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INDY Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON INDUSTRY

COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 9 février 1999

• 1535

[Traduction]

La présidente (Mme Susan Whelan (Essex, Lib.)): La séance est ouverte. Conformément à un ordre de renvoi de la Chambre en date du mardi 3 novembre 1998, le comité examine le projet de loi C-54, Loi visant à faciliter et à promouvoir le commerce électronique en protégeant les renseignements personnels recueillis, utilisés ou communiqués dans certaines circonstances, en prévoyant l'utilisation de moyens électroniques pour communiquer ou enregistrer de l'information et des transactions et en modifiant la Loi sur la preuve au Canada, la Loi sur les textes réglementaires et la Loi sur la révision des lois.

J'ai le plaisir d'accueillir nos quatre témoins d'aujourd'hui. Toutefois, avant de présenter les témoins et de leur donner la parole, le comité est saisi d'une motion qui a été présentée il y quelques jours par l'un des membres du comité, M. Jones. Je vais demander à M. Jones de nous proposer sa motion.

M. Jim Jones (Markham, PC): Oui, merci, madame la présidente et chers collègues.

J'espère que j'aurai un peu plus de temps pour parler de cette motion, comme je l'ai fait la semaine dernière. Vous avez tous déjà reçu le texte de la motion, qui se lit comme suit:

    Que M. François Beaudoin, président de la Banque de développement du Canada, soit convoqué devant le comité aussitôt que possible pour fournir des explications sur les conditions d'obtention d'un prêt, les règles à respecter et le remboursement des prêts, en ce qui concerne en particulier M. Yvon Duhaime.

Je voudrais vous expliquer pourquoi il est souhaitable que le comité convoque M. Beaudoin, en faisant un bref historique de ce que nous savons de M. Yvon Duhaime. En avril 1993, les Entreprises Yvon Duhaime achetait le stock, le mobilier et le fonds de commerce de la Grand-Mère Inn à une société à numéro 161341 Canada Inc. À l'époque, le député d'opposition...

La présidente: Monsieur Jones, si vous le permettez, vous soulevez devant le comité des questions qui mettent en cause de simples particuliers et votre motion vise à inviter le président de la Banque de développement du Canada à comparaître devant nous. Je ne pense pas qu'il convienne de discuter la situation de particuliers en leur absence.

M. Jim Jones: J'essayais de vous indiquer la suite des événements tels que nous les connaissons et d'expliquer pourquoi il est souhaitable de convoquer le président de la Banque de développement du Canada.

La présidente: Il n'est pas question de vous autoriser à parler de simples particuliers, et si vous ne pouvez pas...

M. Stan Keyes (Hamilton-Ouest, Lib.): J'invoque le Règlement. La présidente a-t-elle pu établir, après consultation, si la motion proposée par notre collègue d'en face est recevable ou non? S'il est établi que sa motion est irrecevable, cela étouffera l'affaire dans l'oeuf.

La présidente: Monsieur Keyes, la greffière va vérifier pour plus de certitude, mais à première vue, étant donné que la motion fait allusion à un particulier, cela sort du champ de compétence de notre comité.

M. Jim Jones: Je parle d'une société appelée Les Entreprises.

La présidente: Dans votre motion, vous faites précisément allusion à un particulier. Le rappel au Règlement porte sur la motion proprement dite.

M. Jim Jones: À la Chambre aujourd'hui, en réponse à ma question, le ministre Manley a dit que nous pourrions discuter de cette question au comité.

La présidente: Malgré la réponse qu'a pu donner M. Manley à la Chambre, la comparution éventuelle de M. Beaudoin, président de la Banque de développement du Canada, ne pose aucun problème. Ce serait normal. En réalité, nous avons prévu sept semaines d'audiences sur le projet de loi C-54, et nous savons déjà que nous allons devoir nous pencher sur le Budget des dépenses. La Banque de développement du Canada fait partie du budget qui est soumis au comité, et nous rencontrerons les responsables en temps et lieu.

• 1540

M. Jim Jones: J'aimerais donc retrancher de ma motion le passage «en ce qui concerne en particulier M. Yvon Duhaime.»

La présidente: Très bien.

Monsieur Keyes.

M. Stan Keyes: Nous en revenons ensuite—et vous n'avez peut-être pas entendu ceci, madame la présidente, car vous vous entreteniez avec votre attaché de recherche au sujet du retranchement de ce passage—à l'observation de la présidente concernant la charge de travail du comité et la possibilité que nous aurons tous d'interroger M. Beaudoin lorsqu'il comparaîtra dans le cadre de l'étude du Budget des dépenses.

Nous comprenons vos motifs, mais le moment est mal choisi.

Je propose qu'on vote sur la motion.

(La motion est rejetée)

M. Jim Jones: J'ai aussi un avis de motion portant que le comité invite M. Howard Wilson, conseiller à l'éthique, à comparaître devant le Comité de l'industrie pour expliquer son mandat et ses responsabilités à l'égard des dépenses de son bureau figurant sous la rubrique d'Industrie Canada.

La présidente: Très bien, monsieur Jones. Nous prenons note de cet avis, mais là encore, le comité va examiner au cours des deux prochains mois tout ce qui concerne le Budget des dépenses d'Industrie Canada.

Je souhaite la bienvenue à nos témoins d'aujourd'hui dans le cadre de l'étude du projet de loi C-54 et je leur demande d'excuser ce léger retard.

Nous sommes très heureux d'avoir parmi nous aujourd'hui, de l'Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique, M. Murray Mollard, directeur des Politiques; de l'Action réseau consommateur, Mme Marie Vallée et M. Jacques St-Amant, et de Frontière électronique du Canada, le professeur Richard S. Rosenberg, vice-président et professeur d'informatique à l'Université de la Colombie-Britannique.

Sauf erreur, la greffière vous a dit qu'il serait souhaitable de limiter à cinq minutes votre allocution liminaire.

Il y a un certain nombre de documents que tout le monde devrait avoir sous les yeux. Malheureusement, nous n'en avons reçu qu'un seul à temps pour le faire traduire. Vous devriez l'avoir sous les yeux. Un des autres est en anglais et l'autre, en français.

Nous donnons la parole à M. Mollard.

M. Murry Mollard (directeur des politiques, Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique): Merci, madame la présidente, et je remercie le comité d'avoir invité l'Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique à comparaître dans le cadre de l'étude du projet de loi C-54. Nous sommes convaincus que la démocratie et la législation du Canada sont renforcées lorsque des citoyens ont la possibilité de participer à ce genre de processus, et je vous remercie de nous avoir donné l'occasion de témoigner.

Tout d'abord, quelques mots sur l'Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique. Depuis 1962, l'Association s'occupe de promouvoir et de protéger les libertés civiles des habitants de la Colombie-Britannique et de tous les Canadiens. La vie privée est une question très importante à nos yeux et en fait je dirais que depuis une dizaine d'année, c'est un dossier auquel on a dû consacrer de plus en plus de ressources et de travail.

Nous avons mené de nombreuses activités pour aider les plaignants. Nous participons activement à la réforme du droit. Par exemple, lorsque la Colombie-Britannique a adopté sa loi concernant la liberté de l'information et la protection de la vie privée, nous avons participé activement à l'élaboration de cette loi.

Nous avons produit un guide intitulé Guide sur la protection des renseignements personnels; il s'agit d'un guide sur les droits des citoyens en matière de vie privée dans les secteurs public et privé. J'ai joint en annexe à notre mémoire un extrait de ce guide.

Je le répète, nous consacrons de plus en plus de temps à nous pencher sur des questions en rapport avec la vie privée. Bien des gens nous appellent pour nous faire part de leurs inquiétudes et nous demander conseil et aide. Il faut dire que malheureusement, dans le secteur privé, nous ne pouvons guère intervenir. À l'occasion, nous réussissons à communiquer avec un organisme ou un employeur, mais c'est le plus souvent la simple persuasion morale qui accorde le moindre poids aux instances que nous présentons à l'employeur ou à l'organisation.

Une petite anecdote personnelle. Lorsque je préparais cet exposé en janvier, j'ai pris un raccourci dans une petite ruelle en revenant du travail. En passant devant l'entrée de derrière de l'immeuble, je suis tombé sur une pile de documents. J'ai regardé les documents d'un peu plus près et j'ai vu divers documents financiers, des chèques annulés qui contenaient des renseignements personnels. Cela m'a sidéré. J'ai communiqué avec une banque toute proche pour informer les responsables et je leur ai dit qu'il y avait un problème.

• 1545

Ce genre d'histoire ne justifie pas le projet de loi sur le plan scientifique. Je dis tout simplement que cela s'ajoute à la litanie d'anecdotes personnelles et aux demandes de protection accrue des renseignements personnels de la part des Canadiens. Il convient de signaler que, dans cette affaire, il est probable que la plupart des gens qui sont peut-être en cause n'auraient jamais su qu'il y a avait eu de telles violations de leur vie privée. Il importe de ne pas l'oublier lorsqu'on examine les dispositions de surveillance nécessaires pour mettre en vigueur les droits et obligations prévus dans ce projet de loi.

Notre association félicite le gouvernement d'avoir proposé ce projet de loi. Nous appuyons cette mesure en principe ainsi que bon nombre de ses dispositions, comme l'article 3, qui en définit l'objet. Il est très important de donner aux Canadiens le droit à la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. Quelles que soient les incitations et motivations d'ordre économique et commercial, elles sont justifiées de par l'objet du projet de loi. Nous pensons toutefois que, en dernier ressort, la vie privée est un droit fondamental et une raison importante d'adopter ce projet de loi, que nous appuyons.

Nous tenons également à exprimer notre appui à l'égard de l'inclusion des employés dans l'application et la protection du projet de loi. C'est un aspect très important de nos activités. En fait, bon nombre de plaintes relatives à la vie privée que nous recevons dans notre bureau proviennent de personnes qui sont des employés ou des employés éventuels. Je signale que l'expression «employé éventuel» ne se trouve pas dans le projet de loi et c'est l'une des suggestions que nous faisons à votre comité.

Malgré notre appui général, nous pensons qu'il y a lieu d'améliorer le projet de loi et nous avons essayé d'expliquer comment dans notre mémoire. Je ne présenterai pas en détail nos suggestions car je n'en ai le temps, mais je répondrai à vos questions. Deux choses méritent toutefois d'être soulignées, et notamment notre point numéro 5 à la page 7, où nous parlons des principales obligations prévues à l'annexe qui pourront être modifiées par simples décisions du cabinet plutôt que par la voie de modifications législatives. C'est une arme à double tranchant. En effet, il sera désormais plus facile d'apporter des changements en vue d'accroître la protection de la vie privée, mais il sera aussi plus facile d'apporter des changements qui nuisent à cette protection. À notre avis, il vaut mieux indiquer ces obligations dans le projet de loi et les assujettir à des modifications législatives.

