territoires.
Malgré le fait que nous constituons une partie importante du continuum en éducation, nous n'avons plus de permanence depuis le 31 octobre 2017, puisque le gouvernement fédéral a mis fin à notre financement en 2014. Nous demeurons le seul organisme faisant partie du continuum de l'éducation à ne recevoir aucun financement de base, ni de Patrimoine canadien ni d'Emploi et Développement social Canada.
Après l'élimination de notre financement de base, un manque de consultation et de nombreux changements d'orientation et de processus décisionnels, le RESDAC a décidé de porter plainte auprès du Commissariat aux langues officielles. Nous voulions alors poursuivre notre travail auprès des francophones faiblement alphabétisés vivant en situation minoritaire. Également, nous étions prêts à travailler avec le ministère en vue de multiplier les occasions d'épanouissement de nos clients d'un océan à l'autre, et ainsi contribuer à l'amélioration du niveau de compétences essentielles.
Je suis heureux d'annoncer qu'à la suite de l'enquête, la commissaire aux langues officielles par intérim a établi que les pratiques du ministère de l'Emploi et du Développement social contrevenaient à la partie VII de la Loi sur les langues officielles. Elle a fait deux recommandations au ministère.
La première recommandation vise à ce que le ministère réévalue son orientation et ses critères d'admissibilité en ce qui a trait aux fonds disponibles en matière d'alphabétisation et d'acquisition des compétences essentielles, pour que soient davantage pris en compte les besoins particuliers et les priorités des communautés de langue officielle en situation minoritaire, les CLOSM.
La deuxième recommandation suggère qu'on procède à une évaluation des répercussions de l'élimination du financement de base du RESDAC et de son réseau provincial et territorial, et qu'on prenne les mesures appropriées pour contrer les répercussions négatives.
Selon des enquêtes internationales sur l'alphabétisation et les compétences des adultes, plus de la moitié des Canadiens vivant en situation minoritaire, soit 53 %, ne maîtrisent pas ces compétences. On parle ici de compétences en littératie, en numératie et en littératie numérique.
Plusieurs répercussions positives sont à prévoir pour les francophones et leurs communautés en général lorsqu'ils maîtrisent les compétences essentielles. La maîtrise des compétences essentielles est un vecteur de développement économique, social et communautaire. Les répercussions sont évidentes. Nous gagnons un meilleur salaire et notre santé s'améliore. Nos enfants réussissent mieux à l'école. Nos entreprises locales sont plus productives et notre confiance sociale augmente. Nous participons plus activement à la vie de notre communauté. Notre langue et notre culture sont transmises d'une génération à l'autre. Enfin, on assiste à une diminution de l'insécurité linguistique. En d'autres mots, la maîtrise des compétences essentielles assure la pérennité de nos communautés.
Quelle est la raison d'être du RESDAC?
Patrimoine canadien finance la presque totalité des organismes sectoriels nationaux et il finançait le précurseur du RESDAC, la Fédération canadienne pour l'alphabétisation en français, ou FCAF. Dans les années 1990, lorsque Emploi et Développement social Canada a pris le relais, nous envisagions un avenir prometteur. Ce n'est plus le cas, alors que ni l'un ni l'autre des ministères fédéraux ne s'engage à assurer l'avenir du seul lieu de la mise en commun des bonnes pratiques dans le domaine du développement de l'alphabétisme et des compétences chez les francophones vivant en situation minoritaire.
L'avenir est inquiétant pour le RESDAC, mais aussi pour nos clients qui bénéficient de services des membres du RESDAC.
Un nouveau plan d'action sur les langues officielles est à nos portes, mais nous n'avons aucune indication que ce dossier sera financé, ni plus précisément que le RESDAC recevra du financement de base afin de poursuivre sa mission.
Il est important de mentionner que, depuis la réception du rapport d'enquête, nous avons signalé à la ministre Hajdu que nous étions intéressés à travailler en collaboration avec les acteurs clés dans le dossier pour que le ministère puisse s'acquitter de ses obligations définies dans la Loi sur les langues officielles. Nous avons obtenu une réponse la semaine dernière, soit une lettre dans laquelle la ministre s'engageait à trouver des solutions par et pour les CLOSM francophones. À l'heure actuelle, nous tenons avec ce ministère des discussions au sujet d'un exercice proactif de recherche de solutions qui respectent l'approche des services offerts par et pour les principaux intéressés. Les discussions vont bon train, mais ce ministère ne veut toujours pas parler de financement de base pour le RESDAC.
Le deuxième point de notre présentation est lié à la recommandation 6 de votre rapport intitulé « Vers un nouveau plan d'action pour les langues officielles et un nouvel élan pour l'immigration francophone en milieu minoritaire ». On y recommande l'élaboration d'un plan pancanadien pour le développement de l'alphabétisme. Or nous n'avons aucune information sur les intentions du ministère à ce sujet. Le ministère a retenu les services de l'Université d'Ottawa pour établir l'état des lieux à l'échelle pancanadienne en matière de services de développement de l'alphabétisme et des compétences. Le rapport devrait être rendu public au cours de ce mois-ci.
En conclusion, le RESDAC a besoin de financement de base, premièrement afin de poursuivre sa mission, deuxièmement pour continuer à jouer son rôle au sein du continuum de l'éducation et, troisièmement, afin d'assurer que l'ensemble des besoins d'apprentissage des adultes francophones faiblement alphabétisés et vivant en milieu minoritaire sont pris en compte. Par « ensemble des besoins », nous entendons non seulement l'employabilité, mais aussi la littératie familiale et communautaire.
Le RESDAC est d'accord avec la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada pour dire que Patrimoine canadien devrait assurer un financement de base minimal, comme il le fait pour les autres organismes sectoriels nationaux qui font partie du continuum de l'éducation.
Monsieur le président, députés du gouvernement et députés des partis de l'opposition, je vous remercie de nous avoir invités à comparaître devant vous et d'assurer le suivi de ce dossier. Voilà qui conclut notre présentation.
Merci, monsieur Robillard.
Nous allons entamer un premier tour de table.
Monsieur Généreux, vous avez la parole.
Merci, monsieur le président.
Monsieur Robillard, madame Lopez, je vous remercie d'être ici.
Qui dit réseau dit membres, habituellement. Qui sont les membres du Réseau?
J'en suis le directeur général.
Il y a aussi Pluri-elles, au Manitoba, l'Association franco-yukonnaise, le Collège Éducacentre, le Collège Mathieu, le Collège de l'Île.
D'accord.
Vous avez été financés, par le passé. Disposez-vous de données qui permettent de vérifier quelles ont été les retombées de ce financement, notamment en ce qui concerne les services que vous avez pu fournir au sein du Réseau?
Le RESDAC est-il en mesure d'évaluer la réussite du programme qu'il a réalisé à l'aide du financement et d'ainsi démontrer que, maintenant qu'il n'a plus d'argent, il ne peut plus remplir ses engagements? Vous est-il possible de mesurer cela?
Dans le cas du RESDAC, il a beaucoup été question de l'approche intégrée, c'est-à-dire que nous regardons les compétences techniques d'un métier particulier et nous y intégrons l'apprentissage des compétences essentielles et des compétences génériques. Dans le secteur touristique, par exemple, si une personne suit un cours en entretien ménager, nous utilisons une composante technique pour l'aider à développer la numératie. Si cette personne doit mesurer des quantités de savon en millilitres, elle suivra une formation en mathématiques. C'est ce qui s'appelle l'approche intégrée.
À la Coalition, nous sommes des prestateurs de services. Nous formons chaque année environ 3 500 francophones en Ontario par l'entremise de 40 points de service. Cela dit, nous n'avions pas beaucoup exploré l'approche intégrée. Dans le cadre des recherches que le RESDAC a entreprises, nous venons d'obtenir du financement pour un projet pilote à Ottawa et à Toronto. Dans ce contexte, nous formons 60 personnes dans trois métiers du secteur touristique, soit les gens chargés de l'entretien ménager, les agents d'accueil et les serveurs de banquet. À neuf semaines de compétences techniques nous avons greffé quatre semaines de compétences essentielles et trois semaines de formation en cours d'emploi.
C'est le RESDAC qui nous a fourni tous les éléments de réflexion derrière l'approche intégrée, afin que nous puissions développer le contenu ayant trait aux compétences essentielles et génériques en vue d'améliorer et de développer encore plus cette composante technique.
Dites-le-moi si je me trompe, monsieur Robillard, mais au Québec, de façon générale, l'alphabétisation est financée par la province, par l'entremise du réseau de l'éducation. Est-ce possible?
Oui.
Au Québec, il y a deux approches. L'alphabétisation se fait par l'entremise des commissions scolaires, mais il y a aussi un réseau communautaire qui finance l'alphabétisation.
En Ontario, c'est différent. Il s'agit d'une structure complètement différente. Nous relevons du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Formation professionnelle.
Dans le secteur de l'alphabétisation, souvent, nous allons nous occuper des laissés-pour-compte. Par exemple, plusieurs élèves du secondaire qui ont abandonné leurs études ont, à un moment donné, besoin d'améliorer leurs compétences essentielles. Ils viennent donc dans nos centres ou vont dans des centres d'alphabétisation. C'est aussi le cas des aînés. De plus en plus, on demande aux aînés de faire affaire en ligne. Vers qui se tournent-ils pour développer leurs compétences en littératie numérique? Ils se tournent vers nous, puisque nous leur fournissions des formations. Je vous donne un exemple. Demain après-midi, nous avons une rencontre avec la Fédération des aînés et des retraités francophones de l'Ontario, car elle recherche des formations en littératie numérique auxquelles elle n'a pas accès. Nous servons donc également à cela.
Autrement dit, le RESDAC est un organisme qui sert à alimenter l'ensemble de sa clientèle, ou plutôt de ses membres — je n'aime pas utiliser le mot « clientèle » dans ce cas-ci —, qui, eux, offrent des services. Le RESDAC n'offre pas de services directs à l'ensemble des adultes du Canada vivant en situation minoritaire.
Le RESDAC offre à l'occasion des services ponctuels. Par exemple, s'il y a un projet pilote ou un projet de recherche, nous avons des cohortes d'adultes qui y participent et qui vivent cette expérience.
Il faut dire aussi que le cas de l'Ontario est privilégié: on y trouve beaucoup de ressources et l'infrastructure est très bien développée. Ce n'est pas le cas partout au Canada. Les autres communautés de langue officielle en milieu minoritaire ont moins d'infrastructures et moins de ressources. Parfois, les fonds du fédéral en matière d'éducation qui sont transférés au provincial ne se rendent pas sur le terrain. Donc, il y a des problèmes à cet égard. Le RESDAC est là pour soutenir les groupes, pallier les lacunes et appuyer l'infrastructure et l'expertise.
Votre mission principale, bien que vous puissiez avoir des missions secondaires, est donc d'offrir des services à vos membres, qui, eux, offrent des services.
Cependant, j'imagine que vous faites aussi un peu de recherche-développement en matière d'éducation aux adultes.
Nous faisons beaucoup de recherche, de développement et de mises en commun des meilleures pratiques. Par exemple, un peu plus tôt, j'ai parlé du modèle intégré. Nous nous sommes servis de l'expérience faite en Nouvelle-Écosse et qui a eu de bons résultats. Cela nous a incités à aller de l'avant.
Le RESDAC, c'est aussi un lieu d'échange très important, parce qu'il permet aux différentes communautés représentées par nos membres de se connecter à d'autres membres, de connaître différentes pratiques et ainsi de suite. Nous avons eu des projets auxquels quatre provinces ont participé et cela a eu des retombées très profitables.
Justement, monsieur Généreux, je voulais poser les questions que vous vous apprêtiez à poser, mais pas tout de suite. J'ai d'abord quelques brèves questions à poser.
Êtes-vous le seul organisme à offrir ces services? D'après ce que je comprends, vous chapeautez et vous appuyez les organismes provinciaux. Est-ce bien cela?
Oui. D'ailleurs, il s'agit du seul organisme qu'il reste, même du côté anglophone, puisque notre homologue, le Canadian Language and Literacy Research Network, a fermé ses portes.
A-t-il fermé ses portes en 2013 également, à cause d'un manque de financement de la part du gouvernement fédéral?
Je vais maintenant poser la question de M. Généreux.
En 2013, alors que le budget a été sabré, quel était le montant fourni par le gouvernement fédéral?
