INDY Réunion de comité
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STANDING COMMITTEE ON INDUSTRY
COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 29 avril 1999
La présidente (Mme Susan Whelan (Essex, Lib.)): Je déclare la séance ouverte pour l'étude, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, du chapitre 22 sur la Stratégie fédérale en matière de sciences et de technologie, du Rapport du vérificateur général du Canada de décembre 1998.
Nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui, du Bureau du vérificateur général, M. Richard Flageole, vérificateur général adjoint, et M. Peter Simeoni, directeur principal à la Direction générale des opérations de vérification.
Je crois comprendre que M. Flageole a un exposé détaillé à nous présenter.
M. Richard Flageole (vérificateur général adjoint, Bureau du vérificateur général du Canada): Merci.
Madame la présidente, je vous remercie de me donner l'occasion de présenter les résultats de notre suivi des progrès faits par le gouvernement dans la mise en oeuvre de la Stratégie fédérale en matière de sciences et de technologie.
Je crois comprendre que le comité entreprend une étude sur la recherche fondamentale au Canada et sur le système d'innovation national, et j'espère que cet exposé vous sera utile. Je suis accompagné par Peter Simeoni, directeur principal responsable du portefeuille de l'industrie, des sciences et de la technologie de notre bureau.
Mes observations ce matin comporteront deux volets. Je vous donnerai tout d'abord un aperçu des principales observations du chapitre 22. Ensuite, je vous indiquerai ce que nous croyons que le gouvernement doit faire pour achever la mise en oeuvre de sa stratégie. Je vous parlerai aussi brièvement de notre chapitre sur la gestion du personnel scientifique qui a été déposé la semaine dernière.
L'investissement du gouvernement fédéral dans les sciences et la technologie est, et restera dans un avenir prévisible, la pierre angulaire de nos systèmes d'innovation nationaux et régionaux. Par systèmes d'innovation, j'entends les ensembles d'organismes et de liens organisationnels nationaux et régionaux qui génèrent, diffusent et appliquent la connaissance à toutes sortes de fins.
Le gouvernement fédéral consacre près de 5,5 milliards de dollars par année aux sciences et à la technologie, somme qui s'ajoute au versement de plus d'un milliard de dollars en encouragements fiscaux pour promouvoir la R-D dans le secteur privé. Il rend compte, et doit rendre compte, du quart environ de l'investissement total du pays en R-D, et il est difficile d'envisager des exemples de questions relatives aux sciences et à la technologie qui ne touchent pas, d'une manière quelconque, le gouvernement.
L'investissement fédéral, toutefois, ne tient pas seulement à son importance en termes absolus ou relatifs. Cela tient à la possibilité que cette grande partie du système d'innovation national puisse être gérée avec plus de cohérence et de collaboration.
Dans sa stratégie de 1996, Les sciences et la technologie à l'aube du XXIe siècle, le gouvernement a ouvertement reconnu, et même accueilli favorablement, l'idée de cohérence. La stratégie comportait deux messages essentiels.
Premièrement, le système d'innovation national appuie les objectifs gouvernementaux de contribution des sciences et de la technologie à la création d'emplois et à la croissance économique, à l'amélioration de la qualité de vie et à l'avancement des connaissances. Deuxièmement, pour être un partenaire plus efficace du système d'innovation du pays, le gouvernement devait, et je cite, «mettre de l'ordre dans ses propres affaires». À cette fin, la stratégie énonçait de grands objectifs nationaux, établissait les activités principales du gouvernement fédéral, décrivait un nouveau système de régie, et élaborait des principes de travail pour guider les ministères et les organismes dans l'exécution des activités scientifiques et technologiques et dans l'investissement dans ce domaine.
Il s'agit d'une liste impressionnante. Lorsque nous faisons le compte de tout ce que la stratégie devait faire, nous constatons qu'elle était beaucoup plus ambitieuse qu'il n'y paraissait à première vue. En rétrospective, il s'agissait moins d'un plan pour ordonner les activités des ministères pris isolément que d'un cadre de rénovations de toute la maison fédérale. À tout le moins, elle représentait une possibilité d'améliorations importantes et permanentes du système des sciences et de la technologie fédéral.
• 0810
Ce qui est le plus important à notre point de vue, c'est que
la stratégie reconnaissait explicitement que tout le système
fédéral peut, et doit, être mieux géré.
[Français]
Le bureau a vivement appuyé la stratégie dans son rapport de septembre 1996 à la Chambre des communes. Nous avons été jusqu'à affirmer que la stratégie et le cadre connexe de gestion du personnel scientifique représentaient probablement la meilleure tentative, jusque-là, pour en arriver à régler les questions en suspens dans le domaine de la gestion des sciences et de la technologie. Nous avons été particulièrement encouragés par le fait que la stratégie mettait l'accent sur les points suivants: la recherche en sciences et en technologie est fonction d'un mandat et axée sur les résultats, et l'obligation, pour les ministères, de mesurer leur rendement en sciences et en technologie par rapport à des objectifs clairs.
Bien que notre message se voulait généralement encourageant, nous avons indiqué qu'il serait beaucoup plus difficile de respecter les engagements que de les concevoir. Nous avons rappelé au Parlement que le gouvernement avait fait de nombreux efforts semblables au cours des 30 dernières années, dont peu avaient produit des effets durables. Il était clair que cette stratégie risquait de tomber dans l'oubli, tout comme les stratégies précédentes. Dans l'ensemble, la stratégie semblait constituer un plan raisonnable pour établir de nouveaux systèmes de régie et de gestion qui pourraient, en retour, donner lieu à l'élaboration et à l'application d'une politique scientifique fédérale.
En décembre dernier, nous avons fait rapport au Parlement sur notre évaluation des progrès du gouvernement à cette date concernant le respect des engagements de la stratégie. Nos observations se répartissent en trois groupes.
En premier lieu, nous avons examiné les efforts déployés par le gouvernement pour établir de nouveaux organismes de régie et de nouveaux mécanismes pour gérer son investissement en sciences et en technologie. Nous avons été forcés de conclure que les progrès pouvaient être qualifiés de lents. Certains engagements avaient été remplis en partie, alors que d'autres n'avaient été remplis que pour la forme. C'est ainsi que divers éléments du nouveau système de gestion sont en place, mais que les modalités de collaboration restent à préciser. On tentait toujours de respecter d'autres engagements. En particulier, les résultats de l'examen par le gouvernement des priorités en sciences et en technologie n'ont pas encore été communiqués au Parlement. Nous croyions que, dans l'ensemble, le nouveau système ne fonctionnait pas encore comme prévu, à savoir: établir des priorités claires en sciences et en technologie, coordonner les priorités et communiquer une information complète sur le rendement.
En deuxième lieu, nous avons examiné comment quatre ministères avaient suivi l'orientation donnée par le gouvernement dans leurs activités quotidiennes. Nous avons constaté que les progrès variaient considérablement, bien que les quatre ministères suivaient plus ou moins l'orientation proposée. Nous avons recommandé que les ministères fassent le point et établissent ce qu'il restait à faire.
En troisième lieu, nous voulions savoir si le gouvernement appliquait les principes de la stratégie pour gérer ses activités dans le domaine de l'étude scientifique des changements climatiques. Nous avons été forcés de conclure qu'à l'automne 1998, la gestion des activités dans ce domaine ne respectait pas entièrement les engagements ou les méthodes de la stratégie. Bien que nous ayons observé une collaboration accrue dans le domaine de l'étude scientifique des changements climatiques, les ministères se livrent encore à des activités en fonction de leurs propres priorités et non en vue d'atteindre des objectifs communs. Cela dit, nous avons indiqué qu'un nouveau cadre de gestion interministériel était en voie d'élaboration et qu'il constituait une initiative prometteuse. Je crois comprendre que le travail a encore progressé depuis que nous avons terminé notre rapport.
Néanmoins, lorsque nous avons évalué les éléments probants, nous avons conclu que les progrès étaient tout au plus variables, que la mise en oeuvre de la stratégie s'essoufflait rapidement et que le système ne fonctionnait pas encore comme prévu. Sans une attention renouvelée, la stratégie risquait de plus en plus d'échouer, tout comme les efforts semblables qui avaient été faits dans le passé. Or, rien ne s'est produit depuis qui puisse suggérer que ce danger s'est atténué.
Nous croyons que les résultats de nos rapports au Parlement sur la gestion, par le gouvernement fédéral, des sciences et de la technologie ont un lien direct avec l'étude par le comité du document «Pour un Canada innovateur». Le gouvernement fédéral n'étant pas un partenaire aussi efficace qu'il pourrait l'être en ce qui concerne les systèmes d'innovation nationaux et régionaux, le rendement du pays en matière d'innovation en souffre. Être un bon partenaire du système d'innovation signifie plus que mettre de l'argent sur la table. Cela signifie qu'il faut connaître le fonctionnement du système global et des systèmes sous-jacents, ainsi que leurs forces et leurs faiblesses. Cela signifie qu'il faut décider où et comment agir en vue de produire le meilleur résultat. Si la maison fédérale n'est pas encore en ordre, cela veut dire qu'elle ne s'acquitte probablement pas très bien de ses tâches.