Le principe 1 que renferme l'annexe devrait englober un principe de justification; autrement dit, lorsque les organismes énoncent leur objet, il devrait y avoir des limites, la possibilité d'évaluer dans quelle mesure ces objets sont raisonnablement justifiés.

Nous estimons également que la loi devrait s'appliquer autant aux processus qu'aux dossiers. Il y a eu des problèmes en Colombie-Britannique lorsque nous avons déposé des plaintes, par exemple, parce que des échantillons d'urine avaient été prélevés pour le dépistage de drogue, et le commissaire a décidé que ce procédé n'était pas visé par la loi. Il importe que la loi s'applique aux processus, de sorte qu'avant qu'on puisse utiliser ce prélèvement, on obtienne l'autorisation et la loi s'applique.

À notre avis également, l'alinéa 7(1)b) du projet de loi concernant l'exemption pose un problème très grave. Cela ouvre une brèche profonde dans la loi et les obligations des organismes, et nous vous suggérons de revoir cette question. Nous proposons également diverses mesures pour accroître la surveillance, etc.

Nous avons fait une autre recommandation—et elle vous a été communiquée aujourd'hui même—relativement à la protection des dénonciateurs. Ce que nous entendons par là ne correspond peut-être pas à ce que vous ont dit d'autres témoins à ce sujet. Nous parlons de personnes qui, pour mettre en lumière ou empêcher un préjudice grave aux civils, souhaitent divulguer des renseignements personnels. C'est l'intérêt public qui les pousse à agir et ils le font à l'insu ou sans le consentement du sujet.

Or, nous faisons une mise en garde à l'égard de cette proposition concernant les dénonciateurs. C'est une question assez complexe et nous y réfléchissons encore. Il faut bien y réfléchir. Nous pensons que le comité et Industrie Canada devraient prendre le temps de l'examiner. Nous n'avons pas de recommandation très précise à votre intention dans un sens ou dans l'autre, mais c'est une question qui mérite la plus haute attention.

Pour conclure, je le répète, nous appuyons le principe du projet de loi et nombre de ses dispositions. Nous pensons qu'il est possible de l'améliorer, et c'est là votre rôle.

Je suis prêt à répondre à vos questions. Je tiens toutefois à signaler une chose. Si le projet de loi est adopté, il sera paradoxal, à mon sens, que certaines personnes au Canada jouissent d'une meilleure protection de leur vie privée par rapport au secteur privé que par rapport au secteur public pour ce qui est des possibilités de recours devant les tribunaux.

• 1550

Je vous remercie.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Mollard.

Je vais maintenant donner la parole à Mme Vallée et M. St-Amant; je ne sais pas lequel des deux va commencer.

[Français]

Madame Vallée, s'il vous plaît.

Mme Marie Vallée (analyste, Politiques et réglementation, Télécommunications, Inforoute et protection des renseignements personnels, Action réseau consommateur): Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité, ce mémoire énonce les observations de deux organismes: Action réseau consommateur, qui était précédemment connu sous le nom de FNACQ, et Option consommateurs. Ces deux organismes s'intéressent activement à la protection des renseignements personnels depuis de nombreuses années et ils ont entre autres participé très intimement aux travaux qui ont mené à l'adoption de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé au Québec.

Nous sommes ici aujourd'hui parce que nous croyons fermement à l'importance de protéger véritablement les renseignements personnels des Canadiens et des Canadiennes détenus par les entreprises. Nous saluons donc l'initiative du gouvernement fédéral et les efforts soutenus consentis par le ministre de l'Industrie, M. John Manley, ainsi que par de nombreuses personnes qui ont fait en sorte de concrétiser ce besoin devenu, au cours des dernières années, de plus en plus criant.

Nous ne sommes malheureusement pas en mesure de présenter une évaluation approfondie du projet puisque, pour des groupes comme les nôtres, les ressources autant humaines que financières se font rares. C'est entre autres pourquoi nous n'avons pas pu faire traduire le mémoire à temps. Cela dit, l'analyse préliminaire qu'on a déposée aujourd'hui devrait quand même couvrir le champ de nos préoccupations.

On ne se possède plus. C'est du moins l'impression que peuvent avoir les citoyens à observer l'appétit vorace qui manifestent les entreprises à l'égard de ce qu'ils font et de qui ils sont. Les Canadiens s'inquiètent du sort des renseignements personnels qui les concernent. Ce n'est pas nouveau et ça continue, comme tous les sondages le disent.

Ce malaise croît au moment précis où les entreprises s'enthousiasment pour le traitement des renseignements personnels concernant leurs clients. Les intérêts des protagonistes paraissent donc à première vue inconciliables. Il faut alors faire des choix philosophiques, politiques et juridiques. Ces choix-là doivent s'incarner dans des règles de droit qui permettent plus de certitude et plus de précision.

Au Canada, cela soulève une question: a-t-on affaire à des questions de compétence fédérale ou de compétence provinciale, ou aux deux? Puisqu'il s'agit d'une compétence partagée, il importe qu'on trouve les meilleurs moyens de faire en sorte que l'édifice législatif qui sera érigé soit solide et harmonieux.

C'est dans ce contexte que nous envisageons le projet de loi C-54. Nous soutenons sans aucune réserve les principes qui servent d'assise à ce projet. Nous voulons aussi souligner l'importance et la pertinence de l'intervention du gouvernement fédéral au plan canadien et au plan international pour assurer la protection des renseignements personnels concernant les Canadiens.

Il faut cependant d'abord préciser les critères qui permettront d'établir si les règles qu'adoptera le Canada se conformeront aux exigences. On peut d'emblée en formuler quatre: les règles doivent être adéquates quant au fond, et donc à la fois conformes aux principes généralement reconnus et adaptées ou adaptables à des besoins spécifiques; les règles doivent être publiques; les règles doivent être d'application générale; les règles doivent bénéficier d'un mécanisme d'application efficace et accessible qui permettra leur mise en oeuvre.

Malheureusement, et c'est là que je vais perdre quelques amis, le projet, dans sa forme actuelle, ne correspond qu'imparfaitement à ces quatre critères. Partagées entre le corps de la loi et son annexe, les règles ne sont pas faciles à saisir. Elles pourraient être modifiées substantiellement par un simple décret. Le mécanisme envisagé risque fort de mettre en place des règles différentes selon les secteurs d'activité et les régions du Canada. Enfin, les mécanismes d'application ne sont pas solides.

• 1555

Nous vous demandons de vous reporter aux pages 8 à 13 de notre mémoire, où vous trouverez une présentation plus détaillée de nos préoccupations d'ordre constitutionnel.

Par ailleurs, les régimes d'exception proposés posent problème. L'alinéa 27(2)d) et le paragraphe 30(1) viennent ajouter à la complexité de la détermination de l'éventuel champ d'application du projet. On pourrait, s'ils demeurent tels qu'ils sont rédigés, arriver à des résultats très différents que ceux qu'on recherche par le projet.

En vertu de l'alinéa 27(2)d), on exclurait de l'application du projet à l'intérieur d'une province des organisations, des activités ou des catégories d'activités à l'égard de leurs opérations de collecte, d'utilisation ou de communication des renseignements personnels. On pourrait donc, et je vous donne un exemple, assister à une situation où les activités de collecte de renseignements d'une société d'assurances comme la Great-West menées au Québec seraient exclues de l'application de la loi fédérale, où le seraient également ses activités de communication des renseignements personnels en provenance du Manitoba, mais où toutes les autres activités de l'entreprise au Canada seraient assujetties au projet, tandis que la donne pourrait être différente pour un assureur dont le siège social se situerait en Ontario.

En somme, cet alinéa pave la voie à une extraordinaire diversité de régimes juridiques qui a toutes les chances de fausser la concurrence et de rendre la vie des entreprises impossible. Là on parle d'entreprises qui ont le moyen de se payer des avocats. On n'a pas encore parlé des citoyens. Il invite également les entreprises à multiplier les interventions auprès du gouverneur en conseil pour obtenir les exclusions qui les arrangeraient et qui ne seraient pas nécessairement accordées à leurs concurrents. On pense qu'on pourrait faire mieux dans la formulation de cet alinéa.

L'article 30, quant à lui, pose des problèmes pour lesquels vous trouverez nos suggestions aux pages 14 et 15.

Puisque le temps file, passons aux solutions. Notre objectif est de proposer des solutions qui auraient pour effet de rendre le projet de loi plus clair, plus simple et plus efficace. Il faut d'abord clarifier le champ d'application du projet et en consolider les assises constitutionnelles. Il s'agit de mettre en place une loi fondée sur la compétence en matière de réglementation générale des échanges qui s'applique sans restriction non seulement au commerce électronique, mais à toutes les activités commerciales au Canada, sans aucun régime d'exclusion. Cela permettrait de rehausser la confiance des citoyens dans les pratiques des entreprises et, ce faisant, faciliterait le commerce. Cela établirait un plancher normatif uniforme.

L'existence de ce plancher ne devrait toutefois pas empêcher une province de protéger encore mieux les renseignements personnels au bénéfice des citoyens. En pareil cas, les deux lois s'appliquent simultanément, sans difficulté de principe. Rien n'empêcherait toutefois le Parlement de stipuler dans le projet qu'en cas de conflit entre ses dispositions et celles d'une autre loi, qu'elle soit fédérale ou provinciale, l'autorité chargée de l'application de la loi doit se conformer à la norme la plus susceptible d'assurer la mise en oeuvre des principes de protection des renseignements personnels établis par le projet. On évite d'avoir recours à un mécanisme d'exclusion comme celui proposé à l'alinéa 27(2)d).

On n'a plus besoin de l'article 30 et on permet en même temps la cohabitation des lois fédérale et provinciales de la manière la plus propre à atteindre l'objectif législatif, c'est-à-dire la protection des renseignements personnels, afin de maintenir la confiance du public à l'égard de l'activité commerciale.

D'autre part, la loi fédérale devrait évidemment s'appliquer aussi au flux transfrontalier de renseignements personnels et à l'ensemble des activités des entreprises fédérales. Le gouverneur en conseil pourrait cependant être doté du pouvoir d'assujettir des entreprises fédérales au respect des lois provinciales.

Nous signalons aux pages 20 à 28 des petites difficultés quant à la structure et certaines solutions que nous avançons.

Je terminerai par nos recommandations.

Bien que nous sachions que notre première recommandation n'a pas beaucoup de chances d'être acceptée, nous recommandons que le projet de loi C-54 soit retiré du Feuilleton et que le gouvernement dépose dans les plus brefs délais un projet de loi correspondant mieux aux besoins des citoyens.

