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INDY Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON INDUSTRY

COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 14 avril 1999

• 1534

[Traduction]

La présidente (Mme Susan Whelan (Essex, Lib.)): La séance est ouverte. Aujourd'hui, conformément à l'ordre de renvoi de la Chambre en date du mardi 20 octobre 1998, nous examinons le projet de loi C-235, Loi modifiant la Loi sur la concurrence (protection des acquéreurs de produits de fournisseurs intégrés qui leur font concurrence sur le marché de détail).

Cet après-midi, nous accueillons deux groupes de témoins. Je suis très heureuse de constater que, dans le premier groupe, il y a... Excusez-moi. Nous avons trois groupes de témoins.

• 1535

Sont présents, pour représenter l'Association du Barreau canadien, Mme Tamra Thomson, directrice, Législation et réforme du droit, et M. Barry Zalmanowitz, membre de la Section nationale du droit de la concurrence.

Nous accueillons aussi le professeur Jean-Thomas Bernard du Département d'économique de l'université Laval. M. Bernard est accompagné de M. Anindya Sen, du Bureau de la concurrence. Ensuite, nous entendrons M. Tim Columbus, conseiller auprès de la Society of Independent Gasoline Marketers of America.

Et pour représenter le Centre d'études sur les industries réglementées, nous accueillons M. Daniel Martin Bellemare, expert-conseil.

Trois déclarations liminaires sont prévues, je crois, à commencer par celle de l'Association du Barreau canadien. Ensuite, nous passerons aux questions. Les déclarations, je le rappelle à tout le monde, ne doivent pas durer plus de cinq minutes.

M. John Solomon (Regina—Lumsden—Lake Centre, NPD): Madame la présidente, les premiers témoins ont-ils déposé un document?

La présidente: Vous devriez l'avoir devant vous. Vous devriez avoir plusieurs documents. Est-ce que tout le monde a trois documents?

La greffière va s'assurer que vous avez tous en mains les trois documents en question. Ils auraient dû être livrés à vos bureaux, m'a-t-elle dit.

Bref, commençons par l'Association du Barreau canadien. Madame Thomson.

Mme Tamra L. Thomson (directrice, Législation et réforme du droit, Association du Barreau canadien): Madame la présidente, mesdames et messieurs, merci.

L'Association du Barreau canadien se félicite d'avoir l'occasion de vous parler aujourd'hui du projet de loi C-235, dont l'objet est de modifier la Loi sur la concurrence. L'Association du Barreau canadien est un organisme national qui représente plus de 35 000 juristes canadiens et qui s'est fixé comme objectif prioritaire l'amélioration du droit et de l'administration de la justice. C'est dans ce contexte que nous présentons nos observations au comité aujourd'hui.

Je suis accompagnée de Barry Zalmanowitz, membre de la Section du droit de la concurrence. Le mémoire qui vous a été transmis a été préparé par cette section et a été approuvé à titre de déclaration publique par l'Association du Barreau canadien. J'aimerais demander à M. Zalmanowitz de traiter du fond de la question.

M. Barry Zalmanowitz (membre, Section nationale du droit de la concurrence, Association du Barreau canadien): Merci, madame la présidente.

La Section nationale du droit de la concurrence de l'Association du Barreau canadien prie instamment le comité de ne pas recommander l'adoption du projet de loi C-235, que ce soit le texte d'origine ou sa version amendée. Comme vous le savez, ni l'Association du Barreau canadien, ni la Section du droit de la concurrence ne représentent un secteur particulier du milieu commercial ou industriel canadien. Il s'agit d'un groupe d'avocats qui pratiquent le droit de la concurrence et qui s'intéressent au développement ordonné du droit et de la politique de la concurrence.

Il faut se demander à quelle fin le projet de loi C-235 a été introduit. Son objectif déclaré est de protéger une catégorie particulière d'entrepreneurs, ceux qui se trouvent dans la situation où ils doivent s'approvisionner auprès d'un fournisseur qui se trouve être également un de leurs concurrents au niveau de la vente au détail.

Quel est l'objet de la Loi de la concurrence? Généralement parlant, la loi et la politique de la concurrence ont pour objet de maintenir et de stimuler la concurrence au Canada, de façon à faire prospérer l'économie canadienne et à la rendre plus souple. Si l'on se demande si ce projet de loi est conforme aux objectifs de la loi, il est assez clair, je pense, que la réponse est non, ce projet de loi n'est pas dans la ligne de la loi ni du concept même d'une politique de la concurrence. En réalité, c'est une tentative pour protéger une catégorie précise d'intervenants sur le marché des effets de la concurrence.

Ce projet de loi est incompatible avec le but général de la loi. Il est en contradiction avec un article de la loi qui porte sur le maintien des prix. En outre, dans la mesure où la protection des plus petites entreprises contre les prix d'éviction est prévue dans la Loi de la concurrence, il existe déjà des recours appropriés aux alinéas 51c) et 78a). Ces dispositions impliquent qu'il est contraire à la loi d'entraver de façon significative la concurrence et qu'il existe des recours.

À notre connaissance, il n'y a aucune étude ni documentation qui démontre que ce groupe d'entrepreneurs a besoin que le gouvernement intervienne et prenne en leur faveur des mesures de protection plus strictes que celles auxquelles peuvent avoir recours généralement leurs concurrents.

• 1540

L'autre question qui se pose est la suivante: quel effet ce texte législatif est-il susceptible d'avoir? Il est évident, je pense qu'en toute probabilité, ce texte aurait pour effet de décourager les fournisseurs de continuer à distribuer leur produit, entre autres, par l'intermédiaire des détaillants indépendants.

On peut se demander pourquoi, au départ, un fournisseur choisit de passer également par des détaillants indépendants pour distribuer son produit, et la réponse que l'on peut donner à cette question, c'est que, pour le fournisseur, il s'agit d'une méthode de distribution efficace et concurrentielle. Lorsqu'on impose des restrictions artificielles et que l'on crée des problèmes pour des fournisseurs qui ont recours à deux méthodes de distribution, il faut s'attendre à ce que cela ait pour effet de les dissuader de continuer à utiliser des détaillants indépendants pour ce type de distribution.

La question suivante est celle-ci: quel effet cela est-il susceptible d'avoir sur les consommateurs? Selon nous, il est probable que cela fera monter les prix, puisque la concurrence sera moins vive.

Dans une situation où des fournisseurs intégrés verticalement approvisionnent également des détaillants indépendants, l'entrée en vigueur de cette loi empêcherait le fournisseur en question de baisser le prix de détail parce qu'il craindrait toujours de commettre une infraction criminelle au cas où le prix de gros offert au détaillant indépendant ne serait pas conforme aux dispositions de la loi. Il est probable que les consommateurs y perdraient si le projet de loi C-235 était adopté.

En ce qui concerne l'économie dans son ensemble, le projet de loi imposerait des restrictions artificielles aux fournisseurs qui choisissent des méthodes de distribution efficaces. Cela aurait tendance à réduire la productivité et l'efficacité de l'économie canadienne, ainsi que le rapport entre les intrants et les extrants, un facteur que les économistes jugent déjà préoccupant lorsqu'ils comparent le Canada à d'autres pays industrialisés où la concurrence peut s'exercer.

Pour conclure, même si les modifications qui sont proposées répondent à certaines préoccupations touchant l'interprétation, l'incertitude et la conformité, elles n'éliminent pas les réserves fondamentales que suscite la législation non modifiée. Ce projet de loi n'entre pas dans le cadre d'une bonne politique de la concurrence. En réalité, il est contraire à toute politique de la concurrence; c'est une forme de réglementation des prix.

Ce qui est peut-être le plus troublant, dans ce projet de loi, c'est que s'il est adopté par le Parlement, le Canada aura dans sa Loi de la concurrence une disposition qui fait courir à ses citoyens le risque de commettre une infraction criminelle grave parce qu'ils adoptent des pratiques qui ne sont pas anticoncurrentielles.

Merci.

La présidente: Merci, monsieur Zalmanowitz.

Je demande maintenant à M. Bernard de faire sa déclaration liminaire.

[Français]

M. Jean-Thomas Bernard (témoignage à titre personnel): [professeur, Département d'économique, Université Laval] Bonjour. Je m'appelle Jean-Thomas Bernard et je suis professeur d'économique à l'Université Laval, à Québec. Je m'intéresse aux opérations du marché de l'énergie au Canada depuis près de 25 ans.

Au mois de janvier dernier, le personnel du Bureau de la concurrence m'a demandé de collaborer à une étude qui portait sur l'analyse de la concurrence dans le marché de l'essence au Canada. Ma participation a porté à deux niveaux. J'ai d'abord participé à la conception de l'étude et, par la suite, à mesure que l'étude progressait, j'ai formulé des commentaires sur les résultats obtenus.

Les économistes s'intéressent depuis longtemps aux opérations du marché de l'essence et ils ont évidemment produit des études là-dessus. Il faut donc se demander ce que cette nouvelle étude ajoute aux connaissances que nous avons déjà. Cette étude apporte des innovations sur trois aspects.

• 1545

Premièrement, il y a la richesse de l'information statistique. On a des observations sur le prix de l'essence dans 11 villes canadiennes; ce sont des observations mensuelles sur une période de neuf ans.

Deuxièmement, on innove dans cette étude quant au traitement des autres facteurs qui influencent le prix de l'essence. C'est un aspect important, parce que si on n'incorpore pas ces autres facteurs, il est possible qu'on attribue à la concurrence un rôle qu'elle ne joue pas étant donné que ce rôle est joué par ces autres facteurs. Parmi ces facteurs, mentionnons la taille des stations-service, la densité de la population et le revenu par habitant.

Finalement, une attention particulière a été portée au traitement de la mesure de la concurrence.

Les deux principales conclusions qui émergent de cette étude sont les suivantes.

Premièrement, en ce qui a trait au marché du détail, comme on s'y attendait, il opère dans le sens suivant. Lorsque la concurrence est vive, les prix sont plus faibles. Lorsque la concurrence est moins vive, les prix sont évidemment plus élevés. Notre indicateur de la concurrence est ce qu'on appelle la concentration. Moins il y a de joueurs, moins il y a de concurrence. Plus il y a de joueurs, évidemment, plus il y a de concurrence. À cet égard, les distributeurs indépendants ne jouent pas un rôle particulier. Ils se comportent comme les autres participants à ce niveau, à savoir les entreprises intégrées ou les entreprises à caractère plus régional.

La deuxième conclusion, c'est que le prix du pétrole brut influence directement le prix du marché de gros de l'essence. Quand il y a une augmentation d'un cent le litre pour le brut, on observe une augmentation d'un cent du prix de gros. Ceci nous indique que les raffineurs n'utilisent pas de façon stratégique le prix de gros pour influencer la concurrence en aval, au niveau de la distribution.

Pour terminer, j'aimerais souligner que l'étude a été faite selon les règles de l'art et que l'on a exploré différentes variantes des modèles qui ont été utilisés. Les conclusions que je viens de souligner ressortent fortement dans tous ces résultats. Donc, cela ne dépend pas spécifiquement de l'approche qui a été utilisée. Ce sont des conclusions de nature générale. Je vous remercie.

[Traduction]

La présidente: Merci, monsieur Bernard.

Je donne maintenant la parole à M. Tim Columbus.

Me Tim Columbus (Collier, Shannon, Rill & Scott; conseiller juridique, Society of Independent Gasoline Marketers of America (SIGMA)): Merci, madame la présidente.

Je m'appelle Tim Columbus. Je suis avocat à Washington, D.C., et à ce titre, j'agis comme conseiller auprès de la Society of Independent Gasoline Marketers of America et auprès de la National Association of Convenience Stores.

J'ai transmis à vos collaborateurs une brève déclaration que j'aimerais voir figurer dans le compte-rendu—si vous êtes d'accord, madame la présidente et vous aussi, mesdames et messieurs—et que je vais résumer.

Avant de me lancer, j'ai toutefois une précision à apporter. Lorsque ma famille est arrivée en Amérique du Nord, elle s'est d'abord établie au nord de la frontière entre les États-Unis et le Canada, et je tiens à vous remercier et à vous dire que c'est pour moi un honneur d'être ici aujourd'hui; je suis certain que mes ancêtres canadiens en seraient fiers et j'espère ne pas leur faire honte.

Avant de vous décrire les mesures que j'appuie, je devrais commencer par vous dire ce que je n'approuve pas. Je ne suis pas en faveur d'une législation qui interdit les ventes à perte. Je ne suis pas en faveur d'une législation qui impose une marge bénéficiaire minimum, ni de lois, quelles qu'elles soient, dont l'objet est de protéger une catégorie de concurrents plutôt que de favoriser la concurrence.

En revanche, j'appuie une législation qui a pour but de protéger les intérêts des consommateurs en assurant que personne ne peut avoir sur le marché une emprise indue qui prive les consommateurs des économies de coût découlant d'une efficience supérieure des activités à différents niveaux du système de distribution. En conséquence, je suis pour une décision favorable de la part du comité à propos du projet de loi C-235, une fois amendé comme le propose M. McTeague—d'ailleurs, madame la présidente, je vous prie de bien vouloir noter que chaque fois que je mentionnerai le projet de loi C-235, c'est de cette version amendée par celui qu'il l'a parrainé à l'origine que je veux parler.

• 1550

La version amendée du projet de loi C-235 n'est pas un texte législatif en faveur des ventes à perte, et il n'impose pas de marge bénéficiaire minimum. Il sert à défendre un principe très simple qui, pour être précis, est le suivant: aucune entité intégrée, comme une entreprise de raffinage intégrée, qui a dominé tous les niveaux du marché d'un produit primaire, ne devrait être autorisée à utiliser cette emprise pour éliminer ses clients, qui sont aussi des concurrents plus efficaces, en leur demandant de payer un prix de gros plus élevé que celui que cette entité intégrée fait payer aux consommateurs au niveau des ventes au détail.

Les économies que peut réaliser un distributeur n'ont de pertinence pour la concurrence que dans la mesure où un détaillant peut obtenir un produit comme l'essence à un prix qui, lorsqu'on y ajoute les frais d'exploitation, permet à ce distributeur de faire payer un prix égal ou moins élevé que le prix de détail dominant. Si un distributeur ne peut pas obtenir un produit comme l'essence à ce prix, il n'a tout simplement pas d'autre choix que de se retirer des affaires, quelle que soit l'efficacité de ses opérations.

Permettez-moi de vous donner un exemple. Présumez qu'une entreprise de raffinage, qui approvisionne en gros et au détail un certain marché, vend son essence au détail au consommateur 40c. le litre et la vend aussi 40c. le litre à la borne. Présumez en outre que pour acheminer l'essence de la borne au consommateur, il en coûte à cette entreprise de raffinage 6c. le litre. Le revenu net sur cette vente est de 34c. le litre. Le revenu net sur la vente au grossiste est de 40c. D'après moi, quand on se rend compte que ce distributeur aurait sans doute pu acheminer l'essence de la borne au consommateur pour 3c. le litre, on voit que cela aurait permis à l'entreprise de raffinage de faire payer 35c., c'est-à-dire un cent de plus en revenu net qu'il n'a en fait tiré de la vente au détail, d'ajouter 3c. pour couvrir ses frais d'exploitation, ainsi qu'un cent de bénéfice et pourtant, de faire payer un cent de moins au consommateur.

Cet exemple, qui n'est pas vraiment aussi irréaliste qu'il en a l'air, devrait vous amener à vous poser certaines questions, la première étant: pourquoi cette entreprise de raffinage est-elle dans le commerce de détail?

Ce que j'essaie surtout d'amener le comité à se demander aujourd'hui, c'est pourquoi une entité à but lucratif comme une entreprise de raffinage s'engagerait-elle dans une activité qui est clairement non économique et accepterait-elle régulièrement de tirer un revenu net moindre de ses ventes à une catégorie de clients, notamment quand il s'agit de toute évidence d'une proposition qui va à l'encontre de la façon dont fonctionnent normalement les marchés des produits primaires? Les ventes en gros coûtent toujours moins au vendeur que les ventes au détail. Il n'existe aucune raison économique qui explique pourquoi une entité à but lucratif ferait payer plus à ses clients qui lui coûtent moins qu'à ses clients qui lui coûtent plus, si ce n'est que le vendeur considère cette dépense comme un investissement qu'il espère récupérer ultérieurement.

La version amendée du projet de loi C-235 que propose M. McTeague n'est pas une panacée pour les distributeurs au détail d'essence ou de tout autre produit primaire. La version amendée du projet de loi ne prévoit aucune marge garantie, aucun bénéfice minimum, pour qui que ce soit. Toutefois, c'est un pas important dans la bonne direction c'est-à-dire, plus précisément, la protection des intérêts des consommateurs canadiens en s'assurant que des distributeurs efficaces au plan économique ne sont pas éliminés parce que leurs fournisseurs intégrés, qui sont également leurs concurrents, exercent sur le marché une emprise indue et—disons-le—abusive. Toute efficacité commerciale disparaît si le distributeur ne peut obtenir son produit à un prix qui lui permet d'avoir un rôle à jouer auprès du consommateur. Dans l'industrie canadienne des carburants automobiles, les sources d'approvisionnement sont très peu nombreuses. Les choses sont différentes là d'où je viens.

Je ne veux pas prendre trop de temps et je vais m'arrêter là. Je serais heureux de répondre à toute question que pourrait soulever mon témoignage.

La présidente: Merci, monsieur Columbus.

Je donne maintenant la parole à M. Daniel Bellemare.

M. Daniel Martin Bellemare (expert-conseil, Centre d'études sur les industries réglementées): Bonjour, madame la présidente, mesdames, messieurs. Je tiens à vous remercier tous de m'avoir invité, à titre d'expert-conseil auprès du Centre d'études sur les industries réglementées, à faire connaître au comité mon opinion sur le projet de loi C-235.

Le Centre d'études sur les industries réglementées est un organisme à but non lucratif affilié à la faculté de droit de l'université McGill. C'est dans ce contexte que nous faisons des recherches sur le droit de la concurrence et les questions de réglementation, et que nous intervenons dans ces dossiers.

• 1555

Pour moi, il ne fait aucun doute que les détaillants indépendants doivent être protégés contre les pratiques anticoncurrentielles des fournisseurs intégrés verticalement et ce, pour les raisons suivantes.

Premièrement, la concentration des activités est très marquée dans le secteur manufacturier canadien. La plupart des fabricants opèrent dans un marché de structure oligopolistique. Les spécialistes de l'organisation industrielle s'entendent généralement pour dire qu'un marché de structure oligopolistique n'est pas favorable à une concurrence des prix vigoureuse, particulièrement dans les cas où le produit concerné se présente toujours sous la même forme.