Madame la présidente, la stratégie vise essentiellement à promouvoir une action bien dirigée et concertée en sciences et en technologie. Elle a aussi pour objet de réduire le chevauchement des efforts et d'obtenir une optimisation maximale d'un investissement de sept milliards de dollars.
Cependant, en dépit de la qualité du plan directeur, après trois ans, les rénovations ne sont pas encore terminées. De toute évidence, il est temps que le gouvernement fasse le point et détermine ce qu'il reste à faire, à savoir l'établissement d'un programme tourné vers l'avenir, comme il l'a fait en 1996.
Mais, en soi, cela ne sera pas suffisant. Nous croyons que les ministères doivent être beaucoup plus clairs au sujet de ce qu'ils tentent d'accomplir lorsqu'ils investissent dans les sciences et la technologie, que ce soit individuellement ou en partenariat avec d'autres ministères. La recherche fonction d'un mandat et axée sur les résultats est le principal thème de nos travaux depuis 1993, et c'est ce thème qui a été choisi par le gouvernement pour la stratégie. Même si on peut dire qu'il y a des signes encourageants, cette idée ne s'est pas encore implantée partout.
Des objectifs individuels et partagés, qui soient clairs, sont cependant nécessaires, mais ils ne constituent pas des conditions suffisantes de succès. La collaboration touchant les questions communes est tout aussi importante. À notre avis, la collaboration dans ce contexte signifie une action collective, c'est-à-dire qu'il faut travailler ensemble, former des partenariats et même partager.
Nous savons que cela est possible. Comme je l'ai déjà mentionné, la semaine dernière, nous avons communiqué les résultats de nos travaux sur la gestion du personnel scientifique au gouvernement fédéral. Dans le chapitre 9 du rapport d'avril, nous nous sommes déclarés satisfaits des efforts déployés par la communauté scientifique et technologique fédérale pour donner suite à nos préoccupations et à nos recommandations antérieures.
Bien que les membres de cette communauté doivent relever de grands défis—par exemple l'obtention de résultats concrets est encore à venir—ce qu'ils ont accompli jusqu'ici devrait les aider à régler les problèmes les plus sérieux touchant les ressources humaines, notamment le renouvellement et le rajeunissement du personnel scientifique et l'amélioration des capacités de gestion.
Les progrès obtenus jusqu'ici par la communauté des sciences et de la technologie sont attribuables, comme on peut s'y attendre, aux facteurs suivants: la collaboration entre le personnel et les gestionnaires scientifiques dans les ministères, le Secrétariat du Conseil du Trésor et les syndicats; des plans d'action bien conçus comprenant des priorités, des calendriers, des résultats attendus et des mesures de rendement; et une structure de gestion qui définit les responsabilités.
Mon observation finale est celle que vous devriez attendre du Bureau: la surveillance des parlementaires est vitale pour s'assurer que tout fonctionne comme il se doit. Dans l'état actuel des choses, en l'absence d'une connaissance suffisante de ce que les ministères tentent d'accomplir et en l'absence de bonnes mesures pour déterminer s'ils y parviennent de manière satisfaisante, il est difficile d'effectuer une surveillance valable.
Permettez-moi donc de suggérer que, dans le cadre de l'examen de l'importante question d'efficacité du système d'innovation nationale, le comité pose les questions suivantes au gouvernement:
Premièrement, quel est le rôle du gouvernement s'il veut aider à bâtir les systèmes d'innovation nationaux et régionaux, et où et comment agira-t-il pour obtenir les meilleurs résultats? Deuxièmement, quelle mesure le gouvernement prendra-t-il pour mener à terme la mise en oeuvre de sa stratégie en matière de sciences et de technologie, y compris le cadre connexe de gestion du personnel scientifique? Troisièmement, comment s'y prendra-t-il pour fournir au Parlement l'assurance que ces nouveaux systèmes de régie et de gestion des sciences et de la technologie, lorsqu'ils seront utilisés, donneront les résultats attendus?
Madame la présidente, voilà qui conclut notre exposé. C'est avec plaisir que nous répondrons aux questions du comité.
La présidente: Merci beaucoup monsieur Flageole.
Je vais donner la parole à M. Dubé.
[Français]
M. Antoine Dubé (Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière, BQ): Votre rapport est assez clair. Nous recevions hier les représentants de Statistique Canada et ils nous ont parlé d'un autre aspect. Votre rapport n'est pas très optimiste. Vous y soulevez des choses importantes.
J'ai lu le rapport d'avril 1999, et il y a un lien entre cela et la stratégie que nous étudions aujourd'hui. Vous signalez au chapitre 9 qu'il y a eu une diminution de 25 p. 100 du nombre de chercheurs. Est-ce un phénomène qui vous inquiète?
M. Richard Flageole: Cela nous inquiète beaucoup. Il y a un lien très étroit entre les activités de sciences et de technologie au gouvernement et le personnel scientifique, qui est au coeur de tout cela.
Comme nous le mentionnons dans le chapitre 9, à la suite de la revue des programmes et des réductions budgétaires qui ont lieu depuis 1994, environ 5 000 personnes ont quitté. Il faut cependant tenir compte du fait que 1 300 d'entre elles ont été transférées à la nouvelle Agence d'inspection des aliments. Il est toutefois nécessaire de combler ces postes.
• 0820
Nous mentionnons aussi que, selon les estimations des
ministères, 3 000 autres personnes
devraient quitter au cours des cinq prochaines années.
Donc, il y aura un besoin urgent de recruter du
personnel et de prendre les mesures nécessaires
pour le faire.
M. Antoine Dubé: Vous dites qu'il est nécessaire de définir davantage les priorités de la stratégie, mais vous ne dites pas qui devrait le faire. Pensez-vous au ministère? À qui pensez-vous?
M. Richard Flageole: Dans le document de la stratégie, le gouvernement s'est engagé assez clairement à effectuer une revue rigoureuse des priorités gouvernementales, comme nous le notons dans le chapitre 22. Il y a quand même certaines décisions qui ont été prises au cours des dernières années. Au cours des dernières années, on a créé, par exemple, la Fondation canadienne pour l'innovation et de nouvelles initiatives ont été lancées. Par contre, on avait plus ou moins d'information sur l'enveloppe existante.
L'une des questions qu'on pose est celle de savoir comment le gouvernement devrait communiquer ces fameuses priorités. On n'a pas vu de choses concrètes qui ont été présentées de façon globale au Parlement. Je pense qu'il appartiendrait au gouvernement de déterminer quel serait le meilleur mécanisme pour communiquer les résultats de cet exercice de revue des priorités qui a été effectué.
M. Antoine Dubé: Vous êtes dans le domaine de la vérification et vous vous y connaissez bien en matière de chiffres. On dit souvent qu'on manque de ressources financières pour aller plus loin. Êtes-vous capable de quantifier les ressources financières supplémentaires que le gouvernement devrait octroyer au domaine de la recherche, des sciences et de la technologie?
M. Richard Flageole: Je pense que le rôle de notre bureau n'est pas de commenter sur les niveaux de ressources qui devraient être affectés à différents programmes gouvernementaux.
Par contre, à la suite de la revue des priorités, il appartient au gouvernement dans son ensemble et à chacun des ministères de déterminer, en fonction des priorités établies, les besoins en ressources, y compris les besoins en ressources humaines, qui sont relativement importants à plusieurs endroits.
M. Antoine Dubé: J'aurai peut-être d'autres questions plus tard. Je cède la parole à d'autres.
[Traduction]
La présidente: Merci beaucoup monsieur Dubé.
[Français]
Monsieur Bellemare, s'il vous plaît.
M. Eugène Bellemare (Carleton—Gloucester, Lib.): Merci, madame la présidente.
[Traduction]
Durant notre étude de la préparation à l'an 2000, nous avons eu des entretiens instructifs avec l'actuel dirigeant principal de l'information pour l'ensemble du gouvernement et son prédécesseur. Pourtant, pour la stratégie fédérale en matière de sciences et de technologie, il n'y a pas de scientifique principal en mesure de nous expliquer l'ensemble des politiques et des activités du gouvernement en ce domaine. Pensez-vous qu'il faudrait qu'il y ait un scientifique principal?
M. Richard Flageole: Madame la présidente, si on se reporte encore une fois à la stratégie de 1996, je pense que le gouvernement a envisagé différents moyens de s'organiser et de mettre en place une structure pour gérer et coordonner la politique et les services de consultation en matière de sciences et de technologie. Ces choix ont été faits et je ne pense donc pas qu'il appartient à notre Bureau de se prononcer sur ce que cette structure devrait être.
Ce qui est important, à mon avis, c'est que les conseils soient disponibles, et nous savons qu'un sous-comité étudie actuellement la prestation de conseils de nature scientifique aux ministères et organismes. Il y a différents moyens possibles, et ce serait une option.
M. Eugène Bellemare: Pensez-vous que la question de l'élaboration de lignes directrices sur l'utilisation de conseils à caractère scientifique au sein de l'administration fédérale, qui a été confiée au CEST, confère à cet organisme un mandat suffisamment vaste pour lui permettre de recommander la création d'un poste de scientifique principal, malgré ce que vous venez de nous dire?
