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LANG Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des langues officielles


NUMÉRO 089 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 7 février 2018

[Enregistrement électronique]

(1535)

[Français]

     Conformément à l'article 108(3) du Règlement, nous poursuivons l'étude de l'examen des programmes d'appui aux médias des communautés de langue officielle en situation minoritaire.
    Nous avons le plaisir de recevoir des représentants de l'Assemblée de la francophonie de l'Ontario, soit M. Carol Jolin, président, et M. Bryan Michaud, analyste politique. Nous recevons aussi Mme Marie Hélène Eddie, doctorante en sociologie de l'Université d'Ottawa, qui témoignera à titre personnel.
    Nous allons commencer par vous, monsieur Jolin. Vous aurez la parole pendant 10 minutes. Par la suite, nous entendrons Mme Eddie, qui disposera d'une dizaine de minutes. Enfin, nous ferons un tour de table pour que les députés puissent poser leurs questions et faire leurs commentaires.
    Monsieur Paul Lefebvre, vous avez la parole.
    Je vous remercie, monsieur le président.
     Tout comme la semaine dernière, j'annonce que, étant donné que je suis propriétaire de journaux locaux dans le Nord de l'Ontario, je suis en conflit d'intérêts. Je ne participerai donc pas à cette discussion. Je me récuse encore une fois. De plus, je ne participerai ni à l'élaboration du rapport ni au vote portant sur son adoption.
    Qu'il soit noté que Paul Lefebvre déclare son conflit d'intérêts et qu'il va s'abstenir de commenter les présentations et de voter.
    Monsieur Jolin, vous avez la parole.
    Au nom des 622 340 Franco-Ontariennes et Franco-Ontariens, je veux remercier le Comité permanent des langues officielles de nous recevoir aujourd'hui pour nous donner l'occasion de parler d'un sujet d'une très grande importance: la survie et l'épanouissement de nos médias de langue en situation minoritaire. Aujourd'hui, je suis accompagné de Bryan Michaud, l'analyste politique de notre organisme.
    Au cours des dernières années, l'Assemblée de la francophonie de l'Ontario a conçu quatre livres blancs, afin de dresser un état des lieux et de proposer des recommandations sur les enjeux complexes nécessitant une réflexion approfondie. Un de ces livres blancs s'est intéressé aux médias franco-ontariens.
    Le monde des médias traditionnels est en pleine mutation, le modèle d'affaires est chancelant et celui des médias en ligne, incertain. Alors que la situation institutionnelle franco-ontarienne s'est améliorée au cours des 30 dernières années, la réalité de nos médias, elle, s'est fortement fragilisée. De plus, selon les dirigeants des médias franco-ontariens, les plateformes numériques occasionnent des coûts additionnels, mais très peu de revenus. Nos médias souffrent, car ils sont constamment en mode survie.
    Nos médias francophones communautaires privés et sans but lucratif contribuent grandement à élargir l'espace francophone, et ce, partout au pays. Ils participent à la vitalité économique de notre pays en employant 550 professionnels d'un océan à l'autre. Ce chiffre ne représente que les emplois directs. Il ne tient pas compte des emplois de pigistes, d'imprimeurs et de vendeurs générés par ces médias.
    Notre population s'informe couramment sur les affaires municipales, régionales, provinciales et fédérales, sur l'actualité francophone et sur ce qui se passe dans ses quartiers par l'entremise de nos médias franco-ontariens. Sans ces médias, on priverait nos concitoyennes et nos concitoyens d'une information d'importance capitale au fonctionnement de leurs communautés en français. Ils font partie de l'enveloppe sociale et communautaire de la francophonie en Ontario.
    Ainsi, j'aimerais vous poser une question. Quel serait l'impact de la disparition de nos médias franco-ontariens? Il ne faut pas se le cacher, c'est là que nous nous dirigeons: une autoroute vers l'assimilation.
    Dans le cadre de ce témoignage, j'aimerais aborder trois thèmes centraux liés à la survie et à l'épanouissement de nos médias: la publicité gouvernementale, le virage numérique et les programmes d'appui aux médias de langue en situation minoritaire.
    La baisse draconienne des placements publicitaires provenant des gouvernements du Canada et de l'Ontario rend nos médias extrêmement vulnérables sur le plan financier. Cette année, les dépenses en publicité numérique du gouvernement du Canada ont représenté plus de la moitié de l'enveloppe destinée aux placements publicitaires, et ce, pour la première fois.
    Selon le commissaire aux langues officielles du Canada, au cours de la période allant de 2006-2007 à 2014-2015, les journaux francophones ont vu leurs placements publicitaires fédéraux baisser de 78 %, et les radios communautaires, de 73 %. En 2016-2017, cette dégringolade s'est poursuivie. Le gouvernement du Canada a dépensé 6 millions de dollars de moins en placements publicitaires dans les médias traditionnels que l'année précédente. Avec cette perte importante de revenus, il est difficile pour nos médias de procéder à leur transition vers le virage numérique et de se doter d'effectifs journalistiques permettant une couverture médiatique complète.
    Pour pallier ce problème, le livre blanc « Les médias francophones en Ontario » propose deux recommandations au gouvernement du Canada.
    Premièrement, le gouvernement du Canada doit faire un suivi rapide au rapport du commissaire aux langues officielles, afin d'assurer le retour des placements publicitaires dans les plus brefs délais.
    Deuxièmement, le gouvernement du Canada doit investir 5 % du budget de placements publicitaires vers les médias francophones de l'Ontario, si la campagne ne vise que notre province, et de 15 % s'il s'agit d'une campagne visant la francophonie dans son ensemble.
    Le passage vers le numérique représente un défi pour nos médias. Bien qu'il soit essentiel, il comporte peu d'avantages financiers. Notre livre blanc recommande que le gouvernement accorde un financement d'appoint équivalent à un salaire à mi-temps pour tous les médias communautaires, privés et sans but lucratif, afin qu'ils puissent offrir un contenu numérique constamment mis à jour et enrichi.
    De plus, nous appuyons la demande commune de l'Association de la presse francophone du Québec, le Quebec Community Groups Network et l'Alliance des radios communautaires du Canada, qui veulent également des investissements du gouvernement du Canada dans le développement de l'infrastructure numérique et de la formation.
    La ministre du Patrimoine canadien veut mettre le Canada créatif à l'ère numérique. Le gouvernement canadien pourrait aider le pays à atteindre cet objectif en procédant à de tels investissements.
(1540)
     Finalement, l'AFO et ses membres souhaitent que le gouvernement du Canada mette sur pied un fonds d'aide qui permettra à nos médias non pas de survivre, mais bien de s'épanouir. Nous recommandons la création, d'ici trois mois, d'un fonds d'aide géré par et pour les communautés franco-canadiennes et anglo-québécoises.
    Nous croyons à un investissement annuel minimal de 1,85 million de dollars pour venir en aide aux médias communautaires de langue en situation minoritaire, tant privés que sans but lucratif.
    De plus, il nous apparaît essentiel que le gouvernement du Canada crée un programme permanent pour les médias communautaires de langue officielle assorti d'un financement annuel d'environ 4 millions de dollars.
    Au moyen de ce programme, le gouvernement du Canada pourrait donner suite à une recommandation de notre livre blanc, qui demande la mise en place d'un programme d'appui financier d'une durée garantie de 10 ans avec possibilité de renouvellement pour nos radios communautaires.
    Ce fonds permettrait aux radios existantes de bénéficier d'une somme annuelle et indexée de fonctionnement de 50 000 $. Pour les projets des radios émergentes, il s'agirait d'une somme de 100 000 $ pour la première année, et de 50 000 $ pour les années suivantes.
    Les médias franco-ontariens et en situation de langue minoritaire sont un service essentiel pour notre communauté; ce n'est pas un luxe. Si les placements publicitaires destinés aux communautés francophones du Canada sont remis aux médias sociaux et régionaux, qu'on les aide dans leur transition vers le numérique et qu'on crée des fonds d'aide. Ils auront ainsi une base solide qui leur permettra de contribuer à l'épanouissement de nos communautés et au débat social.
    Je vous remercie de votre attention.
    Merci beaucoup, monsieur Jolin.
    Nous poursuivrons avec Marie Hélène Eddie.
     Monsieur le président, membres du Comité, je vous remercie de m'avoir invitée aujourd'hui à participer à cette réflexion, que je considère très importante. Je suis doctorante en sociologie à l'Université d'Ottawa. Mes travaux portent sur les communautés de langue officielle, les médias en milieu minoritaire au Canada, ainsi que sur les minorités et la façon dont elles utilisent les médias pour se mobiliser.
    Comme nous le savons tous, c'est dans une période de grands changements que subsistent les médias d'aujourd'hui. Qu'ils soient francophones ou anglophones, ils font tous face à des défis. Or cette situation difficile est exacerbée en milieu minoritaire. En effet, en plus de faire face aux mêmes défis que tous les autres médias, ceux des milieux minoritaires sont aux prises avec des défis supplémentaires. Les lectorats et les auditoires de ces journaux et de ces stations radiophoniques sont à la fois plus petits et dispersés sur un plus vaste territoire. Ces médias ont en général moins de moyens et de ressources que d'autres médias. Les communautés qu'ils tentent d'appuyer ont elles-mêmes grandement besoin d'appui pour assurer leur vitalité et leur épanouissement. Enfin, dans certaines régions, ces médias sont parmi les derniers médias indépendants à subsister dans un contexte où la concentration médiatique est de plus en plus forte et commune.
    Tel David contre Goliath, ils se battent pour garder leur place dans le paysage médiatique. Ces médias jouent des rôles très importants et particuliers à l'égard des communautés. J'en mentionnerai trois. Le troisième me semble particulièrement important dans le cadre de notre réflexion.
     Premièrement, ils représentent ces communautés. Ils permettent à ces dernières de se voir, de se rappeler qu'elles existent, qu'elles vivent en français et que le fait français est réel.
    Deuxièmement — et c'est lié au premier rôle —, ils rassemblent ces communautés. En effet, ils unissent des individus qui, dans bien des cas, sont éloignés géographiquement, mais qui sont conscients de faire partie d'une communauté grâce à leurs médias. Le matin en se levant, des milliers ou des dizaines de milliers de personnes tournent la première page de leur journal en même temps, en prenant leur café, ou elles allument la radio et savent que des milliers ou des dizaines de milliers d'autres personnes font la même chose en même temps. En d'autres mots, pour les gens qui vivent dans une région où leur culture est minoritaire, un journal ou une station de radio sont une façon de maintenir un lien fort avec leur communauté, soit avec « leur monde » et leur culture.
    Troisièmement, on a tendance à oublier que les médias communautaires, à l'instar des grands médias, jouent le rôle de chien de garde de la démocratie. Comme vous le savez, la démocratie s'appuie sur trois pouvoirs formels, soit l'exécutif, le législatif et le judiciaire. Rappelons-le, les médias forment le quatrième pouvoir. En milieu minoritaire, ce quatrième pouvoir se concentre beaucoup sur le fait français. Ces médias sont le chien de garde des droits des francophones.
    Les médias en milieu minoritaire sont donc un instrument de combat pour ces groupes. Pour utiliser une image ou une métaphore, disons qu'ils sont à la fois les oreilles et la voix de la communauté. Je dis qu'ils sont leurs oreilles parce que c'est en lisant le journal ou en écoutant la radio que les minorités apprennent que leurs droits ont été bafoués. Ils sont leur voix, parce que lorsque les minorités décident de s'organiser et de se mobiliser, c'est en passant par les médias qu'elles le font. Elles font circuler l'information au sein de la communauté par l'entremise de la radio et du journal. C'est encore une fois en passant par leurs médias que les minorités s'adressent au gouvernement, attirent l'attention des politiciens et dialoguent avec les représentants du pouvoir. Si ces médias ne sont pas forts, la capacité de mobilisation de la communauté n'est pas forte.
     En ce qui concerne les solutions, je ne suggérerai rien de spécifique, étant donné que d'autres sont mieux placés que moi pour le faire, dont les médias eux-mêmes. Par contre, j'aimerais proposer des balises pour encadrer les solutions choisies, soit des concepts ou des notions qui devraient guider la réflexion.
    La première balise est le respect de la Loi sur les langues officielles du Canada. On sait qu'il est important, en démocratie, d'avoir des médias forts et indépendants. Dans un pays bilingue où il y a deux communautés linguistiques dont l'une est en situation minoritaire, le rôle des médias francophones est doublement important. Ceux-ci permettent que l'identité bilingue du pays ainsi que la Loi sur les langues officielles soient respectées.
     Les solutions choisies doivent respecter de façon plus précise la partie VII de la Loi sur les langues officielles. Si le gouvernement veut favoriser l'épanouissement et le développement des communautés francophones en milieu minoritaire, il doit s'assurer que ces communautés ne perdent pas leur capacité de se mobiliser et d'agir. Il doit se rappeler qu'à cet égard, ces médias sont leurs instruments. Ce sont leurs oreilles et leur voix.
(1545)
     La Loi sur les langues officielles implique aussi un devoir de consultation. Il faut évidemment s'assurer que les solutions proposées prennent réellement en compte les besoins des communautés en consultant les médias, comme vous le faites.
     La deuxième balise est le respect du concept d'égalité réelle. Le concept d'égalité réelle a été mis en avant par l'affaire CALDECH. L'égalité formelle implique qu'il faut donner à deux groupes exactement la même chose, tandis que l'égalité réelle implique qu'il faut parfois donner quelque chose de différent à un des deux groupes afin de réellement atteindre l'égalité entre les deux groupes.
(1550)
    « Égal » ne signifie pas « équitable ».
     Le fait que les médias communautaires jouent un rôle aussi spécifique et le fait que leur situation soit aussi particulière sont deux raisons qui font qu'on ne peut pas les évaluer de la même façon qu'on évaluerait le rendement d'autres médias. Il faut prendre en considération leur situation particulière et proposer des solutions qui permettent de pallier leurs défis particuliers.
    La troisième idée que j'aimerais aborder est celle d'une analyse comparative entre les langues. Quand on instaure une nouvelle politique ou un programme lié aux médias, il faut se demander si les effets de cette politique sont les mêmes pour les médias francophones que pour les médias anglophones, ou s'ils sont les mêmes pour les médias en contexte majoritaire et pour ceux en contexte minoritaire.
    Par exemple, le Fonds du Canada pour les périodiques, qui aidait financièrement les médias grâce à un rabais lors de la livraison des journaux par Postes Canada, a changé ses critères au cours des dernières années pour inclure d'autres périodiques qui ne sont pas nécessairement livrés par Postes Canada.
     À la base, on pourrait dire que c'est bien de subventionner davantage de médias, mais ce changement a eu un effet différencié négatif particulier sur les périodiques francophones en milieu minoritaire. Si on avait fait une analyse comparative entre les langues, on aurait pu voir que cette mesure avantageait un certain nombre de publications anglophones québécoises au détriment de périodiques francophones en milieu minoritaire qui avaient un urgent besoin de fonds, un besoin incomparable à ceux des autres médias. Dans l'absolu, ce n'est pas une mauvaise chose de financer les autres médias, bien entendu, mais il s'agit d'un exemple de politique qui a un effet différencié négatif important sur les médias en milieu minoritaire.
    Une idée du gouvernement a beaucoup circulé dans les médias. Elle visait à ne pas appuyer des entreprises dont le modèle d'affaires n'est pas viable. Je pense qu'on fait ici référence au virage numérique. Dans le milieu des médias communautaires, tout le monde est d'accord pour dire qu'il est essentiel d'aller vers le numérique et tout le monde a entamé ce virage, bien que tout le monde ne soit pas capable de le faire avec succès, pour la simple et unique raison que très peu de médias font de l'argent en suivant ce modèle, et ils n'ont pas nécessairement les moyens de le faire.
    De plus, en milieu minoritaire, dans plusieurs cas, le lectorat ne suit pas. Soit le lectorat est plus âgé et n'est pas intéressé par le numérique, soit il vit dans des endroits où l'accès à Internet haute vitesse n'est pas disponible.
    Décider de financer les médias qui ont déjà démontré leur capacité à entamer le virage Web avec succès, ne tiendrait pas compte de la situation particulière de ces médias et ne respecterait pas la Loi sur les langues officielles et le principe de l'égalité réelle. Au lieu de financer les médias qui ont déjà entamé ce virage avec succès, on devrait plutôt financer toutes les entreprises médiatiques en milieu minoritaire pour qu'elles puissent entamer le virage numérique avec succès. Cela permettrait de s'assurer que le gouvernement contribue à l'épanouissement et au développement des communautés francophones en milieu minoritaire en accord avec la Loi sur les langues officielles.
    Voici un autre exemple. Quand le gouvernement décide de concentrer la vente de publicités fédérales en ligne, outre le fait qu'il ne prend pas en compte l'effet de sa décision sur l'épanouissement des médias, il semble oublier que ces médias rejoignent vraiment des populations. Prenons l'exemple des annonces qu'on a faites au cours des dernières années en lien avec la grippe H1N1. Quel est le groupe le plus à risque de souffrir de cette grippe? C'est probablement les populations âgées. On se dit qu'on va faire de la publicité en ligne parce qu'on rejoint plus de monde ainsi. C'est peut-être vrai qu'on rejoint plus de gens en ligne, je ne connais pas les chiffres, mais on n'a peut-être pas rejoint la bonne population. Il ne faut donc pas oublier que ces médias communautaires rejoignent des populations qu'on ne peut pas simplement ignorer parce qu'elles ne font pas partie de la majorité.