• 1600

Recommandation 2: Nous recommandons instamment que, si notre première recommandation n'est pas retenue, le projet soit modifié de façon appréciable, conformément aux recommandations générales et spécifiques suivantes.

Recommandation 3: Nous recommandons que le champ d'application du projet soit modifié afin qu'il s'applique sans restriction à toutes les activités commerciales au Canada et à toutes les activités des entreprises fédérales, et qu'on formule plus précisément l'alinéa 4(1)b). Je vous demande de vous reporter à la page 17.

Recommandation 4: Nous recommandons que le processus établi par l'article 30 du projet de loi et le pouvoir d'exclusion accordé en vertu de l'alinéa 27(2)d) soient remplacés par une règle voulant que les dispositions du projet de loi prévalent sur celles des autres lois du Parlement, sans toutefois que cela restreigne les droits en matière de protection ou d'accès accordés par l'application des lois du Parlement ou d'une législature. Veuillez aller à la page 17 pour plus de précisions.

Recommandation 5: Nous recommandons que soit inséré à l'article 5 du projet de loi un énoncé des principes fondamentaux de protection des renseignements personnels, qui devraient être interprétés et appliqués conformément à l'annexe.

Recommandation 6: Nous recommandons qu'on accorde au commissaire le pouvoir de rendre des décisions exécutoires et le pouvoir de procéder à des inspections même dans les cas où il n'est pas expressément saisi de motifs raisonnables de croire qu'une infraction a été commise (voir les pages 23 et 24).

Recommandation 7: Nous recommandons que les décisions du commissaire à l'égard d'une mésentente concernant le traitement des renseignements personnels ou l'accès à ces renseignements puissent faire l'objet d'un appel auprès d'un tribunal administratif spécialisé.

Nous vous remercions de votre attention. Nous serons disponibles pour les questions. Merci beaucoup.

La présidente: Merci beaucoup, madame Vallée.

[Traduction]

Je donne maintenant la parole au professeur Richard Rosenberg de Frontière électronique du Canada. Monsieur Rosenberg.

M. Richard S. Rosenberg (vice-président, Frontière électronique du Canada; professeur d'informatique, Université de la Colombie-Britannique): Merci. L'organisme que je représente aujourd'hui, Frontière électronique du Canada, existe depuis près de cinq ans. Voici la mission de cet organisme, telle qu'elle apparaît dans notre site Web:

    Frontière électronique du Canada a été fondée pour garantir que les principes énoncés dans la Charte des droits et des libertés soient protégés, lors de l'introduction dans la société canadienne des nouvelles technologies de calcul, de communications et d'information.

Dans le cadre de bon nombre de ses activités, notre organisme a passé beaucoup de temps à s'opposer à l'ingérence gouvernementale dans ce que l'on peut trouver sur Internet, par exemple des questions visées par la liberté d'expression. En ce qui a trait à la vie privée, toutefois, nous estimons que le gouvernement a un rôle à jouer car il est indispensable de protéger les Canadiens contre tout abus de renseignements personnels.

À cet égard, je voudrais parler de certaines questions technologiques et défendre la cause d'un projet de loi... j'ajoute que nous approuvons cette mesure en principe. Elle se fait attendre depuis longtemps compte tenu de ce qui se fait en Europe, disons, et bien entendu de l'inertie qui existe aux États-Unis. Nous estimons préférable qu'une loi soit prévue pour protéger les Canadiens dans leurs activités en ligne, et en fait pour encourager ces activités.

Ce qui nous inquiète c'est que, bien souvent, on recueille au sujet des Canadiens et des autres utilisateurs de l'Internet toutes sortes de renseignements personnels, à leur insu et sans leur permission. C'est pourquoi il importe que, quelle que soit la façon dont le projet de loi est structuré, il ne s'applique pas uniquement aux technologies que nous connaissons aujourd'hui mais qu'il prévoit des questions de principe qui perdureront et s'appliqueront aux technologies de demain.

C'est pourquoi nous avons inclus dans notre exposé une discussion sur ce que l'on appelle les «cookies» que connaissent bien la plupart des usagers de l'Internet. Il faut franchir un certain nombre d'étapes pour que l'utilisateur moyen prenne conscience de l'existence des «cookies».

Il va sans dire que le choix même du terme «cookies» suggère quelque chose d'inoffensif, mais c'est tout le contraire. Il s'agit d'un mouvement d'information provenant d'un usager ou d'un consommateur de l'Internet qui est enregistré au site Web d'accueil. On justifie l'utilisation des «cookies» en disant qu'après avoir fait une activité—magasinage ou collecte de renseignements—une nouvelle visite permettra au site de reconnaître l'utilisateur et de l'aider éventuellement ou de faire quelque chose pour ses activités futures. C'est le but visé, tel que le présente le site Web, c'est-à-dire l'industrie.

• 1605

Malheureusement, les renseignements recueillis ne sont pas nécessairement utilisés par le site en question. Ils sont utilisés par le propriétaire, combinés à d'autres renseignements, commercialisés, transmis et utilisés dans nombre d'autres activités et tout cela à l'insu de la personne.

La première chose à faire lorsqu'on fait une recherche sur l'Internet—on a un fureteur—vous risquez de ne pas savoir que cette activité concernant les «cookies» est en cours. L'activité est assez transparente à moins de donner une commande à votre fureteur pour prévoir que vous devez accorder l'autorisation avant qu'on utilise des «cookies». Si vous ne l'avez pas fait, vous ne saurez pas que cette activité est en cours.

Cela fait partie intégrante du programme d'éducation dont parle le projet de loi, je pense. Je soutiens toutefois que tant que l'on ne débloquera pas des fonds suffisants pour une éducation permanente, l'évolution technologique qui permet la collecte de renseignements, de façon clandestine, je dois dire, se fera à l'insu des gens. Il est donc très important non seulement d'adopter un projet de loi, mais aussi de prévoir des ressources suffisantes, pas simplement pour régler les plaintes et tenir les enquêtes, mais aussi pour informer les gens. Les gens doivent savoir ce qui se passe, sinon, ils ne pourront rien faire.

J'ai inclus dans cet exposé quelque chose de nouveau que les gens connaissent peut-être déjà, ou qu'ils ignorent. Il s'agit de la nouvelle puce Intel, du Pentium 3, qui sort tout juste. Intel a inclus dans cette puce un mécanisme qui a soulevé une grosse controverse pas plus tard que la semaine dernière. Intel estimait, comme le reste du secteur, qu'il était important que les ordinateurs soient reliés à leurs utilisateurs de sorte que s'ils sont volés ou emportés, on puisse savoir qu'ils sont utilisés par quelqu'un d'autre que leur propriétaire.

Intel met donc un numéro d'identification dans sa puce et, quand on achète l'ordinateur, celle-ci est activée et votre nom est associé au numéro d'identification. Cela signifie que si vous poursuivez vos activités, votre nom y sera associé et si le nom que vous donnez lorsque vous opérez sur réseau ne correspond pas au nom inscrit dans la puce, cela poserait un problème et les autorités seront avisées.

Il est évident que cela prive aussi les utilisateurs de tout anonymat ou de confidentialité parce que leur nom est automatiquement associé à leurs activités, que vous achetiez ou non. Si vous visitez un site Internet pour y trouver certains renseignements, votre nom s'y trouve déjà et l'on saura que vous y avez été à un certain moment.

Face à cette critique, Intel a déclaré que si l'utilisateur ne veut pas que ce dispositif soit activé, il peut demander qu'il ne le soit pas. Là encore, cela fait partie de toute une série d'activités pour lesquelles, du fait des options choisies par défaut, c'est à l'utilisateur de faire quelque chose pour empêcher que des renseignements soient pris, transférés ou utilisés.

Vous constaterez que dans tout cet exposé, l'argument est que l'option retenue par défaut devrait être exactement l'inverse. Il devrait être entendu par défaut que rien à votre sujet ne peut être utilisé sans votre accord. Les cookies constituent probablement un très bon exemple de situations où des renseignements sont utilisés et où l'on découvre plus tard que l'on peut éviter cette utilisation. Toutefois, dès que l'on entre sur le système, les renseignements sont saisis.

Typiquement, dans l'industrie, ces renseignements sont saisis, utilisés, réunis et conservés automatiquement, que ce soit ou non directement lié à la transaction en question.

Je prétends que si par défaut il est entendu qu'aucun renseignement ne peut être recueilli, sauf si vous prenez une mesure positive pour l'autoriser à titre d'utilisateur ou de consommateur, quelle que soit la technologie qui se présente, ce principe s'appliquera.

Je terminerai par quelques observations.

L'histoire Intel n'est pas unique en son genre. C'est un exemple important, toutefois, de toute une série d'innovations technologiques qui ont des implications pour la société—dans ce cas, pour le respect de la vie privée. Seule une collectivité vigilante peut reconnaître ces menaces et prendre des mesures pour les combattre.

C'est un trop gros fardeau pour qu'un particulier agisse seul et même pour qu'il soit à même de comprendre les atteintes à sa vie privée.

Un projet de loi tel que le C-54 est absolument nécessaire pour protéger tous les utilisateurs d'Internet canadiens, mais il faut pour cela qu'il comporte des règles par défaut efficaces et applicables qui obligent les sociétés à offrir les installations mentionnées ci-dessus.

Un projet de loi C-54 plus ferme assurerait une protection permanente contre les menaces d'un flot constant de nouveaux dispositifs et méthodes puissants. Les Canadiens devraient pouvoir compter là-dessus.

Merci.

La présidente: Merci beaucoup, professeur Rosenberg.

Nous allons passer aux questions.

[Français]

Monsieur Dubé, s'il vous plaît.

M. Antoine Dubé (Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière, BQ): Je souhaite la bienvenue à tous ceux qui sont venus défendre les droits des citoyens par rapport à une telle loi.

J'ai une première question qui s'adresse à Mme Vallée et une deuxième qui s'adresse aux deux autres groupes.

• 1610

Vous avez rédigé un mémoire assez volumineux. Vous êtes passés rapidement à la partie constitutionnelle, qu'on peut lire aux pages 9 et suivantes. À la page 9, notamment, vous parlez de cinq critères d'évaluation qui s'imposent pour qu'on conclue à la constitutionnalité d'une loi fédérale. J'aimerais vous donner le temps de vous expliquer là-dessus, madame Vallée ou monsieur St-Amant.

Ma deuxième question, qui s'adresse aux deux autres groupes mais qui peut aussi s'adresser à vous, est la suivante. On a une loi au Québec. Le Québec est actuellement la seule province canadienne à avoir une loi poursuivant des objectifs analogues. J'aimerais que vous nous donniez votre opinion sur la valeur de la loi québécoise en la matière.

Mme Marie Vallée: Me St-Amant va répondre aux questions d'ordre constitutionnel.

