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INDY Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON INDUSTRY

COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 13 mai 1998

• 1530

[Traduction]

La présidente (Mme Susan Whelan (Essex, Lib.)): La séance est ouverte.

Conformément à l'ordre de renvoi de la Chambre daté du mardi 17 mars 1998, nous étudions le projet de loi C-20, Loi modifiant la Loi sur la concurrence et d'autres lois en conséquence.

Nous devons entendre plusieurs témoins aujourd'hui et nous sommes également saisis de motions. Je propose que nous nous penchions sur les motions entre l'audition des témoins.

Nous allons commencer par notre premier témoin, qui représente la Chambre de commerce du Canada. Nous accueillons M. Timothy Reid, qui en est le président, et M. Paul Crampton, associé au cabinet Davies, Ward & Beck. Je vous souhaite la bienvenue à tous les deux. Je vais vous donner la parole pour faire votre déclaration d'ouverture, si vous en avez une, et nous passerons aux questions après. Je suis certaine qu'il y en aura beaucoup. Vous pouvez donc commencer dès que vous serez prêts.

[Français]

M. Timothy Reid (président, Chambre de commerce du Canada): Merci, madame la présidente

[Traduction]

et membres du comité. Je vous remercie de nous donner l'occasion de comparaître devant vous pour discuter de ce très important projet de loi.

Je suis accompagné de Paul Crampton, associé au cabinet d'avocats Davies, Ward & Beck, qui a présidé notre Groupe de travail spécial sur le droit et la politique de la concurrence. La Chambre de commerce du Canada a la grande chance de compter parmi ses membres des professionnels qui sont parmi les plus grands experts dans le monde des affaires et nous pouvons puiser dans leurs compétences et les inviter à témoigner avec nous devant les comités parlementaires.

[Français]

La Chambre de commerce du Canada est l'association commerciale la plus importante et la plus représentative au pays. De par nos bureaux de commerce locaux, nous avons des partenaires dans toutes les circonscriptions fédérales. Notre réseau compte plus de 170 000 membres et comprend des entreprises de toutes tailles actives dans tous les secteurs et dans l'ensemble du pays.

[Traduction]

Je dois dire dès le départ que la Chambre de commerce du Canada appuie de façon générale le projet de loi C-20 et voudrait qu'il soit adopté rapidement.

L'an dernier, nous avons répondu avec plaisir à des demandes du directeur du Bureau de la concurrence, Konrad von Finckenstein, qui nous a invités à lui faire part de nos commentaires sur de nombreux aspects des propositions dont vous êtes saisis.

Ce projet de loi propose d'apporter un certain nombre de modifications à la Loi sur la concurrence, modifications que nous appuyons fermement, notamment en ce qui a trait à la publicité trompeuse, aux allégations relatives au prix habituel, au télémarketing frauduleux et l'avis préalable à un fusionnement. Nous avons toutefois de sérieuses réserves au sujet de la proposition visant à créer un nouveau pouvoir d'écoute clandestine et nous vous proposons de retarder l'adoption de cette mesure jusqu'à ce qu'on ait eu l'occasion de procéder à des consultations approfondies et à un débat public, car cette question n'a pas été abordée pendant les consultations qui ont abouti à ce projet de loi.

Je vais maintenant céder la parole à M. Crampton, qui va vous faire part de nos vues détaillées sur les cinq points que j'ai brièvement mentionnés. À la fin de notre exposé, qui durera une dizaine de minutes, nous serons tous les deux à votre disposition pour répondre à vos questions.

M. Paul Crampton (associé, cabinet d'avocats Davies, Ward & Beck): Merci, Tim.

Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité, je voudrais dire dès le départ que c'est un grand plaisir et un privilège d'être ici aujourd'hui pour aider Tim à vous présenter les vues de la Chambre de commerce sur le projet de loi C-20.

Notre présentation d'aujourd'hui est en fait l'aboutissement d'un processus qui a duré près de trois ans. Un grand nombre de nos membres y ont consacré énormément de temps et d'énergie, et le directeur du Bureau de la concurrence et ses collaborateurs ont également travaillé très dur pour faire des consultations et il y a lieu de les féliciter pour leurs efforts.

Comme Tim l'a signalé, notre Groupe de travail sur le droit et la politique de concurrence qui a étudié le projet de loi C-20 a mis l'accent sur les cinq questions clés que sont la publicité trompeuse, les allégations relatives au prix habituel, le télémarketing, l'écoute clandestine et l'avis préalable à un fusionnement.

Je vais traiter d'abord de la publicité trompeuse. Les modifications proposées créeraient un régime double civil-criminel, l'intention étant de faire en sorte que dorénavant, la plupart des affaires de publicité trompeuse soient réglées dans le cadre du régime civil. Les entreprises canadiennes ont depuis déjà un certain temps adopté la position que le régime criminel ne convient pas pour régler des pratiques de publicité qui, en temps ordinaire, ne sont pas véritablement de nature criminelle. La nouvelle option civile permettra de résoudre les affaires beaucoup plus rapidement et efficacement, sans imposer de sanctions criminelles, avec tout ce que cela comporte.

• 1535

Dans l'ensemble, notre Groupe de travail appuie tout à fait les propositions relatives à la publicité trompeuse et nous vous encourageons à les adopter telles quelles. La seule difficulté que nous avons à l'égard de ces propositions est qu'elles donnent au directeur la latitude d'intenter des poursuites criminelles pour obtenir des concessions de la part de quelqu'un dont les pratiques font l'objet d'une enquête.

Pour remédier à ce problème, nous avons suggéré au directeur de spécifier dans son projet de lignes directrices le délai dans lequel il fera connaître son choix entre un recours pénal ou un recours civil. Dans la dernière ébauche de ces lignes directrices, on dit simplement que l'on s'efforcera de prendre la décision dans les plus brefs délais.

En outre, on ne donne pas tellement de précisions quant au type d'affaires qui seront jugées suffisamment graves pour donner lieu à un recours pénal. Nous encourageons le comité à recommander que la version définitive des lignes directrices du directeur donne davantage de précisions et des exemples afin d'aider le grand public à déterminer quelles affaires vont probablement entraîner le déclenchement de poursuites pénales et quand la décision quant au recours choisi sera prise.

Je passe maintenant aux allégations concernant le prix habituel. À cet égard, les modifications proposées visent surtout à décriminaliser l'actuelle interdiction. De plus, les modifications vont préciser davantage le critère servant à établir le prix de vente habituel d'un produit.

Là encore, la Chambre de commerce appuie fermement cette proposition et serait heureuse de la voir adoptée telle quelle. Nous sommes particulièrement contents de constater que les modifications vont préciser clairement que le prix de vente habituel d'un produit sera établi d'après des critères de volume ou de durée.

Bien que ces critères soient quelque peu imprécis, nous avons eu l'occasion d'examiner la dernière version du projet de lignes directrices publiée par le directeur relativement à cette question, et nous appuyons le critère de 50 p. 100 que l'on y propose, même si nous croyons que l'on aurait pu être un peu plus audacieux.

Les lignes directrices pourraient toutefois être plus précises en ce qui concerne les liquidations qui, d'après ce que nos membres ont recommandé, devraient être explicitement exemptées des dispositions relatives au prix habituel. Dans le projet de lignes directrices, on impose des exigences inutilement lourdes aux publicitaires qui doivent démontrer que les prix de liquidation ne sont pas trompeurs.

Nous encourageons le comité à recommander que dans la version définitive des lignes directrices, on dise clairement que les liquidations ne seront pas visées par la nouvelle disposition. C'est une question très importante pour beaucoup de nos membres.

Pour ce qui est du télémarketing, bon nombre de membres trouvent que la définition de télémarketing au paragraphe 52.1(1) du projet de loi est trop étendue et pourrait s'appliquer à un éventail de situations que nous avons décrites dans notre mémoire, et aussi à d'autres types de communication qu'on n'a même pas encore imaginés.

Les lignes directrices du directeur répondent à un certain nombre de nos préoccupations en ce qui a trait aux dispositions sur le télémarketing. Toutefois, il n'y est pas fait mention de plusieurs autres situations qui, aux États-Unis, ont été exemptées des règles de vente par télémarketing, en se fondant sur la longue expérience que les Américains ont à cet égard. Cela comprend la plupart des appels faits par des consommateurs en réponse à de la publicité générale publiée dans les médias, ainsi que les appels dont le consommateur prend l'initiative, sans avoir été sollicité de quelque façon. Nous avons donné de plus amples détails dans notre mémoire. La plupart des gens ne considèrent pas que les communications de ce genre correspondent au type de comportement que l'on vise à réglementer par ce projet de loi.

Même si le directeur abordait certaines de ces questions et situations dans la version définitive de ces lignes directrices, nos membres ont des réserves face à l'adoption d'une loi trop générale qu'il faudrait ensuite préciser au moyen de lignes directrices administratives qui peuvent changer en même temps que le directeur. Par conséquent, nous vous encourageons à resserrer davantage la définition proposée de télémarketing dans le sens de la proposition que nous faisons dans notre mémoire.

Nous recommandons également de supprimer l'alinéa proposé 52.1(2)c). Cette disposition permettrait d'exiger la divulgation d'autres informations par voie de règlement, et non pas par modification législative, auquel cas se tiendrait un débat public sur la question. Si l'on doit apporter des modifications fondamentales aux exigences en matière de divulgation dans le cadre de l'infraction relative au télémarketing, cela ne doit pas se faire par voie de règlement, car les consultations et le débat sont alors beaucoup plus limités, en comparaison du processus de modification de la loi.

En plus de ce qui précède, nous avons recommandé dans notre mémoire quelques autres modifications techniques aux propositions relatives au télémarketing.

Je passe maintenant à l'écoute électronique. De toutes les propositions du projet de loi C-20, c'est celle qui suscite les plus grandes réserves de notre part. Beaucoup de nos membres sont catégoriquement contre le fait de conférer ce pouvoir au Bureau de la concurrence. Nous pouvons imaginer de nombreuses situations dans lesquelles le bureau pourrait décider de faire appel à ce pouvoir et, le temps d'un clin d'oeil, des présidents ou cadres supérieurs de compagnies rivales dans un secteur donné seraient sur écoute électronique.

Nous n'avons aucune objection à ce qu'on ajoute l'écoute électronique à l'ordre du jour de la prochaine ronde de modifications de la Loi sur la concurrence que l'on envisage dans deux ou trois ans.

• 1540

Certains d'entre vous ont peut-être lu les articles négatifs publiés dans la presse à ce sujet ces derniers mois. Ce qui est particulièrement troublant dans cette proposition, c'est la façon dont on l'a mise de l'avant. Elle n'était pas mentionnée dans le document de travail publié en juin 1995 par le Bureau de la concurrence pour amorcer la présente ronde de modifications; elle n'a pas été abordée par le groupe consultatif sur les modifications de la loi; elle ne faisait pas partie du projet de loi C-67, qui a précédé le projet de loi C-20; et elle n'a fait l'objet d'aucune véritable consultation avant que le projet de loi C-20 soit présenté en première lecture.

Dans les lignes directrices, on précise que le directeur compte réserver l'utilisation de ce pouvoir à des enquêtes portant sur les dispositions de la loi relatives au complot, à des cas de fixation des prix et de partage du marché, et qu'il n'utilisera pas le pouvoir de procéder à l'écoute électronique dans le cas des fusions ou des alliances stratégiques. Cette position répond à certaines de nos préoccupations; toutefois, le projet de lignes directrices confère encore un pouvoir discrétionnaire inacceptable aux agents du Bureau qui pourront recourir à l'écoute électronique dans une vaste gamme d'autres circonstances.

Quoi qu'il en soit, cela soulève le même problème que je viens de signaler en ce qui a trait aux propositions sur le télémarketing; c'est-à-dire que l'on propose d'adopter une disposition extrêmement large pour ensuite la préciser au moyen de lignes directrices qui pourront changer à l'avenir. Par conséquent, nous vous exhortons à supprimer intégralement l'article 47 du projet de loi C-20, ou à tout le moins à supprimer les dispositions relatives à l'écoute électronique dans les affaires de complot et de trucage des offres. C'est tout ce que vous avez à faire. Notre proposition est relativement simple.

Si vous n'acceptez pas notre demande, nous avons proposé dans notre mémoire d'ajouter une disposition qui stipulerait que tout renseignement obtenu par écoute électronique doit être détruit dès qu'il est établi qu'aucune infraction n'a été commise.

Enfin, au sujet de l'avis préalable à un fusionnement, dans l'ensemble, la Chambre de commerce du Canada appuie l'orientation générale des modifications proposées aux dispositions de la loi portant sur les fusionnements. Toutefois, les amendements ne contribuent nullement à régler le problème dont la Chambre de commerce et le groupe consultatif sur les modifications de la loi ont tous deux reconnu l'importance, à savoir le fait que la grande majorité des transactions assujetties à l'obligation d'avis préalable au fusionnement ne soulèvent pas de questions sérieuses en matière de concurrence. C'est devenu une question beaucoup plus sérieuse pour nos membres et les entreprises canadiennes en général depuis que le directeur a commencé, en novembre dernier, à percevoir des frais d'utilisateur de 25 000 $ relativement au dépôt d'avis avant un fusionnement.

Comme nous le disons dans notre mémoire, les dispositions relatives à l'avis préalable à un fusionnement sont de portée beaucoup trop générale et l'on y peut remédier en relevant les seuils financiers établis aux articles 109 et 110 de la loi et en créant des exceptions supplémentaires.

En ce qui concerne la taille des parties à la transaction, mentionnée à l'article 109 de la loi, nous suggérons que le seuil soit relevé de 25 p. 100, passant de 400 millions de dollars à 500 millions de dollars, et pour les transactions mentionnées à l'article 110 de la loi, nous suggérons que les divers seuils passent de 35 à 50 millions de dollars, et, dans les cas d'absorption, de 70 millions de dollars à 100 millions de dollars. Comme nous le disons dans notre mémoire, ces changements seraient conformes à l'approche qui a été adoptée aux termes de la Loi sur Investissement Canada, qui prévoit des seuils indexés pour tenir compte de l'inflation.

Nous faisons remarquer que l'IPC a augmenté de plus de 35 p. 100 depuis l'entrée en vigueur, en 1987, des dispositions sur l'avis préalable à un fusionnement. Le seuil stipulé dans la Loi sur Investissement Canada, que nous décrivons dans notre mémoire, a augmenté d'environ 20 p. 100 depuis 1992.

Les augmentations que nous recommandons sont particulièrement justifiées puisque ces seuils concernent beaucoup plus de transactions qu'il n'était prévu au départ. Ce problème a été exacerbé par l'abaissement des seuils de plus de 35 p. 100, en chiffres réels, depuis 10 ans. Nous vous avons fourni le libellé précis de deux exemptions, y compris une reformulation de la nouvelle exemption qui apparaîtrait à l'alinéa 113c) de la loi.

Enfin, nous voudrions attirer votre attention sur le fait que dans le cadre des modifications proposées, on envisage d'assujettir les obligations en matière de fourniture d'information, c'est-à-dire les déclarations succinctes et détaillées stipulées aux articles 121 et 122 de la loi, au Règlement sur les transactions devant faire l'objet d'un avis. C'est particulièrement regrettable, à notre avis, surtout que nous n'aurons plus l'occasion de débattre des révisions aux obligations en matière d'information dans le cadre d'un débat public, de concert avec nos représentants élus, et parce que le Bureau de la concurrence propose d'augmenter considérablement les informations requises dans le cadre des déclarations détaillées. Nous craignons qu'en pratique, ce sera le directeur qui aura le dernier mot sur le libellé du Règlement et que nous n'aurons aucun recours.

• 1545

Malheureusement, étant donné que l'obligation relative à la déclaration détaillée sera transférée au Règlement dont vous n'êtes pas actuellement saisis, nous ne sommes pas certains que vous puissiez faire quoi que ce soit à ce sujet, sinon peut-être faire connaître votre avis et transmettre les préoccupations que nous exposons dans notre mémoire, dans l'espoir que ces vues auront en fin de compte une influence sur la teneur du Règlement.

Donc, en terminant, comme M. Reid l'a dit, la Chambre de commerce appuie tout à fait le projet de loi C-20 et voudrait qu'il soit adopté rapidement. Nous ne voudrions pas que nos suggestions constructives soient mal interprétées et qu'on s'imagine que nous sommes contre l'adoption du projet de loi dans son ensemble ou que cela retarde sensiblement l'adoption du projet de loi.

Les dispositions fondamentales du projet de loi, qui établiraient un régime double au civil et au criminel pour la publicité trompeuse et qui décriminaliseraient les autres pratiques trompeuses en matière de marketing qui sont actuellement visées par la loi, sont très importantes pour nos membres. Nous vous encourageons à adopter ces dispositions sans changement.

Nous appuyons également de façon générale les propositions relatives au télémarketing et nous avons suggéré des «mises au point» pour préciser davantage la définition trop générale du télémarketing que l'on propose dans le texte. Toutefois, nous vous exhortons à retarder l'adoption de la proposition concernant l'écoute électronique afin de tenir de nouvelles consultations et un débat public.

Enfin, nous vous incitons à adopter nos suggestions visant à réduire le nombre de déclarations d'avis préalable à un fusionnement.

Merci beaucoup, madame la présidente et mesdames et messieurs les membres du comité.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Crampton et monsieur Reid, pour vos déclarations d'ouverture.

Nous allons passer aux questions. Je rappelle aux membres du comité que nous devons entendre plusieurs groupes de témoins aujourd'hui et je serai donc assez stricte pour ce qui est des délais.

Monsieur Schmidt, vous avez la parole.

M. Werner Schmidt (Kelowna, Réf.): Merci, madame la présidente.

Merci, messieurs, de comparaître devant nous. C'est un plaisir de vous rencontrer et d'avoir un entretien avec vous. Votre mémoire est d'une grande clarté. Vous avez soulevé des questions vraiment très intéressantes.

La première question que je voudrais vous poser est celle-ci: vos préoccupations relativement aux dispositions d'écoute électronique visent-elles essentiellement le processus ou le fond?

M. Paul Crampton: Pour ce qui est du fond, nous n'avons pas eu l'occasion de consulter pleinement et d'en discuter. Beaucoup d'entre nous ont au départ l'impression que nous pourrions au bout du compte avoir de très sérieuses réserves, quand nous aurons eu l'occasion de consulter et de discuter de la question.

Nous avons de très sérieuses réserves sur le plan du processus parce que l'on propose de créer un pouvoir très étendu qui n'a pas fait l'objet de la vaste consultation que l'on a tenue sur toutes les autres propositions dont nous sommes saisis.

Toutes les autres propositions qui étaient controversées ont été remises à plus tard, tandis que nous sommes ici en présence d'une proposition controversée qu'on a décidé d'inclure sans qu'elle ait même fait l'objet d'une consultation le moindrement importante. Nous sommes donc très préoccupés par le processus puisque nous pensons que nous aurons peut-être en fin de compte un problème de fond, tout au moins en ce qui a trait aux dispositions relatives aux complots, qui préoccupent beaucoup de nos membres, car cette disposition est très générale et peut s'appliquer à n'importe quelle entente conclue par deux parties quelconques. Elles n'ont même pas besoin d'être des concurrents, ni même d'avoir des liens de fournisseurs à client, dans le cadre d'une intégration verticale. Ce pourrait être n'importe qui.

Je pense qu'en fin de compte, nous serons nombreux à avoir des réserves au sujet de cette disposition, même à la fin des consultations, et nous aurons donc peut-être un problème de fond, mais nous n'en sommes pas encore là.

M. Werner Schmidt: Je comprends vos préoccupations relativement au processus. Je pense qu'on vous a amenés à croire que vous participiez à une consultation pleine en entière et je comprends donc que vous vous soyez sentis presque trahis quand vous avez découvert cette mesure-ci.

Je me pose toutefois la question: si des amendements étaient apportés de manière à atténuer votre préoccupation fondamentale, votre position changerait-elle?

M. Paul Crampton: Il faudrait que nous examinions ces amendements. La suggestion a été faite de limiter l'écoute clandestine à la fixation des prix...

M. Werner Schmidt: Oui, exactement.

M. Paul Crampton: ...et au partage du marché.

M. Werner Schmidt: Exactement.

• 1550

M. Paul Crampton: Le problème est que même dans ce cas, beaucoup des plaintes formulées au Bureau portent sur des ententes qui peuvent avoir un effet quelconque sur le prix. Il y a toutes sortes d'ententes différentes. Je pourrais m'arranger avec vous pour échanger des renseignements et le Bureau s'inquiéterait parce que grâce à nos échanges de renseignements, nous avons désormais une meilleure compréhension de nos coûts mutuels ou de notre façon d'envisager le marché, et cela pourrait en fin de compte entraîner une plus grande convergence des prix.

Les enquêtes sur la fixation des prix représentent l'essentiel des enquêtes menées par le Bureau aux termes de l'article 45 et bien des gens croient qu'il y a des accords de fixation des prix dans toutes sortes de secteurs, alors que ce n'est rien d'autre que du parallélisme délibéré et tout à fait légitime, et la Cour suprême du Canada a dit très clairement que ce n'est pas une infraction. J'ai le droit d'aligner mes prix sur ceux de mon concurrent si je veux le faire. Je ne suis nullement obligé d'offrir de meilleurs prix.

M. Werner Schmidt: Je pense que le véritable objectif, c'est d'attraper ceux qui se rendent coupables de télémarketing frauduleux. Je pense que c'est le but fondamental de l'écoute électronique. Nous avons entendu hier, je crois, des témoins qui traitaient spécifiquement de télémarketing trompeur et frauduleux où l'on exerce de fortes pressions pour forcer des gens sans méfiance à offrir de l'argent alors qu'on ne leur offre rien en retour. Je pense que c'est l'objectif visé et nous sommes tous d'accord pour dire que c'est une bonne chose. Les réserves que vous entretenez à ce sujet, c'est que c'est rédigé de façon tellement générale que cela ne se limite pas à ce domaine précis et qu'on pourrait l'interpréter à toutes les sauces. Est-ce bien cela qui vous préoccupe?

M. Paul Crampton: L'infraction en matière de télémarketing est très vaste. Nous avons une nouvelle infraction qui est énoncée de façon très vague. On prévoit une peine maximale de cinq ans de prison, ainsi qu'une amende illimitée et ensuite, par-dessus tout cela, on veut introduire ce pouvoir envahissant sans nous avoir le moindrement consultés.