    Je vais m'arrêter ici. Je vous remercie.
     Je vous remercie beaucoup tous les deux.
    Nous allons maintenant passer à la période de questions et commentaires.
    Monsieur Clarke, vous avez la parole.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je vous souhaite la bienvenue à tous. Nous sommes heureux de vous accueillir ici aujourd'hui.
    Je vais d'abord m'adresser à Mme Eddie.
     Quel est le sujet de votre thèse exactement?
    Ma thèse de doctorat porte sur la façon dont trois groupes — un groupe francophone, un groupe autochtone et un groupe anglophone — ont réussi à se mobiliser au Nouveau-Brunswick contre le gaz de schiste, et sur la façon dont ils ont utilisé les médias pour le faire.
    Ma thèse de maîtrise portait sur les lecteurs de L'Acadie Nouvelle et les rôles des journaux en milieu minoritaire.
(1555)
    Le virage numérique et la crise des médias se manifestent un peu partout dans les pays occidentaux où il y a des langues minoritaires, comme en Suisse ou en Belgique, par exemple. Peut-être que cela a aussi cours dans les pays orientaux, mais je n'en suis pas certain.
    Pouvez-vous nous dire si ces deux pays, la Belgique et la Suisse, ont des programmes précis à cet égard? Que font-ils eu égard à cette crise des médias?
    Si c'est le cas, pouvez-vous nous dire ce que ces deux pays font en ce qui a trait à leurs médias francophones minoritaires? Ont-ils des programmes ou des fonds d'aide aux périodiques?
    Malheureusement, je ne le sais pas.
     Généralement, beaucoup de pays financent davantage leurs médias, comparativement à ce que fait le Canada. Par exemple, en Angleterre, les médias publics sont beaucoup plus financés qu'ils ne le sont au Canada.
    Malheureusement, je ne sais pas comment la Belgique et la Suisse procèdent.
    Ma prochaine question va s'adresser aux trois témoins.
    Un montant supplémentaire de 600 millions de dollars a été donné à Radio-Canada. Est-ce que cela contribue, indirectement ou directement, à l'épanouissement des médias francophones à l'extérieur du Québec?
    Est-ce que ce réinvestissement massif de 600 millions de dollars à Radio-Canada apporte une aide à la crise que vivent les médias, que ce soit les journaux ou les radios francophones hors Québec, non pas les radios de Radio-Canada, mais les autres?
    J'ai eu l'occasion de discuter avec des dirigeants de Radio-Canada, soit MM. Yvan Cloutier et Pierre Ouellette, et de parler de ce que cela représentait. Ils disaient que cela avait un impact énorme parce que cela permettait de maintenir des programmes et de penser à de nouveaux programmes. On se rappellera que, à un certain moment, Radio-Canada voulait rompre son lien avec Windsor. Ce genre d'investissement permet de garantir à un endroit comme Windsor, qu'il va continuer à faire le travail dans sa communauté. Nous avions mis d'autres projets sur la glace, pour ne pas dire dans la poussière parce qu'on n'y croyait plus tellement. Cet investissement majeur a donné un nouveau souffle aux dirigeants francophones, parce que ces derniers pouvaient désormais mettre en avant plusieurs belles initiatives. Il a aussi été question de modernisation. C'est ce dont j'ai discuté avec M. Cloutier.
    Vous avez parlé d'un fonds d'aide aux médias de 1,85 millions de dollars. Vous attendiez-vous à ce que ce fonds soit inclus dans le Plan d'action ou est-ce complètement à part?
    En fait, c'était une mesure d'urgence qu'on demandait dans les trois prochains mois.
    D'accord, je comprends.
    Vous avez beaucoup parlé des placements publicitaires du fédéral dans les journaux francophones en Ontario, par exemple. Le gouvernement provincial fait-il des placements publicitaires dans les journaux?
    Il les a également diminués de façon à peu près aussi significative. En fait, c'était de l'ordre d'environ 75 %. Nous faisons les mêmes présentations du côté du gouvernement provincial pour que sa publicité se rende dans les médias francophones, puisque les médias dépendent de ces revenus.
    Il y a quelques mois, je lisais, avec un petit sourire en coin, que le Globe and Mail et le Toronto Star parlaient justement des réductions en publicité dans les médias écrits des deux paliers de gouvernement et à quel point cela les plaçait dans une situation difficile. Si ces deux journaux se trouvaient dans une position difficile, qu'est-ce que cela représente pour un petit hebdomadaire francophone dans un coin de la province qui publie chaque semaine, aux deux semaines ou chaque mois? L'impact est énorme.
    À ce moment-là, il n'y a plus de gras, mais on est en train de gratter les os depuis un bon moment. Plusieurs petits médias continuent à fonctionner grâce aux gens passionnés qui y travaillent et qui veulent que la francophonie reste vivante et vibrante.
    Je vais vous donner un exemple de notre coin de la province. Il y a à peu près un an et demi, L'Express d'Ottawa a fermé ses portes. Quelques mois après, un leader francophile qui avait fait une promesse à sa grand-mère a dit qu'il souhaitait démarrer quelque chose en français.
(1600)
     C'est bien.
    Il était très émotif lors de la première rencontre. Ce soir, tout de suite après la réunion, je vais aller à une dégustation de vins et fromages qui souligne le premier anniversaire de L'Orléanais, un journal publié mensuellement à Orléans.
    Après la fermeture de L'Express, les francophones n'avaient plus de journal.
    L'homme dont j'ai parlé plus tôt venait d'acquérir le journal hebdomadaire anglophone, et il y a inclus, chaque mois, une section francophone. Cela fonctionne très bien. Il a tout un appui de la communauté. C'était vraiment une nécessité. Cela n'avait pas de sens que les gens de la région d'Ottawa, surtout ceux d'Orléans, perdent un outil pour communiquer avec les francophones d'un peu partout.
    Je vous remercie.
    Merci beaucoup, monsieur Jolin.
    Monsieur Arseneault, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Messieurs Michaud et Jolin et madame Eddie, je vous remercie de votre présence et je vous remercie de nous faire part de vos expertises respectives.
    Madame Eddie, tout comme vous, je viens du Nord du Nouveau-Brunswick. Je connais très bien l'importance des médias de langue officielle en milieu minoritaire.
     J'aimerais revenir sur une de vos pistes de solution. En peu de mots, pouvez-vous m'expliquer ce que vous voulez dire quand vous affirmer qu'il faudrait d'abord respecter la Loi sur les langues officielles?
    Étant donné que la partie VII de la Loi sur les langues officielles impose au gouvernement l'obligation de s'assurer que les politiques ou les programmes qu'il met en place vont dans le même sens que l'épanouissement et le développement des communautés, je pense que nous pourrions arguer que les médias sont une partie très importante de cet épanouissement et de ce développement.
    Toutes ces balises et ces concepts ne sont pas mutuellement exclusifs, ils fonctionnent ensemble. Le concept de l'égalité réelle ou celui de l'analyse comparative entre les langues permet de s'assurer qu'il n'y a pas d'effet négatif sur la communauté francophone lorsqu'une politique est mise en place.
    En fait, si je me réfère à la partie VII et à ce que vous nous dites, le gouvernement a l'obligation continuelle de voir à l'épanouissement des communautés de langue officielle en situation minoritaire.
    Est-ce votre conception de la partie VII?
    C'est ce que j'en comprends, oui.
    Je ne suis pas juriste, mais je pense aussi que le fait que le commissaire aux langues officielles se soit penché sur ces questions nous indique qu'il est légitime de se les poser.
    J'aimerais revenir sur le concept d'égalité réelle, pour m'assurer de l'avoir bien compris.
    L'effet d'une intervention gouvernementale a moins d'effet sur la communauté d'un média majeur en milieu majoritaire que sur celle d'un média en milieu minoritaire.
    On entend les termes « intervention asymétrique » ou « financement asymétrique » pour décrire exactement cette égalité réelle. Est-ce ce que vous voulez dire?
    Oui, cela va dans le sens de ce que je veux dire.
    On ne doit pas toujours donner la même chose à tous les groupes. À certains moments, on doit donner davantage à un groupe pour atteindre réellement l'égalité. Tous les médias connaissent des difficultés en ce moment. L'idée de financer tous les médias est une bonne idée, en théorie. Toutefois, certains médias vivent une situation particulièrement difficile, et ce sont ceux des minorités francophones. Étant donné que nous vivons dans un pays bilingue, où le bilinguisme fait partie de l'identité du pays, et que nous avons la Loi sur les langues officielles, c'est doublement important de financer ces médias. Le financement n'a pas besoin d'être symétrique. En fait, dans ce cas-ci, il devrait être asymétrique.
    « Égal » ne signifie pas « équitable ».
    En fait, votre position, c'est que les médias font partie intégrante de l'identité même des communautés qu'ils représentent.
    Ma position, c'est que sans médias communautaires, les communautés perdent leurs capacités à agir et à se mobiliser. Pour moi, ils sont vraiment une partie intégrante de la communauté.
    Monsieur Jolin ou monsieur Michaud, j'ai bien aimé votre intervention. Vous avez recommandé un investissement de 5 % en Ontario. Je me demande donc si l'investissement sera de 10 % au Nouveau-Brunswick.
    Je vais laisser le Nouveau-Brunswick s'exprimer.
    C'est une blague.
    D'autres témoins nous ont donné plusieurs pistes de solution, lundi dernier. Une de ces pistes me semblait vraiment intéressante, et c'était celle qui proposait davantage de publicités ou suggérait de revenir là où nous en étions avant.
    Que pensez-vous d'un crédit d'impôt pour l'information, pour le contenu canadien?
(1605)
     C'est l'une des recommandations de notre livre blanc. Si on pouvait donner un crédit d'impôt aux gens, aux organismes et aux commerces qui annoncent en français, ce serait bien. C'est une recommandation sur laquelle nous sommes tout à fait d'accord. Ce serait une façon d'inciter les organismes à faire des annonces en français. Évidemment, nous sommes en concurrence avec tous les médias anglophones.
    Selon notre livre blanc que j'ai ici...
    Comme j'avais donné tous mes exemplaires en français, M. Jolin a eu un exemplaire en anglais. Je m'en excuse.
    Nous recommandons qu'on abolisse le crédit d'impôt pour les organismes qui font des affaires sur le Web. Voici l'extrait de la recommandation en question:
[...] dépose une demande de financement collective dans le but d'élaborer une compagne d'information sur le crédit d'impôt à la publicité locale, à l'intention de tous les médias francophones.
    Évidemment, nous sommes entièrement d'accord sur cette recommandation. C'est un moyen d'amasser des fonds pour nos médias.
    Merci beaucoup, monsieur Arseneault.
    Il me reste encore quatre minutes et demie.
    Non, il s'était écoulé quatre minutes et demie, et l'autre minute et demie est venue après.
    Monsieur Choquette va poursuivre.
    Merci, monsieur le président.
    Si je résume bien, en 10 ans, les placements publicitaires ont diminué de 78 % dans les journaux francophones et de 73 % dans les radios communautaires francophones. C'est sûr que cette diminution a un impact direct. Pendant ce temps, le gouvernement du Canada a triplé ses placements publicitaires sur le Web. Ce n'est pas le Web de nos médias communautaires, mais plutôt celui de géants comme Google et Facebook.
    Cela lui coûte moins cher.
     Madame Eddie, ce que vous avez dit est très important. En effet, on doit tenir compte des langues officielles au moment de prendre des décisions fiscales. Des gens de la FCFA, du QCGN et de l'AFO en ont parlé. Il faudrait tenir compte des langues officielles quand on prend des décisions gouvernementales. La décision prise à propos de Netflix démontre justement une certaine iniquité fiscale. D'une manière générale, c'est pour cela que vous demandez un réinvestissement.
    À la recommandation 1 de votre livre blanc, il est question de réinvestir 15 % des dépenses publicitaires dans les médias francophones. Éventuellement, il faudra aussi parler des anglophones du Québec. C'est une partie du budget. Est-ce la recommandation principale? La situation qu'on connaît ne date pas d'hier. C'est ce qu'on observe depuis 10 ans. Vous avez justement déposé une plainte au Commissariat des langues officielles pour dire que cela n'avait pas de sens. Comment cette recommandation répond-elle au rapport du commissaire aux langues officielles?
    Quand notre consultant travaillait à l'élaboration du livre blanc, il est allé voir quelles étaient les conditions financières dans lesquelles chacun des organismes se retrouvait, tant ceux de la presse écrite, ceux de la télévision que ceux des radios communautaires. Il a discuté avec ces gens de leur financement et de ce dont ils auraient besoin pour pouvoir offrir leurs services, de faire le virage et de faire leur travail, afin d'assurer la vitalité des communautés. C'est bien beau d'avoir une radio communautaire, mais si elle ne tient qu'à un fil et qu'il n'y a personne au secrétariat, qu'il ne reste que quelques animateurs qui vendent de la publicité, qui font de l'animation et qui doivent répondre au téléphone, c'est difficile de se concentrer sur ce qu'on a à faire.
    Pour la vitalité des communautés, nous avons besoin de cela. Nous voulons améliorer la qualité de l'information que nous donnons et qu'elle soit uniforme un peu partout. Les radios communautaires veulent être capables de travailler ensemble à cela.
    L'organisme MICRO a dû remercier sa secrétaire. La directrice générale a réduit ses heures de travail et travaille maintenant à partir de son sous-sol parce que cette association ne peut pas se payer ne serait-ce qu'un petit local.
    Il est essentiel d'avoir des structures efficaces et qui permettent à la communauté francophone d'être vibrante. Chaque fois qu'un média se retrouve dans une situation difficile ou disparaît, on vient de faire un pas de plus vers l'assimilation.
(1610)
     J'ajoute que, dans une communauté, trois éléments travaillent ensemble: le système scolaire, les organismes communautaires et les médias. Il faut que ces trois éléments puissent le faire de façon constante pour garder la communauté vibrante et informée. Les écoles organisent toutes sortes de choses, et les organismes communautaires en font autant. Les médias sont alors essentiels, car ce sont eux qui lient le tout, qui font vibrer la communauté et l'amènent à participer.
    Je vous remercie, monsieur Jolin.
    Madame Eddie, vous avez brièvement parlé de l'annonce selon laquelle il n'y aurait pas d'investissement dans des médias qui ne sont pas viables. Selon vous, ce n'est peut-être pas la bonne approche si l'on veut maintenir la viabilité des médias en situation minoritaire. Pouvez-vous préciser un peu votre pensée là-dessus? Ce point est extrêmement important parce que, présentement, une position serait favorable à l'investissement, mais à la condition que les médias prennent le virage numérique et qu'ils soient viables.
     Je comprends que le gouvernement, comme tout le monde, veuille entreprendre le virage numérique. Personne n'est en désaccord avec cela.
    Tout d'abord, la notion de virage numérique peut désigner plusieurs choses. Les médias ont tous au moins un site Web, mais il leur faut faire un pas de plus pour amorcer un véritable virage. D'autres ont déjà bien entamé le processus, notamment L'Acadie Nouvelle et Le Droit, si je ne me trompe pas. Toutefois, le modèle ne se serait pas révélé rentable pour ceux-ci.
    À mon avis, le modèle actuel n'est pas viable pour les médias en général. Je ne pense pas qu'il y ait un média dans le monde qui obtienne beaucoup de succès sur le Web et qui en tire des profits. Au Canada, les médias gagnent leur revenu grâce à la version papier, en partie à cause du coût des publicités. En effet, le coût des publicités en ligne diffère énormément de celui des publicités destinées à la version papier.
    Alors, au lieu de décider d'investir dans les médias ayant prouvé leur capacité à entreprendre le virage numérique, donnons plutôt l'appui nécessaire à tous ceux qui souhaitent le prendre.
    Il ne faut pas non plus mettre sur un même pied les médias s'adressant aux communautés en situation minoritaire et tous les autres. Il remplissent des rôles très précis au sein de ces communautés afin de répondre à des besoins particuliers. Encore une fois, l'idée est d'offrir une aide — qui peut être asymétrique — pour faire en sorte que ces médias survivent et de contribuer ainsi à l'épanouissement des communautés en situation minoritaire.
    Merci, monsieur Choquette.
    Je cède maintenant la parole à Mme Lapointe.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie d'être avec nous. L'information que vous nous transmettez est vraiment très intéressante.
    Madame Eddie, vous avez dit tantôt être doctorante à l'Université d'Ottawa et que vos travaux portent sur les communautés de langue officielle. Vous n'avez pas beaucoup parlé de situations touchant les anglophones. Il est beaucoup question de celles visant les francophones, et avec raison, mais je représente une communauté qui vit dans la banlieue située au Nord de Montréal et qui comprend aussi des anglophones.
    Dans ma circonscription, le nombre d'anglophones vivant à Deux-Montagnes s'élève probablement à 5 000, et à Rosemère, à environ 2 500. Les anglophones sont aussi présents à Boisbriand et à Laval. Ils ne sont pas tous à Montréal, ils sont aussi à l'extérieur.
    Pouvez-vous nous en dire un peu là-dessus? Avez-vous étudié la situation de ces communautés anglophones en ce qui concerne les journaux locaux? J'ai appris de ces derniers que leur situation est difficile.
    Je n'ai pas étudié ce sujet en particulier, mais j'ai quand même pris connaissance de certaines études qui en traitent. En réalité, les situations se ressemblent. La seule véritable différence, c'est que les francophones sont réellement en situation minoritaire dans tout le Canada, alors que les anglo-québécois tirent une certaine force du fait que le Canada est majoritairement de langue anglaise.
