INDY Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON INDUSTRY
COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 16 juin 1998
[Traduction]
La présidente (Mme Susan Whelan (Essex, Lib.)): À l'ordre, s'il vous plaît.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous procédons à une étude sur la préparation de la technologie de l'information en vue de l'an 2000.
• 1520
Nous recevons aujourd'hui des représentants du Bureau
d'assurance du Canada, dans le cadre de nos discussions sur la
préparation du passage à l'an 2000. Nous sommes heureux
d'accueillir M. Alex Kennedy, vice-président exécutif, conseiller
juridique et secrétaire général; M. Mark Yakabuski, directeur des
relations gouvernementales; et M. Wayne Thorpe, vice-président,
Souscriptions commerciales, Dominion of Canada, Compagnie
d'Assurance-Générale.
Je vous souhaite à tous la bienvenue. Je crois que vous avez une déclaration préliminaire. J'aimerais que vous la fassiez avant que nous passions aux questions.
M. Alex Kennedy (vice-président exécutif, conseiller juridique et secrétaire général, Bureau d'assurance du Canada): Merci.
Le Bureau d'assurance du Canada est l'association nationale représentant l'industrie des assurances de dommages. Il s'agit d'une organisation autofinancée dont les membres émettent plus de 85 p. 100 des polices d'assurance I.A.R.D. souscrites au Canada.
Le Bureau d'assurance du Canada a signalé à ses membres, au début de 1997, qu'après le passage à l'an 2000, il est peu probable qu'ils soient de nouveau confrontés à un problème en apparence aussi simple, mais qui risque d'engendrer autant de bouleversements économiques et autres, sur une aussi grande échelle. L'ampleur des pertes que pourrait engendrer le problème de l'an 2000 rend presque insignifiantes celles qui sont attribuables à la tempête de verglas.
Je crois que la récente publication de l'Association du Barreau canadien, intitulée «Compte à rebours vers l'an 2000: questions d'ordre juridique» sera très utile aux gens d'affaires. On y trouve une des meilleures analyses du problème qu'il nous a été donné de lire jusqu'ici, notamment une liste très détaillée des questions à examiner. Quiconque tient vraiment à saisir la complexité du problème doit consulter ce document.
Le groupe de travail composé de cadres supérieurs constitué par M. Manley a formulé deux recommandations précises relativement à l'assurance. Premièrement, les compagnies d'assurance devraient signaler rapidement à leurs entreprises clientes l'importance du problème que pose le passage à l'an 2000 et la nécessité de mettre en place un plan d'action formel pour s'y préparer. Deuxièmement, les compagnies d'assurance ne devraient émettre ou renouveler un contrat d'assurance que si l'entreprise cliente possède un tel plan d'action.
Même s'il s'agit de suggestions constructives, il faut reconnaître que dans le meilleur des cas, il n'est guère réaliste de penser que les assureurs puissent évaluer ces plans d'action. Il nous faudrait pour cela mieux connaître les rouages d'une entreprise que ses propres responsables des TI. Je ne crois pas que cette attente soit réaliste, même si l'idée a contribué à mobiliser l'industrie. En revanche, j'estime qu'il est d'une importance primordiale de donner l'alerte avant qu'il ne soit trop tard, et c'est précisément le message que nous avons transmis jusqu'ici à nos membres.
Notre association a entrepris de donner suite aux recommandations du groupe de travail et aux préoccupations de ses membres à propos des risques encourus et d'éventuels problèmes de couverture. J'aimerais vous décrire brièvement les mesures que nous avons prises et les raisons qui les sous-tendent.
L'assurance a pour objet de couvrir les pertes accidentelles. La plupart des gens considèrent que les problèmes de reconnaissance de date des systèmes informatiques se rapportent en fait à des modes d'exploitation que les entreprises et leurs fournisseurs connaissent—ou auraient dû connaître—depuis des années et qu'il n'y a là rien de fortuit.
Cela dit, il importe de comprendre pourquoi nous n'avons pas tout simplement recommandé l'exclusion systématique de ce risque. Cela aurait été la solution la plus facile. Mais une telle décision risquerait d'être perçue comme étant en contravention de la Loi sur la concurrence, et elle le serait probablement.
En effet, en vertu de l'article 45 de la Loi sur la concurrence, il est interdit aux compagnies de s'entendre tant sur le prix d'un produit d'assurance que sur les modalités qui s'y rapportent, y compris les modalités d'exclusion de la protection ou les conditions en vertu desquelles une protection pourrait être offerte, si cela doit restreindre indûment la concurrence. Si nous proposions à l'industrie un texte rejetant toute responsabilité en la matière et si nous encouragions, recommandions ou promouvions activement l'adoption de ce texte par les compagnies d'assurance, il se pourrait que, si un certain nombre d'entre elles suivaient notre recommandation et si cette démarche d'exclusion devait être instaurée par un nombre raisonnable de compagnies dans une région donnée du Canada, cela soit interprété comme une dérogation à l'article 45.
• 1525
L'autre disposition qui nous préoccupe plus particulièrement
est l'article 49, qui vise précisément les institutions
financières fédérales. Il prévoit qu'une institution financière
fédérale, qui conclut avec une autre institution du même type un
accord relatif au genre de service devant être fourni à un
client, et tout administrateur, dirigeant ou employé de
l'institution financière qui conclut sciemment un tel accord
commet un acte criminel; et les peines sont plutôt sévères.
Contrairement à l'article 45, cet article ne comporte aucune
prescription relative à une restriction indue de la concurrence.
Ces deux articles ont pour effet de nous rendre généralement très prudents. Il est impératif, dans l'état actuel des choses, que les décisions en matière de protection contre les problèmes de reconnaissance de date soient prises par chaque assureur à titre individuel.
Nous nous attaquons donc au problème du passage à l'an 2000 sur deux fronts. Premièrement, nous avons lancé une campagne de sensibilisation des entreprises pour les informer qu'elles ne peuvent s'attendre à ce que leurs contrats d'assurance couvrent automatiquement les pertes imputables à un problème de reconnaissance de date par les ordinateurs. De fait, la première phase de cette campagne démarre demain, par la publication d'annonces dans plusieurs journaux. Nous avons aussi préparé des brochures qui seront mises à la disposition des petites entreprises, entre autres, par l'intermédiaire de nos agents et des compagnies d'assurance elles-mêmes.
Deuxièmement, nous avons préparé des libellés types que les compagnies pourront inclure—sans y être obligées d'aucune façon—dans les polices d'assurance commerciale standard de biens immobiliers et de responsabilité civile, afin de préciser les limites de la protection. En tant qu'association, nous n'avons jamais rédigé de texte standard sur l'assurance responsabilité des administrateurs et des dirigeants; par conséquent, nous n'offrons pas de conseil en la matière.
Nous avons également préparé un questionnaire dont je parlerai un peu plus tard.
Nous avons procédé à un sondage auprès des assureurs pour recenser les initiatives susceptibles de faciliter la conversion de leurs systèmes informatiques en vue du passage à l'an 2000. Les rencontres de groupes d'utilisateurs organisées pour partager l'information se sont avérées très utiles. Je crois qu'une autre rencontre de ce genre est prévue pour le début de 1999, dans le but de mesurer les progrès réalisés par les compagnies.
En raison du rôle important que jouent les agents et les courtiers pour encourager leurs clients commerciaux à prendre dès que possible des mesures de prévention, nous avons invité un membre de l'Association des courtiers d'assurance à se joindre au comité que nous avons créé. Dès le départ, nous avons éprouvé beaucoup de difficultés à faire admettre qu'à titre d'association, nous ne pouvions résoudre les problèmes internes des compagnies. Il nous est seulement possible d'attirer leur attention sur les risques éventuels.
Le comité a vite constaté que l'industrie avait une chance unique de mettre au point un outil d'évaluation des risques que les courtiers et les souscripteurs pourraient utiliser pour déterminer les risques générés par le problème du passage à l'an 2000 et sensibiliser les assurés. Cet outil prend la forme d'un questionnaire composé de questions de nature générale; s'il est bien rempli, il peut permettre à un souscripteur de déterminer si l'entreprise est bien structurée et si elle maîtrise bien la situation. Cet outil permet aussi à l'assureur et au courtier de mieux comprendre le risque et de mieux connaître le client.
Le questionnaire peut constituer un élément du processus de sensibilisation du client et permettre de déterminer si le problème de l'an 2000 peut influer sur le risque commercial. Vu qu'un client peut avoir affaire à plusieurs assureurs en vertu de polices de coassurance—notamment en ce qui concerne les risques d'ordre commercial—et en raison du travail supplémentaire requis de chaque assureur pour faire remplir les questionnaires en temps opportun, nous voulions élaborer un document qui soit largement accepté sur le marché; nous pensons avoir réussi.
Le comité a mis au point des avenants permettant d'ajouter une exclusion aux textes utilisés actuellement, et, comme mesure de remplacement, il a préparé des textes auxquels est intégrée l'exclusion et qui s'accompagnent d'avenants visant à supprimer ou à modifier les exclusions. En ce qui concerne les polices d'assurance de biens, il existe certaines solutions de remplacement lorsque l'exclusion ne s'applique pas. Le comité achève la mise au point d'avenants et de textes pour les autres polices d'assurance. Nous les faisons actuellement traduire et nous avons informé les compagnies de leur existence.
• 1530
Nous avons récemment organisé un colloque à Toronto auquel
ont participé de nombreux professionnels. Nous y avons présenté
le questionnaire et les textes que nous proposons.
Le Bureau du surintendant des institutions financières et plusieurs organismes de réglementation provinciaux ont communiqué avec des compagnies d'assurance relevant de leur compétence pour s'enquérir de ce qu'elles avaient l'intention de faire pour corriger le problème de l'an 2000. TRAC Insurance Services, une importante société de cotation des compagnies d'assurance du Canada, a demandé aux compagnies de lui faire connaître leurs plans en la matière. On peut donc affirmer que l'industrie est parfaitement au courant du problème et qu'elle agit de façon responsable pour tenter de le régler.
Nous ne pouvons que souligner en terminant que l'assurance n'est pas la solution miracle du problème que pose le passage à l'an 2000. Nos membres prendront toutes les mesures requises pour se préparer eux-mêmes à y faire face et pour avertir leurs assurés des risques. Une certaine protection pourra être offerte à ceux qui pourront se le permettre, mais les entreprises ne doivent pas s'attendre à ce que ce soit l'industrie de l'assurance qui les tire d'affaire.
