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INDY Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON INDUSTRY

COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 25 mai 1998

• 1533

[Traduction]

La présidente (Mme Susan Whelan (Essex, Lib.)): La séance est ouverte. Conformément à son ordre de renvoi de la Chambre en date du mardi 17 mars, le comité poursuit son examen du projet de loi C-20, Loi modifiant la Loi sur la concurrence et d'autres lois en conséquence.

Nous entendrons aujourd'hui le professeur Jacob Ziegel, professeur de droit émérite en droit de l'Université de Toronto, qui nous parlera de la Loi sur la concurrence. Nous entendrons d'abord son exposé, puis nous lui poserons des questions. Nous disposons d'une heure pour cette discussion.

Bienvenue, professeur Ziegel. Veuillez faire votre exposé.

[Français]

M. Jacob S. Ziegel (professeur de droit émérite, Université de Toronto; témoigne à titre personnel): Merci, madame la présidente. Je vous remercie chaleureusement de me donner l'occasion de comparaître devant le comité cet après-midi pour soumettre quelques observations concernant le projet de loi C-20. Mes observations écrites sont très courtes. Malheureusement, quelques erreurs substantielles s'y sont glissées en raison de contraintes de temps, et j'essaierai de les corriger au fur et à mesure que je ferai ma présentation.

[Traduction]

Madame la présidente, mes remarques écrites et verbales se divisent en quatre parties.

• 1535

Premièrement, j'y exprime des réserves graves au sujet de ce que j'appelle la grande décriminalisation des indications fausses ou trompeuses proposée au nouveau paragraphe 52(1) de la loi.

Deuxièmement, j'appuie la nouvelle infraction en télémarketing proposée à l'article 52.1, mais je recommande un amendement.

Troisièmement, j'appuie la nouvelle démarche réglementaire présentée à la partie VII.1 portant sur les pratiques commerciales trompeuses susceptibles d'examen, mais je recommande que d'importantes améliorations soient apportées aux correctifs possibles lorsqu'une infraction susceptible d'examen est établie.

En dernier lieu, j'insiste pour que des mesures beaucoup plus vigoureuses soient prises aux niveaux fédéral et provincial pour mettre en application les dispositions législatives touchant la commercialisation.

Mon premier sujet porte sur les effets de l'article 52 proposé. Cet article limitera les poursuites judiciaires futures qui pourront être intentées dans les cas où des indications fausses ont été données sciemment ou sans se soucier des conséquences.

Comme je le dis dans mon mémoire, il existe plusieurs raisons de s'opposer à cette disposition. Vous m'excuserez, madame la présidente, si je dois maintenant entrer dans des détails plus techniques. Il est depuis longtemps établi qu'il n'est pas nécessaire, dans les cas d'infractions aux règlements, de prouver que l'infraction a été commise «sciemment ou sans se soucier des conséquences», compte tenu de la nature de l'infraction. Les infractions aux règlements ne sont pas considérées comme des actes criminels classiques.

C'est d'ailleurs l'approche qu'a adoptée la Cour suprême du Canada dans un certain nombre de cas importants. Cette doctrine a été confirmée pour des motifs constitutionnels dans une affaire très importante, R. c. Wholesale Travel Group Ltd., sur laquelle la Cour suprême a statué en 1989. Compte tenu du fait que le gouvernement fédéral s'est donné la peine de confier ce dossier à la Cour suprême pour vérifier la constitutionnalité de cette approche, c'est-à-dire celle de la responsabilité stricte, à l'égard des infractions aux règlements, je trouve fort étonnant que ce même gouvernement essaie maintenant d'aller à l'encontre de ce qu'il a gagné devant la Cour suprême.

J'ajouterai que s'il semble inadmissible de considérer les infractions aux règlements des sociétés et des particuliers comme des infractions de responsabilité stricte, le même principe devrait s'appliquer aux infractions commises à l'encontre des centaines de règlements en vigueur. Il ne faudrait pas que cette approche se limite à ce projet de loi, non plus qu'aux délits d'indications fausses ou trompeuses.

Je ferai en outre remarquer, madame la présidente—et il semble que ce soit un argument important—que ce projet de loi lui- même contient des incohérences. En effet, que trouve-t-on à l'article 52.1 proposé, dans lequel est créé le nouveau délit de télémarketing? Eh bien, on y trouve une infraction de responsabilité stricte. Cela ne se limite donc pas aux cas pour lesquels le ministère public peut prouver que l'accusé a agi «sciemment et sans se soucier des conséquences». On pourrait dire dans ce cas que ma main gauche ignore ce que fait la droite.

Je signale aussi qu'en limitant les nouveaux délits d'indications fausses ou trompeuses aux seuls cas où les actes sont commis sciemment ou sans se soucier des conséquences, on créera des iniquités. En effet, dans le cas des petites entreprises, il est assez facile de démontrer l'intention criminelle ou de prouver qu'un employé d'une petite entreprise a agi sciemment ou sans se soucier des conséquences. Dans le cas des grandes sociétés, par contre, cette tâche devient impossible, car trop de gens participent à l'élaboration des indications. C'est d'ailleurs précisément pour cette raison, entre autres, qu'il existe des infractions aux règlements, c'est-à-dire pour tenir compte de la réalité des structures modernes d'entreprises.

L'article 52 proposé pourra avoir deux effets: ou bien cet article restera en grande partie lettre morte—je soupçonne que ce sera le cas, puisque le ministère public estimera trop difficile de prouver l'intention criminelle ou la négligence—ou bien son application sera limitée aux petites entreprises, pour lesquelles il est relativement faisable de produire les preuves nécessaires.

À mon avis, aucun de ces résultats ne sera satisfaisant. Il est injuste de ne l'appliquer qu'aux petites entreprises parce qu'il est plus facile de prouver l'intention criminelle. Il est tout aussi insatisfaisant, inversement, de ne pas appliquer les sanctions pénales qui sont créées dans ce même article.

• 1540

Je ne dis pas qu'il faille monter sur ses grands chevaux et intenter des poursuites en droit pénal contre toutes les personnes soupçonnées de donner des indications fausses ou trompeuses ou d'utiliser d'autres pratiques commerciales de ce genre. Il y a d'ailleurs peu de danger que cela se produise. D'après le rapport annuel du directeur des enquêtes et recherches, sous le régime de la Loi sur la concurrence, le nombre des poursuites judiciaires intentées a diminué de façon spectaculaire au cours des 10 dernières années.

Néanmoins, les sanctions pénales ont une grande importance symbolique. Elles manifestent l'opposition énergique de la société à l'égard des indications fausses ou trompeuses et des pratiques commerciales trompeuses, non seulement parce qu'elles perturbent les marchés, sont inéquitables et faussent les données du marché, mais aussi parce qu'elles sont condamnables du point de vue moral. À mon avis, les crimes commis par les cols bleus, crimes que nous connaissons bien, font partie des délits les plus condamnables.

J'ai une autre raison de m'opposer à l'article 52 proposé, pour couronner mon opposition à cet article. Sa portée est extrêmement faible. On a retiré de l'article 52 existant tout détail à l'égard des indications claires de garantie, des indications sur le rendement et des indications sur le prix. Le caractère flou du nouvel article rendra encore plus difficile de démontrer qu'une infraction a été commise sous le régime de cet article.

Si son rédacteur visait à éliminer les poursuites pénales futures, eh bien, il a réussi. Pour ma part, j'estime que c'est regrettable. Les poursuites pénales ont encore un rôle important à jouer à titre de sanction résiduelle.

Madame la présidente, permettez-moi de faire une comparaison avec ce qui se fait dans ce domaine en Angleterre. Il n'existe là- bas qu'une seule sanction applicable aux indications fausses ou trompeuses, et c'est la sanction pénale sous le régime de la Trade Descriptions Act de 1968. Il semble que ce régime ait donné de bons résultats depuis que cette loi a été adoptée, il y a 30 ans, et je n'arrive pas à comprendre pourquoi il semble que, dans le contexte canadien, les choses soient si différentes que nous devions laisser tomber les sanctions pénales à titre de recours résiduel important.

Permettez-moi de m'écarter un peu de ce sujet pour mentionner une autre infraction importante qui se trouve totalement éliminée dans la nouvelle version de la partie VI du projet de loi, à l'article 56. Il s'agit de la vente par recommandation. La vente par recommandation, c'est un peu la vente pyramidale du pauvre. Si un acheteur réussit à persuader 20 de ses amis d'acheter le même produit, il reçoit ce produit gratuitement. En gros, c'est ce qu'on appelle la vente par recommandation. Cette technique de vente est une plaie qui refait surface à intervalles réguliers. C'est toujours une technique répréhensible. Je ne vois pas pourquoi elle se trouve totalement éliminée de la nouvelle version de la Loi sur la concurrence.

Permettez-moi d'aborder un troisième sujet, la nouvelle infraction de télémarketing créée à l'article 52.1. J'appuie la création de cette nouvelle infraction. Ces dispositions sont très nécessaires, cela ne fait aucun doute, même si je me permets de souligner que les pratiques abusives de télémarketing ne sont que le nouveau visage de techniques qui existent depuis longtemps. Ces techniques visent à tromper les gens en leur donnant de fausses indications, en faisant briller à leurs yeux les avantages dont ils pourront profiter et pour lesquels, en contrepartie, ils n'ont qu'à ouvrir leur portefeuille.

Il faudrait, madame la présidente, que le comité étudie l'alinéa 52.1(3)d) proposé. J'ai fait une erreur dans mon mémoire en indiquant qu'il s'agit de l'alinéa 52.1(2)d). Ce qu'on dit dans cet alinéa, c'est qu'il est répréhensible d'offrir un produit en vente à un prix largement supérieur à sa juste valeur marchande, si la livraison du produit est conditionnelle au paiement préalable du prix par l'acquéreur.

• 1545

Cela laisse entendre que si l'acheteur n'est pas obligé de payer avant la livraison du produit, il n'est pas répréhensible d'exiger un prix exorbitant. Je ne comprends pas la raison de cette distinction. Les lois provinciales sur les pratiques commerciales, madame la présidente, du moins la plupart de celles que je connais, considèrent que le fait de tromper le client en exigeant un prix exorbitant est une pratique commerciale déloyale. Je ne vois donc pas la raison de cette distinction dans le projet d'article 52.1 au sujet du moment du paiement.