M. Richard Flageole: Je vais demander à M. Simeoni de vous répondre.
M. Peter Simeoni (directeur principal, Direction générale des opérations de vérification, Bureau du vérificateur général du Canada): Je pense qu'aucune limite n'est imposée à ce que peut étudier l'un ou l'autre des deux principaux comités consultatifs que le gouvernement a créés. Si les comités estimaient que cette mesure est nécessaire, je suis sûr qu'ils n'hésiteraient pas à la proposer au gouvernement.
Le gouvernement a essentiellement créé les comités, d'après ce que nous avons compris, pour obtenir de l'extérieur les meilleurs conseils possibles. Je ne vois pas pourquoi le gouvernement imposerait des contraintes sur le genre de conseils à donner.
M. Eugène Bellemare: J'aimerais maintenant savoir quel pourrait être le rôle de surveillance du Comité de l'industrie? Comme vous le savez, trois grands organismes de sciences et de technologie relèvent de ce ministère: le CNR, l'Agence spatiale canadienne et le Centre de recherches sur les communications. Devrions-nous les rencontrer ensemble tous les ans pour faire le point? Quelles grandes questions devrions-nous leur poser?
Industrie Canada assure aussi la dotation d'un secrétariat qui sert un certain nombre d'organes consultatifs présidé par M. Manley et M. Duhamel. Devrions-nous garder l'oeil sur ces organes consultatifs et sur la coordination des activités? Comment pourrions-nous nous y prendre?
M. Peter Simeoni: Je pense que le comité dispose de deux moyens importants pour assurer une surveillance efficace dans ce domaine. Le premier, que le gouvernement a établi, serait le rapport de rendement annuel des activités en matière de sciences et de technologie; nous n'en avons reçu qu'un seul depuis 1996. On nous a remis le rapport pour l'année 1997. Nous attendons toujours celui de 1998.
Si ce rapport était présenté—comme on a promis de le faire—le comité disposerait du matériel voulu pour se renseigner sur le rendement scientifique et aurait aussi l'occasion de se prononcer sur la qualité du rapport. Par exemple, si le rapport ne précisait pas assez clairement les résultats et le rendement attendu, le comité pourrait exhorter le gouvernement à faire mieux à ce sujet.
L'autre moyen dont disposerait le comité serait d'interroger chaque organisme qui fait partie du ministère de l'Industrie sur ses plans en vue de favoriser les grands objectifs de la stratégie, qui sont la croissance économique, l'amélioration de la qualité de vie et l'avancement des connaissances, auxquels le ministère contribue. Ces organismes devraient pouvoir bien expliquer comment ils contribuent à l'atteinte de ces objectifs et quels sont les résultats qu'ils ont obtenus à cette fin.
M. Eugène Bellemare: Merci.
La présidente: Merci beaucoup monsieur Bellemare.
Monsieur Peric.
M. Janko Peric (Cambridge, Lib.): À la page 22-11 du chapitre 22 du rapport, il y a un tableau qui explique le régime de gestion, et sur la page en regard, on peut lire et je cite:
-
Dans l'ensemble, nous avons constaté que l'établissement du nouveau
système de gestion progresse lentement et qu'il n'a pas été donné
suite de façon satisfaisante à certains engagements.
D'après ce que je vois, le secteur privé n'intervient nul part. Pensez-vous que le secteur privé devrait avoir son mot à dire, c'est-à-dire siéger à un comité et faire rapport au ministre ou au conseil?
M. Peter Simeoni: Le Conseil consultatif des sciences et de la technologie regroupe des membres du secteur privé. Le tableau illustre le principal moyen de recevoir des conseils de l'extérieur, des conseils des entreprises. La stratégie énonce un certain nombre d'engagements en plus d'établir la structure, et il faut obtenir le concours de tous ceux qui peuvent aider le gouvernement à faire ce qu'il doit faire et de tous ceux qui peuvent aider les particuliers ou les organismes qui ont besoin de l'aide du gouvernement fédéral pour faire ce qu'ils doivent ou veulent faire.
C'est un domaine où, je pense, le gouvernement a progressé particulièrement lentement. Cette question est directement liée aux systèmes d'innovation, qui visent les établissements et les liens qui existent entre eux. Si l'établissement le plus important ne fait pas vraiment tout ce qu'il peut pour établir des liens avec les autres établissements du pays—les entreprises, les universités et les provinces—le système ne peut pas bien fonctionner. Il ne peut pas fonctionner du tout.
Ce n'est pas seulement nous qui le disons. C'est ce que le gouvernement a indiqué en 1996 dans la stratégie qu'il a publiée. Il a dit qu'il devait mettre de l'ordre dans ses propres affaires. Pour que l'ensemble du système fonctionne, la maison fédérale doit être bien gérée. Selon ses propres normes, ce n'est pas encore le cas.
Pour revenir plus précisément à votre question, sur les liens avec ceux qui font de l'innovation, pour créer de la richesse, il faut obtenir la contribution du secteur privé. Le gouvernement peut intervenir en ce sens, mais il s'est donné pour rôle d'aider, et non de faire, ou d'orienter. Il devrait être bien branché au secteur privé et ce n'est pas encore le cas.
M. Janko Peric: Dites-vous que la structure établie ne peut pas fonctionner de façon satisfaisante?
M. Peter Simeoni: Bien c'est...
M. Janko Peric: Que recommanderiez-vous? Recommanderiez-vous cette structure?
M. Peter Simeoni: Les questions d'organisation ne sont pas des sujets sur lesquels le Bureau peut se prononcer. Selon moi, rien n'empêche la structure de fonctionner, mais il faut de l'initiative, de l'attention, et la participation ministérielle est probablement nécessaire, parce que c'est un système imposant. Il mobilise beaucoup de gens et fait intervenir toutes sortes d'intérêts différents.
M. Janko Peric: De combien de gens parlons-nous?
M. Peter Simeoni: Ce serait très difficile de les compter. Il y a toute la communauté scientifique au sein de l'administration fédérale, ce qui représente plusieurs milliers de personnes. Il y a les gestionnaires scientifiques fédéraux et aussi tous leurs partenaires. C'est une question à laquelle personne ne pourrait répondre, je pense. Il y a un très grand nombre de personnes concernées et beaucoup d'intérêts différents entrent en jeu.
Si nous voulons concentrer nos ressources sur des priorités et des objectifs précis, nous pensons—pour répéter ce que Richard a déjà répondu—que le gouvernement doit indiquer clairement ce qu'il veut faire en matière de sciences. Autrement, il touche à tout, sans nécessairement rien faire de vraiment valable.
M. Janko Peric: Merci.
La présidente: Merci.
Monsieur Murray.
M. Ian Murray (Lanark—Carleton, Lib.): Merci beaucoup.
Ce que vous venez de dire est intéressant, à savoir qu'on essaie de tout faire sans rien faire de vraiment valable.
Le domaine des sciences est un poste budgétaire important de 5,5 milliards de dollars. On pourrait penser que c'est une somme suffisante pour inciter le gouvernement à essayer d'améliorer la situation. Il est évident, sur le plan politique à tout le moins, que la stratégie est une tentative en ce sens.
Ne pensez-vous pas que les guerres de territoire entre les ministères peuvent être un problème? Y a-t-il des hauts fonctionnaires qui se préoccupent beaucoup plus des priorités de leur ministère que de toute cette grande question d'intérêt public, celle des sciences? Avez-vous eu le sentiment qu'ils sont peut-être accaparés par tout ce qu'ils doivent accomplir pour s'occuper des autres priorités de leur ministère, à part celles ayant trait aux sciences?
M. Richard Flageole: Je pense que la structure actuelle de l'appareil gouvernemental est ainsi faite mais, d'après ce que nous avons constaté, des signes encourageants indiquent que la collaboration s'améliore entre les ministères et organismes. J'ai participé de près à la vérification que nous avons effectuée en 1994, et je trouve que, cinq plus tard, des progrès ont été réalisés, et il est encourageant de constater que les ministères collaborent beaucoup plus qu'avant. Il est certain que des améliorations sont encore nécessaires, mais je pense qu'il est clair que la situation progresse.
M. Ian Murray: Toute la question du personnel est aussi importante. Il y a eu l'examen des programmes. Beaucoup de scientifiques fédéraux ont vu leur carrière prendre fin avec le changement de gouvernement et la privatisation de certains services. Beaucoup de membres au sein de la communauté scientifique étaient très inquiets pour leur avenir. Maintenant, nous essayons de recruter des gens pour augmenter le nombre de scientifiques au sein de l'administration fédérale, mais je pense que, tant que nous ne saurons pas très clairement ce que nous voulons faire, les scientifiques de talent ne vont pas vouloir participer à notre effort.
J'imagine que nous répondons toujours aux pressions publiques, que nous soyons politiciens ou fonctionnaires. C'est souvent ce qui influence les grandes orientations. Évidemment, la question des sciences connaît des hauts et des bas; il y a des années où c'est un thème central et d'autres où cette question est en quelque sorte ignorée. Je pense que beaucoup de scientifiques trouvent qu'ils ont bien du mal à faire inscrire les sciences au programme du gouvernement fédéral... du moins c'est le sentiment qu'ils ont. Ils disent toujours qu'ils ne sont peut-être pas capables de faire valoir suffisamment l'importance des sciences au Canada.