Merci de votre attention.
La présidente: Je vous remercie, monsieur Kennedy.
Aujourd'hui, je vais demander à Mme Lalonde de bien vouloir entamer la période des questions.
[Français]
Madame Lalonde, s'il vous plaît.
Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Merci de votre présentation dans laquelle vous avez fait état de vos soucis. Pourriez-vous nous parler de cet outil d'évaluation des risques que vous avez présenté au colloque à Toronto? Vous dites que c'est un des meilleurs services que vous pouvez rendre. Pouvez-vous nous en parler?
[Traduction]
M. Alex Kennedy: Le questionnaire a été conçu pour recueillir un maximum de renseignements sur la nature du risque, afin que le souscripteur et le courtier puissent établir si le candidat à l'assurance ou l'assuré, quand il s'agit d'un renouvellement, ont pris les mesures à leur disposition pour régler le problème du passage à l'an 2000.
M. Thorpe présidait notre comité et souhaite peut-être ajouter quelque chose au sujet de ce questionnaire.
M. Wayne Thorpe (vice-président, Souscriptions commerciales, Dominion of Canada, Compagnie d'Assurance-Générale; Bureau d'assurance du Canada): Le questionnaire se présente en deux parties.
La première est plutôt technique. On tente d'y déterminer si les systèmes informatiques concernés ont été convenablement modifiés de façon à reconnaître la date au moment du passage à l'an 2000. On pose des questions sur les puces intégrées. En effet, dans les usines où on utilise de l'équipement robotisé, il y a beaucoup de puces intégrées aux machines. Le questionnaire a donc été conçu pour donner au souscripteur des informations sur le matériel que l'on trouve dans ce genre d'installation et sur ce qu'a fait le propriétaire de l'entreprise pour s'assurer que son équipement est conforme pour le passage à l'an 2000.
Il y a ensuite des questions qui permettront au souscripteur de décider si le risque est ou non assurable, compte tenu des efforts de conversion de l'entreprise. Le questionnaire permet au souscripteur de dire soit: «Oui, nous assurons ce risque, car nous sommes convaincus que l'entreprise s'est préparée au passage à l'an 2000» ou «Non, le risque est tel qu'il n'est pas assurable selon nous».
[Français]
La présidente: Madame Lalonde, avez-vous une autre question?
Mme Francine Lalonde: Oui. Votre réponse me suggère des questions au lieu de me rassurer. Pour les consommateurs, qu'ils soient des entreprises ou des particuliers, ce qui est important, c'est de s'assurer que leur police couvre les risques. Vous dites bien dans votre texte qu'il n'est pas question pour vous d'essayer d'éliminer les risques. De toute façon, vous n'en avez pas le droit.
• 1535
Vous me
répondez que le questionnaire vise à vérifier si les
risques sont assurables. J'aimerais que vous nous
expliquiez cela parce que je trouve que ce
n'est pas une réponse. C'est plutôt une interrogation.
[Traduction]
M. Wayne Thorpe: Au départ, il faut bien voir que nos polices d'assurance n'ont jamais été conçues en vue de couvrir les pertes découlant du passage à l'an 2000. L'événement n'est pas assimilable à un accident; il ne s'agit pas d'un sinistre imprévu. La population et l'industrie sont au courant du problème depuis au moins 10 ou 20 ans. En conséquence, ce n'est pas couvert par les polices d'assurance.
Le comité a monté une campagne de sensibilisation pour informer les chefs d'entreprise qu'ils ne doivent pas compter avoir recours à leur police d'assurance pour couvrir les sinistres découlant du passage à l'an 2000 et qu'ils doivent prendre des mesures pour minimiser les pertes qu'ils risquent d'encourir. Le questionnaire aura au moins le mérite d'attirer leur attention sur le problème et sur le fait qu'ils doivent essayer de le résoudre et de minimiser leurs pertes. Ce questionnaire est donc, selon nous, utile non seulement pour l'industrie de l'assurance, mais également pour les entrepreneurs.
Les exclusions—les ajouts que nous avons incorporés au texte de nos polices—ont uniquement pour but d'établir clairement qu'il n'y a pas de protection en cas de problème dû au fait qu'un ordinateur n'est pas en mesure d'interpréter une date. Il s'agit donc en fait de préciser qu'au départ, la police n'était pas conçue pour couvrir ce risque.
[Français]
Mme Francine Lalonde: Je ne m'attendais pas à cette réponse-là. Bien entendu, il n'est pas souhaitable que tout le monde attende et se fasse couvrir par l'assurance parce qu'on connaît les dégâts au plan de la production et au plan des services. Donc, personne n'a intérêt à attendre.
Je vais ajouter une condition plus précise. Il peut arriver que quelqu'un estime qu'il a tout fait ce qu'il pensait nécessaire pour se préparer à l'an 2000. Même à ce moment-là, sa police d'assurance ne le couvre pas? À quoi servent donc les assurances?
[Traduction]
M. Wayne Thorpe: Il est en effet possible d'avoir une sorte de couverture dans le cadre d'une assurance de responsabilité civile. Il sera intéressant de voir comment les tribunaux interprètent les libellés des polices. Si quelqu'un a fait son possible pour régler le problème du passage à l'an 2000 et pense avoir minimisé ses pertes, mais qu'à cause d'un tiers, son système tombe en panne, il se peut fort bien qu'un tribunal considère cette situation comme accidentelle et juge que la personne en question est en partie couverte.
On s'attend à ce que le passage à l'an 2000 entraîne de nombreuses poursuites, car nous pensons qu'un grand nombre d'avocats—en tout cas, ceux de la partie civile—contesteront les libellés des polices pour voir si une forme de garantie quelconque est offerte. Mais, encore une fois, la plupart des polices ne sont pas conçues pour couvrir les risques afférents au passage à l'an 2000.
La présidente: Merci.
La parole est à M. Murray.
M. Ian Murray (Lanark—Carleton, Lib.): Merci, madame la présidente.
Je vous remercie, messieurs, d'avoir accepté de témoigner devant nous cet après-midi. Pendant que nous discutions de ce qui est accidentel et de ce à quoi les gens devraient s'attendre, il m'est venu à l'idée que plusieurs des compagnies qui sont membres de votre association pourraient voir leurs systèmes se planter alors même qu'elles pensaient être prêtes pour le passage à l'an 2000. S'il en était ainsi, je me demande comment elles réagiraient vis-à-vis ceux qui pensaient également être prêts. Il s'agit peut-être plus d'une question pour les tribunaux que pour les compagnies d'assurance.
Je voudrais que vous me disiez quels sont les domaines qui, selon vous, risquent de poser des problèmes au secteur de l'assurance. Par exemple, disons que les systèmes de sécurité des particuliers ou des entreprises tombent en panne et que l'on constate une augmentation des cambriolages. Envisagez-vous une multiplication des problèmes de ce genre pour l'industrie?
M. Wayne Thorpe: Oui. C'est un domaine où nous nous attendons à des problèmes. Il y a plusieurs aspects. Tout ce qui contient une puce, par exemple, un détecteur de fumée, un détecteur d'incendie ou un système d'alarme antivol, pourrait ne plus fonctionner à cause d'une mauvaise interprétation de la date au moment du passage à l'an 2000. Dans ces circonstances, la perte directement imputable à l'ordinateur et la perte afférente au matériel lui-même ne seraient pas garanties. Certains assureurs paieront les dommages résultant d'un cambriolage.
Les polices sont rédigées de telle manière que, si le système tombe en panne, les pertes résultant du vol dans l'immeuble en question puissent faire l'objet d'un dédommagement, mais pas le système lui-même. Il y aura donc des circonstances où une partie des dommages sera couverte.
Les textes préparés par le BAC sont suffisamment souples pour exclure totalement les activités liées au passage à l'an 2000 ou pour permettre à ses membres d'ajouter une couverture de risques majeurs, par exemple, les émeutes, le vandalisme ou les actes malveillants ou encore le vol et ce genre de chose. Bien sûr, en vertu de la loi, les dommages dus aux incendies ou explosions qui pourraient se produire à ce moment-là ou encore à la foudre sont couverts. Par conséquent, si un système d'extincteur d'incendie ne fonctionnait pas et qu'il y avait un incendie, les dommages qui en résulteraient dans l'installation concernée seraient couverts sans aucune discussion, car c'est la loi.
M. Ian Murray: Autrement dit, vous assurez actuellement les défaillances d'ordre technique, et il est question ici d'un type de défaillance potentielle au sujet de laquelle les compagnies d'assurance ne veulent pas vraiment s'aventurer à faire des prévisions. Envisagez-vous que cela pourrait entraîner de longues batailles devant les tribunaux, et que les compagnies d'assurance finissent par se retrouver en cour?
M. Wayne Thorpe: Nous nous attendons à ce qu'il en résulte un nombre substantiel de poursuites devant les tribunaux, car je pense que certains avocats voudront mettre le texte de nos polices à l'épreuve afin de savoir ce qu'ils signifient exactement. Il n'y a là rien d'extraordinaire. Nous nous retrouvons couramment dans cette situation dans le cadre des règlements de dommages. On entrevoit, toutefois, que même si les indemnités qui devront être versées pour les sinistres eux-mêmes restent limitées, l'industrie devra faire face à une augmentation des frais de contentieux.
M. Ian Murray: On peut donc prévoir une augmentation substantielle des primes d'assurance une fois passé l'an 2000. C'est quelque chose à quoi on doit s'attendre?
M. Wayne Thorpe: C'est possible, mais il ne faut pas oublier que l'industrie est un secteur plutôt fragmenté. Le plus grand assureur ne souscrit que 11 ou 12 p. 100 de l'assurance au Canada, et il y a donc un grand nombre d'assureurs et le marché est habituellement très compétitif. Par conséquent, à moins que l'industrie subisse des pertes vraiment énormes à cause de cet événement, je ne m'attends pas à ce que les taux augmentent substantiellement.
M. Ian Murray: C'est sans doute ce à quoi faisait allusion M. Kennedy dans sa déclaration préliminaire, quand il a dit que les pertes que pourrait engendrer le problème de l'an 2000 rendent presque insignifiantes celles qui sont attribuables à la tempête de verglas. Autrement dit, vous vous attendez probablement à d'importantes demandes d'indemnisation.
