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INDY Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON INDUSTRY

COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 23 septembre 1998

• 1537

[Traduction]

La présidente (Mme Susan Whelan (Essex, Lib.)): La séance est ouverte et conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous allons procéder à une étude des lignes directrices relatives aux fusions. Veuillez m'excuser de mes quelques minutes de retard. J'ai eu une réunion du comité de liaison et l'on attendait toujours le quorum au moment où je suis partie.

Ceci étant dit, j'aimerais souhaiter la bienvenue aux témoins du Bureau de la concurrence qui comparaissent devant nous aujourd'hui.

À titre d'indication pour le reste des membres du comité, ainsi que le comité de direction en a convenu, nous avons demandé aux représentants du Bureau de la concurrence de comparaître devant nous aujourd'hui pour nous expliquer les lignes directrices et répondre à nos questions.

Nous ne sommes pas ici pour discuter du groupe de travail MacKay ou des fusions bancaires proprement dites; nous voulons simplement savoir comment tout cela est relié aux lignes directrices. Nous sommes ici pour savoir comment les lignes directrices ont été établies et pourquoi. Je suppose que l'exposé va répondre à l'avance à certaines de nos questions.

Nous accueillons aujourd'hui M. Raymond Pierce, sous-directeur adjoint, direction des fusionnements; M. Gwillym Allen, sous-directeur adjoint, politique économique et mise en application et M. Denis Corriveau, agent de commerce.

M. Pierce va commencer.

M. Raymond Pierce (sous-directeur adjoint, Direction des fusionnements, Bureau de la concurrence, ministère de l'Industrie): Merci beaucoup, madame la présidente. Le Bureau de la concurrence est heureux de comparaître devant le comité pour expliquer plus en détail le processus d'examen des deux opérations proposées.

Nous vous avons laissé deux documents, l'un étant les Lignes directrices pour l'application de la loi: fusionnement de banques; l'autre étant une série de diapositives que nous avons l'intention de passer en revue afin d'expliquer les lignes directrices et la façon dont elles s'appliquent aux fusions entre banques en particulier.

Depuis quelque temps, le Bureau dispose de lignes directrices applicables à toutes les opérations de fusion. En raison de l'importance de la fusion entre banques de l'annexe I pour l'économie canadienne, nous avons voulu être sûrs de bien faire les choses si bien que nous avons décidé de publier les lignes directrices en vue de consultations sur la façon dont elles s'appliqueraient aux fusions entre banques de l'annexe I. C'est ce qui est à l'origine de ce document que nous avons publié en juillet dernier et à propos duquel le groupe de travail a fait des observations. Le groupe de travail a appuyé notre approche, tout comme les participants aux longues consultations que nous avons tenues.

Peut-être pourrais-je faire quelques observations avant de passer aux diapositives de manière plus détaillée.

Ce que je propose, madame la présidente, c'est de passer en revue les diapositives, ce qui prendra probablement de 20 à 30 minutes, de manière que vous ayez une vue d'ensemble avant de poser vos questions. Est-ce d'accord?

La présidente: D'accord, monsieur Pierce.

M. Raymond Pierce: En guise d'introduction et avant de passer aux diapositives, je devrais dire que la Loi sur la concurrence est une loi économique cadre qui prévoit un régime d'enquête et d'interdiction à propos de certaines restrictions au commerce. Cela comprend les fusions, lesquelles diminuent sensiblement la concurrence.

• 1540

Nous ne sommes pas habilités à accepter ou refuser les fusions, et nous n'acceptons ni ne refusons les demandes de fusion. Nous ne sommes pas un organe de réglementation. Nous examinons les opérations afin de déterminer leur impact sur la concurrence. Si, au bout du compte, nous croyons qu'il est probable que la concurrence diminue sensiblement par suite d'une opération particulière, nous saisissons le Tribunal de la concurrence de la question.

Comme je l'ai dit plus tôt, la loi ne nous confère aucun pouvoir réglementaire qui nous permettrait d'obliger les parties ou les sociétés à imposer un prix particulier ou à fixer des conditions sur tout autre élément de la concurrence du marché.

Le directeur des enquêtes et recherches est la seule personne habilitée à prendre une décision à l'égard du renvoi ou du non-renvoi de la transaction devant le Tribunal de la concurrence. Nommé en vertu de la Loi sur la concurrence, c'est l'agent qui est chargé d'assurer son application et son exécution. Comme je l'expliquerai plus tard, sous le régime de cette loi, le ministre des Finances a un rôle à jouer à l'égard des fusions entre institutions financières fédérales.

Après cette brève introduction, je vais commencer par passer en revue les diapositives. Pour vous situer dans le contexte, je dirais que les lignes directrices relatives aux fusions entre banques ont commencé à apparaître en novembre dernier dans le cadre de notre mémoire présenté au groupe de travail MacKay. Dans ce mémoire, nous avions joint en annexe une ébauche de nos lignes directrices et avions indiqué que nous mènerions des consultations approfondies à ce sujet.

Bien sûr, dans l'intervalle, avant la tenue de nos consultations, la Banque Royale et la Banque de Montréal ont annoncé leur projet de fusionnement le 23 janvier. C'est à ce moment-là que nous avons commencé l'examen de cette opération.

Nous n'avons véritablement entamé des consultations publiques sur l'ébauche des lignes directrices qu'à la fin de février et pour ce faire, avons invité plus de 600 parties à nous présenter des mémoires écrits. Nous avons invité un large éventail de groupes de consommateurs, de syndicats, de groupes de l'industrie et des membres du Barreau pour interpréter la Loi sur la concurrence. Dans l'intervalle, avant d'avoir reçu la plupart de ces mémoires, la CIBC et la TD ont annoncé leur projet de fusion. De nouveau, nous avons immédiatement commencé l'examen de cette opération.

Nous avons reçu quelque 40 à 50 mémoires écrits sur les lignes directrices relatives aux fusions entre banques et, en mai et juin, avons tenu des réunions à Montréal, Ottawa et Toronto pour discuter de ces mémoires en plus amples détails. Le 15 juillet, nous avons publié la version finale de ce document.

Pour vous situer dans le contexte, nous prévoyons qu'en décembre de cette année, nous serons en mesure de présenter aux quatre banques en question ainsi qu'au ministre des Finances nos conclusions sur les deux projets de fusionnement.

En ce qui concerne le processus d'approbation globale, il y a véritablement trois intervenants au niveau fédéral. Notre rôle se limite strictement à l'examen des questions de concurrence, c'est-à-dire, est-ce que ces opérations vont entraîner une diminution sensible de la concurrence ou empêcher la concurrence. Il y a également le BSIF, bien sûr, qui se penche sur les questions de sûreté et d'intégrité ainsi que sur les questions de prudence. Le ministre des Finances, bien entendu, examine tout l'éventail des questions d'intérêt public et c'est lui qui, au bout du compte, est habilité à approuver ces transactions.

Comme je l'ai dit plus tôt, en vertu des dispositions de fusionnement, il y a interaction avec le ministre des Finances. Je le souligne simplement pour que vous compreniez bien la situation. Si le ministre certifiait qu'une opération particulière sert les meilleurs intérêts du système financier, le directeur du Tribunal de la concurrence ne participerait plus alors au processus. De toute évidence, cela ne s'est pas produit, mais j'en fais mention uniquement pour vous donner un aperçu complet de la situation.

Permettez-moi de parler un peu des buts de la Loi sur la concurrence. En général, son rôle consiste à préserver et favoriser la concurrence au sein de l'économie canadienne, puisque la concurrence donne lieu à plusieurs avantages tangibles. En particulier, la loi assure à la petite et à la moyenne entreprise une chance honnête de participer à l'économie canadienne. Elle procure également aux consommateurs des prix compétitifs et un choix dans les produits et, en général, stimule l'efficience de l'économie de marché.

• 1545

En ce qui concerne le processus de notre examen, trois étapes se dégagent; elles ne sont pas toujours mutuellement exclusives. La première étape est celle de la cueillette des renseignements et, dans un certain sens, nous l'avons terminée. Cette étape consiste à recueillir considérablement de renseignements des parties en cause, notamment dans le cas des opérations proposées qui sont extrêmement complexes—et importantes—à évaluer. Nous parlons aux concurrents, aux fournisseurs et aux clients du marché et dans ce cas précis, nous avons parlé à plusieurs associations représentant divers clients. De toute évidence, il n'est pas possible de parler à tous les consommateurs, y compris les groupements d'entreprises.

Nous parlons aux experts de l'industrie et aux universitaires et embauchons des experts et des économistes de l'industrie qui nous aident à donner des conseils éclairés sur ce dossier; bien sûr, dans la mesure où cela s'impose, nous parlerons à d'autres organismes de réglementation qui participent à l'examen de la transaction en question.

La deuxième étape est celle du travail d'analyse détaillée, et c'est ce que nous faisons en ce moment. C'est une étape intensive qui consiste à examiner les renseignements dont nous disposons et à appliquer les lignes directrices aux situations données afin de déterminer si, d'après nous, la concurrence va sensiblement diminuer.

Plusieurs membres du personnel du bureau participent à cet exercice et nous avons probablement embauché plus d'experts externes pour ce dossier que pour tout autre dossier de fusionnement dont je puis me souvenir. Pour être sûrs de bien faire les choses, nous avons embauché des experts de l'industrie qui ont travaillé dans le secteur bancaire et qui connaissent les marchés en question, ainsi que des économistes industriels et d'autres économistes connaissant les marchés financiers.

Notre examen est essentiellement axé sur quatre grands secteurs d'activité. Nous examinons les services bancaires aux particuliers, le financement des PME et les cartes de crédit ainsi que le secteur des valeurs mobilières et les services bancaires d'investissement.

L'étape suivante est bien sûr celle du processus décisionnel. Nous n'en sommes pas encore là, mais cela ne devrait tarder.

Comme je l'ai dit plus tôt, le critère décisif, en vertu de la loi, c'est de savoir s'il y aura—ou non—diminution ou empêchement sensible de la concurrence. Voilà ce que cela veut dire en pratique: pensons-nous que ces sociétés fusionnées pourront, après la fusion, augmenter les prix et maintenir ces augmentations? Pourraient-elles avoir un effet négatif sur tout autre élément important de la concurrence, comme la qualité ou le niveau des services offerts aux consommateurs? Lorsque je parle de «consommateurs», je veux parler des particuliers ainsi que des entreprises.

Nous disposons d'un délai de deux ans pour faire ce genre d'évaluation. Si nous sommes d'avis que les parties fusionnées pourraient agir de la sorte et que, en l'espace de deux ans, des concurrents—nouveaux ou existants—ne pourraient pas faire disparaître ces prix plus élevés, nous en conclurions qu'il y a diminution sensible de la concurrence. Soit dit en passant, ce délai de deux ans ne commence pas tant que la transaction n'est pas scellée.

En règle générale, notre processus d'examen se compose de quatre éléments principaux. Il s'agit d'abord de la définition de marché, du calcul des parts et de la concentration du marché. Nous examinons ensuite plusieurs facteurs de concurrence clés ou facteurs qualitatifs qui ont un effet sur notre évaluation. En outre, si les parties soutiennent ou prétendent que la fusion va se traduire par des gains en efficience, nous sommes aussi tenus d'en tenir compte. Permettez-moi d'aborder chacun de ces éléments l'un après l'autre.