Personne n'est venu nous dire quelle a été l'expérience aux États-Unis à ce sujet. Personne ne nous a dit qu'avant de se doter du pouvoir d'écoute électronique, les Américains avaient beaucoup de difficulté à réglementer le télémarketing et qu'après avoir obtenu ce pouvoir, ils ont eu beaucoup plus de succès pour mettre fin aux fraudes dans le domaine du télémarketing. On n'est pas venu nous présenter un dossier à ce sujet.

Beaucoup d'entre nous sont d'accord, fondamentalement, pour dire que s'il y avait un fraudeur, un artiste en son genre, qui téléphonait à nos mères pour essayer de leur extorquer leurs économies, nous voudrions certes que le Bureau ait ce pouvoir. Le problème, c'est qu'il n'y a eu aucune consultation.

Et nous ne proposons pas de remettre cela indéfiniment. Il y a un échéancier de fixé. Le Bureau prévoit déjà étudier de nombreux autres points pour de futures modifications. Le directeur a dit à maintes reprises qu'il voudrait qu'on établisse un processus permettant de modifier régulièrement la loi, au lieu de le faire à tous les 10 ans; il a pris un engagement à cet égard. Nous disons: «Inscrivez cela à l'ordre du jour et nous l'étudierons». Nous allons nous colleter avec ces questions et nous trouverons bien une solution qui sera acceptable pour tous, tout comme nous l'avons fait dans le cas de la publicité trompeuse et des allégations concernant le prix habituel.

C'est seulement que cela nous a pris par surprise et nous sommes très inquiets. Je pense que viscéralement, en tant que Canadiens qui jouissent de certains droits civils fondamentaux, la seule perspective de voir des gens d'affaires, et n'importe qui, en fait, être mis sur écoute électronique, que ce soit au téléphone ou dans leur voiture ou leur bureau... C'est quelque chose qui nous tracasse viscéralement et nous voudrions en parler davantage. Nous voudrions qu'on mette la question sur le tapis et qu'on aille au fond des choses.

La présidente: Dernière question, je vous prie, monsieur Schmidt.

M. Werner Schmidt: Oui. Pour éviter tout malentendu, ce qui vous préoccupe, ce n'est pas la disposition relative au télémarketing comme telle. C'est la disposition concernant l'écoute électronique. Est-ce bien cela? Ou bien voudriez-vous rejeter tout ce qui concerne le télémarketing?

M. Paul Crampton: Non. Nous croyons que la disposition sur le télémarketing est bonne. Nous pensons qu'elle est trop générale et nous vous avons fait des suggestions pour la peaufiner.

M. Werner Schmidt: Je comprends cela.

M. Paul Crampton: Nous croyons que c'est une très bonne disposition et nous l'appuyons, de façon générale.

M. Werner Schmidt: Même si elle ne faisait pas partie de votre processus non plus.

M. Paul Crampton: Elle en faisait partie. Elle figurait au projet de loi C-67 et le groupe consultatif a étudié la question et a recommandé que le Bureau ajoute une disposition sur le télémarketing. La question était du domaine public et elle a fait l'objet d'une discussion.

M. Werner Schmidt: Merci, madame la présidente.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Schmidt.

Monsieur Shepherd.

M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): Je reviens à ce que disait M. Schmidt. Le monde des affaires est actuellement en pleine évolution. On entend parler d'alliances stratégiques, tandis qu'il y a 10 ans, la plupart des gens n'en parlaient pas, et pourtant, le mot «complot», quand on songe à la façon dont le monde des affaires est en train de changer... Sommes-nous en train de légiférer de manière à mettre des obstacles à ce genre d'alliances permettant aux gens de partager des idées, de la technologie et des ressources? Croyez-vous que ce serait là un effet négatif possible de ce projet de loi?

• 1555

M. Paul Crampton: Absolument. Des concurrents peuvent décider d'avoir des entretiens pour discuter de quelque initiative de réduction de l'emballage ou encore d'une initiative d'analyses comparatives afin de mieux faire concurrence à des géants étrangers... Au point où en sont les choses, il y a un puissant facteur de dissuasion à cause du recours au criminel et bien des gens s'imposent une interdiction absolue, surtout que beaucoup de compagnies sont des filiales de compagnies américaines et que dans la législation américaine pour contrer les monopoles, le fait de fixer les prix est une infraction en soi. Quand on se réunit et qu'on conclut une entente, cela peut viser seulement à échanger des renseignements, mais si cette entente a une incidence anti- compétitive sur les prix en causant une hausse des prix, cela devient illégal aux États-Unis. Comme beaucoup d'entités canadiennes sont des filiales d'entreprises américaines, elles ont déjà pour politique de ne pas adresser la parole à leurs concurrents.

Je pense que si l'on ajoute cette mesure-ci, encore plus de compagnies vont s'abstenir d'avoir la moindre discussion avec d'autres représentants de leur secteur, même dans un cadre concurrentiel, et le Canada dans son ensemble en souffrira. Je pense que même le niveau des investissements va en souffrir. Je pense que nous n'en avons absolument pas besoin.

M. Alex Shepherd: D'après ce que j'ai pu observer, les sociétés canadiennes se sont montrées moins enclines à conclure ce genre d'ententes, pour des raisons liées aux différences culturelles et autres, et je me demande si certaines de ces dispositions n'entraveraient pas encore davantage cela.

M. Paul Crampton: Je pense que vous avez raison.

M. Alex Shepherd: Qu'en est-il du trucage des offres? Y a-t-il une définition claire de cette notion? Êtes-vous satisfaits des dispositions relatives au trucage des offres?

M. Paul Crampton: Le trucage des offres est défini de façon assez claire à l'article 47, et il constitue une infraction en soi. Il n'est pas nécessaire de prouver que cela a eu un effet quelconque sur la concurrence.

Le problème lié au trucage des offres tient au fait que cela ne constitue pas une infraction à moins que les parties aient omis de le divulguer à la personne qui fait l'appel d'offres. Comment le pouvoir d'écoute électronique va-t-il résoudre ce problème? On ne saura que juste avant la fin de la période de dépôt des soumissions s'il y a eu ou non-communication à cet égard.

Je ne pense pas qu'il soit arrivé souvent qu'il y ait un différend entre l'auteur d'un appel d'offres et la personne présumément engagée dans le trucage des offres pour savoir si oui ou non il y avait eu consultation. De façon générale, il est assez facile dans les cas de trucage des offres de prouver qu'il y a eu entente. Je ne pense pas que le Bureau ait perdu des tas de causes parce qu'il n'a pas été en mesure de prouver qu'il y avait eu accord. Il en perd beaucoup en raison de la disposition fondamentale sur le complot qui figure dans la loi.

Vous avez parlé de «complot». Ce n'est pas le nom de la disposition. C'est simplement ainsi qu'on en parle familièrement. Il s'agit d'une disposition qui s'applique à tous les accords. Nous l'appelons «la disposition fondamentale sur le complot».

M. Alex Shepherd: Ainsi, de l'avis de la Chambre, tout cela est tellement compliqué qu'il est impossible de prendre un élément et de le définir comme infraction, et ce, en raison de la façon dont on traite les affaires dans le monde changeant d'aujourd'hui. Il est effectivement très difficile de définir cela. Si l'on enlève la fixation des prix ou le partage du marché, quelle est la différence entre le partage du marché et une alliance stratégique? Comment établir ces définitions?

M. Paul Crampton: Si nous avions l'occasion d'en discuter, de faire des consultations et d'y travailler, que nous finirions sans doute par aboutir à quelque chose à l'issue de ce processus, mais nous n'en avons pas eu l'occasion.

Notre position est la suivante: discutons-en et collaborons. Dans le passé, nous avons collaboré avec le Bureau pour peaufiner la loi et nous continuerons de le faire à l'avenir. Toute pratique anticoncurrentielle au Canada nuit aux entreprises canadiennes autant qu'elle nuit aux consommateurs canadiens, de sorte qu'il est dans notre intérêt d'améliorer la loi le plus possible. Mais pour y arriver, il faut que nous ayons la possibilité d'en discuter et cela n'a pas été possible en l'occurrence.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Shepherd.

[Français]

Madame Lalonde.

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Je vous remercie de cette présentation à la fois détaillée et précise. C'est votre responsabilité, j'en conviens.

• 1600

Je vais vous demander certaines explications qui ne semblent pas contenues dans votre document ou, du moins, que je n'ai pas entendues au cours de votre exposé.

Au sujet de la définition du télémarketing, vous demandez qu'elle soit précisée parce qu'«autrement, ces dispositions pourraient être appliquées à des entités dont les services ne sont pas censés tomber sous le coup de la loi». À quoi faites-vous allusion en disant cela?

[Traduction]

M. Paul Crampton: Nous avons donné certains exemples dans notre mémoire.

Prenez le cas d'un client qui appellerait une société de sa propre initiative. Nous sommes soudainement dans un contexte de communications téléphoniques interactives et voilà qu'interviennent des efforts de télémarketing. Je pourrais appeler un numéro 1-800 pour obtenir des renseignements et, au cours de la discussion... je peux donner un coup de fil pour en savoir plus long au sujet d'un produit et la discussion peut tourner autour d'autres produits susceptibles de m'aider dans mon entreprise et voilà qu'interviennent les dispositions concernant le télémarketing.

Nous vous avons donné une liste des situations qui ont été exemptées aux États-Unis, en nous fondant sur l'expérience américaine. Nous n'avons pas besoin de réinventer la roue. Les Américains ont une longue expérience en la matière, et je pense qu'il serait bon d'en profiter.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Vous souhaitez que soient exclues les communications par Internet, en rapport avec les directives du directeur. Nous en avons déjà discuté avec d'autres témoins. Tout le monde n'est pas de votre avis. Surtout quand on pense aux développements prévus, on pourrait regretter amèrement d'avoir exclu Internet.

[Traduction]

M. Paul Crampton: Je comprends votre préoccupation. Selon nous, la communication Internet n'offre pas un environnement aussi oppressif. Il n'y a pas au bout du fil quelqu'un qui est en mesure de faire durer la conversation, conversation que vous pourriez avoir du mal à interrompre si vous êtes timide, notamment si l'interlocuteur exerce certaines pressions. Premièrement, dans le cas d'une communication Internet, l'interlocuteur ne peut vous rejoindre à moins que vous n'ayez branché votre ordinateur. Deuxièmement, il vous est toujours possible d'interrompre l'échange, de réfléchir et de rappeler par la suite. Et troisièmement, que je sache, cela n'est pas un problème. Bon nombre d'entre nous savent que les pratiques de télémarketing frauduleux constituent un grave problème, mais personne ne nous a donné la preuve que ces échanges Internet en étaient un.

Le mieux que je puisse faire est de vous renvoyer aux propos du directeur lui-même lorsqu'il a comparu le 2 avril, ou aux propos du ministre lors de sa comparution du 31 mars. De façon détaillée, ils ont expliqué pourquoi, à leur avis, cette disposition ne s'applique pas à de telles situations et pourquoi elles ne tomberont pas sous le coup des politiques d'exécution du Bureau.

Nous félicitons le Bureau d'avoir adopté cette position, mais cela nous ramène au problème fondamental lié au caractère général de la loi. Pourquoi adopter une loi générale et ensuite revenir pour en restreindre la portée par le biais de lignes directrices administratives qui peuvent changer?

La présidente: Une dernière question, je vous prie, madame Lalonde.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Je constate que l'orientation de la loi vers une certaine décriminalisation vous satisfait. Pourtant, je m'interroge à ce sujet. En effet, les grandes entreprises, notamment, ont les moyens de payer facilement des amendes. Par contre, la menace de se retrouver en prison pour celles qui sont vraiment en dehors du droit chemin, qui ont vraiment comploté ou fait des transactions frauduleuses, va continuer à peser.

• 1605

Vous dites que les directives seraient beaucoup plus utiles si on précisait un délai au bout duquel le directeur aurait à choisir entre une procédure au criminel et une procédure au civil. Expliquez-nous donc pourquoi, à votre sens, il devrait en être ainsi.

[Traduction]

M. Paul Crampton: Imaginez que par inadvertance, vous ayez fait de la publicité trompeuse. Vous souhaiteriez expliquer au Bureau pourquoi vous avez fait cela, pourquoi vous ne croyez pas que cela était un problème aux termes de la loi, mais le directeur ne vous a pas encore dit si les poursuites auraient lieu au criminel ou au civil, et vous ne voulez pas vous compromettre. Vous ne voulez pas aider le directeur à monter une poursuite criminelle contre vous.

Nous disons que pour les gens qui se trouvent dans une telle situation, cela crée un stress incroyable. Le directeur devrait normalement savoir si ce genre de publicité trompeuse est suffisamment grave ou sérieuse pour l'amener à opter pour une procédure criminelle.

Il saura, d'entrée de jeu, s'il s'agit d'une publicité qui visait des groupes vulnérables. Il peut s'appuyer sur d'excellentes lignes directrices. Il devrait être en mesure de faire savoir ce qu'il en est dans un délai raisonnable.

Qu'entend-on par délai raisonnable? Je pense que 60 jours est un délai raisonnable. Ensuite, s'il décide d'opter pour une procédure civile, nous pouvons nous attacher à résoudre le problème rapidement.

C'est d'ailleurs l'objet de ce double régime civil-criminel. Son but est d'accélérer le mécanisme d'exécution car la procédure criminelle était trop fastidieuse. Si le directeur retarde sa décision, dans une certaine mesure, il ira à l'encontre de la raison d'être de ce modèle.

La présidente: Merci.

Monsieur Reid, voulez-vous ajouter quelque chose?

M. Timothy Reid: Non, ça va.

La présidente: D'accord.

Merci, madame Lalonde.

Je donne maintenant la parole à M. Lastewka.

M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.): Merci, madame.

Tout d'abord, je remercie les témoins de leur exposé, qui est fort détaillé.

Cependant, je m'inquiète un peu du fait que vous suggériez un processus de consultation au sujet de l'écoute électronique. Si ma mémoire est bonne, le projet de loi a été déposé en novembre dernier. Cela fera six mois la semaine prochaine.

Vous avez aussi mentionné avoir de bonnes relations avec les fonctionnaires du ministère. Vous avez dit que vous échangiez de l'information. Par conséquent, je trouve curieux que vous affirmiez ne pas avoir eu l'occasion de vous faire entendre. Je ne comprends pas que vous disiez que vous n'avez pas eu votre mot à dire.

La Chambre de commerce communique continuellement avec les ministères. Si, depuis les six derniers mois, vous avez eu des idées pour modifier les dispositions concernant l'écoute électronique afin de les rendre plus efficaces, sans affirmer que cela ne faisait pas partie du processus de consultation, je ne vois pas pourquoi vous dites que vous n'avez pas eu l'occasion de vous exprimer.

M. Paul Crampton: Je n'en ai pris connaissance qu'une fois le projet de loi déposé. Il l'a été à la fin de novembre, je suppose. En temps normal, vous dites que nous aurions sans doute eu l'occasion de mener des consultations depuis lors. Mais une fois le projet de loi déposé, j'ai eu l'impression que le Bureau s'était plutôt engagé à en faire la promotion pour qu'il soit adopté dans la forme sous laquelle il avait été soumis au Parlement pour la première lecture.

Je n'ai certes pas senti qu'on était très réceptif pour aborder certaines des choses qu'un certain nombre de personnes autour de la table aujourd'hui ont abordées: Qu'arrivera-t-il si nous en rétrécissons la portée? Si nous la restreignons au télémarketing? Quelles sont les conséquences de faire ceci, de faire cela? Ce genre de consultations n'a pas eu lieu. On n'a fait aucun effort pour essayer de nous expliquer pourquoi cela est nécessaire, pour justifier cette démarche.

Vous avez raison; il s'est écoulé passablement de temps depuis le dépôt en première lecture, mais je pense que depuis la première lecture, le Bureau a semblé vouloir s'en tenir aux dispositions actuelles, à la formulation actuelle. Je n'ai pas senti que l'on voulait commencer à jongler avec le libellé, quoique nous aurions été ravis de le faire.

• 1610

Ce qui nous inquiète, c'est que ce n'est pas un pouvoir de dernier recours du tout. En fait, la Cour d'appel de l'Ontario l'a dit clairement. Elle a affirmé explicitement que le pouvoir d'écoute électronique ne devait pas nécessairement être le dernier recours. Il y a trois autres avenues qui ne sont pas cumulatives; ce sont des solutions de rechange.

Les voici: on a essayé d'autres méthodes d'enquête qui ont échoué; les autres méthodes d'enquête sont peu susceptibles d'aboutir; ou l'affaire est tellement urgente qu'il ne serait pas pratique de faire enquête au sujet de l'infraction en ayant recours à d'autres techniques.

Par conséquent, ce n'est pas une mesure de dernier recours. En l'occurrence, c'est le Code criminel qui est en jeu. Il existe un cadre détaillé pour ces pouvoirs, et nous avons énormément d'inquiétudes à ce sujet.

M. Walt Lastewka: Je vais vous expliquer mon observation. Nous tenons des séances comme celle d'aujourd'hui depuis quelques semaines déjà, voire des mois, et je suppose qu'il y aura autour de la table des députés qui présenteront des amendements. Cela s'inscrit dans le processus de consultations parlementaires.

Par conséquent, lorsque vous affirmez ne pas avoir eu l'occasion de soumettre votre point de vue, personnellement, je trouve cela insultant. En effet, c'est précisément pour permettre aux témoins de s'exprimer que nous tenons toutes ces séances de comité. C'est précisément dans ce but.

M. Timothy Reid: Nous sommes très heureux d'être ici. Nous étions prêts à venir n'importe quand. Nous avons été invités, et nous avons répondu à l'invitation. Nous vous présentons des arguments dans l'espoir d'influencer votre réflexion.

Nos commentaires au sujet du processus de consultations, qui est établi depuis longtemps, portaient sur la préparation de la mesure législative. Essentiellement, il y a une différence entre le fait d'être consulté et d'être simplement informé. Le jour où l'on a présenté le projet de loi, on nous a informés qu'il renfermait une disposition sur l'écoute électronique. Je n'appelle pas cela de la consultation.

M. Walt Lastewka: D'accord.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Lastewka.

Monsieur Jones, avez-vous des questions? Non?

Monsieur Lowther.

M. Eric Lowther (Calgary-Centre, Réf.): J'ai une ou deux questions rapides, madame la présidente.

Il se peut qu'on ait déjà parlé de cela aujourd'hui. Si c'est le cas, nous pouvons allez tout de suite au coeur du sujet.

Vous dites que les dispositions concernant le télémarketing sont trop générales, et vous donnez certains exemples. J'aimerais savoir ce qui vous motive à réclamer qu'on limite cette disposition. Nous avons une définition générale et je suppose que si on devait en restreindre la portée, certaines choses se trouveraient à être soustraites de la définition générale.

Quels sont vos arguments? Qu'est-ce qui resterait une fois qu'on aurait réduit le champ de la définition et pourquoi enlever certaines choses? Essayons-nous de protéger le consommateur dans un cas précis et non dans d'autres qui ne tomberaient pas sous le coup de la définition générale? Est-ce ce que vous souhaitez?

M. Paul Crampton: Je pense que nous sommes nombreux à craindre le tort que cette disposition peut causer. Nous sommes aussi nombreux à pouvoir imaginer toute une gamme d'autres situations. Ainsi, on peut imaginer qu'un consommateur appelle une entreprise pour discuter de certains produits et qu'au fil de la conversation, les dispositions concernant le télémarketing en viennent à s'appliquer, avec tout ce que cela suppose sur le plan des exigences de divulgation.

Dans une vaste gamme de situations, comme celles envisagées par la Federal Trade Commission des États-Unis, il serait fort peu pratique d'exiger toutes ces divulgations au téléphone, en particulier celles énoncées au projet de sous-alinéa 52.1(2)b). Le projet de sous-alinéa a) est relativement simple, exigeant la divulgation de l'identité de la personne pour le compte de laquelle la communication est effectuée. Vous êtes informé de l'identité de la personne à laquelle vous parlez et qui est employée par telle et telle société, ou la société X, et quant à la nature du produit, nous la connaissons la plupart du temps, ainsi que les intérêts commerciaux en jeu, et l'objectif de la communication. Tout cela va généralement de soi.

• 1615

Mais on en arrive alors au projet de sous-alinéa 52.1(2)b):

    b) à la divulgation, d'une manière juste, raisonnable et opportune, du prix du produit

Il existe à ce propos de nombreuses catégories de produits dont le prix n'est connu que lorsque la transaction est faite, par exemple les fonds communs de placement. Ainsi, l'Association des banquiers canadiens a de graves inquiétudes au sujet de ceux-ci, ainsi que d'autres catégories de titres.

Un peu plus loin, il est dit:

    et des restrictions, modalités ou conditions importantes applicables à sa livraison;

Ce n'est pas ainsi que s'effectue une transaction lorsque vous appelez une société. Vous n'allez pas entrer dans tous ces détails, ce serait très peu pratique. Et comment former ceux qui vont recevoir les appels du public? Il faudrait dans ce cas embaucher un grand nombre d'employés supplémentaires, car la durée des appels serait considérablement augmentée.

Je pense que la FTC américaine a une certaine expérience de cette loi de télémarketing. Cette commission a créé certaines exceptions, et nous vous en avons donné une liste; toutes ne nous paraissent pas nécessaires, mais nous vous en avons donné cinq ou six qui nous paraissent s'imposer. Nous avons ensuite ajouté que la publicité devrait être limitée aux appels téléphoniques en direct, en partie parce que le directeur a déjà dit que c'est ainsi qu'il l'interprète, et que le ministre a dit que c'est ainsi qu'il a l'intention de l'interpréter. Pourquoi pas, en ce cas, dire que la loi l'exige?

M. Eric Lowther: Permettez-moi d'essayer de paraphraser votre point de vue, qui me paraît assez simpliste. C'est ainsi que je vois les choses.

Dans notre zèle de protéger les personnes vulnérables induites en erreur par un télévendeur rusé, nous risquons d'être allés trop loin et d'avoir trop élargi la définition, donné trop de latitude afin que cela ne puisse jamais se produire. N'avons-nous pas, de la sorte, dépasser les bornes du respect de la vie privée, de la protection personnelle, négligeant les mises en garde classiques traditionnellement adressées à l'acheteur? Ce dernier, en effet, n'est pas sans responsabilité. Dans notre zèle de protéger tout le monde, nous risquons d'avoir renoncé à un certain contrôle de la vie privée et d'avoir omis de prendre en compte des considérations pratiques. Est-ce que vous comprenez mon point de vue?