On peut faire une comparaison avec l'alinéa 2(2)d) de la Alberta Fair Trading Act, 1998, qui vient tout juste d'être adoptée par l'Assemblée législative de l'Alberta. Cela intéressera peut-être particulièrement les membres du comité qui sont de l'Alberta.

Madame la présidente, je passe maintenant à la nouvelle partie VII.1 du projet de loi C-20, qui porte sur les opérations susceptibles d'examen.

Si je suis d'accord en principe, c'est pour d'excellentes raisons. Il y a 20 ans, j'ai été engagé par le ministère qui s'appelait alors Consommation et Corporations, engagé avec un collègue, Ronald Cohen, pour préparer à l'intention du gouvernement fédéral un rapport sur les aspects constitutionnels de remèdes administratifs civils aux pratiques commerciales trompeuses. Un autre de mes collègues, le professeur Michael Trebilcock, qui était dans la même faculté de droit que moi, a préparé un rapport avec d'autres collègues sur les éléments de fond des recours civils.

Nous avons tous, à l'unanimité, recommandé l'adoption d'une démarche administrative civile, mais je précise que ce n'était pas à l'exclusion d'une démarche criminelle. Ce qui était important également dans nos recommandations, c'est que nous étions pour une démarche administrative et civile beaucoup plus exhaustive que celle qui est prévue dans la partie VII.1. À mon avis, les recours prévus à la partie VII.1 sont totalement insuffisants et comportent d'importantes lacunes si l'on veut adopter une démarche civile et administrative pour corriger les pratiques commerciales répréhensibles.

Pourquoi les recours prévus à la partie VII.1 sont-ils insuffisants? Ils sont insuffisants pour les raisons suivantes.

Premièrement, ils ne semblent pas habiliter les tribunaux à prendre des ordonnances de restitution. Supposons qu'on puisse prouver qu'un commanditaire a fait des bénéfices excessifs d'un million de dollars en prétendant que son produit a des propriétés qu'il n'a pas ou en exigeant un prix excessif; la partie VII.1. ne contient aucune disposition permettant au tribunal de prendre une ordonnance de restitution. C'est une anomalie, car le Code criminel confère expressément des pouvoirs de restitution dans les cas de condamnation criminelle. Dans ces conditions, on pourrait supposer que le tribunal dispose de ces mêmes pouvoirs lorsqu'il s'agit d'une affaire de consommation. Or, cela n'existe pas dans la partie VII.1.

J'attire l'attention du comité sur le fait qu'un comité qui vous a précédés, il y a presque exactement dix ans, dans un rapport intitulé la Publicité trompeuse, publié en juin 1988... Le rapport en question est un rapport du Comité permanent de la consommation et des corporations au sujet de la publicité trompeuse. C'était un excellent rapport, sur lequel j'attire expressément votre attention. Il discutait de façon exhaustive des démarches civiles et administratives en insistant sur cette lacune grave que je décèle aujourd'hui dans les recours prévus par la partie VII.1. En ce qui concerne les restitutions, le rapport de 1988 n'hésitait pas à recommander ce pouvoir. Vous trouverez cette référence aux pages 35 à 41 du rapport.

• 1550

Les dispositions de la partie VII.1 sont également très insuffisantes, car elles ne confèrent pas de droits de poursuite privés aux particuliers qui ont été lésés. C'est une anomalie d'autant plus étonnante que l'article 36 de la Loi sur la concurrence actuelle confère aux particuliers un droit de poursuite pour les infractions au sens de la partie VI. La partie VI porte sur les comportements susceptibles de poursuites au criminel. Mais nous en sommes au comportement répréhensible au sens de la partie VII.1, qui ne relève pas de l'article 36. Par conséquent, nous nous heurtons à l'anomalie suivante: face à un comportement criminel, un particulier peut intenter des poursuites au civil conformément à l'article 36, mais si ce comportement n'est pas conforme aux dispositions de l'article 52, ce même particulier voit ses droits limités par la loi provinciale. En tout cas, ces droits-là n'existeront pas selon ce projet de loi. Là encore, c'est peut-être un oubli de la part des rédacteurs, mais il peut y avoir une raison plus subtile. Si c'est le cas, je ne la connais pas.

De la même façon, la partie VII.1 est tout à fait insuffisante, car elle n'offre pas la possibilité d'un recours collectif lorsqu'un grand nombre de consommateurs ont été lésés et lorsque les dommages subis par les consommateurs individuellement ne sont pas suffisants pour justifier des poursuites individuelles. Là encore, c'est un aspect du problème de recours sur lequel on s'est souvent penché, et en particulier on en discute dans le rapport de vos prédécesseurs, à la page 35, et également dans la loi de l'Alberta et dans de nombreuses autres lois.

Dans la loi de l'Alberta, vous verrez que les poursuites collectives sont traitées aux articles 15 et 17. La loi de l'Alberta ne va pas jusqu'au bout et ne prévoit pas un recours collectif illimité, mais elle permet aux organisations de consommateurs d'intenter des poursuites au nom des consommateurs lésés. Cette même loi permet au directeur d'intenter des poursuites que nous appelons poursuites par administrateur interposé.

Vous m'excuserez de parler si longtemps, mais j'attire également votre attention sur les sanctions pécuniaires prévues par l'alinéa 74.1(1)c), qui sont trop rigides, compte tenu des réalités du marché. En effet, le projet de loi limite les sanctions pécuniaires qui peuvent être imposées par le tribunal. Les sommes prévues sont relativement petites, même dans le cas d'une société, puisqu'elles ne peuvent pas dépasser 100 000 $ pour une première infraction.

Cela dit, la disposition actuelle qui figure à l'alinéa 52.1a) laisse la sanction pécuniaire entièrement à la discrétion du tribunal en cas de condamnation. À mon avis, c'est la démarche qui devrait être adoptée pour les infractions de la partie VII.1, et cela, pour la raison suivante: il y a des cas bien connus de publicité trompeuse de la part de ces particuliers et des sociétés, et je vais vous donner des exemples de chaque cas.

Dans une affaire récente, La Baie a plaidé coupable et a accepté de payer une amende de 600 000 $ pour une série de publicités trompeuses étalée sur un certain nombre d'années. Si cela s'était produit en vertu de la partie VII.1 le tribunal n'aurait pas pu imposer une amende aussi élevée.

Il y a eu une autre affaire en Alberta, il y a près de 10 ans, mettant en cause le président du groupe de compagnies Principal. Lui aussi avait plaidé coupable d'avoir fait de la publicité trompeuse, et, si je me souviens bien, on lui a imposé une amende de 500 000 $. Là encore, avec cette partie VII.1, cela ne serait plus possible aujourd'hui.

• 1555

C'est la raison pour laquelle je vous dis que le projet d'alinéa 74.1(1)c) est trop rigide, puisqu'il limite les amendes qui peuvent être imposées par le tribunal.

Madame la présidente, j'arrive maintenant à ma conclusion.

Depuis quelques années, on a tendance à minimiser l'importance de la publicité trompeuse et autres pratiques déloyales, tendance à dire que dans notre société de marché ce n'est pas très important. À mon avis, c'est une erreur grave. La fréquence de ces pratiques répréhensibles n'a pas diminué, et en fait, d'après ce que j'ai pu observer moi-même, cela a plutôt augmenté, car on n'a pas suffisamment cherché à poursuivre les coupables.

Dans son dernier rapport annuel, pour l'année se terminant le 31 mars 1996, le directeur des enquêtes et recherches, qui applique la Loi sur la concurrence, donne sa propre version de la situation. Je me réfère à la page 36 de ce rapport.

Je constate que le nombre de plaintes reçues par le Service de la publicité trompeuse et des pratiques commerciales déloyales est passé de 15 130 en 1991-1992 à 6 751 en 1995-1996, et je n'arrive pas à croire que cela témoigne d'une plus grande satisfaction chez les consommateurs. À mon avis, c'est plutôt le résultat de toutes les compressions de personnel auxquelles on a assisté dans l'intervalle.

Si vous considérez le nombre des condamnations, là encore il y a une réduction frappante. En 1991-1992, il y a eu 43 condamnations, et Dieu sait que c'était déjà peu dans un pays comme le Canada, avec une population de 30 millions d'habitants. Donc, 43 condamnations cette année-là, mais seulement 14 en 1995-1996.

Les chiffres qui ont été réunis par le gouvernement lui-même démontrent très clairement à quel point la réduction de l'application de la loi actuelle a été sérieuse. Par conséquent, peu importe les mesures législatives qui existent—qu'elles soient bonnes ou mauvaises, détaillées ou générales—ces mesures resteront en grande partie lettre morte à moins que les gouvernements, fédéral comme provinciaux, ne s'engagent à investir les ressources nécessaires pour que les dispositions puissent avoir des résultats probants.

Madame la présidente, je sais que lors des délibérations précédentes certains membres du comité se sont interrogés sur la relation qui existe entre les lois fédérales et provinciales dans ce domaine; ils se sont demandé s'il était vraiment nécessaire que le gouvernement fédéral double ce qui semble être des dispositions comparables s'appliquant à l'échelle provinciale.

Je puis répondre: malheureusement, les provinces ont fait beaucoup moins que le gouvernement fédéral pour mettre en oeuvre les lois provinciales dans ce domaine. En fait, le gouvernement fédéral n'a rien à envier aux gouvernements provinciaux, dont le dossier est lamentable. À vrai dire, les deux paliers ont un rôle à jouer, mais la leçon que nous devrions tirer aujourd'hui, c'est que les deux paliers de gouvernement devront intensifier leurs efforts considérablement au fil des prochaines années pour pouvoir faire de la protection du consommateur sur le marché une réalité, et non pas uniquement une notion théorique.

Merci, madame la présidente.

La présidente: Merci infiniment de vos propos, professeur. Vous avez fort bien cerné la question.

Nous passons maintenant à la période des questions, et nous commençons par M. Schmidt.