Deuxièmement, les fabricants intégrés verticalement—c'est-à-dire les fournisseurs-détaillants—utilisent leur emprise sur le marché au sein de leur secteur pour neutraliser les détaillants indépendants plus efficaces et plus soucieux de contenir leurs coûts, en leur faisant concurrence au niveau des prix. L'exemple le plus frappant est celui de l'industrie pétrolière, où les entreprises de raffinage intégrées verticalement font fondre les marges bénéficiaires des détaillants indépendants. Le problème est tellement grave que dans la province du Québec, nous avons été obligés de prendre des mesures législatives spéciales sur les ventes à perte, dans le cadre d'une loi concernant la Commission de l'énergie du Québec. Dans ce contexte, il devient essentiel de préserver la concurrence des prix au niveau du détail.

Troisièmement, nous sommes d'avis qu'il faut consolider le pouvoir de contestation des détaillants indépendants vis-à-vis les fabricants-fournisseurs intégrés verticalement, afin qu'ils se trouvent en meilleure position pour négocier les prix de gros et exercer des pressions sur les fournisseurs pour les pousser à plus d'efficacité et les inciter à être plus soucieux des coûts.

Si le secteur manufacturier canadien devenait plus concurrentiel, le marché sanctionnerait les fournisseurs. Toutefois, nous avons un problème très grave au Canada. Le Bureau de la concurrence—notamment le bureau du directeur des enquêtes et des recherches—est un organisme antitrust sans influence et totalement inefficace. Pire encore, le directeur a été le complice d'une oligopolisation de secteurs économiques clés, entre autres, le pétrole, les supermarchés et les télécommunications.

De fait, le Procureur général du Canada et le directeur ont délégué l'administration et la mise en application de la loi à quelques avocats du secteur privé qui représentent les plus grandes sociétés du Canada. Par exemple, en novembre dernier, nous avons demandé au Bureau de la concurrence de lancer une enquête sur la fusion Loblaws-Provigo. Les fonctionnaires du ministère de la Justice et du Bureau de la concurrence nous ont dit bien franchement que l'avocat qui représente Loblaws à l'heure actuelle est celui qui a représenté le directeur devant le Tribunal de la concurrence entre février 1995 et le 31 mars 1998 dans l'affaire de la fusion CAST. Or, la transaction entre Loblaws et Provigo a eu lieu en octobre ou novembre 1998.

Nous nous sommes adressés au ministère de la Justice, où l'on nous a dit qu'on allait nous envoyer une copie de la politique sur l'embauche d'avocats-conseils de l'extérieur, un mécanisme très efficace pour éviter tout conflit d'intérêts et toute crainte raisonnable de partialité. Dans cette politique, on peut voir clairement qu'il y a trois types de cas à considérer lorsque vient le temps de décider si une affaire doit être traitée par le ministère de la Justice ou à l'extérieur. Les affaires ayant trait aux droits de la concurrence sont classées dans la catégorie numéro deux, celle des affaires de routine. Telle est donc l'importance que le Procureur général et le Bureau de la concurrence accordent à l'application de la Loi de la concurrence au Canada.

Il ne s'agit pas d'un cas isolé. Le centre prépare actuellement une étude détaillée sur l'administration et l'application de la Loi de la concurrence depuis qu'elle est entrée en vigueur en juin 1986; nous allons prochainement publier cette étude.

Enfin, il faut se rappeler que si l'on se contente de modifier la loi, cela ne va pas produire de résultats, comme par magie. Il faut également que ces dispositions soient effectivement contraignantes. Ainsi donc, nous pensons que la loi devrait être renforcée mais ce qui, à nos yeux, pose un problème plus grave, c'est le fait que le directeur et le Procureur général évitent tous deux de faire appliquer la Loi de la concurrence depuis qu'elle est entrée en vigueur, en juin 1986.

Je vous remercie de votre attention. Je suis prêt à répondre à vos questions en français et en anglais.

• 1600

[Français]

Merci de votre attention. Je pourrai répondre à vos questions en français et en anglais.

[Traduction]

La présidente: Merci, monsieur Bellemare.

Monsieur Sen, vous pourriez peut-être expliquer pourquoi vous êtes assis à la table, pour que tout le monde soit au courant. Vous n'êtes pas avec M. Bernard, je m'excuse. Je n'avais pas réalisé que vous ne comparaissiez pas ensemble lorsque j'ai demandé à M. Bernard de prendre la parole.

M. Anindya Sen (économiste, Bureau de la concurrence): Bien sûr. Je m'appelle Anindya Sen et je suis l'auteur de cette étude. Je suis économiste auprès du Bureau de la concurrence. Plus précisément, je suis l'auteur de l'analyse économétrique portant sur les secteurs de gros et de détail de l'industrie pétrolière canadienne et j'ai collaboré aux travaux de M. Bernard et de M. Campbell Watkins. Ils témoignent au nom du bureau, mais j'ai pensé qu'étant également l'auteur du document, je me devais de me mettre à la disposition du comité personnellement, au cas où l'on voudrait me poser des questions.

M. Dan McTeague (Pickering—Ajax—Uxbridge, Lib.): J'invoque le Règlement: le témoin qui vient de se présenter doit comparaître plus tard cet après-midi. Je ne vois pas ce qui justifie sa présence ici. De fait, c'est plus tard cet après-midi qu'il doit comparaître.

La présidente: À ce que je sache, M. Bernard a demandé à M. Sen de l'accompagner. M. Bernard est notre témoin et ce sera M. Bernard ou M. Sen qui répondra aux questions, pas tous les deux en même temps.

M. Dan McTeague: Alors, madame la présidente, dois-je comprendre que demain, je peux me faire accompagner par quelqu'un, en fait, par qui je veux, sans que le nom de cette personne apparaisse sur la liste?

La présidente: Monsieur McTeague, si vous voulez donner votre temps de parole à quelqu'un d'autre demain, il n'y a absolument rien qui vous en empêche.

Nous allons maintenant passer à nouveau aux questions. Monsieur Chatters.

M. David Chatters (Athabasca, Réf.): Merci, madame la présidente.

Pour commencer, je me sens quelque peu obligé de faire une observation, tout simplement parce que, lorsque j'entends toutes ces critiques à propos du manque de concurrence sur le marché de l'essence, il me semble curieux qu'en réalité, le prix de l'essence au détail baisse depuis des années et est essentiellement aussi bas qu'il était il y a environ 20 ans. C'est une chose qui ne peut pas arriver s'il n'y a pas de concurrence et par conséquent, il doit y en avoir quelque part dans le système pour qu'il fonctionne ainsi.

J'ai plusieurs questions à poser à l'Association du Barreau canadien et, étant donné qu'elles s'adressent à des avocats, j'aimerais obtenir des réponses de caractère juridique.

À votre avis, est-ce que la mise en oeuvre du projet de loi C-235 est susceptible d'entraîner une contestation judiciaire fondée soit sur la nature discriminatoire de ce texte à l'encontre des compagnies intégrées verticalement et d'autres détaillants, soit sur le fait qu'il empiète sur un champ de compétence provincial? La réglementation des prix relève des provinces et, comme on l'a mentionné, le Québec a déjà exercé sa compétence en la matière en adoptant une loi. Donc, à mon avis, il se peut que le gouvernement fédéral empiète sur le champ de compétence des provinces.

Ma question s'adresse à M. Bernard. J'ai une objection à formuler à propos d'une observation que vous avez faite. Je ne remets pas en cause l'idée qu'il y a un lien direct entre le prix du pétrole brut et celui de l'essence au détail, mais vous avez dit que si le prix du pétrole brut augmente d'un cent le litre, l'essence augmente aussi d'un cent le litre, ce que je ne peux accepter. Je pense que c'est plutôt que si le prix du pétrole brut augmente de 1 dollar le baril, celui de l'essence augmente d'un cent le litre. Ce n'est pas du tout la même chose que ce que vous avez laissé entendre.

Quant à vous, monsieur Columbus, je constate avec plaisir que vous êtes en faveur d'une concurrence libre et ouverte et je ne comprends pas comment vous pouvez appuyer la version amendée de ce projet de loi alors qu'en fait, il impose des restrictions aux sociétés pétrolières intégrées verticalement en ce qui concerne l'établissement de leurs prix, alors que d'autres, dans le même marché, sont essentiellement libres d'agir à leur guise, étant donné qu'ils peuvent vendre en dessous du prix de gros qu'ils ont payé, sans être pénalisés. Par conséquent, cela ne rend pas les règles du jeu plus équitables, bien au contraire.

Dans la ville où j'habite, les sociétés pétrolières avaient fixé un prix au détail, et des compagnies comme Canadian Tire et Superstore, qui ne sont pas des sociétés pétrolières intégrées verticalement, vendaient au-dessous du prix de gros qu'elles avaient payé et récupéraient cette perte ailleurs. Dans le cadre des dispositions qui nous occupent, ces compagnies pourraient continuer à agir ainsi, et je ne vois pas en quoi cela favorise une concurrence libre et ouverte.

La présidente: Monsieur Bernard et ensuite, monsieur Columbus.

[Français]

M. Jean-Thomas Bernard: Il est possible que je me sois mal exprimé. Le commentaire portait sur la relation entre le prix du pétrole brut et le prix de gros pratiqué par les raffineurs.

• 1605

L'étude démontre que lorsque le prix du pétrole brut augmente d'un cent, cette augmentation d'un cent est reflétée dans le prix de gros de l'essence environ deux mois plus tard. Ceci nous indique que les raffineurs ne manipulent pas le prix du gros indépendamment du prix du brut. Lorsque le prix du brut change...

[Traduction]

[Note de la rédaction: Inaudible]

M. David Chatters: ...relation.

M. Jean-Thomas Bernard: Oui.

La présidente: Monsieur Columbus, avez-vous une observation à faire?

Me Tim Columbus: Merci, madame la présidente.

Monsieur, permettez-moi de vous répondre en trois points. Premièrement...

La présidente: J'aurais dû expliquer cela au début. Chaque député qui pose des questions dispose de cinq minutes pour le faire et obtenir des réponses, donc, si chaque témoin prend cinq minutes, cela va demander beaucoup trop de temps.

Me Tim Columbus: Compris.

Je ne crois pas que le marché de l'essence n'est pas concurrentiel. Même s'il n'y avait au Canada que trois sociétés qui vendent de l'essence, le marché serait concurrentiel. Toute la question est de savoir à quel prix. À un moment ou à un autre, si les problèmes que j'ai décrits dans l'hypothèse que j'ai formulée se présentaient, le client paierait plus cher qu'il ne le devrait parce que les économies réalisées par le biais de la distribution auraient disparu.

Ce que je veux dire est très simple: peu importe qu'il s'agisse d'une grande ou d'une petite entreprise; à mon avis, ce que le comité devrait viser avant tout, c'est préserver la capacité de quelqu'un qui remplit une fonction mieux que ses concurrents à faire bénéficier le consommateur de cette performance supérieure. Dans le contexte d'une industrie pétrolière intégrée, cela pose un gros problème à l'heure actuelle, parce que le prix de gros et le prix de détail sont de facto contrôlés par un fournisseur qui est également le concurrent du distributeur indépendant. Ce fournisseur n'a pas à se montrer concurrentiel sur le plan de l'efficience de ses opérations; il peut tout simplement, par le biais du prix, amener l'entreprise indépendante à mettre la clef sous la porte.

M. David Chatters: Dans ce cas, faisons la même chose que le Québec et imposons à tout le monde les mêmes restrictions plutôt que de viser uniquement les sociétés pétrolières intégrées.

Me Tim Columbus: Avec tout le respect que je vous dois, je ne peux me permettre de faire des commentaires sur ce que fait le Québec.

M. David Chatters: Bon. Maintenant il nous faut des réponses aux questions d'ordre juridique.

La présidente: Monsieur Zalmanowitz, vous aviez une question à poser ou un bref commentaire à faire?

M. Barry Zalmanowitz: Je pense qu'au début, M. Chatters nous avait posé une question qui portait sur la constitutionnalité du texte législatif. Ma réponse est la suivante: si le projet de loi ne porte pas sur la concurrence, mais s'il a simplement pour objet de protéger le pouvoir de contestation contractuel de quelqu'un qui est traité injustement, alors, oui, on peut se demander si le Parlement du Canada peut légiférer en la matière. Je pense qu'en fait, cela fait valoir notre argument. Nous ne considérons pas ce texte comme un document qui appuie le droit et la politique de la concurrence; c'est quelque chose d'autre.

Il y aurait donc là une difficulté. Je ne suis pas certain que cela puisse aboutir à une contestation fondée sur les dispositions relatives à la discrimination que l'on trouve dans la Charte. Ce n'est pas le genre de motif que l'on peut normalement invoquer pour contester une loi.

La présidente: Merci. Merci, monsieur Chatters.

Monsieur Peric.

M. Janko Peric (Cambridge, Lib.): Merci, madame la présidente.

Monsieur Zalmanowitz, vous avez mentionné que si ce projet de loi était adopté, le consommateur paierait davantage. Pourriez-vous être un peu plus précis? Pourriez-vous expliquer au comité comment cela pourrait arriver?

Ensuite, monsieur Columbus, au cours des cinq dernières années, la concurrence au Canada a chuté de 15 p. 100. Quelle a été la situation aux États-Unis au cours des cinq dernières années?

M. Barry Zalmanowitz: La raison pour laquelle, à notre avis, ce texte législatif aurait tendance à faire augmenter le prix demandé au consommateur est qu'un problème se pose lorsqu'une concurrence s'exerce au niveau du prix et qu'il commence à baisser. C'est dans ce genre de situation que le détaillant se trouve pris entre deux feux. Cela arrive habituellement à cause d'un facteur qui peut déclencher une guerre des prix. Mais le problème que pose ce texte législatif, c'est que le concurrent intégré, avant de décider de réduire un prix ou de réagir à une concurrence qui s'exerce par les prix, va d'abord s'inquiéter de savoir s'il risque de violer les dispositions de cette loi et de commettre une infraction criminelle et s'il faut, en même temps, qu'il aligne le prix de gros qu'il fait payer à ses détaillants indépendants. Cela aura tendance à fixer les prix plus solidement à un niveau plus élevé. Tel est notre argument. Nous pensons que ce genre de tendance s'imposera.

M. Janko Peric: Monsieur Columbus.

• 1610

Me Tim Columbus: Si je comprends bien votre question, je peux vous dire qu'aux États-Unis, la concurrence sur le marché de détail de l'essence est intense. Elle est exercée, pour une bonne part, par ceux que nous appelons affectueusement les «détaillants indépendants de sous-marques», c'est-à-dire les gens qui ne font pas venir un produit portant la marque de commerce des plus grandes sociétés pétrolières.

Ce secteur de l'industrie américaine est depuis longtemps considéré comme celui qui est le plus compétitif au plan des prix. On n'y vend pas de produit de marque et l'on n'accepte pas les cartes de crédit. Ce secteur vit d'idées novatrices et de prix compétitifs. C'est un secteur qui, au fil des années, a toujours été considéré par la Commission du commerce fédéral et d'autres entités américaines chargées de contrôler les pratiques restrictives comme le plus favorable à la concurrence sur le marché de détail de l'essence aux États-Unis.

Le meilleur exemple que je peux vous donner est celui de l'opinion qui a finalement prévalu dans l'affaire Mobil contre Marathon au début des années 80, lorsque la société Mobil a essayé d'acheter Marathon. Cette transaction a été bloquée dans une large mesure à ce moment-là parce que Marathon était le plus gros fournisseur des distributeurs de sous-marques aux États-Unis.

M. Janko Peric: Monsieur Zalmanowitz, avez-vous des observations à faire sur le déclin de la concurrence au Canada au cours des cinq dernières années?

M. Barry Zalmanowitz: Je ne pense pas que la concurrence ait décliné. Je n'ai pas analysé la chose du point de vue économique. M. Bernard serait probablement mieux placé pour vous répondre, je crois.

M. Janko Peric: Avant de donner la parole à M. Bernard, je trouve intéressant que vous, qui représentez un organisme de 35 000 membres, soyez venu témoigner devant le comité sans vous y être préparé comme il se doit; et pourtant, vous vous déclarez contre ce projet de loi. Vous ne savez pas que, selon les Canadiens... Nous avons eu l'occasion de les écouter au cours de la dernière année et demie, et ils ne représentaient pas tous un seul secteur de l'industrie, mais bien des secteurs différents. Et la même chose se passe partout, pas seulement dans le secteur de l'essence, mais également dans l'industrie alimentaire. Nous avons entendu hier des témoins qui nous ont dit ce qui se passe.

À mon avis, et c'est aussi l'opinion de M. McTeague et d'autres membres du caucus libéral, le consommateur paie davantage si la concurrence n'est pas vive, s'il existe un monopole.

M. Barry Zalmanowitz: Pour vous répondre, je dirais, je crois, qu'un des problèmes que pose l'amendement... Vous avez dit que nous n'avions pas fait... Que je prétends représenter 35 000 membres et qu'il s'agit de l'Association du Barreau canadien. Or, je représente la Section du droit de la concurrence. Je suis avocat dans un cabinet privé d'Edmonton. Je préside le Comité de la législation et de la politique et, même si l'on a peu de temps pour répondre à ce genre de question, nous répondons en nous fondant sur nos connaissances et notre intérêt pour ce domaine. Je ne suis au courant d'aucune étude. Il se peut fort bien qu'on en ait fait une.

Les consommateurs peuvent avoir une certaine perception de la chose, mais je pense que si vous voulez légiférer de façon responsable, vous allez chercher des études concrètes qui vous aideront à déterminer ceci: les prix augmentent-ils et est-ce que cela dénote que la concurrence est moins vive? Est-ce qu'une emprise s'exerce sur le marché dans le sens où ceux qui détiennent ce pouvoir font plus de bénéfices aux dépens du consommateur?

Je ne connais aucune étude qui étaye cela. Mais je serais porté à penser qu'avant de commencer à légiférer, vous allez vouloir que l'on fasse une étude quelconque pour, tout d'abord, cerner le problème et ensuite être en mesure de dire que cette législation va y remédier et non pas l'aggraver.

M. Janko Peric: Le Bureau de la concurrence...

La présidente: Dernière question, monsieur Peric.

M. Janko Peric: Oui.

Le Bureau de la concurrence ne savait pas que le caucus libéral avait effectué une étude sur le prix de l'essence et transmis un rapport au gouvernement, et je suis vraiment surpris que vous ne sachiez pas que le prix du pétrole brut est tombé de 26 à 9 $ et que le prix de l'essence n'a pas baissé de 50 p. 100. Avez-vous des commentaires à faire à ce propos?

La présidente: Monsieur Bernard.

M. Jean-Thomas Bernard: Je ne pense pas que le résultat de l'étude qui a été effectuée étaye votre dernière remarque, en tout cas, en ce qui concerne le prix de gros. Le prix a essentiellement suivi celui du pétrole brut. Le prix du pétrole brut a diminué et le prix de gros...