M. Wayne Thorpe: Oui.
Le problème auquel nous faisons face est que les pertes assurées pourraient ne pas être aussi importantes que les coûts additionnels entraînés par les actions en cour que le règlement de certaines demandes d'indemnisation pourraient exiger. Si ces dépenses grimpaient au point où une augmentation des taux devienne nécessaire, l'industrie prendrait naturellement cette décision.
• 1545
Ce qui est principalement en cause, ce sont les risques
commerciaux plutôt que les risques des particuliers, bien que, si
une entreprise de service public a un problème, Hydro Ontario par
exemple, je pense que l'on se retrouvera dans à peu près la même
situation qu'au moment de la tempête de verglas, car ce sera le
1er janvier et qu'au Canada, il fait très froid le 1er janvier.
En cas d'interruption du service provincial d'électricité, on
risque d'être confrontés à des sinistres d'envergure dus au
refoulement des égouts attribuable au non-fonctionnement des
puisards et à la détérioration des aliments causée par la
défaillance des congélateurs, ou ce genre de chose. C'est un
scénario possible. Qui sait si cela se produira?
Il faudrait voir si les entreprises de service public sont prêtes pour le passage à l'an 2000. Je pense que cela va constituer un problème majeur.
M. Ian Murray: Nous l'avons fait.
M. Mark Yakabuski (directeur, Relations gouvernementales, Bureau d'assurance du Canada): Dans le prolongement de ce qui vient d'être dit, il ne fait pas de doute qu'il pourrait y avoir des coûts additionnels dus au problème de l'an 2000, passé le 1er janvier 2000. Cela pourrait avoir un certain impact sur les primes d'assurance, tout comme un grand nombre d'autres facteurs. Nous ne savons pas dans quelle mesure la tempête de verglas influera sur les primes, en bout de ligne. Il est trop tôt pour le dire. Il y a un si grand nombre de facteurs qui entrent en compte lors de l'établissement des taux d'assurance. C'est une chose qu'il faut considérer. Mais il faut aussi se dire qu'une façon de réduire l'impact de l'an 2000 est de se montrer proactif dès maintenant, ce que nous faisons en préparant le questionnaire dont a parlé Alex Kennedy, en réunissant dès maintenant les assureurs et les chefs d'entreprise pour leur faire prendre conscience des risques auxquels ils doivent faire face. C'est sans doute un moyen d'éviter certains de ces coûts.
Demain, dans le Globe and Mail et le Financial Post, le Bureau d'assurance du Canada publiera des annonces pour sensibiliser les entreprises aux risques afférents au passage à l'an 2000 et pour leur conseiller de parler à leur agent d'assurance ou à leur courtier. Nous considérons que c'est un moyen préventif de réduire certains de ces coûts.
M. Ian Murray: Merci.
La présidente: Je vous remercie, monsieur Murray. Monsieur Schmidt, vous avez la parole.
M. Werner Schmidt (Kelowna, Réf.): Merci, madame la présidente.
Merci, messieurs, de comparaître devant nous aujourd'hui. Nous sommes heureux de vous revoir.
J'ai quelques questions à vous poser. La première a trait aux mises à l'essai des systèmes. Malheureusement, je suis arrivé en retard; je n'étais pas à l'heure. Je croyais que la réunion commençait à 15 h 30. Mais c'est une excuse, même si c'est aussi une bonne raison. Je suppose que j'aurais dû le savoir. Quoi qu'il en soit, le problème de la mise à l'essai du matériel est probablement le plus complexe et le plus prenant, en termes de temps, de toute l'opération. Je voudrais vous poser deux questions au sujet des mises à l'essai, et ensuite, j'en aurai une autre.
Vos courtiers et vos compagnies d'assurance—l'industrie comprend les deux groupes—leur avez-vous demandé d'essayer leur matériel?
M. Alex Kennedy: Je pense qu'il est juste de dire que nous avons été en contact avec les compagnies qui sont membres de notre association. Nous n'avons pas de lien direct avec les courtiers. M. Thorpe est probablement mieux placé pour vous parler directement de cette question. En tout cas, les compagnies sont prévenues. La plupart d'entre elles vont émettre en octobre des renouvellements de police portant comme date d'expiration l'an 2000. Elles vont donc tout faire pour assurer d'ici octobre leur conformité aux exigences de l'an 2000. Je suis convaincu que les compagnies demanderont aussi à leurs courtiers de vérifier certains aspects très particuliers de la question, mais M. Thorpe pourrait peut-être vous en parler.
M. Wayne Thorpe: Dans notre compagnie, nous travaillons sur les problèmes de l'an 2000 depuis l'automne 1996. Il faut que nous soyons prêts à émettre des polices ayant pour date d'expiration l'an 2000 à la fin du mois d'octobre de cette année. Nous nous attendons à ce que cela se fasse sans aucun problème. C'est le côté système de l'opération. En ce qui concerne le côté entreprise, nous avons apporté des changements au texte de nos polices dont nous vous avons déjà parlé.
La dernière initiative que nous avons prise a été de nous adresser à nos fournisseurs, c'est-à-dire nos courtiers, pour leur demander si leurs systèmes sont conformes à la norme de l'an 2000 et pour qu'ils nous fournissent un rapport de situation à ce sujet. Nous avons demandé à nos réassureurs de faire la même chose. De fait, nous demanderons à toutes les entreprises avec lesquelles nous faisons affaire, que ce soit au plan de l'externalisation des services ou de la fourniture de produits, si elles sont prêtes au passage à l'an 2000.
M. Werner Schmidt: Je pense que c'est très louable, mais cela ne répond pas à ma question. Je voudrais savoir si l'on a prévu des essais et si vous savez en quoi ils consistent?
Je pourrais vous dire un tas de choses. Vous pouvez me demander si je suis prêt pour l'an 2000, et je répondrai oui, je le suis. Comment pouvez-vous savoir si j'ai effectivement pris des mesures pour pouvoir vous dire de façon catégorique que je suis prêt? Je peux répondre de façon satisfaisante à votre questionnaire, mais cela ne dit toujours pas grand chose. Je veux savoir quel est le test que vous appliquez pour vous assurer que les gens sont prêts, et si vous demandez à voir ses résultats?
M. Wayne Thorpe: Le test, en ce qui nous concerne, porte sur chaque ligne de code où on a recensé une sensibilité à la date et qu'il faut changer. Il s'agit donc d'un problème effarant. Dans notre cas, nous nous sommes adressés à un cabinet de consultants. Ils collaborent avec nous depuis le début. Nous avons inventorié nos lignes de code et déterminé celles qui font problème, avant de procéder à des essais et d'apporter les corrections nécessaires.
Donc, nous commençons par faire un inventaire. Ensuite, nous élaborons une stratégie sur la façon dont allons faire des essais et enfin, nous procédons au test de conformité. Nous convertissons le code et nous procédons au test de conformité pour nous assurer de la compatibilité du système.
M. Werner Schmidt: C'est très bien. Demandez-vous à toutes vos compagnies membres de faire la même chose?
M. Wayne Thorpe: Nous ne leur posons pas précisément cette question.
M. Werner Schmidt: Pourquoi pas?
M. Wayne Thorpe: Nous présumons, quand nous leur demandons si leur système est conforme à la norme de l'an 2000, qu'elles ont procédé à cet exercice.
M. Werner Schmidt: Savez-vous ce qui arrive à ceux qui présument dans ce domaine? Enfin—soyons sérieux. Tout pourrait s'écrouler le 1er janvier 2000 ou le 31 décembre 1999, et l'on se contente de présumer. Messieurs, en l'occurrence, les présomptions ne m'impressionnent pas du tout. On a besoin de savoir.
M. Mark Yakabuski: Il se trouve, comme l'a mentionné Alex Kennedy, qu'il existe une agence de cotation, les TRAC Insurance Services, qui note les compagnies d'assurance. Cette agence a procédé à des enquêtes approfondies sur toutes les compagnies d'assurance du Canada et leurs associées aux États-Unis et ailleurs. Si les compagnies trompent les grandes agences de cotation, elles devront subir de lourdes conséquences. Je ne pense pas qu'elles le font.
Ces enquêtes ont fait ressortir, comme le rapport du groupe de travail sur l'an 2000 mis en place par le gouvernement, que de tous les secteurs industriels, celui des services financiers était de loin le mieux préparé pour l'instant au passage à l'an 2000. Même si tout n'est pas parfait, les enquêtes de l'agence TRAC montrent que le niveau de conformité atteint dans notre industrie est parmi les plus élevés des industries canadiennes.
M. Werner Schmidt: Madame la présidente, pourrais-je lire au comité un paragraphe que j'ai trouvé extrêmement inquiétant?
-
Selon le Gartner Group, le pourcentage des compagnies
susceptibles de connaître des défaillances de systèmes critiques
est de 30 à 50 p. 100, en hausse par rapport à 1997, où il était
de 10 p. 100.
Autrement dit, au lieu de s'améliorer, la situation empire.
-
Le Gartner Group considère qu'à cause de ces défaillances et des
coûts liés au passage à l'an 2000, il y a 70 p. 100 de chances
que l'activité économique mondiale fléchisse. M. Edward Yardeni
—dont vous avez probablement déjà entendu parler...
-
est d'avis qu'il y a 60 p. 100 de chances que l'on connaisse une
récession économique à l'échelle mondiale. Quoi qu'il en soit, il
ne reste plus beaucoup de temps! Selon le magasine Fortune (25
mai 1998), «la plus récente enquête de l'Information Technology
Association of America (ITAA) sur la conversion des logiciels à
l'an 2000 montre que 44 p. 100 des répondants ont été victimes de
défaillances dans des conditions d'exploitation grandeur nature
et que 67 p. 100 ont rapporté des défaillances lors d'essais...
[l'ITAA] exhorte les entreprises à faire de la conversion à l'an
2000 leur toute première priorité afin d'assurer le passage sans
encombre de la date fatidique.»
C'est le genre de chose qui m'amène à poser des questions. Je pensais que l'on progressait de façon satisfaisante. De fait, au fur et à mesure que les travaux du comité avançaient, je pensais que les choses s'amélioraient. Aujourd'hui, je tombe sur ce genre d'article, et je me dis: Attention! A-t-on essayé de vendre des salades au comité? Est-ce que les gens nous disent que tout va bien pour nous faire taire et pour qu'on ne leur demande pas de répondre à des questions difficiles ou est-ce vraiment si sérieux que cela? D'après cet article, alors qu'il nous reste moins de 18 mois, nous ne sommes qu'à moitié prêts.