Il y avait probablement six ou sept employés. En fonction du budget ponctuel que nous avions pour des projets précis, cela pouvait aller jusqu'à six ou sept employés, en plus des consultants qui nous donnaient un coup de main.
Vos membres, qui faisaient partie de coalitions dans différentes provinces, payaient-ils des frais pour faire partie du réseau? Cela retournait-il dans les fonds du RESDAC?
En fait, le RESDAC était à revoir sa structure de gouvernance et toutes ces questions, mais le financement est tombé par la suite. Le directeur général qui était alors en place a dû gérer la décroissance.
À ce sujet, justement, lors de son témoignage devant ce comité en 2016, M. DesRoches avait dit qu'il y avait une approche différente de celle que vous préconisiez à l'époque. Selon cette approche, on fonctionne un peu comme une entreprise privée qui peut choisir ses partenaires et se comporter uniquement en fonction du développement du marché du travail. C'est ce qu'il avait mentionné.
Pouvez-vous expliquer cela?
Oui. En fait, cela concernait le Bureau de l'alphabétisation et des compétences essentielles, ou BACE, l'entité à laquelle nous nous rapportons pour obtenir du financement et qui est dédiée au développement de l'alphabétisme et des compétences. Son orientation avait changé au fil du temps et le Bureau se dirigeait de plus en plus vers l'employabilité seulement, alors qu'à une certaine époque, il avait financé la littératie familiale, entre autres.
C'est pour cela que M. DesRoches disait cela.
Le ministère s'était engagé, en 2017, à consulter les communautés de langue officielle en situation minoritaire afin d'évaluer les solutions viables et de mieux répondre à leurs besoins en ce qui a trait aux défis liés à l'alphabétisation et aux compétences essentielles.
Vous avez dit que ces consultations étaient entamées et que vous y jouiez un rôle. Pourriez-vous nous en dire davantage sur ce qui se passe en ce moment?
Nous avons rencontré à quelques reprises des représentants du ministère pour discuter des différents modèles pouvant servir à remettre le RESDAC en marche. Entre autres, nous avons beaucoup discuté pour tenter de nous assurer d'être bien en phase avec les priorités des différents ministères, comme celui du Patrimoine canadien ou Emploi et Développement social Canada.
En passant, quand nous rencontrons des représentants d'Emploi et Développement social Canada, nous insistons pour que des représentants du ministère du Patrimoine canadien participent aussi aux discussions, puisque ce ministère est responsable de la feuille de route.
Depuis un an ou un an et demi, nous avons beaucoup travaillé en fonction des répercussions collectives. Celles-ci touchent aussi les théories et les modèles de changement. Notre organisation étant membre du RESDAC, nous nous sommes beaucoup questionnés sur la façon dont nous voulions qu'elle évolue dans l'avenir. Nous sommes donc en train d'étudier différentes solutions, par exemple un consortium de livreurs de services. Cette idée est sur la table, mais sera-t-elle retenue? Je ne peux pas vous assurer qu'elle le sera, mais c'est une idée comme une autre, et elle est très attrayante parce qu'il y a des modèles.
Nous nous penchons aussi sur les meilleures pratiques dans les organismes qui sont financés par le fédéral. Par exemple, il y a des organismes dans le domaine des collèges qui ont un consortium. Nous sommes donc en train de voir s'il serait possible, en ce qui a trait à l'alphabétisation et aux compétences essentielles, d'adopter un modèle qui y ressemble et de l'adapter aux réalités de nos communautés francophones.
Nous tenons des discussions à cet égard avec le ministère.
Dans son rapport, la commissaire aux langues officielles par intérim avait mentionné qu'il était très important de revoir l'orientation du RESDAC et ses critères d'admissibilité en ce qui a trait aux fonds disponibles en matière d'alphabétisation et d'acquisition des compétences essentielles pour que soient davantage pris en compte les besoins et les priorités.
Comment réagissez-vous à cette recommandation?
On sait que nos petites communautés francophones disposent rarement de toutes les capacités organisationnelles pour faire des demandes de financement très complexes. Le même problème se pose avec d'autres organismes financiers, qu'ils soient provinciaux, municipaux ou fédéraux.
Étant donné que certaines de nos communautés sont petites et disposent de moins de capacités organisationnelles, on devrait être assez flexible pour permettre, malgré tout, à ces communautés d'obtenir du financement pour des projets précis qui pourraient avoir un impact sur notre clientèle, composée de gens normalement peu alphabétisés, que ce soit en matière de compétences en emploi ou de littératie familiale, ou qu'il s'agisse de personnes âgées ayant besoin de développer certaines compétences. On devrait donc moduler les critères d'admissibilité en fonction des capacités réelles des communautés. C'est pour cela que nous trouvons intéressante l'idée d'un consortium, dont les organisations pourraient aider les communautés ayant de moins grandes capacités à faire des demandes pour réaliser des projets qui auraient un impact réel dans leur communauté.
Merci, monsieur le président.
Merci beaucoup aux témoins d'être ici. C'est un dossier que nous suivons depuis quelque temps déjà. Avant même que nous n'entamions notre étude sur le plan d'action, nous avions eu des échanges sur le fait que le financement avait cessé en 2014.
Savez-vous pour quelle raison ce financement a cessé? Était-ce simplement le plan d'action qui avait changé? Je crois me rappeler que le financement en petite enfance avait aussi été retiré au même moment. Quelle était l'idée derrière tout cela? Aviez-vous eu des explications ou était-ce simplement arrivé ainsi?
Je peux vous répondre en fonction de mon expérience personnelle. Nous aussi, nous recevions à un moment donné du financement du BACE. Il y a eu une réunion en 2013, je crois, où l'on a effectivement annoncé que le financement de 22 organismes communautaires dans le domaine de l'alphabétisation allait cesser. Il y avait entre autres le RESDAC, il y avait notre contrepartie anglophone, il y avait Essential Skills Ontario, il y avait des organismes du Nouveau-Brunswick, il y avait la COFA. En tout, 22 organismes communautaires ont perdu leur financement.
Rappelez-vous qu'à ce moment, il y avait plusieurs nouvelles orientations. Il était question d'investir de plus en plus dans le développement des compétences en emploi. Également, on parlait beaucoup de finance sociale, principe selon lequel les organismes s'associent avec l'entreprise privée pour avoir des retombées importantes, et les résultats obtenus peuvent jouer sur le type de financement qu'ils reçoivent.
On ne peut pas être contre la vertu. La finance sociale fonctionne dans certains endroits et donne de très beaux résultats quand il y a une masse critique. Avec notre collègue Ronald Bisson, nous avions fait une étude sur la finance sociale dans les petites communautés francophones. Je m'excuse, mais les grosses entreprises comme Bombardier qui peuvent travailler sur des projets en finance sociale pour augmenter les compétences essentielles ne vivent peut-être pas la même réalité qu'un organisme dans une petite communauté au Yukon, au Nunavut ou en Colombie-Britannique. Ce n'est peut-être pas, pour nous, une approche viable. Nous ne critiquons pas l'approche en disant que ce n'est pas viable. Cependant, dans les petites communautés, ce n'est peut-être pas la meilleure solution.
J'aimerais préciser que c'est la façon dont elle avait été définie à l'époque. Nous avons des collègues qui travaillent sur une nouvelle définition avec Emploi et Développement social Canada, entre autres Jean-Luc Racine. Différents intervenants dans les domaines de la petite enfance, des aînés, des jeunes et des femmes se sont regroupés dans un projet de finance sociale. Ils sont en train d'essayer de pousser la définition un peu plus loin pour qu'elle puisse se rapprocher de nos réalités.
Donc, en 2013, ce n'était peut-être pas une solution viable, mais le concept évolue. Cela fait quand même cinq ans. Il y aura peut-être des façons de faire différentes, mais, comme je le mentionnais, le RESDAC se pose des questions depuis la dernière année et demie sur la nouvelle forme qu'il veut prendre dans l'avenir.
D'ailleurs, s'assurer du financement adéquat de tout le système d'éducation, de la petite enfance jusqu'à l'âge adulte, faisait partie de nos recommandations pour le dernier plan d'action. Malheureusement, vous avez épuisé toutes vos ressources entretemps. Vous vous trouvez à tenir cela à bout de bras, mais sans aucunes ressources financières.
Le gouvernement est au courant. Présentement, vous avez des consultations. Je crois savoir qu'Emploi et Développement social Canada fait partie des consultations, de même que Patrimoine canadien.
Il y a eu quelques rencontres, mais nous perdons des interlocuteurs. Je pense que M. Gauthier n'est plus là. Je ne sais pas quelle sera la suite des choses. En fait, c'est le président du RESDAC qui a ces entretiens.
Nous avons abordé tout à l'heure la situation des anglophones. Je sais bien que vous vous occupez plutôt des francophones en situation minoritaire, mais j'aimerais savoir ce qu'il en est des anglophones en situation minoritaire. Est-ce que des gens du QCGN interviennent aussi dans les discussions que vous avez avec Emploi et Développement social Canada?
En fait, nous avons beaucoup travaillé avec les anglophones du Québec, entre autres avec Linda Shohet, du Centre d'alphabétisation, ou The Centre for Literacy, en anglais. Cet organisme n'existe plus maintenant. Nous avons organisé, par exemple, ce qu'on appelait des...
C'étaient des instituts d'été où anglophones et francophones tenaient le même discours au sujet de l'alphabétisme et du développement des compétences. En fait, nous avons exactement les mêmes problèmes. Ce ne sont pas juste les francophones qui ont perdu leur financement. Nos collègues anglophones l'ont également perdu. En tout, 22 organismes francophones et anglophones ont perdu leur financement. Nos collègues anglophones vivent exactement la même chose que nous.
Nous avons demandé à Emploi et Développement social Canada s'il était possible qu'un observateur assiste aux discussions qui ont lieu du côté francophone.
Il faut comprendre que la situation au Québec est complètement différente de celle dans le reste du Canada. Au Québec, il y a quatre universités anglophones ainsi que des collèges anglophones. C'est tant mieux pour ces gens; j'en suis bien content. En Ontario, il existe quelques universités bilingues, mais une seule université francophone: l'Université de Hearst. Il va peut-être y en avoir une autre à Toronto. Mis à part cela, c'est à peu près ce qu'il nous reste.
Monsieur Choquette, je dois donner la parole au prochain intervenant.
Monsieur Samson, vous avez la parole.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être ici aujourd'hui pour nous parler de la situation sur le terrain. Ils nous donnent de l'information qui nous permet de faire notre travail, qui est d'aller au fond des choses afin que les besoins des deux communautés soient comblés.
Vous avez dit que la situation des anglophones et des francophones était la même. J'aimerais que vous me donniez des précisions, car je ne suis pas certain de comprendre. Parliez-vous des anglophones en situation minoritaire et des francophones en situation minoritaire? Vous ne parliez pas des anglophones en situation majoritaire, n'est-ce pas?
Dans d'autres domaines, le gouvernement fédéral donne des paiements de péréquation aux provinces pour que le terrain soit égal. Ici, l'objectif est le même: il faut s'assurer que les deux communautés ont les mêmes possibilités.
On parle bel et bien ici des communautés anglophones et francophones en situation minoritaire. Est-ce la même chose en ce qui concerne les communautés de langue officielle en situation majoritaire? Non. C'est donc qu'il y a un sérieux problème et qu'il faut aller au fond des choses.
J'aimerais juste préciser que la question de M. Choquette portait sur les anglophones du Québec, qui constituent une communauté en situation minoritaire.
Oui, et vous avez très bien répondu à la question. Je voulais simplement m'assurer que les gens autour de nous avaient compris.
Je m'intéresse à la recommandation de la commissaire qui demande au gouvernement d'évaluer les répercussions de l'élimination du financement d'organismes. Selon vous, quelles ont été ces répercussions? S'il vous plaît, faites une comparaison avec la situation des organismes de la majorité anglophone. Je veux savoir si, sur le terrain, les deux communautés ont les mêmes possibilités. Je ne pense pas que ce soit le cas.
C'est très simple, c'est une question de mathématiques ou de masse critique. Par exemple, il y a 20 000 Fransaskois en Saskatchewan. La perte d'un organisme francophone aurait un impact beaucoup plus grand sur la communauté minoritaire francophone qu'elle n'en aurait sur la communauté majoritaire. Advenant le cas, la communauté majoritaire aurait deux, trois ou quatre autres organismes qui prendraient la relève.