    Dans un certain sens, les besoins me semblent très similaires, car les diffuseurs, notamment Radio-Canada, n'atteignent pas autant que l'on pourrait croire les communautés vivant en région, tant anglophones que francophones. Cela signifie que c'est aux radios ou aux journaux communautaires de jouer ce rôle.
     Je fais présentement une étude portant sur le contenu publié dans les journaux des provinces de l'Atlantique, de langue anglaise comme de langue française, en ce qui concerne notamment la façon dont sont traités des enjeux comme le bilinguisme, la dualité linguistique et les services en français. Il est certain que Radio-Canada joue un rôle essentiel dans les communautés à ces égards. Je constate toutefois que, dans la région de l'Atlantique, ce sont les petits journaux, comme L'Acadie Nouvelle, qui mettent constamment l'accent sur ces enjeux-là. Je pense donc que la situation doit être assez semblable au Québec sur ce point. Il ne faut pas oublier que les radios et les journaux communautaires de langue anglaise jouent aussi un rôle vraiment essentiel dans les régions rurales du Québec.
(1615)
    J'y crois aussi, parce que, contrairement aux communautés vivant dans le Grand Montréal, celles des banlieues semblent étouffées. Qu'on le veuille ou non, elles n'existent pas. En fait, elles n'existent que par la seule présence des journaux communautaires et par ce qui se passe au sein même des communautés.
    Ma prochaine question s'adresse à M. Jolin.
    Monsieur Jolin, vous avez parlé tantôt de la nécessité, pour le gouvernement, d'investir dans les infrastructures numériques et dans la formation. Pouvez-vous nous dire ce que vous entendez plus précisément par ces propos?
     Nous voulons rejoindre les jeunes parce que nous voulons qu'ils s'impliquent, mais j'ai l'impression que, s'il n'y a pas d'application pour le téléphone cellulaire, il sera difficile de les intéresser. Il y a une clientèle fidèle à la version papier ou à la diffusion par les ondes et il y a celle des jeunes, pour qui tout passe par le téléphone cellulaire. Si nous voulons effectuer cette transition et réussir à prendre les jeunes à bord, il faut aller dans cette direction. Sur le plan communautaire, on parle du virage numérique, mais il reste beaucoup d'organisations qui ne le voient pas. Elles continuent à suivre une ligne droite sur l'autoroute. Nous savons qu'il faut effectuer cette transition. L'intention et le désir y sont, mais les moyens pour le faire n'y sont pas, tant sur le plan financier que sur celui de l'expertise et de la formation.
    Vous pensez à des applications. Pour ma part, j'aimerais aborder certains aspects de votre livre blanc. La recommandation 27, qui parle de monitorage, dit ce qui suit:
Il est recommandé qu’un Observatoire neutre soit créé, composé d’un conseil d’administration et d’une équipe restreinte, financé par le gouvernement du Canada via Patrimoine canadien aux fins de monitorage d’auditoire/de lectorat et de suivi au rétablissement des publicités gouvernementales.
     Cela rejoint les propos que vous tenez aujourd'hui. J'imagine que les minorités linguistiques évoluent, dans un sens. Certaines personnes préfèrent la version papier, mais comme vous le dites, les jeunes vivent une évolution.
     Comment peut-on s'adapter à cette réalité?
     J'aimerais que vous nous parliez de cette recommandation.
    Il faut s'adapter et avoir une idée de ce qui se passe. Contrairement à d'autres, les radios communautaires ne peuvent pas se payer de sondages Numeris. C'est très cher et il est très difficile de savoir à quel point cela fonctionne.
     Un média écrit peut démontrer assez facilement à combien d'exemplaires se chiffre son tirage. Par contre, dans le cas de médias comme la radio, il est difficile de savoir combien de gens écoutent les émissions et combien sont prêts à y participer. Un organisme qui ferait un genre de monitorage pourrait nous donner une très bonne idée de ce nombre et fournir des arguments. Il serait alors possible de faire valoir que beaucoup de gens écoutent ces émissions et que la communauté gravite autour de la radio. Il est important que nous puissions accomplir le travail que nous avons à faire, et de bien le faire. Il y a aussi la question du virage. Cela ne se passe pas en vase clos.
    Cette semaine, plus précisément mardi, des gens venus nous rencontrer nous ont parlé de crédits d'impôts. C'était surtout lié au contenu canadien, au journalisme.
     Comment voyez-vous cela?
    Il est clair que le contenu canadien doit faire partie des communications.
    Si on parle des médias locaux, que ce soit la radio ou d'autres médias, qu'est-ce qui vous vient en tête?
    C'est l'information régionale.
    D'accord.
    Il y a de l'actualité provinciale, internationale et ainsi de suite, mais je crois que le mandat premier consiste à se concentrer sur la communauté. La station de radio communautaire que je connais le mieux ici, à Ottawa, est Unique FM. L'information y est variée, mais il s'agit surtout d'information concernant l'Outaouais.
    Merci beaucoup, madame Lapointe.
    J'aimerais revenir sur l'avant-dernière question de Mme Lapointe et sur les firmes de sondage. Même si une entreprise médiatique voulait investir dans un sondage, ce qui coûte vraiment très cher, elle n'y gagnerait pas nécessairement, étant donné que ces firmes ne sont pas adaptées aux communautés en situation minoritaire. Les résultats du sondage ne seraient peut-être pas aussi exacts qu'ils ne le seraient dans un autre contexte.
(1620)
    Nous entamons maintenant le deuxième tour de table. L'heure avance et comme quatre personnes veulent s'exprimer, soit M. Samson, Mme Boucher, M. Vandal et M. Généreux, nous allons nous limiter à un temps de parole de trois minutes.
    Monsieur Samson, vous disposez de trois minutes.
    Imaginez, il ne m'octroie que trois minutes! Je vais donc me limiter à quelques points.
    Comme vous l'avez dit plus tôt, « égal » ne veut pas dire « équitable ». On ne peut pas comparer — nous avons parlé l'autre jour — la survie en milieu majoritaire à la survie en milieu minoritaire. C'est un problème majeur.
     Si les médias communautaires francophones hors Québec et anglophones au Québec disparaissaient, nous dirigerions-nous vers l'assimilation, selon vous?
    Nous irions en ligne droite vers l'assimilation, parce que nous perdrions le lien communautaire. Pour ma part, j'arrache à chaque mois la page des activités de la communauté de L'Orléanais et je l'affiche sur le réfrigérateur. Mes fils la consultent parce qu'ils savent que, si quelque chose risque de les intéresser, c'est là qu'ils vont le trouver .
     Vous avez dit une autre chose que je trouve intéressante.
    Vous avez parlé de monitorage, de sondages, et ainsi de suite. Il faut avoir des données et un portrait à jour. J'aimerais dire « recensement », mais le recensement est très complexe avec toutes ses questions. J'ai compris que Statistique Canada a d'autres moyens que le recensement de recueillir des données. On pourrait créer un mécanisme pour recueillir les données dans certains endroits clés comme les médias, afin de connaître la situation sur le terrain et savoir si on se dirige vers l'assimilation. C'est une idée intéressante.
    Cela dit, la province alloue-t-elle des fonds aux médias pour les aider? Pourrait-il y avoir un certain financement conjoint provincial-fédéral? Cela a-t-il déjà été discuté?
    À ce que je sache, il n'y a pas d'enveloppe spéciale pour les médias. D'ailleurs, nous discutons également avec le gouvernement provincial pour nous assurer que la publicité sera rétablie en appui aux médias francophones. La province a aussi une responsabilité envers l'épanouissement de ses communautés francophones.
    Je peux vous dire qu'en Nouvelle-Écosse, si nous n'avions pas le journal Le Courrier de la Nouvelle-Écosse et la radio communautaire, nous ne serions pas entendus à l'échelle provinciale ou nationale puisqu'il n'y aurait pas de présence francophone au niveau local. Il faut donc faire quelque chose.
    J'ai apprécié votre présentation d'aujourd'hui.
    Merci.
    Merci.
    Madame Boucher, vous avez la parole.
    Bonjour.
    Je vous remercie de votre présence.
    Je vais vous poser deux questions très brèves et je veux que vous soyez très francs.
    Je vais commencer par la phrase « On efface et on recommence ». Que faut-il dire aux dirigeants de tous les partis politiques, pour qu'ils comprennent que les francophones et les anglophones en milieu minoritaire ont besoin d'être écoutés? Qu'est-ce que cela prend pour qu'ils passent à l'action?
    Cette question est difficile, mais je veux que vous soyez francs.
    Me demandez-vous ce que nous voulons des dirigeants?
    Oui.
    Selon moi, un élu a une responsabilité envers les langues officielles. Pour assumer cette responsabilité, il doit s'occuper de l'épanouissement et de la vitalité des communautés, et cela passe par le financement.
    On a parlé d'égalité réelle. Pour ma part, je vois trois petits bonshommes sur le bord d'une clôture, de trois tailles différentes, et chacun a six pouces de moins que son voisin de gauche. Un seul voit par-dessus la clôture et peut voir le match de baseball. L'égalité réelle, c'est mettre des bancs de hauteur différente pour que tout le monde puisse voir le match.
    C'est un très bel exemple.
    Je demeure en milieu rural. Je sais que les médias locaux sont très importants dans ma région. Je ne suis pas en minorité; nous sommes tous des francophones, chez nous. Je viens du Québec et il n'y a pas d'anglophones dans ma région.
    Je siège au comité des langues officielles depuis très longtemps. Je me demande ce que nous aurions pu faire. Dans le passé, que ce soit sous les conservateurs ou les libéraux, il y a parfois eu des compressions budgétaires et je n'en ferai pas la nomenclature.
    Nous sommes en 2018 et il y a une émergence de nouveaux médias. Le gouvernement a donné 675 millions de dollars à Radio-Canada. Le parti ici importe peu. Aurait-on pu en donner moins à Radio-Canada et en donner plus aux communautés de langue officielle en situation minoritaire? On aurait pu donner 400 millions de dollars à Radio-Canada et le reste aux communautés de langue officielle en situation minoritaire, afin de s'assurer que les médias de ces communautés reçoivent leur part du gâteau.
(1625)
     Quitte à avoir une moins bonne couverture.
    C'est cela.
    Je n'enlèverais pas d'argent à Radio-Canada. Idéalement, il faudrait en donner aux médias communautaires, parce qu'ils jouent des rôles assez différents. Je ne pense pas que l'un puisse remplacer l'autre.
    C'est ce que je veux savoir.
    Radio-Canada, évidemment, joue un rôle essentiel en milieu minoritaire et elle devrait représenter encore plus les communautés francophones. Idéalement, elle devrait disposer de plus de ressources pour mieux jouer ce rôle. Elle n'a pas les ressources nécessaires pour être dans les régions. Même quand elle est en Acadie, elle est à Moncton. Elle n'a pas les ressources pour être partout.
    Merci beaucoup, madame Boucher.
    Monsieur Vandal, vous avez la parole.
    Je vous remercie, messieurs Jolin et Michaud.
    Vous représentez des journaux quotidiens, hebdomadaires et mensuels, ainsi que des radios et des télévisions communautaires. Les communautés font-elles face aux mêmes défis?
     Les défis sont les mêmes. La publicité a été réduite partout. Radio-Canada est peut-être dans une meilleure position grâce aux réinvestissements qui ont été faits. De ce côté, cela a l'air d'être assuré. Toutefois, avant cela, nous étions toujours à risque de perdre certains services en français dans la province.
    Du côté des radios communautaires, des hebdomadaires et des télévisions communautaires, la situation est aussi difficile d'un endroit à l'autre. Par exemple, Rogers a aboli beaucoup de postes l'automne dernier.
    Je fais le lien avec une demande que nous avons soumise à Radio-Canada et qu'elle a approuvée. Nous lui avons demandé de dédier 15 % de l'enveloppe octroyée aux stations régionales francophones à l'extérieur du Québec. Nous voulons qu'une enveloppe soit dirigée là. Les dirigeants de Radio-Canada sont d'accord avec nous.
    Est-ce pour des radios communautaires?
    Ce sont tous les services confondus.
    En fait, c'est Radio-Canada.
    C'est Radio-Canada, oui.
    Quel est le pourcentage, maintenant?
    Vous voulez savoir quel pourcentage de l'enveloppe se rend à l'extérieur du Québec?
    Il faudrait le demander à Radio-Canada, mais je pense que c'était anciennement 10 % ou 12 % environ.
    Je n'ai pas encore eu le temps de lire votre livre blanc. Toutefois, si l'on revenait au bon vieux temps où l'on donnait de l'argent aux médias pour la publicité et pour leur permettre d'effectuer le virage numérique, est-ce que tout serait réglé?
    Ce serait certainement un pas dans la bonne direction, si nous pouvions compter sur des revenus pour être capables de faire le travail. La plupart des organismes ont dû abolir des postes et réduire leurs heures. On s'en remet à l'Alliance des radios communautaires du Canada. Ce sont en grande partie des émissions préenregistrées qui jouent. Ensuite, on parvient à produire un petit bloc de contenu local à l'aide des moyens dont on dispose. Il est important d'avoir cette saveur locale qu'on recherche. On ne peut pas offrir seulement un grand contenu musical. Dans la mesure où c'est de la musique francophone, c'est parfait, cependant il reste alors peu d'espace pour l'information et les affaires publiques. Ce sont pourtant des éléments importants. Comme on l'a mentionné, quand les gens sont au courant des activités et qu'ils sont informés au sujet de la politique et de leurs droits, cela a des répercussions sur les communautés.
    Cela fait 15 mois que je suis en poste à l'Assemblée de la francophonie de l'Ontario et, depuis, j'ai donné tout près de 300 entrevues. Cela veut dire que les gens de la communauté et les médias de toutes sortes nous suivent. Ils veulent savoir ce qui se passe et ils veulent le communiquer aux autres personnes de leur communauté. Ce faisant, la communauté est beaucoup plus impliquée.
    Nous avons parlé plus tôt de la disparition de nos médias. Si nos médias disparaissent, comment les communautés pourront-elles se développer, s'épanouir et être au fait des nouvelles sur le plan politique qui les concernent?
    Merci beaucoup.
    La dernière intervention revient à M. Généreux.
    Monsieur Jolin, vous avez parlé d'un montant, tout à l'heure. Avez-vous dit 1,1 million de dollars?
    C'est 1,8 million de dollars.
    De quelle façon ce montant de 1,8 million de dollars serait-il partagé? En fait, dans les milieux minoritaires au Canada, quels pourcentages les organismes privés et ceux communautaires représentent-ils?
    C'est à peu près un tiers, un tiers et un tiers.
    C'est donc un tiers pour le secteur privé et un tiers pour le secteur communautaire. Qu'en est-il de l'autre tiers? N'est-ce pas plutôt la moitié au secteur privé et l'autre moitié au secteur communautaire?
    Non.
    Je vais laisser mon collègue vous donner les chiffres.
    Je vais répondre, étant donné que c'est davantage moi qui ai tenu ces discussions.
    Pouvez-vous répondre rapidement, s'il vous plaît?
    Oui. C'est à peu près un tiers pour les journaux francophones, un tiers pour les radios francophones et un tiers pour les médias anglophones.
    D'accord.
    On s'entend pour dire qu'un montant de 1,8 million de dollars ne représente pas la fin du monde. On ne parle pas de milliards, ici, mais bien de 1,8 million de dollars.
    Savez-vous si quelqu'un au gouvernement entend actuellement votre demande pour ces fonds? La ministre vous a-t-elle déjà entendus?
(1630)
    Nous avons fait des présentations. Pas plus tard que la semaine dernière, nous étions avec Mme Joly.
    C'est beau.
    Je suis d'accord pour dire qu'une aide doit être donnée aux médias en milieu minoritaire, sous quelque forme que ce soit. Cela ne me pose aucun problème.
     Récemment, le gouvernement a décidé de ne pas taxer Netflix, ou les distributeurs, en fait. Comme l'assiette publicitaire des gouvernements s'en va chez ces entreprises situées à l'extérieur du pays, ils ne veulent pas les taxer pour les services qu'elles offrent à l'ensemble des Canadiens. Pour vous, c'est le contraire: quand vous vendez de la publicité, vous êtes obligés de taxer vos clients.
    Oui.
    Vous voulez avoir de l'argent additionnel. En même temps, le gouvernement décide de ne pas taxer ceux chez qui il dépense maintenant des sommes d'argent qu'il dépensait auparavant chez vous. L'argent que vous demandez pourrait provenir de la taxation de ces compagnies. Cela vous aiderait, justement.
    On parle de dépenses additionnelles, et vous n'êtes pas les seuls à demander de l'argent au gouvernement, bien évidemment. Toutefois, vous ne faites pas de recommandation en ce qui concerne les revenus. Serait-il approprié de recommander d'aller chercher des revenus chez ces entreprises, justement? Votre livre blanc comporte-t-il une recommandation pour aller chercher des revenus additionnels quelque part?
    C'est certain que des recommandations doivent aller dans cette direction. Le livre blanc était déjà paru quand toute l'histoire de Netflix est arrivée.
     Vous seriez donc d'accord pour que le gouvernement oblige les clients de ces entreprises — ce ne sont pas les entreprises qui sont taxées, mais les clients — à être également taxés pour les services qu'ils reçoivent. Essentiellement, il n'y a aucune raison pour que ces gens ne soient pas taxés non plus.
    Nous attendons encore les retombées. De la somme d'argent qui sera investie, combien ira à ce qui va être fait en français?
    Pour terminer, je dirai que la BBC facture une taxe de 261 $ par année à chaque maison qui possède un téléviseur. Les gens ne reçoivent donc pas gratuitement le signal télévisé qui, au Canada, est subventionné de façon beaucoup plus importante que Radio-Canada.
    Il y a donc une différence fondamentale parce qu'il y a une taxe spécifique en fonction de ce service, pour s'assurer qu'un revenu va à cette entreprise.
    Merci beaucoup de ces commentaires, M. Généreux.
     Je remercie les témoins de l'éclairage qu'ils ont apporté au Comité. Merci beaucoup d'être venus nous rencontrer aujourd'hui.
    Nous vous remercions de nous avoir reçus.
    Au nom de tout le monde, je vous dis un grand merci.
     Nous allons maintenant suspendre la séance pour quelques minutes.
(1630)