M. Janko Peric: Quel est le prix du pétrole brut en ce moment?

M. Jean-Thomas Bernard: En ce moment, en dollars US, je pense qu'il se situe autour de 14 à 15 $ le baril.

M. Janko Peric: Il était tombé à 9 $. Maintenant, il a remonté.

M. Jean-Thomas Bernard: Oui. C'est vrai, maintenant il a remonté. Bref, au cours de la période qui nous occupe, de 1991 à 1998, le prix avant les taxes a effectivement chuté au Canada. On parle, je pense, d'environ 4 à 10c. Il faudra que je vérifie, mais il y a bel et bien eu une baisse. Ce qui a augmenté, c'est la portion que représentent les taxes. C'est cela qui a augmenté.

• 1615

M. Janko Peric: Oh, nous savons bien qu'il y a une taxe provinciale et fédérale et de la TPS sur ces deux taxes, et nous recommandons au ministre des Finances d'éliminer la TPS sur ces taxes. Mais elles n'augmentent pas chaque fois qu'il y a un long week-end ou pendant l'été, avant de diminuer à nouveau. Quelle explication pouvez-vous donner à cela?

M. Jean-Thomas Bernard: Si l'on examine le...

M. Janko Peric: Nous n'avons plus le temps, madame la présidente...

La présidente: Monsieur Peric, s'il vous plaît, pourriez-vous laisser M. Bernard terminer. Vous avez posé une question.

M. Jean-Thomas Bernard: Bon...

M. Janko Peric: Pourrais-je juste réitérer mon point de vue à ce propos...

La présidente: Monsieur Peric.

M. Janko Peric: Merci beaucoup.

M. Jean-Thomas Bernard: Si l'on examine les choses dans leur ensemble, au plan de la part du marché, sur les 11 villes qui ont été étudiées ici...

M. Janko Peric: Je ne suis pas d'accord. J'ai écouté les indépendants...

La présidente: Monsieur Peric, laissez M. Bernard terminer. Ce n'est plus à vous de parler.

M. Janko Peric: Merci. Je peux utiliser mon temps de parole comme je veux.

La présidente: Merci. Oui, et il est écoulé. Je veux simplement entendre la réponse à la question pour que nous puissions passer à autre chose.

Monsieur Bernard.

M. Jean-Thomas Bernard: Bon. Si l'on examine ce qui se passe dans les 11 villes en question, la part de marché des indépendants au cours de la période concernée est restée, dans l'ensemble, à peu près la même. Dans certaines villes, elle a augmenté. La part de marché à St. John's, à Terre-Neuve, a augmenté. Dans la plupart des villes, il y a eu très peu de fluctuations—un petit mouvement à la hausse, un petit mouvement à la baisse, mais dans l'ensemble, pas de changement. Il est vrai qu'au cours de la même période... Même si ce n'est pas un chiffre exact, je dirais qu'environ 5 000 détaillants ont fermé leurs portes. C'est beaucoup, et c'est également une chose très pénible. Mais dans l'ensemble, cela n'a pas affecté la répartition des parts de marché entre les principaux distributeurs régionaux et les indépendants. Beaucoup de gens ont quitté le secteur, et il est assez facile de comprendre pourquoi.

Le marché a été réorganisé—les stations-services sont plus grandes et elles restent ouvertes plus longtemps parce que l'on y vend à manger et qu'elles offrent bien d'autres services. Alors, maintenant, elles peuvent rester ouvertes 24 heures sur 24 et tirer un revenu de tout cela, tant et si bien qu'elles fonctionnent de façon plus rentable et offrent plus de services à la population. Mais si l'on examine les données concernant les parts de marché, il n'y a eu aucun changement.

La présidente: Merci, monsieur Bernard.

Monsieur Solomon.

M. John Solomon: Merci, madame la présidente.

Je n'ai pas vu le rapport où l'on aborde les questions dont M. Bernard vient de parler, mais peut-être que les représentants de l'Association du Barreau canadien pourraient m'expliquer comment on a pu en arriver à la situation suivante. Il y a deux points à souligner. Premièrement, dans votre mémoire, à la page 5, vous indiquez, à la fin du deuxième paragraphe:

    Une filiale de fournisseur intégrée verticalement peut acheter de plus grandes quantités d'articles en bénéficiant de rabais en gros, ce qui fait baisser les prix de gros et les prix de vente au détail à des prix inférieurs à ceux qui seraient offerts aux fournisseurs non intégrés.

Je viens de la Saskatchewan, et au cours des dernières 25 années que j'ai passées dans cette province, je n'ai jamais vu un cas qui étayerait cette déclaration. Pourriez-vous chercher dans vos dossiers et m'indiquer par écrit, si vous ne pouvez pas le faire verbalement, ce qui prouve que c'est bien ce qui se passe dans un marché comme la Saskatchewan.

Je m'explique, madame la présidente, si vous le permettez. Entre l'automne 1997 et le début de 1999, c'est-à-dire pendant une période de 15 mois, le prix du pétrole brut se situait entre 10 et 13 $ le baril. En Saskatchewan, le prix de l'essence à la pompe est tombé d'environ 58 ou 59c. à 53,9c. en 12 ou 13 mois, si bien que l'essence coûtait entre 4 et 20c. de plus le litre que dans toute autre province du pays, dans toute autre zone commerciale possédant le même régime fiscal.

Je me demande comment, en vous appuyant sur les arguments juridiques présentés dans le mémoire que vous nous avez transmis aujourd'hui, vous pouvez définir une telle situation comme une concurrence ouverte et libre en vertu de la Loi de la concurrence actuellement en vigueur. Soit dit en passant, si je peux ajouter un détail, madame la présidente, dans les quelques heures qui ont suivi l'augmentation des prix ce printemps—même si cela a pris 15 mois pour que les prix baissent en Saskatchewan, il n'a fallu que 15 heures pour qu'ils augmentent et reviennent au niveau où ils étaient il y a environ deux ans.

La présidente: Monsieur Zalmanowitz.

M. Barry Zalmanowitz: Je ne peux rien dire sur la situation en Saskatchewan. Mais pour commencer, je peux répondre dès maintenant à votre question sur l'alinéa 50(1)a) de la Loi sur la concurrence, et l'expliquer. Cela signifie simplement que la loi permet de faire une différence en fonction des quantités. Un fournisseur peut faire une différence entre ses clients qui sont aussi des concurrents en accordant une ristourne sur quantité, à condition qu'il accorde cette même structure d'escompte à chacun. Et les fournisseurs le savent.

• 1620

Ce que nous voulions dire, c'est que, semble-t-il, les ristournes permettent plus d'efficacité. C'est pourquoi ces ristournes sur quantité sont consenties, car il est plus économique, pour un fournisseur, de vendre en grandes quantités plutôt qu'en petites. Nous soulignons simplement qu'il y a une contradiction entre l'alinéa 50(1)a), qui permet ce genre de chose, et les amendements qui interdiraient les ristournes sur quantité et les économies qui y sont associées. C'est ce que nous soulignons dans ce paragraphe.

Je ne sais pas si à un moment et à un endroit donnés, il y a eu en Saskatchewan des activités concertées ou autres. Je ne connais pas les faits et je ne dispose pas de renseignements à ce sujet. Je ne peux pas vous aider et je ne pourrai pas vous donner une réponse écrite car cela va au-delà de la portée de mon travail.

M. John Solomon: Merci, madame la présidente. Merci, monsieur, de votre réponse.

Cela ne se produit pas en Saskatchewan—ce qui se passe ici, selon vous, et dans d'autres régions du pays. Cela ne se produit tout simplement pas, car ce n'est pas Esso ou Shell qui baisse les prix. Ces dernières années, tout au moins, ce sont les compagnies indépendantes qui l'ont fait en Saskatchewan. Elles sont les seules qui peuvent assurer une certaine concurrence dans ce secteur.

Quelqu'un a dit, je crois que c'est M. Bernard, deux choses. Premièrement, le prix du pétrole brut est directement lié, point par point, au prix de l'essence à la pompe. Je pense que c'est vous qui l'avez dit.

M. Jean-Thomas Bernard: Le prix de gros.

M. John Solomon: Deuxièmement, que le nombre des indépendants et leur part de marché n'ont pas changé. Selon nos renseignements sur la Saskatchewan, entre 1992 et 1998, en six ans seulement, la part de marché des indépendants a chuté de 20,8 à 8,6 p. 100. Vos chiffres ne semblent pas coller à cette réalité, et je me demande pourquoi ils ne reflètent pas le fait que la part de marché des indépendants en Saskatchewan a décliné considérablement à la suite de pratiques déloyales de fixation de prix ou autres pratiques contre lesquelles le Bureau de la concurrence ne semble pas pouvoir lutter.

M. Jean-Thomas Bernard: En fait, je travaille avec les chiffres qui ont été publiés; ce n'est pas moi qui les ai inventés.

Essentiellement, nos observations ne concernent pas l'ensemble de la Saskatchewan, mais la ville de Regina. Dans cette ville, en 1988, les indépendants avaient une part de marché d'un peu plus de 10 p. 100 et une part un peu plus élevée encore en 1997.

M. John Solomon: En Saskatchewan?

M. Jean-Thomas Bernard: À Regina, et d'après moi, Regina représente une part assez importante du marché de la Saskatchewan.

Pour que vos chiffres soient exacts, il faudrait que tous les indépendants—j'exagère un peu—dans le reste de la province aient fermé leurs portes, parce qu'ils ont maintenu leur part de marché à Regina.

M. John Solomon: Je ne sais pas d'où vous tenez vos renseignements, car les chiffres que j'ai cités nous ont été fournis par la Independent Retail Gasoline Markets Association, qui semble avoir fait une étude assez approfondie sur le sujet.

M. Jean-Thomas Bernard: Eh bien, ce sont des statistiques officielles. Ce ne sont pas les chiffres du Bureau de la concurrence. Une bonne partie de cette information provient d'une étude réalisée par Ressources naturelles Canada, Industrie Canada et le Bureau de la concurrence, mais qui ne portait pas sur ce sujet en particulier. Lorsque vous regardez cette ligne, ici, il est difficile de dire qu'un bon nombre d'indépendants ont été éliminés du marché en Saskatchewan.

M. John Solomon: Professeur, ces statistiques indiquent-elles que le nombre des indépendants a augmenté, est resté le même ou a diminué?

M. Jean-Thomas Bernard: Cela ne nous dit rien sur le nombre des indépendants. Cela nous dit simplement que la part de l'essence vendue à Regina est restée stable.

• 1625

M. John Solomon: Je viens de Regina, madame la présidente, et j'aimerais dire, professeur, que le nombre de stations indépendantes a diminué de moitié pendant cette période et qu'il n'y a pas eu d'augmentation marquée au plan de la fréquentation. Je suis donc curieux de voir votre source de données—et peut-être pourrons-nous en parler plus tard.

La présidente: Merci.

Monsieur McTeague.

M. Dan McTeague: Merci, madame la présidente. J'aimerais faire remarquer une ou deux choses. Le rapport compilé par le Bureau de la concurrence que vous examiniez, monsieur Solomon, porte notamment sur Mohawk, Tempo et Super-Save. Mohawk est maintenant propriété de Husky, une raffinerie. Tempo appartient à la Federated Co-op, une raffinerie, et Super-Save à ARCO. Il est clair que le loup surveille la bergerie. Les statistiques données ici ne peuvent être exactes, car elles ne tiennent pas compte de la différence entre un véritable indépendant et une affiliée à un grand fournisseur intégré.

Madame la présidente, j'aurais une ou deux questions. J'aimerais dire que l'Association du Barreau canadien semble tout à fait satisfaite du statu quo. Je me demande si elle sait qu'il y a déjà eu 342 plaintes et seulement trois condamnations depuis 10 ans. Cela me préoccupe, car elle semble avoir beaucoup plus confiance dans le système et dans la Loi sur la concurrence actuelle que les consommateurs et bien d'autres gens qui sont touchés par tout cela.

Cela dit, mes questions s'adressent à M. Columbus. En vertu du projet de loi C-235, les détaillants peuvent-ils offrir des promotions, des prix d'appel ou des produits d'appel, etc.?

Me Tim Columbus: Tout à fait, c'est la façon dont je comprends le projet de loi, dans sa forme finale, une fois amendé, comme vous le proposez. Oui, monsieur. Rien dans ce projet de loi n'empêche un vendeur de fixer les prix qu'il veut. Il peut demander un prix aussi élevé ou aussi bas qu'il le veut. Il peut même donner son produit. La seule chose qu'il ne peut pas faire, c'est demander à son client, qui est un grossiste indépendant concurrent, un prix supérieur à que ce qu'il demanderait, lui, au niveau de la vente au détail.

M. Dan McTeague: Je note ici une observation du Barreau qui se dit préoccupé par la formulation des articles 50.1 et 78 du projet de loi. Malheureusement pour le Barreau canadien, l'énoncé est exactement celui que l'on trouve aux articles 78 et 79. Ma question est la suivante: Pouvez-vous expliquer pourquoi vous avez déclaré que les distributeurs américains indépendants sont considérés depuis longtemps comme les acteurs les plus efficaces de cette industrie?

Me Tim Columbus: Bien sûr. Le Bureau de la concurrence de la Commission du Commerce Fédéral est chargé, tout comme la Division antitrust du département de la Justice, de faire appliquer les lois antitrust américaines dans la perspective du gouvernement fédéral. À cet égard—je crois que c'était en 1981, mais ce pourrait être en 1982—il a fait une recommandation favorable, que la Commission a rejetée, à l'égard d'une plainte, examinée par la cour fédérale du district du nord de l'Ohio, concernant une injonction contre l'acquisition de Marathon par Mobil Oil Corporation. Le Bureau de la concurrence a toujours été d'avis que les détaillants indépendants de sous-marques ont toujours été le principal vecteur de la concurrence par les prix.

Comme j'ai déjà tenté de le dire, monsieur McTeague, la publicité fonctionne. Ces gens ne vendent pas sous la marque Esso. Ils vendent de l'essence sous une marque de distributeur. Par conséquent, le seul outil de concurrence efficace dont ils disposent, c'est le prix. Pour être des concurrents efficaces par les prix, ils doivent être très innovateurs. Ce sont eux qui ont inventé la vente d'essence libre-service aux États-Unis. Ce sont eux qui ont été les premiers à installer des magasins d'alimentation rapide près des stations d'essence pour se faire un revenu supplémentaire. Bon nombre de ces innovations ont maintenant été adoptées par les grandes compagnies.

Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que les grosses compagnies aiment à penser qu'elles font tout aussi bien que les petites. C'est parfois vrai, mais pas toujours. Traditionnellement, les entrepreneurs indépendants restent plus près de leurs coûts.

M. Dan McTeague: Monsieur Columbus, cela m'intéresse, car certains s'opposent au projet de loi en prétendant qu'il sera source d'inefficacité. Vous dites le contraire. Vous dites qu'il est extrêmement efficace d'avoir des exploitants indépendants—en supposant bien entendu que nos données soient exactes, puisque certains disent que l'information est douteuse et quelque peu faussée.

Pouvez-vous expliquer au comité le type d'infrastructure qui existe aux États-Unis pour transporter et entreposer les produits pétroliers. Pouvez-vous nous dire plus précisément si les États-Unis possèdent des terminaux publics, des oléoducs publics, des oléoducs publics reliés à des terminaux publics et des raffineries qui ne font pas de la vente au détail? J'aimerais noter ici qu'il n'existe pas au Canada d'infrastructure publique accessible et que tous les raffineurs vendent au détail.

Me Tim Columbus: En ce qui concerne l'accessibilité aux entrepôts publics et aux oléoducs collectifs, nous avons, comme vous le savez, une frontière plutôt ouverte en ce qui concerne les produits pétroliers. Le Canada est un grand exportateur de produits pétroliers vers les États-Unis. Cela facilite considérablement la viabilité et l'efficacité économiques des distributeurs indépendants. En fait, pourquoi une compagnie intégrée vendrait-elle à un distributeur indépendant si celui-ci ne peut pas obtenir le produit d'une autre source? Tant que le produit peut provenir d'une autre source, il y aura une concurrence au niveau du gros, ce qui permettra aux détaillants efficaces de survivre et de prospérer. Le fait d'être distributeur indépendant ne veut pas dire qu'on est l'acteur le plus efficace sur le marché. Si on n'est pas efficace, on est éliminé, comme n'importe quelle grande compagnie inefficace.

• 1630

Ce que j'ai voulu dire dans mon témoignage, c'est que le consommateur canadien risque, selon moi, de ne pas profiter de l'efficacité dont font montre les indépendants, et qu'en outre, le fait que cette infrastructure publique soit disponible—vous savez, les propriétaires de ces entreprises sont très bien payés et ont prospéré depuis 10 ans—contribue largement à la concurrence sur le marché de l'essence américain.

M. Dan McTeague: Voila qui était très instructif. Merci, monsieur Columbus.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur McTeague.

Monsieur Jones.

M. Jim Jones (Markham, PC): Merci, madame la présidente.

J'aurais une question. Quelle est l'obligation du fournisseur intégré à l'égard des stations-service indépendantes? Doit-il vendre à la station-service au Canada—oui ou non, selon le Barreau?

M. Barry Zalmanowitz: Non.

M. Jim Jones: Aux États-Unis?

M. Barry Zalmanowitz: Non, les fournisseurs intégrés n'ont pas l'obligation d'approvisionner qui que ce soit. Je ne connais pas de loi qui les oblige absolument à le faire. C'est une décision de nature commerciale.

Me Tim Columbus: Aux États-Unis, personne n'est dans l'obligation de vendre. C'est, je pense, une des raisons pour lesquelles on a proposé d'amender le projet de loi C-235. Cela ne constitue pas une réglementation du prix de l'essence au sens où nous l'entendons d'habitude. On peut faire ce qu'on veut. Si vous ne voulez pas être lié par ces dispositions, ne vendez pas en gros. Il y a donc une certaine souplesse.

M. Jim Jones: Je voudrais demander à nouveau à M. Columbus si, aux États-Unis, le nombre des stations-service... Dan, est-ce aux 10 ou 15 dernières années que s'appliquent les chiffres de 22 000 à 13 000 que vous citez?

M. Dan McTeague: Non, c'est dans l'étude de M. J.Ervin, madame la présidente, qu'on signale une réduction radicale. Cela date de 1995. Les chiffres pour la période de 1989 à 1995 étaient de 22 000 à 16 000.

M. Jim Jones: D'accord.

M. Dan McTeague: Bien entendu, il s'agit des chiffres d'Industrie Canada et des fournisseurs intégrés verticalement.

La présidente: Merci, monsieur McTeague.

M. Jim Jones: Bon. Ma question s'adresse à M. Columbus. Aux États-Unis, de 1989 à 1998, le nombre des stations-service a-t-il augmenté ou diminué?