On pourrait dire la même chose du côté du Québec. Si la majorité francophone perdait un organisme, quelques autres pourraient prendre la relève. Si une communauté minoritaire perd un organisme, il n'y a plus rien ou il n'en reste pas beaucoup.
C'est une distinction essentielle.
J'aimerais maintenant aborder un deuxième sujet, c'est-à-dire les services en français.
Pour les services dans les régions, un moratoire a été décrété. Certains critères étaient utilisés, mais celui des 5 % semblait causer énormément de problèmes. Si la population minoritaire comptait pour moins de 5 % de la population totale de la province, elle perdait ses services; un camion venait chercher les bureaux et tout le reste. En toute sagesse, le gouvernement a mis en place un moratoire et il est en train de mener une consultation et de revoir tout cela. Ce critère de 5 % peut jouer. Ce n'est pas ce qui élimine les services, mais cela peut s'ajouter.
La consultation permet de déterminer quelles autres choses essentielles devraient exister dans les communautés. Finalement, il est ressorti de ces analyses et de ces consultations qu'il existait d'autres choses essentielles, comme les écoles francophones et les centres communautaires. Il faut penser à la vitalité et à la pérennité des communautés. Il n'y a pas que le chiffre de 5 %. Si l’immigration francophone tombe à 2 % alors qu’elle était de 4 % auparavant, la population des communautés de langue officielle en situation minoritaire va s’effriter et représenter moins de 5 % de la population totale, c’est automatique. Alors, mettons cela à la poubelle.
Parlons maintenant des faits. Le lien est très important ici. Il faut savoir comment les communautés vont assurer leur succès. C'est quelque chose dont il faudrait parler dans les consultations sur les services en français.
Je sais que je ne pose pas beaucoup de questions, mais je fais beaucoup de commentaires.
J'en arrive à ma question la plus importante.
Selon vous, quelles sont les solutions? Si, demain matin, vous vous retrouviez au gouvernement — non pas l'ancien, mais l'actuel —, que feriez-vous pour que votre mandat soit rempli?
Pour avoir vécu dans des petites communautés francophones au Nunavut et ailleurs au Canada, je peux vous dire que, dans toutes les communautés francophones à l'extérieur du Québec, le coeur de l'action se trouve dans les organismes communautaires. C'est clair. Les organismes communautaires jouent un rôle absolument essentiel pour la pérennité de nos organisations. C'est souvent dans ces organismes qu'on commence à développer des capacités organisationnelles. C'est souvent là que les gens, ayant développé des compétences, ont l'élan nécessaire pour devenir des entrepreneurs et offrir à la communauté ce qu'ils ont acquis.
Pour ma part, je vis en Ontario. Je peux vous dire que la structure du secteur communautaire y est très puissante. C'est un poumon pour notre communauté. La situation est la même ailleurs. Que ce soit dans les Territoires du Nord-Ouest, au Yukon, en Saskatchewan ou au Manitoba avec l'organisme Pluri-elles, le secteur communautaire est le poumon des communautés francophones. Il est très important d'investir dans ces secteurs.
Donc, vous avez besoin de financement pour accomplir votre travail sur le terrain, dans les communautés francophones en situation minoritaire.
Il s'agit d'un financement minimal qui pourrait être assuré par Patrimoine canadien. Ce ministère finance un bon nombre d'autres organismes francophones qui font partie du continuum de l'éducation.
Merci, monsieur le président.
Merci de votre intervention, monsieur Samson.
De façon plus générale, comment arrivez-vous à cerner la clientèle et ses besoins? Comment arrivez-vous à déterminer qu'une communauté donnée en Saskatchewan, par exemple, a besoin d'un programme d'alphabétisation ou d'autre formation?
Je vais vous donner un exemple. Lors de la dernière enquête internationale portant sur les compétences essentielles, le Canada a fourni la plus importante cohorte de répondants. En effet, 27 000 personnes ont été interrogées au Canada, comparativement à 5 000 aux États-Unis. Les données de l'enquête internationale ont révélé trois surreprésentations dans trois communautés francophones au Canada: au Nouveau-Brunswick, en Ontario et au Manitoba.
Nous avons donc des données probantes concernant les niveaux de littératie, de numératie et de littératie numérique. Chez nous, en Ontario, 48 % des francophones sont des analphabètes fonctionnels de niveau 1 et de niveau 2. Les analphabètes fonctionnels de niveau 1 peuvent à peine lire un article très simple. Les analphabètes fonctionnels de niveau 2 sont perdus s'il y a la moindre complexité. Dans le domaine de la numératie, 56 % des francophones de l'Ontario sont analphabètes fonctionnels. Finalement, 78 % des francophones de l'Ontario sont des analphabètes fonctionnels en matière de littératie numérique.
Pensez-y: nos gouvernements veulent de plus en plus que l'accès aux services se fasse par l'entremise d'Internet, mais 78 % des francophones de l'Ontario sont des analphabètes fonctionnels. Désolé, mesdames, messieurs, mais nous faisons face ici à un gros problème. Les gens les plus affectés sont nos aînés. Nous devons leur fournir un soutien minimum pour qu'ils puissent avoir accès à des services.
Nous avons des données probantes et nous travaillons en outre avec Statistique Canada. Nous avons collaboré avec Statistique Canada pour établir un recoupement entre le niveau de compétences essentielles, le développement économique et le développement social dans certaines communautés. Nous avons donc, en effet, des données qui nous permettent de savoir exactement où sont les problèmes dans certaines communautés.
L'extrapolation nous aide également. Des archétypes nous permettent de déterminer assez précisément, dans une certaine situation, à quel niveau d'alphabétisation les gens d'un âge donné se situent.
Nous pouvons donc utiliser des données probantes qui nous permettent de mesurer vraiment les besoins de nos communautés. Nous ne lançons pas de chiffres à tort et à travers. Nous nous basons sur des données qui proviennent d'enquêtes internationales auxquelles le Canada a pleinement participé. Ce sont des données tout de même assez sérieuses.
Nous pouvons vous dire, par exemple, que 70 % des francophones du Grand Sudbury sont des analphabètes fonctionnels de niveau 1 et de niveau 2. Nous pouvons vous dire que, dans Prescott-Russell, ce pourcentage est de 50 %. Nous pouvons vous dire quel est le pourcentage dans la région d'Ottawa. Nous disposons de données probantes et nous sommes en mesure d'effectuer des extrapolations. Grâce aux croisements faits par Statistique Canada, nous pouvons obtenir le même type de données pour le Manitoba ou le Nouveau-Brunswick, notamment. D'ailleurs, je pense que le Nouveau-Brunswick a fait un rapport semblable pour définir clairement les besoins de ses communautés et les niveaux de littératie.
C'est sans compter le décrochage scolaire, qui est vraiment élevé chez les francophones hors Québec, et même chez ceux du Québec.
Cela dit, c'était un commentaire à part.
Je reviens maintenant à mes questions.
En deux mots, quelle était votre situation avant la fin du financement en 2013? Comment cela s'organisait-il? Comment était-il possible de donner des services?
Si on pouvait vous accorder demain matin ce que vous demandez, est-ce que ce serait suffisant?
D'abord, on peut difficilement comparer la situation d'avant 2013 à celle d'après 2013, parce que, comme je l'ai dit, nous avons évolué. Nous sommes en voie d'adopter un modèle complètement différent.
Avant 2013, le RESDAC avait des échanges au sujet des meilleures pratiques. Nous avions des rapports de recherche sur différents sujets d'intérêt pour tous les partenaires ou tous les membres du RESDAC, des rapports dont nous nous sommes servis. Je vais vous donner un exemple très concret. Nous avons fait une étude sur les besoins des employeurs et des employés sur le plan des compétences. Nous nous sommes aperçus que les compétences nécessaires ne consistaient pas seulement à savoir lire, écrire et compter, mais aussi à savoir résoudre des problèmes, à communiquer, et ainsi de suite. Donc, il y avait non seulement les compétences essentielles, mais aussi les compétences génériques. C'est le genre d'étude que le RESDAC nous a aidés à développer. À partir de cela, dans nos provinces, nous sommes capables d'orienter nos efforts vers les compétences précises que nous voulons développer auprès des employeurs. Je pense à la formation en résolution des problèmes chez nos employés, par exemple.
Maintenant, compte tenu du travail que nous avons fait avec la stratégie locale d'impact collectif et de toute la gestion du changement que nous sommes en train de faire avec le RESDAC, cela va probablement prendre une forme différente. Nous parlions tantôt de consortium de livreurs de services. Il s'agit de gens avec qui nous voulons nous associer pour livrer des services qui ont un impact direct sur la population.
C'est donc difficile maintenant de comparer la période d'avant 2013 à celle d'après 2013, parce que notre mode de fonctionnement est différent.
Je comprends ce que vous me dites, surtout en raison de ce rapport.
Maintenant que vous pouvez mieux cerner les besoins afin de leur venir en aide, comment pouvez-vous mesurer les résultats? Autrement dit, si on vous accorde du financement, comment pourrons-nous voir que cela donne des résultats?
Quand nous obtenons du financement de la part d'Emploi et Développement social Canada ou du ministère du Patrimoine canadien, nous avons des mesures de rendement obligatoires. Maintenant, quand on signe un contrat, le financement s'accompagne de mesures obligatoires. Par exemple, dans le projet de tourisme que je mentionnais tantôt, 90 % des 60 personnes doivent obtenir un emploi. Nous faisons un suivi après trois mois, six mois et douze mois pour connaître l'impact que cela a eu sur leur vie sociale, leur santé, leurs finances, et le reste. Des mesures de rendement font donc partie d'un cadre d'évaluation, que nous mettons en place à la demande de notre bailleur de fonds.
Merci, monsieur le président.
Monsieur Robillard, madame Lopez, je vous remercie d'être parmi nous cet après-midi.
Vous avez dit que le RESDAC recevait environ 600 000 $ par année et que les budgets avaient été supprimés en 2014. Est-ce bien cela?
Nous avions une réserve, mais nous l'avons épuisée.
Je vais vous donner un exemple de ce que nous avons fait. Vous avez peut-être déjà entendu parler de la BDAA, la Base de données en alphabétisation des adultes, aussi connue sous le nom de Copian. Il s'agissait d'une base de données qui récupérait toute la documentation sur l'alphabétisation et le développement des compétences essentielles au Canada, que ce soit en anglais ou en français. C'était une richesse incroyable. Quand il n'y a plus eu de financement, on n'a pas pu la maintenir. Le RESDAC a pris de l'argent de sa réserve pour récupérer cette base de données et la faire migrer vers les plateformes du CDEACF, au Québec. Le CDEACF s'occupe de gérer cette base de données.
Nous ne voulions pas la laisser aller, parce que c'est une richesse incroyable sur le plan de la documentation en alphabétisation, en formation et en développement des compétences essentielles. Nous avons donc utilisé une partie de notre financement pour sauver cette base de données.
Par la suite, en utilisant notre réserve avec parcimonie, nous avons réussi à maintenir au moins une ou deux personnes en poste au cours des quatre dernières années, mais là, nous arrivons vraiment au fond de la réserve.
Il y a la réserve, mais il y a aussi du financement par projet. Des projets ont donc été financés par le ministère du Patrimoine canadien. Certains, qui nous restaient d'Emploi et Développement social Canada, nous ont permis aussi de continuer jusqu'en octobre dernier.
D'accord.
Nous avions lu ce qu'il y avait dans les médias. M. Choquette, qui est très préoccupé par ce qui vous arrive en ce moment, nous en avait parlé aussi. Nous voulions vous voir aujourd'hui pour savoir vraiment ce qui se passait.
Quand votre organisme va-t-il fermer, si rien n'est fait?
Officiellement, nous n'avons plus de personnel. Ce sont les membres du conseil d'administration, comme la COFA, Pluri-elles, le Collège de l'Île et le Collège Éducacentre, qui maintiennent le RESDAC en vie en espérant qu'il obtiendra une greffe de poumon afin de respirer un peu plus. Pour l'instant, nous maintenons l'organisme en vie. Nous n'avons pas l'intention de le fermer et de retourner nos documents de création. Nous voulons continuer à vivre, parce que nous pensons qu'il s'agit d'un organisme essentiel pour les communautés francophones.