La définition du marché est véritablement le point de départ de notre analyse. C'est une partie très importante de notre analyse, car nous essayons de déterminer si ces opérations auront ou non un impact économique sur la capacité d'exercer un pouvoir sur le marché, d'augmenter les prix, etc.

Le marché présente deux aspects; il peut s'agir de marchés de produits et de marchés géographiques. Nous essayons de déterminer en cas d'augmentation de prix—si cela devait se produire—si les clients auraient accès à d'autres substituts raisonnables vers lesquels ils pourraient se tourner. C'est essentiellement ce que nous examinons lorsque nous définissons les marchés et cela s'appuie sur le principe de l'existence de proches substituts. Peuvent-ils se tourner vers d'autres concurrents, d'autres fournisseurs, à l'extérieur de leur zone de marché? Il y a donc à la fois un élément géographique et un élément de produits.

• 1550

Permettez-moi de dire qu'en ce qui concerne la définition des marchés de produits—dans les médias à tout le moins—les banques discutent beaucoup de la définition pertinente de marché et de part de marché. Nous faisons notre propre analyse, de notre point de vue. Typiquement, nous nous efforçons de faire une analyse désagrégée afin d'examiner chacun des marchés, chacun des services offerts par les banques et posons alors ce genre de question: si les prix de ces services particuliers devaient augmenter après la fusion, y aurait-il des substituts vers lesquels les consommateurs et d'autres acheteurs pourraient se tourner?

Pour ce qui est des questions reliées aux services bancaires que nous examinons dans le contexte de la définition du marché, il faut bien sûr parler des questions relatives à l'impact éventuel des moyens électroniques sur le marché; en d'autres termes, cela permet-il d'élargir le marché géographique jusqu'au point où d'autres—qui autrement ne pourraient participer au marché— peuvent maintenant faire concurrence et offrir des services au Canada?

On peut citer l'exemple de ING, société relativement nouvelle venue sur le marché qui, dans une certaine mesure, accepte des dépôts et fait concurrence aux banques traditionnelles. Wells Fargo offre également électroniquement ou par courrier direct un certain crédit à la petite entreprise, selon essentiellement les principes d'une carte de crédit. C'est une question importante à nos yeux, car elle pourrait très bien influer sur notre façon de déterminer qui, selon nous, se trouve sur le marché pertinent et est en mesure de stimuler la concurrence.

Nous devons également savoir si les consommateurs achètent ou non leurs produits—leurs services bancaires ou financiers—en groupes. Je pense en particulier au secteur de la petite entreprise, par exemple, où tout est souvent regroupé. La petite entreprise prend une marge de crédit d'exploitation ou un prêt d'exploitation; dans de nombreux cas, étant donné que les banques aiment contrôler les conditions du prêt et les risques afférents, elles préfèrent souvent que le compte se trouve chez elles afin de pouvoir surveiller les rentrées de fonds.

Pour nous, la question est de savoir si les produits doivent en fait être fournis groupés. Là encore, cela peut limiter le nombre de concurrents qui se trouvent dans une part particulière du marché et qui sont en mesure de stimuler la concurrence.

Vous voyez également des régions géographiques établies au préalable dans les lignes directrices relatives aux fusions entre banques. Comme nous nous occupons d'un grand nombre de produits et de marchés géographiques offerts et desservis par les banques, nous avons cherché un moyen d'accélérer notre analyse.

Nous avons des données de l'Association des banquiers canadiens basées sur le RTA. Soit dit en passant, lorsque je parle de «RTA», je veux parler d'«indicateur régional de tri d'acheminement», soit les trois premiers chiffres d'un code postal. L'Association des banquiers canadiens recueille des données de ses membres basées sur le RTA. Nous disposons de ces données et les complétons par celles d'autres intervenants du marché.

Nous nous proposons d'appliquer les parts de marché et de concentration à ces secteurs particuliers afin de voir si nous pouvons les retirer tout de suite—ou non—de l'analyse d'un point de vue de marchés géographiques ou de produits. C'est ce que nous faisons actuellement. Nous n'avons pas de résultats concrets; nous avons quelques résultats, mais cette analyse n'est pas encore terminée.

Pour ce qui est des parts de marché et de la concentration, deux seuils importants sont fixés en vertu des lignes directrices. Le premier, le seuil de 35 p. 100, se rapporte à la part de marché qui serait détenue par les deux sociétés, après leur fusion. Par exemple, y a-t-il des marchés dans lesquels la Banque Royale et la Banque de Montréal—ou les deux autres parties—détiendraient plus de 35 p. 100 du marché de produits dans un domaine particulier? Si oui, nous ferons un examen détaillé.

Il y a également un autre seuil important, celui du niveau général de concentration du marché; c'est un seuil de 65 p. 100.

• 1555

Ce deuxième seuil se rapporte au niveau général de concentration ou, selon le jargon du bureau, au «ratio de concentration de l'industrie». Nous calculons la part du marché—après fusion—des quatre plus grandes entreprises d'un marché particulier. Si ce ratio est supérieur à 65 p. 100 et si les parties fusionnées détiennent plus de 10 p. 100 de ce marché particulier, cela déclenche—de nouveau—un examen détaillé de notre part. Je dois souligner que les parts de marché et la concentration ne permettent pas à elles seules de conclure qu'il y a diminution sensible de la concurrence.

En fait, une disposition de la Loi sur la concurrence stipule expressément que nous ne pouvons pas renvoyer l'affaire au Tribunal de la concurrence uniquement à cause des parts du marché ou de la concentration. Cela nous amène à examiner plusieurs autres facteurs qualitatifs que je vais aborder dans quelques instants.

Cependant, pour ce qui est des parts de marché, le seuil de 65 p. 100 est utile pour savoir si l'industrie est plus susceptible d'avoir un comportement que nous qualifions de «comportement en interdépendance», après la fusion. En effet, bien souvent, on remarque au sein des industries à forte concentration que, plutôt que de se livrer une concurrence vigoureuse, les entreprises adoptent une politique soit explicite, soit implicite de coopération.

À nouveau, les niveaux de concentration sont une condition essentielle, mais non pas suffisante pour justifier une analyse détaillée. Il existe d'autres particularités de la structure du marché qui permettent aussi de déterminer si un comportement en interdépendance est probable au sein d'une industrie. Ce sont toutefois des questions que nous examinons également dans le contexte des transactions bancaires.

Les «facteurs majeurs de concurrence», qui constituent l'élément 3, sont décrits dans la loi. Je ne vous en parlerai donc pas en détail. Ils ont trait à la nature, au niveau et au degré de concurrence étrangère au sein d'un marché. À quel point les entraves à l'accès sont-elles importantes? Ceux de l'extérieur peuvent-ils facilement pénétrer le marché? Auquel cas, il est fort probable que les entreprises ne peuvent pas soutenir une augmentation de prix au sein d'un marché donné.

Quelle est l'efficience des concurrents qui restent? Nous faisons un genre d'inventaire pour voir qui demeure au sein du marché, quelle est leur importance et s'ils représentent des concurrents viables et durables.

Par ailleurs, quelle est la nature du changement et de l'innovation au sein du marché? Cela nous ramène à certaines questions dont nous avons parlé tout à l'heure lorsqu'il était question des banques électroniques. Le changement technologique au sein d'un marché se produit-il à un rythme tel qu'il faut s'attendre que d'autres pénétreront le marché, non pas en s'installant matériellement sur place, mais au moyen de services électroniques?

Quand vient le temps d'évaluer nombre de ces facteurs, particulièrement celui des entraves à la concurrence et la concurrence étrangère, il importe de se rappeler non seulement que des questions de réglementation sont associées à cette industrie, mais également qu'en leur absence—puisque les entreprises étrangères sont bien sûr empêchées jusque dans une certaine mesure de livrer pleine concurrence aux banques canadiennes selon les mêmes règles du jeu—, nous faisons aussi une analyse commerciale. Quelle est la rentabilité de l'industrie? Même en faisant abstraction des entraves que pourrait créer la réglementation, peut-on toujours s'attendre à de la concurrence et à des nouveaux venus sur le marché? Pareils phénomènes sont-ils justifiés sur le plan commercial? Quelles sont les caractéristiques économiques associées à l'arrivée d'un nouveau venu, si ce n'était des questions soulevées par le cadre réglementaire?

Nous avons aussi bien fait comprendre, lorsque nous avons rendu publiques ces lignes directrices, que nous ferions un examen simultané des deux transactions. Nous ne les examinons pas une à une. Quand nous examinons un marché, nous essayons de voir comment il évoluera au cours des années suivantes.

C'est pourquoi il faut tenir compte d'autres transactions susceptibles d'influer sur le marché, donc de toute évidence de la seconde transaction. Ainsi, notre analyse tient compte de la seconde transaction annoncée, c'est-à-dire du projet de fusion de la CIBC et de la TD.

• 1600

Enfin, le quatrième élément important, ce sont les gains en efficience. La loi reconnaît en termes explicites que des transactions peuvent à la fois nuire à la concurrence et produire des gains en efficience. Quand ces gains sont supérieurs à la baisse de la concurrence, la loi précise qu'il faut autoriser la transaction. C'est une des raisons qui permet de justifier une fusion qui, autrement, serait anticoncurrentielle.

Les entreprises ne peuvent toutefois pas s'en servir comme prétexte. Il faut qu'elles prouvent que les gains sont réels et tangibles. Par là, j'entends de réelles réductions de coût, de réelles réductions des ressources, qui peuvent être affectées ailleurs dans l'économie. Il faut ni plus ni moins que les gains en efficience soient particuliers à la transaction en cause.

Si les entreprises qui souhaitent fusionner affirment qu'un projet produira des gains en efficience, mais que nous estimons que ces gains particuliers pourraient être réalisés autrement, par exemple au moyen d'une coentreprise—beaucoup d'autres banques se lancent dans de pareilles coentreprises—, le gain particulier ne comptera pas comme point en faveur de la transaction.

Durant l'examen en fonction des lignes directrices concernant les fusions bancaires, nous avons aussi consulté les experts pour savoir s'il fallait que les économies de coûts soient transmises aux consommateurs pour que les gains en efficience prévus entrent en ligne de compte dans la transaction. Il n'y avait pas de consensus à ce sujet. En fait, nous prévoyions des difficultés pour un organisme comme le Tribunal de la concurrence qui essaierait de faire respecter ce genre de disposition. En raison de ces deux questions particulières, rien n'a été changé dans les lignes directrices pour l'application de la loi.

Nous examinons donc les gains en efficience dans le cadre d'une analyse coûts-avantages assez vaste. S'il existe un avantage net pour l'économie, quel qu'en soit le bénéficiaire, la loi dit que la transaction peut se faire.

Madame la présidente, c'est tout ce que j'avais à dire.

La présidente: Je vous remercie beaucoup. Votre exposé a été très détaillé.

À l'intention de ceux qui sont arrivés en retard, je rappelle ce que j'ai dit au début de la réunion. Le Comité de l'industrie a entre autres comme mandat de surveiller le fonctionnement du Bureau de la concurrence et l'application de la Loi sur la concurrence. D'où la présence aujourd'hui des porte-parole du Bureau de la concurrence qui sont venus nous expliquer les lignes directrices. Nous leur avons demandé de nous décrire en détail le processus qui a abouti à ces lignes directrices—ce que M. Pierce a fait—ainsi que les méthodes adoptées et de nous expliquer tant les lignes directrices qu'ils adopteront que les limites de ce que la Loi sur la concurrence leur permet de faire.