M. Mark Yakabuski: Une des choses que j'ai entendu dire, c'est que tout dépend de ce qu'il faut entendre par défaillance. Il se peut qu'il y ait des domaines où il y a des défaillances. Mais quand on parle d'un taux de défaillance de 30 ou 40 p. 100 comme vous le faites—s'agit-il de défaillances majeures ou juste de petites pannes de systèmes? Les conséquences d'une défaillance majeure ne sont pas du tout les mêmes que celles d'une panne mineure.
M. Werner Schmidt: Vous avez tout à fait raison. Évidemment.
M. Mark Yakabuski: Franchement, je pense que la plupart des gens essaient de se protéger. Ils hésitent à dire qu'ils sont complètement prêts pour l'an 2000, car il serait risqué de l'affirmer, vu qu'il n'est tout simplement pas possible de prédire d'éventuelles défaillances. Mais on constate une certaine confiance au sein des compagnies. Je pense qu'une partie du problème peut venir de la façon dont on définit ce qu'il faut entendre par défaillance.
M. Werner Schmidt: Je suis d'accord. Je ne prétends pas que vous ne nous dites pas la vérité. Ce n'est pas du tout où je veux en venir. Je tiens simplement à souligner, à vous et à tous ceux que cela concerne, la nécessité de dire aux gens qu'ils doivent tester leurs systèmes.
Ce n'est pas suffisant de répondre à des pages de questions—avez-vous fait ceci, avez-vous fait cela? Avez-vous procédé à un inventaire? Avez-vous recensé un million ou dix millions de lignes de code? La question qui importe, c'est: est-ce qu'elles fonctionnent une fois qu'elles ont été recensées ou une fois que les corrections ont été apportées ou qu'elles ont été remplacées ou que le nécessaire a été fait, quel qu'il soit? C'est la question clé. Depuis le début, nous avons des difficultés à obtenir une réponse à cette question. Vous non plus, vous ne faites pas d'essais.
M. Mark Yakabuski: Mais il faut aussi tenir compte des incitatifs. Il ne nous est pas possible d'exiger qu'une compagnie fasse des essais. Nous n'avons pas l'autorité nécessaire pour le faire. Toutefois, disons qu'une compagnie sait qu'il n'y a pas de couverture globale pour les pertes découlant du passage à l'an 2000 et que ces pertes risquent d'être considérables, quand on est un entrepreneur et qu'on sait que l'assurance ne couvrira pas ce genre de pertes, n'est-on pas fortement incité à procéder aux essais dont vous parlez?
Quand votre courtier d'assurance ou votre agent passe la question en revue avec vous, il faudrait que vous soyez vraiment stupide pour ne pas prendre vos précautions. Dans le cadre de notre processus, nous avons intégré des incitatifs qui vont dans le sens de l'objectif que vous tentez de réaliser.
La présidente: Dernière question.
M. Werner Schmidt: Bien, madame la présidente. Je suis d'accord et je terminerai par cette observation.
Il me semble que votre organisme se comporte de manière très responsable vis-à-vis la communauté et que vous vous préoccupez du bien-être des gens. Je pense qu'il y a une question simple qui pourrait être posée pour régler le problème: avez-vous procédé à un test? Les résultats sont-ils disponibles? Ce sont des questions très simples.
M. Alex Kennedy: Effectivement. En réponse à cela, je vous dirai qu'à mon avis, la plupart des compagnies qui sont aux prises avec ce problème essaient d'y donner priorité. Il y a plusieurs questions dont il faut s'occuper.
M. Thorpe a parlé des renouvellements de police qui vont avoir lieu à la fin du mois d'octobre. Il est impératif que ce processus soit testé et que cela fonctionne. Il y a d'autres domaines qui peuvent attendre encore un peu, et je pense que la plupart des gens s'en occupent probablement.
La présidente: Je vous remercie.
La parole est maintenant à M. Lastewka.
M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.): Merci, madame la présidente. Je voudrais aborder la question sur deux plans, tout d'abord dans le prolongement de ce qu'a déclaré M. Schmidt.
Le bureau d'études TRAC Insurance Services suit-il la progression de la mise en conformité des systèmes pour le passage à l'an 2000? A-t-il publié un rapport?
M. Wayne Thorpe: Il en a fait un sur l'industrie de l'assurance de dommages et aussi, je crois, sur les compagnies d'assurance-vie...
M. Walt Lastewka: Nous serait-il possible d'en avoir un exemplaire?
M. Mark Yakabuski: Oui.
M. Wayne Thorpe: Nous pouvons probablement essayer d'en obtenir un pour vous. En passant, c'est le rapport de TRAC. Ce n'est évidemment pas notre rapport. Cela dit, nous pouvons probablement vous en obtenir un exemplaire.
M. Walt Lastewka: Madame la présidente, j'aimerais que l'on consigne au procès-verbal qu'un exemplaire de ce rapport va nous être transmis. Si vous rencontrez des difficultés pour nous l'obtenir, nous nous adresserons directement à TRAC.
M. Mark Yakabuski: Nous essayerons de vous l'obtenir. Il s'agit bien sûr d'une enquête permanente, car la question n'est pas...
M. Walt Lastewka: Bien sûr.
M. Mark Yakabuski: Nous allons communiquer avec TRAC pour voir s'ils peuvent vous envoyer un exemplaire de ce qui est disponible à l'heure actuelle. Cela vous convient-il?
M. Alex Kennedy: TRAC ne peut naturellement pas obliger les compagnies qu'ils contactent à répondre. Je sais qu'ils ont eu certaines difficultés à obtenir des réponses.
M. Walt Lastewka: Vous en venez exactement à ce que je voulais dire. Nous nous en rendons compte de plus en plus au fur et à mesure que nous discutons avec des associations et que nous abordons la question de la fourniture volontaire de renseignements et de données et ainsi de suite... Mais c'est une question très grave.
Les associations ont des responsabilités à l'égard de leurs adhérents. À l'inverse, les adhérents ont également certaines responsabilités à l'égard de leurs associations. Je pense à notre expérience précédente avec les associations de compagnies pharmaceutiques. Le côté positif, c'est que nous les avons entendues au commencement. Mais le côté négatif, c'est qu'elles n'étaient pas prêtes. Ces associations ont beaucoup travaillé au cours des trois ou quatre derniers mois, et je les félicite pour les efforts supplémentaires qu'elles ont fournis.
C'est la raison pour laquelle j'ai posé la question. Je voudrais vraiment savoir où en est l'industrie de l'assurance. Si le suivi des préparatifs pour le passage à l'an 2000 est effectué par TRAC Insurance, alors nous voulons voir leurs conclusions.
• 1600
J'ai lu dans la presse un article sur les compagnies
d'assurance qui ne sont pas prêtes, et on disait qu'elles
cesseront leurs activités. Je voulais apporter cet article et le
lire aujourd'hui aux fins du compte rendu, mais je l'ai oublié.
C'est la raison pour laquelle je veux savoir si l'industrie de
l'assurance se prépare, oui ou non?
Quant à ma deuxième question, elle porte sur votre séminaire et votre questionnaire. A-t-il déjà été envoyé à vos membres? L'avez-vous envoyé? A-t-il déjà été dépouillé?
M. Alex Kennedy: Il est en cours d'envoi.
M. Walt Lastewka: Si je pose la question à mes divers agents d'assurance dans la région de Niagara, ils l'auront reçu. C'est cela?
M. Alex Kennedy: On est en train de l'envoyer. Les avenants et, je crois, le questionnaire en sont au stade de la traduction.
M. Wayne Thorpe: Une petite précision. Le texte des avenants a été envoyé à nos compagnies membres, ce qui fait qu'il n'est pas encore nécessairement entre les mains des agents ou des courtiers indépendants, à moins que les compagnies avec lesquelles ils traitent leur aient transmis cette information.
Vous vous rendez compte, je pense, que dans l'industrie de l'assurance de dommages, nous considérons que la sensibilisation est notre meilleure alliée. Vous avez fait observer que si une compagnie d'assurance n'est pas prête, elle devra cesser ses activités. Eh bien, si une petite entreprise n'est pas prête, elle devra aussi cesser ses activités ou du moins, elle risque fort d'avoir à le faire.
De notre point de vue, il semble tout à fait logique d'investir dans des initiatives de sensibilisation. Par conséquent, non seulement il y aura une campagne de sensibilisation par le Bureau d'assurance du Canada, mais je pense que chaque assureur lancera sa propre campagne d'information parmi ses détenteurs de police. En ce qui nous concerne, par exemple, nous envoyons un avis avec chaque renouvellement ou chaque nouvelle police que nous souscrivons, afin d'alerter les gens et de les pousser à s'occuper des problèmes que pourrait leur poser le passage à l'an 2000.
Dans ce contexte, les courtiers devraient être au courant de la situation et à leur tour, en faire prendre conscience à leurs clients. S'ils ne le font pas, notre consolation est qu'au moins, nous sensibilisons notre clientèle à ce problème par un courrier que nous lui envoyons directement.
La présidente: Je vous remercie, monsieur Lastewka.
La parole est à M. Schmidt.
M. Werner Schmidt: Merci, madame la présidente.
J'ai un cas particulier à soulever. J'ai été témoin récemment d'une situation où on devait remplacer des puces intégrées. Des puces de remplacement ont été commandées à un fabricant, et c'était la même puce pour les différentes machines ou appareils—bref, les installations—même numéro, même puce, même fabricant. Au moment des essais—elles avaient été fabriquées la même année—on s'aperçut qu'elles fonctionnaient toutes à l'exception d'une seule. Or, cela se passait dans le cadre d'une mission d'importance critique.
Vu qu'il s'agissait d'un test, il fut possible de surmonter le problème assez facilement. Mais si cela s'était passé dans une situation en grandeur nature—de fait, une vie était en danger—à qui aurait incombé la responsabilité en l'occurrence?
M. Wayne Thorpe: Je pense que la responsabilité incombait au fabricant de la puce. S'il s'agissait d'une situation qui mettait la vie de quelqu'un en danger et que la personne...
M. Werner Schmidt: C'était le cas en l'occurrence.
M. Wayne Thorpe: —mourait, je suis sûr que la succession aurait poursuivi le fabricant de la puce pour malfaçon.
M. Werner Schmidt: Est-ce que la responsabilité de la compagnie d'assurance aurait été engagée dans un tel cas?
M. Wayne Thorpe: Les textes sont libellés de telle façon qu'ils ne couvriraient probablement pas ce genre de situation, car ils disent au fond qu'il pourrait s'agir d'un vice caché. Le fabricant aurait dû savoir qu'il y avait un problème.