M. Paul Crampton: Vous avez tout à fait raison, et nous devons également prendre en compte, comme considération pratique, un facteur de temps. Le Bureau de la concurrence s'est probablement rendu compte qu'il disposait d'un certain temps pour présenter ce projet de loi en première lecture, et le faire passer par les étapes législatives. S'il avait disposé de plus de temps, nous aurions pu soulever certaines de ces objections avant le dépôt du projet de loi, et aurions peut-être pu en traiter avant même qu'il ne soit déposé.

Mais je veux que vous nous compreniez bien. Dans l'ensemble cela nous paraît une bonne disposition, qui ne pèche que parce qu'elle est trop étendue, et nous aimerions simplement la peaufiner un peu.

M. Eric Lowther: Je vais vous mettre dans la situation dans laquelle nous nous trouvons parfois. Seriez-vous disposés à l'accepter telle quelle, en vous disant que mieux vaut l'avoir telle quelle plutôt que de ne pas l'avoir du tout, ou pensez-vous que dans son état actuel, vous préféreriez effectivement vous en passer?

M. Timothy Reid: Tout ce que nous pouvons vous dire, c'est que nous comprenons que vous, en tant que membres du Parlement siégeant à ce comité, pouvez proposer des modifications et nous aimerions que vous le fassiez et adoptiez le projet de loi. Nous visons l'un et l'autre.

M. Eric Lowther: Et nous de même.

Le président: Je vous remercie, monsieur Lowther.

[Français]

Monsieur Bellemare, s'il vous plaît.

M. Eugène Bellemare (Carleton—Gloucester, Lib.): Mes questions vont s'adresser à M. Crampton.

Monsieur Crampton, mon confrère M. Lastewka vous a parlé du processus de consultation. Je suis d'accord avec lui. Si on invitait tout le monde à aller discuter avec nos fonctionnaires, ne serait-ce pas considéré presque comme du lobbying? Toutes sortes de gens iraient voir les fonctionnaires pour faire des pressions afin que certaines procédures ne s'appliquent pas parce qu'ils souhaiteraient protéger un groupe ou un autre.

[Traduction]

M. Paul Crampton: Il y a un processus de consultation qui existe, et le Bureau s'est toujours imposé de consulter sur toutes les mesures significatives, qu'il s'agisse de lignes directrices en matière de fusionnements, de discrimination des prix ou de publicité trompeuse. Le Bureau se flatte de sa tradition de consultation, et entretient d'excellentes relations avec le monde des affaires et d'autres intervenants, précisément parce qu'il les consulte.

• 1620

Il existe quelques grands intervenants et nous, la Chambre de commerce, nous nous flattons de représenter un vaste éventail d'entreprises canadiennes, et de constituer nous-mêmes une voix représentative. Je sais que d'autres organisations pensent de même. Nous ne parlons pas ici des milliers de personnes qui se rendent au bureau...

M. Eugène Bellemare: Mais ne reconnaissez-vous pas que c'est une proposition émanant de nous, et que le processus consultatif consiste à vous inviter, vous, ou à vous écouter si c'est vous qui avez demandé à comparaître? C'est l'un ou l'autre. Mais en dernier ressort, vous êtes ici pour nous faire entendre votre point de vue. Ne considérez-vous pas cela comme étant une consultation?

M. Paul Crampton: Nous sommes maintenant consultés sur un projet de loi, et non sur ce qui va figurer dans le projet de loi. C'est là une distinction essentielle. En ce qui concerne la loi...

M. Eugène Bellemare: Mais vous reconnaissez cependant que ce à quoi nous nous livrons aujourd'hui, c'est bien de la consultation.

M. Eric Lowther: Madame la présidente, je voudrais invoquer le Règlement. Il ne me paraît pas prudent de discuter avec ces témoins du processus de consultation: ils ont été convoqués pour nous faire certaines recommandations à propos du projet de loi. Quant à savoir s'ils ont eu la possibilité de consulter ou non, c'est là une question accessoire, à mon avis.

La présidente: Monsieur Lowther, ces témoins ont soulevé cette question dans leur déclaration d'ouverture, et je crois que M. Bellemare a le droit de la remettre en cause. Ce sont eux qui l'ont soulevée.

Je vous remercie.

M. Eugène Bellemare: Madame la présidente, je crains que mon temps ne soit gaspillé en...

La présidente: Monsieur Bellemare, je vous prierais de ne pas ressasser cette question, parce qu'elle a déjà été soulevée.

M. Eugène Bellemare: Je vais alors passer à une autre question, à savoir la crainte de M. Crampton que nous nous branchions sur une table d'écoute pour espionner les gens. J'avais l'impression, en vous écoutant, que vous vous imaginez que nous allons embaucher des milliers de gens pour ce genre de travail, parce que ce serait intéressant d'écouter les conversations. Le gouvernement, à mon avis, n'est pas disposé à faire cela.

Nous voulons veiller à protéger nos collectivités et nos citoyens les plus vulnérables contre des escrocs, des magouilleurs et des télévendeurs malhonnêtes. Vous nous demandez d'examiner d'autres possibilités, et vous en proposez trois: vous dites que s'il existe d'autres procédures d'enquête ce sont celles que nous devrions examiner; s'il y en a d'autres—j'en ai noté une seconde, mais je n'arrive pas à la relire parce que j'ai gribouillé—et l'autre, c'est que si ce n'est pas pratique, vous pouvez recourir aux écoutes électroniques.

Nous envisagerions à ce dernier recours s'il y avait une plainte, par exemple dans le cas d'une personne âgée qui perdrait toutes ses économies du fait de certains escrocs, dans une autre juridiction, par exemple dans le cas de télévendeurs de Colombie- Britannique, ou au Québec, qui s'en prennent à des gens en Ontario, ou des escrocs ontariens qui prennent pour cible des gens du Manitoba, de sorte que la police se trouve placée devant certains obstacles. En cas de plainte on appelle la police locale. On n'appelle pas un corps policier qui est...

La présidente: Monsieur Bellemare, pourriez-vous passer à votre question?

M. Eugène Bellemare: Dans le cas d'une personne qui a été grugée, que l'on a dépouillé de son argent, qui dépose une plainte en disant qu'on continue à l'appeler pour essayer de lui soutirer plus d'argent, n'est-ce pas dans un cas de ce genre que le gouvernement interviendrait et se mettrait sur écoute électronique afin d'obtenir une preuve qu'il y a là une tractation malhonnête?

M. Paul Crampton: Je ne suis pas certain d'avoir tout à fait compris la question, mais je voudrais faire quelques observations. Si je ne réponds pas à votre question, vous pourrez peut-être la répéter autrement.

On n'a pas encore établi ou prouvé, du moins pas dans une mesure qui nous satisfasse vraiment, que ce pouvoir sera utilisé seulement en dernier recours.

• 1625

Je sais que l'ébauche de lignes directrices qui a précédé le projet de loi disait, par exemple, que ce pouvoir serait utilisé seulement «lorsque c'est absolument nécessaire». Ces mots ont disparu, ce qui veut dire que le pouvoir ne sera pas utilisé uniquement en dernier ressort. La loi, c'est-à-dire le Code criminel, n'exige pas qu'il soit utilisé uniquement en dernier ressort.

Je peux vous dire que certains membres... Un membre de notre groupe d'étude qui travaille dans le domaine de la téléphonie m'a dit que nous serions étonnés de savoir le nombre de fois qu'on accorde l'autorisation de poser des dispositifs d'écoute électronique.

Cela nous inquiète donc beaucoup le Bureau n'ait pas essayé d'établir que, s'il essaie de retracer le numéro de téléphone ou la Visa... Si quelqu'un a donné son numéro de carte Visa au téléphone, la personne au bout du fil doit avoir rempli une fiche Visa et essayé de l'encaisser quelque part. Cette personne doit avoir une adresse et la compagnie de téléphone peut dire à la police où est cette adresse. On peut utiliser d'autres moyens.

Personne ne nous a dit: «Quand on a essayé cela aux États-Unis cela n'a pas généralement fonctionné sans le pouvoir d'installer des dispositions d'écoute électronique.» Ou bien: «Quand nous avons essayé cela dans le passé aux termes des dispositions sur la publicité trompeuse, cela n'a pas fonctionné.» On ne nous a pas fourni de preuve que cette nouvelle loi envahissante était nécessaire.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Bellemare.

Avez-vous une dernière question, madame Lalonde?

[Français]

Mme Francine Lalonde: Oui, merci. Je veux revenir aux 60 jours. J'aimerais aussi parler de l'écoute électronique.

Ce que vous dites ne dénote-t-il pas que vous désapprouvez la volonté de faire de cette loi davantage une loi préventive, dont le but serait d'avertir et d'aider les entreprises qui auraient adopté des comportements délinquants sans le savoir, comme vous l'avez dit tout à l'heure? Est-ce que vous nous dites que cette voie est irréaliste? Vous demandez que le directeur se prononce au bout de 60 jours; cela veut-il dire que jusque-là, la personne n'aurait pas collaboré de crainte de s'incriminer? Vous parlez de préparer des stratégies d'application de la loi.

[Traduction]

M. Paul Crampton: Comme élément dissuasif, il y a encore une disposition très sévère dans le Code criminel qui prévoit l'emprisonnement et des amendes importantes comme sanction. Cependant, la raison pour laquelle on veut créer un double régime, c'est-à-dire au civil et au criminel, comme on l'a dit, je pense, c'est qu'on veut s'éloigner d'un régime de châtiment pour instaurer un régime correctif. Nous voulons mettre fin à ces pratiques et nous voulons le faire rapidement.

Dans la mesure où le directeur pourra décider ce qu'il veut faire dans des délais raisonnables, on pourra régler ces questions de façon plus efficace. S'il décide de procéder au civil, ce qui est beaucoup plus rapide, il pourra obtenir une injonction et un avis correctif pour que le reste du marché obtienne les renseignements voulus plus rapidement.

Je pense que c'est aussi ce qu'avaient recommandé le comité Collins en 1988 et le groupe de travail en 1991. Cela représente l'aboutissement de bon nombre d'années d'études approfondies par divers organismes qui ont tous conclu que le droit pénal est trop lourd pour s'occuper convenablement de la publicité trompeuse et qu'il serait beaucoup plus efficace de décriminaliser ces dispositions. Si j'ai bien compris, la publicité trompeuse n'est pas un acte criminel aux États-Unis non plus et le régime américain est très efficace.

• 1630

La présidente: Une dernière question, madame Lalonde.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Ma question est celle-ci: en imposant une limite de 60 jours, est-ce qu'on ne serait pas tenu de n'appliquer qu'une partie de la loi, celle qui est non criminelle? Donc, cette disposition risque d'être fort peu souvent appliquée à l'avenir.

[Traduction]

M. Paul Crampton: Je ne le pense pas parce que si je fais une déclaration trompeuse à propos de médicaments pour le coeur aux personnes vulnérables, le directeur saura, certainement dans les 60 jours qui suivent, que c'est un comportement répréhensible et il décidera de procéder au criminel.

Dans la plupart des cas, il pourra déterminer assez rapidement, en fonction du produit et de qui l'achète, et l'on saura tout de suite de qui il s'agit, et en fonction aussi de la nature de celui qui fait la déclaration... A-t-il des antécédents de longue date? Quelles mesures a-t-il prises pour rectifier la situation après avoir constaté que ce qu'il disait pouvait être trompeur? A-t-il fait preuve de toute la diligence voulue? La plupart de ces détails seront relativement évidents dans une période relativement courte, bien avant 60 jours, je pense.

Tout ce que nous disons, c'est qu'on devrait prévoir dans la loi des délais raisonnables pour permettre au directeur de prendre sa décision.

La présidente: Merci.

Merci beaucoup, madame Lalonde.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Merci, monsieur.

[Traduction]

La présidente: Monsieur Crampton et monsieur Reid, nous vous remercions beaucoup d'être venus aujourd'hui et pour votre exposé très intéressant et le débat qui a suivi.

Si vous en avez l'occasion, je vous encourage à lire la transcription de la séance que nous avons eue avec un groupe d'experts la semaine dernière. Cette transcription devrait être publiée d'ici la fin de la semaine si elle ne l'est pas déjà. Je voudrais savoir ce que vous pensez de leurs commentaires sur l'écoute électronique. Nous ne ferons pas l'étude article par article et l'étude des amendements du projet de loi avant deux semaines. La Chambre ne siège pas la semaine prochaine. Si vous voulez bien lire cette transcription, je serais curieuse de savoir ce que vous pensez de ce qui s'est dit lors de cette réunion.

Encore une fois, nous vous remercions. Vous pouvez partir.

Nous allons maintenant passer aux motions avant d'entendre nos prochains témoins. M. Lastewka va présenter une motion et il y aura ensuite des amendements de M. Schmidt, je pense.

Monsieur Lastewka.

M. Walt Lastewka: Merci, madame la présidente. Je voudrais profiter de l'occasion pour proposer que nous approuvions le septième rapport sur le Budget principal des dépenses d'Industrie Canada.

La présidente: D'accord.

Mme Francine Lalonde: Pardon?

La présidente: Vous devriez avoir sous les yeux une motion proposant l'approbation du Budget principal des dépenses.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Ce n'est pas une motion pour approuver le budget. C'est une motion pour dire qu'on l'a étudié, ce qui n'est pas la même chose. «Étudier» ne veut pas dire «approuver». Je peux voter pour dire que je l'ai étudié, oui. Je ne peux pas voter pour dire que je l'approuve.

[Traduction]

La présidente: Madame Lalonde, la motion demande qu'on approuve le septième rapport. Si vous lisez le septième rapport, vous verrez qu'il signale que le comité a étudié le Budget principal des dépenses et qu'il en fait rapport.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Nous les avons étudiés. Est-ce que, par conséquent, nous les avons approuvés?

[Traduction]

La présidente: En français, on dit «étudié». Ce devrait être «considered». Est-ce que ce n'est pas la même chose?

[Français]

La greffière du comité: C'est la même chose.

[Traduction]

La présidente: La greffière me dit que les mots «a étudié» signifient la même chose que «has considered» en anglais. Je n'en sais rien. Je m'excuse.

De toute évidence, monsieur Schmidt, vous n'aimez pas cette motion.

M. Werner Schmidt: En réalité, madame la présidente, je voudrais modifier la motion. La motion elle-même doit être adoptée. Il y a trois motions ici relativement aux trois crédits.

• 1635

INDUSTRIE

    Agence de promotion économique du Canada atlantique

    Crédit 25—Subventions et contributions $258 918 000

M. Werner Schmidt: Tout d'abord, je proposerais que le crédit 25 soit réduit de 216 880 204 $.

La présidente: Un instant, monsieur Schmidt. Est-ce la motion numéro 1? Est-ce la motion pour le crédit 25?

M. Werner Schmidt: Oui, c'est ma première motion.

La présidente: Pouvez-vous répéter? Mes chiffres ne sont pas les mêmes que les vôtres.

M. Werner Schmidt: Je m'excuse. Je pense que j'ai la mauvaise feuille. Je lisais le mauvais texte.

Je propose que le crédit 25 soit réduit de 162 329 486 $.

La présidente: Avez-vous autre chose à dire là-dessus, monsieur Schmidt?

M. Werner Schmidt: Oui, madame la présidente. Ce crédit porte sur l'Agence de promotion économique du Canada atlantique. Si je ne m'abuse, l'intention est de réaffecter cet argent à un autre programme qui permettra de dépenser cet argent dans la même région. L'agence régionale n'est pas la façon la plus efficace d'atteindre cet objectif. Le vérificateur général dit que l'Agence n'est pas particulièrement efficace. Le Comité sénatorial de l'industrie, des banques et des secteurs financiers a signalé que ces agences devraient disparaître parce qu'elles pourraient être incorporées dans des sociétés d'État comme la Banque fédérale de développement, la Société du crédit agricole et d'autres organismes du genre. Je pense que le but est de rendre les dépenses plus efficaces et c'est pour cela que je présente cette motion.

La présidente: Merci, monsieur Schmidt.

Monsieur Lastewka, avez-vous quelque chose à dire là-dessus?

M. Walt Lastewka: Certainement. Je comprends ce que M. Schmidt essaie de dire, mais on a apporté certaines améliorations à ces agences et les membres du comité savent qu'elles ont maintenant de nouvelles méthodes non seulement pour examiner, mais aussi pour approuver les projets et leur donner suite. Nous en avons déjà discuté à la Chambre et on a établi que les entreprises qui ont travaillé de concert avec les agences ont été plus progressistes. Ces agences peuvent être utiles parce qu'elles sont plus près du public et des entreprises. Je m'opposerai donc à la motion, madame la présidente.

La présidente: Madame Lalonde.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Madame la présidente, je veux invoquer le Règlement. Vous m'avez dit que la motion qui nous est présentée précise que nous avons étudié les crédits. C'est ce que dit la motion. Si le texte de la motion disait que nous les avons «adoptés», nous pourrions présenter un amendement qui proposerait de les diminuer dans un domaine. Si vous acceptiez un tel amendement, cela voudrait dire qu'on adopte le reste. Je pense qu'on se trouve alors en plein cafouillage.

Le texte de la motion que vous nous avez envoyée demande d'étudier les crédits. Je n'ai pas préparé d'amendement parce que je me suis dit que ce qui nous était soumis avait pour but de faire savoir à la Chambre que nous les avions étudiés, mais sans nécessairement les approuver, sans être d'accord. Je croyais qu'il s'agissait de les étudier, rien de plus.

[Traduction]

La présidente: Madame Lalonde, reportez-vous au septième rapport qui fait l'objet de la motion. L'expression «en fait rapport» signifie que nous faisons rapport du budget des dépenses dont nous avions été saisis et ce, sans amendement. L'amendement de M. Schmidt vise à modifier notre rapport et il présente un amendement au crédit 25. En fait, ce septième rapport approuve le budget des dépenses dont le comité avait été saisi en en faisant rapport à la Chambre. Voilà ce que cela signifie. C'est ainsi.

[Français]

Mme Francine Lalonde: En français, cela ne veut pas dire la même chose.

[Traduction]

La présidente: Ce n'est pas la même chose. À la fin on dit...

[Français]

Mme Francine Lalonde: On fait rapport de l'étude. On ne fait pas rapport... «Reports the same» veut dire qu'on l'adopte. En français, ce n'est pas ce que ça veut dire.

[Traduction]

La présidente: D'accord, c'est ce que l'on dit en anglais. Ce n'est pas moi qui ai fait la traduction. C'est ce que cela signifie en anglais et je suppose que cela signifie la même chose en français.

La greffière me dit que cela signifie la même chose en français.

Nous sommes saisis de l'amendement de M. Schmidt. S'il n'y a pas d'autres remarques à propos de l'amendement...

[Français]

Mme Francine Lalonde: Je pense que nous avons un sérieux problème de procédure. Il est certain que sur le fond, je suis contre, mais je ne trouve pas la façon de... Je n'y étais pas quand le ministre est venu.

• 1640

[Traduction]

La présidente: D'accord.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Je suis absolument opposée et je vous fais part de ma dissidence.

[Traduction]

M. Werner Schmidt: À propos de la procédure, je ne sais pas si cela va aider Mme Lalonde, mais il est prévu que chaque comité examinera le budget ministériel des dépenses et l'étudiera. Cela signifie que nous en avons tout simplement pris connaissance. Nous faisons rapport à la Chambre du fait que nous en avons pris connaissance et que nous l'avons étudié pour déterminer si nous sommes d'accord.

S'il n'y a pas de modification, le rapport qui est envoyé à la Chambre affirme tout simplement que nous avons étudié le budget et les choses s'arrêtent là. C'est tout.

La présidente: Cela signifie que le budget est adopté tel quel.

M. Werner Schmidt: Le budget est adopté par la Chambre. Ce n'est pas nous qui l'adoptons de toute façon. Si nous avons des amendements, cela signifie que nous étudions des crédits dont le montant n'est pas le même que ce qui avait été présenté. Il se peut que nous adoptions un amendement. Quand nous faisons rapport à la Chambre, nous faisons rapport des chiffres modifiés et c'est là-dessus que la Chambre vote.

La présidente: Merci, monsieur Schmidt.

M. Jim Pankiw (Saskatoon—Humboldt, Réf.): J'invoque le Règlement. Je demande que nous votions par appel nominal.

    (La motion est rejetée par 8 voix contre 3)

    Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec

    Crédit 60—Subventions et contributions $216 376 000

La présidente: Monsieur Schmidt.

M. Werner Schmidt: Je propose le deuxième amendement concernant le crédit 60. Cet amendement vise à réduire le crédit 60 de 29 523 594 $.

La présidente: Voulez-vous en parler, monsieur Schmidt?

M. Werner Schmidt: Ce que j'ai à dire est identique à ce que j'ai dit tout à l'heure sauf qu'il s'agit ici du développement économique du Canada pour la région de Québec. Je ne pense pas nécessaire de reprendre l'argument. Vous êtes tous au courant.

M. Jim Pankiw: Je demande un vote par appel nominal.

    (La motion est rejetée par 8 voix contre 3)

La présidente: Il y a encore un amendement, n'est-ce pas?

• 1645

    Diversification de l'économie de l'Ouest.

    Crédit 120—Subventions et contributions $231 263 000

M. Werner Schmidt: Je propose que le crédit 120 soit réduit de 131 736 115 $.

Les arguments ici sont les mêmes que ceux que j'ai déjà exposés, à ceci près: dans ce cas-ci les Sociétés d'État disposent d'encore plus de moyens pour rationaliser le travail de l'organisme de diversification économique dans l'Ouest. Au nom de l'efficacité, j'exhorte tous les députés à songer à l'intérêt des contribuables en votant pour que les deniers publics soient utilisés plus efficacement et servent plus directement les intérêts des entreprises et des particuliers. Par conséquent, je demande à tous ceux qui sont ici réunis de m'appuyer.

La présidente: Monsieur Schmidt, merci de ces explications.

Monsieur Lastewka.

M. Walt Lastewka: Je tiens à dire que nous allons voter dans l'intérêt des contribuables et que nous appuyons l'Agence de diversification de l'économie de l'Ouest, le travail qu'elle fait et les réalisations obtenues. Voilà pourquoi nous voterons contre l'amendement.

La présidente: Merci, monsieur Lastewka.

M. Walt Lastewka: Le même vote par appel nominal pourrait peut-être s'appliquer.

La présidente: Êtes-vous d'accord? Est-ce unanime?

Des voix: D'accord.

    (La motion est rejetée par 8 voix contre 3)

La présidente: Nous avons la motion principale portant que nous avons étudié le Budget principal des dépenses et que nous en faisons rapport à la Chambre, après un vote par appel nominal...

[Français]

Pardon?

Mme Francine Lalonde: Sur le rapport au complet?

La présidente: Oui, madame Lalonde.