À nouveau, je vous demande de garder à l'esprit la raison pour laquelle ils sont ici et ce que nous faisons. Il n'est pas question du rapport du groupe de travail MacKay.

Monsieur Pankiw, avez-vous des questions?

M. Jim Pankiw (Saskatoon—Humboldt, Réf.): Je vous remercie d'avoir répété ce que vous aviez dit auparavant, car je suis moi-même un des retardataires. J'ai dû demeurer à la Chambre à cause d'un rappel au Règlement au sujet d'une question à laquelle le secrétaire parlementaire n'a pas répondu depuis sept mois.

La présidente: Je vous sais gré de nous avoir fourni l'explication, monsieur Pankiw.

Des voix: Oh, oh!

M. Jim Pankiw: Monsieur Pierce, quelles sont les entraves créées par la réglementation? Quels services ING et Wells Fargo ne peuvent-elles actuellement offrir?

M. Raymond Pierce: Pour l'instant, Wells Fargo offre des services de cartes de crédit ou des lignes de crédit, dont la limite peut atteindre 100 000 $ environ, à des taux d'intérêt équivalant au taux préférentiel plus X p. 100, ce qui est probablement supérieur au taux d'intérêt exigé par les banques pour ce genre particulier de lignes de crédit. Par exemple, Wells Fargo n'est pas un établissement de dépôt. Actuellement, elle ne peut pas en accepter. Si j'ai bien compris, elle ne compte pas d'installations matérielles au Canada.

M. Jim Pankiw: L'ING accepte-t-elle des dépôts?

M. Raymond Pierce: Elle le fait effectivement.

M. Jim Pankiw: Donc, rien ne l'empêche de le faire.

M. Raymond Pierce: Il faudrait auparavant régler certaines questions de réglementation avec le Surintendant des institutions financières et le ministère des Finances.

M. Jim Pankiw: Ont-elles obtenu votre feu vert?

• 1605

M. Raymond Pierce: Non. Elles n'avaient pas besoin de le faire.

La présidente: Je crois qu'il y a un malentendu ici. Le Bureau de la concurrence traite des aspects relatifs à la concurrence. Le financement bancaire et les règlements s'appliquant aux banques relèvent de la Loi sur les banques. Le Bureau de la concurrence n'est pas responsable d'appliquer la Loi sur les banques.

M. Raymond Pierce: La question est pertinente en ce sens qu'on veut savoir si nous prévoyons qu'elles se lanceront dans d'autres secteurs d'activité. Ce sont des secteurs que nous examinerions dans ces cas particuliers en vue de déterminer si nous croyons qu'elles vont accroître leur présence au Canada. Vue sous cet angle, votre question est importante. C'est une question que nous posons non seulement aux deux éventuels concurrents, mais à d'autres également.

M. Jim Pankiw: Ce que j'essaie de savoir en réalité, c'est si, étant donné la rapidité avec laquelle s'implantent les nouvelles technologies, l'industrie bancaire ne serait pas à l'aube d'une révolution ou, peut-être, si cette révolution n'est pas déjà amorcée. Les transactions bancaires ne ressemblent plus du tout à ce que nous avons connu.

Sera-t-il même possible de prévenir la répétition du phénomène? Par exemple, qu'arrive-t-il si j'effectue toutes mes transactions bancaires auprès d'une banque sur Internet? Vous voyez où je veux en venir?

M. Raymond Pierce: Il faut faire une distinction entre les moyens d'offrir les services et ceux qui les offrent. Il est possible d'effectuer ses transactions bancaires sur Internet ou par téléphone, sans oublier le réseau Interac et les cartes de débit. Il existe déjà plusieurs formes de transactions bancaires électroniques.

La question que nous posons ne concerne pas tellement le moyen d'offrir le service, bien qu'il ait de l'importance. Nous nous demandons plutôt qui offre le service, qui le produit? C'est aussi une question du moment auquel surviendront ces changements. Par exemple, prévoyons-nous que cela se produira au cours des deux prochaines années? Tous ne s'entendent pas sur la rapidité avec laquelle la technologie va s'implanter dans le secteur bancaire.

M. Jim Pankiw: C'est ce que je me demande, en fin de compte. Les lignes directrices reposent-elles sur la situation actuelle ou tiennent-elles compte de vos prévisions?

M. Raymond Pierce: Non. Nous avons une attitude vraiment ouverte sur l'avenir. Nous nous demandons ce à quoi il faut s'attendre, particulièrement au cours des deux prochaines années. Quelle sera la situation de Wells Fargo dans deux ans? Aura-t-elle accru sa présence au Canada? La fera-t-elle électroniquement ou par d'autres moyens non classiques, autrement qu'en ouvrant des succursales sur place? C'est effectivement une question très pertinente actuellement.

M. Jim Pankiw: Et vos lignes directrices tentent d'en tenir compte le plus possible?

M. Raymond Pierce: Tout à fait.

La présidente: Monsieur Pankiw, je vous remercie.

Monsieur Ianno.

M. Tony Ianno (Trinity—Spadina, Lib.): Merci, madame la présidente. J'ai seulement quelques questions à poser.

Quand vous parliez de groupements des services, vous avez mentionné que certains d'entre eux donnent de forts bons résultats, par exemple le prêt consenti à la petite entreprise à condition que le compte d'opérations de cette entreprise se trouve à la même banque. Comment faites-vous, quand vous tenez compte de Wells Fargo? Il faut comparer des pommes avec des pommes!

M. Raymond Pierce: C'est une question à laquelle nous réfléchissons encore. La définition du marché de produits est-elle valable? Si elle l'est et que les services de transactions font partie de ce groupement, cela signifie que Wells Fargo ne fait pas vraiment partie du marché à moins qu'elle ne projette d'offrir ce genre de services, selon toute probabilité au niveau local, parce que la plupart du temps ce genre d'activité est très local.

M. Tony Ianno: Je vous remercie.

Pourriez-vous par hasard nous donner un exemple où, à l'examen des seuils de 35, de 65 et de 10 p. 100, il est presque certain que le projet de fusion sera rejeté parce qu'il ne répond pas aux exigences du Bureau... J'essaie de m'éloigner de la zone grise et de parler davantage de certitudes.

Nous savons que le projet peut être approuvé si les gains en efficience sont suffisants et que, même si l'effet est anticoncurrentiel, la réponse pourrait être maintenue parce que le projet avantage l'économie, et ainsi de suite. Nous savons également que, même si le seuil est supérieur à 35, à 65 ou à 10 p. 100, la réponse pourrait tout même être favorable si vous jugez que le marché est capable de tolérer de la concurrence supplémentaire.

M. Raymond Pierce: C'est juste.

M. Tony Ianno: Quand la réponse sera-t-elle non? Je ne vous parle pas de la zone grise, mais plutôt de cas où l'on est presque assuré que la réponse sera défavorable.

M. Raymond Pierce: Il y a beaucoup de jeux réciproques entre les parts de marché, les niveaux de concentration et les facteurs qualitatifs, ces autres facteurs que nous examinerions en rapport avec la concurrence étrangère. Toutefois, en bout de ligne, il faut que nous décidions si nous croyons que les parties pourront majorer les prix sur le marché ou si nous estimons que l'industrie dans son ensemble sera moins concurrentielle.

• 1610

M. Tony Ianno: Donc, en d'autres mots, si quatre grandes banques représentent 65 p. 100 du marché, que les coopératives de crédit en détiennent 7 ou 8 p. 100 et les banques énumérées à l'annexe II, 7 p. 100, que la Banque de Nouvelle-Écosse détient 14 p. 100... en d'autres termes, si les grandes banques détiennent 70 ou 65 p. 100 du marché, peu importe, et que trois ou quatre autres en détiennent 25 p. 100...

M. Raymond Pierce: Il est certain que la taille relative des concurrents qui restent au sein du marché est...

M. Tony Ianno: C'est un fait.

M. Raymond Pierce: ...un point important dont il faut tenir compte. Toutefois, il est difficile de ne pas émettre des réserves...

M. Tony Ianno: J'essaie de voir quand de toute évidence la réponse sera défavorable. C'est seulement un exemple, qui n'a rien à voir avec la réalité, plutôt un exemple de situation dans laquelle, si la réponse aux questions est A, B ou C, le projet est rejeté d'office. J'aimerais que vous vous écartiez le plus possible de la zone grise, pour que nous puissions au moins comprendre quand la réponse sera défavorable.

M. Raymond Pierce: Malheureusement, c'est probablement un peu plus compliqué que cela. En fait, l'évaluation se fait au cas par cas. Ce n'est pas un exercice de mathématiques.

M. Tony Ianno: D'accord. Je vous laisse esquiver.

M. Raymond Pierce: À elles seules, les parts de marché...

M. Tony Ianno: J'ai compris.

Merci beaucoup, madame la présidente.

La présidente: C'est nous qui vous remercions, monsieur Ianno.

[Français]

Monsieur Rocheleau, s'il vous plaît.

M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Dans votre document, vous faites état de la chronologie des événements. Vous dites qu'en décembre 1998, le Bureau de la concurrence transmettra ses conclusions aux parties voulant se fusionner ainsi qu'au ministre des Finances. Par ailleurs, le Bureau de la concurrence relevant du Comité permanent de l'industrie en termes parlementaires, peut-on s'attendre à ce que le comité soit informé des résultats de vos travaux?

[Traduction]

M. Raymond Pierce: Le ministre des Finances a déclaré publiquement, en juillet dernier, quand nous avons diffusé nos lignes directrices pour l'application de la loi en matière de fusion bancaire, qu'il rendrait publique notre lettre. Je suppose qu'il le fera peu de temps après l'avoir reçue. Donc, effectivement, le grand public connaîtra les résultats de notre examen.

[Français]

M. Yves Rocheleau: Faut-il comprendre que, dans votre esprit, le Comité permanent de l'industrie n'est pas partie prenante en termes de livraison d'information?

[Traduction]

M. Raymond Pierce: Nous avons l'intention d'envoyer une lettre aux quatre banques, aux quatre parties aux transactions projetées, ainsi qu'au ministre des Finances. Nous n'avions pas prévu de l'envoyer directement au Comité de l'industrie, mais je suis certain qu'étant donné le haut profil de ces transactions, la lettre sera rendue publique par le ministre des Finances. En fait, je m'attends que le texte entier de la lettre sera rendu public.

[Français]

M. Yves Rocheleau: Compte tenu de l'ampleur et de la complexité du dossier, considérez-vous que le Bureau de la concurrence possède les outils nécessaires, selon les critères habituels, pour être en mesure d'évaluer de façon juste et correcte toute la problématique qui sous-tend les projets de fusion des quatre banques?

[Traduction]

M. Raymond Pierce: Oui. Ces transactions sont sans nul doute très importantes et complexes, mais nous n'en sommes pas à nos premières armes dans ce domaine. De plus, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, nous faisons aussi appel à des experts de l'extérieur. Ainsi, nous avons retenu les services de certains économistes et de personnes qui ont travaillé dans l'industrie, de personnes qui selon nous connaissent très bien l'industrie. Ces personnes participent beaucoup à l'analyse, elles nous fournissent leurs opinions et nous aident. À nouveau, je précise que ce n'est pas un exercice bidon, que nous tenons vraiment à faire une évaluation juste.