Me Jacques St-Amant (avocat, Option consommateurs, Action réseau consommateur): La Cour suprême, dans une décision qu'elle a rendue en 1989, a essayé de baliser les cas où le Parlement pouvait utiliser son pouvoir en matière de réglementation générale du commerce et a fixé cinq critères indicatifs.

Il doit y avoir un système et il doit y avoir un organe de réglementation, mais il doit aussi y avoir un problème tel que les tribunaux puissent conclure que les provinces ne pourraient pas trouver une solution séparément. Il faut absolument une intervention fédérale pour résoudre la difficulté qui fait l'objet de la loi. L'omission d'inclure des parties du territoire canadien compromettrait également l'atteinte des objectifs visés.

Notre crainte porte sur le fait que le mécanisme qui est mis en place dans la loi fait en sorte que le Parlement dit, dans le fond: Nous établissons une loi fondée sur la réglementation générale des échanges, mais si dans une, deux, huit ou dix provinces, il y a une loi essentiellement similaire, on peut émettre un décret qui fera en sorte que la loi fédérale n'aura plus d'effet.

Au strict plan juridique, j'ai de la difficulté à concilier qu'on dise d'une part qu'on utilise son pouvoir en matière de commerce, un pouvoir qui doit en principe s'appliquer partout, et qu'on dise d'autre part qu'on est prêt à émettre des décrets qui vont faire en sorte que la loi fédérale ne s'appliquera que dans une ou deux provinces. Il y a là, me semble-t-il, quelque chose qui ressemble à un paradoxe, sinon à un illogisme. Telle est notre inquiétude fondamentale quant à la validité constitutionnelle du projet tel qu'il est présenté.

Quant à la loi québécoise, on a l'occasion de la pratiquer depuis quelques années. C'est une loi qui a le mérite d'être nettement plus simple dans sa forme et qui a également le mérite de faire en sorte que les organismes qui la mettent en oeuvre, notamment la Commission d'accès à l'information, rendent des décisions exécutoires. C'est une loi qui, en pratique, fonctionne bien et qui est plus facile à comprendre pour les citoyens et pour les entreprises que ne l'est le projet dans sa forme actuelle.

[Traduction]

La présidente: Merci, maître St-Amant.

Monsieur Mollard ou monsieur Rosenberg, voulez-vous ajouter quelque chose à la deuxième question?

M. Murray Mollard: Oui, j'aurais une ou deux choses à dire.

Les questions constitutionnelles sont très complexes. Je suis certain que si vous invitez cinq avocats, vous obtiendrez 10 opinions. En définitive, bien sûr, les questions constitutionnelles seront réglées en cour à la fin d'une procédure, etc. Cela ne veut pas dire que le gouvernement ne devrait pas réfléchir très sérieusement aux implications constitutionnelles.

J'aimerais toutefois vous donner une idée des effets que pourrait avoir ce projet de loi sur la Colombie-Britannique. Nous savons que cette province s'est tout d'un coup beaucoup intéressée à la protection de la vie privée dans le secteur privé. Ceci depuis le dépôt de ce projet de loi. Le gouvernement peut ainsi se féliciter d'avoir eu le courage de prendre ces questions au sérieux; de prendre l'initiative de mettre au jour ces problèmes; et d'affirmer le cas échéant son autorité afin d'obliger les gouvernements à prendre cela au sérieux.

N'oubliez pas qu'il y a neuf autres provinces et presque trois territoires qui ne disposeront pas de ce même type de loi. Si le projet de loi est finalement adopté et pousse réellement les provinces à examiner sérieusement ces questions, ce sera très bien. Il faut qu'ils fassent cela en Colombie-Britannique parce que ce projet de loi n'irait pas jusqu'à protéger les renseignements personnels des employés. Je vais tout de même féliciter le gouvernement de s'être lancé là-dedans.

• 1615

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Mollard.

Je passerai maintenant à M. Murray.

M. Ian Murray (Lanark—Carleton, Lib.): Merci, madame la présidente.

Tout d'abord, je tiens à remercier tous les témoins de leurs exposés et des mémoires qu'ils nous ont soumis. C'est extrêmement utile.

Il y a un article de ce projet de loi qui me préoccupe et c'est donc probablement à l'Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique que je devrai poser ma question. À la page 12 de votre mémoire, je crois que vous recommandez que le projet d'article 7, tel que libellé, soit supprimé. C'est, si je ne m'abuse, ce que vous suggérez, monsieur Mollard.

Je m'inquiète pour ma part de l'exemption qui est accordée dans le projet de loi à des fins journalistiques, artistiques ou littéraires. Je ne pense pas que vous ayez précisé dans votre mémoire que vous vous inquiétiez, par exemple, des fins journalistiques. Pourriez-vous me convaincre que cela ne pose pas de problème? Je crois qu'un certain nombre de groupes de presse ont dit que la loi serait immédiatement contestée en vertu de la Charte si l'on ne les autorisait pas à recueillir ainsi des renseignements personnels. Personnellement, je m'inquiète plus du droit des particuliers au respect de leur vie privée que du droit des journalistes à recueillir tous les renseignements qu'ils estiment devoir obtenir. D'autre part, j'estime qu'aujourd'hui, le journalisme est une entreprise purement commerciale. Je ne pense pas que Conrad Black me contredirait.

Comme nous l'a également signalé le commissaire à la protection de la vie privée, il y a également un problème dans l'énoncé de principe, comme on l'appelle, si je ne m'abuse. Il y avait un code d'éthique mais il n'existe plus. Je ne me souviens plus de l'association de presse à laquelle adhèrent ses membres, mais tous les prétendus journalistes ou publications journalistiques n'appartiennent pas à ces groupes.

J'aimerais simplement savoir ce que vous pensez de cette exclusion spécifique, en particulier à des fins journalistiques.

M. Murray Mollard: Merci de votre question. C'est intéressant en effet.

Alan Borovoy a dit que c'était une de ces situations où les libertés s'entrechoquent. D'un côté, il y a la liberté d'expression, la possibilité de débattre en public de sujets pouvant impliquer des particuliers et nécessitant d'obtenir des renseignements personnels, et de l'autre, la nécessité de respecter la vie privée de ces particuliers.

Notre association ne s'oppose pas à l'exemption journalistique, littéraire ou artistique. Ce que fait toutefois le projet de loi—et je suis sûr que cela ne plaira pas à certains des médias, mais nous sommes d'accord sous réserve de la suggestion que nous faisons concernant la protection des dénonciateurs—c'est quelque chose à propos des sources utilisées par les journalistes. Les personnes qui seront tentées de dévoiler des renseignements personnels vont être assujetties à la loi. Nous pensons ainsi que cela représente un bon équilibre en ce sens que cela prévoit l'exemption à des fins journalistiques, mais cela oblige aussi toutes les organisations à respecter les obligations contenues dans la loi.

M. Ian Murray: Si vous me permettez de vous interrompre, le problème que je vois dans les sources c'est que les journalistes hésitent souvent à admettre quelles sont leurs sources. Quel recours a-t-on dans ce cas, si le journaliste refuse de dire où il a obtenu ses renseignements?

M. Murray Mollard: C'est une des raisons pour lesquelles nous avons suggéré que soit prévu, dans les dispositions de surveillance, par exemple—et je suis d'accord là-dessus avec Marie Vallée—le pouvoir de vérifier les différentes organisations. Je ne suis pas sûr que cela répond précisément à votre question, mais je crois qu'il faudrait que le commissaire puisse opérer ses vérifications d'une façon qui incite les organisations à se conformer à leurs obligations plutôt que d'user de méthodes plus punitives.

En Colombie-Britannique, le commissaire a recours à ce qu'il appelle des «visites de sites». Il va voir ces organisations pour s'assurer qu'elles se conforment à la loi. Toutefois, si à la fin d'une controverse, on ne s'est pas entendu, il faudrait que le commissaire ait la faculté de présenter les problèmes.

• 1620

Pour ce qui est des sources journalistiques, je ne suis pas sûr de pouvoir répondre entièrement à votre question. Le fait est qu'il existe des obligations et que l'on peut vérifier si elles ont ou non été respectées. Certes, si l'on désigne une personne, celle-ci peut soulever la question. Je ne sais pas toutefois si ce sera très efficace.

À cet égard, la loi ne sera pas parfaite. Je ne sais pas comment elle pourrait ménager un parfait équilibre. En fait, si je suis votre question, vous souhaiteriez éliminer l'exemption journalistique et l'on peut alors se poser la question de la liberté d'expression. Dans ce cas, nous pensons qu'il faut parvenir à un certain équilibre.

La présidente: Merci, monsieur Murray.

Si quelqu'un veut faire un commentaire sur une question qui ne lui est pas adressée, qu'il me l'indique, et je vous permettrai d'intervenir.

[Français]

Madame Lalonde, s'il vous plaît.

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Merci beaucoup pour le travail que vous avez fait. Malheureusement, je n'ai pu assister à votre présentation parce que je devais rencontrer un groupe, mais j'ai pu parcourir votre texte. Je crois que les représentants d'Option consommateurs ont fait un travail considérable en vue de trouver une solution à la quadrature du cercle.

Ce projet de loi risque de créer plusieurs problèmes, et j'aimerais insister sur deux problèmes majeurs. D'une part, le Québec, qui a été le premier à se doter d'une loi, a pris une chance et développé une expertise. Le gouvernement libéral de l'époque et l'opposition avaient adopté cette loi à l'unanimité. On aurait pu s'attendre à ce que ce nouveau projet de loi soit bâti sur la loi québécoise. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il va nuire à l'application de la loi québécoise. Voilà l'essence du premier problème: comment faire pour qu'à la grandeur du Québec, les entreprises ne soient pas soumises, en tout ou en partie, à deux ensembles de règles et que les citoyens ne soient pas confrontés à deux différents types de protection et n'aient pas deux portes où frapper?

L'autre problème est l'absence, dans le reste du Canada, de mesures visant à protéger la vie privée. On peut donc penser qu'à peu près n'importe quelle protection est meilleure qu'aucune.

Il y a donc au moins ces deux grands problèmes. J'ai cru comprendre que vous souteniez que, pour que la protection de la vie privée soit optimale, il fallait qu'il y ait une coordination, qu'on s'entende, qu'on ait des règles de base qui puissent s'appliquer partout et qu'on puisse appliquer de meilleures règles qui ressembleraient davantage à celles dont s'est doté le Québec. Est-ce que j'ai bien compris votre intervention? Est-ce cela, le fruit de votre recherche? C'est original.

Me Jacques St-Amant: C'est effectivement la quadrature du cercle. Il nous paraît utile pour les Canadiens, et à certains égards inévitable dans certains domaines, que le Parlement intervienne. Il y a des questions à l'égard desquelles il est difficile d'intervenir.