On en revient au commentaire qui a été fait tout à l'heure. Si un tribunal, appelé à juger la chose, estimait que le fabricant a fait tout en son pouvoir pour s'assurer que ces puces étaient en état de fonctionnement—et dans votre scénario, il semble que la plupart fonctionnaient...
M. Werner Schmidt: Oui, effectivement.
M. Wayne Thorpe: —il pourrait très bien décider qu'il s'agit d'une situation accidentelle et qu'une forme de couverture s'applique, mais cela ne peut être établi que par un tribunal.
M. Werner Schmidt: Merci.
La présidente: Je vous remercie, monsieur Schmidt.
La parole est à M. Peric.
M. Janko Peric (Cambridge, Lib.): Merci, madame la présidente.
Messieurs, quand j'achète une police pour assurer une voiture ou un bien, je n'ai pas à me demander si je suis couvert ou non... Je signe un accord, un contrat, je paie et je suis couvert. Il n'y a pas de supposition, aucun doute. Comment se fait-il que vous devez présumer que les membres de votre association vont procéder à des essais? Pouvez-vous nous dire si vos adhérents ont fait des tests, oui ou non?
M. Wayne Thorpe: Je laisserais Alex répondre car il est question de l'association. Je ferais observer qu'elle n'a pas le pouvoir d'obliger une compagnie à faire des essais. La seule manière de forcer l'industrie à procéder à des essais et à prouver que ces tests ont été faits serait de passer par notre organisme de tutelle, c'est-à-dire le BISF.
M. Janko Peric: Avez-vous pris des initiatives en ce sens?
M. Alex Kennedy: Nous avons nous-mêmes et à travers notre organisation soeur, qui s'occupe de la collecte de statistiques, communiqué avec toutes les compagnies d'assurance. Le maximum a été fait pour leur faire comprendre l'importance de se préparer à l'an 2000.
Je le répète, nous ne pouvons pas contrôler la suite des événements. Nous pouvons attirer l'attention des gens sur le problème. Nous nous efforçons de le faire au moyen de campagnes publicitaires en distribuant des brochures aux consommateurs, aux petites et aux grandes entreprises pour les alerter et leur signaler qu'elles doivent régler ce problème. Je ne pense pas que les gens devraient compter sur l'industrie de l'assurance pour les tirer d'affaire en ce qui concerne le problème du passage à l'an 2000. Il s'agit d'un problème dont les entreprises et l'industrie doivent se charger.
M. Mark Yakabuski: Vous avez peut-être déjà constaté, monsieur Peric, que plusieurs compagnies d'assurance font passer, de leur propre initiative, des annonces dans les principaux journaux, etc., où l'on dit par exemple, qu'il ne reste que 564 jours, que les aiguilles continuent de tourner, que le passage à l'an 2000 est proche. Ces compagnies ont adopté une approche proactive. Je n'ai pas vu d'autres institutions au Canada acheter des annonces d'une demi-page dans le Globe and Mail pour dire haut et fort que le problème du passage à l'an 2000 est réel et que les gens ont intérêt à communiquer avec leur courtier ou leur agent d'assurance pour en discuter.
Contrairement à l'Association des banquiers canadiens, le Bureau d'assurance du Canada est une association privée. Les compagnies décident d'y adhérer ou non. La plupart d'entre elles le font. Nous travaillons donc en coopération pour atteindre ce genre d'objectif, mais nous ne disposons pas du pouvoir nécessaire pour leur dire, comme, je pense, vous nous le demandez, qu'elles doivent nous fournir la preuve qu'elles ont testé leurs systèmes.
M. Alex Kennedy: Je pense qu'il est juste de faire remarquer que le Bureau du surintendant fédéral ainsi que les diverses autorités de tutelle provinciales sont également en contact avec les compagnies pour leur demander des preuves de ce qu'elles font pour se préparer au passage à l'an 2000.
La présidente: J'aimerais clarifier deux choses. Je ne suis pas sûre d'avoir bien compris, mais je crois vous avoir entendu dire que vous alliez envoyer, à la fin du mois d'octobre, des renouvellements de police informant les gens qu'ils ne sont pas couverts pour le passage à l'an 2000. Est-ce exact ou est-ce simplement que les renouvellements de police seront émis à la fin du mois d'octobre? Je n'ai pas bien compris cela.
M. Wayne Thorpe: Nous allons envoyer, à la fois avec nos produits d'assurance des particuliers et nos produits d'assurance commerciale, un avis aux assurés précisant que l'objet des polices n'est pas de couvrir les risques afférents au passage à l'an 2000.
La présidente: Maintenant ou à la fin du mois d'octobre?
M. Wayne Thorpe: On les envoie en ce moment. On a parlé du mois d'octobre parce que, dans l'industrie, on envoie des préavis de 45 à 60 jours avant la date des renouvellements; à la fin du mois d'octobre, nous émettrons donc des polices qui auront pour date d'expiration l'an 2000. Nos systèmes doivent être prêts à accepter ces dates d'expiration. D'ici la fin octobre, la composante de notre système qui émet les polices sera conforme aux critères exigés pour le passage à l'an 2000. C'est ce qu'on voulait dire.
M. Alex Kennedy: Wayne parle d'une situation où la compagnie livre ses renouvellements à un courtier qui les passe ensuite aux clients.
La présidente: Parfait. L'autre sujet que je voulais aborder brièvement, c'est le commentaire de M. Yakabuski sur les annonces qu'on a pu lire dans les journaux. Un de nos collègues, M. Bellemare, a soulevé la question à la réunion que nous avons eue avec l'Association du Barreau canadien, qui nous a laissé entendre qu'il y avait des assurances disponibles pour le passage à l'an 2000.
Par conséquent, bien qu'il y ait des compagnies d'assurance qui publient des avis pour signaler aux gens qu'ils ne sont peut-être pas couverts, il y en a d'autres qui annoncent qu'on le sera. Je pense qu'il y a une certaine confusion en l'occurrence et je ne sais pas très bien qui sera effectivement tenu responsable de la couverture des risques que représente le passage à l'an 2000 et dans quelle situation vont se retrouver les compagnies d'assurance.
J'ai récemment été contactée par une petite entreprise de ma circonscription qui m'a dit que mon bulletin parlementaire était trop alarmiste et qu'elle avait une assurance. Quand j'ai dit: «En fait, votre assurance ne vous protégera pas», on m'a répondu: «Mais si».
Par conséquent, je ne pense pas que le message se répande aussi rapidement qu'il le devrait et, pendant que nous parlons des renouvellements et ainsi de suite, le temps passe et je crains fort qu'on n'en ait plus assez pour maîtriser ce problème et qu'il y ait de moins en moins de gens capables de le régler. L'Association du Barreau canadien nous a dit très clairement être sous l'impression qu'il y avait une couverture pour les problèmes du passage à l'an 2000.
M. Wayne Thorpe: Il existe des assurances qui sont extrêmement chères. Elles ressemblent plutôt à des montages financiers qu'à des assurances. Elles sont probablement conçues à l'intention des 500 grandes compagnies répertoriées par Fortune et ne concernent pas les petites entreprises.
Pour bénéficier de cette couverture, les compagnies sont forcées de se soumettre à une vérification, un peu comme ce à quoi a fait allusion M. Schmidt. Elles doivent prouver à l'assureur que leurs systèmes sont effectivement conformes. Le coût de la vérification peut aller de 60 000 à 100 000 $ selon l'importance de la société qui demande de s'y soumettre. Si à la conclusion de la vérification, la société est jugée prête au passage à l'an 2000, elle peut acheter de l'assurance. Cette assurance est vendue par un très petit nombre de compagnies, elle n'est pas disponible partout, et je suppose qu'elle n'est disponible que pour les entreprises qui peuvent se permettre d'effectuer ce genre de recherche et d'en assumer les coûts.
La présidente: J'ai une dernière question.
Avez-vous aussi une question, monsieur Bellemare?
M. Eugène Bellemare (Carleton—Gloucester, Lib.): Oui. La présidente faisait allusion à l'annonce de la Royale du Canada publiée dans le Globe and Mail. Elle est accompagnée d'un avertissement précisant que la plupart des pertes commerciales découlant des sinistres afférents au passage à l'an 2000 ne sont pas couverts par les polices d'assurance.
Comme l'a mentionné la présidente, j'ai posé la question à l'Association du Barreau canadien et on m'a répondu—je traduis du français à l'anglais—qu'il existe des assurances contre les erreurs et omissions, des assurances-responsabilité professionnelle—je n'ai peut-être pas la bonne terminologie. On peut aussi acheter une garantie contre le risque que représente l'an 2000. Ce sont les trois domaines dans lesquels l'association a laissé entendre qu'il existe une forme d'assurance.
En ce qui a trait à l'assurance contre les risques de l'an 2000, je vois là quelque chose de fantastique pour les assureurs—voilà quelque chose qu'ils peuvent vendre aux gens et en même gagner de l'argent—justement, correctement, honnêtement. Mais pour ce qui est des erreurs et des omissions, il y a des gens qui achètent de l'assurance pour se prémunir contre les erreurs et les omissions—les avocats par exemple. Si l'on prend le cas d'une petite entreprise qui a démontré une diligence raisonnable, ne serait-elle pas couverte pour les erreurs et omissions liées au passage à l'an 2000, sans devoir payer une prime exceptionnelle?
M. Wayne Thorpe: Je pense que nous trois qui sommes assis à cette table ne sommes pas qualifiés pour discuter de l'assurance contre les erreurs et omissions ni de l'assurance pour les administrateurs et dirigeants. Notre propre compagnie ne vend aucun de ces produits. Mais je suis prêt à avancer que si un conseil d'administration, par exemple, faisait preuve de toute la diligence nécessaire pour s'assurer que la direction de l'entreprise a fait tout son possible pour se préparer au passage à l'an 2000, alors il est probable qu'une police d'assurance contre les erreurs et omissions ou une assurance-responsabilité des administrateurs et des dirigeants couvrirait les pertes.
M. Eugène Bellemare: Puis-je poursuivre?
La présidente: Brièvement.
M. Eugène Bellemare: Il y a quelque chose qui m'a fait peur dans l'une de vos réponses—je ne suis pas sûr qui de vous trois l'a donnée. Vous avez dit que si quelqu'un mourait à cause du mauvais fonctionnement d'un instrument ou d'un appareil médical, un proche parent pourrait poursuivre le fabricant.