(1635)
     Avec votre permission, nous allons reprendre la séance.
    Conformément à l'article 108(3) du Règlement, nous poursuivons notre étude de l'examen des programmes d'appui pour la littératie et la numératie au Canada.
    Nous avons le plaisir de recevoir Mme Monika Bertrand, directrice générale de la Direction de l'élaboration de la conception de politiques des programmes d'emploi au ministère de l'Emploi et du Développement social, ainsi que M. Éric Perreault, gestionnaire, Bureau de l'alphabétisation et des compétences essentielles.
    Madame, monsieur, je vous souhaite la bienvenue au Comité.
    Nous allons procéder comme à l'habitude en vous accordant une dizaine de minutes pour que vous fassiez votre présentation. Ensuite, nous ferons un tour de table pour que les membres du Comité puissent vous poser des questions et formuler des commentaires.
    Madame Bertrand, vous avez la parole.
(1640)
    C'est un grand plaisir pour mon collègue et pour moi-même d'avoir aujourd'hui le privilège de prendre la parole devant le Comité permanent des langues officielles, surtout sur un sujet aussi important que le développement des compétences dans les communautés linguistiques officielles en situation minoritaire, les CLOSM.
    Je suis accompagnée de M. Éric Perreault, qui est l'expert, au ministère, en ce qui touche la programmation, l'alphabétisation et les compétences essentielles et aussi dans l'engagement avec nos partenaires, incluant les CLOSM. D'ailleurs, comme vous pouvez le constater par l'engagement du ministère dans la Feuille de route 2013-2018, la vitalité des communautés linguistiques officielles en situation minoritaire est un enjeu très important.
    Aujourd'hui, j'aimerais bien vous parler un peu de l'engagement de notre ministère dans la feuille de route, mais surtout de celui de notre direction générale, de l'importance des compétences essentielles pour le marché du travail et la vitalité des CLOSM, des changements stratégiques au fil des années, ainsi que des prochaines étapes.
    Le ministère a investi environ 80 millions de dollars sur cinq ans, afin de soutenir trois initiatives qui font partie de la feuille de route: le Fonds d'habilitation pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire, l'Initiative de partenariat social dans les CLOSM et — ce qui nous intéresse un peu plus aujourd'hui, c'est notre expertise — l'Initiative d'alphabétisation et d'acquisition des compétences essentielles dans les CLOSM.
    Les programmes d'alphabétisation et les compétences essentielles visent à reproduire des bonnes pratiques pour le perfectionnement des compétences. Nous faisons aussi des investissements dans des approches novatrices pour améliorer la qualité de l'emploi et des mesures de soutien à la formation. Nous ne occupons pas de fournir des services. Dans le cadre de la plus récente feuille de route, les activités financées par cette initiative sont axées sur les compétences en emploi.
    J'aimerais parler de l'importance du lien entre l'emploi et les compétences essentielles. La majorité des Canadiens, soit les deux tiers, travaillent et participent au marché du travail. Ce sont des gens qui travaillent ou qui souhaitent travailler. Selon le Programme pour l'évaluation internationale des compétences des adultes, le seul programme qui évalue le niveau des compétences des individus, les Canadiens ayant un emploi ont un meilleur niveau de littératie que les gens sans emploi, et ces derniers obtiennent aussi un meilleur résultat que les Canadiens qui ne font aucunement partie la population active.
    Nous parlons beaucoup du niveau 2. Le niveau 2 de littératie, c'est le minimum souhaitable pour apprendre et pour travailler. Il y a donc une très forte corrélation entre l'emploi et le niveau des compétences.
    En ce qui concerne les Canadiens qui font partie de la population active, on sait aussi que ceux qui ont un niveau élevé des compétences essentielles ont de meilleurs résultats sur le marché du travail. On sait que les gens ayant un niveau élevé de compétences essentielles parviennent mieux à trouver un emploi. Leurs revenus sont plus élevés. On sait aussi que certains emplois nécessitent de plus en plus de compétences essentielles. D'un autre côté, les travailleurs qui ont un faible niveau de compétences risquent davantage de perdre leur emploi et d'être au chômage à long terme. Ils ont aussi de la difficulté à obtenir des nouvelles compétences pour s'orienter vers d'autres emplois.
    L'alphabétisation et les compétences essentielles sont des enjeux importants pour tous les Canadiens, mais il le sont encore plus dans le contexte des CLOSM. Les populations de langue officielle en situation minoritaire ont tendance à ne pas obtenir d'aussi bons résultats que le reste des Canadiens.
    Au niveau national, selon la situation géographique, presque 52 % des francophones vivant hors du Québec obtiennent le niveau 2 ou moins en littératie.
    Il y a cependant aussi des différences régionales. Quelques différences sont plus marquées que d'autres. Au Nouveau-Brunswick, par exemple, il y a des différences importantes comparativement au niveau national. Les facteurs comme l'âge, le sexe et le niveau d'éducation en général augmentent l'écart entre les deux groupes linguistiques.
(1645)
    L'engagement du gouvernement du Canada en vertu de la feuille de route vise à renforcer la vitalité des communautés de langue officielle en situation minoritaire. Je pense que nous pouvons nous entendre pour dire que le développement économique est un élément clé pour développer et maintenir cette vitalité. Les efforts pour stimuler l'économie et tirer profit des possibilités économiques dépendent en grande partie de la capacité à attirer des employeurs et à développer l'entrepreneuriat. Le point de départ de cette équation est l'accès à une main-d'oeuvre qualifiée et son développement. C'est aussi la qualité de vie pour cette communauté et ses membres. La vitalité est renforcée si les membres de cette communauté travaillent et ont des revenus suffisants et une bonne éducation.
    En ce qui nous concerne, l'alphabétisation et les compétences sont essentielles au travail et au soutien du développement de programmes de formation et de compétences essentielles. Ces compétences sont à la base des besoins des employeurs pour qu'ils puissent prospérer et croître.