M. Werner Schmidt (Kelowna, Réf.): Merci, professeur, de comparaître cet après-midi.

J'ai deux questions à poser, dont la première est très simple. Faisiez-vous partie du groupe qui a été consulté au cours de la préparation du projet de loi?

M. Jacob Ziegel: Non.

M. Werner Schmidt: Ah non? On vous a donc demandé de comparaître après coup.

M. Jacob Ziegel: Pas vraiment. Je comparais à titre d'observateur indépendant et complètement détaché de la question.

• 1600

M. Werner Schmidt: Voici ma deuxième question. Le projet de loi fait la distinction entre les infractions non criminelles et les infractions relevant du Code criminel, ce qui est une différence fondamentale par rapport à ce qui existait auparavant. Or, vos propos touchant l'article 74.1 et ceux qui suivent me semblent porter sur des infractions criminelles, si j'ai bien compris le projet de loi. Est-ce vrai?

M. Jacob Ziegel: Non, il règne une certaine confusion, monsieur Schmidt. J'ai fait remarquer que l'article 52 limite les sanctions au criminel aux cas où il est possible de prouver que l'accusé a agi avec une attention délictueuse ou sans se soucier des conséquences. Cela n'a rien à voir avec les infractions au Code criminel. Nous nous occupons ici du type de conduite susceptible d'entraîner des poursuites au criminel au titre de la loi révisée, et du type de conduite qui ne peut faire l'objet que de sanctions administratives au titre de la partie VII.1.

M. Werner Schmidt: À votre avis, la partie VII.1 s'applique à l'article 74, tel que proposé, mais seulement d'une façon administrative.

M. Jacob Ziegel: Ce n'est pas vraiment administratif dans le sens... Ce n'est pas ainsi que je m'exprimerais. Le terme «administratif» laisse entendre d'habitude quelque chose qui se passe au palier administratif, alors que les poursuites seront portées devant un tribunal ou devant le Tribunal de la concurrence. On parlerait plutôt de poursuites d'ordre judiciaire qui ont très peu à voir avec l'administratif. Je pense que les rédacteurs du projet de loi se sont servis de ce terme pour qu'il soit plus facile de faire la distinction entre ce type de poursuites et les poursuites au criminel au titre de l'article 52.

M. Werner Schmidt: D'accord. À l'article 74.09—en tout cas celui que j'ai sous les yeux—qui précède l'article 74.1, on lit que:

    Dans les articles 74.1 à 74.14 et 74.18, «tribunal» s'entend du Tribunal, de la Section de première instance de la Cour fédérale ou de la cour supérieure d'une province.

On ne peut pas vraiment dire que c'est le palier administratif.

M. Jacob Ziegel: Tout à fait.

M. Werner Schmidt: Je trouve cela très judiciarisé. J'ai constaté que ce que l'on envisage ici, ce sont des recours judiciaires relativement poussés, et je crois que les pouvoirs qu'ont ces tribunaux sont assez vastes.

Je crois vous avoir entendu dire que vous n'étiez pas d'accord avec la limite fixée pour les sanctions pécuniaires imposées à ceux qui violent article. Seriez-vous plutôt d'avis qu'aucune limite ne devrait être imposée aux tribunaux? Je crois que l'on impose actuellement une amende de 50 000 $ ou 100 000 $, puis que pour la seconde infraction on va jusqu'à 200 000 $. Les amendes devraient-elles être plus élevées ou...

M. Jacob Ziegel: Oui, monsieur Schmidt. J'attire votre attention sur le fait que l'alinéa 52(5)a) de la loi n'impose aucune limite dans le cas des déclarations de culpabilité par voie de mise en accusation, et je ne vois pas pourquoi on distinguerait les deux situations. Après tout, on voudrait bien que les tribunaux puissent tenir compte de l'ensemble des circonstances. S'il s'agit d'une infraction majeure ou d'une infraction répétée de la part d'une grande société nationale ou internationale, et si elle a lésé des milliers de consommateurs, la sanction pécuniaire devrait refléter la gravité de la faute.

M. Werner Schmidt: Tout à fait d'accord. Dans ce cas, suggérez-vous d'amender les sous-alinéas 74.1(1)c)(i) et 74.1(1)c)(ii) pour que l'on n'impose pas de montant maximal?

M.. Jacob Ziegel: Oui, je laisserais le montant à la discrétion du tribunal. Le tribunal est déjà obligé, en vue de déterminer la sanction pécuniaire, de tenir compte de toute une gamme de facteurs, ce qui est bien. Étant donné ce critère, je ne vois pas pourquoi on limiterait les tribunaux à un montant maximal. Les tribunaux pourraient faire preuve de bon sens, et il est improbable qu'un tribunal impose une amende excessive, à moins qu'il n'ait de bonnes raisons de le faire, étant donné que le droit d'interjeter appel existe toujours.

Jusqu'à maintenant, les tribunaux se sont montrés très modérés pour ce qui est du montant des amendes imposées. Au cours des dernières années, ils se sont même montrés plus généreux, même si les amendes de plus de 100 000 $ restent toujours l'exception. Rien ne justifie la crainte de voir les tribunaux perdre tout contrôle si on laisse le montant de la sanction pécuniaire à la discrétion des juges.

• 1605

M. Werner Schmidt: D'après mon expérience, je n'ai pas l'impression que les tribunaux perdront quelque contrôle que ce soit. Là n'est pas la question. Si j'ai bien compris votre préoccupation, c'est que ces montants ne soient pas suffisamment élevés, n'est-ce pas?

M.. Jacob Ziegel: Non, vous m'avez mal interprété. J'ai dit que dans certains cas une amende plus élevée que celle qui est prévue à l'alinéa 74c) est parfois justifiée.

M. Werner Schmidt: J'ai l'impression d'avoir dit exactement la même chose—c'est-à-dire que je le pensais—à savoir que les montants maximaux ne sont pas suffisamment élevés.

M. Jacob Ziegel: Mais moi je vous dis qu'il ne devrait pas y avoir de montant maximal, pour les raisons que je viens d'énoncer. Je n'essaie pas de deviner quelle devrait être la limite appropriée. Tout comme nous l'avons fait lors de poursuites semblables, nous ne fixons pas de montant maximal pour les dommages qu'un tribunal peut imposer, pour la simple raison que les dommages varient énormément en fonction du cas et en fonction de la mauvaise conduite reprochée.

De la même façon, lorsque le tribunal réfléchit à ce que devrait être l'amende à imposer, il doit tenir compte de toute une gamme de facteurs. Dès lors que vous comprenez cela, rien ne justifie plus que l'on impose un plafond aux amendes.

La présidente: Merci.

Monsieur Harb.

M. Mac Harb (Ottawa-Centre, Lib.): Votre exposé m'a fort intéressé. Vous êtes d'avis qu'il ne faudrait pas laisser les tribunaux devant une alternative. Dans un cas, par exemple, nous pouvons laisser toute latitude aux tribunaux si le crime est assez grave, et qu'il a été perpétré par exemple par une société multinationale: nous laissons alors les tribunaux libres d'agir et d'imposer une amende importante. Toutefois, si le crime est une infraction punissable par procédure sommaire, les parlementaires que nous sommes ne devraient-ils pas orienter en quelque sorte la décision des tribunaux? Autrement dit, si le crime est mineur, devrions-nous pouvoir dire aux tribunaux qu'ils doivent imposer une amende de 100 000 $ou de 200 000 $, ou encore emprisonner le coupable pendant un an ou deux?

Nous ne voulons pas risquer de voir les tribunaux déclarer qu'il ne leur appartient pas de déterminer le montant de l'amende et que le Parlement doit donner des indications à ce sujet. Ne pensez-vous pas qu'il faudrait proposer deux solutions aux tribunaux? Dans la première solution, nous disons que si le crime est important, il faut sévir, et dans la deuxième, si le crime est mineur, on applique des lignes directrices.

M. Jacob Ziegel: Non. Je crois qu'il y a un malentendu à ce sujet, monsieur Harb. Je ne parlais que des sanctions pécuniaires prévues à l'alinéa 74c). Il est question non pas de crimes, mais de comportement susceptible d'examen. Nous ne sommes pas dans le domaine criminel.

Ce que j'ai indiqué, c'est qu'en cas de condamnation criminelle en vertu de l'article 52, il n'y a aucune limite au montant de l'amende que le tribunal peut imposer dans le cas d'une déclaration de culpabilité par mise en accusation. Mais il existe un maximum dans le cas des transactions susceptibles d'examen, et j'ai dit que je ne comprenais pas pourquoi on faisait cette distinction.

J'ai dit que ce qui est bon pour l'un l'est aussi pour l'autre. S'il convient de permettre au tribunal de déterminer le montant approprié de l'amende dans des poursuites au criminel en vertu de l'alinéa 52(5)a), il faut lui donner le même pouvoir discrétionnaire en vertu de l'alinéa 74c).

M. Mac Harb: Mais c'est bien là le problème. Ne faudrait-il pas donner ce pouvoir discrétionnaire au tribunal en lui présentant deux possibilités?

M. Jacob Ziegel: Non, car on ne peut pas... Sauf votre respect, monsieur Harb, si des poursuites sont intentées en vertu de la partie VII.1, le tribunal ne peut pas les convertir en poursuites criminelles. Il n'en a pas la possibilité, pour différentes raisons.

La présidente: Merci.

[Français]

Monsieur Dubé, est-ce que vous avez une question?

M. Antoine Dubé (Lévis, BQ): Oui. Bonjour, monsieur Ziegel. À la fin de votre mémoire, vous dites:

    J'exhorte le comité, dans son rapport, à attirer l'attention de la Chambre sur cette négligence chronique et à insister sur le fait que les nouvelles dispositions prévues dans le projet de loi C-20 ne réaliseront pas leur objectif à moins que le gouvernement fédéral ne soit prêt à investir davantage de ressources pour appliquer la loi et inciter les gouvernements provinciaux à jouer le rôle qui leur incombe.

Votre conclusion comprend au moins deux dimensions. D'une part, vous semblez un peu pessimiste quant à l'applicabilité de la loi avec les ressources actuelles. Pouvez-vous préciser votre pensée à ce sujet et me dire si vous avez évalué les ressources qui seraient nécessaires?