Au sujet du recrutement, avez-vous des solutions à proposer pour aider le gouvernement à bien faire savoir que nous prenons les sciences au sérieux et que nous voulons des gens de qualité? Le problème est-il lié aux salaires et aux avantages sociaux que nous pouvons offrir ou est-ce peut-être simplement la motivation et l'intérêt qui manquent?
M. Richard Flageole: Madame la présidente, je pense que, dans le contexte actuel, il sera important que le gouvernement crée un milieu très stimulant pour ces spécialistes pour les inciter à joindre les rangs de l'administration fédérale. La rémunération sera également un facteur très important. Par exemple, compte tenu de ce qui se passe dans le secteur privé, je pense que la concurrence sera féroce en matière de recrutement.
• 0835
Ce qui nous a beaucoup inquiétés, c'est qu'il y a un nombre
important de scientifiques de grande expérience qui ont quitté la
fonction publique au cours des cinq dernières années, ce qui peut
nuire au recrutement. Il est très important d'assurer aux nouveaux
employés qu'ils auront la possibilité de travailler avec des
scientifiques chevronnés qui joueront le rôle de mentor et qui les
guideront dans leur cheminement de carrière. Je pense que le
gouvernement a beaucoup de travail de promotion à faire pour
attirer des recrues et les garder au sein de son effectif
scientifique et technologique.
Il y a divers moyens à prendre. Dans le chapitre 9 du rapport d'avril, je pense que nous mentionnons certaines mesures. Par exemple, les programmes d'alternance travail-études sont une façon d'attirer de nouveaux diplômés universitaires. Je pense que le gouvernement devra faire preuve de beaucoup d'imagination pour recruter un nombre important de nouveaux employés d'ici un ou deux ans.
M. Ian Murray: Merci.
La présidente: Merci monsieur Murray.
Monsieur Keyes.
M. Stan Keyes (Hamilton-Ouest, Lib.): Merci madame la présidente. J'aimerais simplement avoir quelques éclaircissements.
Messieurs, vous avez parlé de la participation du secteur privé et, dans votre exposé, vous avez abordé la question des ressources humaines et la nécessité d'augmenter les effectifs. J'imagine que beaucoup d'emplois ont disparu à la suite des mesures de commercialisation, de privatisation et de désengagement du gouvernement. Il y a aussi le fait que le gouvernement ne recrute pas tellement d'employés permanents dans ses ministères, mais qu'il engage des gens de l'extérieur à contrat.
Dans vos calculs, faites-vous une distinction à ce sujet? Vous demandez plus de ressources humaines. Voulez-vous que le gouvernement engage du personnel pour travailler dans les bureaux fédéraux, ou tenez-vous aussi compte des gens de l'extérieur embauchés à contrat par un ministère? Comment voyez-vous la chose?
M. Richard Flageole: Les estimations qui figurent dans le chapitre proviennent des ministères eux-mêmes. Ce n'est pas notre bureau qui a calculé ces chiffres. Encore une fois, il s'agit de situations différentes, mais si nous fouillons un peu... Il est question d'environ 5 000 personnes, et on s'attend en outre que 3 000 prennent leur retraite d'ici l'an 2002.
M. Stan Keyes: Où travaillent ces personnes? Au gouvernement?
M. Richard Flageole: Elles travaillent surtout dans divers laboratoires fédéraux...
M. Stan Keyes: Au gouvernement.
M. Richard Flageole: Oui. Dans les laboratoires fédéraux de...
M. Stan Keyes: Si je vous pose la question, c'est qu'à titre de vérificateur, vous aurez sans doute déterminé si ces effectifs sont remplacés. Il est vrai qu'il manque de 3 000 à 5 000 employés à Transports Canada, qui est passé d'un effectif de 18 500 employés à 5 400 à l'heure actuelle. Certes, ces personnes ne sont plus là, mais quel pourcentage du travail qu'elles accomplissaient n'existe plus ou est envoyé à l'extérieur. Parfois il n'est pas nécessaire que quelqu'un occupe un bureau dans la structure gouvernementale. Vous êtes le vérificateur. Avez-vous fait une analyse comparative? Lorsqu'on dit avoir besoin de plus de ressources humaines... ces ressources humaines sont-elles là dans les faits, même s'il n'y a pas nécessairement d'employés qui relèvent d'un ministère ou qui occupent des bureaux dans un immeuble gouvernemental?
M. Peter Simeoni: Je pense que c'est une question de capacité. A-t-on les ressources suffisantes pour faire le travail requis? Mais à mon avis, cela appelle une question plus fondamentale: Que tente-t-on de faire? Quel l'objectif premier visé ?
On s'attendrait à ce qu'avant de s'engager dans une campagne de rationalisation radicale, la direction ait une idée de ce qu'on souhaite accomplir, du nombre d'employés nécessaires, de leurs compétences ainsi que des autres ressources requises comme l'équipement, puisqu'il s'agit de laboratoires et que le travail à effectuer est de nature scientifique.
La stratégie aurait dû nous fournir ce genre d'information. Dans le contexte de la stratégie, on visait entre autres à obtenir des ministères qui soient plus clairs au sujet des résultats recherchés, des attentes en matière de rendement, des priorités et de leurs champs d'activités. À partir de là, on peut avoir une bonne idée de la capacité scientifique nécessaire pour mener à bien cette mission à l'avenir. Or, ce n'est pas ce qui s'est passé dans le contexte de la stratégie.
• 0840
Ce qui nous inquiète—et je suppose que c'est une question à
laquelle nous ne pouvons pas vraiment répondre, mais nous pouvons
exprimer nos inquiétudes au comité—c'est que les ministères
n'aient pas procédé à cet exercice cela et qu'ils réduisent leurs
effectifs alors qu'ils sont à la veille de connaître des départs à
la retraite en masse. En effet, puisqu'on parle d'un nombre
potentiel de 3 300 scientifiques qui partiraient d'ici les quelques
prochaines années, il faut absolument qu'ils précisent ce qu'ils
veulent accomplir et à l'aide de quelles ressources. Tenter de
faire tout ce qu'ils faisaient auparavant avec des effectifs qui
rétrécissent comme une peau de chagrin semble mener à une situation
intenable. Nous ignorons quel est le chiffre magique, mais nous
pensons que les ministères devraient le connaître.
M. Stan Keyes: J'espérais que vous alliez aboutir à une conclusion, mais je ne me fais peut-être pas bien comprendre. Dans votre explication, vous affirmez que les ministères doivent déterminer combien d'employés ils ont et combien sont nécessaires, mais ce que je veux savoir, c'est comment le gouvernement ou un ministère va aller chercher ces gens-là? Voilà ce qui m'intéresse.
Vous examinez les chiffres bruts. Je veux savoir si vous avez fait une comparaison entre les travailleurs embauchés directement pour travailler au gouvernement et ceux qui sont à contrat, qui ne font pas physiquement partie de la structure gouvernementale, qui n'ont pas de lien direct avec le gouvernement ou même le ministère. Leur seul lien avec l'État, c'est le contrat qu'ils ont signé pour mener à bien la mission.
Avez-vous évalué quel est leur nombre? C'est vrai qu'il y de 3 000 à 5 000 employés de moins, mais le ministère a-t-il compensé leur perte en signant des contrats précis et ciblés avec des personnes qu'il charge de remplir certaines missions?
M. Richard Flageole: Madame la présidente, nous n'avons pas fait un examen aussi détaillé des besoins de ministères précis dans le cadre de notre suivi. Je ne suis pas sûr que ce soit à nous de faire cela. Je crois comprendre que le chiffre de 3 000 provient d'une analyse effectuée par les ministères eux-mêmes. D'après ce que j'ai compris, c'est le nombre d'employés dont ils auraient besoin dans un proche avenir pour mener à bien leurs activités. Certains de ces employés sont des employés nommés pour une période indéterminée; d'autres sont des employés nommés pour une période déterminée. Il y a différentes catégories en jeu, mais encore là, nous n'avons pas examiné cela dans le détail.
M. Stan Keyes: Merci, madame la présidente.
La présidente: Madame Jennings.
Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Merci, madame la présidente.
Je vous remercie beaucoup de vos exposés. J'ai quelques questions, mais je vais poursuivre dans la même veine que M. Keyes. Vous avez dit que ce chiffre de 3 000 est le résultat d'un examen mené par le ministère. Ce dernier a conclu que c'est le nombre de personnes dont il aura besoin pour accomplir intégralement son mandat de façon efficiente.
D'autre part, vous dites que les ministères n'ont pas fait tout ce qu'il aurait fallu faire pour en arriver à un chiffre digne de confiance en ce sens qu'ils n'ont pas déterminé la mission qu'ils entendent accomplir à court, moyen et long terme, quelles sont leurs priorités et combien d'employés ayant un bagage donné de compétences, sont nécessaires pour accomplir ce mandat.
Pour ce qui est du chiffre de 3 000 fourni par les ministères, je le trouve suspect—surtout si votre analyse et votre vérification de leurs efforts sont exacts. Vous avez dit qu'ils n'ont pas fait le travail préliminaire nécessaire pour déterminer vraiment combien d'effectifs sont nécessaires. Est-ce exact?