[Traduction]

    Depuis quelques années, les gouvernements mettent de plus en plus l'accent sur l'atteinte de résultats. Compte tenu de cette insistance croissante sur les résultats, le gouvernement en général, y compris Emploi et Développement social, délaisse le financement de base au profit du financement par projet pour bon nombre de programmes.
    Nous l'avons fait en 2014. Nous avons pris la décision de passer du financement de base au financement par projet qui permet à un plus large éventail d'organisations d'être prises en considération pour le financement. Cela améliore la transparence, parce que vous devez évidemment présenter une demande de financement. Cela évite aussi de donner aveuglément des fonds à des organisations sur une base continue.
    Vient ensuite la communication des résultats. Lorsque nous avons recours au financement par projet, nous définissons très clairement les attentes dans les accords. Nous définissons les résultats attendus. Nous avons des indicateurs de rendement dans nos accords, et il y a toujours une communication des résultats.
    L'élimination du financement de base faisait partie d'une démarche à l'échelle du gouvernement du Canada axée sur les résultats et l'exécution, et cela ne visait pas une organisation en particulier. Bien entendu, lorsque nous avons mis fin au financement de base, une importante plainte a été déposée auprès du Commissariat aux langues officielles. La plainte avançait qu'EDSC ne répondait pas aux besoins en matière d'alphabétisation des communautés de langue officielle en situation minoritaire, parce que le ministère ne reconnaissait pas les réalités et les défis propres à ces communautés et la façon dont ils diffèrent de ceux des communautés de langue officielle en situation majoritaire. Le rapport final du Commissariat aux langues officielles a été reçu en octobre.
(1650)
    EDSC est d'accord avec les recommandations. Les recommandations étaient de réévaluer l'orientation et les critères d'admissibilité du ministère quant au financement en matière d'alphabétisation et d'acquisition des compétences essentielles pour mieux tenir compte des besoins et des priorités propres aux communautés de langue officielle en situation minoritaire dans ce domaine, évaluer les conséquences de l'élimination du financement de base pour le RESDAC et son réseau dans les provinces et les territoires et prendre les mesures adéquates pour en atténuer les conséquences.
    Nous avons dans le cadre de ce rapport et dans le cadre des constatations qui sont tirées de nos évaluations régulières... C'est évidemment un rapport très important, mais nous évaluons continuellement nos programmes. Notre plus récente évaluation nous a permis de constater, en ce qui concerne nos programmes d'alphabétisation et d'acquisition des compétences essentielles, que le rôle du gouvernement fédéral est très important, que de tels programmes sont nécessaires et que les résultats de nos projets sont positifs, mais que nous pouvons en faire davantage.
    Nous pouvons en faire plus, et nous devons le faire. Nous avons déjà commencé à collaborer avec l'Université d'Ottawa à cet égard. Nous avons demandé aux chaires de recherche sur la francophonie canadienne de l'Université d'Ottawa de cerner les besoins en alphabétisation et en compétences essentielles des adultes vivant dans les communautés de langue officielle en situation minoritaire. Le rapport final est attendu bientôt.
    Nous collaborons avec le RESDAC qui mène le projet d'impact collectif. Une présentation a été faite.
    Nous collaborons avec le RESDAC et d'autres intervenants des communautés de langue officielle en situation minoritaire pour échanger de l'information sur nos initiatives de recherche respectives.

[Français]

     Madame Bertrand, nous allons essayer de garder un peu de temps pour les membres du Comité.
    D'accord.
    Personnellement, j'aurais aimé vous entendre parler davantage d'alphabétisation et peut-être moins des compétences essentielles.
    Je ne veux pas donner le ton aux questions ou aux commentaires de mes collègues, alors nous allons poursuivre immédiatement avec M. Bernard Généreux.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie, monsieur Perreault et madame Bertrand.
    Madame Bertrand, en 2014, avez-vous reçu une commande politique? Sinon, est-ce le ministère qui a décidé de faire le changement et de procéder par projet au lieu de procéder par financement de base? Vous pouvez répondre par oui ou par non. Était-ce une commande politique ou non? Si c'en était une, je vais vivre avec la réponse. Ce n'est pas un problème.