• 1615
Si un homme décède et qu'il était porteur d'un stimulateur
cardiaque Pacer III, dans lequel se trouve une puce à durée de
vie critique, et que son épouse veut encaisser son assurance-vie
de x dollars, êtes-vous en train de me dire qu'elle aura des
difficultés à toucher cette assurance et qu'il lui faudra prouver
que le Pacer III fonctionnait correctement?
M. Wayne Thorpe: Il se peut fort bien qu'elle puisse encaisser la somme garantie par une police d'assurance-vie; je n'en suis pas sûr et je ne suis pas qualifié pour vous répondre. S'il s'agissait d'une police d'assurance sur la tête de l'individu, c'est tout à fait possible.
Ce que j'ai voulu dire, c'est que s'il lui fallait intenter une action en dommages et intérêts, elle devrait attaquer le fabricant.
M. Eugène Bellemare: Non, vous n'êtes pas...
La présidente: Vous savez, je pense, que nous entendons les représentants du Bureau d'assurance du Canada et qu'ils ne s'occupent pas d'assurance-vie, mais d'assurance de dommages, et qu'ils ne peuvent pas discuter des polices d'assurance-vie. Ce n'est pas de leur ressort. Entendu?
M. Mark Yakabuski: Je pense que l'incident auquel vous faites allusion a été mentionné par M. Schmidt, qui parlait de la défaillance d'une puce, et je ne sais pas s'il s'agissait ou non d'un appareil médical.
Mais si vous me permettez de revenir à votre remarque, même s'il peut très bien exister des couvertures contre les erreurs et omissions et contre les risques de l'an 2000, je pense qu'il faut clarifier une perception erronée assez répandue. Même s'il existe une forme de couverture, elle n'est disponible que pour ceux qui ont fait absolument tout ce qui peut être fait pour être prêts au passage à l'an 2000. L'entrepreneur qui se contente de voir venir et qui déclare qu'il a une assurance et qu'il n'a donc pas à faire quoi que ce soit ne peut y prétendre; cette assurance est pour les gens qui ont fait tout le nécessaire, alors, certaines de ces garanties peuvent s'appliquer. Mais assurons-nous que les gens ont la bonne perception des choses.
La présidente: Merci.
Nos témoins vont bientôt devoir partir et je souhaite clarifier une dernière chose. Elle a fait brièvement surface au cours de la discussion, et je voudrais être sûre de bien comprendre.
S'il y avait une panne du réseau de distribution d'électricité, est-ce que les gens seraient couverts par l'assurance de dommages?
M. Wayne Thorpe: Jusqu'à présent, l'industrie n'a rien fait pour ce qui est des assurances de biens meubles. Elle se préoccupe avant tout du risque commercial. Selon le libellé en vigueur, et à moins que l'industrie ne le modifie, il y aurait une couverture pour les dommages résultants, dans le cadre des polices propriétaires occupants, par exemple.
La présidente: Très bien. Merci.
Nous vous remercions d'être venus témoigner aujourd'hui et d'avoir pris le temps de faire le tour des différents aspects du dossier dont s'occupe le comité. Nous sommes heureux de savoir que vous allez aviser tous les membres de votre association et nous espérons qu'ils aviseront à leur tour tous ceux qu'ils représentent et passeront le message aussi rapidement que possible.
Nous essayons de sensibiliser la population de faire en sorte que tous les Canadiens puissent vaquer à leurs occupations, et fonctionner correctement, le 1er janvier 2000. Nous vous remercions de votre présence.
M. Mark Yakabuski: Lisez vos journaux demain matin. Je vous remercie.
La présidente: Nous n'y manquerons pas. Je vous remercie.
Nous allons suspendre la séance pour environ cinq minutes pendant que les témoins suivants s'installent.
La présidente: Que tout le monde prenne place. L'audience reprend. À l'ordre, s'il vous plaît.
Conformément à l'article 108 du Règlement, nous allons nous pencher sur le chapitre 1, «Points névralgiques à moyen terme», et sur le chapitre 6, «Améliorer la productivité», du rapport intitulé Croissance-Développement humain-Cohésion sociale. Cette séance s'inscrit dans notre étude à long terme sur la façon dont on peut appuyer la recherche au Canada et sur d'autres questions connexes.
Nous accueillons plusieurs témoins. M. Alan Nymark est sous-ministre délégué de la Santé et aujourd'hui, il représente le Secrétariat du Conseil du Trésor. M. Serge Nadeau, directeur, Direction générale de l'analyse de la politique micro-économique représente Industrie Canada et il est accompagné de M. Surendra Gera, conseiller supérieur de direction et de recherche à la Direction générale de l'analyse de la politique micro-économique.
Si cette information est erronée et si vous voulez apporter un correctif avant de commencer, monsieur Nymark, n'hésitez pas.
Les témoins ont des déclarations liminaires et je leur donne la parole.
M. Alan Nymark (coprésident, Comité de recherche sur les politiques de la fonction publique): Merci, madame la présidente. Je m'appelle Alan Nymark et je suis sous-ministre délégué de la Santé. Ce n'est pas à ce titre que je comparais, mais en tant que coprésident du Comité de recherche sur les politiques de la fonction publique.
Il y a malheureusement eu un décès dans la famille de l'autre coprésident, Jim Lahey, qui est maintenant sous-secrétaire aux Affaires intergouvernementales au Bureau du conseil privé, et il ne lui est donc pas possible d'être présent aujourd'hui. Je vais essayer de me tirer d'affaires seul. Donc, comme je l'ai dit, je ne représente pas le ministère de la Santé, mais je suis ici à titre de coprésident du Comité de recherche sur les politiques.
J'ai prévu, si la présidente le permet, de parler du processus dans lequel s'inscrivent les travaux du comité de recherche et ensuite, de faire la revue de plusieurs conclusions générales que le comité a tirées il y a quelque 18 mois et qui forment la base du premier rapport. Je passerai alors la parole à mes collègues d'Industrie Canada qui parleront plus précisément de la question de la croissance de la productivité au Canada.
Le texte des transparents que je vais utiliser a été distribué, je crois, et si cela vous convient, je vais le commenter page par page.
Cela peut prendre environ 15 minutes. D'accord?
La présidente: Pas de problème.
M. Alan Nymark: Merci.
Le projet de recherche sur les politiques a été lancé en 1996 par le greffier du Conseil privé qui est partie de l'idée que le gouvernement, après avoir donné la priorité pendant plusieurs années aux questions de gestion, devait examiner la capacité qui existe au sein de la fonction publique fédérale au plan de l'élaboration des politiques.
Dans ce contexte, plusieurs commissions d'étude composées de sous-ministres ont examiné la question ces dernières années. Ivan Fellegi, le statisticien en chef du Canada, avait fait un rapport pour le Bureau du Conseil privé sur le processus d'élaboration des politiques et sur les moyens de l'améliorer au sein de la fonction publique fédérale.
Mel Cappe, qui à l'époque, était sous-ministre de l'Environnement, avait créé une commission d'étude chargée d'examiner comment on pouvait coopérer au plan horizontal pour résoudre des questions de politique complexes comme le changement climatique. Comment divers ministères peuvent-ils collaborer afin de formuler des recommandations concernant les politiques à l'intention du gouvernement?
• 1635
C'est dans ce contexte que s'inscrivait le processus lancé
avec la création du Comité de recherche sur les politiques. La
recherche, et non la politique gouvernementale, est au centre de
ses travaux focalisés sur la capacité analytique qui, au sein du
gouvernement fédéral, peut servir à fournir aux conseillers en
politique du gouvernement une bonne étude des questions dont il
est jugé important que se préoccupe l'administration fédérale. Le
comité n'a pas été créé pour analyser des questions qui se posent
à court terme, ni les dossiers qui relèvent d'un seul ministère,
mais, je le répète, pour examiner des problèmes de nature
horizontale, des problèmes complexes dont l'étude, au plan de la
recherche, exige l'intervention de divers ministères et le
recours à plusieurs domaines de compétence—l'économie, la
science politique, le droit, etc.—de façon intégrée.
Au départ, l'idée était de se concentrer sur ce qui allait se passer dans un certain nombre d'années. C'est ce qui a été fait en 1995-1996. À l'origine, le comité avait l'intention d'essayer de déterminer quelles tendances ou quelles pressions existeraient encore dans dix ans, à l'échelle mondiale, et ensuite, de faire en quelque sorte marche arrière pour voir ce que nous savons sur ce type de situation et de quelles recherches les gouvernements peuvent avoir besoin pour les aider à résoudre ces questions.
L'exemple classique que l'on peut citer est celui du vieillissement de la population, sachant que le financement du régime de retraite, par exemple, peut fort bien ne pas être suffisant à long terme pour répondre aux besoins d'une population vieillissante d'un type donné. On peut alors se demander quel genre de recherche pourrait être faite pour que les responsables des politiques soient en mesure, dans les quelques années qui viennent, de conseiller les gouvernements en la matière.
Quelque 30 ministères sont impliqués, essentiellement au niveau des sous-ministres adjoints. Le groupe s'est réuni régulièrement pendant trois mois pour élaborer le premier rapport et depuis lors, le comité a évolué.
Nous avons déposé le premier rapport, je crois, en septembre ou en octobre 1996. Il a fait l'objet de discussions au sein de la communauté des sous-ministres qui se sont demandés si ce document leur était utile pour réfléchir aux questions qui se posent à moyen terme et s'il existait, dans leur ministère, les capacités nécessaires pour accomplir le type de travail analytique qu'exige l'étude de ce genre de questions.
On nous a demandé de poursuivre nos travaux; ils ont été jugés utiles. Cela étant, nous avons créé quatre réseaux de recherche au sein de cette communauté du gouvernement fédéral. Le premier s'intéresse à la croissance, et je crois comprendre que c'est le principal sujet des discussions d'aujourd'hui. Une des questions fondamentales sur lesquelles se penche ce réseau est la tenue de la productivité; mes collègues d'Industrie Canada vous en parleront.
Le second réseau s'intéresse au développement humain, le troisième, à la cohésion sociale et le quatrième, aux défis et aux possibilités que présente la mondialisation. Chacun de ces réseaux est coprésidé par deux sous-ministres adjoints et regroupe des représentants de 10, 12 ou 15 ministères; dans chaque cas, un calendrier des recherches à effectuer au cours des deux ou trois prochaines années est établi, afin de cerner les analyses nécessaires pour explorer les questions qui ont été retenues.