Mme Francine Lalonde: Je demande un vote par appel nominal, s'il vous plaît.

[Traduction]

La présidente: Nous allons procéder au vote par appel nominal.

La greffière: Il s'agit ici d'approuver le septième rapport, qui porte sur le Budget principal des dépenses.

    (La motion est adoptée par 6 voix contre 5)

La présidente: Merci beaucoup. Je vais en faire rapport à la Chambre demain matin et je déposerai également notre rapport. Je vous remercie de votre collaboration.

Je prie nos témoins de nous excuser. Cette question était à l'ordre du jour depuis quelques jours et il nous fallait absolument la régler.

Nous accueillons plusieurs témoins: du groupe de sociétés Normark, M. Warren Stelman, président; de la Compagnie de la Baie d'Hudson, M. Ingram, vice-président et avocat général, M. Paul Schabas, avocat, et Mme Hélène Yaremko-Jarvis, directrice des services juridiques; de la Fédération canadienne des épiciers indépendants, M. John Scott, président. Que ceux dont j'ai mal prononcé le nom me pardonnent et de même pour ceux que je n'ai pas nommés et à qui je demanderai de se présenter le moment venu.

Nous allons commencer par le groupe de sociétés Normark. Monsieur Stelman, êtes-vous prêt à commencer?

M. Warren Stelman (président, groupe de sociétés Normark): C'est M. Kohos qui va commencer. Il attend qu'on lui donne sa carte-boutonnière.

La présidente: Je propose que chaque association, chaque groupe ou chaque société fasse son exposé, après quoi nous passerons aux questions. Nous commençons par M. Kohos du groupe de sociétés Normark.

M. John Kohos (responsable de la conformité, groupe de sociétés Normark): J'ai présenté un mémoire très bref, simple et direct. Il contient essentiellement les remarques précises que nous avons à faire au sujet des amendements proposés. Il n'y a pas de version française et je vous prie de nous en excuser.

• 1650

Ce n'est qu'il y a cinq jours que j'ai pris connaissance des modifications proposées. De toute façon, vous trouverez ici l'essentiel de mes remarques. Je dispose de sept minutes—si j'ai bien compris—ce qui ne me donne pas le temps de m'aliéner votre sympathie.

Des voix: Oh, oh!

La présidente: C'est cinq minutes en principe.

M. John Kohos: Puisque vous avez mes remarques par écrit, je vais vous en faire part brièvement et je répondrai aux questions. Permettez-moi de vous dire pour commencer ce qui m'est venu à l'esprit quand j'ai pris connaissance de ces modifications.

Je ne sais pas combien des gens savent que nous devons à un trafiquant de drogue du nom de Oakes l'essentiel des droits et libertés dont nous jouissons au Canada. C'est un fait. Il y a plusieurs années, M. Oakes a été arrêté et accusé de trafic de drogue. On ne l'avait jamais surpris en train de trafiquer—et cela est directement lié à ce que je pense de ce projet de loi—mais il avait en sa possession une certaine quantité de drogue et la police estimait que c'était suffisant pour l'accuser de trafic et il a été déclaré coupable. La Cour suprême a renversé cette décision par un arrêt qui a fait jurisprudence et la Cour a déclaré qu'on ne pouvait pas procéder ainsi, qu'on ne pouvait pas par voie administrative déclarer que quelqu'un était coupable et lui demander de prouver qu'il était innocent. On ne peut pas demander à quelqu'un qui a en sa possession une plus grande quantité de drogue que ce qui pourrait correspondre à ses besoins personnels de prouver qu'il n'en fait pas le commerce car il y aurait là inversion du fardeau de la preuve.

Une autre décision fort intéressante de la Cour suprême découle de l'affaire Oakes. La Cour a déclaré qu'en vertu de l'article 1 de la Charte, les seules limites que l'on pouvait imposer aux libertés devaient être celles qui sont considérées comme raisonnables dans une société libre et démocratique.

Mais la question qui se pose est la suivante: qu'est-ce qu'une limite raisonnable à la liberté? La Cour suprême précise trois conditions. En fait, et c'est ironique, dans bien des milieux on en parle comme du critère Oakes. Comme premier critère, la loi doit avoir une intention honorable, et le second est qu'elle doit être bien conçue pour atteindre cet objectif, alors que le troisième est qu'elle doit accomplir cela avec le minimum de contrainte et d'effets secondaires.

Je n'aurais pas le droit de crier «au feu!» dans un théâtre bondé. Je n'ai pas le droit de le faire parce que c'est une question de sécurité publique et l'interdiction est une limite raisonnable. Je ne peux pas tout simplement créer «au feu!» dans un théâtre en flammes, à moins que mon propre fauteuil ne soit en train de brûler, je suppose. Mais si l'on voulait m'empêcher de le faire en décidant que je ne peux ni crier ni parler dans un théâtre, le même objectif de sécurité publique serait atteint. Ainsi, je ne pourrais pas crier «au feu!» dans un théâtre mais en procédant ainsi, on serait allé au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l'objectif et l'on n'aurait pas réduit au minimum les effets secondaires.

Je ne sais pas exactement qui a parrainé l'amendement et c'est pourquoi je serai très prudent. D'après ce que je vois, c'est un peu comme pêcher au filet dérivant: quelqu'un décide de brûler tout le village pour se débarrasser de quelques pommes pourries. Voilà ce qu'il en est. Quand j'ai pris connaissance de ces modifications, je me suis dit que l'intention était honorable et à cet égard... Nous savons tous pourquoi il faut prendre des mesures dans ce cas- ci. Je pense que nous connaissons tous le problème. Il faut faire cesser ce genre de choses. Il faut faire quelque chose pour traduire ces gens en justice. Il faut protéger nos concitoyens, mais je ne pense pas que l'on puisse y parvenir grâce aux dispositions de ce projet de loi. Je ne pense pas que cela pourra se faire, car c'est bancal, et je ne pense pas que ce soit constitutionnel. Permettez-moi de vous donner des précisions.

Tout d'abord, au projet de paragraphe 52.1(1) où l'on peut lire «télémarketing s'entend»—et suit une description du télémarketing—je n'ai pas pu trouver qui que ce soit qui puisse me donner le nom d'une entreprise au Canada qui ne correspondrait pas à cette description, sauf peut-être les deux comptoirs de service que j'ai vus dans le stationnement d'un centre commercial l'autre jour et qui n'avaient pas le téléphone. Cette description ne correspond pas à la description du télémarketing. Ce n'est absolument pas cela. On ne fait pas la différence entre les appels qui sont dirigés vers les clients et les appels en sens inverse. On parle d'un intérêt commercial quelconque, y compris la promotion.

Sans savoir combien d'entre vous ont l'expérience du télémarketing, j'ajouterai que le problème du télémarketing survient quand quelqu'un vous appelle au téléphone et vous presse de prendre une décision. Il y a harcèlement, insistance, etc. Il s'agit là de quelques brebis galeuses, et non pas de tous les télévendeurs. Bell Canada fait du télémarketing et Club Price également. D'autres entreprises au Canada et dans le reste du monde en font autant.

• 1655

Le télémarketing signifie qu'on utilise tout simplement le téléphone pour vendre, et les dispositions de ce projet de loi visent non pas le télémarketing mais les pratiques frauduleuses au téléphone.

Le télémarketing que nous faisons correspond à une pratique courante de faire des affaires et n'a rien d'abusif. Ce n'est pas à quelqu'un qui vous a harcelé au téléphone que vous téléphonerez pour commander quelque chose deux semaines plus tard.

La juste définition du télémarketing n'a rien à voir avec ce qui se trouve ici. On ne dira pas «directement ou indirectement», la «fourniture ou l'utilisation», «pour promouvoir», etc. Vous trouverez une description plus juste du télémarketing sur la feuille que j'ai fait distribuer: il s'agit de l'utilisation systématique de communications téléphoniques interactives vocales et en direct pour vendre des produits et services directement à des gens qui n'ont pas demandé à être sollicités. C'est de cela qu'il s'agit. On téléphone à des gens qui n'ont pas demandé qu'on les appelle et c'est le comportement du télévendeur qui détermine s'il y a infraction ou non. Quelqu'un a dit...

La présidente: Monsieur Kohos, pouvez-vous résumer s'il vous plaît?

M. John Kohos: D'accord. Nous pourrons poursuivre au moment des questions.

La présidente: Il y aura beaucoup de questions sur les aspects que vous venez de soulever.

M. John Kohos: Ainsi, je termine. Voici l'essentiel. Il y a deux choses qui me troublent énormément. Tout d'abord, le fait que l'on pourrait être coupable tant que l'on n'a pas prouvé son innocence—et il y a deux projets d'articles à cet effet ici—et la définition que l'on donne de télémarketing. La description qu'on en donne est incroyablement vaste et ne correspond pas à ce qu'est le télémarketing. C'est comme pêcher au filet dérivant.

On a proposé de dresser la liste des entreprises exclues comme cela s'est fait aux États-Unis où tout le monde est inclus «sauf ceux dont le nom apparaît sur une liste», mais cela ne serait pas acceptable. Cela ne permettrait pas de réparer les dégâts du projet de paragraphe 52.1(1) car il y aurait toujours inversion du fardeau de la preuve, la règle étant la contrainte, la liberté, l'exception. On risque d'oublier certaines entreprises dont le nom ne figurerait pas sur la liste, ce qui leur vaudrait de devoir faire des démarches pour prouver qu'elles n'appartiennent pas à la catégorie des télévendeurs qui s'adonnent à des abus.

Enfin, au projet de paragraphe 52.1(10), on ne cesse de parler de télémarketing. Je vais être bref. Ici on dit: «l'utilisation de listes de personnes trompées antérieurement par télémarketing», «les caractéristiques des personnes visées par le télémarketing», «le montant des recettes du contrevenant qui proviennent du télémarketing». Cela va à l'encontre de l'esprit du projet de paragraphe 52.1(4). Cela porte à croire que le télémarketing en lui-même est une infraction.

Tout ce que j'ai lu dans ces modifications... Chaque fois que l'on parle de «télémarketing», on en parle comme s'il s'agissait en soi d'une infraction. Le télémarketing n'est pas une infraction. Le télémarketing se borne à appeler quelqu'un. C'est la fraude qui est une infraction.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Kohos.

Je donne la parole à M. James Ingram, avocat général et vice- président, Compagnie de la Baie d'Hudson.

M. James Ingram (avocat général et vice-président, Compagnie de la Baie d'Hudson): Merci, madame la présidente. C'est Paul Schabas qui va faire l'exposé.

M. Paul B. Schabas (avocat, Compagnie de la Baie d'Hudson): Merci, madame la présidente.

Hier, j'ai envoyé par télécopieur un exemplaire de mon mémoire à la greffière. Je ne sais pas si vous l'avez reçu...

La présidente: Nous devrions tous en avoir un exemplaire.

M. Paul Schabas: ...mais j'aimerais vous dire ce qu'il contient.

Comme on le sait, la Compagnie de la Baie d'Hudson est le plus gros détaillant au Canada. C'est également la plus ancienne compagnie canadienne, fondée en 1670. Elle regroupe de grands magasins d'un bout à l'autre du Canada: La Baie, Zellers, K-Mart, et Fields. Nous sommes très heureux de pouvoir nous adresser aux membres du comité pour exprimer notre appui aux dispositions du projet de loi C-20 concernant l'indication du prix habituel.

D'accord avec le ministre, nous l'appuyons quand il déclare que les dispositions concernant le prix habituel donneront désormais à la loi la précision qui lui manquait, car cette loi est d'une grande importance pour les détaillants comme pour les consommateurs. S'il est adopté, le projet de loi C-20 mettra un terme aux divergences d'opinions qui durent depuis longtemps concernant l'expression «vendu ordinairement», qui se trouve à l'alinéa 51(1)d) de la loi actuelle.

L'adoption du projet de loi mettra enfin un terme au différend qui oppose les détaillants et le Bureau de la politique de concurrence, différend, il faut bien dire, qui a donné lieu à de longues poursuites pour déterminer si le prix habituel était fonction d'un critère de volume ou de temps. Je vous en parlerai davantage tout à l'heure.

En adoptant une définition de «prix habituel» qui permet aux détaillants de se réclamer du critère de temps ou du critère de volume, le projet de loi C-20 donne enfin des consignes très claires au secteur du détail et aux consommateurs. Il s'agit d'une norme tout à fait adaptée, applicable, qui donne aux détaillants la possibilité de choisir ce qui leur convient le mieux comme stratégie de marketing, les consommateurs disposant du même choix, et pouvant acheter au prix fort ou à bas prix, au moment des ventes et des soldes, suivant une stratégie, ou à un bas prix constant, suivant l'autre stratégie.

• 1700

Les détaillants, les commanditaires, les avocats, les consommateurs et les autorités réglementaires s'interrogent depuis des années sur la signification de l'expression «vendu habituellement». Il y a deux interprétations possibles que le comité connaît probablement, mais je vous les rappelle: il y a le critère de volume, et selon ce critère, un détaillant peut seulement prétendre qu'il s'agit d'un prix régulier ou habituel s'il a vendu une quantité importante de ce produit à ce prix, et c'est ce qu'on appelle d'ordinaire la cible des 50 p. 100. Il y a également le critère de temps et, dans ce cas, un détaillant peut annoncer un prix courant si ce produit a été offert à ce prix pendant une période raisonnable. On ne détermine pas quelle quantité du produit doit avoir été vendue.

Comme je l'ai dit, l'énoncé de l'ancienne loi est ambigu et pourrait s'accommoder de l'un ou l'autre critère.

Tout comme la grande majorité des détaillants canadiens, des groupes de consommateurs et des avocats, nous sommes en faveur du critère selon le temps. Toutefois, jusqu'à tout récemment, le Bureau de la concurrence considérait que la loi devait être interprétée selon le critère de volume, ou dans le meilleur des cas, selon un critère comprenant à la fois le volume et le temps. Nous sommes heureux de constater que le projet de loi rend la loi plus claire en précisant que l'un ou l'autre critère peut être utilisé pour justifier un prix régulier. Ainsi, les détaillants qui utilisent le critère de temps, comme la Compagnie de la Baie d'Hudson, n'enfreindront pas la loi s'ils ne respectent pas le critère de volume.

Toutefois, il y a toujours dans la loi des termes qui ne sont pas définis, et le Bureau est en train de rédiger des lignes directrices à ce sujet. Par exemple, que signifie «quantité importante»? Que signifie «période importante»? Que signifie «de bonne foi» dans la loi?

Nous espérons donc que le Bureau va élaborer des lignes directrices suffisamment flexibles pour s'adapter aux pratiques du marché qui évoluent et, également, qu'il nous consultera lors de leur élaboration.

Il ne faudrait pas sous-estimer l'importance de ces changements. Pour la plupart des Canadiens, le critère de volume est inapplicable et tout simplement contraire à la réalité commerciale. La pratique qui consiste à avoir un prix élevé et un prix bas est très courante, et il est évident que les consommateurs apprécient les soldes et les attendent. Je vous ai donné à la page 4 de notre mémoire un exemple pour démontrer à quel point le critère de volume est inapplicable.

Pour résumer, nous donnons l'exemple d'un marchand qui offre un article à 100 $ pendant 11 mois. Il en a 1 000 exemplaires mais n'en vend qu'un seul pendant cette période. Il pourrait aussi bien s'agir de plusieurs centaines. Une fois offerts en solde, le reste de ces articles se vend car les consommateurs avaient attendu les rabais. Dans ces circonstances, le critère de volume ne fonctionne pas. Le prix de vente devient alors le prix régulier. C'est la raison pour laquelle cela ne peut fonctionner. On ne peut pas prédire ce qui se produira, et dans un environnement où il y a des prix élevés et des prix bas, la majeure partie des produits sont écoulés au prix de vente. Nous ne devons pas empêcher les consommateurs d'attendre les soldes.

Toutefois, comme je l'ai dit, c'est depuis longtemps la position du Bureau de la concurrence. En fait, on a prétendu que si Eaton avait décidé de passer à un système de bas prix en permanence—un système désastreux qui a maintenant été abandonné—c'était à cause de la position du Bureau. Aujourd'hui, on trouve à nouveau des publicités Eaton dans les journaux pour annoncer des ventes spéciales.

Jusqu'à la semaine dernière, la Compagnie de la Baie d'Hudson était engagée dans une longue et coûteuse dispute avec le Bureau, une affaire qui devait servir de précédent sur la signification du prix régulier et le recours à un critère de volume ou de temps.

L'affaire a maintenant été réglée, mais ces questions-là ne l'ont pas été, et cela, en grande partie parce que si le projet de loi C-20 est adopté rapidement comme nous l'espérons, il sera alors inutile de trancher cette question temps/volume. C'est d'ailleurs ce que nous avons dit au tribunal. Ce long différend entre la Compagnie de la Baie d'Hudson et d'autres détaillants et le Bureau est sur le point de se terminer mais pour notre part, nous espérons avoir dorénavant avec le Bureau des relations de coopération au lieu d'être les accusés devant un tribunal criminel.

Nous sommes heureux de pouvoir dire que, de toute évidence, le Bureau a écouté les détaillants canadiens, les groupes de consommateurs, les avocats et les commanditaires qui, tous, s'étaient fermement prononcés en faveur d'un critère de temps devant le groupe de travail. En effet, ce critère rendra la loi plus claire, plus compréhensible et plus efficace. Le critère de temps est également conforme à ce qui se fait aux États-Unis, un pays avec lequel nous avons le libre-échange, et également au Royaume-Uni, en Australie et en Nouvelle-Zélande, d'autres pays avec lesquels les avocats font des comparaisons.

Le critère de temps donne également aux consommateurs ce qu'ils veulent: des choix et des soldes. Cela leur donne un choix maximum. Je note en haut de la page 6 que les consommateurs sont avertis et évolués. Ils attendent les soldes. Ils se méfient des prix. Ils comparent les prix avant d'acheter.

• 1705

Par conséquent, ce projet de loi encouragera la concurrence au lieu d'imposer une théorie ou une façon de faire à l'industrie et aux consommateurs.

Enfin, j'aimerais dire quelques mots au sujet de l'application de la loi et de la décriminalisation. La Compagnie de la Baie d'Hudson pense que la loi devrait décriminaliser les infractions relatives aux prix habituels, mais ce faisant, nous pensons que les infractions criminelles pour publicité trompeuse, qui sont maintenues dans le projet de loi, devraient être réservées uniquement aux cas les plus graves de mens rea ou d'intention criminelle. Cela devrait être précisé dans le projet de loi au moment de la seconde lecture.

Soit dit en passant, lorsque ce projet de loi a été déposé lors de la législature précédente, cela n'était pas clair du tout. Nous ne voyons pas d'inconvénient à conserver l'infraction criminelle en cas de publicité trompeuse à condition d'associer ce type d'infraction à une fraude criminelle. Les détaillants ne devraient pas craindre, comme ils le font aujourd'hui, des poursuites criminelles pour des infractions qui sont le résultat d'un accident ou d'un oubli, circonstances qui sont inévitables dans de grosses organisations.

La pratique qui consiste à accuser des personnes, ce qui s'est produit à plusieurs reprises récemment, d'ordinaire des cadres supérieurs, et à les traiter comme des criminels, par exemple à les arrêter, à prendre leurs empreintes digitales, etc., pour forcer les sociétés à plaider coupables doit prendre fin. C'est ce qui est arrivé à certaines sociétés, mais pas à La Baie. Le projet de loi C-20 devrait avoir cet effet et mettre en place un mécanisme d'application de la loi plus efficace axé sur la correction des erreurs plutôt que sur le châtiment.

Ce processus criminel est un outil extrême et souvent inefficace. Les poursuites sont très coûteuses, elles prennent beaucoup de temps, et lorsque c'est terminé, cela ne change pas grand-chose. L'affaire que nous avons conclue la semaine dernière remontait aux années 80. Dans les circonstances actuelles, cela n'a plus grande importance. En décriminalisant le processus, en soumettant rapidement les affaires au tribunal et en obtenant des ordonnances correctrices, on réglera beaucoup plus efficacement les plaintes.

Une dernière chose: nous craignons toutefois que le tribunal ne dispose de trop nombreux pouvoirs. Avec l'énoncé actuel du projet de loi, le tribunal a le pouvoir d'imposer beaucoup de voies de recours: ordonnances d'interdiction, ordonnances d'interdiction temporaires, sanctions pécuniaires, avis d'information et ordonnances de consentement. A notre avis, c'est un domaine où le seul pouvoir dont le tribunal a véritablement besoin est celui de rendre des ordonnances d'interdiction.

Les sanctions pécuniaires sont des sanctions. C'est une forme de punition, cela n'a pas pour but de corriger une situation.

Les ordonnances d'interdiction temporaires sont un moyen extrême qui peuvent avoir des répercussions énormes sur des campagnes de publicité très coûteuses préparées pendant des mois, sinon des années d'avance, et il faut absolument les limiter. Ces ordonnances temporaires peuvent s'avérer par la suite injustes ou inutiles, mais en attendant, des dommages énormes auront été causés.

Nous reconnaissons que si le tribunal a le pouvoir d'émettre des ordonnances d'interdiction temporaires, il devrait le faire uniquement lorsque le gouvernement a fourni des preuves claires et convaincantes de l'existence d'une pratique trompeuse, lorsqu'il a été établi qu'en l'absence d'une telle ordonnance le public souffrira des dommages irréparables.

Par conséquent, à l'exception des réserves que nous avons exprimées, nous vous prions d'adopter le projet de loi C-20 le plus rapidement possible et nous remercions le comité de nous avoir écoutés.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Schabas.

Nous passons maintenant à M. John Scott, président de la Fédération canadienne des épiciers indépendants.

M. John F.T. Scott (président, Fédération canadienne des épiciers indépendants): Madame la présidente, nous vous avons envoyé notre mémoire par télécopieur hier.

Pour commencer, je tiens à vous remercier d'avoir accepté d'entendre notre opinion sur le projet de loi C-20 actuellement à l'étude à la Chambre des communes.

Pour les entreprises canadiennes, la Loi sur la concurrence est un instrument législatif extrêmement important, et nous vous savons gré de votre intérêt pour l'opinion des épiciers détaillants indépendants en ce qui concerne sa modification.

La Fédération canadienne des épiciers indépendants a été fondée en 1962 dans le but de défendre les intérêts particuliers des épiciers indépendants ou détenteurs d'une franchise. Après des débuts très modestes en Ontario, cet organisme représente aujourd'hui près de 4 000 détaillants et a des membres dans toutes les provinces et tous les territoires.