• 1610

J'aimerais aussi vous entendre préciser le rôle que devraient jouer les gouvernements provinciaux afin d'améliorer la situation actuelle.

[Traduction]

M. Jacob Ziegel: Merci, monsieur Dubé.

Non, je n'ai pas fait de recherche concernant les ressources nécessaires, mais j'ai lu récemment qu'Industrie Canada ne dispose que de 57 ou de 59 personnes au total pour assurer l'application des dispositions de l'actuelle Loi sur la concurrence en matière de commercialisation trompeuse. On peut même présumer que c'est beaucoup moins qu'il y a dix ans. Compte tenu de la superficie du Canada, il faudrait de toute évidence des effectifs plus nombreux.

Mais il y aurait une autre solution, qui consisterait à miser sur les provinces pour appliquer la loi fédérale. Cependant, l'expérience nous a montré qu'une telle solution n'est pas réaliste. La plupart des provinces n'appliquent même pas leur propre législation dans ce domaine, et sont donc d'autant moins disposées à appliquer la loi fédérale. C'est pourquoi il faut absolument que le gouvernement fédéral crée son propre corps de fonctionnaires pour appliquer la loi. Je pense, sauf votre respect, que c'est une question de volonté politique. Tout dépend de l'importance que nous attribuons à cette loi.

Il y a encore une autre possibilité. Un certain nombre de recours collectifs ont été intentés depuis cinq ans après l'entrée en vigueur de la législation sur les recours collectifs dans plusieurs provinces, notamment au Québec, en Ontario et en Colombie-Britannique. Cette législation a incité des avocats entreprenants à intenter des recours collectifs au nom de consommateurs lésés. Jusqu'à présent, ces recours collectifs n'ont pas porté sur la publicité trompeuse ni sur les pratiques commerciales de nature à induire en erreur, mais il pourrait fort bien y avoir de tels recours à l'avenir.

Voilà, à mon avis, un autre motif de contestation du projet de loi C-20. Il ne comporte aucune disposition concernant les recours collectifs. Il n'est pas normal que quelqu'un qui se plaint d'une atteinte à une loi fédérale importante soit contraint de recourir au droit provincial pour trouver des voies de recours appropriées. Rien ne s'oppose à ce que les provinces contribuent indirectement à l'application de la loi fédérale, mais je considère qu'il est plus logique et plus nécessaire que le gouvernement fédéral prévoie lui-même des voies de recours au lieu de s'en remettre à des lois provinciales pour combler les lacunes.

La présidente: Merci.

Monsieur Bryden.

M. John Bryden (Wentwoth—Burlington, Lib.): Merci, madame la présidente.

Je considère vos commentaires concernant l'article 52 et l'effet de l'ajout des mots «sciemment ou de façon téméraire», et pour vous parler bien franchement, je ne suis pas tout à fait convaincu par les arguments que vous me soumettez. Je ne peux m'empêcher de dire qu'en invoquant la jurisprudence actuelle de la Cour suprême pour justifier un rajustement de la législation, on risque fort de mettre la charrue avant les boeufs. J'ai toujours considéré que le législateur est censé guider la Cour suprême, et non pas l'inverse. En tout cas, voilà le commentaire que je voulais faire.

Vous dites qu'après une telle modification de l'article 52, il va être plus difficile de poursuivre ou de faire condamner les grands organismes. Puis-je vous demander sur quoi vous fondez une telle affirmation, étant donné que jusqu'à maintenant, il n'y a jamais eu de disposition mentionnant les mots «sciemment ou de façon téméraire» dans la loi sur la concurrence? Comment savez-vous qu'il sera moins facile de s'en prendre aux grands organismes qu'aux petits?

M. Jacob Ziegel: Eh bien, on le sait à cause des précédents. On le sait à cause du niveau de preuves requis. Comment peut-on prouver l'intention coupable dans une société alors que les décisions concernant la publicité et la fixation des prix sont prises par un assez grand nombre de personnes?

• 1615

Nous avons au Canada une bonne expérience des poursuites intentées contre des sociétés commerciales pour activités criminelles, non pas uniquement dans ce domaine, mais dans de nombreux autres également. Il s'avère qu'il est très difficile de trouver exactement qui a commis l'infraction. Et à moins de trouver cette personne, on n'est jamais certain d'obtenir une condamnation.

Ce n'est pas de la spéculation de ma part. Je fonde mon opinion sur un grand nombre de cas connus.

M. John Bryden: C'est précisément cela que je ne parviens pas à comprendre. Comme ces dispositions n'ont jamais figuré dans la loi, comment savez-vous...

M. Jacob Ziegel: Mais tout cela figure déjà dans le Code criminel. Il y a aussi d'autres dispositions de la loi sur la concurrence qui exigent l'intention coupable. Par exemple, l'infraction de conspiration pour fixer les prix nécessite une intention coupable.

La Cour suprême du Canada a rendu un autre arrêt célèbre dans une affaire concernant une société de dragage de Hamilton. La jurisprudence dans ce domaine est abondante. Il s'agissait de savoir si la couronne avait réussi à établir de façon satisfaisante l'identité des personnes qui avaient conspiré pour fixer les prix.

À mon avis, cet arrêt, comme bien d'autres, donne une excellente indication des difficultés qu'aura la couronne à appliquer l'article 52 dans le cas d'infractions reprochées à de grosses sociétés.

On remarquera, par exemple, que lorsque La Baie a plaidé coupable lors d'un procès tenu récemment à Toronto, l'avocat de La Baie s'est plu à déclarer que si l'effet de l'espèce s'était produit après l'entrée en vigueur du projet de loi C-20, la couronne aurait dû fonder sa poursuite sur le paragraphe 7(1). Elle n'aurait pas été en mesure d'invoquer l'article 52.

Je ne sais pas ce qui lui permettait de dire avec tant de confiance que la couronne n'aurait pas pu se fonder sur l'article 52, mais je suppose qu'il avait raison. Je pense non seulement qu'il avait raison, parce que la Cour n'aurait pas réussi à prouver l'indispensable intention coupable, mais je pense en outre que la couronne n'aurait même pas essayé de le faire. Elle aurait dit que c'était aussi difficile que d'escalader l'Himalaya et qu'elle n'avait pas à faire un tel effort puisqu'on pouvait intenter des poursuites en vertu du paragraphe 7(1).

M. John Bryden: Je remercie le témoin pour ses remarques, mais je dois ajouter quelque chose de mon cru.

J'étais jeune journaliste au Spectator au moment du scandale du dragage dans lequel étaient impliqués les commissaires du port de Hamilton. Je dois dire qu'un organisme public comme la Commission du port de Hamilton n'est pas tout à fait le genre d'organisme visé par la Loi sur la concurrence.

Merci.

[Français]

Le vice-président (M. Eugène Bellemare (Carleton—Gloucester, Lib.)): Aimeriez-vous faire commentaire?

[Traduction]

M. Jacob Ziegel: Je suis enchanté que nous ayons ici un témoin vivant de ce qui s'est passé dans l'affaire de la société de dragage, mais je pense, sauf son respect, qu'il a mal compris mon argument.

Ce n'est pas le port de Hamilton qui a été accusé de conspiration; ce sont les parties qui ont essayé d'obtenir le contrat de fourniture des services de dragage. Ce sont elles qui ont été accusées de conspiration aux termes de la Loi sur la concurrence.

M. John Bryden: J'en prends acte, monsieur le président.

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Merci, monsieur Bryden. Nous allons passer maintenant à M. Schmidt.

M. Werner Schmidt: Je voudrais poser une autre question, qui concerne la division de la loi en deux parties, dont une consacrée à la procédure non criminelle, une sorte de procédure ordinaire, si vous me permettez ce terme profane, qui vise à diligenter les poursuites. Avez-vous des remarques à formuler à ce sujet?

M. Jacob Ziegel: La loi comporte deux parties: tout d'abord, comme je l'ai dit dans mon mémoire et dans ma déclaration introductive, je suis favorable à l'orientation générale proposée au paragraphe 7(1) pour les raisons exposées dans mon mémoire, mais là n'est pas la question.

• 1620

Si vous voulez savoir ce que je pense des effets concrets de cette disposition, j'ai remarqué que les différents représentants du gouvernement qui ont comparu devant le comité ont dit espérer que le paragraphe 7(1) va apporter une solution à tous les problèmes du passé, c'est-à-dire à la difficulté d'obtenir des condamnations. Je crains qu'ils ne soient beaucoup trop optimistes.

Je crains que dans les affaires importantes, les intimés—et j'utilise le mot «intimé» plutôt que le mot «accusé» parce qu'ils ne sont pas accusés aux termes du paragraphe 7(1)—je crains que les intimés ne se défendent de façon tout aussi énergique que dans le cas d'une procédure criminelle, notamment parce qu'ils refusent l'infamie que comporte une accusation de publicité fausse ou trompeuse, et parce qu'une telle accusation comporte la menace d'une pénalité financière importante.

Les grandes sociétés seront donc incitées à se défendre tout aussi énergiquement contre une action intentée aux termes du paragraphe 7(1) que contre des poursuites fondées sur les dispositions actuelles de la loi. Je ne suis donc pas aussi optimiste que les fonctionnaires en ce qui concerne l'évolution de la situation.

M. Werner Schmidt: Mais pensez-vous qu'il y ait une amélioration par rapport à la loi actuelle?

M. Jacob Ziegel: Indiscutablement, du moins je l'espère.

M. Werner Schmidt: Oui, je l'espère également.

M. Jacob Ziegel: Par contre, je m'interroge sur l'ampleur de l'amélioration.

M. Werner Schmidt: L'avenir nous le dira, n'est-ce pas?

Je voudrais maintenant aborder un sujet tout à fait différent, celui des écoutes électroniques. Il y a deux semaines, la Chambre de commerce a dit aux membres du comité qu'elle s'opposait fermement à l'interception des communications prévue dans la loi, notamment en matière de télémarketing. Est-ce que vous avez à ce sujet un point de vue dont vous aimeriez nous faire part?