En plus de ces quatre réseaux, nous avons mis sur pied un programme de recherche intégrée dont le thème est l'économie et la société axée sur le savoir. Nos travaux nous ont amenés à penser que la question de l'importance prépondérante du savoir est omniprésente dans toute la société et qu'il était nécessaire de s'y intéresser de plus près.
Toutes nos initiatives sont coordonnées par un modeste secrétariat qui regroupe environ 10 personnes chargées d'aider les réseaux à intégrer toutes ces idées.
• 1640
Grosso modo, la première année, nos travaux n'ont
essentiellement concerné que la fonction publique canadienne.
Nous avons essayé de faire valoir l'importance de la recherche au
sein de la fonction publique, d'en souligner la valeur. Nous
voulons mettre l'accent sur l'importance des analyses qui font
partie du processus d'élaboration des politiques mais, comme on
l'indique à la page 4, on nous a maintenant demandé de... La
communauté des chercheurs ne se limite pas au gouvernement
fédéral; elle ne se limite pas au gouvernement. Elle est beaucoup
plus large et comprend les intellectuels, les universitaires, les
groupes de réflexion, etc., tant au Canada qu'à l'étranger, qui
jouent un rôle important dans le processus de création de
réseaux.
Nous avons organisé plusieurs conférences et nous avons réuni 40 cellules de réflexion établies au Canada pour leur présenter nos travaux, connaître leurs projets et voir si elles sont intéressées à collaborer à nos recherches. Nous avons eu des contacts avec l'OCDE et avec les représentants de plusieurs gouvernements. À la page 4, nous mentionnons le gouvernement français, mais nous avons également communiqué avec plusieurs autres gouvernements afin de voir comment ils essaient également de prendre en compte la question qui nous occupe dans le cadre des réformes de leurs institutions ou de leur fonction publique. Nous voulions savoir comment on envisage, à l'avenir, la capacité analytique au sein des institutions.
À partir de maintenant, je vais aller un peu plus vite, madame la présidente. La première chose que nous avons essayé de faire est de cerner plusieurs tendances qui, à notre avis, étaient importantes pour comprendre le genre de pressions que nous allons subir au cours de la prochaine décennie. Il y a, premièrement, la question de la mondialisation et de l'intégration nord-américaine. Essentiellement, la mondialisation est-elle inévitable? C'est une question qui fait surface régulièrement. Le monde dans lequel nous vivons est-il plus intégré qu'il ne l'était? Ce n'est pas aussi évident qu'on pourrait le croire. Il est certain qu'au cours des 50 dernières années, la tendance à la mondialisation s'est accentuée, mais il est probable qu'au début du siècle, l'intégration, à l'échelle mondiale, était beaucoup plus marquée qu'elle ne l'est aujourd'hui. Le commerce représentait une plus grande part du PIB au début du siècle qu'à l'heure actuelle. Dans une perspective à long terme, on discerne des cycles de mondialisation, mais il est clair qu'au cours des 50 dernières années, cette tendance s'est accentuée.
En ce qui concerne plus particulièrement le Canada, la caractéristique la plus frappante des 50 dernières années est une intégration beaucoup plus marquée au plan régional qu'au plan multilatéral. Notre pays est sans aucun doute une entité économique nord-américaine. Même si nous avons toutes sortes de liens économiques et autres avec des pays qui ne sont pas situés en Amérique du Nord, la caractéristique la plus frappante de notre économie est son intégration au paysage économique nord-américain, puisque—je ne suis pas sûr d'avoir le bon chiffre—80 p. 100 de nos transactions commerciales, environ, s'effectuent maintenant sur le continent nord-américain, alors qu'il y a 50 ans, cela ne représentait probablement que la moitié de ce pourcentage.
Nous avons conclu qu'étant donné l'horizon que nous nous étions fixé, c'est-à-dire neuf ou dix ans, il était inutile que nous nous préoccupions de savoir si la tendance à la mondialisation allait ralentir ou s'accélérer. Ce qui est inévitable, dans l'avenir prévisible, c'est que notre ouverture à l'échelle mondiale va s'accentuer et que, très probablement, le mouvement vers une intégration plus étroite de notre économie à l'échelle nord-américaine va se poursuivre.
La deuxième tendance que nous avons examinée est celle qui concerne les changements technologiques et la révolution de l'information. À l'heure actuelle, dire que le rythme du changement s'accélère est une banalité. Là encore une fois, si on demande aux économistes de confirmer, ils disent que rien n'est moins évident, qu'il n'est pas prouvé du tout que le rythme du changement s'accélère à travers le monde.
• 1645
C'est une autre question que nous avons laissée de côté. On
pourrait aussi bien discuter du sexe des anges. Pour nous, il
était tout à fait clair que la complexité des changements
technologiques, notamment lorsqu'ils proviennent des
caractéristiques instrumentales d'une technologie comme celle de
l'information... Il est d'ailleurs fort possible qu'au cours des
quelque 25 prochaines années, la révolution qui suivra celle de
l'information sera due à des avancées de nature biologique ou
génétique. Ce type d'évolution technologique est source de
changements fondamentaux dans la façon dont fonctionnent nos
économies et nos sociétés.
Dans tout cela, la question essentielle qu'il faut se poser est la suivante: si tel est le cas, quelle est, relativement parlant, la position du Canada? Est-ce que nous nous adaptons à cette évolution technologique comme le font d'autres pays, est-ce que nous le faisons plus rapidement ou sommes-nous à la traîne? Nous avons conclu que, fort probablement, étant donné la nature des moyens que nous employons pour nous adapter aux changements technologiques, nous sommes quelque peu à la traîne par rapport à de nombreux autres pays du G-7.
En ce qui concerne les pressions d'ordre environnemental, notamment depuis la publication du rapport de Gro Brundtland sur le développement durable, il est communément admis qu'elles s'exercent à l'échelle mondiale et non locale. Même s'il y a des effets locaux, ils peuvent avoir des répercussions à travers le monde. Le défi à relever était de passer d'un concept où l'environnement était l'un des éléments d'un compromis, l'autre étant la position concurrentielle, et d'envisager les questions environnementales dans le contexte de la qualité de la vie, c'est-à-dire de considérer ses effets sur les gens, sur leur santé, par exemple, par opposition à placer les questions environnementales principalement dans le contexte de la compétitivité, ce sur quoi on s'était concentré dans les années 80.
En quatrième lieu, nous nous sommes penchés sur les données démographiques. Ces données changent une fois par an, et on peut donc dire essentiellement que l'évolution est lente; toutefois, sur une longue période, on peut voir que c'est tout le contraire. Les données démographiques canadiennes subissent des changements structurels importants. C'est littéralement le visage du Canada qui change, que ce soit sur le plan de l'âge, comme vous le savez... Les baby boomers sont au nombre de 10 millions au Canada et lorsqu'ils vont atteindre l'âge de la retraite, il est probable que tout changement de comportement dans la société sera attribuable à cette cohorte, et le processus de vieillissement de la population peut fort bien ne pas être le même que pour les générations précédentes. Les baby boomers vont exiger des services différents et une attention que n'ont pas attirée les précédentes cohortes de personnes âgées.
Sur le plan des données démographiques, on relève encore une chose très frappante: la communauté autochtone a un profil démographique complètement différent, et ce que je veux dire par là, c'est qu'il y a beaucoup de jeunes au sein des communautés autochtones.
À propos du contexte financier, il faut se rappeler que ce rapport a été élaboré il y a au moins deux ans et que nous avions encore alors un important déficit. On commençait à l'époque à envisager l'avenir en se disant: présumons que nous allons pouvoir gérer le déficit, quelles mesures allons-nous prendre ensuite sur le plan financier? Quelle est l'importance de la dette par rapport à une gestion financière qui reposerait sur des réductions d'impôt ou sur des investissements? Nous avons fait un certain nombre d'observations à ce propos.
Ce qui est frappant, quand on considère la chose dans le contexte de la recherche par opposition à celui de l'élaboration de politiques, c'est que la solution n'est pas toute tracée. Il n'y a pas de consensus d'opinion à ce propos au sein de la communauté des chercheurs. Politiquement parlant—et je ne veux pas dire dans le sens partisan—on peut parvenir à un consensus, mais la seule chose que suggèrent les recherches, c'est qu'il est bon de réduire le ratio endettement-PIB. Rien, dans les recherches, ne permet de dire quel est le meilleur ratio ni combien de temps cela peut prendre pour parvenir au meilleur équilibre.
• 1650
En ce qui concerne les relations internationales, nous nous
sommes penchés sur la question des centres de pouvoir multiples.
Nous nous sommes un peu intéressés aux conséquences que peut
avoir la présence d'une puissance pré-éminente, maintenant que la
guerre froide est terminée, et sur les répercussions que cela
pourrait avoir sur les relations extérieures du Canada.
Si vous le permettez, je vais maintenant passer au premier thème, la croissance, dont je vais parler brièvement, étant donné que mes collègues sont venus ici pour cela; comme vous le diront les économistes professionnels, sans productivité, le revenu n'augmente pas et, si le revenu stagne, il devient très difficile de régler les questions d'équipement social. Par conséquent, si vous voulez enrichir votre société, il faut régler le problème fondamental des moyens à employer pour favoriser une meilleure croissance de la productivité. Depuis les années 70, les résultats du Canada en matière de productivité n'ont guère été bons. C'est une question très complexe qui appelle des réponses tout aussi complexes; il n'y a pas de solution simple.
La complexité de la question vient en partie de ceci: sachant que nous n'avons pas obtenu, au cours des 25 dernières années, de bons résultats en matière de productivité et que c'est une économie axée sur le savoir qui va s'imposer, alors que nous ne savons pas très bien comment nous adapter à la prépondérance du savoir dans l'économie, quels sont les défis particuliers que le Canada devra relever pour améliorer sa productivité?
Le deuxième thème est le développement humain, page 9. Nous avons documenté les déséquilibres émergents au sein de la société. De fait, à l'heure actuelle, les gens consacrent une moins grande partie de leur cycle de vie au travail rémunéré dont la distribution n'est absolument pas uniforme.
D'un côté, il y a ceux qui travaillent beaucoup plus et pendant beaucoup plus longtemps qu'auparavant et de l'autre, ceux qui travaillent beaucoup moins et pendant beaucoup moins longtemps. Par conséquent, la distribution du travail rémunéré soulève toute une série de questions, comme l'inégalité des revenus et tout ce qui touche à l'abordabilité future des régimes de retraite.