[Français]

M. Yves Rocheleau: Dans le système économique capitaliste, l'activité des banques est quand même différente de celle des fabricants de sucre, des pétrolières ou des gens dans le domaine du tabac, où on fait la concurrence avec des produits manufacturiers, alors que les banques manipulent l'argent, qui est au coeur du système économique capitaliste. Êtes-vous aussi à l'aise pour manoeuvrer là-dedans que dans des domaines plus concrets?

[Traduction]

M. Raymond Pierce: Je conviens qu'il est certes différent du secteur manufacturier. À nouveau, ce n'est pas la première fois, de loin, que nous examinons des transactions dans le secteur tertiaire dont relève ce projet particulier.

• 1615

Toutefois, vous avez entièrement raison. Il s'agit d'une industrie très importante. C'est justement pourquoi nous nous sommes engagés dans cet exercice. Nous tenions à faire en sorte que le cadre d'analyse soit le bon et nous croyons bien y être parvenus, d'après les consultations publiques que nous avons tenues de même que l'avis du groupe de travail MacKay, qui appuie notre approche.

[Français]

M. Yves Rocheleau: Merci.

M. Denis Corriveau (agent de commerce, Bureau de la concurrence): J'aimerais compléter. Bien sûr, il s'agit d'une industrie très complexe, qui n'est peut-être pas aussi tangible que d'autres, mais, comme le disait M. Pierce, je ne connais aucun autre dossier auquel on aurait alloué autant de ressources, tant à l'interne qu'à l'externe. Parmi les experts que l'on embauche, il y a des gens qui ont travaillé dans l'industrie des services financiers pendant de nombreuses années et qui nous donnent vraiment le pouls de l'industrie. C'est vraiment un moyen privilégié pour aller chercher de l'expertise dans ce domaine très complexe.

M. Yves Rocheleau: Merci.

[Traduction]

La présidente: Je vous remercie.

[Français]

Merci beaucoup, monsieur Rocheleau.

[Traduction]

Monsieur Shepherd, je vous prie.

M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): Merci. J'essaie simplement de comprendre le quatrième et dernier élément. Si j'examine le processus, je constate que vous tenez compte des régions géographiques. De toute évidence, vous allez relever des endroits au pays où une fusion fera passer le nombre de banques de deux à une. Il est donc clair que les personnes qui habitent là, en supposant qu'elles se trouvent loin des autres institutions financières, auront un choix plus limité.

Il semble que vous soyez en train de dire que, bien que ce soit le cas dans certaines régions géographiques, cet effet peut être contrebalancé par les gains en efficience des institutions fusionnées. Vous ajoutez que les réductions de coûts n'ont pas à être transmises au consommateur.

Je trouve cela absurde. Si la fusion finit par limiter le choix de quelqu'un, cela n'a pas d'importance tant et aussi longtemps que la banque en sort gagnante. Vous n'y trouvez rien à redire.

C'est bien la définition?

M. Raymond Pierce: En termes généraux, effectivement. Comme je l'ai dit auparavant, nous effectuons une analyse coûts-avantages très générale. Si les fusions rapportent un avantage net à l'économie, la loi n'exige pas que les réductions de coûts soient transmises à qui que ce soit.

M. Alex Shepherd: Vous dites qu'elles rapportent un avantage net à l'économie, mais l'avantage de l'un est souvent la perte de l'autre. Ainsi, si l'avantage est une réduction des coûts salariaux, en réalité, quelqu'un a perdu son emploi. Si je saisis bien ce que vous êtes en train de dire, tant que les gens perdent leur emploi mais que les banques en sortent gagnantes, vous n'êtes pas opposé à ce que le consommateur soit privé de choix dans sa région.

M. Raymond Pierce: Nous examinons uniquement l'impact sur la concurrence. Nombre des autres questions que vous soulevez sont des questions d'intérêt public dont, vraisemblablement, le ministre des Finances peut tenir compte, qu'il approuve la transaction ou non.

Votre interprétation est exacte si l'on examine la question du strict point de vue des gains en efficience. Si l'on soutient qu'il y a moyen d'obtenir la même production en utilisant moins de ressources, cette réduction est considérée comme un gain en efficience parce que les ressources sont probablement débloquées pour d'autres utilisations plus productives au sein de l'économie, sans égard aux perturbations que de toute évidence cela provoque.

M. Alex Shepherd: Tout d'abord, quelle importance revêt la concurrence pour l'économie? Je croyais que l'objet de l'exercice était d'améliorer notre sort à tous grâce à la concurrence. Toutefois, vous êtes en train de dire que ce sont les actionnaires qui sont avantagés, pas tout le monde.

M. Raymond Pierce: Non. Je ne dis pas qu'un groupe particulier connaît un meilleur ou un pire sort que d'autres. J'ignore comment ces gains en efficience se répartiront dans l'économie. Je ne me suis pas prononcé à ce sujet. Il faudrait préciser que nous n'avons jamais vu de situation où les gains en efficience l'avaient emporté sur une baisse sensible de la concurrence.

M. Alex Shepherd: Mais que répondez-vous aux habitants de Port Perry, en Ontario, ou de Biggar, en Saskatchewan, qui n'ont plus le choix? Leur dites-vous que tout va bien parce que la Banque Royale et la Banque de Montréal font plus d'argent cette année?

• 1620

M. Raymond Pierce: La loi a pour objet explicite non pas d'encourager la concurrence comme une fin en soi, mais de l'encourager en fonction de l'économie de marché efficace qu'elle crée. C'est la raison d'être énoncée de la loi et son principal objectif.

M. Alex Shepherd: Passons à autre chose.

Si vous êtes un nouveau venu sur ces marchés et que vous examinez la situation actuelle des petites et moyennes entreprises, beaucoup de petits et moyens entrepreneurs vous diront qu'il n'y a pas de choix aujourd'hui. Si je demande un prêt à ma banque, le contrat comporte invariablement une disposition prévoyant qu'elle peut en exiger le remboursement dans un délai de 30 jours. Peu importe la raison pour laquelle j'ai besoin de cet argent.

En d'autres mots, les choix dont on dispose quant à la durée du prêt sont à court terme. Déjà, notre choix est limité. À mon avis, il s'agit déjà d'une économie restrictive. Tout ce que vous dites en réalité, c'est qu'elle n'est pas plus restrictive. Par contre, elle ne favorise pas vraiment la concurrence.

M. Raymond Pierce: Si nous en venions à la conclusion qu'il s'agit d'un marché de produits distinct et pertinent, nous l'examinerions afin de voir si les transactions ont un impact ou non sur la concurrence. Si, pour reprendre votre exemple, nous constations que, dans une région particulière, deux banques se livrent concurrence dans le secteur des prêts à la petite entreprise et que nous assumions qu'après la fusion, il n'y en aurait plus qu'une et que celle-ci pourrait rendre les modalités des prêts plus coûteuses, nous pourrions bien conclure que la transaction entraîne une baisse sensible de la concurrence.

M. Alex Shepherd: Tout cela est fort bien, mais ce que je disais, c'est qu'en réalité, il n'y avait pas auparavant de choix de produits, de sorte que, par définition, il n'y aurait pas de changements par après.

M. Raymond Pierce: Après la fusion.

M. Alex Shepherd: Toutefois, si c'est la concurrence qui vous préoccupe, vous devriez en fait essayer de trouver des moyens grâce auxquels ces établissements pourraient offrir plus de produits concurrentiels.

M. Raymond Pierce: Notre mandat consiste à examiner l'impact des transactions sur la concurrence.

Je comprends ce que vous êtes en train de dire. Toutefois, nous ne pouvons rien faire dans une région pour remédier au manque de concurrence qui existait au départ. Nous n'avons pas de pouvoir réglementaire nous habilitant à forcer une banque à s'établir sur ce marché particulier. Cela déborde du cadre de nos attributions.

La présidente: Monsieur Shepherd, je vous remercie beaucoup.

Monsieur Solomon, vous avez la parole.

M. John Solomon (Regina—Lumsden—Lake Centre, NPD): Merci, madame la présidente.

Le bureau a souvent approuvé des fusions et des prises de contrôle en fonction de ce que vous définissez comme étant des «engagements», à condition qu'ils soient approuvés par le directeur. Pouvez-vous nous donner un exemple d'engagement pris par le passé et nous dire si vous avez vous-même été témoin d'un engagement qui a été donné, puis retiré et ce qui s'est produit par la suite?

M. Raymond Pierce: En règle générale, le bureau a en réalité renoncé à la pratique d'accepter les engagements comme solutions à une baisse sensible de la concurrence. Depuis quelques années déjà, nous avons pour politique de transmettre le dossier au Tribunal de la concurrence pour que ces engagements soient inscrits dans ce que nous appelons «une ordonnance sur consentement».

En d'autres mots, nous concluons à une baisse sensible de la concurrence, nous portons le fait à l'attention de la partie, qui nous donne raison. Si nous parvenons à nous entendre sur une solution, nous soumettons la solution au Tribunal de la concurrence qui émet une ordonnance exécutoire dont les exigences—à ce stade-là, je ne parlerai plus d'engagements—peuvent être exécutées.

C'est justement ce que nous avons vécu comme expérience avec les engagements pris durant les premières années en vue d'exécuter les dispositions de la loi relatives aux fusions. Les parties tentaient de trouver des moyens de se soustraire aux engagements et aux obligations.

M. John Solomon: Est-ce ce qui s'est produit avec Ultramar quand elle a pris le contrôle de la division atlantique de Texaco? Elle avait promis de ne pas fermer la raffinerie.

M. Raymond Pierce: Oui, c'était un engagement.

M. John Solomon: Des engagements avaient été pris. Puis survint un changement matériel. Une fois que le directeur a approuvé ce changement, la société a pu fermer la raffinerie quelque trois ou quatre ans plus tard.

M. Raymond Pierce: C'est exact.

M. John Solomon: Donc, vous pouvez maintenant en faire une exigence grâce à une ordonnance du tribunal?

M. Raymond Pierce: Dans pareille circonstance, nous saisissons le Tribunal de la concurrence du dossier.

M. John Solomon: Ma prochaine question a rapport aux lettres que j'ai, en tant que député, reçues du président de la Banque Royale, M. John Cleghorn, du président de la Banque de Montréal, M. Matthew Barrett, et d'un des vice-présidents de la Banque Royale pour la région des Prairies. Dans ces lettres, ils affirment catégoriquement que, si les fusions sont approuvées, il n'y aura pas de pertes d'emploi en Saskatchewan ni pertes de concurrence au sein des petites agglomérations qui conserveront leurs succursales; s'il y en a deux dans la même ville, l'une d'elle sera fermée, mais on maintiendra le nombre d'employés et on continuera d'offrir les mêmes services.

• 1625

Voici ma question. Si ces engagements ou ces lettres étaient soumis au tribunal, seraient-ils exécutoires? Dans l'affirmative, de quelle façon?