Je pense que nous nous entendrons facilement pour dire que, de façon générale, la loi québécoise assure une protection équivalente ou supérieure à celle que nous donnerait le projet de loi C-54. Nous proposons un système où la loi canadienne s'appliquerait à toutes les activités commerciales, aux activités des entreprises fédérales et aux activités transfrontalières. À partir du moment où elle entrerait en vigueur, elle s'appliquerait partout.

Là où il y aurait une disposition législative qui, de l'avis du commissaire, d'un tribunal ou d'un organisme quelconque, atteindrait encore mieux les objectifs de la protection des renseignements personnels que ne le fait la loi plancher, en quelque sorte, c'est à cette disposition-là qu'on donnerait effet. On se retrouverait ainsi avec un régime où tout le monde, d'un océan à l'autre, saurait ce à quoi on pourrait à tout le moins s'attendre. Et là où des provinces décideraient d'accorder plus de droits à leurs citoyens, ce qu'elles peuvent faire, il y aurait un régime un peu plus avantageux.

• 1625

Il est certain que dans certains cas, on se retrouverait face à deux régimes qui se superposent, mais c'est probablement inévitable au Canada. On vit de telles situations dans beaucoup de domaines.

Au niveau de la protection du consommateur, par exemple, la Loi sur la concurrence renferme des dispositions sur la publicité, tandis que plusieurs lois provinciales en renferment aussi. Les entreprises vivent très bien avec cela, et les consommateurs s'y retrouvent en général assez bien. Donc, il y a moyen de concilier ces lois et de s'assurer que tout le monde est protégé et que certains sont protégés aussi bien, sinon mieux.

J'aimerais ajouter un détail qui recoupe certains commentaires qui ont déjà été formulés. Il ne faut pas oublier que, dans plusieurs autres provinces, il existe actuellement des éléments législatifs ou jurisprudentiels qui accordent une protection à certains égards en matière de gestion de personnel. Par exemple, les activités des journalistes sont, dans une certaine mesure, encadrées. Les journalistes ne peuvent pas tout faire. Au Québec, qu'il y ait ou non une loi fédérale, il y a des dispositions en matière de diffamation et de protection de la vie privée qui continuent à s'appliquer. C'est également le cas dans d'autres provinces.

Il ne faut pas perdre de vue qu'il y a actuellement une mosaïque extrêmement complexe au Canada. On vient d'ajouter une pierre qui peut être importante. Il s'agit de s'assurer que cela fonctionne.

La présidente: Merci, monsieur St-Amant et madame Lalonde.

[Traduction]

Madame Barnes.

Mme Sue Barnes (London-Ouest, Lib.): Merci, madame la présidente.

Merci de vos exposés.

Quand on considère le monde, ce que nous faisons souvent, on constate que les cercles médicaux exigent le consentement éclairé. Dans les cercles juridiques, on lit avant de signer. Ici, nous en sommes aux dispositions par défaut, et c'est pratiquement l'inverse. Bien que je comprenne vos critiques, le droit est l'art du possible. Aucun texte législatif ne peut tout régler. J'ai l'impression que la Colombie-Britannique dit que c'est un bon départ et j'en suis moi-même convaincue.

Que peut-on faire pour améliorer les choses? À mon avis, la suggestion visant à limiter les dommages-intérêts punitifs à 20 000 $ est très bonne. Je suis d'accord là-dessus, mais il faudra que nous entendions d'autres points de vue pour essayer de comprendre pourquoi ce chiffre est là. Cela ne représente pas grand-chose pour beaucoup de sociétés, c'est certain. Cela n'aura pas un impact réel.

D'autre part, monsieur le professeur, dans l'une de vos notes explicatives, vous parlez à propos des principes fondamentaux de pratiques équitables de traitement de l'information. C'est tout à fait pertinent. Si c'était possible, j'aimerais que vous nous indiquiez quelles sont les lacunes de ce projet de loi qui font qu'il ne peut obliger à respecter ces pratiques équitables.

M. Richard Rosenberg: Je dois vous faire remarquer que ces principes remontent à environ 25 ans. Ils ont été proposés par un comité du Congrès américain qui étudiait un projet de loi sur le respect de la vie privée ou des propositions à ce sujet. Évidemment, il n'y a pas de protection universelle des renseignements personnels aux États-Unis.

Dans la proposition, j'ai utilisé ces principes à divers endroits, dans divers énoncés, quant à l'utilisation du conditionnel plutôt que de l'indicatif. L'emploi du conditionnel est expliqué au paragraphe (2) de l'article 5 du projet de loi:

    (2) L'emploi du conditionnel dans l'annexe 1 indique qu'il s'agit d'une recommandation et non d'une obligation.

Dans certains cas, j'ai dit que l'on employait le conditionnel, cela ne donnerait pas la protection de ces pratiques équitables de traitement de l'information. Par exemple, l'alinéa 4.3.7b) stipule que:

    b) on peut prévoir une case où la personne pourra indiquer en cochant qu'elle refuse que ses nom et adresse soient communiqués à d'autres organisations. Si la personne ne coche pas la case, il sera présumé qu'elle consent à ce que les renseignements soient communiqués à des tiers;

Dans mon mémoire, je dis:

    Je pense qu'une telle option devrait être offerte. On ne doit pas supposer qu'en autorisant une organisation à recueillir et utiliser des renseignements personnels on lui permet de vendre ou de transférer ces renseignements à des tiers, à moins qu'une autorisation explicite n'ait été donnée.

Je note ensuite:

    Sinon, ce serait une violation évidente du troisième principe des pratiques équitables de traitement de l'information selon lequel «il doit être possible pour quelqu'un d'empêcher que des renseignements à son sujet obtenus à une fin particulière soient utilisés ou utilisables à d'autres fins sans son consentement».

Je crois qu'il y a deux ou trois autres exemples dans ce document.

Étant donné que ces principes ont été arrêtés aux États-Unis et que l'on y fait fréquemment allusion dans d'autres pays pour justifier certains textes législatifs, je trouve intéressant qu'aux États-Unis ils soient considérés comme des principes et que l'on ne les invoque jamais pour justifier un texte législatif.

• 1630

Mme Sue Barnes: Un des domaines qui m'intéresse c'est toute l'idée de l'extraction des données. Nous avons là un système qui permet à des plaignants individuels de porter plainte et où sont prévues des circonstances spéciales dans lesquelles le commissaire peut intervenir. Lorsque c'est toute une catégorie de personnes qui sont touchées, y a-t-il une question de liberté civile? Qu'en pensez-vous?

M. Murray Mollard: Je suis désolé. Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris votre question.

Mme Sue Barnes: Voulez-vous pouvoir intervenir?

M. Richard Rosenberg: Permettez-moi de bien comprendre l'usage que vous faites d'extraction de données. C'est lorsque des grandes quantités de renseignements sont recueillis, par exemple les dossiers des supermarchés.

Mme Sue Barnes: C'est cela.

M. Richard Rosenberg: Quelque chose qui contient beaucoup de renseignements et l'idée d'extraction de données et d'utiliser ces grandes quantités de renseignements et de les traiter à l'aide de gros ordinateurs ou de beaucoup de petits ordinateurs agissant de concert afin d'en extraire un comportement détaillé de la clientèle, le comportement économique microscopique détaillé des clients—c'est-à-dire, selon l'heure, le jour, le magasin, le produit, etc.

Il est évident que les magasins qui vous encouragent à utiliser les cartes de milles aériens ou des cartes spéciales mettent un nom, le nom réel du client dans ces données. Cela donne donc des renseignements très particuliers, très détaillés sur tout un éventail de gens et sur leurs habitudes d'achat. Si je comprends bien votre question, vous demandez si, comme ils sont tous touchés, il existerait un moyen pour eux d'exprimer leurs préoccupations? Est-ce que des milliers de consommateurs d'un produit particulier qui découvriraient tout d'un coup qu'on utilise ces renseignements à d'autres fins pourraient faire quelque chose? Faudra-t-il que ce soit une personne qui intervienne et cela aura-t-il une incidence sur les autres?

Mme Sue Barnes: Vu surtout que le renseignement recueilli peut être tellement minuscule que personne ne va s'en inquiéter. C'est simplement quand on considère l'ensemble.

M. Richard Rosenberg: Le problème est en fait qu'au micro-niveau, un renseignement donné ne semble avoir aucune conséquence mais que lorsque l'on réunit tous ces renseignements, cela peut poser un problème. Il faut savoir que dans l'extraction de données et dans bien d'autres domaines, ce que facilite l'ordinateur, ce qui n'était pas possible autrefois, c'est la collecte de vastes quantités de renseignements tirés de sources tout à fait différentes que l'on peut attribuer aux particuliers pour arriver à les définir très précisément. Il y a donc des petits renseignements qui, considérés individuellement, ne représentent pas une menace particulière mais qui, une fois tous regroupés, offrent un tableau très détaillé du comportement des intéressés. Il y a certainement là un gros problème.

Comme vous le savez, le projet de loi repose sur l'idée de plainte. À moins que vous ne vous rendiez compte qu'il s'est passé quelque chose, ce qui est très difficile, vous allez sans doute vous dire que tout cela se trouve en arrière-plan; cela ne touche pas ma vie, pourquoi me préoccuper qu'on recueille et qu'on utilise toutes ces données?

Cela ne vous touche peut-être pas maintenant, mais cela pourrait vous toucher à l'avenir. Si c'était le cas, vous ne serez jamais en mesure de déterminer d'où vient l'information et comment on en sait tant sur votre compte alors que vous n'avez jamais donné votre permission, ou si vous avez autorisé certaines données et non d'autres. Il est extrêmement difficile de voir comment on va obtenir un redressement après le fait, lorsque toutes les données ont été recueillies.

M. Murray Mollard: J'aimerais tout d'abord dire que peut-être faut-il revenir à ce que je disais au sujet de la vérification, c'est-à-dire qu'il est important que le commissaire soit en mesure d'encourager activement le respect des dispositions et adopte une approche de collaboration avec les organismes plutôt que d'avoir recours à la matraque au premier incident. Il faut s'arrêter et comprendre que si certaines personnes souhaitent donner de l'information personnelle dans un but de gain, de gain économique ou de profit dans le cadre de divers plans de commercialisation, elles devraient être libres de le faire. Il est toutefois essentiel que les objectifs soient très précis et que l'on comprenne ces objectifs, c'est-à-dire qu'il y ait éducation du public de façon à ce que les gens comprennent les ramifications de ce qu'ils font.

Je pense qu'au cours des 10 dernières années peut-être, nous n'avons que commencé à nous éveiller aux ramifications de ce que cela signifie lorsqu'on vous demande votre nom et des données personnelles de toutes sortes parce qu'une entreprise particulière souhaite vous vendre quelque chose. Les gens commencent à demander: «Pourquoi voulez-vous cette information?»