Me Tim Columbus: Je ne sais pas. Je suppose qu'il a diminué. Comme vous le savez sans doute, en 1988, l'agence américaine de protection de l'environnement a adopté certains règlements sur les réservoirs de stockage souterrains qui exigent que l'on fasse des dépenses d'investissement importantes dans les points de vente de l'essence au détail. L'échéance fixée pour se conformer à ces règlements était le 22 décembre dernier. Je pense qu'en général, les points de vente les moins efficaces ont fermé leurs portes ou disparu.

M. Jim Jones: Dans le mémoire du Barreau, on dit également que les consommateurs seraient les perdants si cette loi était adoptée. Pourriez-vous élaborer?

M. Barry Zalmanowitz: Oui. Nous croyons qu'en imposant ce genre de restriction, si une compagnie intégrée qui vend aussi au détail doit tenir compte, avant de baisser son prix au détail ou de prendre une décision face à la concurrence, de l'effet que cela aura sur les compagnies indépendantes qu'elle approvisionne également, cette compagnie aura tendance à ne pas baisser ses prix à ce niveau. Les prix seront plus rigides et moins compétitifs et se maintiendront à un niveau plus élevé. Il semble que l'objectif de ce texte de loi est de protéger une catégorie précise de concurrents contre toute la rigueur de la compétitivité.

Je suppose que c'est un sujet connexe. Vous avez demandé si les fournisseurs intégrés sont obligés de vendre aux indépendants. La réponse est non. Si l'objectif était de se débarrasser d'eux, le plus facile serait tout simplement de ne pas renouveler les accords d'approvisionnement. Mais si l'on crée des lois difficiles qui gênent une compagnie intégrée ou l'empêchent de changer ses prix et l'obligent à prendre d'autres mesures pour s'assurer qu'elle ne commet pas d'infraction criminelle, elle pourrait avoir tendance à vouloir éliminer complètement les indépendants. Cela pourrait avoir le résultat opposé au but recherché. C'est un problème. Vous aurez alors, ou vous pourriez avoir, des prix plus élevés en vous débarrassant de tous les indépendants.

La présidente: C'est la dernière question, monsieur Jones.

• 1635

M. Jim Jones: Ma question s'adresse à M. Columbus. Dans votre présentation, vous avez dit que si le projet de loi est adopté, il protégera les consommateurs canadiens. Comment?

Me Tim Columbus: Il protège le consommateur canadien dans la mesure où il freine la tendance des compagnies intégrées à utiliser leur capacité de contrôler ce qu'il en coûte aux indépendants, qui sont des participants au marché potentiellement très efficaces, pour acheter leur produit et établir, dans leur réseau de points de vente au détail, le prix qu'ils obtiennent sur le marché, à utiliser donc cette capacité pour leur faire concurrence en baissant les prix plutôt que par une exploitation efficace.

On vient de dire que les compagnies intégrées pourraient décider que les indépendants ne sont plus nécessaires. Si elles peuvent le faire au Canada, le problème sera encore plus grave que ce que dont nous avons parlé. La plupart des compagnies intégrées veulent vendre leur produit au niveau du gros parce qu'elles trouvent cela rentable. Si on parle de ce que M. McTeague a proposé, c'est-à-dire de ne pas demander au grossiste un prix supérieur à celui qui est demandé au détaillant, et si cela est vrai et je crois que ça l'est, car comme il l'a dit, les ventes sont normalement beaucoup plus rentables en grandes quantités qu'en petites—on vend normalement au détail de 10 à 12 gallons plutôt que 8 000 gallons à la fois—le revenu net sur cette vente en gros sera beaucoup plus important. Il sera beaucoup plus avantageux de vendre d'importantes quantités en gros plutôt qu'au détail.

Je pense que les propriétaires de stations-service efficaces prospéreront et ceux qui ne le sont pas, qu'ils soient indépendants ou intégrés, échoueront. Le consommateur en profitera. C'est ce qui s'est passé dans mon pays.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Jones.

Monsieur Keyes, s'il vous plaît.

M. Stan Keyes (Hamilton-Ouest, Lib.): Merci, madame la présidente.

Avant de poser ma question à M. Columbus, j'aimerais d'abord le remercier de sa présentation. Il nous a bien parlé des prix de l'essence et de l'impact qu'aurait le projet de loi.

Je pense qu'il est important pour moi de savoir, monsieur Columbus, quelle pourrait être, selon vous, l'incidence de ce projet de loi sur d'autres produits, comme le commerce électronique ou les télécommunications, comme nous l'ont dit les représentants de ces industries. Je pense que Bell a fait un exposé. Je crois que même AT&T en fera un. Avez-vous réfléchi à la façon dont ce projet de loi les toucherait?

Me Tim Columbus: Non, monsieur. Je dois dire que non.

Ce dont nous parlons ici, c'est de la vente en gros par rapport à la vente au détail, monsieur Keyes. Les grosses quantités, par rapport aux petites, sont toujours associées à des coûts inférieurs. Il est donc difficile pour moi de comprendre pourquoi AT&T ou n'importe qui d'autre voudrait faire payer à ses clients les plus coûteux des prix inférieurs à ceux que cette compagnie fait payer à ses clients les moins coûteux.

M. Stan Keyes: Je comprends votre argument. Mais je dois dire que je ne vois pas très bien comment une compagnie—et cela se produit—qui est, disons, verticalement intégrée et qui offre des ristournes ou ce genre de chose, ne fait pas chuter le prix. Les ristournes font partie d'une concurrence naturelle. Si vous offrez des services de commerce électronique ou de télécommunication, cela aura une incidence sur vous. Vous voyez où se situe le problème au niveau de la concurrence.

Me Tim Columbus: Monsieur Keyes, j'aimerais avoir une réponse toute prête, mais je n'en ai pas.

M. Stan Keyes: Monsieur Zalmanowitz, mes électeurs—moi aussi, d'ailleurs—comprennent difficilement comment on peut payer un litre d'essence, une semaine avant Pâques, à Hamilton, 48c., alors qu'à Pâques, et pendant deux ou trois jours après, et même une semaine, il coûte 59c. Vous avez probablement vu la même chose dans la région au moment de Pâques. Je peux comprendre les difficultés que posent les modifications de prix et autres, mais il s'agit d'une hausse de 11c. du prix de l'essence. J'ai du mal à comprendre.

J'ai franchement essayé de savoir—ce projet de loi mis à part—si c'est une lacune de la Loi sur la concurrence elle-même ou si c'est le Bureau de la concurrence qui n'a pas réussi à régler certains des problèmes soulevés par les témoins, notamment ceux qui ont signalé un manque d'influence sur le marché lorsqu'ils ont comparu devant nous au sujet du projet de loi C-235 de mon collègue Dan McTeague. Si votre association a réfléchi à cette question, pensez-vous que l'on pourrait intégrer à ce projet de loi une modification à la Loi sur la concurrence pour tenir compte des préoccupations soulevées par mon collègue?

• 1640

M. Barry Zalmanowitz: Non. S'il s'agit d'empêcher les augmentations radicales du prix au détail de l'essence avant les jours fériés...

M. Stan Keyes: Non, non. Le projet de loi porte sur le détaillant indépendant qui veut acheter son essence moins cher que son concurrent ne la vend de l'autre côté de la rue, lorsqu'il achète en gros. C'est là la question.

M. Barry Zalmanowitz: Je ne crois pas que l'on puisse régler ce problème. À mon avis, ce n'est pas une question qui touche le droit ou la politique de la concurrence. À cet égard, il faudrait plutôt se demander si ces marchés sont généralement compétitifs. Je pense que M. Bernard a parlé de cela—de savoir pourquoi les prix augmentent dans un endroit et à un moment particuliers et si cela est le résultat d'une conspiration ou d'une entente.

M. Stan Keyes: Non, non, nous ne parlons plus de cela. Ce n'était qu'un exemple. Tenons-nous en à la question.

Le projet de loi de mon collègue Dan McTeague porte uniquement sur la situation suivante: un détaillant indépendant achète son essence au prix de gros 48c., remplit son réservoir souterrain, ferme son magasin ce soir-là, va en voiture jusqu'au bout de la rue et se rend compte que Sunoco, à qui il a acheté l'essence, la vend 46c. Voilà où se situe le problème, et c'est ce que le projet de loi tente de régler.

J'essaie simplement de savoir si nous pouvons réellement appliquer ce projet de loi. Ou bien, si l'on se rend compte que le projet de loi est trop vaste—et il y a des exemples en matière de télécommunication, etc.—comment pouvons-nous régler cette question par le biais de la Loi sur la concurrence? Il est évident que le Bureau ne fait pas son travail. Comment pouvons-nous lui donner les outils pour le faire?

Non, je vous le dis carrément, Walt. Cela me ne pose pas de problème.

S'il a besoin d'outils, comment pouvons-nous changer la loi pour que le bureau comprenne qu'il y a un problème? Pensez-vous que c'est possible? Pensez-vous que nous pouvons modifier la loi pour régler cette situation au profit du petit entrepreneur?

M. Barry Zalmanowitz: Je ne pense pas que cela soit possible sans nuire à l'efficacité de la Loi sur la concurrence.

M. Stan Keyes: Merci. Nous avons une réponse.

La présidente: Avant de continuer, j'aimerais informer les participants qu'il nous reste 16 minutes avant le prochain groupe de témoins, et M. Bernard doit nous quitter car il a un avion à prendre. Monsieur Bernard, vous pouvez partir; je vous remercie d'avoir participé à notre débat. Nous allons passer à la prochaine série de questions.

M. Jim Jones: J'aurais une brève question.

La présidente: Monsieur Jones, vous êtes de nouveau sur la liste, mais je ne vais autoriser qu'une question et qu'une réponse par intervenant, sinon nous n'aurons pas le temps.

Monsieur Chatters.

M. David Chatters: Voilà ma question: on a dit que le fournisseur totalement intégré n'a pas à vendre son produit aux indépendants. Cela me surprend un peu car je croyais que l'article 75 de la Loi sur la concurrence comportait une disposition sur ce que l'on appelle le refus de vendre, et que si l'indépendant n'a pas d'autre source d'approvisionnement, le Bureau de la concurrence peut obliger le fournisseur intégré à vendre à cet indépendant. Ai-je tort?

M. Barry Zalmanowitz: Il existe une disposition sur le refus de vendre dans la Loi sur la concurrence. Le commissaire—il a maintenant le titre de commissaire; auparavant, il était directeur—peut demander réparation auprès du tribunal si tous les critères sont respectés. Mais c'est généralement une exception. Le fournisseur n'est pas obligé de vendre à quiconque, et c'est parfaitement légal, à moins que le commissaire ne saisisse le tribunal et que le tribunal estime que les critères sont respectés et ordonne au fournisseur en question de le faire. Ce serait la seule réserve.

M. David Chatters: Bon, d'accord.

Pour terminer, cela m'étonnera toujours de voir que l'on s'inquiète de l'augmentation des prix le vendredi après-midi, au début d'un long week-end, et que l'on parle de conspiration et de fixation des prix. Pourtant, je sais qu'une caisse de Coca-Cola, vendue normalement 4,69 $, peut ne coûter que 2,69 $ pendant un long week-end. C'est la même chose. C'est de la commercialisation, du marketing. Cela se produit sans arrêt. Je ne vois pas où est le mal.

• 1645

La présidente: Merci, monsieur Chatters.

Madame Jennings.

[Français]

Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): J'ai deux questions et elles seront très succinctes.

La première s'adresse à M. Columbus. C'est au sujet des études qui ont été faites par M. Calvani des États-Unis et M. Johnson. J'aimerais savoir si vous avez eu la possibilité de réviser ces deux études. Dans l'affirmative, quelle est votre opinion de ces deux études et en quoi sont-elles pertinentes au projet de loi C-235? Je vous prie d'attendre avant de répondre, parce que j'ai une autre question pour Me Zalmanowitz et Me Thomson.

Elle concerne une allégation de M. Bellemare que je trouve très, très préoccupante. Je suis avocate de formation. Lorsque j'entends quelqu'un dire qu'il y a un manque d'impartialité ou un manque d'apparence d'impartialité de la part d'un organisme administratif qui exerce parfois des pouvoirs quasi judiciaires, je trouve cela très préoccupant. Il a soulevé le cas de l'avocat qui avait reçu du Bureau de la concurrence le mandat de faire enquête sur une plainte déposée par son institut, et c'est très préoccupant. J'aimerais avoir votre opinion là-dessus en tant que représentants du Barreau canadien. Je trouve cela très préoccupant et je vais pousser cela plus loin à l'extérieur de cette salle.

[Traduction]

La présidente: Monsieur Columbus.

Me Tim Columbus: Madame la présidente, je suis désolé, j'ai dû écouter très attentivement car j'ai perdu mon français.

Je dois dire que j'ai eu l'occasion d'examiner les études du commissaire Calvani et de M. Johnson. Vous devez savoir que je connais le commissaire Calvani depuis de nombreuses années et que je le tiens en haute estime. Je suis d'accord avec presque tout ce qu'il a dit sur la Loi de la concurrence américaine dans cette étude. Et je pense que les propos de M. Johnson, dont s'inspire en partie M. Calvani, sont exacts.

Je ne crois pas que ces études portent sur la question qui occupe actuellement le comité, étant donné que M. McTeague a proposé de modifier ce projet de loi pour en arriver à une proposition très simple, soit d'interdire à une compagnie de vendre en gros à un prix supérieur à son propre prix de détail. Ce n'est pas une loi sur la vente à perte, en tout cas pas au sens où on l'entend aux États-Unis, au niveau fédéral ou au niveau des États. Ce n'est pas une loi sur la marge bénéficiaire minimum, au sens que l'on donne à cette expression, ni sur ce dont traitent les études ou les tableaux inclus ici.

Je pense donc que M. Calvani vous a fait une excellente présentation sur la Loi sur la concurrence américaine, mais à mon avis, il répond à une question qui n'intéresse plus votre comité. Je dis cela avec tout le respect que je lui dois, mais je ne pense pas que cela soit pertinent dans le contexte dont on discute ici aujourd'hui.

Mme Marlene Jennings: Merci.

M. Barry Zalmanowitz: Pour répondre à votre question qui concerne, si je comprends bien, le fait que M. Bellemare a accusé les gens qui administrent la Loi sur la concurrence, le directeur et le personnel, d'avoir engagé quelqu'un qui est en conflit d'intérêts...

Mme Marlene Jennings: Oui.

M. Barry Zalmanowitz: ...je pense que c'est une allégation grave. Je ne connais pas les faits, mais en tant qu'avocat, je dois dire que si vous faites ce genre d'allégation, vous devez être prêt à le prouver. Je ne peux pas faire de commentaire car je ne sais pas ce dont il s'agit. Je fais affaire avec le Bureau de la concurrence depuis des années, essentiellement de l'autre côté de la barrière...

[Français]

Mme Marlene Jennings: Je m'excuse. Quand vous parlez de l'autre côté, qu'est-ce que cela veut dire?

[Traduction]

M. Barry Zalmanowitz: En général, c'est le Bureau de la concurrence qui s'y intéresse. Soit il poursuit un client à moi, soit il s'oppose à une fusion à laquelle mon client souhaite participer. Je dois dire que dans la plupart des cas, il y aurait conflit avec les intérêts de mes clients. Je trouve que le Bureau fait preuve d'une grande intégrité. À un moment donné, le Bureau a communiqué avec moi pour solliciter ma collaboration à projet. J'ai parlé de la possibilité de conflit d'intérêts, et il n'y a pas eu de suite; ce n'était pas approprié.

Je suis donc surpris, mais je ne connais pas les faits. Je pense que c'est une très grave allégation, mais je serais très surpris personnellement s'il se passait quelque chose d'inapproprié, compte tenu de mon expérience avec le Bureau et de l'intégrité dont il fait preuve.

• 1650

Mme Marlene Jennings: Merci.

La présidente: Merci, madame Jennings.

Monsieur Solomon.

M. John Solomon: Merci, madame la présidente.

Avant de poser ma question, j'aimerais déposer une lettre qui nous a été adressée par la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante au sujet du projet de loi C-235. Je citerais brièvement la lettre «... l'objet déclaré de la Loi sur la concurrence... Malheureusement pour les petites et moyennes entreprises, la loi ne répond pas à son objectif déclaré» qui est, comme nous l'avons vu plus tôt, de maintenir et de stimuler la concurrence au Canada. La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante croit que «l'amendement proposé contribuera à renforcer la Loi sur la concurrence et à la rendre plus efficace pour les petites et moyennes entreprises». Et on nous demande instamment de soutenir l'amendement.

Vous avez peut-être répondu à ma question, monsieur Zalmanowitz, au sujet de vos clients, à savoir si vous représentez des membres du secteur pétrolier, par exemple.

Mais ma question s'adresse à M. Columbus. Quelle loi américaine, à votre avis, encourage le plus la concurrence, par exemple, parmi les compagnies pétrolières et les épiceries de détail?

Me Tim Columbus: Je pense qu'historiquement, les lois antitrust américaines sont les principales lois du code fédéral américain qui protègent les consommateurs. Comme je suis loin d'être un expert en droit canadien, madame la présidente, vous m'excuserez si je me trompe.

Bref, je crois comprendre que vous n'appliquez pas ces lois comme nous le faisons. Je ne parle pas ici du gouvernement fédéral. Une grande partie des lois antitrust des États-Unis—en fait, si vous consultez l'étude du commissaire Calvani, vous verrez qu'il cite des cas. Vous verrez que ces cas concernent des parties privées. Des plaignants privés poursuivent des gens qui, à leur avis, ont dépassé les limites. Je ne crois pas que vous ayez cela ici. Peut-être à tort. Mais les lois antitrust nous ont été très utiles pour la plupart.

Elles ne sont pas parfaites. Je n'ai évidemment pas besoin de dire aux membres du comité que le gouvernement fédéral des États-Unis fait des milliers d'erreurs par jour. Vous avez tous eu à supporter les conséquences de quelques-unes d'entre elles. Alors, je vous parle franchement. Mais les lois antitrust sont les meilleurs outils que nous ayons.

Est-ce un outil parfait? Non. Ai-je déjà proposé d'autres outils? Oui. Au début des années 90, une loi fédérale a failli être adoptée. Cela aurait été une version plus rigoureuse du projet de loi de M. McTeague. Or, depuis que les compagnies pétrolières se sont rendu compte que la loi fédérale aurait pu être adoptée, le comportement dont se plaignent les distributeurs indépendants s'est amélioré dans une grande mesure. Les compagnies se sont dit, je crois, qu'il valait mieux ne pas recommencer. Et espérons qu'elles ne le feront pas. C'est pourquoi je pense que les lois antitrust sont notre meilleur outil.

La présidente: Merci, monsieur Columbus. Merci, monsieur Solomon.

Je dois rappeler aux députés que nous devons poser des questions brèves et recevoir des réponses brèves. Monsieur Solomon, vous devez savoir que tous les membres du comité ont la lettre de la CFIB et que cela fait déjà partie du compte rendu.

Monsieur Bellemare, une question et une réponse.