Nous ne restons pas là non plus à attendre la manne. Nous sommes en train de chercher activement une solution pour reconfigurer notre travail afin qu'il corresponde mieux à ce qui se passe aujourd'hui sur le terrain ainsi qu'aux attentes du gouvernement.
Aujourd'hui, si le gouvernement libéral acceptait de recommencer à financer directement le RESDAC sur une base annuelle, s'agirait-il toujours d'une somme de 600 000 $ ou vos besoins seraient-ils plus grands?
C'est difficile à dire parce que, comme je le disais tout à l'heure, nous sommes en train de regarder différentes solutions. Nous étudions entre autres la solution possible d'un consortium. Nous verrons où pourront nous mener les négociations que nous aurons avec les bailleurs de fonds. Pour l'instant, c'est vraiment difficile de répondre à votre question. Tant que nous n'aurons pas un modèle bien campé, bien articulé, nos besoins en financement seront très difficiles à évaluer.
Permettez-moi d'ajouter que, selon le modèle que nous sommes en train d'étudier, il est clair que les coûts de fonctionnement seraient minimaux et que l'argent qui serait perçu servirait à la prestation de services sur le terrain. C'est ce que nous recherchons.
J'aimerais revenir sur un élément que M. Lefebvre a abordé plus tôt.
Dans vos discussions en ce moment, voyez-vous la lumière au bout du tunnel? Croyez-vous que le plan d'action comprendra une enveloppe pour vous?
Essentiellement, les députés libéraux qui siègent à notre comité peuvent influencer le gouvernement. Ils sont en mesure de faire pression sur le caucus lors de ses réunions. C'est donc le temps de leur en parler. Si rien ne se passe, il faut le savoir. Si, selon votre propre analyse, vous n'obtiendrez pas d'enveloppe, il faut le savoir.
Sur une échelle de 1 à 10, quelles sont vos chances? Avez-vous reçu une certaine confirmation ou non?
Nous n'avons reçu aucune confirmation de financement.
Par ailleurs, s'il y a une possibilité de financement de l'alphabétisation dans le prochain plan d'action pour les langues officielles, est-ce qu'il y aura une possibilité de financement d'un organisme comme le RESDAC? Ce n'est pas facile de savoir si un tel financement s'y retrouvera. Alors, il faut voir les détails. Le diable est dans les détails.
En toute équité et en toute justice, je dois dire qu'il y a actuellement des gens qui font preuve d'écoute active. Personnellement, cela me donne beaucoup d'espoir. Par la suite, nous verrons. Le gouvernement devra décider ce qu'il voudra faire. Cela ne nous appartient pas, mais nous nous ajusterons en conséquence.
Cela dit, les discussions actuelles sont vraiment intéressantes. Il y a de très bonnes avancées, à mon avis. Il reste à déterminer la forme que cela prendra.
Comme je le mentionnais, nous voulons que les joueurs clés se rassemblent autour de la table, c'est-à-dire non seulement Emploi et Développement social Canada, mais aussi Patrimoine canadien.
Quand on parle de l'alphabétisation et du continuum de l'éducation et de la formation, on parle effectivement de la petite enfance et des niveaux primaire, secondaire, collégial et universitaire. Cependant, ceux que le système a laissé tomber, c'est nous qui les récupérons. Nous faisons donc partie du continuum. À cet égard, je pense que nous devrions être financés adéquatement, au même titre que d'autres organismes nationaux qui font partie du continuum.
Est-ce juste de décrire le RESDAC comme étant un genre de centre de recherches, un groupe de réflexion?
Oui, c'est ce que c'était: un forum d'échange au sujet des meilleures pratiques, de la formation et des formateurs.
Le conseil d'administration est formé de 12 membres de partout au pays, incluant Pluri-elles. Est-ce exact?
À l'époque où vous touchiez un financement de 600 000 $, une partie de ce montant allait-elle aux organisations?
Je vais donner un exemple. À un moment donné, le RESDAC nous avait demandé de mener dans trois communautés franco-ontariennes trois projets pilotes sur l'approche intégrée. Effectivement, nous avons obtenu du financement du RESDAC pour mettre en place ces trois projets et voir quels étaient les résultats après un certain temps. Il y a eu le même type d'expérience en Nouvelle-Écosse.
Par exemple, quand nous avons reçu les données de l'évaluation internationale des compétences, le RESDAC a financé certaines provinces afin que les organismes puissent travailler avec Statistique Canada et obtenir ainsi des données encore plus probantes.
Dans certains cas, un petit montant qui nous est alloué a un effet de levier auprès des provinces.
Si, dans le cas qui nous occupe, je reçois 18 000 $ ou 20 000 $ du RESDAC, je peux m'adresser à la province et obtenir 100 000 $ pour payer Statistique Canada.
Cela dépendait toujours des projets que nous mettions sur pied. Quand le conseil d'administration se réunissait, nous discutions des projets que nous voulions mettre en avant, par exemple des études ou des projets sur le terrain.
À votre connaissance, des organismes communautaires provinciaux ont-ils fermé leurs portes parce que le financement du RESDAC avait cessé?
Dans la foulée des compressions, certains organismes ont été touchés. En Alberta, par exemple, il n'y a plus du tout de prestation de services en français en matière de développement de l'alphabétisme. Un centre d'apprentissage a réalisé un projet pilote l'an dernier ou l'année d'avant, mais il a perdu son financement.
Il y a deux chose qu'il faut considérer. L'éducation, de manière générale, est effectivement du ressort des provinces.
Par contre, certaines communautés sont beaucoup moins bien outillées que d'autres qui sont plus grandes. Prenons l'exemple de l'Ontario, où le gouvernement investit beaucoup dans le développement, l'éducation, l'alphabétisation, et ainsi de suite. Nous avons des ressources qui sont inexistantes en Alberta ou à l'Île-du-Prince-Édouard, notamment. Beaucoup d'échanges se font donc entre les organisations. Encore une fois, la masse critique est toujours liée au financement qu'elles reçoivent.
Le RESDAC permettait de mettre en avant certains projets. Par exemple, il a financé des projets en Nouvelle-Écosse pendant plusieurs années. Cela a permis à un organisme d'alphabétisation de cette province d'avoir accès à du financement pour mettre sur pied des projets et obtenir des résultats. Comme je l'ai mentionné plus tôt, ce sont les résultats du projet réalisé en Nouvelle-Écosse qui nous ont poussés à utiliser l'approche intégrée dans le cadre de notre projet sur le tourisme. Certaines communautés disposant de moins de ressources avaient recours au RESDAC pour mettre en oeuvre des projets qui avaient un impact sur elles.
Notre gouvernement consacre presque 2 milliards de dollars aux compétences et à la formation, et ce, dans toutes les provinces.
Êtes-vous appelés à exercer votre influence dans ce contexte?
J'ai été directeur de l'apprentissage à la Défense nationale pendant quatre ans. Je peux vous en parler de long en large. Quand on parle du développement des compétences essentielles chez les militaires et les civils de la Défense nationale, c'est une autre paire de manches; c'est complètement différent. La Défense nationale investit énormément dans le développement des compétences de ses employés et des militaires en général, et ce, pour de très bonnes raisons. La Défense nationale a son propre système de formation, que ce soit pour les militaires ou les civils. C'est pourquoi nous ne sommes pas mis à contribution.
Bonjour. Je suis heureuse de vous voir parmi nous.
Plus tôt, un de mes confrères vous a posé une question. On a parlé de 2013 et du fait que cela avait été mis en vigueur en 2014.
Quand on a aboli votre financement, vous en a-t-on donné la raison principale?
Comme je l'ai déjà mentionné, il y avait en fait deux raisons. Tout d'abord, les priorités du ministère avaient changé. Ensuite, tout le concept de finance social était en train de fleurir, de se développer. En outre, on nous a dit que le ministère ne voulait plus accorder de financement de base aux organismes, mais qu'il voulait plutôt favoriser le financement par projet, ce qui est complètement différent. Nous avons donc fini par perdre tout notre financement de base.
Sauf erreur, dans le cadre des transferts, les gouvernements précédents allouaient des fonds non pas à vous directement, mais à la province, qui vous en octroyait une partie.
Nous étions directement fiancés par le fédéral, selon des ententes de contribution assorties d'un mécanisme de vérification et d'audit très important et très pertinent. Effectivement, les objectifs figuraient dans notre entente de contribution et, chaque année, nous étions jugés en fonction des objectifs que nous atteignions.
Un organisme ne reçoit jamais un chèque en blanc. Quand il reçoit du financement, il a des objectifs à atteindre. Il fait l'objet d'évaluations et d'audits trimestriels, entre autres choses. C'est une approche très normative.
Pour le financement que nous recevions, nous étions évalués chaque année en fonction des objectifs que nous avions atteints d'une année à l'autre.
Quand on a supprimé le financement pour opter uniquement pour du financement par projet, aviez-vous des projets qui vous auraient permis de continuer à recevoir du financement?
Ce n'est pas parce que nous n'avons pas essayé. Nous avons proposé plusieurs projets, qui n'ont pas été retenus, pour des raisons que nous ignorons. On ne nous dit pas pour quelles raisons un projet n'est pas retenu.
Il est important de savoir que 22 organismes ont perdu leur financement en même temps. Le RESDAC n'était pas le seul organisme à la table; il y en avait 22 autres.
Effectivement, nous avons fait des demandes à plusieurs occasions.
Nous avons porté plainte au Commissariat aux langues officielles, justement parce que nous n'avions pas de réponse. Les orientations et les processus décisionnels n'étaient pas clairs. Il y avait des changements et les communications étaient difficiles.
Cela fait deux ans que je ne suis plus directrice générale du RESDAC. Il y a une nouvelle équipe, de même que de nouveaux administrateurs au ministère. Certains de ceux-ci m'ont dit qu'ils avaient ressorti un de nos projets et qu'ils trouvaient que c'était un bon projet. Ils étaient étonnés de constater qu'il n'avait pas été retenu. Il s'agissait d'un projet qui regroupait plusieurs provinces. Je leur ai expliqué que cela avait pris tellement de temps avant de recevoir une réponse, qu'entretemps l'Ontario et le Yukon avaient mis sur pied leurs propres projets. Voilà ce qui s'est passé.
Quand on vous refusait un projet donné, on ne vous donnait aucune raison. On vous le refusait, un point c'est tout. On ne vous expliquait rien.
On nous disait que le projet ne respectait pas les critères ou l'orientation. Je ne sais pas s'il en a toujours été ainsi. J'ai l'impression qu'il y a eu une période où c'était beaucoup moins...
Non, cela n'a pas toujours été comme cela. Je crois que cela dépend des ministres et du gouvernement.
Peut-être. Quoi qu'il en soit, les communications ont été plus difficiles pendant un certain temps.
Aussi, j'imagine que le BACE essayait de voir comment se réorienter.
Merci beaucoup, madame Boucher.
Avant de conclure, j'aimerais vous donner une information. Si les choses ne se produisent pas aussi vite que vous le voulez, il y a le programme Emplois d'été Canada pour les étudiants, que vous connaissez sûrement. Le Département de linguistique de l'Université d'Ottawa ou un député de la région d'Ottawa pourraient aussi vous aider. Je vous donne cette information pour que vous puissiez tenir le fort en attendant et pour que vous ne lâchiez pas.
D'accord.
Au nom de tous les membres du Comité, je veux vous remercier de l'éclairage que vous avez apporté, madame Lopez et monsieur Robillard. Nous allons faire un suivi là-dessus. Merci beaucoup.
Nous reprenons la séance.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous entamons l'examen des programmes d'appui aux médias des communautés de langue officielle en situation minoritaire.
Nous avons le plaisir de recevoir, de la Coalition pour la pérennité de la presse d'information au Québec, M. Pierre-Paul Noreau, président-éditeur du journal Le Droit.
Bienvenue, monsieur Noreau.
Nous recevons aussi Mme Sophie Gaulin, directrice générale et rédactrice en chef du journal La Liberté.
Avant de débuter, je veux vous dire deux choses.
Premièrement, on nous a apporté des exemplaires du journal Le Droit. Que ceux qui veulent en prendre un n'hésitent pas à le faire après la séance.
Deuxièmement, M. Lefebvre m'a demandé de faire une intervention au tout début.
Monsieur Lefebvre, vous avez la parole.
Merci, monsieur le président.