M. Richard Flageole: En fait, vous venez de faire une très bonne analyse du problème.
Chose certaine, n'importe quel examen ou changement dans les priorités concernant les activités aura des répercussions sur le nombre et le genre de ressources humaines dont ils ont besoin. C'est...
Mme Marlene Jennings: Merci, cela m'est utile. En effet, lorsque les représentants des ministères comparaîtront devant nous, je saurai quelles questions leur poser afin de déterminer comment ils en sont arrivés à ce chiffre et s'il est fiable. C'est le mot que je cherchais au lieu de «digne de confiance».
J'aborde maintenant un sujet qui n'a pas vraiment de lien direct avec la question que vous avez examinée dans votre vérification, mais je pense qu'elle a un effet corollaire. J'ai assisté cette semaine à un petit déjeuner causerie où étaient invités des porte-parole des industries de la biotechnologie et des produits pharmaceutiques. Ils ont évoqué le fait que des recherches ou des investissements de l'ordre de près d'un milliard de dollars sont consacrés à la recherche clinique à l'échelle internationale pour ce qu'ils ont appelé «les essais de phase 1» et ils ont déploré le fait que très peu de ces fonds sont investis au Canada.
• 0845
Ce n'est pas parce que nous n'avons pas de scientifiques de
réputation internationale capables de mener ces essais, ce n'est
pas parce que nous n'avons pas les hôpitaux où l'on procède
généralement à de tels essais, des établissements réputés à
l'échelle internationale, dotés du personnel compétent, etc. Ce
n'est pas parce qu'il n'existe pas l'environnement voulu pour faire
ces essais. Les investissements ne viennent pas ici à cause du
régime réglementaire.
Ici au Canada, ce qu'on appelle le programme des produits thérapeutiques relève de Santé Canada et pour obtenir l'autorisation d'amorcer des essais cliniques de phase 1, il faut prévoir un délai réglementaire de 60 jours qui, dans les faits, peut aller jusqu'à 100 jours. Dans les principaux pays concurrents, que ce soit la Grande-Bretagne, l'Australie, les États-Unis, la France ou l'Allemagne, par exemple, ce délai est de moins de 24 heures.
Il y a eu des discussions constantes avec les autorités de Santé Canada pour changer cela car officiellement, on a reconnu qu'il fallait que cela soit changé. Un consensus a été dégagé au printemps dernier. La direction du ministère s'était engagée à apporter ce changement à compter de septembre 1998. Ces deux secteurs ont pris l'initiative de faire de la publicité dans l'espoir d'intéresser les investisseurs à venir ici. Or, le changement n'a pas été mis en oeuvre en septembre, pas plus qu'en octobre, en novembre, en décembre ou en janvier. Nous sommes maintenant au mois de mai 1999, et cela n'est pas encore fait. Dans l'intervalle, nous ratons l'occasion de faire tous ces essais.
D'après les représentants de ces industries, une fois qu'un pays est accepté, qu'il est reconnu comme un marché pour les essais cliniques de phase 1, cela fait boule de neige et les essais des phases 2 et 3 y sont faits aussi. Nous n'obtenons pas cela.
Deuxièmement, les représentants de l'industrie ont été mis dans l'embarras sur la scène internationale. Après avoir réussi à préparer toute la communauté des affaires à investir ici, elle s'est retrouvée Gros-Jean comme devant parce que le changement n'a pas été apporté. Ils ont dû retourner voir les gens d'affaires pour s'excuser auprès d'eux d'un premier retard, puis d'un autre et d'un autre encore.
Enfin, notre propre gouvernement, par l'entremise de l'industrie, a mis l'accent sur la biotechnologie et les produits pharmaceutiques. C'est l'une des raisons pour lesquelles le brevet a été porté à 20 ans: nous avons pris cette mesure pour nous aligner sur ce que font nos principaux concurrents internationaux et pour offrir un milieu concurrentiel à ce secteur en particulier. On nous a dit que pour ce qui est du secteur de la biotechnologie, dans le cas de la plupart des entreprises, les molécules qu'elles ont mises au point ne sont pas ici. Elles sont en Grande-Bretagne. Elles sont en Allemagne. Elles sont en France. Elles sont aux États-Unis. Elles sont en Australie. Pourquoi? Parce que les essais cliniques de phase 1 sont effectués dans ces pays et non ici.
Quant à ce que vous avez dit au sujet de la stratégie, vos propos suscitent de sérieuses craintes chez moi. Nous avons déjà ce problème au ministère de la Santé, et vous n'avez même pas touché la santé dans le cadre de cette stratégie. Vous vous êtes attachés à quatre autres ministères.
Nous sommes à l'aube du troisième millénaire. Notre gouvernement a annoncé qu'il voulait que notre économie soit fondée sur le savoir. Or, une partie d'une économie fondée sur le savoir s'articule autour de la recherche, et je ne parle pas uniquement de recherche relative visant l'industrie de l'équipement, mais également de recherche biotechnologique et pharmaceutique. Ce type de recherche ne se fait pas ici dans ces domaines de pointe parce que le cadre réglementaire date du Moyen-âge.
La situation que je viens de décrire est aussi symptomatique de ce qui se passe dans les autres ministères?
M. Peter Simeoni: Oui.
Mme Marlene Jennings: D'accord...
M. Peter Simeoni: Permettez-moi d'élaborer.
Premièrement, comme vous l'avez mentionné, Santé Canada n'est pas inclus...
Mme Marlene Jennings: Oui.
M. Peter Simeoni: ...dans les travaux dont il est question ici aujourd'hui. J'aimerais vous citer l'un des engagements que le gouvernement a pris aux termes de la stratégie:
-
Les agences et ministères du gouvernement fédéral chercheront
énergiquement des moyens d'améliorer le cadre réglementaire auquel
sont assujettis leurs clients afin de réduire le fardeau de la
réglementation et les coûts de mise en oeuvre sans pour autant
compromettre les normes de qualité, de sécurité publique et de
développement durable.
Je ne peux vous dresser un bilan de la situation dans tous les ministères sur ce sujet en particulier, mais il semble que les progrès sont au mieux mitigés, ce qui est l'un des thèmes de notre rapport. Cela illustre bien comment les mesures que le gouvernement doit prendre pour s'acquitter de sa mission—protéger l'intérêt public—peuvent aller à l'encontre des mesures que les milieux d'affaires estiment devoir prendre pour s'acquitter de leur propre mission. Au bout du compte, il appartient aux deux parties de trouver un moyen terme qui soit efficient et efficace. En l'occurrence, il ne semble pas qu'on ait trouvé un terrain d'entente.
Mme Marlene Jennings: Vous avez dit qu'au mieux, les résultats sont mitigés. Je suppose—et arrêtez-moi si je me trompe—qu'il y a certains services, dans certains ministères, où tout va très bien, où le travail s'effectue comme il se doit et où l'on a effectivement mis en place des processus capables de concrétiser la mission, les stratégies et les objectifs gouvernementaux que vous venez tout juste de citer. Dans d'autres ministères, c'est lamentable.
Étant donné que votre rapport ne renferme pas cette information, j'aimerais que vous précisiez quels ministères ou services sont à vos yeux des modèles d'excellence ou presque, pour ce qui est de mettre en oeuvre la stratégie et les objectifs du gouvernement. Le sachant, nous serons en mesure de découvrir comment ils s'y sont pris et inviter les services et ministères qui n'ont pas réussi à adopter ce modèle.
Car à défaut de cela, si vous ne pouvez pas me dire que le ministère X fait ceci ou cela et qu'ainsi, il réussit à atteindre 90 p. 100 des objectifs du gouvernement, mais que le ministère Y n'en atteint que 10 p. 100... si vous ne pouvez pas me dire cela, le ministère Y ne saura pas ce qu'il doit changer dans ses pratiques. À mon avis, cela créerait une meilleure synergie et une meilleure collaboration car les gestionnaires du ministère X vont commencer à parler à ceux du ministère Y—s'ils sont un tant soit peu intelligent—afin de tirer partie de l'expérience et de la sagesse de leurs collègues.
Dans la foulée de votre vérification, pouvez-vous me donner des exemples précis d'initiatives valables qui ont permis de réaliser les objectifs du gouvernement de façon raisonnable et réaliste et qui pourraient être un modèle pour d'autres ministères ou services ?
M. Peter Simeoni: Eh bien...
Mme Marlene Jennings: Vous vous ferez peut-être quelques ennemis, mais je suis certaine que vous en avez déjà.
M. Peter Simeoni: Cela fait partie du travail.
Mme Marlene Jennings: Cela fait partie du travail.
M. Peter Simeoni: Je veux être sûr...
Mme Marlene Jennings: Vous n'avez pas à me fournir ces renseignements sur-le-champ. Vous pouvez y réfléchir et envoyer cela ultérieurement à la greffière.
M. Peter Simeoni: Je devrais vous préciser ce que nous disons déjà dans le chapitre. Je peux certainement vous communiquer cela, mais avant de le faire, j'aimerais, en guise de préambule, vous expliquer la portée de notre travail. Notre suivi visait uniquement quatre ministères...