[Français]

M. Eugène Bellemare (Carleton—Gloucester, Lib.): Je vais poser ma question à l'autre M. Bellemare.

Bell Canada se lance dans l'Internet et fait des investissements pour de la recherche, du matériel et ainsi de suite, à un coût phénoménal de centaines de millions de dollars. La compagnie découvre qu'elle peut offrir un service Internet beaucoup plus rapide que d'autres services. Elle décide de vendre ce service à ses clients à un prix réduit, qui est inférieur au coût de production. Si une compagnie indépendante du secteur de l'Internet veut vendre le même produit, elle doit payer plus cher. Trouvez-vous que Bell Canada agit mal en vendant ce service à un prix moindre?

• 1655

M. Daniel Martin Bellemare: Vous soulevez un problème que je qualifierais de complexe. A priori, si la situation est telle que vous venez de me la décrire, je ne vois pas vraiment de problème, sous réserve de connaître certains autres éléments. Par exemple, quelle est la structure du marché au niveau des compagnies comme Bell Canada qui sont dans le marché de l'Internet? Non, a priori, je ne vois pas de problème.

M. Eugène Bellemare: N'y a-t-il pas contradiction entre cela et votre position?

M. Daniel Martin Bellemare: Laquelle?

M. Eugène Bellemare: Votre position concernant le prix de l'essence. Vous dites que les compagnies intégrées ne devraient pas vendre leur essence à leurs propres détaillants à un prix moindre que celui auquel ils la vendent en gros aux indépendants. N'est-ce pas une situation semblable?

M. Daniel Martin Bellemare: Pourriez-vous m'indiquer où la contradiction se situe?

M. Eugène Bellemare: C'est moi qui pose les questions.

M. Daniel Martin Bellemare: Je comprends, mais je suis obligé de vous poser une question pour pouvoir répondre à la vôtre. Je m'excuse, mais je ne vois pas où vous voulez en venir.

[Traduction]

La présidente: Brièvement.

[Français]

M. Eugène Bellemare: D'accord.

M. Daniel Martin Bellemare: Tout ce que j'ai affirmé lors de ma présentation, c'est que dans certains secteurs, notamment ceux du matériel de télécommunications, qui est un secteur manufacturier, et du raffinage du pétrole, il y a un très haut niveau de concentration. Ce niveau de concentration rend nécessaires un certain nombre de mesures législatives et statutaires afin que ceux qui vendent au détail et transigent avec ces gens puissent le faire de façon équitable et qu'on ne leur impose pas une politique de prix qui puisse les empêcher de concurrencer leurs fournisseurs sur le marché. C'est tout ce qu'on affirme.

M. Eugène Bellemare: Mais l'argument...

[Traduction]

La présidente: Monsieur Bellemare, cela répond-il à votre question?

[Français]

M. Eugène Bellemare: Oui.

La présidente: Merci.

[Traduction]

Monsieur Jones.

M. Jim Jones: Oui, merci, madame la présidente.

Pour en revenir au fait que je ne peux pas vendre de l'essence à un prix inférieur au prix de gros, laissez-moi donner l'exemple suivant: un indépendant m'achète 10 000 gallons d'essence par mois et je la lui vends 20c. La compagnie pétrolière au bout de la rue vend 100 000 gallons par mois et je l'achète 15c. le litre car je peux transporter tout un camion chaque fois. Si ce projet de loi est adopté, je ne peux pas vendre de l'essence à un prix inférieur au prix de gros que j'ai fait payer à l'indépendant. Est-ce exact ou non?

M. Barry Zalmanowitz: Je pense que c'est exact dans le cas où la compagnie intégrée possède également une filiale. Vous devez leur faire payer le même prix et vous ne pouvez pas accorder à votre propre compagnie une ristourne sur quantité. Mon interprétation est que ce projet de loi, même amendé, empêcherait cela.

Il y a également le cas où la compagnie intégrée ne vend pas au détail par l'intermédiaire d'une compagnie séparée. Dans ce cas, la seule restriction est que le prix que vous faites payer à votre compagnie indépendante ne peut pas être plus élevé que votre prix au détail. Mais il y aurait un problème si pour une raison quelconque, la compagnie intégrée avait des filiales. La ristourne sur quantité poserait un problème, d'après mon interprétation de ce texte de loi.

Me Tim Columbus: Monsieur Jones, je n'interprète pas ce projet de loi de la même façon que vous. Selon moi, il ne traite pas de la discrimination des prix entre différents types de comptes de gros.

M. Jim Jones: Ce n'est pas l'objectif.

Me Tim Columbus: Je ne crois pas que ce soit l'objectif. Mon interprétation de la version amendée que propose M. McTeague, c'est que le projet de loi interdit simplement à une compagnie intégrée de vendre au grossiste indépendant à un prix supérieur à son propre prix de détail dans une station-service. Par conséquent, si un automobiliste s'arrête à une station-service exploitée par ma compagnie et que je lui fais payer 49c. le litre, le projet de loi prévoit seulement que je ne peux pas faire payer à un client indépendant plus de 49c. Je peux lui demander 48c. Je peux demander à ce détaillant indépendant... Je ne vois pas ce que cela a à voir avec les escomptes aux affiliées.

• 1700

M. Jim Jones: Une minute. Ce n'est pas vrai. J'ai dit que si vous achetez 100 000 gallons à 15c... Je peux les vendre 15c. le litre, n'est-ce pas? Il n'est pas nécessaire que cet indépendant vienne avec son camion jusqu'à mon entrepôt pour que je lui vende 15c. le litre.

Me Tim Columbus: Êtes-vous un utilisateur final? J'essaie simplement de bien comprendre.

M. Jim Jones: Je pense qu'au cours du débat précédent, on a dit que si je vendais l'essence 15c. le litre et si je voulais vendre 10 fois plus à un indépendant, je devais lui permettre de venir s'approvisionner à mon entrepôt ou... comment dites-vous?

Me Tim Columbus: À la borne.

M. Jim Jones: À la borne. Et je dois lui faire payer, là, 15c.

Me Tim Columbus: Bon, mon interprétation a deux volets. Premièrement, vous n'avez pas à vendre à ce client indépendant quoi que ce soit, à moins que vous n'y soyez obligé par contrat. C'est ce que j'ai compris de sa réponse à la question de ce monsieur. Si vous vendez 15 c. au détail, le prix de gros à la borne ne peut pas dépasser 15c., en supposant qu'il s'agit du même marché...

M. Jim Jones: Non, mais ce que je dis..

La présidente: Monsieur Jones, votre dernière question, s'il vous plaît.

M. Jim Jones: Non, je pense que vous faites des suppositions. Il n'y a rien ici qui a trait à quelqu'un qui vend 10 ou 100 fois plus, qui a de multiples points de vente et qui offre ce type de ristourne sur quantité à son client.

Me Tim Columbus: En vertu de ce projet de loi, je crois qu'une ristourne sur quantité peut être offerte à ses gros clients.

M. Jim Jones: Alors, ma question est la suivante—car des accusations ont été portées—comment savoir que les stations-service vendent leurs produits au-dessous de leurs coûts de gros? Impossible.

Me Tim Columbus: En vertu de ce projet de loi, le coût de gros n'a pas d'importance. L'essentiel, c'est qu'il ne faut pas vendre à un prix de gros supérieur à son propre prix de détail. Selon moi, c'est tout ce que dit l'amendement.

La présidente: Je crois qu'il va falloir que nous nous mettions d'accord au moins là-dessus. J'aurais d'autres questions, une de M. Lastewka et l'autre de Mme Lalonde.

Monsieur Lastewka.

M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.): Combien de temps nous reste-t-il?

La présidente: Vous avez droit à une question. Nous essayons de ne pas trop prendre de temps, cela ne marche pas, mais nous essayons.

M. Walt Lastewka: D'accord, je poserai ma question à M. Columbus. Les États-Unis ont-ils le même genre de loi que le projet de loi C-235?

Me Tim Columbus: Non, monsieur.

M. Walt Lastewka: Merci.

[Français]

La présidente: Madame Lalonde, s'il vous plaît.

[Traduction]

Une voix: Vous devriez demander, pourquoi pas?

[Français]

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Je regrette d'avoir manqué vos présentations. J'ai une courte questions à poser à M. Bellemare.

Vous connaissez très certainement la Loi 50 qui a été adoptée par le Québec. La Loi 50 ne fait pas de différence entre les fournisseurs intégrés et l'ensemble des entreprises. Ne pensez-vous pas que cela crée une meilleure situation? Je sais qu'il peut y avoir un problème de champ de compétence, mais est-ce que la loi québécoise, qui ne fait pas de différence entre les fournisseurs intégrés et les gros importateurs qui pourraient agir différemment sur le marché et ne pas se conformer aux principes que vous avez énoncés, n'est pas préférable à une loi qui ne traite que des fournisseurs intégrés?

M. Daniel Martin Bellemare: Dans les deux cas, on a affaire à des dispositions d'application générale et je pense que c'est de cette façon-là qu'il faut tenter de régler le problème.

La loi que vous avez mentionnée, qui est la Loi sur l'utilisation des produits pétroliers, stipule qu'au Québec, tous les détaillants ne peuvent pas vendre en bas d'un prix déterminé. Des dispositions de cette loi prévoient qu'on ne peut pas vendre en bas de ce prix, sinon on considère que ce sont des prix prédateurs. C'est un type de pratique complètement différent de celui qu'on cherche à couvrir ici, où on vise davantage à faire en sorte, comme M. Columbus l'a dit, que les pratiques ne soient pas discriminatoires au niveau du gros.

Dans les deux cas, on a affaire à une loi d'application générale. Je pense que c'est de cette façon-là qu'il faut tenter de régler le problème.

[Traduction]

La présidente: Merci.

M. Dan McTeague: Madame la présidente, j'aimerais une précision. Je ne suis pas sûr d'avoir bien entendu la réponse à la question de M. Lastewka...

La présidente: Monsieur McTeague, je suis désolée, vous avez posé votre question.

M. Dan McTeague: Ce n'est pas une question. Je demande une précision, madame la présidente, car je ne sais pas ce qu'il a dit.

• 1705

La présidente: Je suis désolée, monsieur M. McTeague. J'ai vu ce qui s'est passé il y a quelques secondes, votre adjoint qui est allé s'asseoir derrière M. Columbus, et maintenant vous posez une question. Je ne vais pas autoriser ce genre de chose. Nous allons continuer. Vous avez eu le temps de poser une question et d'avoir une réponse. Nous avons plusieurs témoins qui attendent. J'ai demandé à tout le monde à plusieurs reprises d'être aussi bref que possible.

Je demande aux témoins de m'excuser. J'ai l'impression que nous pourrions continuer pendant des heures.

Mme Marlene Jennings: Madame la présidente.

La présidente: Nous allons suspendre la séance pendant deux minutes, puis nous entendrons un autre groupe de témoins.

Mme Marlene Jennings: Madame la présidente.

La présidente: Madame Jennings.

Mme Marlene Jennings: Une précision, monsieur Columbus, les États-Unis ont-ils une loi semblable...

La présidente: Non, madame Jennings.

Mme Marlene Jennings: ...oui ou non?

La présidente: Vous êtes en train de poser une question. Nous devons passer à autre chose.

Mme Marlene Jennings: Il a posé une question, et je n'ai pas entendu la réponse.

La présidente: La réponse était clairement non.

M. Janko Peric: Pourquoi non?

La présidente: Nous pourrions continuer à discuter pendant une heure de la question des lois canadiennes et américaines. S'il vous plaît, madame et messieurs les députés.

M. Janko Peric: Madame la présidente.

La présidente: Nous allons suspendre la séance pendant deux minutes.

M. Walt Lastewka: J'ai été interrompu.

La présidente: M. Lastewka a respecté la règle d'une question et d'une réponse. Je ne vais pas autoriser d'autres personnes à remettre la même question sur le tapis.

Je tiens à remercier nos témoins, en particulier, tous ceux qui sont venus de loin.

Nous allons suspendre la séance pendant deux minutes pour permettre aux témoins de changer de place.

• 1706




• 1712

La présidente: Nous reprenons nos travaux.

Il semble qu'un de nos témoins ait disparu, mais nous allons quand même enchaîner. Nous sommes heureux d'accueillir Mme Loretta Mahoney, MM. Ronald Johnson et Jeffrey Schmidt; je suppose que M. Watkins va arriver d'un moment à l'autre.

Je vais commencer par donner la parole à Mme Mahoney. Souhaitez-vous, madame, dire quelques mots en guise d'introduction, faire une déclaration préliminaire?

Mme Loretta Mahoney (témoignage à titre personnel): Je vous remercie, madame la présidente, de me donner l'occasion de résumer, devant vous et devant les membres du Comité de l'industrie, l'étude sur la répartition du marché au détail de l'essence que j'ai réalisée à l'intention du Bureau de la concurrence.

Je crois savoir que le projet de loi C-235 repose sur des hypothèses selon lesquelles la présence d'un détaillant indépendant sur le marché au détail de l'essence est essentielle à la concurrence, que ces détaillants sont écartés du marché par les entreprises intégrées verticalement, que ces entreprises ne se font pas concurrence et que, par conséquent, les automobilistes canadiens feront face à une augmentation des prix de l'essence. Mon étude permettra peut-être de clarifier certaines de ces hypothèses.

Les sections portant sur la répartition du marché et les stations-service s'appuient sur des données achetées par le Bureau de la concurrence à la société Kent Marketing Services Limited. Cette entreprise privée de London, en Ontario, constitue une source objective et fiable.

D'après une analyse de la répartition du marché, la conclusion selon laquelle les détaillants indépendants sont de moins en moins nombreux semble non fondée. Permettez-moi de vous citer des exemples.

Quand on compare la part de marché détenue par les indépendants au cours des cinq dernières années de l'étude—soit de 1993 à 1997—et des cinq premières années, à savoir de 1988 à 1992, on constate que les indépendants avaient accru leur part de marché dans neuf des villes étudiées, que leur situation n'avait pas changé à Toronto et qu'ils accusaient une baisse de 1 p. 100 à Montréal.

Sur une période d'une dizaine d'années, la part de marché des indépendants à St. John's, Saint John et Halifax a considérablement progressé, et cette augmentation s'est poursuivie à un rythme plus lent en 1998.

Selon l'analyse de la répartition du marché, les entreprises intégrées verticalement se font concurrence. Si l'on examine la situation des quatre principales entreprises intégrées de Montréal, on constate qu'elles ont toutes vu leurs parts de marché évoluer considérablement d'année en année. Des tendances similaires, observées dans toutes les villes où se trouvent des détaillants indépendants, permettent de croire une fois encore que les entreprises intégrées verticalement se font concurrence.

• 1715

La section suivante de l'étude porte sur les stations-service. Vous vous souvenez probablement de la rationalisation, au début des années 90, du secteur des stations-service dans de nombreuses régions du Canada. J'aimerais vous entretenir aujourd'hui des réactions très différentes des entreprises intégrées verticalement et des indépendants.

La rationalisation a été le plus marquée dans les quatre villes de l'est du Canada qui font l'objet de l'étude, à savoir Québec, Montréal, Ottawa et Toronto. Il y a eu, en dix ans, 635 fermetures nettes de stations-service, ce qui représente à peu près le quart de la totalité des stations-service.

Je parle de fermetures nettes, car il s'agit de la réduction du nombre total de stations-service, compte tenu de l'incidence nette de la construction, de la reconstruction, de la redésignation et de la fermeture de stations.

On constate, quand on examine les 635 fermetures nettes, que le nombre de stations-service appartenant à des entreprises intégrées verticalement avait diminué de 669, tandis qu'il avait augmenté de 34 parmi les indépendants. L'augmentation du nombre de stations-service appartenant à des indépendants n'est pas nécessairement de bon augure pour eux puisque leur débit moyen s'avère, généralement, un indicateur de productivité plus fiable que le nombre de stations-service exploitées sur le marché de détail. Dans ce contexte, les entreprises intégrées verticalement ont obtenu des résultats supérieurs à ceux des indépendants au cours de la décennie.

Le débit moyen des stations-service de Montréal témoigne de la réussite des stratégies de rationalisation—au début de la décennie, les entreprises intégrées verticalement enregistraient un débit moyen de quelque 750 000 litres par an de plus que leurs concurrents indépendants. Au moment où la rationalisation tirait à sa fin, le débit moyen des entreprises intégrées verticalement atteignait le million de litres par an de plus que les indépendants. À la fin de la décennie à l'étude, l'écart s'était creusé pour atteindre près de 2 millions de litres.

L'analyse consolidée des acquisitions et des dessaisissements pour Québec, Montréal, Ottawa et Toronto montre que la redésignation et la fermeture de stations-service représentaient environ 90 p. 100 de l'évolution nette du nombre d'établissements. Plus de 1 400 stations-service dans ces villes ont été redésignées au cours des 10 ans, et au cours des cinq dernières années, les indépendants furent à l'origine d'environ 75 p. 100 de ces redésignations. Il s'agit d'une statistique importante, qui confirme que les indépendants font l'acquisition des stations excédentaires dont se départissent les entreprises intégrées verticalement. Et ces stations sont généralement celles qui ont le rendement le plus faible.

Je vous remercie de votre attention.

La présidente: Merci, madame Mahoney.

Je donne maintenant la parole à M. Ronald Johnson. Monsieur Johnson.

M. Ronald Johnson (témoignage à titre personnel): Merci, madame la présidente. Je m'appelle Ron Johnson et je suis professeur d'économie à l'Université d'État du Montana.

Depuis plus de 20 ans, je me consacre à l'enseignement et à la recherche dans le domaine de l'organisation industrielle et des pratiques antitrust. J'ai rédigé plusieurs articles sur l'intégration verticale et le contrôle des prix de détail et, plus récemment, sur les prix de l'essence et les lois interdisant les ventes à perte.

Je voudrais aujourd'hui résumer le rapport intitulé Incidence des lois interdisant les ventes à perte sur le marché de l'essence au détail aux États-Unis, rapport que j'ai rédigé pour le Bureau de la concurrence.

Plus tôt au cours des audiences, on a fait état des similitudes entre les lois qui interdisent les ventes à perte adoptées par les divers États américains et le projet de loi C-235. J'ai entendu cet après-midi qu'il n'existait pas de similitude entre ces deux lois, mais je pense, pour ma part, qu'il y a des leçons à tirer ou certaines choses à retenir de ce qui s'est passé aux États-Unis, et de la façon dont les lois qui interdisent les ventes à perte ont influencé l'industrie américaine.

Tout comme le projet de loi qui nous occupe, les lois qui interdisent les ventes à perte, notamment celles qui se rapportent au carburant, ont pour objet de protéger les petits établissements des grandes entreprises dont le volume des ventes est élevé et qui sont souvent intégrées verticalement. Ces lois ne fixent pas explicitement de prix plancher, mais elles interdisent de vendre un produit ou un service à un prix inférieur au prix de revient du vendeur, ou à une valeur analogue. Bien que ces lois aient été souvent présentées comme des lois visant à protéger les consommateurs des pratiques de prix d'éviction, plusieurs études montrent qu'elles ont l'effet opposé, car elles ont pour résultat une augmentation des prix de détail. On peut également se demander quel degré de protection ces lois ont accordé aux petits établissements indépendants.