Nous sommes fiers de défendre efficacement les intérêts de nos membres. Ceux-ci sont des détaillants pleinement indépendants dont les noms ne vous sont pas inconnus, par exemple Farm Boy, Thrifty, Longo's et Highland Farms, ou encore des détaillants détenteurs d'une franchise comme IGA ou Foodland.

• 1710

Je tiens à dire tout de suite que la Fédération a participé activement au processus de consultation qui a précédé l'élaboration du projet de loi C-20. Nous avons travaillé d'arrache-pied pour convaincre le Bureau et les députés de supprimer certaines dispositions qui auraient eu des effets très négatifs sur les épiciers détaillants indépendants dans tout le pays.

Nous avons vu avec plaisir le gouvernement accéder à nos demandes. Les deux parties de la loi en question sont très importantes pour nos membres. Il y a très peu de dispositions dans cette loi sous sa forme actuelle qui protègent d'une façon ou d'une autre les intérêts concurrentiels des petits entrepreneurs.

Comme vous le savez pour la plupart, le secteur canadien de l'industrie est dominé par 10 protagonistes majeurs qui, ensemble, représentent 83 p. 100 du volume du commerce d'épicerie au détail. La plupart de nos membres doivent acheter leurs produits à ces compagnies. Chaque grosse compagnie exploite des magasins, soit directement, soit en franchise, et elle vend également aux épiciers indépendants. Avec une telle concentration, il est extrêmement important de s'assurer que tous les intéressés ont la possibilité de maintenir leur position, à condition que leur entreprise soit efficace, efficiente et concurrentielle dans la structure du commerce alimentaire.

Le projet de loi dont vous êtes saisis propose des amendements que notre fédération approuve. Nous sommes particulièrement satisfaits des dispositions relatives à la publicité trompeuse. La décriminalisation de certaines infractions aura un effet extrêmement positif pour le secteur de la petite entreprise.

Faute de ressources, le Bureau de la concurrence peut rarement donner suite aux préoccupations des petits détaillants lorsque leurs concurrents font de la publicité inacceptable, que ce soit par inadvertance ou dans un but trompeur. C'est aux indépendants de prouver leurs accusations, mais évidemment, ils ne disposent pas des ressources nécessaires. Par conséquent, le projet de loi, qui réduira le fardeau de la preuve en cas de publicité trompeuse tout en maintenant des sanctions criminelles dans les cas les plus extrêmes, sont une excellente chose.

Nous avions des appréhensions en ce qui concerne le prix habituel. Nous avons eu plusieurs rencontres avec le personnel du bureau et nous avons étudié l'ébauche de lignes directrices. Le Bureau nous a assurés que ces dispositions n'auront pas d'incidence sur les politiques des épiceries au détail en ce qui concerne le prix habituel. Tout comme les magasins à rayons dont le cas vient d'être discuté, le secteur alimentaire utilise diverses structures de prix. Certains magasins ont des prix élevés et des prix bas, d'autres des prix bas en permanence, et d'autres, enfin, un système de fort escompte.

Tous les intéressés dans ce secteur, qu'il s'agisse de grandes chaînes ou de magasins indépendants, utilisent une ou plusieurs de ces méthodes pour attirer ou conserver leurs clients. Dans tous les cas, ce sont des pratiques établies depuis longtemps et qui ont fait leurs preuves dans le secteur alimentaire canadien.

Nous pensons que le Bureau et les députés n'ont pas du tout l'intention de déranger les opérations normales du secteur alimentaire en ce qui concerne les pratiques d'établissement des prix qui sont devenues courantes. Nous savons que la définition du «prix habituel» est surtout une précision pour mieux faire comprendre au secteur des services en général ce qu'on entend par «prix régulier».

Madame la présidente, les autres dispositions de ce projet de loi n'ont pas d'incidence directe sur les épiciers détaillants indépendants. Par conséquent, je ne vais pas vous faire perdre votre temps en discutant de leurs mérites. Toutefois, il est important de préciser que notre secteur, comme beaucoup d'autres, s'inquiète de la tendance actuelle vers une plus forte concentration commerciale.

Par son esprit et son intention, la Loi sur la concurrence tente de préserver la concurrence dans l'intérêt des consommateurs. Cette interprétation des dispositions de la loi par le Bureau l'empêche souvent de faire enquête dans des situations qui, à notre avis, constituent des infractions aux termes de la loi. Par conséquent, il est extrêmement difficile et très rare pour les épiciers détaillants indépendants, ou pour n'importe qui d'autre dans le secteur, d'obtenir que le Bureau fasse une enquête sérieuse en cas de violation apparente.

Nous recommandons donc que le Comité permanent de l'industrie entreprenne un examen de l'esprit et de l'intention de la loi et également des activités du Bureau sur le plan de la protection de la petite entreprise. Les hommes politiques de notre pays aiment à répéter que la petite entreprise est la pierre angulaire de notre économie. Nous sommes persuadés, de notre côté, que la bonne santé du secteur de la petite entreprise est essentielle pour notre mode de vie. En outre, sans l'intervention active du Bureau pour appliquer plus rigoureusement certains articles de la loi, c'est un secteur de notre économie qui aurait beaucoup de mal à survivre.

Je le répète, madame la présidente, nous vous sommes reconnaissants de nous avoir écoutés. Nous sommes maintenant prêts à répondre à toutes les questions du comité.

Un dernier mot. Nous vous prions instamment d'adopter ce projet de loi et de demander au Bureau d'examiner le plus rapidement possible des solutions pour protéger le secteur de la petite entreprise.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Scott, et je tiens à m'excuser: votre mémoire n'est pas parvenu aux membres du comité aujourd'hui. Nous allons nous en occuper. Nous allons l'envoyer à leurs bureaux.

• 1715

Je présente également mes excuses aux membres du comité.

Mme Francine Lalonde: Moi, je l'ai.

La présidente: Vous l'avez? Oh, je ne l'ai pas, moi. Si tout le monde l'a, c'est parfait.

Monsieur Lowther.

M. Eric Lowther: Merci, madame la présidente.

Merci pour ces excellents exposés.

J'ai deux questions très courtes. Les réponses n'ont pas besoin d'être très longues, ce sont surtout des précisions que je veux.

Monsieur Schabas, il me semble que dans l'ensemble vous êtes assez en faveur des changements. Je n'ai pas vraiment entendu de réserves importantes. Je change un peu de sujet, mais je me demandais si votre organisation fait du télémarketing.

M. Paul Schabas: Du télémarketing?

M. Eric Lowther: Oui.

M. James Ingram: Oui, mais d'une façon très limitée.

M. Eric Lowther: Est-ce que c'est surtout de l'extérieur vers l'intérieur ou bien vers l'extérieur?

Mme Hélène Yaremko-Jarvis (directrice, Services juridiques, Compagnie de la Baie d'Hudson): Nous avons une filiale qui vend des assurances, et je crois qu'elle fait du télémarketing.

M. Eric Lowther: Avez-vous considéré les amendements relatifs au télémarketing, aux tables d'écoute, etc.? Est-ce que c'est une source de préoccupation, avez-vous des observations?

Mme Hélène Yaremko-Jarvis: Nous avons fait appel à des avocats de l'extérieur et nous nous sommes prononcés en faveur des mémoires de l'Association du Barreau canadien. Nous sommes d'accord avec les observations qui y sont présentées.

Une chose qui nous intéressait particulièrement, et je sais que d'autres personnes en ont parlé, c'est qu'on précise un peu plus si cela s'applique aux appels en direct.

M. Eric Lowther: Très bien. Merci.

Dans une de vos recommandations, vous dites que le seul pouvoir dont le tribunal a besoin est le pouvoir de rendre des ordonnances d'interdiction. C'est une de vos recommandations.

Ayant eu une certaine expérience du secteur du détail, quelle solution proposeriez-vous pour les récidivistes? En effet, très souvent ces gens-là considèrent que les amendes font partie des frais d'entreprise normaux, ou presque: vous savez, on leur fait une mise en garde, et dès qu'ils ont le feu vert, après un mois ou deux de bonne conduite, ils recommencent.

À votre avis, les amendes devraient-elles être plus élevées pour les récidivistes?

M. Paul Schabas: Il y a deux façons de composer avec ce problème. S'il s'agit d'un récidiviste et que le Bureau surveille de très près l'affaire, il interviendra beaucoup plus rapidement pour mettre un frein à ses activités. De plus, s'il s'agit de récidivistes, et comme vous le signalez, leurs agissements étaient délibérés, le Bureau pourrait avoir recours au droit pénal.

M. Eric Lowther: Très bien.

Je n'ai plus d'autres questions pour l'instant, madame la présidente.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Lowther.

Monsieur Murray.

M. Ian Murray (Lanark—Carleton, Lib.): Merci.

J'aimerais adresser mes questions à M. Schabas. J'essaie de comprendre si les rapports entre le Bureau et les grands magasins ont évolué au fil des ans; après tout on reconnaît maintenant qu'en raison de ce qu'on appelle la mondialisation, le secteur de la vente au détail ne joue plus le même rôle.

Quand j'écoutais M. Scott tout à l'heure, je me suis dit que quand on pense aux épiceries, il y a les problèmes créés par le mauvais temps, ce qui a un impact sur le prix des produits vendus; cependant, quand vous allez dans un grand magasin, les prix des fournisseurs sont plus stables, et vous avez probablement une bonne idée du prix 12 mois à l'avance.

Le monde a changé. Il y a aujourd'hui Wal-Mart par exemple. On voit les annonces à la télé où l'on dit que les prix baissent tous les jours.

M. Paul Schabas: Oui, mais ils remontent également.

M. Ian Murray: Ah oui?

Vous avez dit que les consommateurs sont plus évolués et qu'ils sont plus avertis aujourd'hui. Je crois que vous avez raison. En fait, très peu de Canadiens vont faire leurs courses à La Baie à moins qu'il n'y ait des soldes. Pratiquement tous les samedis il y aura une autre solde d'un jour, ou le plus grand solde de l'année, ou le jour La Baie, peu importe. Je ne crois pas que les gens font de courses à moins qu'il n'y ait de soldes.

Croyez-vous que les grands magasins ont été plus souvent ciblés par le Bureau au fil des ans que les petits détaillants? Est-ce que la déréglementation est le mot de l'heure? Est-ce que le gouvernement est prêt à accepter plus facilement certaines pratiques commerciales qui permettent au secteur de la vente au détail de réaliser de meilleurs profits, dans la mesure où ces pratiques ne vont pas à l'encontre de l'intérêt du consommateur?

• 1720

M. Paul Schabas: Je ne dirais pas que nous sommes dans une ère de déréglementation, mais je crois cependant que le Bureau comprend mieux le secteur. En ce qui a trait aux grands magasins, le Bureau a une politique officielle qui le pousse à se tourner plutôt vers les grandes entreprises que vers les petites pour obtenir des amendes plus importantes; on espère ainsi que l'effet de dissuasion sera plus marqué.

À notre avis, le bureau est aujourd'hui conscient du fait que le critère du volume n'est pas applicable et qu'il est dans l'intérêt du public d'encourager divers types de marketing. Vous avez parfaitement raison. Wal-Mart dit qu'il a des prix qui baissent chaque jour, des faibles prix tous les jours; mais les prix ne peuvent pas continuer à baisser. Le public sait comment les grands magasins fonctionnent et attendent les soldes, qu'il s'agisse d'un solde du samedi, d'un solde de blanc en janvier. Les consommateurs savent également que lorsqu'ils vont à La Baie ils trouveront des produits qu'ils ne trouveront pas nécessairement dans des magasins de rabais, où on a des prix avantageux tous les jours. Le consommateur en est conscient et le Bureau est conscient de la situation.

M. Ian Murray: Quel impact aura le projet de loi s'il est adopté? Le consommateur constatera-t-il que les magasins fonctionnent de façon différente? Cela changera-t-il par exemple la façon dont La Baie fait le marketing de ses produits? Croyez-vous que tout cela sera à l'avantage du consommateur?

M. Paul Schabas: Je ne saurais dire si les choses vont changer car je suis un conseiller juridique indépendant. Je peux simplement dire que la commercialisation des produits de La Baie se fait conformément à la nouvelle loi. La Baie espère qu'en apportant des précisions dans la loi, tous les détaillants se retrouveront sur un pied d'égalité.

Le Bureau publie des lignes directrices dans lesquelles se trouve définie la période suffisante sur laquelle fonder le prix courant. Le Canada est le meilleur dans ce domaine. Compte tenu de l'imprécision de la loi actuellement, on ne vérifie pas si les produits sont vendus pendant une période suffisante pour que soit établi le prix courant et ces sociétés, et d'autres détaillants dans une certaine mesure, nous font probablement une concurrence déloyale.

M. Ian Murray: Monsieur Scott, vous vous dites préoccupé par la concentration des entreprises dans le domaine alimentaire. Je veux m'assurer de bien comprendre ce que vous dites. Vous dites que le Bureau doit protéger les épiciers indépendants de ces grandes entreprises, n'est-ce pas?

M. John Scott: Le Bureau devrait s'intéresser davantage à notre industrie et défendre les intérêts des consommateurs lorsque deux grandes sociétés usent de moyens douteux contre de plus petites.

M. Ian Murray: Il s'agit donc de fixation de prix abusifs plutôt que...

M. John Scott: La loi contient déjà des dispositions sur l'établissement de prix abusifs. Il y a également des dispositions sur l'abus de position dominante. Ces deux problèmes ont été portés à l'attention du Bureau à plusieurs reprises.

M. Ian Murray: Merci.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Murray.

[Français]

Madame Lalonde, avez-vous une question?

Mme Francine Lalonde: Je voudrais poser une question au représentant de la Hudson's Bay Company et une autre à M. Scott.

D'abord, j'ai une remarque que j'adresse à vous, monsieur Schabas. La Hudson's Bay Company est-elle présente au Québec?

M. Paul Schabas: Oui.

Mme Francine Lalonde: Votre mémoire n'est pourtant qu'en anglais.

Mme Hélène Yaremko-Jarvis: Deux de nos chaînes existent au Québec: La Baie et Zellers.

Mme Francine Lalonde: C'est ce que je pensais. Mais votre mémoire n'est qu'en anglais.

Mme Hélène Yaremko-Jarvis: Il faut blâmer notre avocat externe.

Mme Francine Lalonde: J'espère que cet avocat se sent blâmé et que la compagnie va lui dire que ce n'est pas une façon de la représenter adéquatement. Je ne fais pas de telles remarques à des individus, mais quand on représente une grande compagnie, il me semble qu'il faut respecter ces règles-là.

Vous dites dans votre mémoire quelque chose que je suis contente d'y voir, parce que je suis certaine que plusieurs pensent la même chose. Par contre, je vais vous dire que moi, cela m'inquiète. Vous dites:

• 1725

[Traduction]

    La pratique qui consiste à accuser des personnes—d'ordinaire des cadres supérieurs—et à les traiter comme des criminels pour forcer les sociétés à plaider coupables doit prendre fin.

[Français]

La jurisprudence fait état de cas où, comme vous le savez, on a effectivement emprisonné des gens. Les juges se sont demandé s'il était logique que ces personnes, reconnues par ailleurs dans leur milieu comme de bonnes personnes, des notables, soient emprisonnées. Le juge LaForest, en Ontario, et un juge du Québec, le juge Bellavance, ont rendu des jugements de même type.

Le juge Bellavance disait que des sanctions sévères autres que des amendes étaient nécessaires parce que les amendes sont souvent acquittées par l'entité corporative seulement. Ceci peut diminuer le respect nécessaire au bon fonctionnement de cette loi dont l'efficacité dépend dans une très large mesure du nombre d'entreprises commerciales qui s'y conforment.

Le juge LaForest disait quant à lui, et je cite:

    Il s'agit donc de la raison fondamentale justifiant l'emprisonnement des responsables de l'exploitation...

Je pourrais ajouter, pour ma part, que dans le monde dans lequel on vit, en ces temps où les écarts entre les riches et les pauvres sont grands, quelqu'un peut être emprisonné pour avoir volé de la nourriture pour ses enfants.

La décriminalisation repose donc en partie sur un argument qui, vous le dites franchement, veut qu'il ne soit pas convenable de considérer comme criminels des gens aussi bien vus et qui font faire à leur entreprise des profits extrêmement importants. Ce n'est pas par mauvaise volonté, mais ils le font.

Comme parlementaire, je trouve que cela pose un problème. Qu'en pensez-vous?

[Traduction]

M. Paul Schabas: À cause du régime de la loi actuelle, qui crée une infraction criminelle, des gens peuvent être emprisonnés pour des actes commis sans intention criminelle. D'après l'expérience de notre entreprise, dans une affaire qui s'est récemment conclue et d'après l'application que l'on a faite de cette loi, le gouvernement n'a pas à prouver l'intention criminelle, mais il peut néanmoins déposer des accusations et envoyer des gens en prison.

Nous n'avons rien contre le fait que la publicité trompeuse continue d'être un délit criminel entraînant des peines d'emprisonnement. Ce à quoi nous nous opposons, c'est à la situation actuelle, au fait que quelqu'un puisse être accusé et être passible de peine pour avoir commis une infraction réglementaire à son insu, par manque de moyens de contrôle dans une entreprise, par exemple.

Ce qui nous inquiète particulièrement, c'est qu'on s'est servi de ces dispositions dans une certaine mesure pour obliger les entreprises à plaider coupables. Aucune entreprise n'aime voir son directeur accusé et traîné devant les tribunaux, là où sont généralement traitées les poursuites sous le régime fédéral, avec les marchands de drogue. Les directeurs d'entreprises ne devraient pas avoir à constamment s'inquiéter de se retrouver en prison parce qu'il existe un manque de contrôles dans l'entreprise ou pour des actes dont ils ignorent tout. Voilà de quoi nous parlons.

[Français]

Mme Francine Lalonde: On pourrait en discuter longtemps, mais je vous remercie de votre franchise.

J'aimerais aussi poser une question à M. Scott et d'abord le remercier de sa présentation. C'est la première fois, au fond, qu'on nous présente cette opinion, que je trouve fort intéressante.

Vous dites que les moyennes entreprises qui avaient des problèmes de concurrence, avec de plus grandes entreprises, j'imagine, n'avaient pas les moyens de faire appliquer l'ancienne loi. C'est bien ce que vous dites. En conséquence, vous espérez que désormais, le bureau aura plus de moyens pour s'occuper des situations que vous vivez.

Je vous pose donc la question: ne pensez-vous pas que cela dépendra des moyens, des ressources qui seront à la disposition du bureau?

• 1730

[Traduction]

M. John Scott: Oh oui, les ressources du Bureau nous posent toujours un problème, cela ne fait aucun doute. D'ailleurs, elles sont actuellement l'objet de certaines de nos remarques les plus acerbes.

Mais supposons que l'un de nos grands concurrents fasse de la publicité trompeuse ou utilise des techniques de commercialisation douteuses. Nous sommes très conscients de ce que certains de nos concurrents usent de méthodes semblables régulièrement dans certains marchés.

D'après les discussions que nous avons eues avec les gens du Bureau et avec nos propres avocats au sujet de la politique de la concurrence, nous savons que c'est à nous qu'incombe le fardeau de la preuve. Nos entreprises n'ont pas toujours les ressources nécessaires pour engager des avocats de l'extérieur ou même des enquêteurs pour prouver les allégations. D'après ce que nous comprenons, le fait de pouvoir appliquer un régime civil signifie que le fardeau de la preuve pourrait être moins lourd—autrement dit, il pourrait y avoir peut-être des discussions plus ouvertes dans certaines affaires moins graves, qui sont actuellement la plaie de notre métier.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Une dernière question.

[Traduction]

La présidente: Dernière question, madame Lalonde.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Elles sont courtes, madame. Vous dites:

[Traduction]

    En outre, sans l'intervention active du Bureau pour appliquer plus rigoureusement certains articles de la loi, c'est un secteur de notre économie qui aurait beaucoup de mal à survivre.

[Français]

Pourriez-vous expliquer davantage, s'il vous plaît?

[Traduction]

M. John Scott: Le Bureau est en train de rédiger des lignes directrices qui régiront les mesures qu'il prendra sur ces questions. La définition de certains termes comme «abus de position dominante» et «zone de marché» est l'un des problèmes auxquels nous sommes constamment confrontés et peut-être l'une des raisons pour lesquelles nos petites entreprises ont tant de difficultés à obtenir l'appui du Bureau lorsqu'elles présentent des demandes dans des domaines problématiques comme ceux-là.

La définition de la «zone de marché» du Bureau peut être si générale qu'elle empêche l'application de certaines dispositions de la loi dans le cas de petites entreprises. En appliquant ces mêmes dispositions de la loi à des zones de marché plus vastes qui correspondent aux lignes directrices du Bureau, on en arrive à des zones de marché où l'on trouve des magasins comme La Baie et Wal- Mart, mais pas un grand épicier détaillant contre un petit. Comprenez-vous ce que je veux dire?

Voilà le genre de problèmes que nous avons et nous croyons que, à long terme, votre comité devrait étudier cette question et déterminer ce qui doit être appliqué ou indiquer au Bureau qu'il doit voir ces choses-là sous un angle différent.

La présidente: Merci.

[Français]

Mme Francine Lalonde: En somme, c'est un espoir que vous entretenez, mais vous n'en êtes pas certains.

La présidente: Merci, madame Lalonde.

[Traduction]

Madame Jennings, s'il vous plaît.

Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Merci. Ma question s'adresse à M. Schabas, de la Compagnie de la Baie d'Hudson.

À la page 7 de votre mémoire, vous parlez des pouvoirs que le projet de loi conférera au tribunal. Vous dites que le seul pouvoir dont le tribunal ait besoin est celui de rendre des ordonnances d'interdiction. Vous dites également que les sanctions pécuniaires sont punitives et qu'elles ne sont pas nécessaires. Pourriez-vous m'en dire davantage à ce sujet? À première vue, je ne suis pas d'accord avec vous, mais j'aimerais comprendre votre raisonnement.

M. Paul Schabas: Nous croyons que le but de la décriminalisation est de corriger les pratiques utilisées et qu'il faut pour cela pouvoir donner ordre de les corriger. Il n'est pas nécessaire de mettre en place des régimes parallèles d'amendes comme cela se fait dans le régime pénal. Ce ne sont pas les amendes qui corrigeront les comportements, mais le fait que le Bureau s'intéresse activement au dossier, qu'il peut obtenir des ordonnances d'interdiction et qu'il peut obliger les entreprises à venir défendre leurs pratiques devant les tribunaux.