Mme Marlene Jennings: Oui.
M. Peter Simeoni: ...et un sujet en particulier, l'étude scientifique des changements climatiques et la structure de régie et les systèmes de gestion qui devaient être instaurés.
Après avoir passé en revue les quatre ministères en question, nous affirmons dans le chapitre que l'un d'eux devance les autres pour ce qui est de concrétiser les directives gouvernementales. Il s'agit du ministère des Ressources naturelles. Évidemment, c'est un commentaire subjectif et nous avons été très prudents dans le langage que nous avons employé dans le chapitre.
Il est très difficile d'évaluer les progrès réalisés à l'égard de 24 engagements distincts, certains cruciaux pour assurer une bonne gestion scientifique, d'autres de moindre importance. On ne peut additionner tout cela et dire qu'à l'égard de 12 d'entre eux, le ministère réussit haut la main alors que pour d'autres... ce ne serait pas juste. Selon notre impression, le ministère des Ressources naturelles pourrait servir de modèle aux autres ministères en raison des progrès solides qu'il a réalisés jusqu'à maintenant. De plus, il se peut fort bien qu'il y ait d'autres ministères ou organisations qui sont encore plus avancés que le ministère des Ressources naturelles.
Mme Marlene Jennings: Mais vous ne le savez pas parce qu'ils n'étaient pas inclus dans votre vérification.
M. Peter Simeoni: Exactement. Nous nous attendons à ce que les responsables de la gestion de l'effort scientifique au gouvernement sache cela et qu'il communique avec leurs collègues pour en apprendre davantage. Ce ne devrait pas être notre bureau qui les incite à faire cela. À mon avis, cela relève du simple bon sens.
Mme Marlene Jennings: Merci beaucoup.
M. Peter Simeoni: De rien.
La présidente: Merci.
Monsieur Dupé.
[Français]
M. Antoine Dubé: Je vais poursuivre dans la foulée de Mme Jennings. Vous avez étudié quatre ministères. Était-ce votre choix, au Bureau du vérificateur général, ou s'il s'agissait d'un mandat que vous avait confié le gouvernement?
M. Richard Flageole: C'était notre choix. Évidemment, ces quatre ministères sont très importants sur le plan des activités de sciences et de technologie.
M. Antoine Dubé: Au commentaire 22 de votre rapport, vous parlez de la surveillance par les parlementaires. Cela m'intéresse particulièrement, parce que j'en suis un même si je suis dans l'opposition.
• 0855
Les citoyens ont souvent l'impression de ne pas
être au courant de tout ce qui
se passe au niveau gouvernemental. Tout cela
leur échappe un peu. Ils se fient aux
parlementaires pour jouer ce rôle-là, car on les
représente. Dans un domaine aussi pointu et vaste que celui
étudié par le Comité de l'industrie, ce
n'est pas tous les jours qu'on s'intéresse à un
tel sujet et on compte beaucoup sur le Bureau du
vérificateur général pour exercer cette surveillance. Vous
nous faites rapport périodiquement et c'est bien.
Lorsque vous allez dans
les ministères, vous interrogez des fonctionnaires et
avez accès à des documents. Dans ce cas-ci,
avez-vous reçu toute la collaboration à laquelle vous
vous attendiez?
M. Richard Flageole: Oui, la collaboration a été excellente tout au long de ce projet et également dans les travaux. Cela fait cinq ans qu'on travaille dans ce domaine et, dans tous les cas, la collaboration a été excellente.
M. Antoine Dubé: J'aimerais mieux comprendre votre rôle. Lorsque vous arrivez dans un ministère, dans un service, interrogez-vous uniquement les cadres ou si vous rencontrez aussi les chercheurs eux-mêmes?
M. Richard Flageole: Il est très important pour nous de bien comprendre ce que les organisations et les gens font et pensent. Dans le cadre de ces vérifications, on a visité plusieurs laboratoires fédéraux et on a eu l'occasion de s'asseoir et de discuter avec les scientifiques de presque tous les domaines. Cela nous a permis d'acquérir une très bonne compréhension des questions importantes qui se posent dans ce domaine.
M. Antoine Dubé: Ils vous parlent, bien sûr, avec des réserves, sachant que vous allez produire un rapport, mais ils doivent sûrement vous faire part de leur moral. De façon générale, sentez-vous que la motivation est excellente dans ce milieu ou qu'elle laisse à désirer?
M. Richard Flageole: Vous dites que les gens sont sur leurs gardes quand ils nous parlent. Ce n'est pas toujours le cas. Cela dépend des personnes. Certains ont des conversations très franches avec nous. On a rencontré des gens qui croient fermement à ce qu'ils font, qui sont motivés, qui veulent vraiment améliorer des choses pour la population canadienne en général, qui prennent leur travail à coeur et qui nous ont fait part de leurs préoccupations.
Ils considèrent que le travail fait dans les cinq dernières années a donné un bon coup de pouce pour régler toutes ces questions et considèrent important ce que l'on fait. On a développé une relation très étroite avec toute la communauté scientifique et de la technologie dans le gouvernement fédéral, ce qui a vraiment facilité notre travail et nous a permis de bien comprendre toutes les grandes questions auxquelles cette communauté fait face.
M. Antoine Dubé: Par mes études antérieures, qui remontent déjà à un bon moment, je sais que pour ceux qui font de la recherche en général, la rémunération n'est pas toujours l'élément le plus important ou l'élément qui les motive. C'est plutôt le fait de savoir que l'employeur ou l'entité qui les engage les considère bien, etc. Vous disiez qu'il y avait 25 p. 100 de chercheurs de moins. Certains ont peut-être quitté volontairement, mais il faut aussi tenir compte de tout le contexte de la rationalisation. Croyez-vous que la rémunération soit un problème pour les chercheurs dans l'État fédéral?
M. Richard Flageole: On ne s'est pas penchés spécifiquement sur cette question. Étant donné la nature de ce travail, la satisfaction au travail, les défis que donne l'occasion de travailler avec des experts dans différents domaines et le fait d'avoir les équipements nécessaires pour effectuer les recherches qu'ils ont à faire sont des éléments très importants pour ces gens. Par contre, il ne faudrait pas négliger la question de la rémunération ainsi que les différents types d'encouragement au travail.
• 0900
On voit que le marché est très compétitif quand
on regarde la situation dans le secteur privé, dans
le milieu universitaire et dans d'autres pays.
Certaines personnes peuvent vendre facilement
leurs services. Il faudra prendre en
considération tous les facteurs importants pour cette
communauté, y compris la rémunération.
M. Antoine Dubé: Vous ont-ils parlé de cela dans vos rencontres?
M. Richard Flageole: Je n'ai pas eu de discussions précises à ce sujet; ce n'est pas une chose que nous avons examinée en détail. Par contre, à la fin du chapitre d'avril, on fait mention de l'importance de s'assurer que tous les incitatifs soient en place pour garder ces gens et on fait allusion à la rémunération.
M. Antoine Dubé: Un de mes collègues a abordé tout à l'heure un point qui, à mon avis, peut être très délicat pour les gens travaillant dans le milieu gouvernemental, plus particulièrement dans le secteur scientifique; il a parlé de la sous-traitance. Les gens que vous avez rencontrés se sentent-il menacés ou s'inquiètent-ils de la possibilité—même si on ne le dit pas—que le gouvernement puisse aller encore plus loin dans la sous-traitance, avec le risque de perte d'emplois? Vous ont-ils parlé de ce problème?
M. Richard Flageole: Certaines personnes nous en ont fait part, et on le mentionne dans le chapitre d'avril 1999. Avec toutes les coupures budgétaires et la revue des programmes, il est certain que les cinq dernières années n'ont pas été faciles. C'est un environnement très instable; certains se demandaient s'ils auraient un emploi l'an prochain. Toute la question de la sécurité d'emploi est importante pour ces gens. On parle d'une diminution importante des effectifs, et la communauté s'inquiète. Ce qu'on exprimait dans le chapitre à ce sujet est assez clair.
M. Antoine Dubé: Cette semaine, par un système de communication, on parlait avec des gens responsables de la recherche fondamentale aux États-Unis. J'ai retenu de cette discussion que le milieu des sciences et de la technologie, par rapport à d'autres secteurs, en est un qui souhaite avoir le plus d'autonomie ou d'indépendance possible. Il est plus difficile d'encadrer ce secteur que d'autres. La stratégie mise en place vise à mieux contrôler et coordonner tout cela.
Je ne sais pas si vous serez d'accord avec moi, mais c'est peut-être l'un des secteurs les plus difficiles, parce qu'un chercheur a souvent de l'avance sur bien des gens dans son domaine et on lui demande de corriger son tir et de s'intéresser plutôt à d'autres aspects. Mon observation est-elle valable? Est-ce un domaine plus difficile que tout autre à encadrer par un gouvernement?
M. Richard Flageole: Vous soulevez une très bonne question qui reflète bien la réalité de la communauté scientifique et de la technologie. C'est une question à laquelle personne n'a encore trouvé de réponse après de nombreuses années. Il y a différentes écoles de pensée. Certains croient qu'ils devraient avoir une liberté quasi totale de faire ce qu'ils veulent, alors que d'autres pensent qu'on devrait les contrôler de façon un peu plus étroite. Cela dépend aussi du type de recherche. Il peut s'agir de recherche fondamentale ou de recherche appliquée au développement d'un nouveau produit, comme on en fait dans le secteur privé, dans des entreprises comme Nortel.