• 1720

Bien que les lois qui interdisent les ventes à perte aient entraîné une hausse des prix de détail, il ne s'ensuit pas obligatoirement que les bénéfices des détaillants augmenteront. L'accès au marché de la vente au détail de carburant est relativement libre d'entraves par comparaison à d'autres secteurs, et il semble que les marges bénéficiaires élevées attirent de nouveaux opérateurs. En outre, avec l'entrée en scène des dépanneurs, la concurrence des prix dans la vente d'essence pourrait être remplacée par d'autres types de concurrence liée aux produits et entraîner une baisse des bénéfices du fait que les lois qui interdisent les ventes à perte peuvent inciter les entreprises à recourir à d'autres types de concurrence. Ces lois peuvent avoir un effet occulte sur la taille moyenne des établissements et sur leur nombre et, par conséquent, ne présenter aucun avantage à long terme pour les petites entreprises.

Les méthodes de commercialisation de l'essence ont considérablement évolué au cours des 30 dernières années. Les points de vente sont beaucoup moins nombreux. Je pense que le sujet a déjà été abordé. Le nombre de points de vente aux États-Unis a chuté dramatiquement depuis 1972; ceux qui ont survécu ressemblent rarement aux petites stations-service traditionnelles pourvues d'un seul îlot de pompes et d'une ou deux aires de service. Même s'il existe peu d'études sur la question, les données empiriques indiquent que les lois de portée générale qui interdisent les ventes à perte, notamment celles qui se rapportent au carburant, n'ont pas véritablement ralenti la disparition des petits détaillants.

Mon rapport examine l'incidence de ces lois sur le marché de détail de l'essence aux États-Unis, plus particulièrement sur le nombre d'établissements de détail, le pourcentage de petits exploitants sur le marché de chaque État et la proportion d'établissements munis d'aires de service. Cette dernière caractéristique est généralement associée aux stations-service traditionnelles. Mon analyse porte sur les années 1987 et 1992, faute de données plus complètes. Environ la moitié des 48 États contigus étaient dotés de législations interdisant, de façon générale, les ventes à perte, alors que dans sept États il y avait, tant en 1987 qu'en 1992, des lois similaires, mais qui ne concernaient que les ventes à perte de carburant.

Dans l'ensemble, les résultats empiriques révèlent que ni les lois de portée générale interdisant les ventes à perte, ni celles qui se rapportent spécifiquement au carburant n'ont eu d'incidence statistique marquée sur le nombre d'établissements de détail ou la composition de ces établissements dans les États où ces lois étaient en vigueur.

Les résultats de l'étude indiquent, en outre, que l'interdiction frappant les points de vente exploités par les raffineries—il s'agit des lois établissant aux États-Unis le principe de la séparation des activités, et cinq des États en sont dotés—et les stations-service—en vigueur dans deux États—n'ont ni freiné la baisse du nombre de détaillants, ni changé la composition de l'industrie.

La baisse du nombre d'établissements de détail sans salariés, souvent des entreprises familiales, est associée à la croissance démographique ainsi qu'à la hausse de la valeur foncière, et les lois qui cherchent à protéger ces établissements semblent avoir eu peu d'effets.

Les lois qui interdisent les ventes à perte ont eu plus d'incidences visibles sur les établissements de détail munis d'aires de service. La diminution du nombre de détaillants de petite taille et l'évolution structurelle du marché de détail semblent la conséquence de nouvelles stratégies de commercialisation telles que la multiplication des libres-services, l'augmentation de la valeur foncière et les règlements environnementaux qui deviennent de plus en plus rigoureux au fil des ans, plutôt que de la pratique de prix d'éviction par les entreprises intégrées verticalement.

Même si beaucoup pensent que les lois qui interdisent les ventes à perte protègent les petits établissements, mon rapport montre que cette croyance est peu fondée. Par conséquent, l'augmentation des prix de détail qu'ont entraîné ces lois ne s'accompagne d'aucun avantage compensatoire. Les tentatives de réglementation d'une industrie découlent souvent de la conviction que la situation s'améliorera pour les intéressés. Toutefois, cet objectif n'est pas toujours atteint et, en bout de ligne, les agents économiques que l'on souhaite privilégier obtiennent peu d'avantages, et la population doit payer des prix plus élevés.

Je vous remercie de votre attention. Je me ferai un plaisir de répondre à toute question que vous pourriez avoir au sujet des lois qui interdisent les ventes à perte ou du marché de l'essence aux États-Unis.

La présidente: Merci, monsieur Johnson.

Nous allons maintenant entendre M. Campbell Watkins du Law and Economics Consulting Group Inc., le LECG.

M. G. Campbell Watkins (témoignage à titre personnel): Mesdames et messieurs, je m'appelle Campbell Watkins. J'ai une trentaine d'années d'expérience dans les domaines du service-conseil aux industries énergétiques, de l'enseignement, du service-conseil en recherche et de la publication. La plupart de mes travaux ont été effectués au Canada, mais je travaille actuellement aux États-Unis pour le «Law and Economics Consulting Group».

Je vous ai fait distribuer un document dont je n'ai pas l'intention de vous rappeler la teneur. Je voudrais toutefois faire quelques brèves observations complémentaires.

La première est que le modèle utilisé dans le document de M. Sen pour évaluer les conséquences est bidimensionnel: il utilise des données qui se rapportent à différentes villes, ainsi que des données d'ordre chronologique. Or, cela signifie que l'on tend ainsi à obtenir des estimations plus fiables quand on exploite, de cette manière, un plus grand nombre de données que si l'on se contentait simplement de recourir à ce qu'on appelle des séries chronologiques, les données verticales, ou uniquement à des données d'ordre géographique. Je suis moi-même en faveur d'une telle méthodologie.

• 1725

Ma deuxième observation a pour objet de clarifier le rôle joué par le LECG. Son principal apport a été de rassembler les données et d'évaluer le modèle formulé, ainsi que ses diverses versions. Ce n'est pas une tâche insignifiante du fait qu'il nous a fallu traiter quelque 8 500 observations. Parallèlement, j'ai examiné les données quand il semblait y avoir des anomalies ou des erreurs, mais je n'en ai trouvé aucune.

Le deuxième rôle joué par le LECG, sa contribution secondaire, a été de donner son avis sur les résultats et sur la formulation du modèle.

Troisièmement, je voudrais faire quelques commentaires à propos des résultats. Je me contenterais de mentionner trois choses.

Premièrement, on en arrive à la conclusion qu'un plus petit nombre d'entreprises peut se traduire par des parts de marché plus élevées. Il devrait s'ensuivre, comme on peut s'y attendre, une augmentation des prix; et c'est exactement le résultat que l'on obtient.

Il n'est pas possible d'extrapoler des tendances à partir des données que j'ai examinées—et je pense que les données empiriques de Loretta Mahoney le corroborent. J'ai tenté de déceler une tendance dans le rôle des indépendants, et il est indubitable que dans plusieurs villes, on a enregistré des hauts et des bas. Mais, globalement, quand on examine la période, il n'est pas possible de conclure à une évolution profonde du rôle des indépendants. En outre, lorsqu'on convertit les parts des entreprises actives dans les différents secteurs du marché en mesures de la concentration, on ne constate aucune tendance de fond sur le long terme entre les villes en ce qui concerne ces mesures.

Je voudrais aussi faire remarquer qu'une fois qu'on a établi par les résultats du modèle qu'en réalité, une forte concentration entraîne des prix plus élevés, on a cherché à savoir si la source de l'augmentation, voire la diminution de l'augmentation... avait un impact quelconque et faisait une différence en bout de ligne. Les indépendants ont-ils un impact plus que proportionnel sur le prix du marché selon que le niveau de concentration augmente ou non? La réponse à cette question semble être que non. Que l'impact des indépendants n'est pas caractéristique dans ce contexte.

Le troisième et dernier aspect à propos duquel j'aimerais faire une observation est l'analyse des prix de gros, quand ils s'alignaient étroitement sur les prix du pétrole brut—et, comme vous avez entendu M. Bernard le déclarer tout à l'heure, pratiquement au cent près. On constate également dans les résultats que le niveau des prix de gros est, en fait, conditionné par le nombre de grossistes présents sur les différents marchés. On peut donc en déduire que rien ne permet de croire à une volonté délibérée, de la part des fixeurs de prix du marché de gros, de les manipuler en réponse à l'évolution des prix du pétrole brut; et qu'en réalité, le niveau des prix de gros est influencé par le nombre d'intervenants sur le marché.

Merci.

La présidente: Merci, monsieur Watkins.

Je vais maintenant donner la parole à M. Jeffrey Schmidt, avocat chez Pillsbury Madison & Sutro.

Me W. Jeffrey Schmidt (avocat, Pillsbury Madison & Sutro): Merci, madame la présidente.

Je m'appelle Jeff Schmidt. Tout comme mon ami M. Columbus, je suis avocat antitrust à Washington, D.C.

Je représente aujourd'hui le commissaire Calvani que l'on a chargé d'analyser l'expérience des États-Unis en ce qui concerne les prix d'éviction et les lois sur la vente à perte. Je crois savoir que l'on vous a transmis son rapport. Je collabore avec le commissaire Calvani depuis maintenant près de 12 ans, à titre de conseiller principal sur les lois antitrust à la Federal Trade Commission des États-Unis. Je pense, comme l'a mentionné M. Columbus, que le commissaire Calvani est généralement considéré comme l'un des plus... ou, si je laisse libre cours à mon parti pris, je dirais comme le plus grand avocat antitrust américain dans le domaine des prix d'éviction.

• 1730

Pour résumer, le rapport du commissaire Calvani soutient essentiellement que l'on parle de prix d'éviction lorsqu'une entreprise dominante vend, à perte, un produit ou un service pendant une période relativement longue dans le but d'éliminer un concurrent; puis hausse ses prix à un niveau supérieur à ceux de la concurrence pour récupérer ses pertes et rendre l'opération profitable.

Comme l'a également mentionné M. Columbus, au fil des ans les prix d'éviction ont fait l'objet d'une abondance de dispositions législatives et de décisions judiciaires aux États-Unis. Les premières décisions judiciaires fédérales se caractérisaient à la fois par leur pugnacité et par leur fondement économique rudimentaire. Le droit relatif aux prix d'éviction a donc eu pour effet de nuire à la concurrence et de pénaliser les consommateurs qui ont dû payer des prix supérieurs à ceux de la concurrence.

Toutefois, le droit fédéral est devenu plus rationnel et plus favorable au consommateur. Aujourd'hui, sous l'impulsion de la Cour suprême, tous conviennent que la pratique de prix d'éviction est très rare et que les tribunaux ne devraient pas déclarer cette pratique illégale à moins d'avoir eu la preuve évidente de ventes à des prix inférieurs au coût économiquement fondé et de la récupération probable des pertes.

Trois événements importants ont marqué cette évolution.

Premièrement, les tribunaux ont commencé à prendre conscience du fait que les erreurs d'application de la loi nuisaient à une concurrence vigoureuse sur les prix et entraînaient une hausse des prix. Les tribunaux américains ont donc redoublé de prudence. Deuxièmement, la jurisprudence a adopté une définition plus éclairée et mieux fondée économiquement de l'expression «à perte». Finalement, les tribunaux ont conclu qu'il n'y avait de risque réel pour la concurrence que si l'entreprise accusée de pratiquer des prix d'éviction était en mesure de récupérer ultérieurement les coûts de l'opération. En conséquence, il est devenu nécessaire pour la partie demanderesse de prouver la récupération probable des pertes au niveau des tribunaux fédéraux américains.

La position adoptée par les instances fédérales américaines s'apparente à celle du Bureau de la concurrence telle qu'elle ressort dans le document intitulé Prix d'éviction—Lignes directrices pour l'application de la loi.

Si environ la moitié des États américains a adopté des lois sur la pratique de prix d'éviction, nombreux sont ceux qui ne l'ont pas fait. Certains États ont élaboré des dispositions d'application générale, d'autres ont légiféré sur des marchés déterminés, en passant des lois spécifiques, visant par exemple la vente au détail de carburant. D'autres États ont élaboré des dispositions de ces deux types. De plus, l'élaboration et l'application des lois ont évolué dans chaque État avec le temps. Certains États, à l'instar des autorités fédérales, exigent la preuve de vente en deçà des coûts économiquement fondés et de la récupération probable des pertes. D'autres ont adopté une conception plus propice rappelant l'ancien point de vue fédéral et mettent l'accent sur le préjudice causé aux concurrents plutôt qu'à la concurrence. D'autres États ne se sont guère préoccupés de la question.

Les études portant sur les marchés du carburant, comme l'a mentionné M. Johnson, montrent que les consommateurs paient le carburant plus cher sur les marchés régis par des lois relatives à la vente à perte. Qui plus est, quelques-unes au moins de ces études montrent que ces lois ne procurent aucun avantage particulier aux détaillants indépendants. Ainsi, les consommateurs paient plus cher, sans que les détaillants indépendants n'en tirent grand profit. Cette situation explique peut-être l'échec des efforts du gouvernement fédéral en vue de faire adopter des dispositions similaires.

En résumé, le droit antitrust américain est de nature dynamique. Le droit fédéral en la matière a évolué et cherche maintenant à protéger les consommateurs—un favoritisme marqué à l'égard des consommateurs et non des concurrents. Tous les États n'ont pas encore entièrement intégré ces enseignements à leur législation, mais des indices donnent à penser que les assemblées législatives et les tribunaux des États s'orientent dans cette direction.

Merci.

La présidente: Je vous remercie, monsieur Schmidt.

Nous allons maintenant passer aux questions. La parole est à M. Chatters.

M. David Chatters: J'ai une question très simple, car nous entendons sans arrêt le même message. Je voudrais juste demander à chacun d'entre vous de me dire si le projet de loi C-235 constitue une forme de réglementation des prix, et s'il aboutira à des prix plus élevés pour les consommateurs? C'est une question simple et directe.

La présidente: Posez-vous cette question à tous les témoins individuellement monsieur Chatters?

M. David Chatters: Oui, à chacun d'entre eux.

La présidente: Madame Mahoney.

Mme Loretta Mahoney: Avec tout le respect que je vous dois, cela dépasse le cadre de l'étude pour laquelle j'ai été embauchée par le Bureau, mais j'ai une opinion personnelle.

M. David Chatters: J'aimerais que vous m'en fassiez part.

Mme Loretta Mahoney: Bon. Mon opinion est que ce type de réglementation, ce type d'intervention gouvernementale, n'est pas sans risques, et qu'elle n'est généralement pas avantageuse pour les consommateurs.

M. David Chatters: Merci.

La présidente: Monsieur Johnson.

M. Ronald Johnson: Je ne pense pas que ce soit une question facile de savoir s'il s'agit ou non d'une forme de réglementation des prix.

M. David Chatters: Mais c'est ce que nous devons tenter de déterminer.

• 1735

M. Ronald Johnson: Effectivement. Cela n'en est pas tellement éloigné, mais ce n'est pas aussi simple que cela. Et est-ce que je crois que ce projet de loi, une fois amendé, aura un effet négatif sur les consommateurs? Oui. Mais je pense également qu'il aura un effet plus positif sur le Barreau. J'ai été surpris de constater que l'Association du Barreau canadien n'était pas en faveur de ce projet de loi. J'ai l'impression qu'il va donner lieu à de nombreux litiges, vu son ambiguïté et la façon dont il a été rédigé.

Une des choses que j'ai essayé de faire ressortir dans mon mémoire, c'est que les grandes compagnies pétrolières et les grands détaillants... C'est au fond ce dont se préoccupent certains—il y a les détaillants indépendants, mais parfois aux États-Unis ils peuvent être propriétaires de 50 ou 60 stations-services. Bien sûr, ce ne sont pas des petits détaillants indépendants. Ils trouveront moyen de s'en sortir.

Je serais beaucoup plus préoccupé par les problèmes de télécommunication qui ont été mentionnés. Je serais beaucoup plus préoccupé par les incidences que pourrait avoir ce projet de loi dans d'autres secteurs.

M. Campbell Watkins: Vous avez demandé s'il s'agit d'une forme de réglementation des prix? La réponse est oui. Chaque fois que l'on entrave la liberté de prix de cette manière, il s'agit d'une réglementation.

La présidente: Monsieur Schmidt.

Me W. Jeffrey Schmidt:: Je pense que dans le droit américain cela est considéré comme une forme de tentative de mesurer les coûts qui, en vertu de l'analyse des prix d'éviction, est l'un des critères: les prix sont-ils fixés en deçà d'une mesure pertinente des coûts? Je pense qu'un critère se trouve défini dans le plus récent amendement. Mais le deuxième critère de la version américaine serait de savoir s'il y a une forte probabilité de récupérer les profits, ou si les pertes sont assumées par le prédateur. Et je crois que cet élément est absent du projet de loi.

M. David Chatters: Je ne suis pas sûr qu'il ait répondu à la question.

Me W. Jeffrey Schmidt:: Pour faire court, je dirais qu'effectivement, je considère qu'il s'agit d'une forme de réglementation des prix.

M. David Chatters: Ce qui se soldera par des prix plus élevés pour les consommateurs?

Me W. Jeffrey Schmidt:: Là encore, en prenant la précaution de vous rappeler que cela n'entrait pas dans le cadre de la mission du commissaire Calvani ou de la mienne, je pense que l'histoire et la logique des décisions de la Cour suprême montrent que lorsqu'il y a réglementation des prix, lorsqu'on cherche à déterminer quel est le niveau approprié ou non des prix, la Cour suprême des États-Unis a conclu que cela faisait du tort au consommateur. Nous devons nous montrer très prudents et faire attention de nous tenir à l'écart de ce genre d'initiatives, à moins d'avoir des preuves évidentes que l'on a affaire à un comportement anticoncurrentiel.

M. David Chatters: Merci.

La présidente: Monsieur McTeague.

M. Dan McTeague: Merci, madame la présidente.

Ma première question s'adresse à vous, monsieur Schmidt. Je crois savoir que votre étude est le principal cabinet d'avocats des compagnies Chevron, Standard Oil of California, appelé aussi SOCAL. Pouvez-vous me le confirmer?

Me W. Jeffrey Schmidt:: Mon étude représente effectivement Chevron, monsieur McTeague.

M. Dan McTeague: Compte tenu de cette information, pouvez-vous moralement exprimer une opinion allant à l'encontre des intérêts de Chevron ou de Standard Oil of California?