[Traduction]

    En général, je crois qu'il y a eu un effort en vue de mettre l'accent sur les résultats et l'exécution. Je ne peux pas vous dire si c'est une décision politique ou ministérielle, parce que je n'étais pas là à l'époque. Pour ce qui est de mettre l'accent sur les résultats, je présume que c'est le souhait général des politiciens et des fonctionnaires.
    Le souhait du ministre était d'avoir des résultats. Si je vous ai bien compris, vous venez de dire que le RESDAC et les autres, étant donné qu'ils ne sont pas les seuls à avoir perdu du financement à l'époque... N'ont-ils pas investi correctement l'argent? Quel était le problème avec ces organismes?

[Français]

    Quand on fait du financement de base — je ne vise aucune organisation en particulier —, c'est généralement beaucoup plus difficile d'exprimer des résultats concrets que lorsqu'on procède par financement de projet.
    Quelle est la différence?
    Le rôle du RESDAC avait souvent trait au partage d'information et à la mobilisation. C'est beaucoup plus difficile, surtout avec des résultats quantitatifs, de dire que cela a coûté tel montant, que cela a donné tel résultat, par exemple, et que cela a formé tant de personnes. Cependant, c'est beaucoup plus facile de le faire quand il s'agit de projets.
    Puisque le RESDAC est un réseau, ce n'est pas lui qui offre des services, mais bien l'ensemble de ses membres. Vous dites que vous n'étiez pas en mesure d'évaluer l'ensemble des résultats obtenus par les membres du RESDAC.
    N'y avait-il pas des mesures quantitatives et qualitatives permettant de voir les résultats obtenus grâce à l'argent que vous avez dépensé?
(1655)
    Nous avions certaines mesures, mais elles étaient beaucoup plus qualitatives que quantitatives de par la nature des activités. Je dis surtout que, quand on investit des fonds dans des projets, c'est beaucoup plus facile d'en présenter les résultats.
    À cette époque, le fait d'avoir à choisir entre les deux types de financement peut avoir eu une incidence au moment de prendre des décisions.
     Monsieur Perreault, étiez-vous là en 2014?
     Mme Bertrand dit pour sa part qu'elle n'y était pas.
    J'étais au ministère, mais pas au Bureau de l'alphabétisation et des compétences essentielles.
    Vous considérez que ces programmes, comme le disait Mme Bertrand, sont très importants dans les communautés en situation minoritaire. En effet, ils permettent d'améliorer la littératie et de former des gens afin qu'ils puissent intégrer le marché de l'emploi, démarrer une entreprise, et ainsi de suite.
     Dans les documents que j'ai reçus, on parle des feuilles de route. Il y a celle de 2013-2018 et il y avait eu avant cela celle de 2008-2013. Il y a donc 10 ans déjà qu'on fonctionne avec des feuilles de route.
    Êtes-vous en mesure de faire la distinction entre les fonds qui ont été alloués dans le cadre d'un financement de base et ceux octroyés directement à des projets?
    Pouvez-vous nous fournir des résultats quantitatifs qui nous permettraient de voir la différence entre les deux? Y a-t-il une preuve de cela?
    Je ne dispose pas de données quantitatives précises là-dessus. En général, nous sommes en mesure de préciser le nombre de Canadiens qui, dans le cadre de notre programme, ont reçu de la formation, ou le nombre d'organisations qui ont offert de la formation en matière de compétences essentielles.
    Ce genre de chose était beaucoup plus difficile à réaliser lorsque nous fournissions du financement de base. Mon but n'est pas de dénigrer ce dernier. En effet, le financement de base avait sans doute de bons côtés, mais il était beaucoup plus difficile à articuler.
    D'autres ministères et organismes octroient encore du financement de base. Dois-je comprendre, pour ce qui est du financement que vous avez accordé ou de l'argent que vous avez avancé à gauche et à droite, à diverses organisations, que les autres ministères ne sont pas non plus en mesure de fournir des résultats quantitatifs relativement à l'argent qu'ils reçoivent?
    Je ne peux pas me prononcer sur ce que font les autres ministères, mais ce que je veux dire...
    Vous savez que divers ministères accordent du financement de base à d'autres organisations.
     Cela n'a pas donné de résultats dans votre cas, alors comment cela pourrait-il en donner ailleurs? Je veux savoir s'il y a une différence.
    Madame Bertrand, si j'ai bien compris, le ministère est en train de revoir sa position à l'égard du RESDAC. Est-ce en effet le cas?

[Traduction]

    Comme je l'ai mentionné, nous sommes d'accord avec les recommandations, et cela cadre avec ce que le ministère entreprend. L'une des plaintes était que le ministère n'avait pas consulté la communauté avant de prendre la décision. À l'avenir, nous nous engageons à consulter les intervenants. Nous consultons régulièrement le RESDAC. Toutefois, en mars, par exemple, nous tiendrons également des consultations très ciblées avec des organismes représentant des communautés de langue officielle en situation minoritaire. Il n'y a pas seulement le RESDAC; il y en a évidemment d'autres, et nous devons entendre leur voix. Un rapport sera ensuite publié. Nous prendrons notre décision quant à la suite des choses en nous fondant sur les résultats de ces vastes consultations.

[Français]

    Merci, monsieur Généreux.
    Paul Lefebvre retrouve son droit de parole.
    Monsieur Lefebvre, vous avez la parole.
     Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie beaucoup d'être parmi nous aujourd'hui.
    Madame Bertrand, vous venez de dire que d'autres organismes faisaient le genre de travail accompli par le RESDAC. La semaine dernière, des représentants de ce réseau nous ont dit que plus personne n'y travaillait, à part des bénévoles. J'aimerais savoir qui fait le travail du RESDAC à l'heure actuelle.
    En fait, quand on dit que d'autres groupes font le même travail que celui du RESDAC, ce n'est pas tout à fait exact.
    Le RESDAC était probablement assez unique dans sa niche, en tant qu'organisation nationale au service de ses membres avant tout. Ce qu'on veut dire, c'est que plusieurs organisations au pays offrent des services en matière de développement de l'alphabétisation.
(1700)
    Oui, mais ils n'offrent pas ces services aux membres des communautés de langue officielle en situation minoritaire.
     Dans chaque province, il y a tout de même certains organismes qui offrent des services dans ce contexte.
    Y a-t-il un lien direct entre votre bureau et toutes ces agences provinciales.?
    Ce ne sont pas nécessairement des agences provinciales.
    En fait, je voulais parler d'organisations.
    Il y a des organisations caritatives. Nous discutons avec tous ces gens en vue de déterminer quelle serait la meilleure façon d'investir dans ce domaine.
    À votre avis, a-t-on besoin du RESDAC?
     En fait, j'ai hâte aux consultations, pour entendre ce que les communautés ont à dire à ce sujet.
    Par le passé, nous avons pris des décisions qui, selon le commissaire, ne tenaient pas suffisamment compte de ce que les communautés disaient. Nous avons donc l'intention de les écouter avant de prendre position.
    Si j'ai bien compris, en 2014, la décision a été de changer le financement de base pour le financement de projet. Tout à coup, on ne finance plus les projets du RESDAC. Le RESDAC n'a donc plus de financement et il n'existe plus ou est, à tout le moins, dans une situation plus que précaire. Il attend de voir ce qui va arriver dans les prochains mois.
    Comme vous venez de le dire, vous n'avez pas fait de consultations et vous avez changé la formule. Si vous êtes les responsables fédéraux en charge de l'alphabétisation et d'assurer l'alphabétisation des gens de nos communautés, avez-vous également déterminé qu'il y a un grand besoin en matière d'alphabétisation?
    Si vous avez décidé de ne plus financer le RESDAC, je ne comprends pas quelle était la stratégie pour combler ce manque. Les others, que Mme Bertrand a mentionnés, n'existaient pas au sein des langues officielles. Quel était votre plan?
    Si vous me le permettez, je vais préciser ce qu'on entend par others. En fait, nous avons remplacé le financement de base par du financement de projets. Dans nos appels d'offre, nous avons mis l'accent sur une certaine quantité de projets qui...
    Le défi du financement de projet est le suivant. Vous dites qu'un organisme doit soumettre une demande de financement chaque fois qu'il a un nouveau projet. Lorsqu'un organisme existe seulement pour faire une chose, c'est clair qu'il ne pourra jamais survivre. Vous avez fait appel à des organismes qui ont plusieurs façons d'obtenir des fonds. Ces organismes sont capables de survivre. Ils font une demande à un endroit pour un programme et ils reçoivent de l'argent, puis ils peuvent aller voir à un autre endroit pour obtenir d'autre argent. C'est ainsi qu'ils survivent.
    Le RESDAC, pour sa part, existe seulement pour l'alphabétisation au sein des communautés de langue officielle en situation minoritaire. Maintenant que vous accordez du financement par projet, après deux projets que le RESDAC soumet, vous lui répondez qu'il fait la même chose. Or c'est la raison précise pour laquelle il existe. Je ne comprends pas comment on peut justifier et appuyer l'application de ce type de stratégie à ce genre d'organisme.
    Arrivez-vous au même constat que moi?
    Ce dont il faut tenir compte, c'est qu'il y a eu certaines consultations. Comme Mme Bertrand le disait plus tôt, le financement de base n'a pas pris fin pour le RESDAC seulement. À l'époque, 23 organisations oeuvraient dans le domaine des compétences essentielles et de l'alphabétisation. Selon la stratégie, les fonds alloués à ces organisations allaient être mis à leur disposition par voie d'appels d'offres.
    Combien reste-t-il d'organisations? Il me semble qu'il y en avait 23.
    C'est ce qu'il vient de dire.
    Il y avait 23 organismes. Existent-ils toujours?
    Certains organismes ont fermé leurs portes.
    À cause de quoi?
    C'est entre autres parce que le financement à cessé, effectivement.
    Des 23 organismes, combien ont fermé leurs portes? Est-ce deux, trois ou quatre?
    Malheureusement, je ne suis pas en mesure de vous le dire.
    D'accord.
    Madame Bertrand, ce que je retiens surtout de vos commentaires, c'est qu'on peut faire plus. C'est ce que vous avez dit. Au moins, vous faites preuve d'ouverture. Cependant, je remets énormément en question la philosophie de votre ministère ou sa stratégie d'arrêter le financement et de procéder à une réévaluation par la suite. Habituellement, on fait cela pendant que l'organisme offre des services, et non pas quand les services n'existent plus.
    L'ancienne directrice générale du RESDAC occupe désormais un autre emploi. Le RESDAC doit alors recommencer à zéro et embaucher une autre personne. Le problème du financement par projets, c'est qu'on embauche des gens pour travailler à un projet, mais on doit repartir à zéro une fois que celui-ci a pris fin.
     À mon avis, c'est une stratégie qui n'assure pas de continuité. Pour les communautés en situation minoritaire, la pire chose, c'est qu'il n'y ait pas de continuité et qu'on rompe l'approbation et le soutien. Il faut savoir cela, comprendre la réalité des communautés en situation minoritaire et devenir leurs champions dans différents secteurs. Je trouve cela vraiment dommage. À mon avis, votre stratégie est aberrante, et j'espère qu'il sera possible de trouver une bien meilleure approche.
    J'aimerais soulever une dernière chose...
(1705)
    Merci beaucoup, monsieur Lefebvre.
    J'ai utilisé seulement 5 minutes et 21 secondes de mon temps de parole.
    Vous avez pris la parole pendant 5 minutes et 50 secondes.
    Monsieur Choquette, la parole est à vous.
    Je voudrais juste dire que les propos de M. Lefebvre sont très sensés et illustrent bien ma façon de penser.
    Je ne sais pas si vous pourrez répondre à ma question, mais vous devriez pouvoir le faire. Combien d'organismes de langue officielle en situation minoritaire financez-vous présentement?
     Nous avons probablement une quinzaine de projets.
    Cela fonctionne donc par projets.
    Oui, cela fonctionne par projets.
    Est-ce que ce sont des projets par et pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire?
    Je veux d'abord préciser que ces quinze projets ne se font pas nécessairement dans des communautés de langue officielle en situation minoritaire.
    C'est pourquoi je le précisais dans ma question.
    Présentement, je crois qu'il y a deux de ces projets en cours.
    Ils sont faits par et pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire.
    Oui.
    D'accord.
    Je sais que vous n'étiez peut-être pas là, mais, en général, quand vous faites vos réflexions sur les changements financiers, et avant de prendre des décisions de financement, vous souciez-vous des conséquences que cela peut avoir sur les communautés de langue officielle en situation minoritaire?
    La réponse est oui, pour ce qui est des décisions qui ont été prises en 2014.
    D'accord, mais en général, le faites-vous?
    Oui, en général, nous nous penchons là-dessus, effectivement, parce que nous avons tout de même plusieurs populations cibles.
    D'accord. Je me pose cette question, parce que vous en avez vous-même parlé.
     Les représentants du Commissariat aux langues officielles ont mentionné que vous n'aviez pas respecté la partie VII de la Loi sur les langues officielles. Ils vous ont donné trois mois pour mettre en place deux recommandations. D'après ce que je comprends, vous acceptez ces deux recommandations, ce qui est très bien, et vous commencez à les mettre en place.
    Pouvez-vous nous expliquer en détail comment vous comptez réaliser et mettre en place les deux recommandations du Commissariat aux langues officielles?
    Voici ce que nous faisons présentement. Nous avons prévu une consultation à la mi-mars. Nous élaborons cette consultation en collaboration avec un comité qui vient du RESDAC, et même avec des gens qui ne sont pas nécessairement du RESDAC. Nous n'imposons donc pas le style de la consultation, nous le faisons en collaboration avec ces groupes.
    Nous prévoyons nous rencontrer à la mi-mars pendant deux jours justement pour déterminer ensemble ce que devrait être l'avenir et, ce faisant, réévaluer les orientations dans le contexte des CLOSM et les critères de financement.
    Nous allons parler de l'impact négatif que l'élimination du financement de base a pu avoir sur le RESDAC et essayer d'évaluer ensemble la façon d'aller de l'avant.
    Évidement, vous allez parler du financement de base.
    Le Plan d'action pour les langues officielles s'en vient. Votre rôle n'était pas nécessairement lié à l'ancien Plan d'action. Si ma mémoire est bonne, l'alphabétisation ne faisait pas partie de l'ancien Plan d'action. Est-ce que je me trompe?
    Nous faisions partie de ce plan d'action, mais c'était surtout dans le but de travailler de façon horizontale avec nos autres partenaires. Présentement, le Bureau de l'alphabétisation et des compétences essentielles, le BACE, prévoit travailler avec les communautés, que ce soit dans le cadre du Plan d'action ou non.
    Présentement, parlez-vous tous les jours avec les fonctionnaires ministère du Patrimoine Canadien pour savoir comment cela va fonctionner en vertu du nouveau Plan d'action?
    Vous allez faire une consultation à la mi-mars. Vous dites que l'alphabétisation faisait partie du Plan d'action. Demandez-vous si le financement va suivre? Aviez-vous décidé de fonctionner avec des projets plutôt qu'avec un financement de base? Parlez-vous avec le ministère du Patrimoine canadien ou avec le Conseil du Trésor pour savoir ce qui se passe?
    Dans le cas du BACE, le financement vient de son propre programme. Il ne dépend donc pas nécessairement du Plan d'action.
    Il est indépendant du Plan d'action, d'accord.
    Nous pouvons donc nous permettre d'avancer dans le contexte de l'alphabétisation et des compétences essentielles en collaboration avec les autres programmes, mais sans nécessairement...
    J'ai entendu dire que, tous les ans, il vous reste de l'argent dans vos coffres. L'argent est donc là, prêt à être investi dans les communautés de langue officielle en situation minoritaire. Comment se fait-il que vous sachiez qu'il vous reste de l'argent à investir dans les communautés et que vous attendiez encore la conclusion d'autres consultations? Je comprends qu'il faut faire les choses comme il faut.
(1710)
    C'est certain. Il y a des processus à respecter.
    Toutefois, ce n'est pas une question d'argent. Il y a de l'argent dans vos coffres.
    Ce n'est pas le manque de fonds qui nous retient, non.
    D'accord. C'est important quand même de bien comprendre cette situation.
    Vous semblez être sur la bonne voie. À quoi ressemble votre échéancier? Il y aura des consultations au mois de mars. Que se passera-t-il entre-temps?