On en avait beaucoup discuté dans notre rapport de 1994. La question est de trouver le juste milieu. Il est important pour l'organisation, dans son ensemble, d'avoir une bonne idée de ce qu'elle veut faire et réaliser et de mettre en place certains mécanismes de contrôle, tout en laissant aux chercheurs la flexibilité nécessaire pour faire leur travail. C'est vraiment une question d'équilibre entre la liberté d'action et une certaine direction dans le travail à faire.
M. Antoine Dubé: Les gens qui se soucient du rendement en sciences et en technologie disent qu'on devrait récompenser ceux qui trouvent et non pas seulement ceux qui cherchent. Cela devient cependant dangereux, parce qu'il faut vraiment laisser beaucoup de latitude dans le domaine de la recherche fondamentale, sinon on risque de se tromper en cherchant trop de résultats immédiats. Autrement dit, il ne faut pas avoir une vue trop courte dans ce domaine. Merci.
La présidente: Merci, monsieur Dubé.
Je n'ai que deux questions à poser. Dans votre déclaration liminaire—et cela se rattache au commentaire que vous venez de faire au sujet de la différence entre la recherche fondamentale et appliquée—vous dites: «la recherche en sciences et en technologie est fonction d'un mandat et axée sur les résultats». Comment mesurez-vous les résultats en recherche fondamentale?
M. Peter Simeoni: Nous avons commencé à parler d'évaluation en fonction d'un mandat et axée sur les résultats en 1993 et cette démarche a semblé avoir quelques succès au sein du gouvernement. Les responsables ont bien accueilli cela dans la stratégie de 1996. Bon nombre de mesures qu'ils proposent de prendre paveraient la voie à ce genre de démarche pour peu qu'elles se concrétisent.
Je suppose que l'idée en soi tient au fait que les ministères gouvernementaux sont des institutions qui reçoivent du Parlement un mandat ainsi que les crédits pour s'en acquitter. Il est très rare qu'on mène dans les ministères le genre de recherche qu'on ferait dans une université où, à l'aide d'un système d'évaluation par les pairs, on choisit le sujet de recherche fondamentale le plus intéressant, pour autant que cela permette de mieux comprendre le fonctionnement de l'univers. En fait, il y a très peu de recherche de ce genre au gouvernement fédéral. En grande partie, la recherche porte sur le travail du ministère ou du ministre. C'est le volet mandat. Le volet résultat découle du principe selon lequel si on ne sait pas clairement ce qu'il faut faire pour accomplir sa mission, on ne le saura sans doute jamais.
Dans la stratégie, le gouvernement a adopté ces deux idées. Les ministères ont une tâche spécifique. Ce n'est pas comme le département de physique ou de chimie d'une université où les chercheurs, les professeurs, sont libres de s'adonner aux travaux de recherche qui, d'après leurs pairs, méritent d'être effectués. Non, il existe plutôt ce que j'appellerais une saine tension entre une approche descendante, aux termes de laquelle la haute direction sait ce qu'elle attend du volet scientifique pour pouvoir s'acquitter de sa mission et une attente ascendante, où les chercheurs ont leur mot à dire puisque ce sont eux les experts.
À l'heure actuelle, nous sommes dans une situation—je pense que c'était plus marqué dans le passé... mais il demeure que l'approche est davantage ascendante que descendante. La stratégie et le cadre étaient issus d'une approche descendante.
Pour ce qui est de mesurer le rendement, dans le contexte d'un rapport sur les bonnes pratiques de gestion dans le domaine des efforts scientifiques au gouvernement, rapport que nous présenterons au gouvernement en décembre, nous avons passé un certain temps aux États-Unis. Nous avons noté qu'il existe là-bas une loi sur les résultats et le rendement du gouvernement entrée en vigueur il y deux ans et demi ou trois ans. Cette mesure a obligé les agences scientifiques à préciser à la fois leurs attentes en matière de rendement et les mesures des résultats. Le Congrès semble avoir embrassé sans réserve cette mesure législative et a forcé des organismes réticents comme la NASA et le ministère de l'Énergie, des organismes poids lourds en matière de recherche, à élaborer des instruments de mesure du rendement. Ils n'ont pas encore perfectionné le système et si j'en parle ce n'est pas parce qu'ils ont trouvé la solution idéale, mais ils sont plus avancés que nous et ils font la preuve qu'il est possible d'intervenir. On ne peut certes pas tout mesurer, mais on peut mesurer beaucoup de choses.
Étant donné que le travail scientifique est relativement spécifique, qu'il n'est pas de nature aussi générale que celui d'un chercheur universitaire et que d'autres pays sont plus avancés que nous pour ce qui est d'en mesurer les résultats, nous pensons que nous pouvons y arriver. D'ailleurs, cela est tout à fait conforme aux attentes exprimées par le gouvernement en 1996.
La présidente: Je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous lorsque vous dites qu'il s'agit d'un travail spécifique. J'ai visité bon nombre de centres de recherche gouvernementaux au Canada et je me suis renseigné au sujet des travaux qu'on y effectue. Je ne dirais pas qu'ils sont spécifiques, loin de là. Dans bien des cas, il s'agit de recherches expérimentales; en fait c'est ce que j'appellerais de la recherche fondamentale. Ces travaux sont très semblables à ceux qui se font dans les laboratoires universitaires que j'ai vus. Après avoir visité divers endroits et établissements, je ne vois pas tellement de différence, en tout cas pas au sens où vous l'expliquez.
En fait, je pense parfois qu'il est impossible de faire des prévisions et qu'on ne peut appliquer le paramètre de la recherche fonction d'un mandat et axée sur les résultats. Si c'était le cas, le bureau du vérificateur général devrait chanter les louanges du secteur de la recherche au Canada en raison des efforts qu'il déploie depuis 50 ans et recommander qu'on lui accorde de généreuses sommes d'argent supplémentaires—je songe en particulier à l'industrie du canola—et pourtant ce n'est pas ce que fait le bureau du vérificateur général.
Lorsqu'on parle de résultats, je pense qu'il y a lieu d'être prudent et savoir ce que l'on veut vraiment. En effet, si tous les travaux scientifiques sont fonction de résultats précis ou prévisibles, cela veut dire qu'on ne fait pas la recherche fondamentale qui s'impose.
• 0910
Vous avez parlé des États-Unis. Le Congrès des États-Unis
vient de publier un rapport l'automne dernier. Les auteurs
mentionnent clairement qu'il est nécessaire de faire de la
recherche fondamentale dans les laboratoires financés par l'État,
et non seulement sous forme de partenariats. En fait, pour ce qui
est des partenariats, ce qui les préoccupe beaucoup et qui
préoccupe également certains des membres du comité, c'est de savoir
qui est propriétaire des résultats. Les résultats sont-ils dictés
par l'industrie et pas nécessairement par ce que la société
souhaite savoir ou apprendre? Dans ce rapport américain, on donne
exemple le fait que la recherche officielle, les deniers publics,
ont financé les travaux de recherche fondamentale qui ont permis la
découverte de l'ADN dans les années 50. Si ces travaux n'avaient
pas été faits, qui sait où nous en serions aujourd'hui?
Je ne peux pas croire que vous penseriez que cela ne s'apparente pas à ce qui se passe à l'université. J'ai du mal à accepter vos observations à cet égard.
M. Peter Simeoni: Je suppose que mes observations se fondent sur l'objectif que s'est fixé le gouvernement en 1996. Le bureau y souscrit et en parlait avant cette année-là. Cependant, il s'agit vraiment de l'objectif qu'il s'est fixé.
Cela dit, toutefois, je ne suis pas en désaccord avec ce que vous avez dit. Je ne voudrais pas qu'on pense que nous voulons laisser entendre que tout doit être très précis, que tout doit être mesuré. Nous préconisons un monde où la mesure a un rôle à jouer et, à l'heure actuelle ce que nous constatons au sein des ministères fédéraux, c'est qu'il se fait très peu d'évaluations. Il faut établir un équilibre.
Il se fera toujours de la recherche expérimentale, mais elle doit respecter les limites fixées au ministère par le Parlement et ne peut être fondée exclusivement sur les caprices ou les intérêts légitimes des chercheurs. Il s'agit de la recherche fonction du mandat.
Je voudrais revenir à une observation que j'ai faite plus tôt: il y a un travail à accomplir. Nous nous adonnons à des activités relatives aux sciences pour des raisons précises, mais nous ne savons pas si nous faisons bien les choses si nous ne sommes pas certains de l'objectif que nous voulons atteindre—dans la mesure du possible.