Étant donné que je suis propriétaire d'un journal et d'une station de radio en milieu minoritaire, je veux déclarer un conflit d'intérêts relativement à cette étude. Par conséquent, je ne poserai pas de questions, je ne voterai pas et je ne participerai pas à la rédaction du rapport. Bien que je sois dans la salle, je vais me récuser et m'abstenir de toute intervention.
C'est très bien, monsieur Lefebvre. Il sera consigné dans le compte rendu que vous avez déclaré votre conflit d'intérêts.
Monsieur Noreau, vous avez une dizaine de minutes pour faire votre présentation. Ensuite, nous passerons à une série de questions et commentaires des membres du Comité, à l'exception de M. Lefebvre.
Monsieur Noreau, vous avez la parole.
Merci de votre accueil chaleureux, monsieur le président.
Je remercie les membres du Comité de se préoccuper de la presse au service des communautés de langue officielle en situation minoritaire.
Nous ne sommes pas ici pour être alarmistes, mais la situation est néanmoins extrêmement sérieuse. Comme vous allez le voir, Mme Gaulin et moi faisons largement le même constat sur la situation critique des médias en situation minoritaire, et nous proposons plusieurs solutions communes.
Je me présente. Je fais partie de la Coalition pour la pérennité de la presse d'information au Québec, mais je suis ici surtout parce que je suis président d'un journal distribué en Ontario francophone. Je suis donc au service de la communauté franco-ontarienne.
Je dirai quelques mots sur Le Droit. Il s'agit d'un journal centenaire; sa première édition a été publiée le 27 mars 1913. Son histoire est directement liée à celle des Franco-Ontariens. On se souviendra du Règlement 17, qui, à l'époque, voulait interdire l'enseignement en français en Ontario. On se souviendra aussi de l'Hôpital Montfort. Le journal Le Droit était directement impliqué dans ces combats.
Quand il est question des intérêts et des aspirations de la communauté francophone de l'Ontario, nous sommes là et nous sommes à l'écoute. Vous avez pu lire dans nos pages, au cours de la dernière année, des textes sur l'université francophone en Ontario, sur le projet de faire d'Ottawa une ville bilingue, de même que sur la révision de la Loi sur les services en français de l'Ontario. Nous sommes au service de la communauté franco-ontarienne.
Si vous demandiez aujourd'hui aux Franco-Ontariens ce qu'ils pensent du Droit, la réponse risquerait de ressembler à ceci: Le Droit est un quotidien sérieux qui offre une information de qualité, un quotidien qui a surpris en publiant un magazine mensuel d'affaires, mais qui est trop québécois. L'argent est roi, dit-on. Au fil de la croissance de la ville de Gatineau, Le Droit a trouvé des lecteurs et des partenaires d'affaires du côté québécois, tant et si bien qu'aujourd'hui, presque trois lecteurs sur quatre sont des Québécois. Nous n'avons pas oublié pour autant les Franco-Ontariens. Nous sommes nés du combat des Franco-Ontariens et nous continuons de nous en préoccuper.
Le quotidien Le Droit appartient à Groupe Capitales Médias, dont l'actionnaire unique est M. Martin Cauchon. Les autres quotidiens du Groupe sont Le Soleil, à Québec, Le Quotidien, à Saguenay, Le Nouvelliste, à Trois-Rivières, La Voix de l'Est, à Granby, et La Tribune, à Sherbrooke.
Le Droit est le seul quotidien installé en Ontario. Nos bureaux sont situés rue Clarence, au marché By, près d'ici. C'est là que travaillent 74 de nos 78 employés. Notre chiffre d'affaires est de 13 millions de dollars. Les nouvelles du Droit sont offertes sur plusieurs plateformes: le journal papier, l'application pour la tablette et le téléphone et, bien sûr, le site Internet.
Quelle est la portée du Droit? Chaque semaine, il touche 215 000 personnes différentes au minimum, c'est-à-dire plus de la moitié de la population francophone vivant dans la région de la capitale nationale, des deux côtés de la rive, on s'entend.
Quand on m'a invité à devenir président du quotidien Le Droit, Martin Cauchon m'a dit précisément que je devais reconquérir le lectorat franco-ontarien. Nous y avons consacré des efforts importants, et bien des Franco-Ontariens l'ont remarqué.
Nous nous sommes retrouvés dans une période difficile. Même si nous voulons faire des efforts inouïs, c'est difficile. Je suis en poste depuis deux ans et demi et, au cours de cette période, nous avons supprimé 15 postes, dont cinq à la rédaction. C'est difficile d'augmenter notre service à la communauté franco-ontarienne quand nous supprimons cinq postes à la rédaction.
Le défi de la rentabilité est entier. On nous questionne sur notre modèle d'affaires. Ce dernier repose sur deux choses. Un journal a deux sources de revenus importantes: l'abonnement qu'on achète et la publicité que les partenaires d'affaires placent dans ses pages.
Pour ce qui est des abonnements, il faut dire qu'avec Internet, toute l'information est accessible, abondante et gratuite. C'est pourquoi, depuis cinq ans, nos abonnements diminuent de 10 % chaque année.
Pour ce qui est de la publicité, d'une part, la publicité locale, c'est-à-dire celle achetée par nos partenaires d'affaires, diminue elle aussi de 10 % par année, et je vais vous expliquer pourquoi. D'autre part, la publicité nationale, c'est-à-dire celle d'Air Canada, de la Banque Royale ou de Ford, a diminué de 25 % par année au cours des dernières années. Nos finances sont donc serrées et nous devons nous battre pour conserver notre rentabilité. Le problème est que Google et Facebook accaparent plus de 70 % de l'assiette publicitaire au Canada; ce n'est une nouvelle pour personne d'entre vous. Leurs prix sont si bas qu'ils sabotent la valeur du marché.
Comment les gouvernements se comportent-ils face à cette situation critique? Je dois dire, honnêtement, que nous percevons de plus en plus d'inquiétude. La preuve est que nous sommes assis devant vous aujourd'hui et que nous en parlons. Pour ma part, j'ai aussi eu l'occasion de témoigner devant le Comité permanent du patrimoine canadien. L'inquiétude est réelle dans les propos, mais les actions ne suivent pas encore. Il est temps que quelque chose se passe. Le gouvernement a à l'égard des communautés de langue officielle en situation minoritaire une responsabilité très claire qui découle de la Loi sur les langues officielles. Les institutions fédérales ont l'obligation de prendre des mesures positives afin d'appuyer le développement des minorités francophones et anglophones et de favoriser l'égalité de leur statut au sein de la société canadienne.
Qu'est-ce qui favorise le développement d'une langue et d'une culture? C'est évidemment la famille, les amis, l'école, le milieu de travail et les médias. Si on enlève les médias, il manque un pilier au transfert de la culture. Un média est un miroir; c'est une agora qui permet de se connaître, de se rencontrer et d'échanger; c'est un carrefour. C'est dans les médias que nous discutons de nos succès et des défis auxquels nous devons faire face. Pour exprimer les choses crûment, disons que, pour le moment, le gouvernement fédéral n'assume pas ses responsabilités pour ce qui est du soutien aux médias qui sont au service des communautés de langue officielle en situation minoritaire. À mon avis, il manque à ses devoirs envers l'ensemble des médias au Canada.
Évidemment, personne ne veut que le gouvernement contrôle les médias en contrôlant leurs finances. Or il est possible de prendre des mesures pour empêcher que cela se produise. Plusieurs pays beaucoup plus généreux que le Canada réussissent en effet à empêcher que les médias soient contrôlés et qu'ils deviennent des outils de propagande.
C'est surtout la ministre du Patrimoine canadien qui a notre dossier en main. Elle nous a dit que le gouvernement ne pouvait pas investir dans un modèle d'affaires qui n'était pas viable. Quels sont les modèles d'affaires viables? Mis à part The Wall Street Journal, The New York Times et The Globe and Mail, quels journaux font de l'argent? Je n'en connais pas beaucoup qui en font suffisamment pour que cela en vaille la peine. Le journal La Presse est-il viable? Je ne veux pas m'aventurer sur ce terrain glissant. Je peux vous dire cependant qu'à l'heure actuelle, les médias communautaires et les médias régionaux n'ont pas un volume d'affaires suffisant pour générer une rentabilité à long terme.
Cela dit, sommes-nous pertinents et utiles à la vie démocratique? Soutenons-nous la vie culturelle de nos communautés? Nous en sommes profondément convaincus.
Pour ce qui est des solutions, il y en a plusieurs.
La première solution serait que le gouvernement confie une partie raisonnable de sa publicité à nos médias. Nous implorons le gouvernement de le faire depuis que cette question est débattue. Entre 2006-2007 et 2014-2015, soit pendant huit ans, les dépenses relatives à la publicité fédérale dans les journaux communautaires sont passées de 1,9 million de dollars à 430 000 $. Le gouvernement a donc divisé ce budget par quatre. Dans le cas de la radio, les dépenses sont passées de 730 000 $ à 200 000 $. Encore une fois, le gouvernement a divisé le budget par quatre. Cependant, les dépenses pour l'ensemble de la publicité des institutions fédérales sur Internet augmentent à coup de millions de dollars.
Ne venez pas nous dire que les journaux n'atteignent pas leurs communautés. Je pourrais vous démontrer par a + b = c que les journaux rejoignent leurs communautés et que celles-ci les suivent.
Le deuxième point que je veux aborder est celui d'un crédit d'impôt pour la production d'information originale canadienne. Cela existe dans le monde cinématographique. Comme vous le savez, on dit parfois que le secteur de l'aérospatiale ou que le secteur de l'automobile va mal et que le gouvernement doit intervenir. Quand on veut créer des piliers forts en technologie de l'information, est-ce qu'on doit intervenir? Oui, mais on se contente de crédits d'impôt. Si l'industrie médiatique ne revêt pas un intérêt particulier pour le gouvernement, nous avons de sérieux ennuis. Un crédit d'impôt pour la production d'information originale serait donc un autre moyen d'y arriver.
Un programme de remboursement partiel de nos investissements dans le numérique ne pourrait-il pas être rapidement mis en place?
Oui, votre temps de parole est écoulé, mais vous pourrez continuer à donner ces explications en réponse aux questions des députés qui sont autour de la table.
Madame Gaulin, avez-vous quelque chose à ajouter?
Monsieur le président, messieurs, mesdames les membres du Comité, je vous remercie de nous recevoir.
Je n'ai pas envie de jouer les alarmistes, mais la situation est alarmante. Je sais que vous l'entendez dire à longueur de jour. Je vais simplement vous raconter une histoire, celle d'un hamster à qui on demande de faire toujours plus en lui donnant moins à bouffer. À un moment donné, le hamster claque. C'est notre histoire. C'est l'histoire des journaux de langue officielle en situation minoritaire.
Au Manitoba, il y a un journal publié pour la communauté minoritaire, un journal de langue française qui s'appelle La Liberté. Cela fait 105 ans qu'il existe, 105 ans que les Franco-Manitobains produisent un journal crédible et de qualité. Je vais vous faire passer des copies, car je pense que c'est important que vous le voyiez. Cela fait 105 ans que si vous demandez aux Manitobains ce qu'ils pensent de La Liberté, ils vous répondront que c'est trop ou très manitobain. Nous sommes à proximité de nos lecteurs d'une façon que l'on ne trouve que chez les journaux de langue officielle en situation minoritaire, que chez les journaux communautaires.
Je suis heureuse d'être devant vous aujourd'hui parce que la situation est critique. En fait, deux éléments, à mon avis, sont mal compris du gouvernement. Le premier est la définition d'un média local, d'un média de proximité, d'un média communautaire. Souvent, quand on est dans une bulle, ailleurs, ou loin, on a l'impression que le média communautaire est gentil avec tout le monde, qu'on va y voir M. Untel ou Mme Unetelle qu'on connaît bien, et ainsi de suite. C'est vrai, il y a de cela. Toutefois, les médias communautaires sont aussi des médias qui se portent à la défense des droits linguistiques quand ils sont attaqués dans leur région.
Je vais vous donner quelques exemples. Au Manitoba, il y a quelques semaines, La Liberté a découvert, par l'entremise de quelques sources, que le Bureau de l'éducation française allait être démantelé par le gouvernement provincial. Eh bien, non seulement nous avons couvert in extenso le démantèlement du Bureau de l'éducation française, mais nous avons publié, dans les journaux que je vous distribue, des dizaines de lettres à la rédaction.