Mme Marlene Jennings: Mais dans bien des articles de droit administratif, les tribunaux ont pourtant les pouvoirs exécutoires—et je parle du régime civil—d'imposer des sanctions; certains de ces dossiers sont traités au civil, et notre législature a estimé que l'infraction, bien qu'elle ne soit pas de nature criminelle, est suffisamment importante pour que soient imposées des sanctions pécuniaires exemplaires dans ce système.

• 1735

Vous ne croyez pas qu'il puisse exister de cas semblables?

M. Paul Schabas: Nous ne disons pas que les tribunaux n'ont pas besoin de tels pouvoirs. Ce que nous disons, c'est que ces pouvoirs ne sont pas nécessaires pour résoudre de tels problèmes. S'il s'agit d'une infraction grave, d'une infraction délibérée, il suffit alors d'avoir recours à l'autre régime.

Mme Marlene Jennings: Oui, mais il ne serait peut-être pas possible de respecter la norme de preuve dans l'autre régime, c'est-à-dire de prouver l'infraction au-delà du doute raisonnable et de prouver l'intention criminelle. Toutefois, la norme de preuve pourrait être facile à respecter dans des poursuites au civil.

M. Paul Schabas: Si cela devient trop facile, nous croyons que cela pourrait devenir une forme de sanction différente plutôt qu'un moyen d'obtenir un redressement.

Mme Marlene Jennings: Même si vous êtes très heureux que les cadres supérieurs ne seront plus traités comme des criminels...

M. Paul Schabas: Ils ne seront pas traités comme des criminels si dans...

Mme Marlene Jennings: ...ils ne seront pas poursuivis dans les mêmes tribunaux que les trafiquants de drogue.

M. Paul Schabas: Oui, en effet. Ce serait différent toutefois. Dans le cadre du régime actuel, ils sont coupables jusqu'à preuve du contraire, et pourtant, ils peuvent être incarcérés et c'est à eux de démontrer leur innocence.

Nous ne pensons pas que ce soit nécessaire. En fait, dans presque tous les cas, lorsque nous avons inculpé des personnes, l'entreprise a rapidement plaidé coupable et versé l'amende. Peut- être pas si rapidement: parfois il faut des années de procédure, parce qu'ils ne veulent pas que leurs administrateurs courent ce risque.

En réalité, de nombreux détaillants, dans la mesure où quelqu'un constate qu'il y a eu des pratiques trompeuses... ce n'est pas un geste délibéré, c'est parfois par inadvertance, surtout dans les grandes entreprises comme La Baie, qui fait constamment de la publicité, et les choses tournent mal.

Nous sommes heureux de ce nouveau régime qui permet au Bureau de nous téléphoner et de dire qu'il y a un problème ici. Nous allons y voir de près et prendre les mesures qui s'imposent. Si nous ne sommes pas d'accord, nous nous adresserons au tribunal pour obtenir une décision. Ainsi, il y aura un précédent pour l'avenir.

Mme Marlene Jennings: Merci.

J'aimerais poser une question à M. Scott. J'aimerais que vous nous donniez plus de détails sur cette même question que d'autres députés vous ont posée. Il s'agit du fait que le Bureau de la politique de concurrence ne consacre pas les ressources ou ne dispose pas des ressources nécessaires pour s'attaquer aux abus qui touchent directement les petites et moyennes épiceries et que vous souhaitez que notre comité examine peut-être cette question afin de formuler des recommandations, le cas échéant, qui pourraient entraîner des modifications à la loi.

M. John Scott: Quant à savoir s'il y a lieu ou non de modifier la loi, voilà quelque chose de tout à fait différent.

Mme Marlene Jennings: Très bien.

M. John Scott: La loi prévoit un cadre qui permet au Bureau de promouvoir la plupart des intérêts de la petite entreprise. Cela existe déjà et ces amendements seront des plus utiles à cet égard.

Malheureusement, la majorité des plaintes contre la petite entreprise aux termes des dispositions sur les prix abusifs ou d'éviction ne sont pas la priorité du Bureau. Je disais donc que le comité voudrait peut-être examiner cette question sur une certaine période pour ensuite dire au Bureau qu'il doit consacrer certaines ressources à cette question et qu'il faut peut-être maintenir un meilleur équilibre.

Tout comme vous, nous savons fort bien que les affaires très médiatisées de grandes entreprises font couler beaucoup d'encre. C'est très intéressant pour le Bureau et cela permet de dire que la Loi sur la concurrence fonctionne. Toutefois, en ce qui concerne la protection à long terme de la petite entreprise, nous avons l'impression qu'il faudrait nous attribuer une partie des ressources.

À cette fin, madame la présidente, je proposerais que la prochaine fois que le Bureau réunira un groupe de travail afin d'examiner d'éventuelles modifications à la loi, on y inclut quelqu'un qui représente le secteur de la petite entreprise. La dernière fois, il a été extrêmement difficile de traiter avec ce groupe, ce qui nous a poussés, comme certains le savent, à nous adresser directement à des députés.

La présidente: Merci, monsieur Scott.

Monsieur Lowther.

M. Eric Lowther: Oui, j'ai quelques questions.

Tout d'abord, je ne comprends pas tout à fait l'ensemble des entreprises du Groupe Normark. De qui s'agit-il? Pouvez-vous nous donner une petite idée de qui vous êtes et de ce que vous faites?

M. John Kohos: Normark est une entreprise de cadeaux publicitaires. Nous fabriquons des produits qui servent à la publicité directe. Je parle de plumes, de porte-clés, de casquettes, d'horloges, tous les articles que les gens d'affaires utilisent à des fins publicitaires.

M. Eric Lowther: Est-ce que vous vous occupez de télémarketing?

M. John Kohos: Oui.

• 1740

M. Eric Lowther: Représentez-vous plus d'une entreprise? Faites-vous partie d'un consortium?

M. John Kohos: Non. Ou plutôt, il y a plusieurs compagnies, mais elles font toutes partie de la même compagnie. Nous ne sommes pas un groupe de plusieurs propriétaires. Chaque entreprise a sa propre spécialité.

M. Eric Lowther: D'accord, mais vous vous occupez de télémarketing?

M. John Kohos: Oui.

M. Eric Lowther: Vous avez signalé que, d'après vous, la définition de télémarketing est trop vaste. Dans votre mémoire, vous proposez une nouvelle définition du télémarketing. Assez curieusement, la Compagnie de la Baie d'Hudson a proposé à peu près la même chose que ce que vous proposez, c'est-à-dire que la définition s'applique uniquement aux appels téléphoniques en direct, ce qui n'est pas reflété dans les amendements.

M. John Kohos: Et j'irai plus loin en disant que cela devrait s'appliquer aux appels en direct et aux communications sortantes.

M. Eric Lowther: Oui, c'est un bon point.

Si cette définition était incluse dans les amendements, seriez-vous prêts à appuyer les amendements?

M. John Kohos: Toute chose égale par ailleurs?

M. Eric Lowther: Oui.

M. John Kohos: Si cette définition figurait dans les amendements, je serais certainement d'accord avec la définition.

M. Eric Lowther: Seriez-vous d'accord avec les amendements?

M. John Kohos: Les autres amendements? Non, j'ai beaucoup de réserves au sujet de ces amendements. Le représentant de La Baie a dit que l'on était coupable jusqu'à preuve du contraire. C'est une chose que j'ai en travers du gosier depuis environ trois jours. J'ai lu cette proposition dans tous les sens.

Je ne suis pas moi-même avocat, mais il y a certaines choses dans le projet de loi que je ne comprends pas et qui me choquent.

Il y a par exemple la notion qu'on puisse accuser ou juger coupable ma compagnie d'une infraction quelconque et que la seule preuve requise serait qu'un employé de ma compagnie a fait quelque chose. Peu importe si l'employé est identifié. La compagnie est donc en cause. La mesure dit ensuite que je peux être jugé, trouvé coupable et condamné pour cette infraction, que j'aie été au courant ou non de l'affaire, au nom de ma compagnie si des accusations ne sont pas portées contre elle. On a donc créé une espèce de culpabilité par association et nous sommes coupables jusqu'à preuve du contraire et jusqu'à ce qu'on établisse qu'il n'y avait pas d'intention criminelle.

Le fait est qu'il y a bien des choses dans ce projet de loi que je ne peux pas accepter.

M. Eric Lowther: Très bien. J'ai peur qu'on nous interrompe, mais je voudrais quelques autres précisions.

Vos observations portaient-elles surtout sur le télémarketing ou surtout le projet de loi? Parlez-vous uniquement du point de vue du télémarketing?

M. John Kohos: Non.

M. Eric Lowther: Non, vos observations sont d'ordre général.

M. John Kohos: Oui. Le fait est que cette mesure est venue à mon attention à cause des problèmes relatifs au télémarketing. On m'a demandé si je l'avais vue. J'y ai jeté un coup d'oeil. J'ai aussi une compagnie d'ordinateurs qui ne s'occupe pas de télémarketing. Je ne suis donc pas venu devant le comité aujourd'hui pour défendre les intérêts du télémarketing. Ce qui m'inquiète davantage, c'est que cette mesure s'applique à ma compagnie d'ordinateurs et à toutes mes autres activités. Cela va beaucoup plus loin que le télémarketing.

M. Eric Lowther: L'objectif de ce projet de loi consiste dans une certaine mesure à protéger les gens, certainement de certaines pratiques abusives et trompeuses du télémarketing qui pourraient induire les personnes âgées en erreur. C'est une chose qu'on nous dit souvent. Je ne veux pas critiquer qui que ce soit, cela peut s'appliquer à n'importe qui.

M. John Kohos: Non.

M. Eric Lowther: De toute évidence, vous n'êtes pas satisfait de cette mesure. Avez-vous autre chose à nous proposer? Pourriez- vous proposer quelque chose pour aider ce groupe de gens et faire en sorte que la mesure atteigne son objectif sans nuire à votre entreprise?

M. Warren Stelman: Ce que je crains le plus en lisant ce projet de loi, c'est que l'on ne semble pas faire la moindre distinction entre les autres entreprises qui font du télémarketing. Certaines fonctionnent de façon diligente et honnête.

À certains égards, ce peut être une forme agressive de marketing. Notre compagnie, quant à elle, essaie de ne pas tenir compte de l'âge des gens—et cela nous a valu de nous faire accuser de pratiques discriminatoires—parce que nous savons que c'est parfois une question délicate. Mais on nous met tous dans le même panier. J'ai inclus dans notre documentation des exemples fournis par la police provinciale de l'Ontario en ce qui concerne le contact avec la clientèle et la sollicitation.

M. John Kohos: Avez-vous déjà entendu l'expression «recovery room»? En fait, c'est la forme la plus méprisable de télémarketing. Des escrocs viennent vous duper autant qu'ils le peuvent et finalement, quelqu'un fait un dernier appel pour vous dire que, pour 500 $ de plus, on vous rendra l'argent qu'on vous a déjà pris. C'est la dernière forme d'arnaque.

J'ai inclus quelque chose dans la documentation. J'ai hésité à le faire, mais si vous regardez dans les documents que j'ai distribués, vous avez un exemple de ce genre. L'opération est exploitée par un cabinet juridique de Toronto dont le compère est la Police provinciale de l'Ontario. On vend ce produit en disant par exemple: «Nos honoraires dépendront de l'importance de vos pertes. Renvoyez cette brochure accompagnée de 10 p. 100 du montant que vous avez perdu jusqu'ici».

• 1745

Si vous regardez la dernière page, vous verrez la photo de quatre hommes. Deux d'entre eux font partie du projet «Phonebusters» de la Police provinciale de l'Ontario et les deux autres sont des avocats. Ils se tiennent à côté d'une toute petite statue représentant un chevalier en armure, Sir Galahad, votre valeureux défenseur.

Nous en arrivons à ce qu'on peut appeler un abus de pouvoir. Lorsqu'on prévoit des dispositions trop générales et trop vagues, que l'on a rédigées avec les meilleures intentions du monde, on se rend compte à un moment donné que ces lois tombent entre les mains d'autres gens. Aussi nous choisissons la voie de la facilité étant donné que c'est une question délicate, si on agit précipitamment en se contentant de vagues dispositions... En fait, nous nous ferions un plaisir de travailler avec vous pour vous expliquer comment les gens procèdent. Mais il faut se demander si en choisissant la voie de la facilité, si vous ne prenez pas le temps de faire les choses comme il faut, aurez-vous le temps de recommencer?

Le résultat ne sera pas satisfaisant. Cela va créer un véritable charivari, non pas pour ceux à qui vous vous attaquez, mais pour toutes sortes de gens honnêtes. Certains individus vont monter sur leurs grands chevaux avec Sir Galahad et essayer de profiter de la situation. Cela nous inquiète beaucoup.

Quelqu'un voudra peut-être me couper la parole, mais...

La présidente: Monsieur Kohos, en fait, c'est exactement ce que je vais faire, car nous devons avancer.

Je tiens à remercier M. Lowther de ces questions. Il y en aura peut-être d'autres.

M. John Kohos: Certainement.

La présidente: Nous sommes en retard sur notre horaire. Nous avons maintenant sans doute près d'une heure...

M. John Kohos: En tout cas, nos numéros de téléphone sont là. Si vous voulez obtenir des renseignements plus précis sur la situation telle qu'elle est afin de pouvoir vraiment réorienter votre tir, appelez-nous.

La présidente: Monsieur Kohos, tous les membres du comité peuvent contacter tous les témoins. Ils le savent.

J'ai encore trois personnes sur ma liste. Je vais leur demander d'être brèves, car nous devons avancer.

Monsieur Shepherd.

M. Alex Shepherd: Oui, je peux être très bref étant donné que la plupart de ces questions ont déjà été abordées.

Monsieur Scott, vous nous avez dit plus ou moins que la disposition concernant les complots représente un aspect important des activités du Bureau. Vous semblez dire—je me trompe peut-être—qu'elle n'a pas été utilisée de façon très efficace, en tout cas dans les affaires dont vous vous êtes occupé. Et j'irais même un peu plus loin. Vos propres membres considèrent que le Bureau n'est qu'un colosse aux pieds d'argile. Il n'a pas vraiment...

M. John Scott: C'est exact.

M. Alex Shepherd: Et quand le Bureau dit que nous devons consolider les dispositions de la loi concernant les complots, vous dites qu'il aurait d'abord fallu faire appliquer cet article.

M. John Scott: Je n'ai pas parlé spécifiquement de complot, monsieur Shepherd.

M. Alex Shepherd: Je vois.

M. John Scott: Je parlais surtout des dispositions concernant l'abus de position dominante, qui sont extrêmement floues.

M. Alex Shepherd: Avez-vous une opinion au sujet des dispositions concernant les complots?

M. John Scott: Pas aujourd'hui, monsieur.

La présidente: Merci, monsieur Shepherd.

Madame Lalonde, vous aviez une dernière question.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Monsieur Schabas, dans le fond, vous êtes heureux de la décriminalisation, mais vous vous inquiétez du fait que les seize and desist orders se fassent par un type de preuve autre qu'une preuve au criminel, où il y a un procès. Là, une preuve hors de tout doute doit être montée, parce que l'article 74.11 proposé dit:

    74.11 (1) Le tribunal qui constate, à la demande du commissaire, l'existence d'une preuve prima facie convaincante...

À ce moment-là, le tribunal peut ordonner de faire ou de ne pas faire, et même imposer des amendes. Donc, d'une part, il y a la décriminalisation, avec les problèmes que le Code criminel posait, mais de l'autre, le nouveau type d'intervention civile risque de laisser moins de chances aux personnes qui sont poursuivies ou ont un comportement susceptible d'examen. Cela leur donne moins de chance de faire une preuve.

• 1750

[Traduction]

M. Paul Schabas: Vous avez peut-être mal compris notre position. Nous ne voyons pas d'objection à ce que des sanctions pénales soient maintenues s'il y a intention criminelle.

[Français]

Mme Francine Lalonde: J'ai compris cela.

[Traduction]

M. Paul Schabas: Nous considérons qu'une instance civile devant le Tribunal de la concurrence sera plus efficace pour faire respecter les ordonnances d'interdiction étant donné qu'il est plus facile d'établir la preuve qu'en cas d'infraction criminelle où la preuve doit être établie hors de tout doute raisonnable. Nous n'y voyons pas d'objection et les exigences de l'article 74.11, qui établissent une norme civile, ne nous posent pas de problème.

Les inquiétudes que nous avons exprimées dans notre mémoire portaient seulement sur les ordonnances provisoires d'interdiction, car nous souhaitons que l'on maintienne les exigences actuelles à savoir qu'il faut s'assurer qu'un dommage grave est susceptible d'être causé. Si ces ordonnances sont trop faciles à obtenir, s'il suffit de dire: «Ce sont des pratiques abusives et vous devez donc nous donner une ordonnance», cela pourrait causer de sérieux problèmes aux détaillants si le Bureau se trompe.

La présidente: Merci.

Merci, madame Lalonde.

Je tiens à remercier les témoins. Monsieur Kohos et monsieur Stelman, je vous remercie d'être venus aujourd'hui. Je veux que vous sachiez que le groupe de travail a été constitué en 1995 et que ce projet de loi a été présenté sous la législature précédente. Vous n'étiez pas au courant de son existence pour une raison ou pour une autre et je m'en excuse. Cela aurait dû être publié, mais malheureusement, tout le monde n'obtient pas toujours ces renseignements.

Monsieur Scott, je tiens à vous remercier de vos observations et nous allons en tenir compte. Je suis originaire du sud-ouest de l'Ontario et certains événements récents me préoccupent sérieusement. Il est très intéressant de voir ce que devient la concurrence lorsque les petites entreprises disparaissent.

Monsieur Schabas, de la Compagnie de la Baie d'Hudson, monsieur Ingram et l'avocat qui vous accompagne, nous apprécions également vos observations. Et je tiens à vous dire que, contrairement à M. Murray, je tiens à savoir exactement ce qui constitue un délai raisonnable. Quand j'achète un article, je ne veux pas m'apercevoir qu'il est en solde le lendemain.

Cela dit, je tiens à vous remercier et nous allons maintenant changer de témoins. Nous allons changer de places.

Si les témoins veulent bien tous s'asseoir à l'avant, nous allons procéder de la même façon. Nous entendrons d'abord tous les témoins après quoi nous passerons aux questions.

• 1755

Nous avons le plaisir de recevoir quatre témoins. Il s'agit de la représentante du Conseil des normes sur la publicité, Mme Niquette Delage, de Mme Louise Rozon, d'Option consommateurs, et de Jacques St-Amant, avocat. Nous recevons aussi les représentants de l'Association des syndicalistes retraités du Canada, Mme Mary Eady, représentante nationale d'Ottawa, et M. Larry Wagg, premier vice-président. Mme Olga Orozco comparaît également à titre personnel.

Nous allons les entendre dans l'ordre où j'ai cité leurs noms, si vous êtes d'accord. Ce sera d'abord Mme Niquette Delage, du Conseil des normes sur la publicité. Je demanderais à chacun d'entre vous de bien vouloir limiter sa déclaration liminaire à cinq minutes au maximum.

[Français]

Mme Niquette Delage (présidente honoraire, Comité provincial de prévention de la criminalité économique, Conseil des normes sur la publicité): Mesdames, messieurs, comprenons-nous bien. Les fraudes perpétrées au détriment de la population, approchée au nom de la philanthropie, font mal. Elles sont le fait d'individus qui savent qu'il y a de l'argent à faire et que les causes populaires génèrent des entrées de fonds appréciables. Pourquoi ne pas profiter de cette manne?

Les organismes caritatifs ne peuvent se payer le luxe de perdre les sommes qui sont détournées ainsi. Voilà pourquoi ils expriment, depuis un bon moment déjà, leurs préoccupations, mais ne s'en tiennent pas qu'à cela. Ils ont fait leur examen de conscience et ont décidé de s'autoréglementer, de se donner un code de déontologie qui consigne des règles de conduite précises dans le but d'inspirer confiance à un public qui devient de plus en plus apte à décoder le langage de la philanthropie.

Prêt à donner, le public veut cependant s'assurer que la sollicitation est légitime, que les fonds réunis seront bien gérés, que 80 p. 100 et plus, si possible, des fonds recueillis seront consacrés à la cause. Or, ceux et celles qui observent avec attention les façons de procéder des organismes sans but lucratif dont les efforts sont couronnés de succès en tirent des leçons qui serviront leurs intérêts propres, qui sont d'attirer vers eux l'argent que des personnes, encore trop nombreuses, sont prêtes à donner, ignorantes du fait qu'elles sont victimes de fausses représentations faites par le téléphone.

Le télémarketing est un mode de communication légitime, populaire et rentable, si vous nous passez l'expression. Il a fait à l'occasion l'objet de dénonciations méritées. Mais, afin d'éviter d'en ternir la réputation, le milieu philanthropique du Québec a posé deux gestes significatifs dont le premier a été mentionné précédemment, soit la rédaction et l'adoption d'un code d'éthique. Le second a consisté en la rédaction d'un contrat type visant les échanges entre les organismes à but non lucratif et les télémarketeurs.

Le sous-comité de la philanthropie du Comité provincial de prévention de la criminalité économique, dont je suis la présidente, a fait preuve d'idéalisme et de détermination tout en sachant très bien que ce contrat ferait bondir d'indignation de nombreux télémarketeurs car, en vertu de ses clauses, il devait imposer des restrictions que d'aucuns, au début des années 1990, jugeaient intolérables, irréalistes et quoi d'autre encore.

Mais il fallait dire ce que l'on avait à dire et protéger contre leur propre insouciance les organismes qui se livraient déjà pieds et poings liés à n'importe quelle agence ou contractuel indépendant sous prétexte qu'un petit peu d'argent est mieux que rien du tout. L'industrie de la philanthropie a besoin de l'aide du gouvernement. L'ayant réclamée à divers paliers sans succès jusqu'à maintenant, nous nous tournons vers vous aujourd'hui.

Nous y sommes encouragés par les déclarations récentes du ministre John Manley qui, le 31 mars dernier, a reconnu que bon nombre de nos organismes de bienfaisance légitimes trouveraient difficile, pour ne pas dire impossible, de réunir des fonds sans le télémarketing. Il a ajouté:

    Lorsqu'ils font des dons à des oeuvres de bienfaisance, les Canadiens ne s'attendent pas à recevoir quoi que ce soit en retour, généralement. Mais ils ont le droit de voir leurs dons utilisés pour de bonnes causes et non pas finir dans les poches d'escrocs.