Nous avons dit notamment que le mandat d'éducation du public du commissaire est essentiel. Ce dernier doit disposer du financement nécessaire à cette fin. Toutefois, l'éducation du public nous incombe à tous, pas uniquement à un organisme gouvernemental particulier.

La présidente: Monsieur St-Amant, partagez-vous cet avis?

[Français]

Me Jacques St-Amant: Je suis tout à fait d'accord avec M. Mollard. Évidemment, pour que nous jouions notre rôle en éducation, il nous faut des ressources.

[Traduction]

La présidente: Merci.

Merci, madame Barnes.

[Français]

Mme Marie Vallée: Et il faudrait en consentir au commissaire, évidemment.

• 1635

[Traduction]

La présidente: Merci.

[Français]

Monsieur Dubé, s'il vous plaît.

M. Antoine Dubé: Je vais laisser Mme Lalonde parler avant moi, pendant que je poursuis ma lecture.

[Traduction]

La présidente: Monsieur Dubé, vous avez pris la parole le premier, ensuite votre collègue, et c'est maintenant à votre tour à nouveau. Voulez-vous poser d'autres questions?

[Français]

Mme Francine Lalonde: Vas-y.

[Traduction]

La présidente: Excusez-moi. Ai-je mentionné le nom de Mme Lalonde? Je m'en excuse.

[Français]

M. Antoine Dubé: J'étais en train de lire, à la page 13, l'exemple que vous donnez de la Great-West. Je me dis que vous avez sûrement pensé à d'autres cas semblables. Ce sont des applications différentes qui peuvent découler de la présente loi par rapport à une entreprise comme celle-là. Vous avez sûrement pensé à d'autres exemples. J'aimerais vous demander de nous en fournir d'autres.

Me Jacques St-Amant: On n'a pas établi un bestiaire complet. Il est certain, toutefois, que le projet tel qu'il est structuré pose deux difficultés fondamentales. Tout d'abord, il est très difficile de traiter de la même façon les entreprises de compétence purement fédérale et les autres qui peuvent être concurrentes. Le meilleur exemple en serait celui des banques d'un côté et des coopératives de crédit et credit unions de l'autre. Si les deux ne sont pas traitées également, il y a quelqu'un, quelque part, qui va protester et disant que

[Traduction]

les chances ne sont pas égales.

[Français]

et que c'est injuste. Il faut donc essayer de trouver des façons d'harmoniser les deux cas.

Ensuite, l'alinéa 27(2)d) du projet tel qu'il est rédigé permet au gouverneur en conseil d'exclure par décret de l'application de la loi une organisation, une activité ou une catégorie d'activités. Cela ouvre la porte à un découpage qui va devenir absolument extraordinaire. On pourrait se retrouver, dans certaines provinces, avec une loi qui serait ou non essentiellement similaire et même, dans le cas d'un découpage comme celui-là entre organisations et entre activités, avec des entreprises de compétence fédérale soumises à un autre régime. Le citoyen n'y comprendra strictement rien et l'entreprise elle-même risque d'être un peu mêlée.

S'ajoute à cela le fait que, dans le régime envisagé, il va y avoir une évolution avec le temps. Si on suppose, par exemple, que la loi, dans sa forme actuelle, entre en vigueur le 1er juillet 1999, essentiellement, elle ne s'appliquera pas aux activités purement commerciales de compétence provinciale pendant trois ans, donc jusqu'en 2002. Au Québec, on continuera donc avec le régime actuel et, dans les autres provinces, on se trouvera essentiellement devant un vide.

À compter du 1er juillet 2002, au Québec, on aura superposition de lois. Dans les autres provinces, on a maintenant C-54. Qui dit qu'en 2004, par exemple, l'Alberta ne décidera pas d'adopter une loi différente? On changerait à nouveau de régime dans cette province si la loi était jugée essentiellement similaire à la loi fédérale. Ce n'est pas un régime simple; ce n'est pas un régime qui permet aux entreprises de prévoir comment elles vont gérer.

La semaine dernière, je parlais de la question des renseignements personnels à une avocate qui oeuvre dans un organisme parapublic dans le domaine de la protection du public et de la discipline. Sa réaction spontanée a été de dire: «Mon Dieu, le domaine des renseignements personnels, c'est délicat et compliqué. Après cinq années passées au Québec, on n'est pas encore sûr d'y être à l'aise.» Or, c'est une avocate.

Si on se trouve dans un régime comme celui-ci, il va falloir que les barreaux provinciaux fassent des efforts assez remarquables en termes de formation continue. C'est le moins qu'on puisse dire.

La présidente: Monsieur Dubé.

M. Antoine Dubé: Sur un autre aspect...

[Traduction]

La présidente: Excusez-moi, monsieur Mollard.

M. Murray Mollard: J'aimerais ajouter quelque chose. Incontestablement, cette loi est compliquée et, d'une certaine façon, malgré l'expérience québécoise, nous nous avançons un peu sur un terrain nouveau en termes législatifs. Il y aura donc très certainement un processus d'apprentissage, et c'est pourquoi il est si important de prévoir une révision dans cinq ans.

En ce qui concerne la complexité, j'aimerais en discuter un peu avec Jacques. Sans aucun doute, notre structure constitutionnelle va toujours entraîner des complications. En fait, les sociétés qui ont des activités dans plusieurs provinces ont ce problème dans toutes sortes de domaines, l'environnement par exemple, et d'autres, où la compétence est mixte à certains égards, et il leur faut apprendre à s'adapter aux dispositions particulières d'une compétence ou l'autre. C'est peut-être le marché que nous avons conclu lorsque nous avons créé ce pays. Je pense que c'est un pays formidable.

• 1640

La présidente: Merci, monsieur Mollard.

Nous allons maintenant passer à M. Dubé. Votre dernière question, monsieur Dubé.

[Français]

M. Antoine Dubé: Ma question porte sur un autre aspect. Je crois que vous avez dit, monsieur St-Amant, que la loi, par rapport aux individus et aux entreprises privées, serait en quelque sorte plus sévère que le cadre que se donne lui-même le fédéral. Je vous en donne un exemple. Dernièrement, la cour a débouté le ministère du Revenu fédéral, je crois, par rapport au couplage de données des douanes et de l'assurance-chômage, ce que le ministère se permettait.

J'aimerais que vous nous précisiez comment le fédéral n'est pas un bon modèle de ce qu'il s'apprête maintenant à exiger de l'entreprise privée.

Me Jacques St-Amant: D'une part, comme le disait M. Mollard, c'est un fait que la complexité est inhérente à notre régime constitutionnel. On est cependant d'avis qu'on peut simplifier un tout petit peu le mécanisme de cohabitation des lois provinciales et fédérale dans le domaine de la protection des renseignements personnels.

À l'égard de la loi fédérale, je pense que les principes qui nous sont proposés dans le projet de loi C-54 sont, dans l'ensemble, très sensés. La loi s'inspire de ce qui a été proposé par l'OCDE, il y a plusieurs années, et de ce qui se fait un peu partout. Il y a évidemment des problèmes d'articulation entre le texte de la loi et l'annexe, et là, également, on a fait quelques recommandations. Mais je pense que sur le plan des principes, il n'y a pas de difficulté majeure.

Évidemment, vous parliez de la situation dans le secteur public. Là où il y a une différence importante, nous semble-t-il, c'est que dans le secteur public fédéral, le commissaire n'a pas le pouvoir de rendre une décision exécutoire. Cela peut, à la rigueur, se comprendre dans la mesure où, de toute façon, les problèmes peuvent être portés à l'attention de la Chambre des communes. Un jour ou l'autre, le ministre de tutelle peut avoir à rendre des comptes.

Dans le cas du secteur privé, cependant, ce n'est pas le cas, et c'est pour cela qu'il nous paraît important que le commissaire ait lui-même le pouvoir de rendre une décision exécutoire. En effet, si on demande aux consommateurs et aux citoyens qui sont face à un problème de se plaindre au commissaire et que celui-ci ne peut émettre qu'une recommandation, ils devront ensuite aller en Cour fédérale, avec les délais, les coûts et la complexité que cela suppose.

C'est une démarche compliquée pour obtenir une décision à l'égard de petits problèmes qui souvent, comme le professeur Rosenberg l'a mentionné tout à l'heure, n'ont pas l'air essentiels, en tout cas pas suffisamment pour être abordés en Cour fédérale. Par contre, ils peuvent être réels quand même, et on recommande de mettre en place un processus qui soit plus efficace et plus léger.

Je ne suis pas certain que cela réponde à votre question, mais enfin.

La présidente: Merci, monsieur St-Amant. Monsieur Bellemare.

M. Eugène Bellemare (Carleton—Gloucester, Lib.): Merci, madame la présidente.

[Traduction]

Ma question que j'adresse au professeur Rosenberg porte sur la section concernant la protection des renseignements personnels. Je sais pertinemment que ce projet de loi porte expressément sur le commerce électronique, le commerce au sein d'une province, à l'extérieur des provinces, d'une province à l'autre et à l'étranger et, bien sûr, les accommodements avec l'Europe et le reste du monde... Mais en ce qui concerne l'accès à l'information, il semble que les journalistes, les artistes, les comédiens et les auteurs aient libre accès à votre information personnelle. J'ai été surpris que vous ne l'ayez pas souligné, que peut-être, et même là je trouverais que ce n'est pas assez restrictif, le mot «commercial» ou «d'affaire» devrait apparaître dans la formule «l'organisation ne peut recueillir de renseignements personnels à l'insu de l'intéressé et sans son consentement que dans les cas suivants»; et dans le cas des journalistes, j'ajouterais «renseignements personnels». Si l'on veut faire du commerce électronique, pourquoi a-t-on besoin de connaître les affaires personnelles de toute personne au Canada plutôt que de s'en tenir au commerce personnel ou aux affaires commerciales de la personne? Commençons par cette distinction d'abord.

M. Richard Rosenberg: Ils ne le devraient pas, évidemment.

M. Eugène Bellemare: Ils ne devraient pas quoi?

M. Richard Rosenberg: Ils ne devraient pas le savoir. Ils ne devraient pas pouvoir consulter, réunir ou utiliser des données qui dépassent les besoins immédiats de la transaction. Là encore, je pense que c'est un principe de longue date dans le domaine de la protection de la vie privée.

• 1645

Toutefois, en général, de telles dispositions sont formulées de façon à donner beaucoup de latitude aux organisations. Par exemple, certaines organisations affirment dans leur déclaration de protection de la vie privée qu'elles ne recueillent que l'information nécessaire pour mener leurs affaires, ce qui laisse une grande latitude dans l'interprétation de ce qui est nécessaire pour mener leurs affaires.