[Traduction]

    Entretemps, nous avons évidemment des projets en cours. Nous avons également recours aux appels de proposition ou à la sollicitation ciblée de demandes. Nous continuerons de fournir du financement aux organismes pour mener à bien des initiatives novatrices ou mettre à l'essai des approches novatrices en matière d'alphabétisation et d'acquisition de compétences essentielles et contribuer à renforcer et à intégrer les bonnes approches qui donnent de bons résultats dans d'autres communautés.

[Français]

     Madame Bertrand, je m'excuse de vous interrompre, mais il ne me reste pas beaucoup de temps.
    Vous allez discuter avec les communautés et le RESDAC. Quand allez-vous revenir au Comité pour nous faire part des propositions qui en seront ressorties? Est-ce que ce sera en juin?

[Traduction]

    Étant donné que les consultations auront lieu en mars, je dirais que ce sera l'été. Comme nous avons des processus internes, l'élaboration des options, des idées, des breffages, etc. prend évidemment du temps, mais je crois que d'ici l'été nous aurons probablement une meilleure idée des prochaines étapes.

[Français]

    Merci, monsieur Choquette.
    Monsieur Vandal, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Selon les chiffres que j'ai, entre 2003 et 2014, le ministère a dépensé 1,5 million de dollars chaque année pour l'alphabétisation dans nos communautés de langue officielle en situation minoritaire. De ce montant, savez-vous quelle partie est allée au RESDAC et quelle partie est allée à d'autres organisations?
    À l'époque où le RESDAC avait un financement de base, il recevait environ 600 000 $ par année. Il pouvait aussi recevoir du financement par projet, et le reste pouvait être alloué à d'autres organisations dans les communautés linguistiques.
    Cela faisait partie de l'enveloppe de 1,5 millions de dollars.
    En 2015, ce montant a diminué à 1 million de dollars. Où sont allés les autres 500 000 $?
    En fait, la somme de 1,5 million de dollars était une moyenne. Les dépenses variaient d'une année à l'autre, selon le cycle des projets ou du temps d'approbation de ceux-ci. Ce n'est pas toujours régulier comme une horloge, malheureusement.
    On vient de dire que les besoins des communautés de langue officielle sont plus grands que ceux des autres communautés, selon les faits que vous avez présentés.
    Des gens m'appellent chez moi, à Saint-Boniface, pour me demander ce qui se passe et pourquoi ils doivent renvoyer leurs employés. Je n'ai pas de réponse à leur donner.
    Quelle est votre réponse?
    Nous suivons le processus interne d'approbation des projets du ministère. Nous bougeons aussi vite que nous le pouvons.
    Il n'y a encore pas de chiffres pour l'année 2016. Avez-vous une idée de ce que vous avez dépensé? Est-ce moins de 1 million de dollars?
    C'est difficile à dire parce que les chiffres ne sont pas encore compilés, mais je pense que ce sera environ 1 million de dollars. Cela reste à confirmer.
    Je donne le reste de mon temps de parole à M. Samson.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais prendre un peu de temps pour...
    Vous utilisez le reste du temps de parole de M. Vandal.
    Combien de temps me reste-t-il?
    Trois minutes et demie.
    Ma remarque ne s'adresse pas à vous personnellement, mais je suis extrêmement déçu de ce que j'ai entendu aujourd'hui. Cela m'inquiète énormément. Je vais poser des questions rapidement parce que je n'ai pas beaucoup de temps. Je vous demanderais d'y répondre par oui ou par non.
    Vous avez dit qu'un financement par projet atteint davantage ses objectifs qu'un financement de base.
    C'est plus facile à articuler.
    D'accord.
    Vous avez dit qu'avec le RESDAC, il y avait une certaine coordination, mais que maintenant, il n'y en a plus. Il n'y a que deux projets. Est-ce à dire qu'on travaille davantage en vase clos maintenant?
(1715)
    C'est possiblement le revers de la médaille.
    C'est une très bonne réponse.
    Il y avait 21 organismes, et maintenant, il n'y a que deux projets. Quels sont ces deux projets?
    Il y en a un avec la Coalition ontarienne de formation des adultes et un autre avec l'organisme AIDE, qui évalue l'incidence des compétences essentielles sur les nouveaux arrivants dans les communautés francophones.
    Pensez-vous qu'on aide les gens en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick, à l'Île-du-Prince-Édouard, à Terre-Neuve-et-Labrador, en Alberta et en Colombie-Britannique? Non, mais les 21 organismes les aidaient directement.
    C'est une question qui a déjà été posée, mais je veux confirmer la réponse. Quelle est la stratégie ou la lentille que vous utilisez pour que les communautés en situation minoritaire profitent de vos projets?
    Notre stratégie consistera à faire une très bonne consultation au mois de mars.
    Au mois de mars?
    Oui.
    Les 21 organismes n'existent plus et il ne reste que deux projets. Les communautés sont affaiblies. Les organismes ont été affaiblis ou éliminés, et maintenant, on fait de la consultation. C'est incroyable!
    Ce n'est pas vous que j'accuse. C'est peut-être quelqu'un d'autre qui a pris les décisions, mais sur le terrain, aujourd'hui, c'est un désastre. Le RESDAC est un organisme parmi d'autres qui faisait de la coordination et qui assurait la vitalité et la pérennité des communautés en situation minoritaire. Or ces communautés ont été affaiblies par ces pertes.
    Les communautés en situation minoritaire, au Manitoba ou ailleurs, se sont-elles épanouies davantage ou ont-elles été affaiblies par ce changement?

[Traduction]

    Ce sont d'excellentes questions. J'ajouterais que nous mettons l'accent sur notre très petite contribution fédérale. Je crois qu'il ne faut pas oublier que ce sont les provinces et les territoires qui investissent la part du lion dans l'alphabétisation et l'acquisition des compétences essentielles. Dans notre travail avec les provinces et les territoires, il y a une grande collaboration, et nous investissons près de 3 milliards de dollars dans les programmes provinciaux et territoriaux. Au cours des six prochaines années, nous investirons environ 20 milliards de dollars dans les programmes et les services provinciaux et territoriaux. Il ne fait donc aucun doute que le gouvernement fédéral a une certaine responsabilité, mais nous collaborons aussi avec les provinces et les territoires dans le cadre de nos projets.
    Très bien.

[Français]

     Cependant, l'argent est alloué aux organismes anglophones, qui ne le redistribuent pas nécessairement aux communautés francophones. C'est là que se situe le problème.
    Merci beaucoup, monsieur Samson.
    Nous allons passer à Mme Lapointe.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Plus tôt, monsieur Perreault, vous avez dit travailler de façon horizontale avec d'autres partenaires.
     Quels sont ces partenaires?
    Dans un premier temps, cela se fait à l'intérieur même du ministère. En effet, des programmes autres que le Bureau de l'alphabétisation et des compétences essentielles travaillent avec les communautés de langue officielle en situation minoritaire. C'est notamment le cas du Fonds d'habilitation pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire, qui se concentre davantage sur le développement économique.
    Vous travaillez de façon horizontale à l'intérieur de votre ministère ou avec d'autres ministères?
    Dans un premier temps, c'est à l'intérieur du ministère. Il est plus facile d'y coordonner nos approches. Par ailleurs, nous tenons des discussions — à ce stade, il s'agit en effet surtout de discussions — avec les gens du ministère du Patrimoine canadien. Nous en avons tenu également avec ceux d'Industrie Canada.
    Est-ce que ce sont les gens du ministère du Patrimoine canadien qui vous demandent de vous assurer de la vitalité linguistique des minorités?
    Non.
    C'est donc vraiment une initiative de votre ministère. Très bien.
    Madame Bertrand, vous avez dit plus tôt que la prestation de services n'était pas de votre ressort. Vous avez dit également que beaucoup de travail était fait par les territoires et les provinces.
     Est-ce à dire que la prestation de services passent par le système d'éducation provincial des minorités linguistiques?
    Pour ma part, je représente une circonscription située dans la région de Montréal. La minorité linguistique y est anglophone. Comment pouvons-nous faire progresser la littératie du côté anglophone et nous assurer que les gens obtiennent un niveau 2? Vous en parliez plus tôt.