M. Jacob Ziegel: Eh bien, je suppose que les représentants de la Chambre de commerce se sont rués dans un domaine où personne n'ose se risquer. Je vous répondrai, monsieur Schmidt, que si ces mesures sont indispensables pour faire aboutir des poursuites dans une infraction concernant le télémarketing, j'y suis favorable.

D'après les témoignages recueillis par le comité, je pense que ces pouvoirs sont nécessaires. Le télémarketing est une véritable plaie. Je pense qu'il nous incombe de prendre toutes les mesures raisonnables pour y mettre un terme. Si la seule façon d'y mettre un terme est d'intercepter des conversations, je suis prêt à l'accepter comme un moyen nécessaire face à ce type d'infraction, malgré toutes les réserves que m'inspirent au départ les écoutes électroniques.

M. Werner Schmidt: Merci beaucoup. Je vous suis reconnaissant de la franchise avec laquelle vous avez répondu à cette question.

Je voudrais aussi aller un peu plus loin en ce qui concerne la définition du télémarketing. La Chambre de commerce et l'Association du Barreau canadien nous ont dit toutes les deux qu'il faudrait peut-être en modifier la définition.

Selon la définition proposée dans le projet de loi, le télémarketing s'entend de la pratique de la communication téléphonique interactive. On a proposé d'ajouter les mots «en personne» après pratique. D'après votre expérience et votre connaissance du droit, quel serait le résultat de l'ajout des mots «en personne»?

M. Jacob Ziegel: Monsieur Schmidt, je n'ai pas encore eu l'occasion d'étudier cette question. Ma première réaction ne vaut que ce qu'elle vaut, mais je dirais que cela ne donnerait aucun résultat.

Je ne sais pas ce qui a motivé cette proposition, car l'infraction, pour l'essentiel, est le défaut de communiquer tous les renseignements nécessaires au moment de l'appel. De toute évidence, on ne peut contester la nécessité d'une telle divulgation, que le télémarketing soit pratiqué en personne ou grâce à un enregistrement.

La deuxième partie interdit les déclarations mensongères. Encore une fois, je ne vois pas en quoi le télémarketing en personne plutôt que par l'intermédiaire d'un enregistrement pourrait y changer quoi que ce soit.

M. Werner Schmidt: Merci, madame la présidente.

La présidente: Merci beaucoup.

Monsieur Lastewka.

M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.): Merci, madame la présidente.

Je voulais avoir l'avis de M. Ziegel sur les mêmes sujets que M. Schmidt. Il a répondu à mes préoccupations concernant l'article 52 et je n'ai donc plus de questions à poser. Je ne voudrais pas qu'on dise deux fois la même chose.

La présidente: Absolument. Merci, monsieur Lastewka.

Madame Carroll.

• 1625

Mme Aileen Carroll (Barrie-Simcoe—Bradford, Lib.): Monsieur Ziegel, je viens d'écouter avec attention les sérieuses réserves que vous inspire le télémarketing.

En conclusion, pensez-vous que les modifications proposées dans le projet de loi C-20 sont suffisamment énergiques pour faire échec au télémarketing, pour autant qu'on ait la volonté politique de les appliquer?

M. Jacob Ziegel: Je pense qu'elles constituent une amélioration considérable par rapport à la situation actuelle. D'après tout ce que j'ai vu et entendu, les gouvernements fédéral et provinciaux semblent déterminer à s'attaquer à ce fléau économique sur le terrain politique. J'estime que tout devrait les y inciter. C'est un problème international, qui ne se limite nullement au Canada ou aux États-Unis. Les gouvernements sont pressés de toute part à agir, et non uniquement pour des considérations politiques.

Donc même si je ne peux pas prévoir le degré de succès de l'entreprise, je crois que le projet de loi constitue une nette amélioration par rapport à la situation actuelle.

Mme Aileen Carroll: Merci, monsieur Ziegel.

La présidente: Merci beaucoup.

Monsieur Bellmare.

[Français]

M. Eugène Bellemare: Merci, madame la présidente.

[Traduction]

À l'article 7 de votre mémoire, vous dites qu'à votre avis,

    [...] il n'est pas répréhensible de recourir au télémarketing pour vendre un produit à un prix «légèrement supérieur à sa juste valeur marchande» du moment que l'acheteur n'est pas obligé de payer avant la livraison du produit.

Et vous dites par la suite:

    À mon avis, dans le cas d'opérations de consommation, le moment du paiement d'un produit n'est d'aucune pertinence si le consommateur risque de ne pas se rendre compte qu'il se fait avoir.

Je suis assez d'accord avec vous; pourriez-vous approfondir la question? Notre proposition présente-t-elle une telle faiblesse dans ce domaine?

M. Jacob Ziegel: Oui, je le crois. Dans la formulation actuelle de cette disposition, elle interdit le prix exorbitant uniquement dans le cas où le paiement doit intervenir avant la livraison du produit.

Mais l'inverse est également vrai. J'indique qu'un agent habile de télémarketing organisera les conditions du contrat de telle façon que le paiement ne soit pas obligatoire avant le moment de la livraison. Ou bien il fera stipuler dans le contrat, par exemple, que le consommateur doit envoyer un chèque ou donner des instructions à sa banque pour que le paiement ne soit pas réputé intervenir avant une date future.

Les agents de télémarketing ne sont pas stupides et ils peuvent consulter des avocats. Je suis sûr qu'un avocat habile réussira sans tarder à contourner cette restriction.

C'est pourquoi je dis que si le prix est exorbitant, peu importe le moment du paiement. C'est le caractère exorbitant du prix qui est inadmissible, et non pas le moment du paiement.

[Français]

M. Eugène Bellemare: Madame la présidente, j'aimerais vous poser une question. Lorsqu'on juge qu'on devrait apporter des changements de la sorte, quel processus doit-on suivre en comité?

[Traduction]

La présidente: Monsieur Bellemare, l'étude article par article est prévue pour demain. Vous pouvez distribuer vos amendements à l'avance, ou bien pendant la séance de demain lorsqu'on abordera la disposition correspondant à la proposition de M. Ziegel.

M. Eugène Bellemare: D'accord.

La présidente: Il serait préférable que vos amendements soient prêts lorsque nous débuterons l'étude article par article demain à 15 h 30.

M. Eugène Bellemare: Madame la présidente, j'ai une autre question concernant le fait que le témoin s'oppose à la décriminalisation des déclarations mensongères ou trompeuses et qu'il propose un nouvel article 52.1. Je voudrais qu'il donne des précisions à ce sujet.

M. Jacob Ziegel: Merci. Je crois que l'article auquel je fais référence, monsieur Bellemare, est l'article 52 et non pas 52.1, puisque ce dernier concerne le télémarketing.

J'ai dit qu'en vertu du nouvel article 52, les poursuites pénales ne seront disponibles que si la couronne peut prouver une intention coupable ou téméraire de la part de l'accusé. J'ai dit que c'était là un revirement fondamental par rapport à l'esprit de la réglementation.

• 1630

À mon avis, un tel revirement n'est pas justifié et j'ai essayé de donner mes motifs qui, je l'espère, sont aussi vastes au plan théorique et pratique que les motifs pour lesquels le gouvernement souhaite limiter la portée de l'article 52. Ce sont là à mon avis des considérations tout à fait fondamentales, dont j'espère que le comité tiendra compte.

M. Eugène Bellemare: Merci.

M. Jacob Ziegel: Mais j'indique, si vous me permettez de terminer, que l'article 52.1, qui concerne le télémarketing, maintient ce que l'on appelle une responsabilité absolue. On en vient donc à se demander pourquoi la responsabilité absolue serait si importante en matière d'infractions de télémarketing alors qu'elle ne le serait pas pour les autres formes de commercialisation trompeuse. Je ne vois pas comment on pourrait expliquer ce paradoxe qui me semble constituer, par ailleurs, une anomalie frappante.

La présidente: Merci.

Je n'ai pas d'autres demandes d'intervention sur ma liste.

Monsieur Ziegel, je tiens à vous remercier pour votre exposé très complet et pour vos réponses aux questions. Comme vous le voyez, vous avez manifestement suscité l'intérêt de plusieurs membres du comité. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir pris le temps de préparer votre intervention à l'avance et d'avoir été des nôtres aujourd'hui.

Je vais suspendre la séance pendant cinq minutes pour permettre aux nouveaux témoins de s'installer.

• 1631




• 1637

La présidente: La séance reprend.

Nous recevons maintenant M. Don Mercer, directeur du Service des amendements au Bureau de la concurrence, et M. Harry Chandler, directeur adjoint des enquêtes et de la recherche à la Direction des affaires criminelles.

Initialement, nous devions aussi accueillir l'ancien juge Dubin, mais son état de santé ne lui a pas permis de se déplacer. Je suis sûr que M. Mercer et M. Chandler vont pouvoir traiter du sujet des dénonciations.

M. Harb a déjà présenté des amendements au comité. Il les présentera officiellement lors de l'étude article par article, mais il les a déjà distribués, ce qui nous donne l'occasion d'en discuter avec les fonctionnaires du ministère. Nous devrions ainsi être en mesure de comprendre le sens de l'intervention de M. Harb, et le ministère pourra se prononcer sur les dénonciations.

Je vais maintenant donner la parole à M. Mercer et à M. Chandler. Est-ce que cela vous convient, monsieur Harb? Parfait.

M. Harry Chandler (directeur adjoint, Enquêtes et recherche, Direction des affaires criminelles, Bureau de la concurrence): Merci, madame la présidente.

Nous avons fait distribuer une courte déclaration; je vous propose de la commenter très brièvement, puis j'inviterai M. Mercer à parler des recommandations de la Commission Dubin.

[Français]

Je vous remercie, madame la présidente et membres du comité, de nous avoir invités à prendre la parole dans le cadre du projet de loi C-20, qui modifie la Loi sur la concurrence. Nous aimerions profiter de l'occasion pour vous entretenir de la manière dont les individus peuvent signaler de façon confidentielle au Bureau de la concurrence des agissements jugés anticoncurrentiels. Il s'agit de la protection des indicateurs.