• 1800

Même s'il ne nous appartient pas de proposer le contenu d'un amendement à la loi, nous devons attirer votre attention sur le libellé du paragraphe 52.1(1) proposé, qui ne répond pas du tout à nos inquiétudes. Tout amendement qui permettrait d'incorporer les activités philanthropiques dans les dispositions traitant du télémarketing recevra notre appui. Nous aimerions en être informés afin d'en faire l'étude et de voir si nous sommes prêts à l'appuyer, car il servirait alors les intérêts du public et de l'industrie de la philanthropie, une industrie, rappelons-le, de près de 100 milliards de dollars. Ce n'est pas rien.

J'ai préparé un texte en plusieurs points pour vous expliquer un peu le cheminement de notre organisme, le Comité provincial de prévention de la criminalité économique.

[Traduction]

La présidente: Madame Delage, je dois passer au témoin suivant. Vous avez eu cinq minutes et je dois m'en tenir à cinq minutes faute de quoi nous ne pourrons pas entendre tout le monde. Je m'en excuse.

Mme Rozon ou M. St-Amant, d'Option consommateurs.

[Français]

Mme Louise Rozon (directrice générale, Option Consommateurs): Merci. Nous voulons d'abord vous remercier de nous avoir invités ce soir à vous faire part de nos observations concernant les modifications à la Loi sur la concurrence.

Les questions que vous examinez sont extrêmement importantes pour les consommateurs qui font face malheureusement trop souvent à des pratiques commerciales déloyales.

Notre association, dont le siège est à Montréal, s'intéresse à plusieurs questions, dont le secteur bancaire. Nous constatons régulièrement que les règles établies par la Loi sur la concurrence ne sont pas respectées. Entre autres, nous avons intenté en 1996 un recours collectif contre des pharmaciens québécois qui avaient reconnu leur culpabilité à l'égard d'accusations de fixation des prix, recours qui a depuis été réglé hors cour.

C'est donc avec intérêt que nous avons accueilli les amendements projetés à la Loi sur la concurrence.

[Traduction]

La présidente: Pourrais-je vous demander de parler un peu plus lentement pour l'interprétation.

Mme Louise Rozon: D'accord.

La présidente: Je peux vous dire que vous ne pourrez pas lire tout ce texte en cinq minutes, alors n'essayez pas. Si vous pouviez simplement résumer, s'il vous plaît.

Merci.

[Français]

Mme Louise Rozon: Nous allons premièrement vous faire part des innovations heureuses et des inquiétudes.

En ce qui a trait aux innovations heureuses, il y a la question du télémarketing. On peut se réjouir de constater que le Parlement veut contrer les pratiques de télémarketing abusives. Comme ces pratiques sont souvent le fruit d'un commerce interprovincial ou même international, on juge que le palier fédéral est sans doute le mieux placé pour régler ce genre de problèmes.

D'autre part, on devrait envisager de confier aux tribunaux le pouvoir d'émettre une ordonnance en vertu de laquelle les entreprises de télécommunications canadiennes ne pourraient plus desservir des commerçants ayant eu des pratiques abusives en matière de télémarketing. On juge que ce genre d'ordonnance devrait être prévu dans la Loi sur la concurrence. C'est un mécanisme qui est d'ailleurs prévu au Royaume-Uni, où il est régulièrement utilisé.

On propose par ailleurs de modifier le Code criminel de manière à permettre le recours à l'écoute électronique dans le cadre d'enquêtes relatives à certains types d'infractions. L'écoute électronique constitue en soi, à notre avis, une atteinte importante aux droits fondamentaux. On devrait donc l'utiliser avec prudence.

Les comportements susceptibles d'examen: Il s'agit aussi d'une innovation intéressante, à notre point de vue, que de pouvoir fournir au commissaire à la concurrence les moyens de faire changer certains comportements. Il s'agit là d'un mécanisme qui pourrait être très utile dans de nombreux cas, mais il serait encore davantage utile si on modifiait quelque peu le projet de loi.

Entre autres, on devrait donner aux tribunaux la possibilité de rendre des ordonnances plus variées. Ils pourraient, par exemple, ordonner à une entreprise de réparer le préjudice causé en changeant une pratique commerciale, d'interdire provisoirement certaines formes de publicité ou encore obliger l'entreprise à réduire ses prix temporairement.

Pour ce qui est des inquiétudes que nous avons observées, elles ont trait au chapitre des sanctions pénales qui sont prévues dans la Loi sur la concurrence. D'abord, on augmente considérablement le fardeau de la preuve qui est requise pour obtenir une condamnation et on pourrait vouloir, dans certains cas, dépénaliser certains comportements.

• 1805

Quant au fardeau de preuve, on modifie l'article 52 pour faire en sorte qu'on exige la preuve qu'une entreprise a donné des indications fausses ou trompeuses «sciemment ou sans se soucier des conséquences». C'est une exigence très élevée, à notre avis, qui n'est pas exigée actuellement en vertu de la loi.

Nous avons aussi une autre inquiétude. Entre autres, dans la loi, on a oublié l'actuel article 54 portant sur le double étiquetage. À notre avis, c'est un oubli qui ne consiste pas en une bonne nouvelle pour les consommateurs.

Vous pourrez prendre connaissance, dans notre magazine Consommation, d'une enquête qu'on a réalisée au mois de décembre dernier concernant l'exactitude des prix dans les lecteurs optiques. Nous avions fait l'achat de 375 produits et constaté, dans certains cas, jusqu'à 26 p. 100 d'erreurs. Chaque fois qu'on constatait une erreur, on la mentionnait au commerçant et on retournait quelques jours plus tard. Dans plusieurs cas, même après que le commerçant ait été informé de l'erreur, cette erreur subsistait toujours. Donc, on juge qu'il y a là un problème important et qu'on devrait maintenir l'article 52 pour que ce genre d'infraction soit toujours une infraction claire en vertu de la Loi sur la concurrence.

En terminant, dans notre mémoire, on a signalé d'autres difficultés plus techniques. On aimerait entre autres souligner qu'il nous apparaît clair que l'évolution du commerce électronique et des pratiques de commerce va commander à terme d'autres modifications à la Loi sur la concurrence.

Merci beaucoup de votre attention.

La présidente: Merci, madame Rozon.

[Traduction]

Je veux maintenant donner la parole à l'Association des syndicalistes retraités du Canada. Il s'agit de Mme Mary Eady et de M. Larry Wagg.

M. Larry Wagg (premier vice-président, Association des syndicalistes retraités du Canada): Merci beaucoup, madame la présidente.

Avant de commencer, je suis sûr que les membres du comité ont reçu le mémoire de la Fédération Nationale des Retraités et Citoyens âgés. Cet organisme et le nôtre sont tous deux formés de bénévoles et nous en sommes les porte-parole ici, à Ottawa.

Je dois également mentionner que nous sommes la filiale la plus importante de la Fédération Nationale des Retraités et Citoyens âgés, l'organisation des personnes âgées la plus ancienne du pays.

L'Association des syndicalistes retraités du Canada a été fondée en 1993. Son but est d'unir divers organismes constitués de syndicalistes retraités dont le syndicat était généralement affilié au Congrès du travail du Canada. Nous surveillons les événements qui peuvent avoir des répercussions pour les retraités mais, pour ce qui est du contexte de ces audiences, nous adressons les pétitions aux gouvernements pour qu'ils légifèrent de façon à améliorer la santé et le bien-être de tous les retraités du Canada.

Depuis sa fondation, notre association a vu croître son effectif. Nous comptons maintenant 500 000 membres dans l'ensemble du pays et nous espérons atteindre le million d'ici deux ans. Notre principale association membre est l'Association nationale des retraités fédéraux qui représentent les fonctionnaires, suivies des retraités de l'industrie automobile et de la sidérurgie. Je vais maintenant céder la parole à ma collègue.

Mme Mary Eady (représentante nationale d'Ottawa, Association des syndicalistes retraités du Canada): Merci.

C'est avec un grand plaisir que nous vous présentons aujourd'hui nos opinions au sujet du projet de loi C-20 et plus particulièrement sur les articles concernant les pratiques de télémarketing frauduleuses. Certains croient qu'il vaut mieux laisser les forces du marché s'exercer librement et que la situation se redressera toute seule. Malheureusement, ce n'est généralement pas ce qui se passe quand des gens cherchent seulement à duper et à tromper le consommateur. Étant donné que l'on a de plus en plus de preuves de pratiques frauduleuses dans le secteur du télémarketing, une industrie d'une valeur d'un milliard de dollars, il faut que le gouvernement intervienne pour réglementer cet élément d'un service qui joue par ailleurs un rôle utile.

Nous avons trois principales choses à faire valoir dans le peu de temps dont nous disposons.

Premièrement, l'une des principales dispositions du projet de loi prévoit l'autorisation judiciaire d'intercepter des communications privées lorsqu'on soupçonne des cas de télémarketing trompeurs, de fixation des prix ou de trucage des offres.

Nous appuyons cette disposition car nous croyons qu'en cette ère de l'électronique, il est nécessaire de donner aux consommateurs, surtout aux personnes âgées que nous représentons, la protection qu'ils s'attendent de recevoir de leur gouvernement.

• 1810

En second lieu, nous souscrivons à l'objectif du projet de loi qui est d'obliger les agences de télémarketing à se conformer à la loi, à se considérer comme imputables de toutes les actions de leurs employés et, enfin, à divulguer toute information importante au consommateur. Le projet de loi énumère en effet tout ce que le télévendeur devra préciser à son interlocuteur.

En troisième lieu, nous soulignons le grand besoin d'informer la population afin de protéger les consommateurs vulnérables, et nous demanderions que l'on divulgue plus volontiers le nom des entreprises ayant enfreint la loi. La Fédération Nationale des Retraités et Citoyens âgés a présenté dans son mémoire au comité d'excellentes suggestions que nous entérinons, notamment d'exiger que l'information soit distribuée dans les diverses langues parlées dans le milieu, et d'exiger aussi que le livre de téléphone publie de l'information pertinente sur les droits des consommateurs.

Enfin, nous demandons au Parlement de nous assurer qu'il financera suffisamment l'organisme qui sera chargé de faire respecter cette loi ainsi que ses règlements. Sans financement adéquat, les dispositions resteront lettre morte.

Une dernière remarque. Lors de ses délibérations, le comité s'est-il rendu compte du nombre croissant d'objets qui sont offerts par le truchement d'Internet et du World Wide Web? L'Ottawa Citizen publie aujourd'hui un article qui explique comment on peut utiliser de façon frauduleuse toute l'information colligée par des moyens malhonnêtes. Vous êtes-vous déjà penchés sur ce problème? Si j'ai bien compris l'objectif du projet de loi, le Parlement essaie de mettre à jour les lois qui touchent ce domaine; et à mon avis, à moins qu'il ne s'attaque à Internet, il ratera complètement le coche en l'an 2000.

Une dernière question: les règlements dont on parle à l'alinéa 52(2)b) seront-ils disponibles avant leur adoption pour que la population puisse dire ce qu'elle en pense? Dans l'affirmative, nous aimerions bien le savoir pour que nous puissions faire parvenir nos commentaires.

Merci.

La présidente: Merci beaucoup, madame Eady et monsieur Wagg.

Nous passons maintenant à notre dernier témoin, Mme Olga Orozco.

Mme Olga Orozco (témoigne à titre personnel): Madame la présidente et mesdames et messieurs du comité, je vous remercie de me permettre de comparaître et de vous faire part d'un point de vue différent.

Nouvelle citoyenne du Canada, j'ai été induite en erreur par une société de télémarketing. Bien que j'aie un accent très prononcé et que je n'aie pas l'habitude de prendre la parole en public, je me vois dans l'obligation de vous expliquer ce qui m'est arrivé.

Malgré mon accent, je me considère comme quelqu'un de très intelligent, et je m'en enorgueillis. C'est grâce aux efforts que j'ai déployés depuis mon arrivée au Canada que je peux faire vivre ma famille. Mon mari étant handicapé, j'ai démarré moi-même une petite entreprise que je considère comme étant une entreprise minuscule, puisqu'elle ne fait vivre que ma propre famille.

Je ne sais pas comment on rédige une loi et je ne sais pas comment le projet de loi C-20 est rédigé. Je comparais uniquement pour vous illustrer ce qui pourrait arriver aux autres, comme cela m'est arrivé à moi.

J'ai commencé par recevoir certains documents d'une entreprise. Au début, on me téléphonait pour me féliciter de ce que mon commerce fonctionnait bien depuis trois ans et qu'aucun de mes clients ne s'était plaint depuis cinq ans.

• 1815

Madame la présidente, vous comprendrez que je sois très émotive, car toute cette affaire m'a touchée personnellement; je vous demanderais donc d'être tolérante et d'accepter que je dépasse les cinq minutes imposées. J'essaierai tout de même d'être aussi brève que possible.

J'ai distribué l'information...

La présidente: Madame Orozco, je prête une oreille sympathique à votre mésaventure, mais je précise que j'ai été impitoyable à l'égard de tous les témoins. Toutefois, comme vous avez distribué à tous les membres du comité toute l'information vous concernant, de même que la lettre très détaillée, vous pouvez vous permettre d'être aussi brève que possible.

Mme Olga Orozco: Bien.

Un télévendeur m'a garanti que j'allais gagner un prix, mais m'a fait croire que pour pouvoir réclamer légalement ce dernier, je devais devenir cliente de cette entreprise.

J'ai commencé par me plaindre des deux prix que j'avais gagnés, car ils étaient parfaitement inutiles. Lorsque je me suis plainte, le président de l'entreprise en question m'a rappelée pour m'assurer que j'avais gagné une vraie voiture neuve, ce qui me semblait être un cadeau du ciel, étant donné que deux semaines auparavant on m'avait volé ma voiture. Le ciel me récompensait.

J'ai donc cru en ce cadeau, et j'ai accepté d'acheter tous les produits que l'on me suggérait afin de pouvoir réclamer le prix. J'avais toujours des doutes, mais j'avais déjà fait ma commande et on n'arrêtait pas de me harceler et de me demander constamment de l'argent.

N'ayant toujours pas reçu la voiture promise, même après avoir versé l'argent, j'ai dû faire un millier d'appels au centre de Montréal pour réclamer mon prix. Chaque fois que j'appelais, on m'assurait que j'avais bel et bien gagné le prix. On m'a même donné le numéro de téléphone du ministère des Transports pour que j'appelle et que je donne mon numéro de permis de conduire afin que l'on puisse m'envoyer la voiture, étant donné que l'entreprise de télémarketing était toujours légalement propriétaire de la voiture. Mais auparavant, je devais évidemment envoyer un versement pour couvrir le montant des taxes. On m'a fait marcher comme cela pendant deux ou trois ans.

J'ai commencé par recevoir une antenne parabolique universelle à hyperfréquences qui n'était qu'un jouet de plastique dont je ne savais quoi faire.

Puis, on m'a donné le numéro du ministre des Transports.

Vous avez raison: je me sens parfaitement stupide et je suis très en colère contre ces gens. Voilà pourquoi il faut agir.

Vous trouverez dans mon dossier toutes les lettres que j'ai écrites et tous les renseignements. Je n'ai pas préparé de déclaration, mais j'ai écrit beaucoup de lettres à cette entreprise, dont je vous ai apporté des copies. J'ai même écrit aux enquêteurs qui étudiaient cette fraude, et vous avez également des copies de ces lettres.

Lorsque j'ai reçu une enveloppe identifiée comme contenant «d'important documents officiels», je les ai considérés, comme nouvelle immigrante, comme étant des documents officiels d'importance. Un Canadien ne se fera peut-être pas leurrer ainsi, mais j'ai cru pour ma part qu'il s'agissait d'importants documents officiels.

Puis, quand je vois sur une enveloppe «Canadian Classic Celebration», cela représente un rêve pour moi, comme néo- Canadienne.

C'est dommage pour ceux qui font des affaires correctement. C'est vraiment dommage, car je ne leur fais plus confiance. Les représentants de la revue de la police m'appellent tous les ans pour que je m'abonne, mais je refuse. Je ne veux rien savoir de ces gens-là. Il se peut bien que les télévendeurs qui m'envoient de l'information le fassent de bonne foi, mais je ne leur fais plus confiance, ni à eux ni aux autres.

J'ai ici copie du chèque que j'ai fait. J'ai envoyé à cette entreprise encore plus d'argent sous forme de mandats, mais j'ai dû remettre ceux-ci aux enquêteurs.

J'ai des questions à poser, mais aussi des suggestions à faire.

• 1820

J'appartiens à une grande collectivité, celle des Espagnols établis à Toronto. J'ai pris la parole devant ces gens pour leur expliquer comment on pouvait devenir un vrai Canadien. En dépit de mon accent, et même si je ne suis pas née ici, le Canada est mon pays; c'est mon nouveau foyer. C'est le pays que j'ai choisi pour m'installer avec mon nouveau mari. Ce n'est pas parce que l'on déteste son pays d'origine qu'on le quitte, mais c'est parce que l'on veut créer son port d'attache ailleurs.

Lorsque je parle aux hispanophones, je les exhorte à ne pas tomber dans le même piège. Je me suis même présentée à la télévision à la chaîne «Latino» pour mettre en garde les auditeurs et les exhorter à ne pas agir aussi stupidement que moi.

J'ai quelque chose à suggérer. Beaucoup de gens viennent me voir pour me demander conseil: «Que dois-je faire? Je lance une nouvelle entreprise, une compagnie de nettoyage.» Cela ne rate jamais, un mois après l'ouverture ou l'enregistrement de l'entreprise, une compagnie de télémarketing leur téléphone pour leur dire qu'ils ont gagné quelque chose.

Pour éviter que ces gens-là deviennent des victimes, comme je l'ai été moi-même, il devrait y avoir de l'information à l'intention de ces très petites entreprises, ces micro-entreprises, pour les mettre en garde lorsqu'elles commencent. En effet, j'ai l'impression que ces gens-là obtiennent leurs informations grâce à cet annuaire. Tous ces mauvais éléments s'informent de cette façon-là.

Je vous remercie de m'avoir écoutée. Je sais que j'ai été un peu émotive, je le suis toujours, mais je dois absolument faire passer le message et je ne connais pas d'autre façon.

La présidente: Non, nous apprécions beaucoup votre visite. Nous avons écouté avec beaucoup d'intérêt ce que vous nous avez dit madame Orozco, et également votre recommandation.

Nous allons maintenant passer aux questions. Je vais commencer par M. Lowther. Je vous prie.

M. Eric Lowther: Merci, madame Orozco. Nous aussi dans ce comité il nous arrive d'être émotifs de temps en temps.

Cela dit, j'aimerais céder la première place et selon les questions que mes collègues poseront, je n'aurai peut-être pas besoin d'en poser moi-même, madame la présidente.

La présidente: D'accord, monsieur Lowther. Nous passons à M. Shepherd.

M. Alex Shepherd: Madame Rozon, il y a un aspect de votre témoignage qui m'intéresse. Vous avez fait une enquête—je reviens au le double étiquetage—vous vous êtes aperçu qu'il y avait un certain nombre d'infractions. Le Conseil canadien du commerce de détail nous a dit que ces infractions allaient dans les deux sens. Est-ce que c'est ce que vous avez constaté?

Autrement dit, le prix sur l'étiquette de la tablette n'est pas celui qui est décodé à la caisse. La caisse enregistreuse n'est pas programmée pour décoder le prix inférieur. C'est une des choses dont les gens se plaignent. Le Conseil canadien du commerce de détail dit que les erreurs vont dans les deux sens et que parfois le prix du code barres est inférieur au prix affiché sur les tablettes. Est-ce ce que vous avez constaté dans votre sondage?

[Français]

Mme Louise Rozon: Dans le cadre de notre enquête, de façon générale, on a constaté que c'est le consommateur qui était perdant. Là où on a constaté le plus d'erreurs, c'est lorsque les articles étaient vendus en solde. Dans le commerce, on affichait un prix réduit et le lecteur optique n'avait pas enregistré le prix réduit. Donc, le consommateur payait le prix régulier. D'après l'enquête que nous avons faite, ce n'était pas égal. C'est vrai que le consommateur était parfois gagnant mais, de façon générale, c'était le plus souvent lui qui était perdant.

[Traduction]

M. Alex Shepherd: D'accord.

Certaines personnes ont dit qu'il fallait simplifier la réintroduction de l'article 54. Il est question de double étiquetage et, évidemment, ce que nous faisons actuellement, c'est ce que vous venez de suggérer: un prix de vente et un code barres qui passe véritablement par une machine. J'ai entendu dire que dans certaines juridictions la pénalité pour ce genre de chose était que l'article devait être donné gratuitement aux clients. Est-ce que vous recommandez cela?

[Français]

Mme Louise Rozon: En fait, c'est une des recommandations qu'on fait. Dans certains commerces, ce n'est pas vraiment possible. Si on achetait une tondeuse à un mauvais prix, il serait un peu étonnant que le commerce accepte de la donner, mais on juge qu'une des façons de régler ce problème-là serait que les entreprises acceptent de récompenser le consommateur qui a constaté une erreur.

Dans certains cas, on pourrait donner le bien. Dans les supermarchés, les produits ne sont pas vendus à un prix très élevé. Cette chose-là serait possible. Dans d'autres types de commerce, on devrait non seulement rembourser les sommes payées en trop, mais aussi offrir au consommateur une récompense. Cela aurait un effet dissuasif auprès des commerçants et chaque consommateur aurait intérêt à surveiller la facturation et à signaler les erreurs.

• 1825

M. Jacques St-Amant (avocat, Option consommateurs): Permettez-moi d'ajouter un détail qui peut vous intéresser. En février dernier, nous avons fait faire un sondage au Québec par la firme CROP. On a demandé aux gens: «Est-ce que vous souhaitez que les commerçants mettent une étiquette de prix sur tous les biens?» De façon générale, dans les magasins d'alimentation, les pharmacies, les librairies et d'autres types de commerce, les consommateurs québécois disent à 90 p. 100: «Nous voulons que les commerçants mettent des prix sur les biens.»

Donc, les consommateurs veulent cette information. Il veulent qu'il y ait une étiquette, tout simplement, pour savoir combien ils doivent payer.

[Traduction]

M. Alex Shepherd: Vous ne savez pas à quel endroit on force les commerçants à donner les articles gratuitement, mais vous pensez qu'en dessous d'une certaine somme, par exemple 100 $, on pourrait effectivement donner les articles gratuitement?

M. Jacques St-Amant: Il y a une disposition de ce genre dans le Code australien pour les supermarchés. Nous avons ce document et si vous le voulez, nous pouvons vous l'envoyer. Nous ne l'avons pas avec nous, mais nous pouvons vous l'envoyer.

M. Alex Shepherd: Nous apprécierions beaucoup, merci.

M. Jacques St-Amant: Les gens de la Direction de la consommation à Industrie Canada étudient actuellement ces questions, si cela vous intéresse.