Me W. Jeffrey Schmidt:: Monsieur McTeague, c'est une étude d'avocats parmi beaucoup d'autres qui représentent la compagnie Chevron. Je peux vous assurer, comme vous le constaterez en lisant le rapport du commissaire Calvani, que les citations auxquelles se réfère M. Calvani sont fréquemment tirées d'articles qu'il a lui-même publiés sur les pratiques de prix d'éviction, et qui remontent à bien avant que le commissaire Calvani se joigne à Pillsbury Madison & Sutro, en 1991.

M. Dan McTeague: Il s'agit d'une question, monsieur Schmidt. Pensez-vous, oui ou non, pouvoir exprimer un avis devant ce comité, vu les liens de votre étude avec Chevron, Standard Oil, SOCAL?

Me W. Jeffrey Schmidt:: Oui. Je ne pense pas qu'il y ait un conflit d'intérêts, monsieur.

M. Dan McTeague: Merci.

Je voudrais m'adresser à Mme Mahoney. En passant, je vous remercie. Je pense que cela clarifie les choses.

Madame Mahoney, pourquoi avez-vous inclus dans les parts de marché des détaillants indépendants les grands raffineurs et les raffineurs régionaux qui sont aussi des raffineurs-distributeurs de marques privées? Mohawk appartient, par exemple, à 100 p. 100 à Husky Petroleum, un raffineur régional; Tempo, appartient à 100 p. 100 à Federated Co-op, un raffineur régional. Actton Super-Save, à Vancouver, a également été vendu à Arco, un raffineur américain. Ailleurs, dans l'ouest du Canada, la compagnie a été vendue à Parkland Industries, un raffineur régional. Pioneer Petroleum appartient à 50 p. 100 à Sunoco, un raffineur régional. Top Valu appartient à Pioneer et à Sunoco.

Vous savez que certains ont échafaudé des hypothèses, de merveilleuses hypothèses, sans que votre étude soit examinée par des pairs; je fais allusion, entre autres, à la CAA. Pensez-vous que l'inclusion des détaillants en question dans la catégorie des indépendants ait altéré les conclusions de votre rapport en ce qui concerne les tendances des parts de marché des indépendants? Ils n'auraient évidemment pas dû être utilisés dans le cadre de votre collecte d'informations soi-disant exactes.

Mme Loretta Mahoney: Je ne pense pas que cela altère le rapport. Ma définition des indépendants s'applique à ceux qui ne possèdent pas de moyens de raffinage et qui s'approvisionnent directement auprès de raffineurs canadiens par l'entremise de grossistes ou par l'importation d'un produit. Je suis tout à fait sereine en ce qui concerne les classifications.

• 1740

Permettez-moi de développer quelques exemples. Mohawk a, effectivement, été rachetée par Husky dans la deuxième moitié de l'année 1998; et Mohawk a été classée légitimement comme société indépendante pour la période couverte par mon étude, qui s'est terminée au troisième trimestre de 1998. Je ne dispose pas des données de Kent Marketing pour le quatrième trimestre de 1998. Je ne peux par conséquent pas dire où le cabinet Kent Marketing fera figurer Mohawk au quatrième trimestre, mais je suis sûre que...

M. Dan McTeague: Je pense qu'il est important de comprendre que vous avez fourni des renseignements en date de mars 1999, et qu'il est donc exact de dire que vous avez une opinion plutôt intéressante et quelque peu singulière de ce qu'est un véritable indépendant, du fait qu'il peut être affilié—voire appartenir—à une autre entreprise, et qu'en outre vos faits et vos chiffres sont totalement déphasés par rapport à la réalité actuelle au Canada?

Mme Loretta Mahoney: Les classifications évoluent effectivement comme il se doit. Permettez-moi de vous fournir un autre exemple. Sergaz a été supprimée du groupe des indépendants et transférée dans la catégorie des marques privées régionales lorsque Ultramar en a fait l'acquisition en 1994. Mohawk est un cas de transaction récente, et cette compagnie serait considérée, dans les données de Kent Marketing pour 1999, comme une marque privée régionale.

Je peux poursuivre, cas par cas, jusqu'au bout de la liste.

M. Dan McTeague: Merci, madame Mahoney, merci.

Mme Loretta Mahoney: Je m'en tiens aux définitions qui sont actuellement acceptées par la plupart des membres de l'industrie.

M. Dan McTeague: Monsieur Johnson, vous avez parlé de façon éloquente de ce qui s'est passé au Montana. Je voudrais savoir si vous êtes au courant que le Wisconsin et la Pennsylvanie ont élargi la portée de leurs législations sur les ventes à perte. Et seriez-vous d'accord, par conséquent, avec la conclusion de M. Columbus voulant qu'il ne s'agit pas d'une forme de législation sur les ventes à perte? Pourriez-vous, s'il vous plaît, monsieur, nous faire part de votre opinion?

M. Ronald Johnson: Pour commencer mon étude ne porte même pas sur le Montana, sauf en tant qu'État parmi les 48 autres. Le Montana ne figure pas dans l'échantillon retenu par l'article soumis à l'arbitrage sur les ventes à perte.

M. Dan McTeague: Je regrette, mais vous avez mentionné le Montana comme l'un des États qui a abrogé ses lois sur les ventes à perte car elles aboutissaient présumément à l'augmentation...

M. Ronald Johnson: Oh, dans le rapport.

M. Dan McTeague: ...des prix de vente au détail de l'essence. Vous avez donc mentionné le Montana, monsieur.

M. Ronald Johnson: Pour ce qui est des prix, oui. Mais mon étude n'est pas centrée uniquement sur le Montana.

Je m'excuse, mais quelle était votre autre question?

M. Dan McTeague: J'ai aussi demandé si vous considérez ce projet de loi comme un projet de loi qui porte sur les ventes à perte?

M. Ronald Johnson: Non.

M. Dan McTeague: Pour finir, ma dernière question s'adressera par conséquent à M. Watkins. Monsieur Watkins, je crois... Qui est ici à la place de notre cher ami M. Calvani?

Me W. Jeffrey Schmidt:: C'est moi.

M. Dan McTeague: Merci. En dépit de vos remarques, j'ai une brève question à vous poser. M. Calvani, c'est ce qu'on a laissé entendre, a fait un travail magnifique, excepté que M. Calvani ne tient pas compte de l'amendement apporté il y a presque trois ou quatre semaines. En conséquence, serait-il juste de dire que son rapport, vu l'amendement, n'est plus pertinent?

Me W. Jeffrey Schmidt:: Monsieur McTeague, la tâche qui incombait au commissaire Calvani était d'analyser l'expérience américaine en ce qui concerne les lois sur les prix d'éviction et les ventes à perte; je ne pense pas que cela ait été influencé d'aucune façon par l'amendement tel qu'il existe aujourd'hui.

M. Dan McTeague: La raison pour laquelle je pose la question, monsieur Schmidt...

La présidente: Ce sera votre dernière question, monsieur McTeague.

M. Dan McTeague: Oui, je vous remercie, madame la présidente.

Elle porte sur le fait que bien que nous possédions un moyen intéressant d'évaluer plusieurs des craintes qu'inspirent les ventes à perte, M. Calvani ne pouvait pas connaître l'amendement et son incidence éventuelle sur l'analyse de la situation ici, au Canada.

Je voudrais donc réitérer qu'il me semble que si M. Calvani a rédigé son rapport en se fondant sur certaines hypothèses, et vous êtes ici présumément pour le représenter, ces hypothèses ne sont plus valides ni pertinentes; et, par conséquent, non seulement votre témoignage fait problème, mais à moins que vous n'ajoutiez quelque chose de différent par rapport à ce qu'a dit M. Calvani, tout cela se rapporte probablement à autre chose, en dehors du cadre de l'amendement de ce projet de loi. Est-ce exact?

Me W. Jeffrey Schmidt:: Monsieur McTeague, je m'en tiens au contenu du rapport qui a été soumis.

La présidente: Merci.

M. Dan McTeague: C'est ma dernière question. Merci, madame la présidente.

[Français]

La présidente: Madame Lalonde, s'il vous plaît.

Mme Francine Lalonde: Je vais émettre une opinion, puis je vous demanderai vos commentaires.

Nous avons à établir, parce que c'est l'intention de M. McTeague, si ce projet de loi permettrait effectivement aux détaillants de conserver ou d'augmenter leur part de marché afin de constituer une concurrence qui serait favorable aux consommateurs.

• 1745

Or, le projet de loi, pour lequel j'ai voté en deuxième lecture, force l'entreprise intégrée à consentir aux détaillants un prix de gros égal à son prix de détail à elle. Cela veut dire que le petit détaillant ou le détaillant indépendant sera obligé de limiter ses coûts d'exploitation et devra vendre son essence au détail à un prix plus élevé que celui du fournisseur intégré, parce qu'il va l'acquérir à ce prix-là.

Si c'est la seule condition qui est faite et si les détaillants n'ont pas d'autre moyen de se débrouiller, est-ce que ce projet de loi permettrait vraiment aux détaillants d'être de véritables concurrents sur le marché, ce qui ferait en sorte que le prix global de l'essence demeurerait le plus proche possible du prix international?

J'espère que la traduction n'est pas trop pénible.

[Traduction]

La présidente: Y a-t-il des commentaires? Non. Monsieur Johnson.

M. Ronald Johnson: Si je comprends bien la question, il s'agit de savoir si oui ou non ce projet de loi les aidera réellement à être concurrentiels. Là encore, si on parle des petits détaillants indépendants, les forces à l'oeuvre derrière les structures de commercialisation continueront de s'exercer, que ce projet de loi existe ou non. C'est le message que je souhaite vous transmettre. Il se peut que vous parveniez à ralentir l'évolution des tendances ici ou là, mais au final, les prix seront légèrement plus élevés pour les consommateurs et l'on rencontrera, en outre, de graves difficultés pour l'interprétation de cette loi dans les autres secteurs de l'économie.

[Français]

La présidente: Madame Lalonde, avez-vous d'autres questions?

Mme Francine Lalonde: Je voudrais ajouter que quand j'ai interrogé le représentant de l'ICPP, je lui ai demandé s'il attribuait le fait que le prix à Montréal était plus près du prix international à la présence d'importateurs indépendants qui peuvent acheter des bateaux de pétrole déjà raffiné et n'ont donc pas besoin du raffinage des pétrolières. Sa réponse a été «oui». Quand vous parlez des forces du marché, parlez-vous de ce type de concurrence?

[Traduction]

La présidente: Monsieur Watkins.

M. Campbell Watkins: Si j'ai bien compris la question, je pense que vous avez raison de dire que le prix de l'essence dans la région de Montréal est plus étroitement lié au prix d'importation de l'essence en provenance des Antilles ou d'ailleurs, à cause de l'accès aux installations sur place, même si je considère qu'un facteur saisonnier joue également un rôle. Je pense donc que vous avez raison.

La présidente: D'autres commentaires? Posez votre dernière question, madame Lalonde,

[Français]

s'il vous plaît.

Mme Francine Lalonde: Les indépendants ne sont pas tous petits. C'est un des problèmes importants que j'éprouve.

• 1750

Je suis d'accord sur l'intention du projet de loi et je cherche encore à voir s'il permet d'atteindre les buts qu'il vise. Les indépendants ne sont pas tous petits. Il y a de gros indépendants qui ne sont pas intégrés et qui ne seront pas liés par la contrainte imposée au fournisseur intégré. Pensons à Costco et à d'autres.

[Traduction]

La présidente: Madame Mahoney.

Mme Loretta Mahoney: Naturellement, je suis d'accord avec vous. Au sein des catégories, même au sein des grandes catégories, il y a des tailles différentes.

Parmi les sociétés intégrées il y a les raffineurs implantés dans toutes les régions du pays, il y a les raffineurs-distributeurs qui ne sont implantés que dans une seule province. Et parmi les sociétés intégrées, il y a de très petits indépendants. Parmi les indépendants, il y a de très petits intervenants, tels que les petits établissements de détail familiaux dépourvus d'aire de service, de lave-auto, de distributeur de billets, qui ne font pas de location de vidéos; il y a aussi de très grands indépendants. Je pense que ce n'est pas dévoiler un secret de citer l'exemple de Canadian Tire. Et l'expérience au sein des catégories est très diversifiée. Par exemple—ce n'est pas non plus un secret—je ne révèle rien de confidentiel en disant que Canadian Tire enregistre des débits moyens dans ses stations-services qui ne peuvent que faire saliver un grand nombre de sociétés intégrées.

Ces compagnies contribuent donc toutes à leur façon à la concurrence et, en fait, sur la période couverte par l'analyse nous avons constaté des résultats mitigés. Certaines compagnies ont connu des revers de fortune, d'autres s'en sont mieux sorties, et toujours au sein d'une même catégorie. Mais comme nous nous occupons des moyennes, j'ai classé les sociétés intégrées dans une même catégorie, les indépendants dans une autre, tout en reconnaissant qu'il existe des différences considérables au sein de chacun de ces groupes.

La présidente: Quelqu'un a-t-il quelque chose à ajouter?

Monsieur Johnson.

M. Ronald Johnson: Je pense que l'exemple de Costco est tout à fait pertinent en l'occurrence. Cette loi n'aurait aucune incidence en ce qui concerne Costco, du fait que Costco pourrait quand même continuer d'utiliser ces dispositions pour vendre à perte—et éventuellement chasser du marché les petits exploitants indépendants. Par conséquent, dans un certain sens, vous ne leur accordez pas véritablement de protection grâce à cette loi. Si tel est votre objectif, j'ai l'impression que ce n'est pas vraiment ce qui va se produire.

La présidente: Merci.

Merci, madame Lalonde.

Madame Jennings, vous avez la parole.

Mme Marlene Jennings: Merci. J'ai quelques questions à poser. Je dispose je crois de cinq minutes.

La présidente: Effectivement.

Mme Marlene Jennings: Merci.

J'ai une question pour M. Schmidt. Êtes-vous convaincu que le projet de loi de M. McTeague, avec ses amendements—advenant que les amendements finissent par être adoptés—deviendrait une mesure législative sur les ventes à perte?

Me W. Jeffrey Schmidt:: Madame, je n'ai pas étudié le projet de loi et nous ne nous sommes pas non plus particulièrement intéressés aux amendements, du fait que nous étudions l'expérience américaine en matière de prix d'éviction.

Mme Marlene Jennings: Par conséquent, vos observations et l'étude de M. Calvani ne se rapportent directement qu'aux États-Unis, à l'expérience américaine, et vous ne pouvez pas faire de commentaires, à partir du rapport Calvani, sur le projet de loi original de M. McTeague ou sur les amendements qu'il a soumis?

Me W. Jeffrey Schmidt:: C'est exact, avec le...

Mme Marlene Jennings: Merci.

Madame Mahoney...

La présidente: Madame Jennings, pourriez-vous lui permettre de finir de répondre à la question. Vous lui avez coupé la parole en plein milieu d'une phrase.

Monsieur Schmidt, souhaitiez-vous ajouter quelque chose?

Me W. Jeffrey Schmidt:: Je m'apprêtais juste à ajouter que nous avions pour tâche de procéder à une comparaison avec les lignes directrices du Bureau de la concurrence relatives aux prix d'éviction.

Mme Marlene Jennings: Oui, mais cela n'a toujours rien à voir avec le projet de loi de M. McTeague ni avec les amendements qu'il a proposé d'y apporter. C'est ce que je cherche à éclaircir.

Me W. Jeffrey Schmidt:: Je pense que c'est juste.

Mme Marlene Jennings: Merci.

• 1755

Madame Mahoney, j'ai été très intéressée par la définition que vous avez donnée de ce qu'est un raffineur, de ce qu'est un raffineur-grossiste, de ce qu'est un raffineur-grossiste régional, de ce qu'est un indépendant, etc.; et par le fait que selon les données de Kent Marketing Services, étant donné qu'il y a eu des changements par rapport à la définition que vous avez donnée, une entité qui a été définie comme un indépendant, mais qui a été achetée par un raffineur-grossiste régional, ou national... leur part de marché a ensuite été déplacée dans l'autre catégorie. N'est-ce pas?

Mme Loretta Mahoney: Oui, au moment voulu.

Mme Marlene Jennings: Au moment voulu. Ensuite, le marché a continué d'évoluer ou il a changé; et cela, une fois établies les nouvelles catégories, etc. Je cherche à comprendre si Mohawk possédant au moment de son rachat—selon votre définition, Mohawk était indépendant—une part de marché de 8 p. 100, la part de son acheteur sur le marché a augmenté de 8 p. 100. Est-ce comme cela que ça se passe?

Mme Loretta Mahoney: Je ne pense pas que ce soit aussi simple. Disons pour caricaturer, qu'au troisième trimestre de 1998, Mohawk était classé comme un indépendant. Disons qu'au premier trimestre de 1999, Mohawk était alors classé comme une marque privée régionale, en vertu de son acquisition par Husky.

Mme Marlene Jennings: Oui.

Mme Loretta Mahoney: Le marché évolue, le marché est dynamique, et il n'y a donc aucune garantie que Mohawk conserve sa part de 8 p. 100.

Mme Marlene Jennings: Je comprends cela.

Mme Loretta Mahoney: Le nouveau propriétaire peut décider de fermer certaines stations-service. Je ne peux pas affirmer qu'il conserverait une part de 8 p. 100 du marché.

Mme Marlene Jennings: Je crois comprendre que dans l'étude que vous avez faite, vous n'avez pas été en mesure de réaliser des examens suffisamment pointus qui auraient permis d'évaluer la situation au jour le jour, ou de semaine en semaine ou de mois en mois. Vous avez procédé par trimestre. Par conséquent, les achats, selon votre définition, par les raffineurs grossistes, régionaux ou nationaux, au tout début d'un nouveau trimestre... vous n'étiez pas en mesure de déterminer d'une manière scientifique, mathématique, avec la méthodologie que vous appliquiez, l'impact réel sur une base quotidienne, hebdomadaire ou mensuelle. Vous ne pouviez que le faire sur une base trimestrielle. Est-ce exact—du fait que vous utilisiez une base trimestrielle?

Mme Loretta Mahoney: Ma réponse est encore une fois que ce n'est pas aussi simple. Je n'ai effectivement pas d'informations sur l'évolution au jour le jour, pas plus que Kent Marketing. Kent Marketing procède à des relevés deux, trois ou quatre fois par an; en fonction de l'importance du marché.

Mme Marlene Jennings: Y a-t-il un moyen pour que Kent Marketing ajuste ses données?

Mme Loretta Mahoney: Pourrais-je terminer?

Mme Marlene Jennings: Je vous en prie.

Mme Loretta Mahoney: J'ai examiné le marché—cette étude couvre une période de 10 ans et trois quarts. Je ne pense pas que ce qui peut intervenir en une seule journée ou en un seul trimestre puisse influer négativement sur les conclusions de cette analyse de tendances, qui porte sur une période très longue.

La présidente: Madame Jennings, ce sera votre dernière question.