[Traduction]

    En ce qui a trait aux programmes provinciaux, nous avons recours à des accords de transfert pour remettre le financement aux provinces et aux territoires. Il s'agit donc de programmes provinciaux, et les programmes provinciaux ne relèvent pas de la Loi sur les langues officielles.
    Cela étant dit, dans chaque accord que nous avons, il y a des dispositions sur les langues officielles, et les dispositions sur les langues officielles de ces accords prévoient qu'une province ou un territoire offrira, dans une région où il y a une demande importante, des services aux clients dans la langue de leur choix. Nous rencontrons deux fois par année les provinces et les territoires et nous leur demandons s'ils sont au courant des besoins de leurs communautés de langue officielle en situation minoritaire et la façon dont ils répondent aux besoins de ces communautés.
(1720)

[Français]

    Vous parlez des provinces, mais de votre côté, comment évaluez-vous les compétences de la minorité sur le plan linguistique?
     J'imagine que c'est par l'entremise du recensement. Dans ce contexte, les gens précisent quel niveau d'instruction ils ont atteint, par exemple le primaire ou le secondaire.
    Comment évaluez-vous les niveaux de compétence?
    En fait, cela se fait par l'intermédiaire du Programme pour l'évaluation internationale des compétences des adultes, le PEICA, un programme d'évaluation des niveaux de compétence. Ce programme est conçu par l'OCDE.
    Ce programme va-t-il pouvoir assurer l'évaluation dans l'ensemble du Canada?
    Oui, absolument.
    Pourra-t-il le faire même dans le cas des minorités linguistiques?
    Cela n'a peut-être pas été fait dans toutes les provinces — et je m'avance un peu en disant cela —, mais je pense que certaines provinces spécifiques ont été ciblées quant à l'évaluation des communautés linguistiques.
    J'ai lu plus tôt dans votre document que les besoins n'étaient pas les mêmes au Québec. Or nous sommes allés en Estrie et avons constaté que, dans les grandes régions où les minorités linguistiques étaient très séparées les unes des autres, les gens avaient tendance à fréquenter l'école moins longtemps et étaient aux prises avec des problèmes semblables à ceux que vous avez exposés plus tôt. Moins ils étaient instruits, plus il leur était difficile de conserver un emploi. Tous les problèmes étaient liés à cela. Vous avez affirmé que cela ne s'appliquait pas au Québec, mais je peux vous dire, en me basant sur ce que nous avons vu et entendu lors de notre visite en Estrie, que ce n'est pas exact. Je crois par conséquent qu'il serait bon de réviser cet énoncé.
     Si vous me le permettez, je dirais que la réalité est quelque peu différente au Québec, mais il y a effectivement un contexte de communauté linguistique minoritaire qu'il ne faut pas négliger. Je suis d'accord avec vous.
    D'accord.
    Monsieur Samson, aviez-vous une autre question à poser?
    Oui, mais mon tour s'en vient, alors vous pouvez continuer.
    D'accord.
    Je vous remercie beaucoup.
    La parole est maintenant à Mme Sylvie Boucher.
    Bonjour.
    J'ai beaucoup aimé que mon confrère Bernard Généreux vous demande, plus tôt, si le changement d'orientation en 2014 avait été une commande politique. Cela aurait pu nous mettre carrément la face dans la bouette, puisque c'était le Parti conservateur qui formait le gouvernement.
    Je vais donc vous poser de nouveau la question, mais en la transposant à aujourd'hui, en 2018: en ce qui concerne le RESDAC, est-ce une commande politique ou est-ce la volonté des fonctionnaires d'Emploi et Développement social Canada de faire les choses autrement?

[Traduction]

    Nous renforçons de manière générale les mesures de rendement et la communication des résultats dans l'ensemble de nos programmes. Nous le faisons pour une raison d'ordre analytique. Nous cherchons sans cesse à améliorer nos programmes et nos services aux Canadiens, et la seule manière d'y arriver est de mesurer le rendement et de communiquer les résultats et de recueillir les bonnes données et d'être en mesure de les analyser. Autrement, vous ne pouvez pas améliorer vos programmes et vos services.

[Français]

    Vous venez de me dire que, pour votre part, c'est ce que vous vouliez. Cependant, ce que nous avons compris des témoignages des représentants du RESDAC, c'est que, en milieu minoritaire, cette décision n'a été d'aucune aide. Cela a plutôt désorganisé les francophones hors Québec dans les petites municipalités. Je ne sais pas si c'est la même chose pour les communautés anglophones du Québec, parce que nous n'en avons pas beaucoup entendu parler. Je vais donc parler des francophones hors Québec.
    Nous sommes en 2018. Notre comité est formé de députés libéraux, conservateurs et néo-démocrates. Nous pourrions bien faire de la politicaillerie, mais ce n'est pas le cas, puisque nos communautés de langue officielle en situation minoritaire sont hyper importantes pour tout le monde.
    Il y a une chose que j'essaie de comprendre. Quand le gouvernement donnait du financement de base aux organismes, cela aidait certaines minorités linguistiques dans des communautés éloignées. Si le financement est maintenant accordé par projet, comment pouvez-vous évaluer les résultats de deux projets qui ne sont pas les mêmes? Comment pouvez-vous faire la distinction entre les deux?
(1725)
    Pour ce qui est des projets, — peut-être que je simplifie un peu trop les choses dans mon analyse —, j'aimerais donner l'exemple d'un projet actuel où des compétences essentielles seront intégrées dans le contexte d'un programme du milieu touristique. À la fin du programme ou du projet, nous serons en mesure de dire qu'un certain nombre de personnes ont été formées. À la suite de cette expérience, nous serons en mesure de dire si cela a été un succès, ce que nous espérons, et si ce modèle peut être répété. Nous pourrons dire que des partenaires se sont joints au projet et que des employeurs ont embarqué dans le projet.
    Cette histoire est plus concrète à raconter que celle d'une organisation qui a fait un bon travail de mobilisation. Je ne veux pas dire que le travail de mobilisation n'est pas nécessaire, mais pour ce qui est des résultats d'un projet, c'est une histoire plus facile à raconter et plus concrète. C'est plus tangible.
    Avez-vous des discussions avec votre ministre, c'est-à-dire le ministre Duclos, si je ne m'abuse? Avez-vous des discussions sur les langues officielles...
    C'est la ministre Hajdu? Excusez-moi, je les ai confondues. Je vous remercie de cette précision.
    Avez-vous des discussions avec la ministre sur la direction qu'elle veut prendre quant aux langues officielles?
    À notre comité, nous sommes tous des défenseurs des langues officielles. Pour ma part, je suis dans l'opposition. Mes collègues du parti qui forme le gouvernement se battent, eux aussi, pour les langues officielles.
    Avez-vous ce genre de discussions pour déterminer quelle est l'orientation à prendre avec la ministre en poste?
    Oui. Notre ministre est certainement au courant des consultations qui s'en viennent. Je pense qu'elle est impatiente de connaître les résultats de ces consultations et de prendre certaines décisions quand ce sera le temps.
    Je vous remercie.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Samson, vous avez trois minutes.
    Ce seront trois minutes utilisées de façon très efficace.
    Vous avez mis le doigt sur le problème. Vous avez indiqué qu'il vient du fait que les ententes sont conclues entre le gouvernement fédéral et les différentes provinces et que ces dernières distribuent les fonds comme elles le veulent. Par le passé, jamais un gouvernement fédéral n'a voulu demander des comptes aux provinces. C'est extraordinaire. Le gouvernement fédéral verse de l'argent aux provinces et reconnaît leur compétence en éducation, mais comme c'est son argent, il devrait pouvoir déterminer comment il sera dépensé jusqu'à un certain point. Les provinces qui refuseraient cela ne devraient pas recevoir de fonds. On n'a jamais fait cela, par le passé.
     Peut-être votre ministère devrait-il le faire maintenant. Je peux vous dire que cela vient d'être fait par le ministre Duclos en ce qui a trait aux fonds destinés à la petite enfance. Une entente bilatérale a été signée avec les provinces et elle prévoit qu'un certaine partie des fonds doit aller à la communauté. Or, quand il a été question d'ajouter cette disposition, il y a 12 mois, certains ont dit que ce n'était pas possible et qu'on ne pouvait pas empiéter sur les compétences des provinces. On peut empiéter sur les compétences. On l'a fait.
    Permettez-moi de vous raconter une petite histoire. En Nouvelle-Écosse, il y a le Centre provincial de ressources pédagogiques. Je lis ce que quelqu'un du Centre m'a écrit:
Il y a plus de 20 ans que le Centre provincial de ressources préscolaires (CPRPS) en Nouvelle-Écosse essaie d'accéder à un financement accordé à plusieurs centres de ressources à la famille partout au Canada [...] depuis 1993.
    Le Centre a déposé une plainte auprès du commissaire aux langues officielles, en 2012. Le commissaire a découvert que 2,1 millions de dollars avaient été dépensés dans les communautés, mais que rien n'était allé aux communautés en situation minoritaire. Dans son rapport d'enquête, voici ce que le commissaire déclare:
Sur les millions de dollars déjà dépensés depuis la création du PACE, les francophones ont reçu très peu: très peu de services, très peu également d'aide visant précisément à soutenir leur épanouissement et leur développement. En se butant à des services à la petite enfance offerts uniquement en anglais, il est probable que les jeunes francophones et leurs familles aient été exposés à un risque accru d'assimilation.
    Le commissaire a dit cela en 2012. La situation est grave. Vous voulez une consultation, vous en avez reçu une bonne, ici, aujourd'hui. Prenez ce qui a été dit et faites-en part à la ministre. Encore une fois, ce n'est absolument pas vous que je blâme, mais vous suivez les règles du jeu.
     De notre côté, nous avons la responsabilité d'assurer que les règles du jeu sont égales, parce que « égales » ne signifie pas « équitables ». L'un des témoins précédents a utilisé un exemple que j'ai beaucoup aimé. Il y a trois personnes de différente grandeur. Celle qui mesure 6 pieds peut voir un match de baseball par-dessus une clôture d'une hauteur de 5 pieds et demi. Celle qui mesure 5 pieds ne peut pas voir, ni celle qui mesure 3 pieds. L'égalité demande qu'on leur fournisse des bancs pour qu'ils puissent tous voir.
(1730)
    Merci beaucoup, monsieur Samson.
    Avant de terminer, j'aimerais faire quelques remarques.
    On ne parle pas beaucoup d'alphabétisation, mais on parle de compétences essentielles, entre autres.
    Je sais qu'il y a des années, le nombre de gens analphabètes au Canada était très élevé. J'aimerais que vous nous fournissiez le pourcentage actuel d'analphabètes au pays. Vous pouvez transmettre cette information à Mme la greffière.
    Quel est, à peu près, le pourcentage d'analphabètes au Canada, et quel est le pourcentage d'analphabètes dans les communautés en situation minoritaire? J'aimerais que nous puissions comparer les deux taux d'analphabétisme.
    Par ailleurs, la sonnerie retentit pour indiquer la tenue d'un vote. Je vais donc vous demander la permission de poursuivre la séance quelques minutes de plus.
    Non, j'ai autre chose qui m'attend.
    Oui, mais nous pourrions continuer, en comité, durant quelques minutes.
    Non...
    Nous en avons encore pour cinq minutes, à peu près.
    Il faut aller voter. Les autobus ne passent qu'à l'occasion, ici.
    Oui, mais nous avons encore une demi-heure.
    Est-ce que cela convient?
    D'accord, nous allons donc continuer.
    J'aimerais donc connaître le taux d'analphabètes au Canada en général. Les chiffres dont je me souviens étaient très élevés. J'aimerais aussi pouvoir comparer le taux national d'analphabétisme à celui dans nos communautés de langue officielle en situation minoritaire.
    Enfin, j'aimerais aussi que vous fournissiez au Comité les textes des ententes bilatérales que vous avez avec les provinces et les territoires — vous avez mentionné, tout à l'heure, ce genre d'ententes —, ainsi, bien sûr, que les plans d'action des provinces et territoires, de façon à ce que nous puissions compléter notre étude. Cela va?
    Envoyez cela, s'il vous plaît, à Mme la greffière. En attendant, je vous remercie beaucoup de votre comparution, aujourd'hui.
    Monsieur Choquette, vous avez quelque chose à ajouter?
     Monsieur le président, j'ai une suggestion à faire au Comité.
    Plus tôt, lors d'une conversation, j'ai appris que nous n'avions pas encore de témoins pour la réunion de lundi prochain. Ce serait bien d'entendre des anglophones du Québec au sujet de l'alphabétisation et des soins de première nécessité. Je ne sais pas s'il est trop tard pour cela.
    Non, monsieur Choquette, il n'est pas trop tard.
    Parlez-en à la greffière, et nous verrons quelle sorte de groupe nous pourrons recevoir.
    D'accord. Merci.
    Encore une fois, merci.
    La séance est ajournée. Nous nous reverrons lundi prochain.
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