Les enquêtes du bureau sont privées. Le bureau s'assure que l'identité de la source ainsi que les renseignements fournis restent confidentiels. Toutefois, les personnes qui possèdent des éléments de preuve importants au sujet d'une infraction à la loi peuvent être appelées à témoigner.

Une autre garantie protège l'identité des personnes fournissant des renseignements; c'est le privilège relatif aux indicateurs. Les tribunaux ont reconnu que, dans certains cas, il faut, pour réussir à appliquer la loi, faire appel à la collaboration des personnes qui, à titre confidentiel, signalent la conduite suspecte aux autorités. Les tribunaux protégeront alors ces personnes en plaçant les renseignements qui pourraient révéler leur identité sous le sceau de la confidentialité.

• 1640

[Traduction]

Je pense qu'on peut sauter l'aperçu historique présenté aux points centrés suivants.

À partir du milieu de la page 3, nous disons que depuis 1994, le Bureau a pris un certain nombre d'initiatives. Il a créé une ligne 1-800 qui est annoncée dans les divers documents d'information proposés au public. Il a aussi rédigé une brochure qui répond aux questions les plus courantes concernant le prix de l'essence et les activités considérées comme illégales.

En 1997, nous avons publié un bulletin portant sur les programmes de conformité des entreprises concernant les mesures que peuvent prendre toutes les entreprises pour éviter ou minimiser le risque d'enfreindre la loi. Dans le bulletin, on recommande que les sociétés mettent en place des mécanismes de communication interne, qui inciteront les employés à fournir à leurs employeurs des renseignements sur les contraventions éventuelles à la loi.

Nous avons également publié, en février de cette année une fiche d'information, sur le site Web Strategis d'Industrie Canada, portant sur la dénonciation intitulée Signalement d'agissements jugés anti-concurrentiels au Bureau de la concurrence. Nous avons d'ailleurs distribué le feuillet agréablement illustré qui contient cette fiche d'information.

La fiche d'information informe les gens en affaires de l'utilité de divulguer des renseignements relatifs à des comportements anticoncurrentiels; de l'existence d'un numéro sans frais, des dispositions qui existent déjà en matière de protection de la vie privée; des mesures de protection prévues dans la loi et dans la common law à l'intention des employés; du programme d'immunité du Bureau de la concurrence; et des mécanismes de communication interne prévus dans les Programmes de conformité des entreprises.

Permettez-moi d'ajouter que, après avoir cherché et considéré diverses propositions sur les programmes visant à encourager les gens à transmettre des renseignements concernant les agissements illégaux—on parle souvent dans ce contexte de dénonciation ou de divulgation—le Bureau a demandé à M. Charles Dubin, c.r., de déterminer si l'adoption de dispositions législatives visant la protection des dénonciateurs était possible et si ce serait un moyen efficace d'inciter les plaignants à aider le Bureau dans ses enquêtes.

M. Dubin a recommandé une approche non législative en matière de protection des dénonciateurs. Il envisageait notamment une meilleure information du public au sujet des mesures déjà prévues dans la Loi sur la concurrence pour protéger les sources. Le Bureau lui a ensuite demandé de fournir un addendum contenant ses opinions sur l'approche législative, au cas où le gouvernement déciderait, en dépit de sa recommandation, d'introduire des dispositions législatives visant à protéger les dénonciateurs.

Don Mercer va résumer ces recommandations.

M. Don Mercer (chef, Unité des modifications, Bureau de la concurrence): Merci, Harry.

Je vais les énumérer rapidement, étant donné que nous sommes pressés. Aux fins de l'étude de M. Dubin, le Bureau de la concurrence a défini la dénonciation comme suit:

    [...] lorsqu'une personne employée par une entreprise informe des autorités faisant enquête d'écarts de conduite dont il soupçonne son employeur ou d'autres entreprises du même secteur; lorsqu'un membre du public (par exemple, le client d'une entreprise d'un secteur donné) cherche à informer les autorités d'un acte répréhensible.

Dans son rapport, M. Dubin résume les mesures de protection dont jouissent déjà les dénonciateurs aux termes de la Loi sur la concurrence ainsi que d'autres dispositions qui visent notamment un secteur comme la santé et l'hygiène ou l'environnement au Canada, surtout en Ontario et aux États-Unis. Il ressort de son examen que la législation actuelle concernant les dénonciateurs aux États-Unis n'a ni encouragé la dénonciation ni incité les employés à bénéficier de la protection de certaines lois.

M. Dubin a envisagé deux possibilités. La première était celle du modèle législatif, prévoyant une protection légale explicite des dénonciateurs. Il a proposé à cet égard que soit modifiée la Loi sur la concurrence de manière à accorder une protection particulière aux employés et aux autres personnes qui divulguent des renseignements du fait qu'ils soupçonnent une entreprise d'avoir violé la loi.

• 1645

Il s'est appuyé sur un modèle déjà établi qui avait été soumis au Parlement, à savoir le projet de loi C-266, qui avait été présenté par M. Bonin en 1996.

Dans son étude, M. Dubin passe en revue les détails de ce projet de loi dans le cadre d'une discussion au sujet des mesures de protection législatives qui pourraient être envisagées. A ses yeux, le modèle législatif comportait un certain nombre d'avantages:

—Il fournit aux employés dénonciateurs une protection légale claire et explicite.

—Un tel modèle permet la réintégration et permet également les dommages-intérêts exemplaires, et non seulement les dommages-intérêts compensatoires.

—Un tel modèle rend possible la création d'une infraction pénale visant les employeurs qui prennent des représailles contre un employé dénonciateur.

—Le modèle peut inciter les employés à dénoncer des actes répréhensibles aux autorités pertinentes.

—Si la mesure législative était rédigée de manière à protéger la dénonciation interne, elle pourrait inciter les employés à loger des plaintes au sein même de l'entreprise avant d'en divulguer la teneur au directeur des enquêtes et de la recherche.

Toutefois, selon lui, le modèle comporte également certains inconvénients:

—Les employés qui divulguent les agissements réputés anticoncurrentiels de leurs employeurs sont déjà protégés par la Loi sur la concurrence dans la common law. Bien que certaines dispositions législatives puissent autoriser précisément les tribunaux à ordonner une réintégration, il est peu vraisemblable qu'il s'agisse là d'une mesure correctrice valable du point de vue de l'employé dénonciateur. M. Dubin rappelle à nouveau à ce titre l'expérience américaine laisse entendre que les mesures de protection législatives particulières visant les dénonciateurs n'ont pas été très efficaces, surtout dans les cas où les employés peuvent déjà compter sur des recours offerts en common law.

—il se peut que l'intérêt manifesté par le public dans les cas de dénonciations relevant du droit de la concurrence ne soit pas aussi marqué que dans des domaines comme l'environnement ou la santé et l'hygiène en milieu de travail, où la santé et la vie du public sont en jeu.

La deuxième possibilité envisagée par M. Dubin est celle du modèle non législatif. Ainsi, aucune mesure législative ne serait proposée. On s'appuierait plutôt sur un ensemble de mesures et d'initiatives non législatives. On informerait les employés des mesures de protection dont ils bénéficient déjà et on inciterait les employeurs à adopter des programmes de conformité à l'interne.

La politique du Bureau de la concurrence comporte déjà d'ailleurs bon nombre des éléments de ce modèle. On peut penser par exemple à un programme d'immunité dont pourraient bénéficier les sociétés qui divulgueraient des renseignements relatifs à des actes répréhensibles avant que le directeur ne lance une enquête ou aux toutes premières étapes d'une enquête.

On pourrait également songer à réduire les peines imposées aux sociétés qui se sont dotées de programmes de conformité interne et qui auraient prévu des programmes de dénonciation à l'interne visant les employés. Dans les cas où une société a congédié ou discipliné un employé ayant divulgué des preuves d'une infraction, un tel agissement de la part de l'entreprise serait considéré comme une circonstance aggravante par le directeur ou le procureur général, dans sa décision d'intenter éventuellement des poursuites et de proposer une peine.

Le modèle comporterait également un volet d'information visant à informer les employeurs et d'autres intéressés au sujet du service d'écoute du Bureau, des dispositions de la Loi sur la concurrence en matière de respect de la vie privée, des privilèges des informateurs de police et des mesures de protection prévues dans la loi et en common law à l'intention des employés qui ont fait l'objet de mesures disciplinaires pour avoir fait une dénonciation.

M. Dubin a constaté que le modèle non législatif comportait certains avantages. Il tient compte des mesures qui existent déjà et il n'exige aucune nouvelle initiative législative. Il évite tout double emploi inutile ou toute incohérence dans les recours à des dispositions existantes visant à protéger le droit à la confidentialité et le droit à l'emploi. Le modèle est fondé sur la divulgation interne laquelle, selon les études américaines, est certainement la façon la plus efficace d'inciter les employés à divulguer de l'information. La division anti-trust du département de la Justice des États-Unis a eu de bons résultats en combinant des programmes relatifs à la conformité et à l'immunité.

M. Dubin a toutefois constaté que le modèle non législatif comportait certains inconvénients, du fait qu'il offre peu d'incitation nouvelle aux employés qui préféreraient ne pas divulguer les actes répréhensibles à leurs employeurs. Le modèle ne ferait qu'inciter les sociétés à adopter des programmes de divulgation interne; il ne les y obligerait pas. Également, du fait que l'approche est fondée sur la divulgation interne, il se peut que des infractions graves à la Loi sur la concurrence ne soient jamais divulguées. On risque de conclure que l'approche non législative n'aura pas la vigueur ou l'efficacité voulue pour calmer les craintes des consommateurs et du public.

À la fin de son rapport, M. Dubin conclut en fait que, même s'il y a beaucoup de bon dans une mesure législative comme celle que propose le projet de loi C-266 et également comme celles de diverses lois américaines, il n'était pas convaincu qu'une loi sur les dénonciateurs comporterait de réels avantages pour le Bureau de la concurrence. Une telle mesure n'inciterait pas les dénonciateurs à collaborer davantage avec le bureau qu'ils ne le font maintenant.