M. Raymond Pierce: Certains de ces points débordent nettement du cadre de notre mandat. Nous avons pour mandat simplement de déterminer s'il y a baisse sensible ou pas de la concurrence. S'il y a effectivement baisse sensible de la concurrence, nous nous assoirons avec les parties et tenterons de nous entendre sur une mesure correctrice quelconque.

Certains des points que vous soulevez, par exemple si les niveaux d'emploi sont garantis, ne sont pas des questions au sujet desquelles le tribunal a le pouvoir de se prononcer et d'émettre une ordonnance. Le pouvoir du tribunal se limite à remédier à une baisse sensible de la concurrence. Manifestement, certaines de ces questions ne sont pas de notre ressort.

M. John Solomon: En ce qui concerne les lignes directrices, si ces lettres étaient soumises à la Cour fédérale, si elles étaient notariées, si la partie faisait une affirmation solennelle et que les lettres étaient fournies au Tribunal de la concurrence pour qu'il en tienne compte durant l'analyse de la fusion, aideraient-elles à obtenir le feu vert?

M. Raymond Pierce: La première chose à faire, c'est de voir s'il existe un problème au départ. S'il y en a un, nos lignes directrices prévoient un processus. Une fois que le ministre des Finances a émis une opinion et qu'il a fait connaître ses vues au sujet de tout autre point qui pourrait relever de l'intérêt public, nous rencontrons les parties et cherchons avec elles à négocier des mesures correctrices. S'il y a entente, ces mesures peuvent aboutir devant le Tribunal de la concurrence comme elles peuvent ne pas y aboutir.

Cependant, en ce qui concerne certains des points que vous mentionnez, par exemple en rapport avec l'emploi et d'autres questions d'intérêt public, il faudrait que les parties négocient avec le ministre des Finances.

M. John Solomon: Je faisais allusion aux succursales, pas seulement aux employés. Les succursales débordent-elles du cadre de votre mandat en ce qui concerne l'application des critères et des lignes directrices?

M. Raymond Pierce: Les succursales n'en relèvent pas, en ce sens que, si nous estimons en fin de compte qu'il est peut-être nécessaire, pour préserver la concurrence, de vendre certaines succursales, cette question relèverait définitivement de notre mandat et peut-être même de celui du tribunal.

M. John Solomon: Tout à l'heure, vous avez mentionné plusieurs mémoires que vous avez reçus. Sont-ils du domaine public? Notre comité pourrait-il se les procurer?

M. Gwillym Allen (sous-directeur adjoint, Politique économique et mise en application, Bureau de la concurrence, ministère de l'Industrie): Les mémoires que nous avons reçus au sujet du processus de consultation sont tous publiés sur Internet.

M. John Solomon: Merci.

La présidente: Avez-vous fini, monsieur Solomon?

M. John Solomon: Pour l'instant, oui.

La présidente: Monsieur Murray, si vous voulez bien.

M. Ian Murray (Lanark—Carleton, Lib.): Merci, madame la présidente.

J'aimerais revenir à la question de M. Solomon. J'ai moi aussi reçu une de ces lettres de la Banque de Montréal et de la Banque Royale dans laquelle leurs présidents s'engageaient à continuer d'offrir le service en succursale et à ne pas mettre d'employés à pied.

Monsieur Pierce, vous avez dit que ce genre d'aspect ne relève pas de votre mandat. Cependant, la Loi sur la concurrence n'interdit-elle pas aux sociétés de discuter de leur planification de marché et d'en venir à des conclusions quant à la façon d'atteindre leur rendement ultérieur? C'est la question que j'ai au sujet de cette lettre en particulier. Comment peuvent-elles faire cela si elles ne sont pas censées se parler de leur exploitation respective?

Vous me corrigerez si je fais erreur, mais, en tant que corollaire, beaucoup de membres du public veulent savoir quel serait l'impact des fusions. Par conséquent, s'il n'est pas possible aux termes de la Loi sur la concurrence que les banques projetant de fusionner s'assoient pour parler entre elles de parts de marché et de stratégies commerciales en vue de prédire leurs perspectives d'avenir après la fusion, le Bureau de la concurrence serait-il disposé à envisager peut-être la possibilité de leur donner une permission spéciale à cette fin?

M. Raymond Pierce: C'est en réalité une question de détail. Vous faites peut-être allusion à l'évaluation de l'impact sur l'intérêt public que propose le rapport MacKay.

Selon notre interprétation du rapport MacKay, il semble que ce genre d'évaluation de l'impact sur l'intérêt public aurait lieu si nous décidions que les transactions projetées sont préoccupantes et que le ministre décidait que d'autres questions d'intérêt public entraient en jeu.

• 1630

Les parties négocieraient alors avec nous et, s'il était possible de s'entendre sur des mesures correctives, elles produiraient ensuite cette évaluation de l'impact sur le public. C'est du moins la façon dont nous l'interprétons. À nouveau, tout est une question de détail. Nous parlons ici de transactions très importantes. Les banques échangent beaucoup d'informations, actuellement. Tout gravite autour de la quantité de détails qu'elles doivent échanger. Il s'agit de savoir si elles sont obligées d'échanger des plans d'entreprise détaillés et de nature délicate du point de vue de la concurrence.

La présidente: Merci, monsieur Murray.

Je tiens à rappeler aux membres du comité que je préfère qu'il ne soit pas question du rapport MacKay. J'aimerais qu'on s'en tienne aux questions relatives aux lignes directrices du Bureau de la concurrence, au mandat de celui-ci et à ce qu'il peut faire. Je préférerais que nous nous tenions à l'écart des autres aspects du rapport MacKay.

M. Ian Murray: Moi aussi. Ce qui m'intéressait au Bureau de la concurrence...

La présidente: Je comprends. Je tenais seulement à le rappeler aux membres.

M. Ian Murray: Du point de vue de la concurrence, à nouveau, les fusions se font en règle générale à l'échelle nationale. Il a été beaucoup question de concurrence au sein des agglomérations individuelles et, manifestement, il existe des collectivités où il n'y a pas de services bancaires, où il y a uniquement un guichet automatique ou une succursale unique. Vous avez aussi parlé des seuils de service, de la règle du 35 p. 100.

M. Raymond Pierce: Oui.

M. Ian Murray: Corrigez-moi si je fais erreur. Supposons qu'après la fusion, une banque dépasse le seuil admissible au sein de cette agglomération. Se peut-il que nous en arrivions au point où une banque devra fermer une succursale ou se défaire d'une d'entre elles afin de réduire sa part de marché au sein de cette collectivité?

M. Raymond Pierce: Utilisons un exemple extrême. Prenons le cas d'une collectivité où l'on ne trouve qu'une succursale de la Banque Royale et une autre de la Banque de Montréal. Supposons que nous en venions à la conclusion qu'il y aura une baisse sensible de la concurrence dans cette région particulière. Il se pourrait fort bien que nous leur disions de céder une des succursales à un autre concurrent qui, à ce moment-là, prendra la relève.

Toutefois, il n'existe pas de seuil admissible ou inadmissible de parts de marché. Les seuils relatifs aux parts de marché n'existent que pour déclencher un examen plus détaillé en vue de juger s'il y a baisse sensible de la concurrence.

Comme je l'ai dit auparavant, ce n'est pas un exercice mathématique. De toute évidence, il y a jeu réciproque des parts de marché, des ratios de concentration et des autres facteurs, et ils ont une grande influence sur notre examen de la transaction.

Par contre, la réponse à votre question est oui. Nous pourrions fort bien les obliger à se défaire d'une des succursales.

M. Ian Murray: Merci beaucoup.

La présidente: Monsieur Murray, c'est nous qui vous remercions.

Monsieur Pankiw.

M. Jim Pankiw: Votre réponse à la question de M. Shepherd me laisse quelque peu perplexe. Vous dites que l'efficience prime sur la concurrence. Je ne comprends pas comment vous mesurez cela ou ce que vous entendez par là exactement.

M. Raymond Pierce: La concurrence produit des gains en efficience. La concurrence n'est pas une fin en soi, mais simplement un moyen grâce auquel nous améliorons l'efficacité de l'économie de marché, son dynamisme. La loi reconnaît explicitement que, si les gains en efficience sont supérieurs à l'effet anticoncurrentiel, la transaction est approuvée.

M. Jim Pankiw: Pouvez-vous me répéter cela, s'il vous plaît?

M. Raymond Pierce: La loi prévoit explicitement que, lorsqu'une transaction entraîne des gains en efficience et un effet anticoncurrentiel et que ces gains sont supérieurs à l'effet anticoncurrentiel, la transaction est permise. En d'autres mots, la loi dit essentiellement qu'elle a pour objet les gains en efficience, de produire une économie de marché efficiente et dynamique.

M. Jim Pankiw: Je ne puis m'empêcher de penser qu'il y a un léger paradoxe ici...

M. Tony Ianno: Vous n'êtes pas le seul.

M. Jim Pankiw: ...peut-être pas globalement, mais si nous entrons dans les détails. Dans l'exemple de l'agglomération—je crois que c'est ce que disait M. Shepherd—où il y a deux banques, la concurrence est réduite, mais l'efficience est améliorée.

M. Raymond Pierce: Il se peut que l'efficience soit améliorée. Il ne suffit pas que les parties déposent quelques documents sur notre bureau. Nous analysons les gains en efficience très attentivement. Nous nous demandons s'il y a moyen de les réaliser autrement.

• 1635

M. Jim Pankiw: Permettez-moi de l'exprimer ainsi. Je crois que nous pouvons tous prévoir qu'en réduisant le nombre de succursales tout en offrant le même service aux clients qu'offraient les deux succursales, vous allez avoir besoin de beaucoup moins d'infrastructure. Il est certain que les banques souhaitent fusionner en vue d'améliorer leur efficacité. C'est probablement ce qui les motive. Il ne fait pas de doute que l'efficience sera améliorée, mais le problème que cela pose à certains, c'est de savoir si la concurrence en est diminuée. Pour ma part, si vous augmentez l'efficience, on peut s'attendre que les gains en efficience auront pour conséquence de réduire la concurrence. Pourtant, vous dites le contraire.

La présidente: La Loi sur la concurrence a pour but d'accroître l'efficience quel qu'en soit le prix. Je crois que c'est ce que dit M. Pierce.

M. Jim Pankiw: Par contre, il dit que l'accroissement de la concurrence est lié aux gains en efficience.

La présidente: Non...

M. Jim Pankiw: Ce n'est pas ce que vous dites?

La présidente: Monsieur Pankiw, je vous remercie. M. Allen va répondre.

M. Gwillym Allen: Voyons voir si je peux répondre à votre question. L'hypothèse de départ, c'est que les marchés fonctionnent habituellement avec plus d'efficacité lorsqu'il y a de la concurrence. Il existe des circonstances dans lesquelles les entreprises qui fusionnent le font par souci d'efficience. Ces gains en efficience leur permettent de réduire leurs coûts et peuvent, à court terme, affecter la concurrence.

Dans de pareilles situations, la Loi sur la concurrence exige que nous comparions les gains par rapport à l'effet anticoncurrentiel et que nous décidions si la perte que subissent certains consommateurs à la suite de la baisse de la concurrence, qui se traduit habituellement par des prix plus élevés, est contrebalancée par un gain pour les autres Canadiens, en ce sens que les ressources canadiennes sont mieux rentabilisées. Si l'économie canadienne y gagne en termes nets, la loi dit que la décision du Tribunal de la concurrence devrait être de donner le feu vert à la fusion.