Les gens réagissent dans leur journal. C'est leur moyen de contester. Ils ne peuvent pas prendre le micro de Radio-Canada pour raconter ce qu'ils ont envie de raconter. Le seul endroit où ils peuvent le faire, c'est dans leur journal. Ils peuvent le faire sur Facebook s'ils y sont abonnés; ils peuvent le faire sur Twitter s'ils y sont abonnés. Or il n'est pas nécessaire d'être abonné à La Liberté pour lancer un cri d'alarme, un cri du coeur pour dire que l'on tient au Bureau de l'éducation française.
Pour ce qui est de la clinique express francophone, c'est la même chose. Elle a été verrouillée, démantelée. C'est fini, il n'y en a plus. La Liberté était là pour couvrir l'événement. Sinon, ce serait passé complètement inaperçu.
En 2012, un bureau de Service Canada était en train de fermer ses portes tranquillement, sans que personne ne s'en rende compte. La Liberté a réussi à démanteler les rumeurs et à montrer que le gouvernement était effectivement en train de nous fermer sous le nez son bureau de Service Canada en plein coeur de Saint-Boniface, le bastion de la langue française dans l'Ouest canadien. C'est aussi à cela que sert un journal communautaire.
Je peux vous dire que, dans 10 ans, si on ne prend pas conscience de cette importance et s'il n'y a plus La Liberté, s'il n'y a plus La Voix acadienne, s'il n'y a plus Le Courrier de la Nouvelle-Écosse ni de nombreux autres, tous ces cris ne seront plus émis et la vitalité de nos communautés sera anéantie. Quand un journal ferme, il ne revient pas.
Je me suis un peu éloignée de mes notes, mais ce n'est pas grave.
Une deuxième chose est inquiétante, et c'est quand j'entends le gouvernement, la ministre, parler de virage numérique. Je vais vous dire une chose: le virage numérique à La Liberté, nous l'avons tellement pris que nous avons réalisé un cercle de 360 degrés. En effet, nous avons un site Web qui s'adapte à tous les appareils, une application IOS et Android avec édition numérique, la lecture du journal accessible aux non-voyants, 100 ans de publications de La Liberté numérisées et indexées grâce à un partenariat avec l'Université de l'Alberta, qui permet aux Franco-Manitobains et aux chercheurs du monde entier de faire des recherches sur les communautés francophones du Manitoba. J'en veux pour preuve que quelqu'un de Barcelone est en train de rédiger une thèse sur les Franco-Manitobains grâce à ce partenariat.
Nous avons des tables rondes filmées et retransmises sur le Web portant sur les enjeux électoraux pour les francophones du Manitoba. Nous diffusons des événements communautaires, des concerts, des concours d'affaires et la messe de minuit pour les gens qui ne peuvent plus se déplacer dans les églises. Ces derniers l'écoutent en français, non pas une heure plus tard, mais en direct, grâce à nos partenariats avec des maisons de production.
En ce moment, nous travaillons à la création d'un dessin animé. Dans le journal, vous pourrez lire une bande dessinée au sujet d'un Africain qui arrive au Manitoba et qui s'y intègre. Là, nous parlons d'intégration et d'accueil. Ce succès a été tellement retentissant qu'on nous a demandé d'en faire un dessin animé. En ce moment, le journal La Liberté est en train de se constituer en société en vue de produire un dessin animé. La seule chose que nous ne faisons pas, c'est de la pizza.
À La Liberté, nous faisons tout. Je pense vous avoir démontré que nous avons pris le virage numérique, que nous l'avons repris et que nous avons fait le tour du poteau, alors quand une ministre me parle du virage numérique, j'ai envie de l'inviter à venir faire un tour chez nous.
La solution du Web n'est pas une solution. En fait, c'est un problème pour les journaux. Voici pourquoi: à l'hebdomadaire La Liberté, nous avions un ou deux journalistes, un rédacteur en chef et une graphiste. Cependant, quand un hebdomadaire devient un quotidien parce qu'il est obligé d'alimenter son site Internet tous les jours, à raison d'une ou de deux fois par jour, il a besoin de plus de journalistes, de plus de correcteurs, de plus de gens qui vérifient les faits, de plus de sorties, de plus de photographes, de plus de monteurs vidéo, de plus de logiciels et de plus d'ordinateurs puissants. Tout cela se fait avec combien d'argent? Est-ce avec le même montant d'argent qu'avant? Non, c'est avec la moitié de ce montant.
Eh bien, je pense que le département des miracles est fermé et que c'est à vous d'en prendre conscience. C'est le temps de le réaliser. Le gouvernement a-t-il envie, oui ou non, que les Canadiens puissent voter comme des citoyens responsables? Voilà la vraie question. Sans journaux, cela ne sera pas possible.
Depuis 2008, La Liberté vit un étranglement. Je vais vous donner quelques exemples. Nous avons parlé de la baisse du nombre de publicités fédérales. Il y a également une baisse draconienne du nombre de publicités provinciales et une baisse draconienne du nombre de publicités des OSBL, qui n'ont plus d'argent parce qu'ils n'ont pas eu d'augmentation. Il y a eu une augmentation des coûts de la poste, et pas de 10 %! En effet, le prix d'expédition d'une copie de La Liberté est passé de 62 ¢ à 1 $.
Je vais vous annoncer une bonne nouvelle. On m'a dit qu'avec le numérique, tout allait bien aller. C'est vrai, sauf que le numérique ne se rend pas jusqu'à Ste. Rose du Lac, dans le Nord du Manitoba. Les camelots non plus ne se rendront pas là-bas pour distribuer trois copies. Si on doit distribuer trois exemplaires, 10 exemplaires ou 100 exemplaires à Ste. Rose du Lac, doit-on dire aux abonnés que le gouvernement ne veut plus qu'on leur livre leur copie?
L'autre chose, c'est qu'il y a eu diminution de la seule aide fédérale que nous avions, celle du Fonds du Canada pour les périodiques. Nous sommes passés de 120 000 $ à 55 000 $ pour ce qui est de l'aide à la distribution par la poste. Je pensais que sous le gouvernement libéral, cela allait s'améliorer, mais non. En fait, cela a encore diminué de 10 %. Il s'agit d'un manque à gagner de 125 000 $ pour un petit journal communautaire.
Aujourd'hui, nos profits sont de 5 000 $. Je vais vous dire de quelle façon nous y arrivons. Nous avons mis sur pied une agence de publicité, de communication et de marketing. Le nombre d'employés est passé de six à quinze. Grâce à cela, nous arrivons à faire 5 000 $ de profit. C'est fragile. Nous faisons 30 cahiers spéciaux par année. Nous créons du contenu de publireportage pour alimenter les sites Web de 40 organismes, en plus de créer des animations, des vidéos, des affiches, des brochures, des livrets vidéos et des calendriers. Nous faisons des audits en communication, nous élaborons des plans de communication et nous alimentons les réseaux sociaux de nos clients. Encore une fois, il n'y a que la pizza que nous ne vendons pas.
En raison du manque de publicités fédérales, le nombre de pages du journal La Liberté est passé, en moyenne, de 40 à 27. Cela veut dire que, chaque année, nos lecteurs perdent l'occasion de lire 600 articles. Ce sont 600 articles par année qui ne parlent pas d'eux ou de leurs enjeux. Je vous laisse deviner l'impact que cela a sur une communauté.
Je vous remercie de votre attention.
Merci beaucoup, madame Gaulin et monsieur Noreau.
Nous allons essayer de procéder assez rapidement, car il y a encore beaucoup de questions et de commentaires.
Monsieur Généreux, vous pouvez commencer.
Merci, monsieur le président.
Je remercie nos témoins de leur présence aujourd'hui.
Monsieur Noreau et madame Gaulin, je vous mets dans deux catégories totalement différentes. Soyons très clairs. Madame Gaulin, vous oeuvrez dans le monde communautaire, et vous, monsieur Noreau, vous travaillez pour une entreprise privée.
C'est bon à savoir.
Je vais vous poser une question très crue. Si le gouvernement du Canada décidait de vous redonner une forme de subvention, que ce soit par l'achat de publicités ou par un moyen semblable à ce qu'il a utilisé par le passé, seriez-vous capable de continuer à mordre la main qui vous nourrit? Je ne sais pas si vous me comprenez. Si le gouvernement du Canada vous donnait une subvention de 50 000 $, de 100 000 $ ou de 200 000 $ par année...
Sincèrement, elle ne mord pas fort, je peux vous le garantir.
C'est important de comprendre que le domaine publicitaire est une chose. J'ai déjà été président de journaux communautaires et d'organismes de ce genre. Le programme visant à accorder des fonds pour la publicité est important, j'en conviens. De toute évidence, un rééquilibre est en train de se faire.
Monsieur Noreau, vous avez dit que Google, Netflix, Facebook et d'autres sont en train de prendre une grande partie de la tarte publicitaire. Votre journal a aussi un site Web, mais est-il suffisamment performant pour que le gouvernement décide d'y placer de la publicité?
Vous êtes une entreprise privée. Je suis aussi un entrepreneur, soit dit en passant. C'est pour cela que je regarde cela sous l'angle de l'entreprise privée. Si votre site Web est performant, je ne vois pas pourquoi le gouvernement du Canada ne pourrait pas y placer de la publicité.
Il y a une différence entre placer de la publicité dans le site Web et en placer dans la version papier. Dans la structure actuelle, c'est le papier qui tient l'édifice. Ce n'est pas parce que nous ne sommes pas performants ailleurs. Au contraire, nous le sommes. Chaque semaine, Le Droit rejoint 215 000 personnes, d'une manière ou d'une autre.
Google vend de la publicité à 3 $ du coût par mille impressions. De mon côté, pour que ce soit rentable, je dois la vendre 70 $ du coût par mille impressions. Ce n'est pas pareil.
Quand vous demandez si nous allons mordre la main qui nous nourrit, remettez-vous en question l'idée que la presse brasse le gouvernement?
Personnellement, je trouve qu'elle ne le brasse pas assez.
Il faut comprendre que le gouvernement est une entité qui représente l'ensemble des Canadiens.
Madame Gaulin, j'étais convaincu que votre journal était un organisme communautaire. En fait, monsieur Noreau et madame Gaulin, vous représentez tous les deux une entreprise privée. Aujourd'hui, vous venez nous dire qu'il faut que le gouvernement vous achète plus de publicité pour que vous puissiez continuer à vivre. Essentiellement, c'est le message que vous nous envoyez.
Si le gouvernement achetait de la publicité à votre journal alors qu'il pourrait carrément en acheter ailleurs à un coût 10 fois moindre, serait-il possible que vous vous disiez que, maintenant que le gouvernement vous donne de l'argent, vous allez cesser de pester contre lui?
Je vais vous amener sur une autre piste.
Le gouvernement ne taxe pas Netflix, Google, Facebook et compagnie. C'est de l'argent qui n'entre pas dans les coffres du gouvernement. Cependant, s'il taxait ces entreprises, il pourrait vous transférer cet argent d'une certaine façon. Qu'en pensez-vous?
Je suis tout à fait en faveur de la taxation de Netflix, de Google et de Facebook. Nous faisons face à une concurrence absolument déloyale.
C'est la cerise sur le gâteau. En plus, ils viennent vampiriser tout ce que nous produisons.
À l'heure actuelle, le même marchand canadien qui achète de la publicité sur le site Internet du journal Le Droit paie des taxes, mais quand il en achète sur Google et sur Facebook, il n'en paie pas. Il n'en revient d'ailleurs pas, on s'en doute.
Vous représentez ici des éditeurs, des magazines et des journaux, mais aussi des organismes communautaires. Or je considère que ce sont deux choses différentes.
Il y a une différence entre investir dans une entreprise et investir dans un organisme communautaire. À ma connaissance, le gouvernement a toujours placé de la publicité dans toutes sortes de journaux, tant communautaires que privés. Corrigez-moi si je me trompe, mais vous demandez au gouvernement de subventionner les réseaux et les organismes communautaires francophones en situation minoritaire. Pour ma part, je n'y vois aucun problème.
Merci, monsieur le président.
Je vous souhaite la bienvenue, et je vous remercie d'être parmi nous aujourd'hui.
Vous représentez des minorités linguistiques francophones, mais comme ma circonscription est au Québec, ce sont les médias anglophones qui sont en minorité.
C'est très comparable.