Mme Marlene Jennings: Je ne remets pas en cause vos conclusions. J'essaie de comprendre la méthodologie. Je veux savoir si Kent Marketing possède un mécanisme qui permet d'ajuster les données à la fin des trimestres, lorsqu'ils se rendent compte qu'une entreprise a été rachetée et qu'elle est assimilée à une autre part de marché?

Mme Loretta Mahoney: Autant que je sache, ils ne retournent pas en arrière, et ils ne font pas d'ajustements rétroactivement. Ils disposent d'un relevé qui fait foi, et à l'occasion du relevé suivant, s'il y a eu un changement de nom, ce sera pris en compte—si une station-service a fermé, s'il y a eu une transaction, etc.

Mme Marlene Jennings: Parfait.

La présidente: Merci beaucoup, madame Jennings.

Monsieur Jones.

M. Jim Jones: J'aimerais beaucoup que vous me précisiez ce que vous entendez par «ventes à perte». Quel est le coût pour un fournisseur intégré? Y a-t-il des coûts multiples, un pour l'indépendant, qui est fonction du volume, et un pour la propre chaîne de points de vente au détail de la compagnie? Que signifie «à perte»?

La présidente: Monsieur Johnson.

M. Ronald Johnson: Tous les États semblent avoir une façon légèrement différente de mesurer le seuil, mais le prix de base... Pour l'essence, les lois sur le carburant—dans le Wisconsin par exemple—portent également sur les prix verticaux. On s'y intéresse essentiellement au prix de gros. Laissez-moi vous donner l'exemple du Montana.

• 1800

Dans le Montana, la marge bénéficiaire était de 6 p. 100. C'était le cas avant que les électeurs abrogent la loi en novembre dernier. Si un détaillant vendait à un prix inférieur à la marge de 6 p. 100, les stations voisines pouvaient appeler le procureur du comté et protester. Elles connaissent le prix de gros et elles savent également quels sont les coûts de livraison, etc., elles savent donc très bien où se situe le seuil.

Elles peuvent simplement appeler et dire que ce prix représente une vente à perte. Le procureur du comté peut alors appeler au téléphone la station-service coupable de l'infraction ou lui envoyer une lettre qui, essentiellement, lui ordonne de cesser ce genre de pratiques.

M. Jim Jones: Ma question est donc la suivante: y a-t-il un seul coût?

M. Ronald Johnson: Dans ce cas, il n'y aurait qu'un seul coût à prendre en considération.

M. Jim Jones: Peu importe que j'aie 100 stations-service dans l'État et que j'achète 2 millions de gallons par an et que mon voisin n'achète que 10 000 gallons par an. Il n'y a qu'un coût.

M. Ronald Johnson: Selon l'interprétation qui en a été donnée et la façon dont la loi est appliquée, oui.

M. Jim Jones: C'est dangereux.

La présidente: Monsieur Watkins.

M. Campbell Watkins: Pourrais-je ajouter quelque chose, monsieur?

Toute la question de ce qui peut constituer le coût approprié, dans le contexte de l'analyse des prix d'éviction aux États-Unis, est très difficile à traiter, car il s'agit de savoir de quel coût on parle. Il y a le coût variable à court terme, le coût moyen à court terme, le coût marginal à long terme, le coût moyen à long terme. Il y a différentes façons de définir les coûts, et je suis sûr que vous pouvez comprendre que toute tentative de définir le coût qui doit être mesuré par rapport au prix, en ce qui concerne la mesure des prix d'éviction, est très difficile.

M. Jim Jones: Par conséquent, monsieur Johnson, aux États-Unis, si ce type de loi était promulguée, les compagnies de télécommunication par exemple, qui offrent des ristournes sur quantité ou différents types de prix, ne pourraient vendre leurs services qu'à un seul prix.

M. Ronald Johnson: Par exemple, si Costco pouvait négocier un prix de gros inférieur, je pense que cela pourrait être contesté devant les tribunaux. C'est une supposition. Il ne serait pas nécessaire d'utiliser le prix de gros comme seuil de déclenchement. Là encore, je ne connais pas de cas où cela s'est produit, bien qu'il y ait un cas actuellement devant les tribunaux au Tennessee. Il s'agit de Wal-Mart.

Des compagnies comme Wal-Mart ou Costco peuvent très bien vendre leurs produits bien au-dessous de leur prix coûtant. Ils en font un prix d'appel. C'est ce que j'ai essayé de dire dans mon exposé. On ne peut pas tenir compte d'un seul prix. Dans ce genre de magasin, les gens achètent de l'essence, mais aussi du lait et toute sorte d'autres produits. Le simple fait que l'on réglemente un produit ne veut pas dire que l'on va pouvoir faire quelque chose pour le reste.

Même si vous réglementiez Costco en ce moment, si l'entreprise était obligée de s'en tenir au prix de gros—bien que je ne voie pas comment ce texte de loi pourrait avoir un impact sur Costco, mais si c'était le cas—Costco pourrait toujours baisser certains autres prix pour attirer les clients. La compagnie pourrait offrir d'autres services à la station, à la pompe. Il y a toutes sortes de choses que l'on peut faire pour contourner ce type de règlement.

La présidente: Merci.

Monsieur Peric.

M. Janko Peric: J'ai une question pour chaque témoin. Je vais commencer par M. Johnson.

Monsieur Johnson, pouvez-vous dire au comité quelle part du marché détiennent les indépendants aux États-Unis? Pouvez-vous dire au comité si aux États-Unis, il existe des oléoducs publics, des terminaux publics et si cela ouvre le marché américain aux grossistes et détaillants concurrents? Savez-vous qu'il n'y a pas d'infrastructure publique au Canada?

Monsieur Watkins, vous avez dit dans votre rapport que les prix de gros suivent les prix de l'alimentation et que les raffineurs ne profitent donc pas des avantages qu'on peut tirer des ventes en gros. Pourriez-vous nous parler du niveau des prix de gros par rapport au prix du brut au Canada, et nous dire si ces prix se situent au même niveau qu'aux États-Unis?

• 1805

Madame Mahoney, vous avez dit dans votre exposé qu'au cours des cinq dernières années visées par l'étude, les indépendants ont amélioré leur part de marché dans neuf villes. Comment avez-vous obtenu ces chiffres? Avez-vous mené ces études vous-mêmes ou avez-vous obtenu ces chiffres d'autres sources?

L'ordre des réponses n'a pas d'importance.

La présidente: Monsieur Watkins.

M. Campbell Watkins: La question était de savoir si j'ai consulté des données sur ce que l'on appelle les marges de raffinerie, c'est-à-dire la différence entre le prix de gros de l'essence et le coût du pétrole brut à la raffinerie? Dans le cadre de cette étude, je n'ai pas vu ces données. Je dois ajouter que les liens dont il était question dans l'analyse concernaient en réalité un changement du prix plutôt que l'écart entre les deux prix.

En fait, si le prix inférieur, le prix du pétrole brut, augmente par exemple de 10c. le litre, le prix supérieur, le prix de gros, augmenterait également du même montant. Donc, quelle que soit la marge, elle reste constante.

M. Ronald Johnson: En ce qui concerne les parts de marché, je n'ai pas les chiffres exacts, il faudrait donc vérifier. Ce qui est publié par le ministère de l'Énergie dans ses sondages est un chiffre sur la quantité d'essence qui passe par les stations-service que possèdent les raffineries. Mais nous ne parlons pas uniquement d'un négociant d'essence de marque, n'est-ce pas? Nous parlons d'une compagnie qui possède des stations-service qu'elle loue à une personne privée qui la gère, ou qu'elle gère elle-même. En ce sens, ce sont des raffineries intégrées. Je pense que cela se situe autour de 25 p. 100, mais c'est une supposition.

Je pense que l'autre question que vous avez soulevée est importante. Je ne connais pas le contexte ici, au Canada, mais en ce qui concerne les terminaux publics, nous avons des dispositions sur les transporteurs publics aux États-Unis, de sorte que toute personne qualifiée peut expédier de l'essence par ces oléoducs. Si ce n'est pas le cas au Canada—et cela pourrait constituer un blocage—le comité devrait peut-être étudier la question.

Mme Loretta Mahoney: Le renseignement que vous avez demandé se trouve à la page 12 de mon rapport. On y parle de la moyenne sur cinq ans, de 1988 à 1992, et de la moyenne sur cinq ans, de 1993 à 1997. C'est ce dont j'ai parlé lorsque j'ai dit que la part du marché des indépendants avait augmenté. Par exemple, à St. John's, à Terre-Neuve, la part de marché est passée de 8,7 à 17,9 p. 100 et à Québec, de 22,3 à 23,8 p. 100. J'ai souligné qu'à Montréal, elle avait diminué de 1 p. 100, de 19,7 à 18.7 p. 100.

M. Janko Peric: Oui, je vois.

Mme Loretta Mahoney: Nous avons tiré toutes ces données de l'analyse de Kent Marketing.

La présidente: Merci, monsieur Peric.

Monsieur Jaffer.

M. Rahim Jaffer (Edmonton—Strathcona, Réf.): J'aurais une brève question à laquelle peut répondre qui veut.

Il me semble de plus en plus évident, d'après les présentations des témoins et certaines des questions que l'on a posées, que la question n'est pas tant de savoir combien d'intervenants vont nécessairement créer la concurrence sur le marché, mais plutôt quel genre d'obstacle gêne l'entrée sur le marché. Cela me semble être une meilleure mesure de la concurrence.

Par exemple, nous avons vu le cas de Microsoft aux États-Unis. C'est évidemment une grande compagnie qui occupe une position dominante sur le marché. Pourtant, pour maintenir sa part de marché, elle n'a pas utilisé de prix d'éviction. Tout au moins, c'est ce qui a été maintenant prouvé, je crois.

J'aimerais avoir votre opinion—compte tenu de cet aspect de la question et du fait qu'avec ce projet de loi, nous nous trompons peut-être de direction—comment peut-on déterminer ce qui constitue un marché concurrentiel.

La présidente: Monsieur Johnson.

• 1810

M. Ronald Johnson: C'est en fait un de mes sujets préférés et la raison pour laquelle je crois que l'on insiste trop sur les parts de marché. Je pense que les parts de marché sont des seuils de déclenchement. Par conséquent, si vous avez 20 entreprises de même taille sur le marché, il n'est pas nécessaire de s'en inquiéter. Par contre, lorsque le marché devient très concentré, cela peut mériter que l'on s'y intéresse. Mais ce n'est pas forcément pour prononcer une condamnation.

Je pense que vous avez tout à fait raison. Ce qui importe, c'est avec quelle rapidité on peut entrer ou sortir du marché. Nous savons que s'il y a un potentiel suffisant de concurrence, il y aura une entreprise pour réussir.

La présidente: Merci.

Y a-t-il d'autres commentaires? Monsieur Bellemare.

M. Eugène Bellemare: Merci, madame la présidente.

Le projet de loi, tel qu'il est présenté, semble porter sur un seul secteur de l'industrie. Dans mon esprit, j'essaie de savoir si nous essayons de protéger le consommateur ou une concurrence équitable? Et en essayant d'assurer une concurrence équitable, protégeons-nous en fait les indépendants?

Il va falloir que vous répondiez rapidement par oui ou non à une de ces questions, mais, en supposant que votre réponse est que nous protégeons le consommateur en adoptant ce projet de loi, et qu'il devrait être adopté—en le supposant pour un instant, même si ce n'est pas ce que vous souhaitez—ma question principale, la plus importante est la suivante: quelle serait l'incidence sur les autres industries?

Je pense par exemple aux télécommunications. Une compagnie comme Bell Canada, par exemple, a élaboré un système Internet très rapide en dépensant une fortune en recherche et équipement, et maintenant, pour introduire le produit, elle veut le vendre à un coût inférieur à son coût de production. Mais les fournisseurs indépendants de services Internet estiment que ce n'est pas équitable et veulent acheter au même prix de détail que celui auquel Bell vend son produit. À mon avis, il me semble que ces fournisseurs indépendants cherchent les bonnes occasions et ne veulent tout simplement pas investir; ils ne veulent pas faire de la recherche. Tout ce qu'ils veulent, c'est pouvoir utiliser les connexions et entrer sur le marché et vendre.

Quelle est votre opinion à ce sujet?

La présidente: Monsieur Watkins.

M. Campbell Watkins: J'aimerais répondre à certaines de ces questions.

La première est de savoir si le projet de loi vise les indépendants? Non, cela n'est pas précisé dans le texte. Mais je pense que dans la pratique, c'est le cas.

Le projet de loi protège-t-il le consommateur? Je pense que la réponse est mitigée. En effet, la dynamique de la concurrence pourrait avoir des effets négatifs à ce sujet.

La présidente: Monsieur Johnson, avez-vous des commentaires?

M. Ronald Johnson: Oui. Je ne pense pas que ce projet de loi protège le consommateur. Tout au moins, l'analyse et les arguments présentés et ceux que j'ai lus—et j'ai lu certains des premiers témoignages—ne vont pas dans ce sens.

Mais ce que j'entrevois par contre—et vous en avez parlé en soulevant la question des télécommunications—c'est la possibilité de commettre des infractions. Si madame la présidente le permet, je vais vous donner un exemple.

Imaginons un fabricant de chaussures qui a un modèle particulier et un magasin de vente au détail qui porte son nom. Ce fabricant vend également ce même produit à des magasins d'escompte—tout au moins, c'est ce que ma femme me dit, c'est le cas du magasin qu'elle fréquente et où elle peut acheter tous les produits de marque. Mais si ce fabricant, par l'intermédiaire de ses points de vente—par exemple, il vend dans un quartier résidentiel, alors que le magasin d'escompte se trouve dans un quartier populaire—décide que cette chaussure ne se vend pas bien et, pour l'éliminer de son marché, baisse le prix au-dessous du prix de gros auquel il l'a vendue au magasin d'escompte ou au-dessous du prix convenu avec lui par contrat, en vertu des dispositions de ce projet de loi, ledit fabricant serait en infraction.

La présidente: D'accord.

M. Eugène Bellemare: Monsieur Schmidt.

Me W. Jeffrey Schmidt:: Je vais parler plus généralement de l'expérience américaine concernant le problème des prix d'éviction. En lisant le compte rendu des affaires les plus récentes portées devant la Cour suprême aux États-Unis, on voit que l'on favorise le consommateur, même si dans bien des cas, certains concurrents font l'objet d'un traitement très dur et parfois même inéquitable. La Cour suprême des États-Unis a bien précisé que le but des lois antitrust est de déterminer s'il y a préjudice envers le consommateur et non envers des concurrents particuliers.

• 1815

La présidente: Y a-t-il d'autres commentaires?

Merci beaucoup, monsieur Bellemare.

M. Stan Keyes: Madame la présidente, pourrais-je interrompre le débat pour invoquer le Règlement? Je suis désolé pour les témoins, mais nous avons maintenant suffisamment de députés ici pour proposer une motion...

La présidente: Monsieur Keyes, on ne peut pas proposer une motion en invoquant le Règlement.

M. Stan Keyes: Bon, très bien.

La présidente: J'allais vous donner la parole après M. Jones. Si M. Jones n'a pas de question, je vous cède la parole.

Monsieur Keyes.

M. Stan Keyes: Merci, monsieur Jones.

Vous savez, madame la présidente, à cause du manque de temps... Je pense que c'est le problème, nous ne consacrons pas assez de temps à ce projet de loi, le projet de loi C-235. Ce n'est la faute de personne, car il y a le Règlement qui impose le renvoi à la Chambre au bout d'une période donnée, etc. Bien que le projet de loi soit très simple, je crains—et je ne suis pas le seul, un autre témoin au moins a parlé des conséquences de ce projet de loi dans d'autres domaines—que ses répercussions puissent aller au-delà de ce que nous essayons d'accomplir ici. Et à mon avis, nous manquons de témoins.

Très franchement, j'aurais aimé savoir ce que le ministre pense de ce projet de loi. J'aurais aimé savoir ce que l'industrie agricole a à dire de ce projet de loi. J'aurais aimé savoir ce qu'en pense l'industrie des transports. Nous ne le saurons pas, car nous n'avons pas assez de temps.

Quelqu'un peut-il... Je sais que je ne peux pas; je vais l'admettre ici et maintenant. Quelqu'un peut-il, à l'exception de M. McTeague, dont nous savons tous qu'il connaît très bien cette question... Il travaille sur ce sujet depuis longtemps déjà et a présenté des arguments plutôt solides. Je ne peux pas me prononcer sur quelque chose que je ne connais pas suffisamment, lorsque je n'ai pas toutes les réponses. Je n'ai pas eu l'occasion de poser suffisamment de questions.

Mais j'apprécie son initiative. Et de toute façon, le projet de loi de Dan McTeague montre bien, je pense, les lacunes de la Loi sur la concurrence et le fait qu'il y a un problème au Bureau de la concurrence. Je ne parle pas au nom de qui que ce soit d'autre. Je pense qu'il y a un problème au Bureau de la concurrence.

Pour toutes ces raisons, madame la présidente, j'aimerais proposer que, le plus rapidement possible, le Comité de l'industrie étudie en profondeur la Loi sur la concurrence et le Bureau de la concurrence. C'est aussi simple que cela.

La présidente: Monsieur Keyes, pour que cette motion puisse être déposée maintenant, il faudrait le consentement unanime du comité, en raison de la règle des 48 heures.

M. Stan Keyes: Je suis désolé. Je demande alors le consentement unanime.

La présidente: Y a-t-il consentement unanime pour que M. Keyes propose sa motion maintenant?

[Français]

Mme Francine Lalonde: Je suis d'accord sur cela.

[Traduction]

La présidente: Êtes-vous d'accord?

[Français]

Mme Francine Lalonde: Je l'aurais proposée.

[Traduction]

La présidente: Monsieur Jones.

M. Stan Keyes: Vous ne voulez pas proposer cette motion?

M. Jim Jones: Non. Je pense que nous pourrons le faire à la prochaine réunion, mais pas maintenant.

La présidente: Nous pourrions en faire un avis de motion, monsieur Keyes.

M. Stan Keyes: Très bien, c'est un avis de motion à l'intention du comité directeur, dans ce cas.

La présidente: Non, non. Vous pouvez proposer la motion. Nous ne pouvons pas en discuter pour le moment en raison de la règle des 48 heures.

Une voix: Nous devons y réfléchir.

M. Stan Keyes: D'accord. Je déposerai la motion dans les 48 heures.

La présidente: Elle est donc déposée.

M. Stan Keyes: Merci, chers collègues. Je demande aux témoins d'excuser cette interruption.

La présidente: Je n'ai pas d'autres questions sur ma liste.

J'aimerais remercier nos témoins d'avoir participé à cette séance et d'être venus d'aussi loin. Le débat a été très intéressant.

Je remarque que le nombre des points de vente au détail a diminué dans les deux pays, et nous devrons évidemment trouver une explication.

Je vous remercie tous de votre participation. La séance est levée.