Donc, même si vous tentez d'être explicite, comme c'est le cas ici, même si vous précisez qu'il ne faut recueillir que l'information nécessaire à la transaction, pour moi, il n'est pas évident que vous limitiez ainsi considérablement l'information recueillie en fin de compte.

M. Eugène Bellemare: Vous ne croyez pas que le paragraphe 7(1)...

La présidente: Monsieur Bellemare, M. Mollard aimerait ajouter quelque chose.

M. Murry Mollard: Je voulais souligner ce qu'a dit le professeur Rosenberg et faire ressortir les limitations du projet de loi à cet égard. Pour résoudre ce problème, on pourrait notamment songer à inclure dans le projet de loi un principe de justification semblable à ce qu'on trouve dans la loi du Québec ou dans la directive de la Commission européenne sur l'intention sérieuse et légitime.

En d'autres termes, je pense qu'il est impossible de prévoir tout ce qui pourrait être légitime. Il est impossible de le préciser dans la loi. Toutefois, si vous utilisez un vocabulaire limitatif qui prévoit une évaluation après coup et offre des recours aux plaignants...

M. Eugène Bellemare: Pourquoi ne proposez-vous pas que puisqu'il s'agit de commerce électronique, la latitude ne porterait que sur cette activité précise et n'offrirait pas de possibilité à un journaliste qui souhaite aller à la pêche préparer à sa guise des propos diffamatoires sur quelqu'un?

M. Richard Rosenberg: Il est difficile de faire cette distinction. Je n'avais pas vraiment songé au cas du journalisme. À la lecture du projet de loi, je me suis fait une note et j'ai souligné le mot «recueillir», et j'ai réfléchi à la question de façon générale. Toutefois, je n'ai pas suffisamment d'expérience pour savoir qu'est-ce qui justifierait la collecte arbitraire d'information par des journalistes, car il pourrait sembler que toute restriction imposée d'avance limiterait l'idée générale de la liberté de la presse.

Je ne sais pas comment l'on pourrait dire à l'avance qu'il est interdit d'avoir accès à telles ou telles choses ou à telles ou telles données sans permission. Je préférerais qu'on ne puisse obtenir beaucoup d'information en général, mais je ne sais pas comment on le préciserait, comment formuler cela et dire... Après tout, les journalistes reviendraient alors et diraient, j'ai commencé par faire enquête sur telle ou telle chose, et cela me semble intéressant.

Je suppose que le président Clinton aurait été heureux si Kenneth Starr avait mis fin à son enquête lorsqu'il n'a rien trouvé sur Whitewater. Cela l'aurait limité. On vous a confié Whitewater, vous avez terminé Whitewater, c'est fini; et alors cette autre affaire s'est présentée.

M. Eugène Bellemare: Vous n'avez pas répondu à ma question.

M. Richard Rosenberg: J'ai dit que c'est un problème épineux. Je ne sais pas comment formuler la restriction. Je vous dis donc que je ne sais pas.

M. Eugène Bellemare: Est-ce que l'on doit permettre à la presse d'attaquer n'importe qui au pays sous prétexte qu'on rédige quelque chose sur le commerce électronique?

M. Richard Rosenberg: Probablement pas, mais comme je l'ai dit, je ne sais pas comment formuler la chose pour préciser que l'on peut obtenir ceci mais pas cela. Je ne sais pas comment cela fonctionnerait puisqu'on ne sait pas, à un moment donné, ce que la presse tente de faire.

Vu les avantages que représente une presse libre pour une société libre et ouverte, c'est-à-dire à l'intérieur de certaines limites, je pense que la presse en dernière analyse doit assumer la responsabilité de ce qu'elle produit. S'il y a diffamation ou libelle diffamatoire, la presse doit être assujettie à ces dispositions si la situation découle de l'information qu'elle a recueillie. Toutefois, à l'avance, personnellement, je ne sais pas comment vous pourriez libeller une restriction sur ce que la presse peut recueillir, ou dans quelle mesure ou dans quelle direction.

M. Eugène Bellemare: Dans le cas d'un article de journal, le temps est une condition essentielle et la victime, ou celui ou celle qui se sent visé, pourrait n'avoir aucun recours à cause du délai. Par exemple, au cours d'élections au poste de conseiller scolaire dans une ville, une personne pourrait être victime de diffamation et ensuite les élections sont terminées.

M. Murray Mollard: Vous pouvez demander une injonction, je suppose, afin d'empêcher que certaines informations soient publiées.

M. Eugène Bellemare: Une fois que c'est publié, comment pouvez-vous empêcher la commission scolaire de tenir des élections?

La présidente: Monsieur Bellemare, M. St-Amant souhaite répondre.

[Français]

Me Jacques St-Amant: Dans l'état actuel du droit, dans toutes les provinces canadiennes, il y a des règles qui s'appliquent, qui imposent une responsabilité à la presse, aux journalistes de ne pas faire de diffamation, de ne pas répandre des informations fausses. Cela existe actuellement. Que le projet C-54 soit adopté ou non, il y a un état du droit. Tout ce que ces dispositions du projet de loi viennent faire—il pourrait être retouché un peu, mais c'est de l'ordre du détail—c'est dire que cette loi-ci ne vient pas empêcher la presse de faire son travail. Elles n'ajoutent pas de droits ou de pouvoirs aux médias, loin de là. Elles font simplement éviter qu'on se retrouve avec une foule de contestations fondées sur la Charte canadienne des droits et libertés et ses dispositions relatives à la liberté d'expression.

• 1650

[Traduction]

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Bellemare.

Madame Lalonde, s'il vous plaît.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Merci. Je voudrais revenir sur la confusion qui émane du projet de loi. Je crois qu'une loi de ce type suppose qu'il y ait une certaine formation ou éducation des consommateurs et que, pour les entreprises qui ont des obligations, la clarté est aussi essentielle.

Croyez-vous qu'il serait possible de laisser le texte bâti tel quel, c'est-à-dire d'appliquer les dispositions d'un projet de loi qui prévoit une obligation qui se reporte au code CSA, qui est plein de conditionnels, de dire au coeur de la loi que les conditionnels ne s'appliquent pas, mais d'avoir ensuite un article 7 qui vient donner en quelque sorte un squelette à ce qui en manquerait dans le code CSA?

Me Jacques St-Amant: Avec le plus grand respect pour les tenants d'un avis contraire, je pense que la solution qui a été retenue dans le projet de loi n'est pas la plus simple. Cela dit, pour toutes sortes de raisons, on a adopté cette orientation-là. Il nous paraît possible de rendre quand même les choses plus facilement applicables et plus facilement compréhensibles pour les justiciables, pour les entreprises, et également éventuellement pour le commissaire, à tout le moins, en mettant dans le projet de loi un certain nombre de principes essentiels. La plupart sont déjà de toute façon présents dans l'annexe. Mais sortons-les et disons: Voici ce que toute entreprise ou toute organisation doit faire.

Disons ensuite, et cela simplifierait beaucoup de problèmes d'interprétation à l'égard de l'annexe, que ces principes généraux doivent être interprétés et appliqués conformément aux indications qui sont données dans l'annexe. On éviterait ainsi de donner une forme quasi législative à des «devrait» et à des notes, et d'avoir à dire que les «devrait» et les notes ne s'appliquent pas vraiment et n'ont pas force de loi. On donnerait à l'annexe un rôle beaucoup plus conforme à sa forme et à sa nature en se dotant d'un système qui est plus simple à comprendre, sans avoir, loin de là, à récrire tout le projet. Dans un monde idéal, on aurait peut-être procédé autrement, mais il faut vivre avec ce qui est sur la table.

Mme Francine Lalonde: Ce n'est pas vivre avec ce qu'il y a sur la table que de faire ce que vous faites. C'est modifier profondément le projet.

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Madame Vallée.

Mme Marie Vallée: Madame Lalonde, j'aimerais vous reporter à la page 22 de notre mémoire. Nous avons fait un effort sérieux puisque nous savons qu'on ne peut pas faire comme l'expression le dit: «Vingt fois sur le métier remettez notre ouvrage». Il va falloir vivre avec cela, après y avoir apporté certains amendements.

Mme Francine Lalonde: Ce n'est pas cela qu'on pense.

Mme Marie Vallée: C'est ce que nous proposons à la page 22 pour permettre l'interprétation de l'annexe. Si on modifiait l'article 5 tel que nous le proposons à la page 22, on ajouterait des principes qui sont essentiellement les mêmes que ceux qui figurent à l'annexe, mais qui auraient une portée juridique. Si vous lisiez, vous verriez qu'on parle de «must»,...

Mme Francine Lalonde: C'est comme le corps de la loi.

Mme Marie Vallée: ... de «doit» plutôt que de «pourrait» et «devrait». Si on incluait ces principes dans la loi, cela nous éviterait de faire face à nombreux problèmes appréhendés, tout en permettant la coexistence de la loi et de l'annexe. Ce n'est pas parfait, bien sûr, mais c'est mieux que ce qu'il y a là, et c'est mieux que rien aussi.

[Traduction]

La présidente: Monsieur Mollard, voulez-vous ajouter quelque chose?

• 1655

M. Murray Mollard: Oui, je voulais simplement dire que Marie, Jacques et moi-même pouvons probablement en discuter. En fait, nous préconisons d'inclure dans le texte de la loi les obligations fondamentales ou si on doit le faire en annexe, qu'on ne puisse pas y apporter de modifications par simple décision du Cabinet. Il est tout à fait évident que l'annexe n'est pas rédigée de façon aussi serrée et précise que la plupart des rédacteurs juridiques le souhaiteraient. Néanmoins, notre association est disposée à l'accepter, en partie parce que divers intervenants en sont arrivés à un consensus général—les intérêts de l'entreprise, les intérêts des consommateurs—lorsque l'Association canadienne des normes l'a préparée. C'est un document fondé sur le consensus. Cela ne convient peut-être pas à tous, mais c'est fondé sur le consensus et dans une certaine mesure, c'est très important quand on considère les différentes parties visées par cette loi et l'importance de leur collaboration, de leur coopération, etc.

La présidente: Merci.

Merci, madame Lalonde.

Madame Barnes.

Mme Sue Barnes: Merci. J'ai quelques questions. Monsieur Mollard, cette question s'adresse à vous.

À la page 13 de votre mémoire, vous critiquez l'alinéa 7(1)b) que votre association souhaite voir disparaître. Est-ce que cela changerait quelque chose pour vous si au lieu d'envisager le besoin comme une fin légitime... Par exemple, je vais vous donner un exemple d'une banque ou d'une compagnie d'assurances qui tente de déceler la fraude. Vous n'allez pas prévenir que vous vérifiez les dossiers de transaction. À mon avis, dans ce cas, il existe une certaine justification à cause peut-être d'activités inappropriées de la part du personnel de l'entreprise et il y a donc des questions prioritaires de sécurité. Je vois donc la nécessité d'une exemption quelconque dans ce cas. Je me demande si vous avez songé à ce genre de situation ou si vous ne pensiez qu'aux activités commerciales normales lorsque vous avez formulé cette critique.