Mon collègue de Saint-Boniface va sûrement se concentrer sur vous, madame Gaulin. Pour ce qui est du journal Le Droit, on a parlé plus tôt d'une population de 200 000 personnes, mais vous, pouvez-vous me donner une idée du nombre de personnes que vous rejoignez chaque semaine?
D'accord. J'essaie d'établir un lien avec les journaux locaux de ma circonscription. Celle-ci se trouve dans la banlieue Nord de Montréal. Pour nous, les journaux locaux sont la seule façon de rejoindre les gens. Il n'y a rien d'autre. Nous sommes en quelque sorte noyés dans la grande région métropolitaine de Montréal. Nous n'existons que par les journaux locaux. Qu'il s'agisse de journaux en français ou en anglais, nous allons en parler. Je vous remercie.
Monsieur Noreau, j'aimerais que vous nous parliez un peu plus des crédits d'impôt. Quelle solution envisagez-vous à cet égard? Lorsque vous parlez de produire de l'information nationale originale, s'agit-il du côté journalistique?
Parlez-nous du souhait que vous aimeriez réaliser.
Que feriez-vous si on vous permettait de le faire?
Il existe actuellement un programme qui s'appelle le Fonds du Canada pour les périodiques. Or Médias d'info Canada, un organisme national qui représente les médias, recommande que le Fonds soit élargi. Nous produisons de l'information originale au Canada parce que c'est essentiel pour la vie démocratique et pour nos communautés. Si nous ne recevions de l'information que de l'extérieur, nous entendrions parler de Donald Trump à longueur de journée. Je trouve pour ma part que nous entendons déjà beaucoup parler de lui par les temps qui courent.
Le crédit d'impôt, qui s'applique uniquement à l'information et qui exclut le divertissement, fonctionne à un taux d'environ 30 %. Dans notre salle de rédaction, il y a 25 journalistes. Cela représente le tiers de notre personnel, qui totalise 78 personnes. Cela dit, leurs salaires sont les plus importants. En effet, dans les autres sections, les salaires sont souvent moins élevés. Cela constitue une soupape. Le gouvernement associe une valeur au fait de produire de l'information. Sinon, comme le disait M. Généreux, cela peut être un peu n'importe quoi. Or il ne faut pas soutenir n'importe quoi.
Je ne dis pas que nos représentants publicitaires devraient être soutenus par le gouvernement du Canada. Ils n'ont qu'à se retrousser les manches. Ils se chamaillent déjà suffisamment et sont vraiment performants, mais la situation est extrêmement difficile. Quoi qu'il en soit, le crédit d'impôt fonctionne dans ce contexte.
D'accord.
Vous avez aussi parlé d'une autre solution, soit le remboursement partiel des investissements numériques. Or, d'après ce que vous avez expliqué, vous avez vraiment fait tout ce qu'il était possible de faire, qu'il s'agisse des téléphones ou des tablettes.
La réponse est non, même si Sophie dit que oui. Un très grand nombre de choses ont été faites, mais il reste des possibilités, dans le domaine du numérique, qui peuvent être élargies.
Oui, il nous faut des moyens. Peu de journaux n'ont pas opté pour le virage numérique, même dans le domaine communautaire. Nous avons pratiquement tous pris ce virage, et cela fait un bon moment. Nous avons une application et un site Internet, nous faisons de la vidéo, et ainsi de suite. Cela dit, nous pouvons faire bien d'autres choses pour soutenir notre modèle d'affaires dans le cadre du virage numérique.
Par exemple, le Groupe capitales médias travaille actuellement à un projet de commerce électronique. Il s'agit là d'un investissement dans le numérique, mais cela va soutenir notre plateforme. Il reste une foule de possibilités à exploiter dans le domaine du numérique. Bien des gens peuvent être rejoints beaucoup mieux si on nous offre de la performance.
On peut télécharger l'application numérique Le Droit par l'entremise de App Store ou de Google Play. Tous les trois mois, des améliorations sont apportées à l'application Le Droit. Le simple fait d'intégrer le sudoku à une plateforme comme celle-là coûte un demi-million de dollars. Chaque investissement est...
Madame Gaulin, si vous envoyez l'invitation à la ministre, je suis certaine qu'elle ira vous voir.
Oui. Il est vrai que nous avons écrit plusieurs lettres, de même que des lettres ouvertes dans le journal. Nous n'avons jamais eu de réponse. Cela dit, je vais le faire.
Merci, monsieur le président.
Je vous remercie tous les deux d'être ici.
J'entends beaucoup parler de ce sujet depuis quelque temps. Malheureusement, la gravité de la situation s'intensifie de mois en mois.
En juin 2017, le rapport d'enquête final de la commissaire par intérim aux langues officielles incluait trois recommandations en ce qui concerne les médias en situation minoritaire. Le ministère du Patrimoine canadien ainsi que Services publics et Approvisionnement Canada devaient faire une analyse des incidences sur les médias communautaires du choix du gouvernement du Canada d'orienter sa publicité vers Internet. De plus, ces deux ministères devaient adopter des mesures positives en fonction des effets observés à la suite de l'analyse des incidences.
Savez-vous où en est le gouvernement relativement à ces deux recommandations? A-t-il commencé cette analyse? Selon ce que vous en savez, est-ce que ces ministères ont commencé à utiliser des mesures positives pour pallier ces incidences?
Plusieurs choses sont ressorties de ce rapport.
Au début, cela a été le silence pendant quelques temps.
Ensuite, en décembre 2017, nous avons reçu un rapport de ce qu'était Services publics et Approvisionnement Canada à l'époque. Il contenait un rapport de la firme EKOS qui montrait les habitudes médiatiques des Canadiens et des Canadiennes. À mon avis, il s'agissait d'un sondage complètement truqué, une catastrophe.
Tenez -vous bien: la méthodologie consistait à interroger plus de 2 000 Canadiens de 18 ans et plus. Entre 18 ans et 70 ans, il y a une tranche d'âge assez large. Combien de répondants ont 18 ans, combien en ont 40 ou en ont 60? Il s'agit d'une méthodologie un peu douteuse.
Nous avons écrit à ce sujet au directeur, Marc Saint-Pierre. Nous nous sommes fait entendre, mais nous attendons toujours une réponse honnête.
Par ailleurs, je sais que M. Raymond Théberge, le nouveau commissaire aux langues officielles, est arrivé en poste le 29 janvier et que l'Association de la presse francophone a demandé à le rencontrer le plus rapidement possible pour donner suite à ce rapport.
Je crois qu'il est essentiel de comprendre la question centrale: est-ce que les Canadiens et les Canadiennes vont encore lire des journaux de langue française dans l'Ouest et dans l'Est du pays dans 10 ans? C'est la vraie question.
Vous avez aussi mentionné qu'il est important de comprendre que les médias de langue officielle en situation minoritaire font partie de la vitalité des communautés. Que ce soit en Ontario, à Winnipeg ou au Manitoba, ils sont partie prenante de la vitalité des communautés.
À cet égard, vous avez parlé de deux choses qui pourraient vous aider, mises à part les publicités car, de ce côté, on ne sait plus ou cela s'en va. Il y a le crédit d'impôt à la production d'information originale canadienne, mais il y a également le Fonds du Canada pour les périodiques dont, comme vous l'avez mentionné, l'aide diminue continuellement.
Pouvez-vous nous expliquer pourquoi le Fonds du Canada pour les périodiques est important?
En 2010, le Fonds du Canada pour les périodiques donnait des subventions aux journaux et magazines qui envoyaient leur publication par la poste. Une part de 75 millions de dollars était donnée aux propriétaires de journaux et de magazines qui utilisaient la poste. Cela fonctionnait bien. Cet argent n'allait pas dans nos poches, mais directement à Postes Canada. Cela représentait une diminution de 50 % des coûts d'envoi.
Plus tard en 2010, le gouvernement a décidé que cela s'appellerait le Fonds du Canada pour les périodiques et que tous les périodiques seraient admissibles à ces subventions, quel que soit le mode d'envoi. Plutôt que de donner l'argent directement à Postes Canada, il a décidé qu'il serait remis aux journaux et aux magazines.
Vous comprenez bien que la part du gâteau de 75 millions de dollars, qui est restée la même, a beaucoup diminué pour ceux qui utilisaient la poste. Nous faisons alors concurrence à des journaux de langue chinoise à Vancouver, par exemple, qui, eux, n'ont aucun problème à distribuer leurs journaux par camelot. C'est une ville de densité importante et il n'y a pas de problème à avoir des camelots qui livrent les journaux à la porte. Par contre, mes abonnés sont répartis à l'intérieur du Manitoba. Vous pensez bien qu'à part les ours polaires, il n'y a que la poste qui va leur livrer leurs journaux.
Cette somme de 75 millions de dollars a été partagée avec beaucoup de gens qui me faisaient concurrence, mais qui ne faisaient pas face aux mêmes défis que moi. Cette enveloppe n'a jamais été révisée. On peut dire qu'une enveloppe de 75 millions de dollars, ce n'est pas mal, mais le pire, c'est que cela fait des années que, sur cette somme, seulement 7 millions de dollars vont aux journaux de langue officielle en situation minoritaire.
Oui. Le reste va à ces publications. The Hockey News, qui est très important pour la démocratie, reçoit 1,3 million de dollars. TV Hebdo, qui est aussi très important pour la démocratie, reçoit 1,5 million de dollars. L'année dernière, TV Week, très important aussi, a reçu 1 million de dollars. Allô Vedettes, qui fait des articles vedettes sur Céline Dion, reçoit 218 000 $. Good Times, un magazine pour retraités, reçoit 588 000 $. Le magazine Flare touche 408 000 $, et Châtelaine, 1,5 million de dollars.
Peut-on s'entendre sur le fait qu'il faudra, à un moment donné, remettre cet argent aux journaux d'information générale? Que Bell Média, qui a des chaînes de télévision, fasse un téléhoraire et reçoive 1,5 million de dollars, cela fait que, je ne vous le cache pas que, quand je m'endors le soir, je trouve le monde un peu injuste.
Madame Gaulin et monsieur Noreau, je vous remercie de vos présentations. Je vous remercie également d'être venus me rencontrer à mon bureau après Noël.
Trop souvent, on présente le virage numérique comme une solution à tout. Le point que vous faites valoir relativement au virage numérique des journaux de langue officielle en situation minoritaire est tellement important que j'aimerais que vous le décriviez une autre fois.
Quels sont les défis particuliers auxquels ces communautés font face quant au virage numérique?
C'est une bonne question.
Il y a des défis uniques. Dans l'Ouest canadien, pour recruter quatre ou cinq journalistes, il faut les faire venir. En effet, dans tout l'Ouest canadien, il n'y a pas un seul programme de journalisme en français. Quand on a un site Web et une connexion Internet qui fonctionnent assez bien, plutôt que d'avoir besoin un seul ou deux journalistes, il m'en faut tout à coup quatre, cinq ou six. En plus, il faut que j'envoie ces journalistes suivre une formation en français, puisque c'est leur langue maternelle.
Il faut leur donner de la formation et il faut aussi adapter les logiciels et l'équipement, mais c'est surtout la main-d'oeuvre qui est en cause. Si j'ai quatre journalistes, j'ai alors besoin de gens qui vérifient les faits, qui relisent et qui révisent les textes. Tout un groupe de gens vient s'ajouter à ma masse salariale. De 250 000 $ qu'elle était à l'époque, ma masse salariale est passée à 700 000 $.
Monsieur Vandal, je me permets d'intervenir.
Il y a 650 000 francophones en Ontario. Est-il concevable qu'il n'y ait qu'un journal francophone qui les desserve? Or ce journal francophone, qui est Le Droit, n'est même pas capable d'avoir un représentant qui couvre les activités à Queen's Park.
Les Franco-Ontariens reprochent au journal Le Droit de refléter le contexte québécois. M. Leitão est bien gentil, mais c'est le ministre des Finances du Québec. Celui de l'Ontario s'appelle Greg Sorbara, et c'est de lui qu'on aimerait entendre parler en Ontario.
Le problème, c'est que nous n'avons pas les moyens de couvrir la scène ontarienne. Je serais le plus heureux des hommes si j'avais ne serait-ce qu'un petit correspondant à Queen's Park.