• 1650

Par conséquent, l'étude de M. Dubin recommande une approche non législative qui tienne compte des moyens dont dispose le bureau. Il a recommandé l'instauration d'un programme de sensibilisation qui permettrait aux employeurs et aux employés de bien connaître leur devoir de citoyen en matière de divulgation d'information. Il a recommandé que les employés et le public en général soit informés de l'existence du service de plaintes téléphoniques du Bureau de la concurrence, des dispositions relatives à la confidentialité déjà applicables et des mesures de protection prévues dans la loi et en common law pour les personnes qui ont été victimes de sanctions disciplinaires pour avoir dénoncé certaines situations. De tels programmes devraient également sensibiliser les employeurs à l'importance d'un programme d'immunité dans un processus de plaintes à l'interne.

Maintenant, sachant tout l'intérêt qu'on porte à cette question, nous avons demandé à M. Dubin de nous tracer le portrait de la mesure législative qui correspondrait à la mise en place d'un tel programme. Il nous a ainsi fourni une annexe, que nous vous avons remise.

Il a recommandé que, advenant l'adoption d'un tel projet de loi, ce dernier devrait comporter les quatre éléments suivants:

(1) une disposition qui énonce très clairement la conduite de l'employé qui bénéficie d'une protection—à savoir l'énoncé des droits du dénonciateur;

(2) une disposition générale qui interdit aux employeurs d'exercer des représailles contre l'employé qui exerce ces droits;

(3) une disposition qui autorise l'employé à s'adresser à un tribunal des relations de travail ou autre organisme assimilé pour obtenir des dommages de réintégration ou des dommages punitifs lorsque l'employeur a exercé contre lui des représailles pour avoir exercé son droit de dénonciateur.

(4) une disposition qui stipule que l'employeur qui contrevient à l'interdiction au paragraphe (2) ci-dessus, c'est-à-dire l'interdiction pour l'employeur d'exercer des représailles contre l'employé, est coupable d'une infraction criminelle assortie des peines appropriées.

Je précise qu'en ce qui concerne le troisième point, la disposition qui permet à l'employé de s'adresser à un tribunal de relations de travail ou à un organisme analogue, le problème c'est que les problèmes de relations de travail relèvent généralement de la compétence provinciale, sauf pour les entreprises fédérales.

M. Dubin a déclaré que pour encourager les employés à révéler de l'information concernant les actes répréhensibles de leur employeur au Directeur des enquêtes et de la recherche, ceux-ci doivent avoir l'assurance que leur identité sera protégée.

Comme il y a déjà dans la loi des dispositions qui portent sur cette question, il ne semble pas nécessaire d'avoir des dispositions relatives à la confidentialité dans une loi sur la dénonciation à ce stade-ci parce qu'il y a des garanties au paragraphe 10(3) et à l'article 29 de la Loi sur la concurrence

Voilà qui met fin à mon résumé du rapport de M. Dubin et à nos témoignages.

M. Harry Chandler: Pourrais-je ajouter une dernière chose? A la fin de notre déclaration, l'on parle de motif des amendements. Le bureau est d'avis que la loi assure actuellement une certaine protection aux employés et à ceux qui dénoncent les contraventions à la Loi sur la concurrence. Toutefois, un amendement comme celui-là constituerait une clarification expresse du Parlement et pourrait sensibiliser davantage la population au problème et pourrait rassurer davantage ceux qui dénoncent les violations à la loi.

Pour terminer, je remercie le comité de l'occasion qui m'a été donnée de faire cette déclaration. Don et moi-même serons heureux de répondre à vos questions.

La présidente: Je vais commencer par M. Schmidt.

M. Werner Schmidt: Merci, madame la présidente.

Merci beaucoup, messieurs, de comparaître devant le comité. Je trouve cela très utile. Je vous félicite d'avoir passé en revue le rapport Dubin ici cet après-midi, parce que je pense qu'il était bon.

Dans quelle mesure l'amendement que vous proposez changerait-il la Loi sur la concurrence? En quoi les choses seraient-elles différentes dans la façon dont les employés sont traités par les dispositions actuelles en cas d'infractions par un employé de la compagnie, l'employeur ou une compagnie apparentée sur laquelle ils ont des renseignements? Qu'est-ce qui serait différent si l'amendement était adopté?

M. Harry Chandler: Il y a déjà un certain nombre de mesures de protection, dans la loi et dans la pratique, pour assurer la confidentialité de ceux qui font des dénonciations. Don en a parlé. De plus, pas plus tard que l'an dernier, les tribunaux, en fait la Cour suprême du Canada, a confirmé l'importance pour la Couronne et les organismes d'enquête de maintenir la confidentialité de ceux qui témoignent.

• 1655

Ces procédures et la loi qui accordent ces mesures de protection sont bien établies et bien connues. De plus, il y a au Bureau depuis quelques années une politique qui veut que l'on récompense ceux qui font des dénonciations et qui présentent des preuves qu'il y a eu infraction, ce que l'on appelle le traitement favorable ou la politique d'immunité. Tout cet ensemble de la protection de la confidentialité des délateurs est en place.

Ce que l'on ne trouve pas explicitement dans la Loi sur la concurrence, c'est un mécanisme destiné à protéger les victimes de sanctions après coup par l'employeur. Cela relève évidemment de la common law, l'employé pouvant poursuivre l'employeur ou invoquer certaines autres lois, mais il n'en est pas question dans la Loi sur la concurrence et, en quelque sorte cette partie est nouvelle.

M. Werner Schmidt: D'après ce que vous venez de dire, alors, il n'y a pas beaucoup de changements. On dirait même que rien ne changerait. Il me semble que vous n'avez rien proposé qui ne se trouve déjà dans la loi, dans le Règlement ou dans la common law. Quel est donc l'effet de l'amendement proposé?

M. Harry Chandler: Une plus grande visibilité. Ce serait une affirmation publique destinée à un plus vaste auditoire en plus de la protection contre les sanctions.

M. Werner Schmidt: En quoi l'amendement proposé protège-t-il l'employé de représailles par son employeur? Où cela se trouve-t-il dans le texte?

M. Don Mercer: Si je comprends bien, ce qui est déterminant ici, c'est la sanction, une amende ou l'emprisonnement. La sanction est la seule chose qui aurait des conséquences, qui pourrait dissuader l'employeur de s'en prendre au dénonciateur potentiel.

Je ne pense pas qu'il y aura d'autres grandes conséquences sur la façon dont le Bureau fait son travail. Il y a des mécanismes de protection de la confidentialité qui encouragent les dénonciateurs et qui leur accordent l'immunité s'ils apportent des preuves. L'amendement n'aurait donc pas de gros effets sur la façon dont le Bureau travail.

M. Werner Schmidt: D'après ce que je vois, cela n'aura aucune conséquence. Je vois rien ici qui n'est pas déjà prévu d'une manière ou d'une autre. Pour moi, moins il y a de lois, mieux c'est, et non le contraire, et je pense que ceci ajoute quelque chose qui existe déjà.

J'essaie de voir ce qu'il y a ici qui devrait être adopté.

M. Harry Chandler: Libre à vous de tirer vos conclusions. Libres aux députés de le faire. Nous sommes ici pour répondre à vos questions et pour faciliter la discussion.

• 1700

Le président: Merci.

Monsieur Harb.

M. Mac Harb: Je tiens à vous remercier de votre exposé et à vous féliciter de l'excellent travail que vous faites depuis des années dans ce dossier et dans beaucoup d'autres.

En ce qui concerne l'observation de mon collègue, c'est tout à fait vrai. Nous n'avons pas besoin d'être saisis de ce texte de loi pour le modifier, parce que si l'on regardait dans les lois canadiennes, fédérales, provinciales ou même municipales, on trouverait toujours un mécanisme que l'on peut appliquer. On peut s'occuper des crimes et des infractions de toutes sortes. Mais ce qui compte c'est que nous sommes des législateurs et face à un problème, nous devons intervenir. Il faut offrir une protection.

Je dirais à mes collègues que, comme le témoin l'a dit... Ce que nous disions dans cet amendement c'est qu'au cas où un employeur ou un entrepreneur s'en prenait à un détaillant ou à un employé, nous voulons nous assurer qu'il y aura une amende sévère ou une peine d'emprisonnement. Si l'employeur ou l'entrepreneur ne fait rien de mal, il n'a rien à craindre. Personne n'a à craindre quoi que soit.

Je n'ai rien contre ce que l'on dit ici dans l'amendement à propos de la confidentialité. Comme les témoins l'ont dit, elle est déjà protégée en partie, et je suis heureux de voir que les tribunaux ont confirmé qu'il faut maintenir la confidentialité d'un témoin. Mais cela n'enlèvera rien au fait que de le dire explicitement dans la loi n'enlèvera rien à qui que ce soit.

Pour ce qui est du troisième élément, la réintégration, ce n'est pas dans l'amendement qui nous est proposé parce que, comme le témoin l'a dit, cela relève des provinces.

Je poserai aux témoins la question suivante. Estimez-vous que l'amendement que nous étudions satisfait aux trois ou quatre conditions indiquées par M. Dubin, à l'exception de la disposition concernant la réintégration.

M. Harry Chandler: Je pense que oui.

M. Mac Harb: Pensez-vous qu'en adoptant cet amendement, la Chambre des communes affirmera expressément qu'elle ne tolérera pas que la loi soit enfreinte en ce qui concerne les sanctions prises contre des employés ou des entrepreneurs et que ce sera explicite dans la loi?

M. Harry Chandler: Oui. C'est précisément ce que nous avons dit, M. Harb. Cela clarifie expressément la situation.

M. Mac Harb: Cet amendement va-t-il limiter le champ d'action du Bureau de la concurrence ou au contraire l'élargir?

M. Harry Chandler: La seule chose qui me préoccupe c'est, en ce qui concerne les dispositions concernant les sanctions, les ressources qui seront consacrées aux enquêtes visant à établir si un dénonciateur a été congédié ou a fait l'objet de sanctions disciplinaires. Il faut vérifier s'il s'agissait d'un employé à problèmes?

Comme vous le comprendrez, cela peut être difficile à établir. Il faudrait donc que le Bureau puisse savoir ce qu'il en est et faire des recommandations. Comme ce sont des questions sur lesquelles il est difficile d'enquêter et de faire clairement la part des choses, cela nous éloigne de l'objectif principal de la loi sur la concurrence, qui est de s'occuper des infractions anticoncurrentielles.