M. Alex Shepherd: D'accord.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Shepherd.

[Français]

Madame Lalonde, s'il vous plaît.

Mme Francine Lalonde: Merci à vous tous et toutes. Je vais adresser mes questions à Option consommateurs.

Je vous remercie infiniment de ce mémoire bien fait. Il n'est qu'en français. Je vais donc demander au greffe de le faire traduire en anglais. Tout le monde va rire. Mme la présidente va me permettre de dire que, lorsque les représentants de la Hudson's Bay Company sont arrivés avec un mémoire en anglais seulement, je les ai engueulés. Je le fais chaque fois qu'on ne remet pas un document dans les deux langues quand il s'agit d'une grande entreprise qui a de l'argent ou d'une grande organisation publique. Quand ce sont des individus ou des organisations cassées, ce n'est pas pareil.

Vous avez souligné une chose tout à fait nouvelle et extrêmement intéressante pour moi. Je l'avais identifiée, mais c'est toujours plus intéressant quand des témoins en parlent.

Vous dites qu'il y a danger non seulement qu'on décriminalise mais aussi qu'à toutes fins pratiques, les dispositions de lois criminelles qui demeurent ne puissent pas être appliquées parce qu'on augmente les exigences. On dit au paragraphe 52(1) proposé qu'on ne peut «donner au public, sciemment ou sans se soucier des conséquences, des indications fausses ou trompeuses». Il sera à peu près impossible de prouver qu'une telle chose a été faite sciemment ou sans qu'on se soit soucié de ses conséquences.

Vous soulignez cela d'une part, mais vous soulignez également, et c'est extrêmement important, qu'à l'article 52, on n'a gardé que l'alinéa a), qui peut continuer à faire partie des dispositions criminelles, alors que les alinéas b), c) et d) ont été mis dans l'article 74, ce qui pourrait faire en sorte que la cour n'interprète plus ces dispositions comme étant susceptibles d'entraîner des sanctions en vertu du droit pénal, si je comprends bien.

Voulez-vous élaborer, s'il vous plaît, sur les conséquences de cela?

M. Jacques St-Amant: Rapidement et sans entrer dans les détails, parce que ce sont des questions qui, même au plan juridique, sont complexes, en introduisant le «sciemment» à l'article 52, on semble exiger du poursuivant éventuel qu'il fasse la preuve de ce que la Cour suprême a appelé une intention subjective. C'est un fardeau extrêmement lourd. Cela veut dire qu'on ne pourra même pas, par exemple, s'en prendre à un commerçant qui a été négligent sans faire la preuve d'une intention vraiment très précise de commettre une infraction. À l'égard d'une personne morale, il est extrêmement difficile de faire la preuve que la personne morale elle-même a sciemment fait quelque chose. Il faudrait produire une résolution du conseil d'administration. Je plains le poursuivant qui va vouloir faire cette preuve-là.

• 1830

Il y a des témoins qui disaient plus tôt qu'il était absolument impensable d'imputer une intention criminelle à des dirigeants à qui quelque chose a échappé. D'une part, je pense qu'il appartient aux commerçants de s'assurer que leurs affaires sont bien gérées. D'autre part, c'est une chose que notre droit pénal fait constamment et depuis longtemps. Il y a des centaines de dispositions au Canada. En droit pénal, on va même plus loin que cela. On dit que si une personne morale est irresponsable, il est possible que son administrateur puisse être poursuivi et trouvé coupable d'une infraction criminelle. Donc, on va régulièrement chercher la culpabilité d'une personne physique dirigeante d'une personne morale. Ce n'est rien de nouveau.

Quant à ce que vous mentionniez à l'égard des modifications à l'article 52, cela cause un problème d'interprétation, et je ne doute pas que des commerçants voudront le soulever un jour. Ils vont dire: «Écoutez, nous avons posé un geste qui entrait dans une infraction qui existait. Le législateur a délibérément abrogé ces articles-là. Ce n'est plus une infraction. Donc, pourquoi m'accusez-vous? Le législateur a décidé que ce n'était plus une infraction.» À ce moment-là, le poursuivant va devoir prouver que, malgré cela, il faut interpréter la disposition qui reste comme incluant tout ce qui est pénal. Alors, un avocat rusé va dire: «Oui, mais pourquoi le législateur fait-il cela maintenant, alors qu'il prenait auparavant la peine de tout préciser?» Peut-être que la Couronne va gagner, mais peut-être qu'elle va perdre.

Mme Francine Lalonde: On va travailler entre nous, mais il vaut vraiment la peine de lire la Loi sur la concurrence actuelle et de voir ce que contiennent les alinéas b), c) et d) pour comprendre que, si on les met dans l'article de la loi où on parle d'un comportement...

M. Jacques St-Amant: Susceptible d'examen.

Mme Francine Lalonde: ...d'une entreprise dont le comportement est susceptible d'examen, il devient difficile de penser qu'elle pourra être condamnée en vertu de 52(1). Merci d'avoir mis cela en lumière. C'est une disposition extrêmement importante.

Ensuite, vous soulignez que la compétence est d'abord provinciale. Vous soulignez aussi qu'il y a eu des jugements qui ont établi que la Cour suprême, dont on dit qu'elle penche toujours du même bord, a encore penché du même bord, de ce côté-là, pour dire que la compétence était partagée. Cependant, vous dites que c'est largement sur l'exercice de cette juridiction que repose actuellement la Loi sur la concurrence.

La présidente: Votre dernière question, s'il vous plaît.

Mme Francine Lalonde: Ne craignez-vous pas que, du fait de l'existence parallèle d'un régime civil au fédéral et d'un régime civil au Québec—je pense par exemple à l'article 219 de la Loi sur la protection du consommateur—, les entreprises ou les citoyens ne sauront plus sur quel pied danser parce que, dans les deux cas, on parle de publicité trompeuse et il y aura un régime civil? Comment départagera-t-on les choses?

Mme Louise Rozon: J'aimerais juste souligner une des difficultés qu'on voit. Le Québec est l'une des provinces du pays qui ont une loi sur la protection du consommateur très complète. Malheureusement, ce n'est pas le cas de toutes les provinces. Donc, en éliminant des dispositions touchant notamment la publicité trompeuse dans la Loi sur la concurrence, on pourrait bien diminuer considérablement les droits des consommateurs dans certaines provinces. C'était une de nos préoccupations.

M. Jacques St-Amant: Il y a un autre élément dont il faut être conscient. En vertu de l'article 219 de la loi québécoise, c'est le consommateur qui essaie de régler son propre problème et on espère qu'il va avoir gain de cause. La Loi sur la concurrence permettrait de faire en sorte qu'une entreprise cesse, de façon générale, une pratique parce qu'elle aura le Bureau de la concurrence sur le dos. À cet égard, il peut être intéressant qu'il y ait une intervention plus large ou de nature un peu différente de celle qui est prévue dans un recours civil purement privé.

Mme Francine Lalonde: Mais à la condition qu'il y ait une espèce de respect mutuel de la part des deux juridictions. C'est ce que souhaitait Mme la coordonnatrice de la Association des consommateurs du Canada.

• 1835

M. Jacques St-Amant: Je pense que depuis quelques années, il y a des efforts pour harmoniser les lois du travail entre le fédéral et les provinces en ce qui a trait à la protection du consommateur. Il reste beaucoup de travail à faire, mais il y a tellement de pratiques un peu étranges qui ont cours qu'on n'aura jamais trop de moyens pour les contrer, quant à moi.

Mme Francine Lalonde: Merci.

[Traduction]

La présidente: Merci beaucoup, madame Lalonde.

Monsieur Lastewka, je vous en prie.

M. Walt Lastewka: Merci, madame la présidente. Je serai très bref.

Pour commencer, je tiens à remercier tous les témoins qui ont pris la peine de venir nous voir. J'ai trouvé excellente la recommandation de Mme Eady et de M. Wagg qui représentent le groupe de personnes de l'âge d'or. Ils recommandent qu'on mette tout au début de l'annuaire téléphonique une description très claire à l'intention des consommateurs. C'est une bonne idée et, bien sûr, nous sommes ici pour cela, pour entendre de nouvelles idées.

Au sujet d'Internet et du commerce électronique, on est en train d'essayer d'organiser quelque chose dans ce domaine, mais cela nécessite la collaboration d'un grand nombre de pays à cause du caractère très international d'Internet.

Je tiens donc à vous remercier pour cette idée au sujet des annuaires.

Madame Delage, vous avez parlé du double étiquetage, mais je n'ai pas bien compris ce que vous vouliez dire. Est-ce que ce sont les mêmes idées dont nous avons déjà discuté, ou bien est-ce quelque chose de différent?

Mme Niquette Delage: C'est quelque chose de très différent, parce que nous ne cessons de réclamer au gouvernement provincial, au gouvernement municipal... Vous savez, à Montréal, un règlement existait qu'on a supprimé. Cela figure dans le document que j'ai envoyé hier et qui explique la démarche qui nous a amenés ici, aujourd'hui.

Ce que nous voudrions c'est que le secteur philanthropique, car c'est un véritable secteur, figure dans les dispositions de la Loi sur la concurrence. Le problème, c'est que des universités, des hôpitaux et un certain nombre de groupes légitimes utilisent le télémarketing, mais en même temps, le système est utilisé par des fraudeurs qui s'approprient des sommes que les groupes légitimes pourraient utiliser pour aider le public. Pour cette raison, nous considérons que l'énoncé actuel du projet de loi n'est pas suffisant.

La loi englobe certains groupes qui vendent des articles, mais elle n'englobe pas ceux qui sollicitent des dons. Il y a beaucoup de gens qui trompent le public en sollicitant des dons au nom de prétendus «groupes de charité» qui n'existent pas.

M. Walt Lastewka: C'est bien ce que j'avais compris. Je crois qu'un des membres du comité a pensé à cela et a l'intention de présenter un amendement.

Madame la présidente, je n'avais rien d'autre à dire.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Lastewka.

Monsieur Lowther, je vous en prie.

M. Eric Lowther: Merci.

Je tiens à féliciter le groupe des personnes de l'âge d'or pour ce plan en trois étapes qu'il a proposé. Comme M. Lastewka l'a dit, l'élément éducation du public est un élément important de votre plan, et je trouve que c'est une excellente idée.

Le dilemme avec ce projet de loi, c'est que les gens achètent des choses tout le temps, et parfois il s'agit d'ententes en privé. Dans un tel cas, ils vérifient l'article, ils font faire une évaluation privée, ils s'informent auprès d'autres clients pour s'assurer que la compagnie a une bonne réputation. Parfois, ils peuvent essayer l'article avant de le payer. En général, il y a beaucoup de gens qui savent préserver leurs propres intérêts, mais une fois qu'on s'est fait avoir, il est trop tard. Il est difficile de revenir en arrière. Il y a une vieille expression: «Acheteur, méfie-toi».

Cela dit, dans une certaine mesure, le gouvernement surveille et essaie de nous protéger, et la loi est certainement là pour protéger les gens. Et si l'on va trop loin, on risque de renoncer à son espace personnel en échange de cette protection. Cette protection peut devenir envahissante, à tel point qu'au nom de cette protection on finit par s'ingérer dans la vie de tout le monde pour corriger quelques situations éparses.

Je m'adresse maintenant à tous les groupes: est-ce que tous vos membres sont vraiment d'accord pour renoncer à une partie de leur vie privée en échange de la protection du gouvernement? Je pense en particulier à la définition élargie du télémarketing qui permet de placer des tables d'écoute parce qu'on soupçonne simplement l'existence d'une pratique répréhensible. Avant cela, une des parties devait être prévenue. Si cela est adopté, il ne sera plus nécessaire de prévenir personne. Nous renonçons à une partie de notre vie privée en échange de cette protection.

• 1840

Est-ce que vos membres sont vraiment d'accord avec cela?

M. Larry Wagg: Si vous me permettez, je vais répondre, du moins tenter de répondre. Nos deux organismes et l'Association des retraités ont des congrès annuels auxquels assistent des gens de tout le Canada. Le Bureau doit savoir que nous nous sommes déjà prononcés en faveur des premières propositions relatives au projet de loi C-20.

Aux yeux de nos organisations et de ceux que nous représentons, un escroc est un escroc. Si vous partez de là il me semble—et j'ai entendu des témoins le dire—non, la majorité d'entre eux ne se tient pas pour lésée par le gouvernement.

Dans notre «tranche d'âge», si vous me permettez cette expression, un grand nombre d'entre nous ont contribué à édifier cette société, une société d'État providence. Le gouvernement, c'était nous, et sa protection allait donc de soi, à l'inverse de la société actuelle, tout au moins en ce qui concerne certains, mais ce n'est pas le cas, je pense, de la majorité de nos membres.

J'ai également du mal à comprendre, quand il est question de la loi, qu'il existe déjà des lois sur les écoutes électroniques, mais portant uniquement sur les affaires de drogue, de prostitution ou autre. Et voilà tout à coup que le représentant de La Baie dit qu'ils ne veulent pas se voir traiter de la même façon.

En ce qui nous concerne c'est simple: un escroc est un escroc, nous ne faisons pas de distinction.

J'ajouterais, sur une note peut-être plus personnelle. J'ai écouté avec un vif intérêt ce que disait le témoin qui a comparu à titre personnel aujourd'hui—nous avons quantité d'exemples de ce qui se passe en télémarketing. Je peux vous dire ce qui se passe chez nous. Nous ne faisons aucun achat par téléphone et si les membres nous demandent notre avis, nous leur conseillons de faire de même.

Désolé, mais c'est ainsi que nous voyons les choses.

M. Eric Lowther: Mais n'est-ce pas là la meilleure protection?

M. Larry Wagg: Il nous faut néanmoins une loi. Pendant toute ma vie je me suis occupé de questions syndicales. Il y a une bonne raison à toutes ces lois, qu'il s'agisse de celles concernant les syndicats, la santé ou la sécurité, entre autres. La prétention des sociétés à s'imposer leurs propres lois me met en fureur, en particulier quand elles affirment que leurs intérêts sont les intérêts des travailleurs alors que rien, dans le passé, ne vient appuyer cette affirmation.

La présidente: Je vous remercie.

Monsieur Lowther, avez-vous terminé?

M. Eric Lowther: Oui, madame la présidente.

La présidente: Je vous remercie. Madame Lalonde.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Je vais poser ma question.

[Traduction]

La présidente: Je m'excuse, je dois d'abord donner la parole à M. Bellemare.

Mme Francine Lalonde: Très bien.

La présidente: M. Bellemare, puis Mme Lalonde.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Je pensais qu'il me laissait sa place.

[Traduction]

La présidente: Excusez-moi, c'est de ma faute.

[Français]

M. Eugène Bellemare: Madame la présidente, aujourd'hui, le troisième et dernier groupe que nous avons rencontré est composé de gens qui représentent les consommateurs. C'est différent des vendeurs que nous avions reçus auparavant. Il y en a un, en particulier, qui m'a obligé à me mordre la langue tout le long de son témoignage.

Ne devrait-on pas, dans un avenir très rapproché, prendre une courte partie d'une prochaine réunion pour discuter des suggestions qui pourraient être applicables à notre projet de loi?

Mme Delage a touché un point au sujet du télémarketing pour l'industrie—il faut le dire—de la philanthropie. Par exemple, la chasse aux phoques fait constamment l'objet d'émissions à la télévision. Récemment, j'ai appris d'un collègue que c'était un organisme d'Angleterre qui se servait ainsi de l'audiovisuel pour lever des fonds. L'objectif n'est pas réellement la protection des phoques.

Un député qui n'est pas un membre du comité a préparé un amendement à la loi et je me demande si la greffière du comité ne pourrait pas faire parvenir à Mme Delage une copie de cet amendement qu'il propose.

• 1845

M. Bryden est actuellement en correspondance avec le Bureau de la concurrence et je ne crois pas qu'il ait officiellement présenté son amendement ici. Nous devrions l'examiner parce qu'il m'a parlé du télémarketing offshore, où nous avons, par exemple, un organisme philanthropique du Canada qui embauche des gens de l'extérieur du pays pour faire le télémarketing. Ces gens-là sont souvent payés à la pièce ou au pourcentage. Ils peuvent être très maladroits ou malhonnêtes, et cela a un impact sur nous. C'est un commentaire que je voulais faire au comité. Je remercie les témoins d'aujourd'hui.

[Traduction]

La présidente: Monsieur Bellemare, je voudrais informer les membres du comité que M. Bryden a adressé à la greffière son projet d'amendement et qu'il comparaîtra devant nous quand nous examinerons le projet de loi article par article, en présentant à ce moment-là son amendement.

Pour les amendements, un préavis n'est pas nécessaire, et c'est sans doute la raison pour laquelle le comité n'a pas encore reçu cet amendement, mais si la question vous intéresse, vous pouvez vous adresser à la greffière.

Madame Lalonde.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Ma question va s'adresser à la fois à Mme Eady et à Mme Rozon. Cela a trait à l'Internet.

Vous remarquez, madame la présidente, que les deux recommandent qu'on inclue l'Internet dans la définition, donc d'élargir la portée de 52(1) à l'Internet. J'aimerais vous entendre toutes les deux là-dessus, parce que le projet de loi ne comporte pas cela. Il y a eu des objections. Le directeur du bureau a dit non, mais je pense que l'inquiétude est grande à cet égard. Donc, j'aimerais vous entendre là-dessus.

[Traduction]

La présidente: Madame Eady.

Mme Mary Eady: Ces craintes sont tout à fait justifiées. On commence à se rendre compte combien il est difficile d'exercer un contrôle là-dessus. C'est utilisé pour le télémarketing, et cela ne se limite pas non plus à un seul pays, c'est diffusé dans le monde entier, et on ignore quels en sont les auteurs. C'est une méthode qui fait tache d'huile car l'Internet compte de plus en plus d'adhérents. D'ores et déjà il est impossible de vérifier l'authenticité d'un grand nombre d'information qu'il diffuse.

C'est une question à laquelle le Comité devrait certainement s'intéresser, car là encore, d'après mon expérience en matière de législation, et si l'on songe à l'avenir, on sait combien rares sont les occasions de remanier à fond les lois. Vous devriez profiter de cette occasion et vous posez vraiment des questions sur ce que nous réserve l'avenir. Je n'ai pas eu suffisamment de temps pour étudier le projet de loi, mais j'avais l'impression que l'accent portait davantage sur les problèmes du passé que sur ceux du présent et de l'avenir.

La présidente: Je vous remercie.

Madame Rozon ou monsieur St-Amant.

[Français]

M. Jacques St-Amant: Le directeur de la concurrence semble dire que l'objectif du paragraphe 52(1) proposé est... Enfin, une intervention est requise parce qu'on a affaire à des transactions où il y a une interactivité rapide et qu'il faut augmenter la protection assurée aux consommateurs. C'est en partie vrai, mais il y a d'autres caractéristiques d'une transaction téléphonique, une transaction de télémarketing, qui requièrent une intervention pour protéger les consommateurs, et ces mêmes caractéristiques se retrouvent à l'égard de transactions sur Internet. Par exemple, dans les deux cas, il est très difficile de faire la preuve des représentations qui ont été faites.

• 1850

Dans les deux cas, on a de fortes chances d'avoir des problèmes de droit international privé, et le consommateur et le commerçant risquent fort d'être dans des juridictions différentes. Notre témoin en donnait plus tôt un exemple.

Dans les deux cas, en ce qui a trait au mode de paiements, l'utilisation de cartes de crédit risque d'entraîner des dépenses plus élevées. On donne un numéro de carte de crédit et on espère qu'il sera utilisé à bon escient.

Dans les deux cas, il y a des raisons de croire qu'une intervention de télémarketing qui inclurait le commerce sur Internet serait utile. Il y a aussi d'autres dispositions à l'égard de la publicité trompeuse dont il serait peut-être utile de réviser la rédaction précise pour s'assurer qu'on couvre les transactions sur Internet. On me disait au bureau que, de toute manière, on ne s'en fait pas parce que les dispositions générales vont s'appliquer aux transactions sur Internet.

Sur un site Web—je n'ai pas le texte sur les yeux—, voit-on de l'information qui est sur ou dans quelque chose? Je ne suis pas certain que, dans tous les cas, on tombe sous le coup du libellé prévu des textes d'incrimination, des textes d'ouverture à un examen qui sont ou bien dans la loi actuelle, ou bien dans le projet de loi. Vous avez peut-être des ajustements à envisager à cet égard.

Mme Francine Lalonde: Pourriez-vous nous fournir des amendements d'ici deux semaines?

M. Jacques St-Amant: On peut vous écrire un projet de loi en deux semaines.

[Traduction]

La présidente: Non, non, pour être bien précis, nous nous réunirons le 26 mai pour faire l'étude article par article. Le 25 mai, nous entendrons notre dernier témoin sur le projet de loi C-20. Si vous avez des amendements à proposer, je vous demanderais de les soumettre au plus tard à la fin de la semaine prochaine. Nous voulons que tous les membres du comité aient le temps la semaine prochaine de relire les témoignages. La Chambre ne siège pas la semaine prochaine, ce qui permettra aux députés, et au directeur, de lire les divers témoignages, et de soumettre leurs commentaires le 26 mai pour qu'on puisse procéder à l'étude article par article.

M. Jacques St-Amant: Nous ne pouvons pas vous le promettre, mais nous ferons tout notre possible.

La présidente: Ce serait grandement apprécié.

[Français]

Madame Lalonde, avez-vous fini?

Mme Francine Lalonde: Je remercie Mme Orozco et tous les autres d'être venus.

[Traduction]

La présidente: Merci.

Au nom des membres du comité, je voudrais remercier les témoins d'être venus aujourd'hui. Merci de votre patience et de votre compréhension en ce qui concerne nos retards qui découlent d'hier.

Comme l'a expliqué M. Bellemare, nous apprécions beaucoup les points de vue des consommateurs. Ils nous sont très utiles, et nous tiendrons compte de vos commentaires lors de notre étude.

C'était également un plaisir d'accueillir Mme Orozco, qui nous a donné un exemple personnel de fraude en télémarketing. À la lumière des témoignages antérieurs, il est bon de savoir que les amendements aideront les gens.

J'ai particulièrement apprécié le mémoire de l'organisme des personnes âgées. Vous pouvez transmettre mes remerciements à ceux qui n'ont pas pu se joindre à nous aujourd'hui. Vos commentaires sont justifiés. Nous savons que ce projet de loi a été provoqué par des incidents vécus par plusieurs personnes âgées, et nous espérons qu'il pourra empêcher le même genre d'incidents de se produire à l'avenir.

Encore une fois, merci à tous les témoins.

La séance est levée.