M. Jim Pankiw: Cela semble logique jusqu'à un certain point, mais comment mesurer ce phénomène?

M. Gwillym Allen: Comment mesurer les gains en efficience?

M. Jim Pankiw: Non. Tout. Vous dites que vous examinez la fusion projetée de ces banques qui va probablement entraîner des gains en efficience partout au Canada. Parfois cependant, la concurrence s'en trouvera réduite, moins à certains endroits qu'à d'autres. Donc, vous allez donc comparer les deux et voir si la baisse de la concurrence est suffisamment grande pour interdire ces gains en efficience. Comment vous y prenez-vous pour mesurer cela?

M. Gwillym Allen: En fait, il s'agit de voir si les gains en efficience justifient les pertes que subissent les consommateurs.

M. Jim Pankiw: D'accord. Alors, comment vous y prendrez-vous?

M. Raymond Pierce: Puis-je faire une observation avant que ne réponde Gwill? Il faudrait selon moi éviter de faire des hypothèses au sujet des gains en efficience ou de la baisse sensible de la concurrence tant que nous n'aurons pas eu l'occasion de les examiner.

Quoi qu'il en soit, comme j'ai essayé de le souligner plus tôt, je pense que votre question est très valable, mais nous parlons de quelque chose d'extrême parce qu'il n'est jamais arrivé qu'une diminution sensible de la concurrence soit compensée par des gains en efficacité. Ce n'est jamais arrivé.

M. Jim Pankiw: Je m'excuse, mais pouvez-vous répéter?

M. Raymond Pierce: Nous n'avons jamais rencontré de situation où une diminution sensible de la concurrence a été compensée par des gains en efficacité. Autrement dit, le scénario dont vous parlez ne s'est encore jamais produit.

M. Jim Pankiw: Je n'ai pas vraiment présenté de scénario. Je me demande seulement qu'elle est votre méthode d'approche et comment vous déterminez ce genre de chose.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Pankiw.

• 1640

[Français]

Madame Jennings, s'il vous plaît.

Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): J'ai manqué la première partie de votre présentation. Donc, il se peut que vous ayez couvert un des points que je veux soulever. Vous parlez des critères de diminution ou d'empêchement sensible de la concurrence, de prix plus élevés, de réduction de la qualité des services à l'intérieur d'une période de deux ans. Si vous avez déjà couvert ces points dans votre présentation, je m'excuse. Pouvez-vous expliquer pourquoi vous souhaitez une période de deux ans plutôt que toute autre période de temps?

[Traduction]

M. Raymond Pierce: Ce délai de deux ans vient de nos lignes directrices pour l'application de la loi qui touche toutes les transactions. Nous avons consulté les lignes directrices pour déterminer si ce qu'elles prévoyaient s'appliquait à la fusion des banques, et le délai de deux ans y figurait pour permettre aux gens de discuter de la question. Personne n'a laissé entendre qu'il n'était pas suffisant.

Il faut se rendre compte que l'examen d'une fusion est difficile parce qu'il faut se projeter dans l'avenir et déterminer comment les marchés vont évoluer, et c'est particulièrement difficile quand il y a beaucoup de changements et d'innovations comme c'est le cas sur ces marchés.

Nous ne pensons pas vraiment pouvoir prévoir au-delà de deux ans s'il y aura une diminution sensible de la concurrence, c'est-à-dire si les prix vont augmenter et ne pas être concurrencés par d'autres. Selon nous, si cette situation peut se produire pendant deux ans, nous pourrions alors affirmer qu'il y a «diminution sensible de la concurrence», et nous nous inquiéterions.

Mme Marlene Jennings: J'ai une autre question à poser. Vous avez consulté beaucoup de gens et reçu un grand nombre de mémoires pour établir vos lignes directrices et les critères que vous alliez utiliser pour examiner les fusions proposées. Sur une de vos feuilles, vous dites avoir consulté les clients, y compris les PME et les consommateurs. Avez-vous eu des réactions de la part de ces deux groupes depuis que vous avez établi les critères et les lignes directrices? Sont-ils satisfaits de ce que vous avez décidé d'utiliser pour évaluer la situation?

[Français]

M. Denis Corriveau: Comme vous l'avez dit, ce sont des groupes représentant les intérêts des consommateurs et les intérêts des petites et moyennes entreprises qui ont été consultés. Ces groupes nous ont donné leur avis par le biais de mémoires qui sont disponibles sur notre site Web, comme on le disait. Ces consultations nous ont également permis d'identifier des personnes—là je parle de personnes représentant n'importe quel groupe—qui possédaient des renseignements qui pouvaient nous être utiles aux fins de l'examen de ces deux projets de fusionnement. Je ne peux vous en dire plus. Je ne peux dévoiler les noms de ceux qui nous donnent des renseignements, mais...

Mme Marlene Jennings: Peut-être me suis-je mal exprimée. J'arrive devant un comité qui est en train d'étudier un sujet et qui a le mandat d'élaborer un processus d'évaluation ainsi que les critères qui seront utilisés pour faire cette évaluation. J'ai mon opinion sur les critères, sur le processus même, etc. Je dépose un mémoire, je parle, je donne mon opinion, etc. Une fois que tout le processus est terminé, l'organisme décide quels critères seront retenus aux fins de l'évaluation pour en arriver à une décision pour ou contre. En tant qu'individu qui a présenté son avis, suis-je contente de cela? Est-ce que les associations de PME et les associations de consommateurs sont contentes des résultats de votre processus de consultation?

M. Denis Corriveau: Je peux vous dire qu'on n'a pas eu de commentaires disant que les lignes directrices finales sur l'application de la loi au fusionnement de banques avaient, sous quelque aspect que ce soit, des éléments qui ne satisfaisaient pas les groupes de consommateurs ou les associations représentant les petites et moyennes entreprises.

• 1645

D'après les commentaires que ces groupes nous ont faits lors des consultations, je peux dire que les quelques changements aux lignes directrices qu'on a adoptés vont dans le sens de...

Mme Marlene Jennings: De leurs recommandations?

M. Denis Corriveau: Oui.

Mme Marlene Jennings: Merci.

[Traduction]

La présidente: Merci beaucoup madame Jennings.

[Français]

Monsieur Rocheleau, vous avez une autre question?

M. Yves Rocheleau: On peut supposer que, dans le cadre de vos travaux, vous allez tenter de tenir compte de l'intérêt des clients, des employés, des actionnaires et des consommateurs en général. Pourrait-on savoir comment cela va se présenter objectivement? Quelle sera la structure de votre document du mois de décembre qui sera adressé aux premiers intéressés et au ministre des Finances? Comment cela va-t-il se présenter? Allez-vous faire état de concepts comme celui de l'efficience qui, peut-on penser, ont trait au fonctionnement de l'entreprise ou à la concurrence? Comment ces concepts-là seront-ils présentés? Êtes-vous en mesure de nous en donner un aperçu?

[Traduction]

M. Raymond Pierce: Je ne pense pas que nous avons beaucoup réfléchi au contenu de la lettre qui sera adressée aux intéressés et au ministre des Finances et nous n'allons évidemment pas le faire avant d'en arriver à certaines conclusions.

Mais, dans l'ensemble, nous n'allons pas divulguer de renseignements confidentiels dans cette lettre parce qu'elle sera rendue public et qu'il n'est pas dans l'intérêt des banques de divulguer des renseignements de nature délicate du point de la concurrence. Nous ne voulons pas qu'elle entraîne une diminution de la concurrence.

Nous examinerons les gains en efficience que les intéressés réclameront. En général, nous ferons connaître nos conclusions pour chacun des produits que nous examinerons ainsi que chaque zone géographique qui sera touchée. Nous avons parlé d'une lettre plutôt que d'un rapport, mais je m'attends à ce qu'elle soit assez détaillée compte tenu de l'ampleur des transactions en cause et du volume d'informations que nous avons dû dépouiller.

[Français]

M. Yves Rocheleau: J'ai une autre question à vous poser. Je voudrais savoir quel cas vous faites d'un témoignage qui m'apparaît important, celui de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, qui affirme qu'avec la fusion, ces deux banques-là contrôleraient au moins 70 p. 100 du marché canadien, alors que le secteur des petites entreprises affirme qu'une banque plus grosse n'est pas meilleure et qu'une concentration plus grande au sein du secteur bancaire signifiera moins de solutions financières pour les petites entreprises?

Quel cas faites-vous d'un témoignage aussi percutant que celui-là, de gens qui sont représentatifs, qui ont travaillé sérieusement et qui représentent, dans l'économie canadienne, des intervenants de première importance qui s'appellent la petite entreprise et la micro-entreprise?

[Traduction]

M. Raymond Pierce: L'effet potentiel de ces transactions sur les petites et moyennes entreprises est un aspect que nous avons fait ressortir au tout début de notre examen. Nous prenons la chose très au sérieux. Nous avons rencontré des représentants des petites entreprises. Nous sommes au courant de leurs inquiétudes et nous suivons de près ces questions pour déterminer si les transactions nuiront au secteur des petites et moyennes entreprises, ce qui est très important pour nous parce que ce secteur est un des moteurs de l'économie canadienne. Les répercussions sur le secteur des petites et moyennes entreprises est une question que nous étudions et qui sera traitée dans notre rapport.

La présidente: Merci beaucoup.

Monsieur Ianno, avez-vous une brève question à poser?

M. Tony Ianno: Oui, merci. J'aimerais obtenir une précision pour m'assurer que j'ai bien compris. La Loi sur la concurrence vise au bout du compte à améliorer l'efficience. On devrait parler de la «Loi sur l'efficience» et non pas de la Loi sur la concurrence si j'ai bien compris, même si la notion de concurrence n'est pas complètement exclue, parce qu'il n'est jamais arrivé qu'une diminution sensible de la concurrence ait été compensée par des gains en efficience d'après ce que vous avez dit. Je comprends.

• 1650

J'aimerais savoir si, au cours des 10 dernières années, vous avez rejeté une transaction conformément à la Loi sur la concurrence parce qu'un cas semblable s'était produit?

Mais avant cela, j'aimerais vous soumettre une hypothèse à ce propos. Si la diminution...

La présidente: Monsieur Ianno, puise-je vous demander d'être bref? Nous prévoyons un vote.

M. Tony Ianno: Oui.

La diminution de la concurrence est, j'imagine, désavantageuse pour le consommateur et un gain en efficience est au contraire avantageux pour les banques. Si cinq banques voulaient fusionner, ce qui représenterait pour elles une augmentation maximale de l'efficience, envisagerait-on de refuser la transaction en vertu de la Loi sur la concurrence?

M. Raymond Pierce: Nous analyserions la situation de la même façon, c'est-à-dire que nous nous demanderions si la diminution de la concurrence est compensée par des gains en efficience. On utiliserait exactement la même grille d'analyse.

Je ne sais pas si je parlerais plutôt de la «Loi sur l'efficience», parce que la concurrence est avantageuse pour le consommateur. Le premier article de la loi précise qu'elle a pour objet de stimuler l'efficience de l'économie et d'assurer aux consommateurs des prix compétitifs et un choix dans les produits. Elle vise aussi à assurer à la petite et à la moyenne entreprise «une chance honnête» de participer à l'économie. Ce sont les avantages que la concurrence offre.