M. Murray Mollard: Eh bien, oui. Soyons très clairs, nous ne proposons pas de tout simplement faire disparaître l'alinéa 7(1)b) sans le remplacer par autre chose. Ce que nous disons par contre, si vous regardez... Examinons ensemble le libellé: on peut lire:

    il est raisonnable de s'attendre à ce que la collecte auprès de l'intéressé puisse compromettre l'exactitude du renseignement, ou contrarier les fins ou compromettre l'usage auxquels le renseignement est destiné;

Lorsqu'il s'agit de recueillir des données sur quelqu'un, si cette disposition existe, c'est que l'exactitude des données pourrait être compromise si la personne s'oppose à la collecte de cette information personnelle. En d'autres mots, c'est là où la protection de la vie privée a la plus grande importance pour le sujet qu'il y a cette lacune, où tout est permis.

Vous avez raison, et il peut exister des raisons impérieuses d'intérêt public ou des responsabilités ou obligations juridiques ou les droits d'une organisation qui méritent d'être exemptés, mais nous voulons à ce moment-là que ce soit expressément défini et bien réfléchi.

Mme Sue Barnes: Vous voulez que le problème soit défini.

M. Murray Mollard: Oui. Faites comme vous avez fait...

Mme Sue Barnes: Dans la loi?

M. Murray Mollard: Oui, comme vous l'avez fait aux paragraphes (2) et (3). Par contre, au paragraphe (1), vous avez créé cette lacune béante dans les cas où justement la protection de la vie privé a la plus grande importance pour la personne, le sujet qui ferait l'objet d'une collecte de renseignements à son insu et sans son consentement. Cela nous semble une lacune béante, à notre avis, une erreur.

La présidente: Monsieur St-Amant, voulez-vous répondre aussi?

M. Jacques St-Amant: J'aimerais citer une autre loi qui tient compte de ce problème de la façon suivante. Il est possible de recueillir de l'information sur quelqu'un sans consentement si vous avez une raison sérieuse et légitime et que vous répondez à l'une des conditions suivantes: d'abord, c'est dans l'intérêt de la personne visée; et deuxièmement, il faut obtenir l'information d'une tierce partie afin de s'assurer de son exactitude.

Un tel libellé permet de réduire la lacune qui existe sans pour autant formuler une liste des situations où cela s'applique, ce qui n'est peut-être pas faisable.

M. Murray Mollard: J'aimerais ajouter quelque chose. Je suppose que je suis prêt à accepter la suggestion de Jacques qu'il faut imposer certaines limites dans ce cas. Toutefois, parce que la personne sur qui porte l'information ne le saura peut-être jamais, il y aura peut-être des difficultés—il ne faut pas oublier que toute procédure découle d'une plainte—car le plaignant ne contestera peut-être pas ce qui est légitime et sérieux.

• 1700

Il est donc difficile d'être exhaustif. Je sais que les paragraphes 7(2) et (3) le sont mais je suis curieux de savoir pourquoi on n'a pas adopté la même approche en ce qui concerne le paragraphe 7(1).

Mme Sue Barnes: Ce thème semble revenir et c'est difficile à faire que de décider ce que l'on inclut dans le texte de votre projet de loi et ce que l'on réserve à la réglementation qui échappe à la surveillance d'un comité parlementaire et du Parlement même. J'ai déjà entendu cette plainte.

Je me demande, monsieur le professeur, si vous avez la même impression. Est-ce un cas où nous devons l'inclure dans le texte de la loi?

M. Richard Rosenberg: En fait, je n'y tiens pas autant que les autres. Je ne sais pas exactement qui est visé. Je ne m'attends pas à ce que le citoyen moyen lise le texte de loi. Je ne me souviens pas d'aucune autre loi que j'ai lue, sauf en ce qui concerne...

Mme Sue Barnes: Ce que je veux savoir c'est si vous voulez que quelque chose d'aussi important ne soit pas soumis à l'examen des parlementaires et puisse se faire par décret en conseil?

M. Richard Rosenberg: Non, j'aimerais que ce soit assujetti à l'examen du Parlement.

Mme Sue Barnes: Est-ce que je peux savoir ce qu'en pensent les autres?

[Français]

La présidente: Monsieur St-Amant.

Me Jacques St-Amant: De toute évidence, il serait souhaitable qu'il y ait processus de consultation avant qu'il y ait des règles comme celles qui figurent dans l'annexe pour qu'on puisse les modifier. C'est clair.

[Traduction]

Mme Sue Barnes: À titre d'information, mon collègue du Bloc a cité en exemple Revenu Canada pour montrer le contraste. J'aimerais citer un autre exemple, celui de la déclaration de revenus où nous demandons le consentement éclairé afin d'ajouter de l'information aux dossiers électoraux. Je pense que cette mesure a été très bien accueillie.

La présidente: Merci, madame Barnes.

Je n'ai personne d'autre sur ma liste. Y a-t-il d'autres questions?

Madame Vallée, voulez-vous faire un commentaire?

[Français]

Mme Marie Vallée: J'aimerais soulever une question dont je n'ai pas encore eu le temps de traiter. Entre les versions française et anglaise, il y a quelques petits problèmes qui relèvent de la forme de la rédaction, tandis qu'à d'autres endroits, il y a différentes nuances importantes. J'aimerais vous reporter à la page 28 de notre mémoire. Nous avons entre autres relevé des problèmes au niveau de la numérotation de certains articles de loi, qui n'est pas la même en français et en anglais. Certains mots sont présents en français mais non en anglais, et ils changent parfois complètement le sens d'un article ou d'un paragraphe. Nous avons déjà fait mention de ces problèmes à certaines personnes. On ne saurait trop insister sur l'importance que les textes de loi soient similaires dans les deux langues et qu'ils signifient la même chose.

Par ailleurs, j'aimerais aussi vous souligner, si cela n'a pas été clair lors de notre présentation, que nous croyons que le projet de loi fédéral devrait s'appliquer à toute activité commerciale, et non pas seulement au commerce électronique.

[Traduction]

La présidente: Madame Vallée, vous devez savoir qu'il y a eu de nombreuses révisions et que celles-ci se poursuivent. On a relevé quelques erreurs de concordance et nous vous remercions d'avoir aussi attiré notre attention sur ce point.

Je tiens à remercier tous nos participants d'aujourd'hui. Le comité est heureux d'entendre vos idées. Il nous est très difficile de comprendre tout à fait ce sujet. Certains s'intéressent à cette question depuis plus longtemps que nous. Nous vous remercions donc de votre participation et d'être venus d'aussi loin pour témoigner.

Nos audiences vont se poursuivre et si vous avez autre chose à ajouter, nous vous saurions gré de nous le communiquer. Le compte rendu de nos séances est affecté sur Internet dans les meilleurs délais. J'ajoute que vos mémoires seront traduits et distribués aux membres du comité.

Monsieur Mollard, avez-vous une dernière remarque à faire?

M. Murray Mollard: Un dernier détail, concernant le mécanisme de mise en application. Jacques s'interrogeait sur l'opportunité de faire intervenir la Cour fédérale, tel qu'il est prévu dans les dispositions du projet de loi, et quant à moi, je me demande s'il ne vaudrait pas mieux avoir recours à un tribunal. L'Association a d'abord recommandé à Industrie Canada qu'on fasse appel à un tribunal, doté de pouvoirs spéciaux et de compétences spéciales, qui sont d'ordinaire les raisons qui militent en faveur d'un tribunal administratif.

Cela dit, nous ne nous opposons pas à ce qu'intervienne la Cour fédérale tel que prévu dans les dispositions du projet de loi. Toutefois, il est capital que le recours à l'appareil judiciaire soit accessible et abordable. Nous sommes en présence d'un mécanisme sans précédent prévoyant l'intervention d'un genre d'ombudsman, en plus de la possibilité de demander un examen judiciaire.

• 1705

Quand le commissaire à la protection de la vie privée aura décidé qu'une plainte est justifiée et qu'il recommandera que l'organisation visée prenne des mesures de redressement, si cette dernière en fait fi, et c'est concevable, à mon avis, il devrait incomber au commissaire à la protection de la vie privée, au nom du plaignant, de procéder à une action en justice. S'il n'y a pas de recommandations, si le commissaire estime que la plainte est sans fondement, il devrait incomber au plaignant d'intenter des poursuites. Même dans ce cas, il faudrait que ce soit accessible et abordable, et c'est pour cela que le recours à un tribunal administratif vaut mieux dans ces cas-là qu'une action en cour fédérale.

La présidente: Merci, monsieur Mollard.

Madame Vallée, monsieur St-Amant, et monsieur Rosenberg, avez-vous une dernière remarque à faire?

M. Richard Rosenberg: Je voudrais ajouter quelque chose et je vais essayer d'être bref. En effet, il est difficile de savoir l'utilisation que l'on fait des renseignements recueillis. D'ordinaire, si vous faites une demande de carte de crédit, vous devez accepter certaines modalités. C'est tout à fait normal car ce faisant vous avez accès à l'argent de quelqu'un d'autre pendant un certain temps, pour vos achats. De façon plus précise, vous acceptez que la banque ou l'institution financière fasse une vérification de crédit pour s'assurer que vous êtes solvable, étant donné que l'on vous donne une carte, et cela semble raisonnable.

Voici où je veux en venir: En même temps, vous donnez aux institutions financières—je ne dirais pas à perpétuité—le droit à l'avenir de faire des vérifications de crédit à des fins tout à fait étrangères au but original. En outre, les renseignements recueillis sont automatiquement partagés avec quiconque veut s'en prévaloir. En effet, ces institutions adhèrent à des bureaux d'évaluation du crédit. Selon les conditions d'adhésion, les adhérents ont le loisir d'utiliser les renseignements recueillis par le bureau, mais on exige qu'ils fournissent les renseignements qu'ils obtiennent, dans le but de les partager avec les autres agences. En tant que consommateur, je veux savoir que, si j'accepte certaines modalités, en fait j'accepte une intrusion illimitée et un partage universel des renseignements que j'ai fournis. En général, les gens ignorent cela. Voilà un exemple d'une collecte d'information sans borne.

La présidente: Merci beaucoup, professeur Rosenberg. En fait, au début du mois de décembre, nous avons discuté avec les représentants des provinces de la façon dont les renseignements sont recueillis et utilisés. Nous vous remercions de votre contribution, notamment en ce qui a trait à l'information des consommateurs.

Encore une fois, je vous remercie tous d'être venus témoigner.

La séance est levée.