Oui, exactement. Si j'avais un pigiste, je serais content. Toutefois, nous n'en avons pas les moyens. Je ne peux pas parler du Nord de l'Ontario, de Windsor ou de Queen's Park, mais je suis très bon pour parler de Prescott-Russell, de Vanier, d'Orléans, d'Ottawa et de Kanata. Malheureusement, il faudrait avoir des moyens plus importants que les nôtres.
Je vais illustrer mon propos de la façon suivante. Tantôt, nous avons parlé de la publicité. Il y a 10 ans, le gouvernement canadien injectait 20 millions de dollars dans les journaux. Maintenant, il injecte 495 000 $. Qu'est-ce que cela veut dire? Dans le cas d'un quotidien comme le mien, le gouvernement injecte 4 800 $ par année. Dans Le Droit, une page de publicité coûte 1 600 $ à un important client qui achète régulièrement des publicités. En somme, c'est comme si le gouvernement achetait trois pages de publicité par année dans le journal Le Droit. Dans le cas des médias communautaires, c'est encore pire. Chaque média communautaire reçoit 2 875 $. Il y a donc un déséquilibre. Ne pensez pas que nous ne sommes pas performants, car nous le sommes.
Madame Gaulin, vous avez mentionné que vos lecteurs avaient une certaine réticence à s'abonner à l'édition numérique. Est-ce bien le cas?
Oui.
Nous faisons souvent des campagnes d'abonnement à la version numérique, parce que cela diminuerait les coûts liés à la poste, à la production et à l'imprimerie. Par contre, ce n'est pas la solution, parce que cela entraîne des pertes de revenus.
Les lecteurs nous disent qu'ils s'abonnent aux deux versions, soit à la version papier et à la version numérique. Lorsqu'ils partent en voyage, ils lisent la version numérique, mais ils aiment bien lire la version papier à la maison.
J'ai les données en main. En fait, il y a 4 933 abonnés. Il y a 3 133 abonnés à la version papier et 1 800 abonnés à la version numérique. Il y a aussi des kiosque où les gens peuvent acheter une copie.
Merci beaucoup, M. Vandal.
Nous allons maintenant passer au dernier tour. Nous entendrons M. Darrell Samson, Mme Sylvie Boucher et M. René Arsenault, qui auront chacun la parole pendant trois minutes.
Nous commencerons par M. Darrell Samson.
Monsieur Noreau, je vous remercie énormément de l'information que vous nous avez transmise.
Je veux également confirmer ce que vous avez dit, à savoir que les médias sont le pilier de nos communautés, de la culture et de la langue. Je sais que Le Courrier de la Nouvelle-Écosse représente les communautés de manière excellente.
J'ai aussi beaucoup aimé l'expression que vous avez utilisée. Vous avez dit que ce sont les médias qui se portent à la défense des minorités. C'est vraiment exceptionnel.
Le Comité permanent du patrimoine canadien a proposé des recommandations. Selon vous, lesquelles pourraient vous être utiles? Est-ce qu'on a avancé à cet égard?
Par exemple, je sais qu'une recommandation touche aux institutions fédérales, afin que ces dernières diffusent davantage d'informations au moyen de milliards de dollars dépensés en publicité. Puis, il y a une autre recommandation au sujet d'un crédit d'impôt pour la formation pour les journalistes. Cela dit, y a-t-il là assez de viande pour vous? Est-ce dans ces recommandations que nous devrions mettre nos efforts? Si oui, dans lesquelles? À partir de là, nous pourrons faire notre travail.
Personnellement, je pense qu'il n'y a pas vraiment eu d'avancées jusqu'à maintenant. Les recommandations du Comité permanent du patrimoine canadien sont assez sommaires.
Évidemment, tout ce qui touche à l'aide à la formation est très utile, particulièrement dans des milieux comme celui du Manitoba, j'imagine. La clé, c'est que le gouvernement reconnaisse que nous, les médias de langue officielle en situation minoritaire, rejoignons vraiment nos communautés. C'est donc à nous qu'il doit accorder en partie — je ne dis pas que tout doit nous revenir — ses contrats de publicité et le crédit d'impôt à la production. Ce sont les deux meilleures recommandations.
À mon avis, le crédit d'impôt est une solution gagnante-gagnante. Je vais vous expliquer pourquoi. Si le gouvernement mise sur les salaires des journalistes, s'il a à accorder des crédits d'impôt sur la masse salariale que représente la production d'un journal de contenu original canadien, il va être content, parce qu'il va avoir des informations de qualité: les journalistes vont avoir fait des recherches parce qu'ils vont avoir eu le temps d'en faire. Lorsqu'un journaliste fait de la recherche, il y en a trois autres qui sont en train d'écrire.
La solution est aussi gagnante-gagnante, parce que les lecteurs sont, eux aussi, gagnants. Pour les journaux, la dépense la plus importante est celle liée aux salaires et non pas à l'imprimerie. En tout cas, c'est le cas au journal La Liberté. La version numérique, il faut tout de même l'alimenter.
Bonjour. Vos propos sont très intéressants. Comme je vis dans une zone rurale — je ne vis pas en milieu minoritaire étant donné que je suis au Québec —, je peux vous dire que nos petits journaux ruraux sont très importants. Bien sûr, la publicité l'est également.
À l'âge que j'ai, c'est-à-dire 55 ans, je suis encore une adepte du journal en version papier. Cependant, pour être honnête avec vous et pour vous aider, je dois vous dire que la nouvelle génération — je pense ici à mes filles — n'a pas le moindre intérêt pour les versions papier. Les gens de 25 à 35 ans sont tous branchés à leurs appareils. Par contre, je suis consciente qu'il faut conserver les publications en version papier, parce qu'elles laissent des traces.
Je suis tout à fait d'accord avec vous. Il a été question de la ministre, qui parle beaucoup de l'ère numérique. Or même si je ne veux pas la dénigrer, je crois qu'il faudrait peut-être recourir à des incitatifs.
Pour ce qui est de l'avenir, non pas celui de ma génération — je suis pour ma part dépassée par la technologie —, mais celui des nouvelles générations, qui ne vivent que par la technologie, j'aimerais que vous me disiez comment, selon vous, les gouvernements pourraient s'adapter à cette réalité de la meilleure façon qui soit.
Il est normal qu'un garçon de 20 à 25 ans ne lise pas le journal. Comme j'ai 62 ans — je suis donc plus vieux que vous —, je peux vous dire que la lecture du journal n'était pas si fréquente à l'époque. Les gens fondent une famille, ont des gamins, paient des impôts et s'achètent une maison, mais peu importe qu'ils lisent nos publications sur leur tablette, sur leur ordinateur ou sur papier, l'important est qu'ils les lisent. Bien sûr, il va falloir que la situation progresse du côté de la publicité. Les prix vont devoir changer, mais en fait, Facebook est en train de changer les siens. Pour le moment, cette entreprise sabote tout ce que nous faisons en fixant des prix que nous ne sommes pas en mesure de concurrencer, mais il reste qu'elle est en train de changer ses prix elle aussi. Il va donc en coûter plus cher pour placer de la publicité sur Facebook. Nous allons finir par nous rejoindre.
À l'heure actuelle, au Québec, 80 % des entreprises commerciales n'ont pas de site transactionnel. On peut voir sur leurs sites des vêtements, des bicyclettes, et ainsi de suite, mais on ne peut pas y faire de transactions. Nous, les journaux, allons offrir cette possibilité. À un moment donné, nous allons surmonter les obstacles et redevenir rentables, et ce, du fait que nous aurons adapté nos affaires à nos clients qui utilisent maintenant leur tablette ou leur téléphone. Nous y serons également.
En Nouvelle-Zélande, par exemple, un groupe de médias fait du commerce électronique chaque jour à hauteur de 1 million de dollars. Ces gens perçoivent 3 % ou 4 % des ventes et utilisent ces fonds pour faire de l'information. C'est exactement la recette qu'on utilisait auparavant.
Je vous remercie, monsieur Noreau, madame Gaulin.
Ce n'est pas la peine que je vous dise à quel point je vous admire. Je viens du milieu acadien; je lis tous les matins L'Acadie Nouvelle. C'est ma bible quotidienne. D'ailleurs, il arrive que je communique à mes collègues des articles qui touchent notre comité.
Comme nous manquons de temps, je ne pourrai pas vous poser toutes mes questions. C'est pourquoi, d'abord, j'aimerais que vous nous écriviez un genre de mini-mémoire, concis — je ne veux pas un mémoire de 15 pages; si cela se résume en une page, ce sera parfait —, dans lequel vous préciserez comment nous pouvons vous aider. Vous avez parlé de crédits d'impôt. C'est un moyen, mais il y en a d'autres, notamment ce fameux Fonds du Canada pour les périodiques, que je ne connaissais pas. Dites-moi quels moyens, que ce soit la publicité ou autre chose, peuvent toucher tous nos médias, peu importe que ce soit en milieu majoritaire ou minoritaire.
Par ailleurs, monsieur Noreau, vous avez fait allusion dans votre présentation à une disposition de la partie VII de la Loi sur les langues officielles.
Comment le gouvernement fédéral devrait-il vous aider tout en respectant ses obligations en vertu de la partie VII de la Loi?
L'aide se situerait à deux niveaux, à savoir pour les médias de façon générale et pour les médias en milieu minoritaire. Si vous pouviez nous fournir ce document, cela pourrait nous aider beaucoup.
J'ai déjà remis à Mme la greffière des documents qui ne sont pas traduits, malheureusement. Ils ne sont donc pas acceptables devant le comité. Par ailleurs, dans un document que je vous ai remis, il y a la liste des solutions que nous estimons être les plus porteuses. Également, vous pourrez y retrouver — je vais vous faire parvenir le document électroniquement, de façon à ce que vous puissiez le partager — une liste d'études qui ont été faites dans lesquelles on identifie précisément d'autres mesures. Vous aurez alors un choix très vaste de possibilités.
J'ai le privilège de travailler avec Francis Sonier, l'éditeur de L'Acadie Nouvelle et président de l'Association de la presse francophone, qui souscrit aux mesures mentionnées dans ces études. Également, vous avez reçu le mémoire de l'Association de la presse francophone.
Il y en a donc amplement pour répondre à vos attentes, mais s'il vous en manque, je vais vous laisser mes coordonnées et vous m'appellerez.
Je veux simplement m'assurer que nous nous comprenons. Si nous devons communiquer avec la ministre ou lui présenter un rapport, je veux m'assurer de savoir quelles sont les solutions qui relèvent uniquement de la partie VII de la Loi sur les langues officielles.
Il y a aussi une solution générale qui concerne tous les médias.
Permettez-moi de répondre rapidement à cette question. À mon avis, celle qui touche la partie VII de la Loi sur les langues officielles est celle qui démontre qu'il y a un impact direct de la baisse de publicité sur la vitalité des communautés de langue officielle en situation minoritaire. C'est très simple et c'est dans le document que j'ai remis à la greffière. Vous pourrez en obtenir des copies.
En 2008, nous imprimions 40 pages par semaine. En 2017, nous en imprimons 27. Cela veut dire qu'il y a plus de 600 pages de moins par année, plus de 600 articles que nous ne sommes pas en mesure de publier. Cela veut dire que nous ne pouvons pas nous intéresser au domaine rural, qu'il faut faire des restrictions et des compressions. Nous ne pouvons pas non plus offrir des commandites à des organismes sans but lucratif, des gens qui organisent des tournois de danse, des tournois de cartes et qui n'ont pas les moyens de se payer une publicité pour attirer les gens.
J'ai remis ma présentation qui contient des solutions d'urgence et des solutions pour pérenniser le contenu original canadien. La partie VII de la Loi sur les langues officielles est liée directement au nombre de pages et à la façon dont fonctionne un journal. Dans un journal, c'est très simple. Deux pages de publicité permettent de produire deux pages de contenu. Quatre pages de publicité permettent de produire quatre pages de contenu. Quand le gouvernement retire 10 pages de publicité à notre journal, il y a donc 10 pages de contenu en moins. Le calcul est très clair.
Cela met fin à la séance d'aujourd'hui.
Je vous remercie grandement au nom de tous les membres du Comité. Vous nous avez beaucoup éclairés. Selon ce que je comprends des propos des autres membres du Comité, nous allons tenter de vous offrir le maximum d'aide possible.
Monsieur le président, merci infiniment.
Je vous remercie de votre accueil et de vos questions. Nous sommes disponibles s'il y a autre chose.
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