Mais quand une transaction présente, d'un côté, une diminution sensible de la concurrence et des effets anticoncurrentiels et, de l'autre, des gains en efficience, il faut avoir un mécanisme pour trancher.

Quel est donc le compromis possible? La loi stipule que, dans un cas semblable—qui ne se produit pas très souvent—, on tranche en faveur des gains en efficience parce qu'ils représentent une réelle économie des ressources.

La présidente: Merci.

Monsieur Solomon, vous avez une autre question?

M. John Solomon: Oui, merci.

J'en conclus donc que, s'il y a moins de banques ou d'entreprises sur le marché et si les gains en efficience sont plus grands, la concurrence est moindre pour les consommateurs, surtout dans les régions rurales du Canada. Les gains en efficience profitent évidemment aux actionnaires dont la plupart, soit dit en passant sont les PDG des banques. On prévoit que les quatre PDG réaliseront environ un quart de milliard de dollars sur leurs actions. C'est un détail vous me direz.

Madame la présidente, on a signalé que le Bureau de la concurrence ne disposait pas des ressources ou des lignes directrices nécessaires pour s'occuper de cette fusion. En fait, on a recommandé d'étendre les lignes directrices du Bureau et de fournir des ressources additionnelles en vue des changements proposés à nos institutions financières.

Qu'en pensez-vous monsieur Pierce?

M. Raymond Pierce: Franchement, je n'ai pas entendu dire que nos lignes directrices ne convenaient pas à l'analyse de cette situation.

M. John Solomon: C'est dans le rapport MacKay.

M. Raymond Pierce: Je crois que le rapport MacKay approuve notre cadre d'analyse.

M. John Solomon: Mais il indique que vous avez besoin de plus de ressources. C'est ce qu'il recommande.

M. Raymond Pierce: Nous pensons disposer des ressources nécessaires pour nous occuper de cette question. Comme je l'ai dit, nous avons beaucoup de spécialistes de l'extérieur qui travaillent sur cette affaire, probablement plus que pour tous les autres cas que nous avons eus à traiter—et je ne parle pas seulement des fusions, mais de l'ensemble de nos dossiers.

De plus, nous avons affecté à la tâche certains de nos meilleurs employés. Des gens d'expérience, comme des employés qui connaissent le secteur des petites entreprises et d'autres qui ont une vaste expérience des transactions dans divers secteurs. Je crois que nous avons amplement ce qu'il faut pour nous acquitter de la tâche et tirer les bonnes conclusions.

M. John Solomon: J'ai une dernière question à poser.

En ce qui concerne le fusionnement, ces lignes directrices sont-elles celles sur lesquelles vous vous fonderiez ou vous êtes peut-être fondés pour étudier, par exemple, la concentration des capitaux dans les médias ou dans l'industrie pétrolière et gazière?

Je crois que le meilleur exemple que je puisse donner pour illustrer ma question est celui de la Saskatchewan. Depuis cinq ans, en Saskatchewan, nous avons vu la part de marché détenue par les stations-service indépendantes passer de 21 à 8 p. 100 à cause des fusions, de la fixation présumée de prix abusifs et d'autres motifs que le simple retrait des affaires.

• 1655

Nous avons observé une chute de 60 p. 100 des commandes des stations-service indépendantes. Elles ont donc perdu 60 p. 100 de leur propre part de marché en Saskatchewan. Si cette question était portée devant le Bureau de la concurrence, y appliqueriez-vous les mêmes critères?

M. Raymond Pierce: Nous ne pourrions appliquer ces critères que pour évaluer les répercussions d'un fusionnement, ou d'une transaction entre deux entreprises.

Il a d'autres dispositions dans la loi selon lesquelles la fixation de prix abusifs—puisque vous avez donné cet exemple—est une infraction criminelle. Ce sont donc ces dispositions qui entreraient en ligne de compte dans un tel cas.

La présidente: Merci.

M. Peric, M. Bellemare et M. Shepherd ont des questions à poser mais, avant de poursuivre, au cas où d'autres personnes voudraient revenir sur le sujet, j'aimerais souligner, monsieur Pierce, que vous avez parlé à quelques reprises de secteurs géographiques prédéfinis et de la RTA, la région de tri d'acheminement. Vous avez affirmé pouvoir imposer à une banque de se départir d'une succursale. Parlez-vous d'une région en particulier? Dans vos lignes directrices, lorsque vous parlez de régions différentes, parlez-vous de régions à l'intérieur d'une même RTA? J'essaie seulement de savoir comment vous allez définir la région géographique.

M. Raymond Pierce: Ce sont deux questions distinctes. La RTA, ou la région de tri d'acheminement—les trois premiers caractères du code postal—est simplement d'utilité analytique parce que c'est sur elle que se fonde l'Association canadienne des banquiers pour recueillir les données par succursale. Nous utilisons un programme élaboré par Statistique Canada pour situer ces données et pour calculer les parts de marché et les indices de concentration en fonction d'une RTA particulière.

Donc, si nous trouvons que les produits auxquels nous appliquons ces seuils de concentration et de parts du marché sont en deçà des seuils établis, nous pouvons très certainement affirmer que, d'après nous, ce secteur particulier ne posera pas de problème, parce que notre analyse du marché est très prudente et très restreinte dans la plupart des cas. C'est donc tout simplement pour des raisons pratiques que nous avons éliminé de l'analyse les régions et les produits qui ne nous semblent pas poser de problème.

Je crois que la question des fermetures n'était guère qu'une hypothèse, et une RTA peut plus ou moins correspondre à une région géographique donnée.

La présidente: Je tiens seulement à tirer cela au clair pour les fins du compte rendu. Je ne sais pas très bien comment la Société des postes délimite les RTA, mais je sais ce qu'elles sont dans ma région. Ma région est très vaste avec, ici et là, des noyaux de population très restreints. Il peut y avoir plus d'une succursale de la même banque dans de telles régions et ce qui m'intéresse, c'est de savoir si l'analyse porte sur suffisamment d'éléments. Tenez-vous compte de la superficie ou seulement de la population? Allez-vous analyser ce facteur?

M. Raymond Pierce: Le programme conçu par Statistique Canada permet d'analyser les données de bien des manières.

Par exemple, une RTA peut sous-estimer l'ampleur de la concurrence dans une région géographique particulière. Il pourrait y avoir deux ou trois concurrents juste en dehors d'une RTA, qui ne sont pas intégrés à notre analyse. Il est certain que nous devons faire preuve de jugement.

Ce que nous avons dit, cependant, dans les lignes directrices, est que si nous appliquons les seuils de part de marché ou de concentration à une RTA particulière et qu'ils ne sont pas atteints, cette région-là ne devrait vraisemblablement pas avoir de problème.

Vous avez cependant tout à fait raison de dire que ça pourrait ne pas correspondre à un marché géographique réel. Dans les secteurs urbains à forte densité de population, les RTA seront assez petites et dans les régions moins peuplées, les régions rurales, elles seront nettement plus étendues.

La présidente: Je pense en fait à la situation inverse où il se trouverait deux succursales d'une des banques visées par le fusionnement dans une même RTA, ce qui n'est pas forcément représentatif de la réalité.

M. Raymond Pierce: Alors on peut procéder en regroupant les RTA.

La présidente: Personnellement, je ne suis pas convaincue que l'utilisation de l'indicateur régional de tri d'acheminement est le meilleur moyen de régler la question d'après ce que vous dites et ce que des gens ont vécu, mais restons-en là et revenons aux questions.

M. Gwillym Allen: Est-ce que je peux seulement ajouter un commentaire?

À propos de votre scénario, tout d'abord, si la même banque avait deux succursales dans la RTA, il n'y aurait qu'un seul concurrent plutôt que deux. De plus, si la RTA était très vaste, nous aurions peut-être à examiner la question de plus près pour déterminer si cette RTA reflète effectivement la concurrence qu'il y a dans la région.

• 1700

Comme l'a souligné Ray, ce sont des seuils. Ce ne sont guère que des lignes directrices qui visent à faciliter l'analyse. S'il existe des situations comme celle que vous avez décrite, où la RTA est très vaste, ça peut être pour nous un signe qu'il faut les examiner de plus près pour nous assurer qu'il existe effectivement un marché et un milieu concurrentiel dans cette RTA.

La présidente: Je vous remercie de votre commentaire.

Monsieur Peric.

M. Janko Peric (Cambridge, Lib.): Monsieur Pierce, ces lignes directrices permettront d'arriver à une conclusion. Vous avez parlé de certains organismes et de certains groupes aujourd'hui, mais la majorité des Canadiens moyens ne sont pas au courant.

Nous savons qu'actuellement les quatre principales compagnies pétrolières contrôlent plus de 85 p. 100 du marché. Donc, il y a concurrence.

Faisons l'hypothèse que le ministre décide d'approuver le fusionnement. Le lendemain du jour où serait annoncée une telle décision, seriez-vous assez solidement préparés, avec les outils appropriés? Et sauriez-vous agir immédiatement, au besoin, pour faire en sorte que John MacDonald de Wawa, ou de Thompson, ou de Yellowknife puisse être entendu et servi rapidement? Est-ce qu'il y aurait suffisamment de concurrence?

M. Raymond Pierce: Si je comprends bien votre question, j'espère bien que nous n'en arriverons pas au point où n'importe qui n'importe où va se mettre à s'inquiéter, parce que nous aurons conclu que la concurrence est suffisante à tel ou tel endroit, ou qu'il y a une diminution sensible de la concurrence à laquelle il faut remédier d'une manière ou d'une autre. Comme nous en avons parlé plus tôt, ça nous amène à la question des mesures correctrices potentielles, ce qui signifie—et ce n'est encore qu'une hypothèse, parce que nous n'avons encore rien conclu—qu'une succursale devra peut-être effectivement être éliminée à Wawa, pour en revenir à votre exemple, pour que la concurrence soit maintenue; mais alors M. MacDonald n'aura pas à s'inquiéter.

M. Janko Peric: Ça ne me satisfait pas, parce que nous avons actuellement des secteurs où il n'y a pas de concurrence. Les quatre géants sont en train d'évincer les autres, et vous, au Bureau de la concurrence—et non pas au «bureau de l'efficience»—vous ne disposez d'aucun moyen pour vous en prendre à eux et protéger les consommateurs canadiens.

M. Raymond Pierce: Nous avons suffisamment d'outils. Je ne sais pas si vous faites allusion à un projet de fusion ou à un autre scénario particulier...

M. Janko Peric: Le jour suivant.

M. Raymond Pierce: Le jour suivant la fusion?

M. Janko Peric: C'est cela. Cela vaut pour n'importe quel secteur. Nous ne sommes pas obligés de nous limiter au secteur financier.

M. Raymond Pierce: S'ils ont recours à des pratiques anticoncurrentielles le jour suivant la fusion, alors cela veut dire que nous n'avons pas pris la bonne décision au départ.

M. Janko Peric: Nous avons connu une mauvaise expérience avec le secteur pétrolier.

M. Raymond Pierce: Peut-être, mais la loi prévoit des outils adéquats pour régler ces questions.

M. Janko Peric: Vraiment? Je suis étonné, parce que le Bureau de la concurrence semble dire qu'il n'a pas les outils nécessaires. Il a entrepris une enquête qu'il a dû abandonner à mi-parcours, faute de preuves. Nous savons tous cela.