M. Mac Harb: D'accord.

La présidente: Merci, M. Harb.

[Français]

Monsieur Dubé, est-ce que vous avez des questions?

M. Antoine Dubé: Oui, deux questions, dont une qui est reliée à cela et une autre plus générale.

Premièrement, je suis un peu surpris du type d'amendements proposés. Peut-être est-ce parce que je connais moins ce qui se passe en réalité, tandis que vous êtes mieux en mesure que moi de valider la situation.

• 1705

D'abord, j'avais cru jusqu'à présent, au cours de l'étude du projet de loi, que les compagnies qui faisaient du marketing et du télémarketing frauduleux étaient généralement de petites entreprises qui comptaient un patron et quelques employés, lesquels savaient qu'ils participaient à des activités frauduleuses de A à Z. C'était davantage la perception que j'avais.

Bien que je n'aie malheureusement pas eu le temps de lire le rapport Dubin au complet, si c'est arrivé, cela nous porte à croire qu'il y a un autre type de pratiques frauduleuses à l'intérieur d'entreprises que je qualifierais de normales, où parfois certains employés feraient preuve d'un zèle négatif et se serviraient du télémarketing pour induire les clients en erreur. Est-ce que dans les entreprises dites normales, on retrouve des comportements qui justifient qu'on aille aussi loin?

M. Harry Chandler: La modification proposée n'est pas liée uniquement au télémarketing. Elle touche toutes les dispositions de la loi, y compris celles portant sur les coalitions, les complots, etc. Ces comportements sont souvent cachés et ils ne sont pas évidents au grand public, ni même aux agences comme la nôtre. C'est pourquoi nous avons proposé cette modification. Cela vise vraiment les campagnes en vue d'éliminer les concurrents et la fixation des prix, entre autres.

M. Antoine Dubé: C'est intéressant. Cela déborde donc tout l'aspect de la concurrence.

M. Harry Chandler: Toutes les dispositions de la Loi sur la concurrence.

M. Antoine Dubé: Je profite de votre présence pour vous demander votre opinion sur les affirmations du témoin précédent, qui s'est prononcé sur certains articles en particulier. Il disait que la loi actuelle, ainsi que les modifications proposées, sont difficilement applicables. Une des raisons qu'il invoquait était que le bureau n'a pas assez de ressources pour les appliquer. Je sais que ce n'est pas ce dont vous êtes venu nous entretenir aujourd'hui, mais j'aimerais entendre votre opinion là-dessus. Il disait que 57 ou 58 personnes de votre bureau mènent des enquêtes. À votre avis, vos effectifs sont-ils suffisants?

M. Harry Chandler: Comme toutes les agences gouvernementales, nous subissons des pressions et nous sommes toujours à la recherche de ressources supplémentaires. Mais on est ici et cela fonctionne.

M. Antoine Dubé: On peut continuer comme cela?

M. Harry Chandler: On peut continuer comme cela. C'est cela.

M. Antoine Dubé: C'est une réponse honnête. Je trouve cela intéressant. C'est tout.

[Traduction]

La présidente: Merci, M. Dubé.

Avez-vous d'autres questions à ce sujet? M. Schmidt.

M. Werner Schmidt: Mes observations s'adressent à mon collègue d'en face, monsieur Harb.

Je ne m'oppose pas à ce que les dénonciateurs soient protégés—absolument pas. J'estime au contraire qu'il faut les protéger. Je tiens à ce que ce soit bien précisé, car la question n'est pas là. Il s'agit de leur assurer une protection maximum et si ces dispositions sont meilleures que celles qui existent actuellement, très bien. Mais si cela ne change rien, pourquoi s'en donner la peine? Voilà ce qui m'inquiète.

Merci, madame la présidente.

M. Mac Harb: Voilà pourquoi je tenais à préciser que cela changera les choses. Ce ne sera pas le maintien du statu quo. J'apprécie votre appui.

La présidente: Merci.

Monsieur Harb, nous connaissons votre expérience dans ce domaine et nous savons que vous travaillez à cette question depuis des années.

Monsieur Lastewka, avez-vous une dernière chose à ajouter?

M. Walt Lastewka: Les témoins ont dit tout à l'heure que cet amendement permettrait de mieux sensibiliser le public à l'importance de ce problème. Tout à l'heure, on a demandé si l'amendement répondait aux quatre principes directeurs énoncés par le juge Dubin. Pourriez-vous nous en dire un peu plus au sujet des pénalités, des amendes et le reste?

• 1710

M. Don Mercer: Il s'agit d'assurer un juste équilibre. Pour revenir sur ce qu'a fait valoir M. Dubin, les dispositions actuelles sont-elles suffisantes ou avons-nous besoin de ce genre de facteurs de dissuasion pour les employeurs qui risquent d'intimider les employés qui pourraient être tentés de dénoncer certaines choses?

Les deux points de vue peuvent se défendre. D'une part, ce genre de facteur de dissuasion fera clairement comprendre aux employeurs que s'ils font quoi que ce soit pour s'opposer aux dénonciations, ils s'exposent à des pénalités. D'autre part, comme M. Dubin l'a fait valoir en formulant sa recommandation: Avons-nous besoin de cette loi? Les dispositions actuelles ne sont-elles pas suffisantes? Je laisse le soin au comité d'en décider. Mais je crois que c'est là que se situe la question.

La présidente: Merci.

Une dernière question sera posée par M. Shepherd.

M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): Vous avez parlé des ressources que pourrait absorber une procédure d'enquête plus élaborée. Je ne sais pas exactement ce que cela signifie. Voulez- vous dire qu'il y aura davantage de dénonciations et que le système sera donc efficace ou insinuez-vous qu'il y aura beaucoup de dénonciations futiles?

M. Harry Chandler: C'est un nouveau champ de responsabilités. L'amendement proposé exigera que l'on examine si la dénonciation s'est soldée par un renvoi ou des sanctions disciplinaires. Il s'agit d'établir le lien entre la dénonciation et les mesures disciplinaires. La jurisprudence montre que ce n'est pas facile à établir. C'est ce que je voulais dire. Nous allons nous pencher sur un domaine entièrement nouveau. Cela ne fait pas partie actuellement de nos activités.

M. Alex Shepherd: Avez-vous étudié les frais supplémentaires que représente l'administration de ces changements?

M. Harry Chandler: Non, je ne pense pas que nous l'ayons fait. J'ai seulement attiré votre attention sur cette conséquence.

M. Don Mercer: L'un des aspects à considérer est que, lorsque la loi contient certaines dispositions, elle peut faire l'objet de plaintes. Comme cela ne figure pas dans la loi actuellement, nous ne recevons pas de plaintes au sujet des dénonciations. C'est un nouveau domaine pour lequel nous devons nous organiser.

Quant à savoir si ces plaintes sont valides ou non, c'est une chose que nous devrons examiner pour chaque cas, comme nous le faisons actuellement. Il est donc difficile de prédire exactement combien de plaintes nous recevrons ou dans quelles circonstances, mais nous devrons enquêter à fond sur le contexte et la nature de la plainte et nous devrons y consacrer certaines ressources. À l'heure actuelle, nous n'avons pas cette responsabilité ou cette obligation.

Il s'agit d'établir si l'utilisation de ces ressources est justifiée, compte tenu des avantages que représente cette disposition de la loi. Il s'agit de voir si ces ressources ne seraient pas consacrées de façon plus profitable à l'application de la loi.

Tout à l'heure, on a posé une question sur les ressources que nous avions à notre disposition pour faire notre travail, car comme chacun sait, les ressources sont limitées de nos jours dans la fonction publique et sans doute aussi partout ailleurs. Il faut donc bien les répartir.

M. Alex Shepherd: Mais ne pensez-vous pas que les dénonciations pourraient en fait vous aider à mieux faire appliquer la loi?

M. Don Mercer: Si vous acceptez la recommandation de M. Dubin, cet amendement n'aurait pas de répercussions importantes si la protection offerte actuellement dans la loi était jugée suffisante.

Il s'agit de voir si les facteurs de dissuasion vont inciter davantage les gens à faire des dénonciations et en même temps les protéger étant donné que les employeurs seront sur leurs gardes. Cela constitue une infraction criminelle. C'est l'autre aspect à considérer.

• 1715

Nous ne pouvons pas dire exactement—M. Dubin non plus—d'après l'expérience américaine, que cette loi aura des répercussions.

N'oublions pas que dans le contexte américain l'attitude vis- à-vis de la loyauté des employés des sociétés est très différente. Au Canada, les employés sont mieux protégés vis-à-vis de leurs employeurs. Cette protection n'existe pas aux États-Unis à moins d'être conférée dans ce genre de loi. Le contexte est différent. Aux États-Unis, la loyauté de l'employé est un principe absolu tandis qu'au Canada la common law impose déjà certaines obligations aux employés et aux employeurs.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Shepherd.

Je tiens à vous remercier, monsieur Mercer et M. Chandler, d'être venus cet après-midi.

Je désire rappeler aux membres du comité, avant que nous ne levions la séance, que nous devons entamer l'étude article par article du projet de loi à 15 h 30, demain après-midi, dans la salle 237-C. Les fonctionnaires du ministère et du Bureau seront avec nous au début de la réunion pour examiner les recommandations faites par plusieurs témoins, avant que nous n'entamions l'étude article par article. Nous avons plusieurs amendements qui ont été proposés par plusieurs du comité. Je m'attends à ce qu'il y en ait d'autres au cours de l'étude article par article.

Nous avons réservé la salle de 15 h 30 à 20 h 30 environ, au cas où cela durerait aussi longtemps. Néanmoins, je suis optimiste, et compte tenu du nombre d'amendements que nous avons reçus jusqu'à présent, je ne pense pas que ce sera aussi long. Mais si c'est le cas, nous prendrons une petite pause pour que ceux qui le désirent puissent aller dîner à la cafétéria en haut, car nous n'avons pas commandé de repas pour le comité. Comme nous sommes optimistes, la greffière et moi, nous sommes convaincues que la réunion ne se prolongera pas aussi longtemps.

La séance est levée.