La présidente: J'aimerais que nous discutions d'une autre chose dont vous avez parlé plutôt, monsieur Simeoni. Vous parliez alors de partenariats et d'innovation et de ce qu'il faudrait faire. Je ne partage pas votre point de vue. Je crois que le rapport publié par le Congrès des États-Unis est un bon exemple de la raison pour laquelle la recherche ne doit pas faire l'objet de partenariats. Je sais qu'on se dispute à l'heure actuelle pour savoir à qui appartient les fruits de ces partenariats et qui dirige la recherche, quelles en sont les limites, à quel moment commence et se termine la recherche. Il arrive souvent que le financement est retiré avant que recherche soit terminée parce que les résultats ne correspondent pas à ce que voulait l'autre partenaire. Je ne suis pas d'accord avec vous du tout lorsque vous dites que c'est la direction que nous devrions emprunter en tant que gouvernement.
M. Peter Simeoni: Laissez-moi clarifier la question en ce qui a trait aux partenariats. Ce dont parle la stratégie c'est qu'après avoir déterminé votre tâche en tant qu'organisme scientifique, vous devriez rechercher les possibilités d'augmenter vos ressources en vous associant à d'autres établissements. Le gouvernement appelle cela la collaboration et le partenariat. Il s'agit de reconnaître qu'aucun ministère ne peut accomplir sa tâche en vase clos. Nous considérons qu'il s'agit d'une stratégie de gestion raisonnable. Elle élimine les cloisonnements au sujet desquels un membre du comité a posé une question plus tôt. Cela permet de tirer le meilleur parti des ressources que nous avons.
La présidente: Je ne veux pas insister là-dessus, mais je crois qu'il y a d'autres options. Si j'avais fait partie du Bureau du vérificateur général, j'aurais examiné certains des accomplissements du gouvernement, où et comment nous avons soi- disant économisé et où nous ne l'avons pas fait. Je ne suis pas nécessairement d'accord avec certaines de vos observations.
Monsieur Keyes, avez-vous une question?
M. Stan Keyes: Étant donné vos observations, madame la présidente et comme nous avons entendu des représentants du Bureau du vérificateur général, je reviens au rapport, au point 22.11, là où nous avons les cinq points centrés. Je veux surtout parler des trois derniers, en l'occurrence: assurer une coordination et une surveillance efficaces, faire preuve d'un leadership qui transcende les mandats des ministères et présenter une meilleure information au Parlement et au public au sujet des activités du rendement en matière de sciences et de technologie.
Si nous devions examiner la question à partir de 30 000 pieds plutôt que de 30 pieds... Est-ce que je lis bien ici? Nous avons un budget global de 5,4 milliards de dollars à consacrer à la science et à la technologie et, comme un organigramme, ces 5,4 milliards de dollars sont répartis entre différents ministères qui consacrent cet argent à des activités en sciences et en technologie.
Maintenant, si l'on examine les choses de plus loin, laissez- vous entendre qu'il faut peut-être mettre en place un organisme de coordination de quelque nature qui prend du recul par rapport à chacun des objectifs de chaque ministère et des activités qu'ils essaient d'entreprendre en sciences et en technologie de même qu'aux sommes d'argent qu'ils dépensent, etc.?
• 0915
Laissez-vous entendre qu'il faut peut-être que quelqu'un
examine l'ensemble et tente de coordonner les objectifs et les
idées de même que la façon et l'endroit où l'argent est dépensé
pour éviter le dédoublement entre les ministères? Devrait-on
confier la surveillance à un ministère? S'en trouve-t-il un qui ne
fait pas son travail? Je crois que c'est la principale question,
parce que quelqu'un pourrait demander si ce rôle ne doit pas être
assumé par le Cabinet? Le Cabinet ne devrait-il pas examiner toutes
ces dépenses?
Je suppose que, dans une certaine mesure, le vérificateur général a ce mandat mais pas son bureau, je crois, tandis que quelqu'un, un ministère, un organisme ou une entité—peu importe le nom que vous lui donnez—examinerait l'ensemble, s'occuperait de la coordination et informerait le Parlement et le grand public. Il s'occuperait de la surveillance.
M. Peter Simeoni: Je n'ai pas participé aux discussions qui ont mené à la stratégie, bien sûr, mais il me semble qu'on a probablement examiné l'option que vous proposez. Ils ont plutôt opté pour le système qui a été établi ou qu'on essaie d'établir. Vos attentes à l'égard du système de gestion des sciences au sein du gouvernement correspondent à l'objectif que s'était fixé le gouvernement dans le cadre de cette stratégie. Le système qui a été mis en place est censé atteindre les objectifs auxquels vous vous attendriez.
Je crois qu'un des problèmes que pose la création d'un organisme de coordination, c'est que toutes les questions ne sont pas interministérielles ou que les mandats ne se recoupent pas. Ils peuvent le déterminer et le système qu'on voulait créer était censé faire la distinction et déterminer les différentes tâches qui seraient confiées aux ministères. Ce système ne fonctionne pas encore de la façon dont le voulait le gouvernement, mais il est censé atteindre l'objectif auquel vous songez.
M. Stan Keyes: Mais comme il y a «de gros problèmes», nous devons corriger la situation.
Une voix: Oh, oh!
M. Stan Keyes: Ou qu'il semble y avoir des problèmes?
M. Peter Simeoni: Nous n'avons pas dit qu'il y avait des problèmes—il se peut que cela fasse l'objet d'un rapport futur—mais ils doivent le mettre en marche.
M. Stan Keyes: Merci.
La présidente: Merci, monsieur Keyes.
Une dernière question, monsieur Dubé.
[Français]
M. Antoine Dubé: Ma question s'adresse autant au comité qu'à vous. Vous dites que le gouvernement fédéral dépense environ 6 milliards de dollars en recherche et développement. Je fais un lien avec votre commentaire 22 où vous indiquez qu'il faudrait que les parlementaires soient mieux informés de tout cela. Au Comité de l'industrie, on reçoit le ministre de l'Industrie, les trois ministres responsables des agences de développement économique régional, mais on ne rencontre pas les autres ministres parce qu'ils dépendent d'autres comités. Je serais intéressé, en tant que parlementaire, à savoir où sont alloués les fonds de la recherche et de la technologie dans les différents ministères ou agences.
On ne peut peut-être pas demander cela au Bureau du vérificateur, mais comment peut-on s'y prendre pour connaître ces chiffres? Vous avez les renseignements sur les montants d'argent et le nombre d'emplois; en fait, c'est tout le commentaire 9.9, à la page 9.7 du rapport de gestion.
M. Richard Flageole: Dans les vérifications que nous avons faites précédemment, nous avons beaucoup insisté sur la nécessité d'avoir la meilleure information possible sur les ressources et la performance d'ensemble de ces activités ainsi que sur le besoin d'avoir un rapport consolidé sur ces activités. Ce rapport est prévu dans le cadre de la stratégie. Le premier rapport a été publié en décembre 1997. Il donnait une vue d'ensemble de ces activités et fournissait certains des renseignements auxquels vous faites allusion. Le rapport 1998 n'est pas encore publié; il devrait l'être bientôt. On fait quelques commentaires à ce sujet au chapitre 22. C'est un bon début.
• 0920
On a vu des choses intéressantes dans ce
rapport. Il y a évidemment des points à améliorer
car on en est encore au tout début, mais c'est
vraiment un bon point de départ pour fournir une
meilleure information sur ces activités.
M. Antoine Dubé: Parlez-vous de votre rapport ou du rapport du...
M. Richard Flageole: C'est un rapport qui a été publié par le gouvernement.
M. Antoine Dubé: Par vous ou par le comité de la science et de la technologie?
M. Richard Flageole: Par tout le groupe responsable des sciences et de la technologie.
M. Antoine Dubé: D'accord. S'il existe, on va le trouver.
[Traduction]
M. Peter Simeoni: Puis-je ajouter quelque chose en ce qui a trait à cette question?
Pour l'instant, alors que nous attendons la prochaine tranche du rapport de rendement du gouvernement en ce qui a trait à la science et la technologie, Statistiques Canada donne des informations sur les montants que chaque ministère consacre aux sciences, à la recherche et aux activités associées à la recherche et en fait une ventilation selon les types de dépenses comme les subventions et les contributions, l'argent dépensé pour la recherche dans les laboratoires fédéraux et toutes sortes de catégories différentes. Nous pouvons vous fournir le catalogue de Statistiques Canada afin que vous puissiez vous procurer vous-même ce rapport.
[Français]
M. Antoine Dubé: Merci.
[Traduction]
La présidente: Merci beaucoup.
Je vous remercie tous les deux d'être venus nous rencontrer aujourd'hui. Notre comité procède à une étude à long terme sur la recherche fondamentale et la direction qu'elle prend. Un jour peut- être, lorsque vous préparerez vos rapports, vous examinerez en fait la valeur de l'investissement au Canada et ce qu'il rapporte. Vous voudrez peut-être examiner ce que le Congrès a publié et ce qu'il dit sur ce que rapporte la recherche. Qui sait un jour, on reconnaîtra peut-être les investissements que le gouvernement a consacrés à la recherche. Je crois qu'il y a encore beaucoup de chemin à parcourir.
Nous vous remercions du rapport et du fait que vous continuerez à suivre la situation de près. Comme l'a dit M. Dubé, nous attendons avec impatience les autres rapports. Nous espérons, d'après les résultats des différents ministères en 1998, déterminer ce sur quoi nous allons nous pencher en tant que comité.
Merci beaucoup.
La séance est levée.