M. Raymond Pierce: Vous parlez des modifications dont est saisi le Parlement, alors que je parle des dispositions relatives aux fusions. Ces dispositions, selon nous, sont très solides. Nous croyons pouvoir faire du bon travail.

Par exemple, nous venons d'examiner une transaction qui visait l'achat, par Petro-Canada, de la compagnie Ultramar. Nous avons conclu que cette transaction réduirait considérablement la concurrence, et nous l'avons rejetée. Concernant les fusions, nous avons suffisamment d'outils pour nous protéger.

Ce que vous dites vaut pour certaines des modifications qui ont été présentées au Parlement. Il y a certains moyens d'enquête qui pourraient nous être très utiles.

M. Janko Peric: Mais pouvez-vous me garantir, aujourd'hui, que si une telle chose se produit le jour suivant, dans douze mois, ou dans cinq ou dix ans, vous aurez suffisamment d'outils pour protéger le consommateur canadien?

• 1705

M. Raymond Pierce: Nous avons une des meilleures lois anti-trust du monde, et nous sommes prêts à l'appliquer si besoin est.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Peric.

Monsieur Bellemare, s'il vous plaît.

[Français]

M. Eugène Bellemare (Carleton—Gloucester, Lib.): Ma question va porter sur le processus. Donc, ce sera très élémentaire.

Si je comprends bien, le Bureau de la concurrence fait rapport au Parlement et non pas à un ministre particulier.

[Traduction]

M. Raymond Pierce: En vertu de la loi, le directeur des enquêtes et recherches fait rapport au Parlement, par l'entremise du ministre de l'Industrie.

[Français]

M. Eugène Bellemare: Votre décision sera-t-elle adressée aux requérants, avec copie au ministre, ou bien au ministre avec copie aux requérants?

[Traduction]

M. Raymond Pierce: Vous voulez savoir quel est le processus que nous utilisons. Est-ce que nous remettons une lettre au ministre des Finances, avec copie aux parties, ou vice-versa? Le processus que nous avons décrit ne fait pas expressément allusion au ministre. Quoi qu'il en soit, le ministre sera informé d'une façon ou d'une autre de la situation, tout comme les autres parties intéressées.

M. Eugène Bellemare: Non. Les banques ont soumis une demande. L'ont-elles présentée à votre bureau, en passant?

M. Raymond Pierce: Quel genre de demande?

[Français]

M. Eugène Bellemare: Pour le fusionnement.

[Traduction]

Pour le fusionnement.

M. Raymond Pierce: Oui.

M. Eugène Bellemare: C'est ce qu'elles ont fait. Donc, votre réponse, qu'elle soit négative, positive ou assortie de conditions, va-t-elle être transmise aux banques, avec copie au ministre, ou va-t-elle être communiquée au ministre?

M. Raymond Pierce: Nous allons communiquer notre réponse simultanément et au ministre et aux parties intéressées. Les lettres qu'ils recevront seront identiques.

M. Eugène Bellemare: Vous dites les banques. Or, le ministre ne représente pas une banque, de sorte que le contenu de la lettre ne peut pas être exactement le même. Quand vous écrivez au ministre pour lui parler des banques, vous utilisez la troisième personne quand vous faites allusion à celles-ci.

M. Raymond Pierce: Quand les entreprises nous présentent une demande et que nous prenons une décision, nous leur envoyons une lettre dans laquelle nous leur expliquons nos conclusions et les motifs qui sous-tendent celles-ci.

M. Eugène Bellemare: Vous écrivez aux entreprises?

M. Raymond Pierce: C'est exact.

M. Eugène Bellemare: Et la copie ou la lettre est adressée au ministre des Finances ou au ministre de l'Industrie?

M. Raymond Pierce: Seul le ministre des Finances recevra dans ce cas-ci une copie de la lettre.

M. Eugène Bellemare: Une copie de la lettre.

La présidente: Une précision, monsieur Allen?

M. Gwillym Allen: Ce cas-ci est unique parce que le ministre des Finances a le pouvoir d'approuver ou de rejeter tout projet de fusion au sein du secteur des services financiers, surtout en ce qui concerne les banques de l'Annexe I.

Par conséquent, quand nous envoyons une lettre aux parties intéressées pour les informer de notre décision, nous devons également aviser le ministre parce qu'il a le pouvoir d'infirmer toute recommandation qui, à son avis, va à l'encontre de l'intérêt public. De plus, en vertu de la Loi sur la concurrence, le ministre peut annuler toute décision du Bureau s'il juge que la transaction est souhaitable dans l'intérêt du système financier. Il a ce droit.

Par conséquent, les trois parties doivent être informées simultanément de notre décision. Le processus que nous avons exposé ici décrit tout simplement les mesures que prendrait le Bureau pour informer simultanément les trois parties intéressées.

M. Eugène Bellemare: D'accord. Quand vous envoyez une lettre aux banques et que vous dites, «Oui, vous pouvez» ou «Non, vous ne pouvez pas» ou si vous émettez certaines réserves, est-ce que vous précisez que le ministre dispose d'un délai—30, 60 jours ou 90 jours—pour annuler votre décision?

• 1710

M. Raymond Pierce: Non. Nous ne sommes assujettis à aucun délai. Nous n'avons pas le pouvoir d'imposer un délai au ministre des Finances.

M. Eugène Bellemare: D'accord. Vous avez dit ensuite que vous adressez une requête au Tribunal. Est-ce automatique? Quand vous adressez-vous au Tribunal?

M. Raymond Pierce: Non, ce n'est pas automatique. Voici le processus que nous suivons.

Nous informons simultanément les parties et le ministre des Finances de notre décision. Les parties attendent ensuite de voir si le ministre des Finances a d'autres préoccupations concernant l'intérêt public qu'il souhaite porter à leur attention. Il analyse les transactions et leur communique ensuite sa décision.

M. Eugène Bellemare: Vous avez parlé du Tribunal.

M. Raymond Pierce: Le Tribunal n'intervient pas encore dans le processus. Seul le ministre des Finances intervient. C'est lui qui a le pouvoir.

M. Eugène Bellemare: De s'adresser au Tribunal.

M. Raymond Pierce: Cela dépend dans une certaine mesure de la question de savoir si... Laissez-moi d'abord vous décrire le processus.

Le ministre des Finances informe les parties des préoccupations d'intérêt public que soulève la transaction. S'il est possible de trouver une solution à ces préoccupations ou aux problèmes de concurrence que pose la transaction, les parties reviendraient négocier une solution avec nous pour ce qui est des problèmes de concurrence, et vraisemblablement avec le ministre et le ministère des Finances pour ce qui est des préoccupations d'intérêt public.

À ce moment-là, la solution, l'entente négociée, serait de nouveau soumise au ministre des Finances, aux fins d'approbation. Il se peut, ou non, qu'on demande au Tribunal de la concurrence d'émettre une ordonnance à ce sujet—le ministre des Finances ayant le pouvoir de décider si la transaction doit être approuvée ou non.

La présidente: Je m'excuse, mais les cloches annonçant la tenue d'un vote vont bientôt sonner. Je voudrais que les membres du comité aient l'occasion de poser d'autres questions aux témoins.

Monsieur Jaffer.

M. Rahim Jaffer (Edmonton—Strathcona, Réf.): J'ai une question très brève. On l'a peut-être déjà posée plus tôt.

Compte tenu des changements qui s'annoncent et de la responsabilité du Bureau en ce qui a trait à la concurrence étrangère, je voudrais savoir quel genre de règles vous comptez appliquer quand viendra le temps de permettre aux banques étrangères de livrer concurrence à nos banques, au Canada. C'est une question que me posent sans arrêt les électeurs ou les autres personnes que je rencontre. Comment comptez-vous uniformiser les règles du jeu?

M. Raymond Pierce: Nous ne jouons aucun rôle à cet égard. Nous n'exerçons aucun pouvoir de réglementation ou de surveillance dans le domaine de la concurrence étrangère. Toutefois, nous essayons de déterminer, dans notre analyse, si l'arrivée d'entreprises étrangères risque d'entraîner une hausse de la concurrence. Si nous en sommes convaincus, alors nous en tenons compte quand nous sommes appelés à déterminer si un fusionnement aura vraisemblablement pour effet de réduire sensiblement la concurrence. C'est un facteur que nous prenons en considération.

M. Rahim Jaffer: Est-ce que vous proposeriez alors des mesures, par exemple, pour uniformiser les règles du jeu ou intensifier la concurrence entre les banques étrangères?

M. Gwillym Allen: C'est quelque chose que nous pourrions faire. Et je crois que nous l'avons fait dans au moins un cas, quand nous avons constaté qu'un fusionnement réduirait sensiblement la concurrence. Nous avons proposé, comme solution, que les tarifs soient réduits—c'était avant l'accord de libre-échange ou juste après celui-ci—et nous avons accéléré la mise en oeuvre du programme de dégrèvement tarifaire afin d'ouvrir le marché canadien à une plus grande concurrence et apaiser ainsi les craintes que soulevait cette question.

M. Rahim Jaffer: Ce qui m'intéresse particulièrement, c'est la règle de 10 p. 100 et les autres restrictions qui s'appliquent actuellement aux banques étrangères. Pourriez-vous modifier ces règles si c'était dans notre intérêt de le faire?

M. Raymond Pierce: Ces questions ont fait l'objet d'un rapport que le Comité des finances de la Chambre et le Comité sénatorial des banques sont en train d'examiner. Ils auront sûrement l'occasion de recueillir divers points de vue sur la façon dont ces questions devraient être traitées et sur l'opportunité d'approuver ou non les recommandations qui ont été formulées.

La présidente: Merci.

Les cloches pour le vote de 17 h 30 sonnent.

Madame Jennings, vous avez une brève question à poser.

Mme Marlene Jennings: Très brève.

• 1715

Je voudrais tout simplement quelques précisions. Vous n'avez pas le pouvoir de conclure qu'il n'y a pas suffisamment de concurrence, par exemple, sans même tenir compte d'un éventuel projet de fusion, que ce soit sur le plan géographique, dans certaines régions du pays, ou dans certains secteurs précis, comme dans celui des petites et moyennes entreprises. Vous n'avez pas ce pouvoir? Je veux tout simplement avoir des précisions là-dessus.

M. Raymond Pierce: Nous examinons l'état de la concurrence dans chacun des marchés de produit que nous avons cernés. Ce que je dis, c'est que nous n'avons pas le pouvoir d'intervenir si nous constatons que le niveau de concurrence est trop faible.

Mme Marlene Jennings: Déjà.

M. Raymond Pierce: Déjà, dans une région particulière, si elle ne subit pas les effets de la transaction. Nous ne pouvons pas obliger la banque X à s'implanter dans cette région. C'est ce que je dis.

Mme Marlene Jennings: Merci.

La présidente: Merci.

Je tiens à remercier M. Pierce, Mme Allen et M. Corriveau pour les explications très détaillées qu'ils nous ont données aujourd'hui. La discussion a été fort intéressante. J'ai l'impression que vous avez du pain sur la planche.

M. Raymond Pierce: Merci.