Par ailleurs, il règne un sentiment d'insécurité plus grande parce que les transitions entre l'école et le travail et entre le travail et la retraite ne sont plus aussi clairement délimitées, et que les gens doivent occuper de multiples postes au cours de leur carrière. Ces transitions sont source d'une plus grande insécurité.
À propos de l'inégalité, le Canada s'est targué, je pense, d'être un pays où il y avait moins d'inégalités au plan du revenu qu'aux États-Unis. Certains signes amènent à penser que cette situation est peut-être en train de changer; la conséquence, c'est qu'au plan de la politique gouvernementale, il va y avoir d'autres défis à relever.
La cohésion sociale est un sujet sur lequel se penchent de plus en plus les chercheurs à travers le monde. Ce que l'on entend par cohésion sociale ne fait pas l'unanimité parmi eux, mais il semble qu'il y ait de plus en plus de lignes de faille dans la société, que ce soit entre population urbaine et population rurale, entre le peuple et l'élite, au plan de l'inégalité des revenus ou des inégalités entre les régions. Alors, comment régler ces problèmes? Comment gommer ces inégalités? Est-ce que combler ces fossés est un objectif que veut se donner la société?
Les possibilités et les défis qui se présentent à l'échelle mondiale et dont on parle à la page 11 se résument à plusieurs questions. Prenons l'avantage comparatif du Canada qui, traditionnellement, reposait sur le secteur des ressources, puis sur le secteur manufacturier, puis sur le secteur des services; dans une économie axée sur le savoir, quel sera l'avantage du Canada? Qui seront nos concurrents? Et essentiellement, en bout de ligne, qui sont les gagnants et qui sont les perdants dans la société lorsqu'il faut effectuer ce genre d'ajustement?
Quant à l'intégration économique, il n'y a aucune raison de penser qu'elle va ralentir. Et si elle ne ralentit pas, quelles en seront les répercussions, que ce soit en Amérique du Nord ou dans un plus large contexte, sur nos politiques sociales et nos politiques culturelles?
• 1655
Au sujet des dangers pour la sécurité humaine à l'échelle
mondiale, il est à noter qu'en 1996, au Sommet du G-7, on s'est
intéressé pour la première fois à la question de la sécurité
humaine à l'échelle mondiale en prenant en compte le fait que
l'incidence des maladies contagieuses, des maladies infectieuses,
est à nouveau à la hausse. Nous pensions que nous les avions
jugulées et que leur incidence continuerait à baisser. Ce n'est
plus le cas. Comment les pays peuvent-ils coopérer pour assurer
que l'on accorde une attention suffisante à cette question?
Ce n'est qu'indirectement que nous nous sommes intéressés à la question de la gestion des affaires publiques ou encore du fédéralisme. Il y a toute une série de questions que nous n'avons pas examinées de façon précise. Nous ne nous sommes pas penchés sur notre capacité militaire. Nous n'avons pas exploré ce qui se passe dans le domaine des sciences naturelles. Nous avons eu tendance à nous intéresser principalement aux sciences humaines et sociales. Par conséquent, même si nos travaux ont l'air d'être assez complets, il y a plusieurs domaines qui, de l'avis de la communauté des chercheurs que nous avons rassemblés, dépassaient le champ de leurs compétences. Il se peut fort bien qu'à un moment ou à un autre, nous nous y intéressions.
Une des questions dont nous avons débattu, c'est celle de la gestion des affaires publiques au plan des mécanismes et de l'intégration des capacités de recherche qui seront nécessaires pour que les ministères soient en mesure de régler les questions plus complexes qui se poseront à l'avenir, par exemple, celle-ci: non pas comment résoudre le problème de la pauvreté parmi les enfants, ce qui peut entrer dans le champ de compétence d'un seul ministère, mais quelles mesures prendre pour assurer le bon développement des enfants, ce qui peut impliquer quatre ou cinq ministères.
À l'heure actuelle, nous avons plusieurs projets en route. Nous cherchons de nouveaux thèmes pour nos travaux, par exemple, le rôle que peut avoir une juste représentativité des sexes au sein de la communauté des chercheurs. Nous cherchons à déterminer comment intégrer les sciences naturelles à la capacité de recherche sur les politiques du gouvernement. Les spécialistes des sciences naturelles ont tendance à travailler ailleurs. Et comme beaucoup d'entre vous le savez, c'est une question qui est assez controversée à l'heure actuelle au sein de la fonction publique. Les experts en sciences naturelles ne sont pas portés à travailler facilement avec des spécialistes de la science politique ni avec des avocats, etc.; alors, comment faire pour les impliquer dans ce processus? C'est la raison pour laquelle nous élaborons des plans de recherche thématiques.
Le projet de recherche qui porte sur la société et l'économie axées sur le savoir avance de façon satisfaisante, et nous avons l'intention de tenir une conférence d'envergure sur le sujet en 1999.
Nous avons commencé à nous tourner vers l'extérieur en impliquant des cellules de réflexion, etc., mais nous avons également engagé des pourparlers avec les gouvernements provinciaux, afin de déterminer quelles initiatives ils ont pris en ce qui concerne leur capacité de recherche sur les politiques. Comment pouvons-nous collaborer? Comment pouvons-nous établir des ordres du jour communs? Nous avons l'intention de tenir, en octobre prochain, une conférence nationale dont le thème sera la recherche sur les politiques.
Merci, madame la présidente.
La présidente: Merci, monsieur Nymark.
Je passe maintenant la parole à M. Nadeau et à M. Gera. Je vous demande d'essayer de faire des remarques liminaires un peu plus concises. Il y a beaucoup de questions que nous aimerions vous poser.
[Français]
M. Serge Nadeau (directeur, Analyse micro-économique, Direction générale de l'analyse de la politique micro-économique, ministère de l'Industrie): Bon après-midi, mesdames et messieurs. Comme vous le savez, le document dont nous discutons aujourd'hui a été publié il y a déjà presque deux ans. La situation économique a évolué et nous avons de nouveaux résultats de recherche.
Ce que j'aimerais faire, madame la présidente, si vous me le permettez, c'est utiliser cinq ou dix minutes pour faire une mise à jour du chapitre 6 du document en faisant la présentation du document que j'ai distribué, qui s'appelle L'amélioration du niveau de vie passe par l'augmentation de la productivité. Comme vous le verrez, les défis énoncés dans le chapitre 6 restent les mêmes. Cependant, il y a maintenant beaucoup plus de raisons d'être optimiste du point de vue de la productivité au Canada. Donc, si vous me le permettez, j'aimerais prendre cinq ou dix minutes pour en parler.
[Traduction]
Tout d'abord, permettez-moi de définir la productivité. Qu'entendons-nous par productivité? Par définition, la productivité est le taux de rendement obtenu par facteur de production. Par exemple, la productivité du travail est le rapport entre le PIB et chaque unité de main-d'oeuvre. Améliorer la productivité, c'est donc être en mesure de produire plus avec des facteurs de production équivalents ou moindres.
Venons-en à l'essentiel et passons à la page 3 de la présentation pour voir quels ont été les résultats au Canada en matière de productivité au cours des 30 dernières années, essentiellement. Le graphique que l'on voit sur le côté gauche de la page 3 montre que la croissance de la productivité est très lente au Canada depuis quelque temps. De fait, le graphique montre également que ce ralentissement est très généralisé, mais le problème, c'est que c'est le Canada qui a obtenu les plus mauvais résultats. Nous voyons ici que dans tous les pays du G-7, la productivité a ralenti, mais que le Canada est le pays qui obtient les plus mauvais résultats depuis les années 60. En outre, ce qui est encore plus inquiétant, le Canada est le seul des pays du G-7 à avoir connu un déclin de la productivité depuis les années 70.
Au plan du niveau de productivité, le graphique 2, sur le côté droit, montre que la productivité dans le secteur manufacturier canadien se situe à environ 70 p. 100 de celle que l'on obtient actuellement aux États-Unis dans ce secteur. Ce plus bas niveau de productivité existe dans toutes les industries du secteur manufacturier. Quelles sont les répercussions de cette situation? Les graphiques que l'on voit à la page 4 montrent que le ralentissement de la croissance de la productivité est une des principales causes du ralentissement de la croissance de notre niveau de vie. Permettez-moi de vous donner quelques précisions.
La croissance du niveau de vie dépend de trois facteurs: premièrement, la croissance du capital—par exemple, la croissance du matériel et des équipements; deuxièmement, la croissance du travail—naturellement, plus il y a de gens qui travaillent, plus nous sommes riches; troisièmement, la croissance de la productivité. Le graphique qui se trouve sur le côté gauche de la page 4 montre que la croissance du niveau de vie, depuis les années 80, n'est qu'environ un tiers de ce qu'elle a été au cours des 20 années précédentes. Le graphique qui se trouve sur le côté droit de la page 4 montre que l'on peut attribuer approximativement 60 p. 100 de ce phénomène au ralentissement de la croissance de la productivité.
Pourquoi en est-il ainsi? Premièrement, permettez-moi de souligner que la question fait l'objet de recherches très intenses. Pourquoi avons-nous connu un tel ralentissement de la productivité? Nous avons la preuve qu'il existe à cela plusieurs raisons, y compris certains événements de nature internationale, par exemple, les graves récessions économiques de 1981-1982 et de 1990-1991, ainsi que la lenteur des ajustements rendus nécessaires par les perturbations dues au prix de l'énergie dans les années 70. Certaines raisons sont donc de nature internationale et elles échappent plus ou moins au contrôle du Canada.
D'un autre côté, il y a des raisons de nature nationale, notamment ce que l'on appelle souvent notre déficit en matière d'innovation, une possible inadéquation des qualifications professionnelles et un faible niveau d'investissement. Examinons un par un chacun de ces facteurs.
Les graphiques qui se trouvent aux pages 5 et 6 démontrent que le Canada souffre d'un déficit en matière d'innovation. Le graphique qui se trouve du côté gauche de la page 5 montre que la masse critique correspondant à la fabrication de produits de haute technologie est plus petite au Canada que dans tous les autres pays du G-7. Quant au graphique qui se trouve du côté droit sur la même page, il montre que, parmi tous les autres pays industrialisés, sauf l'Italie, c'est au Canada que le secteur privé consacre le moins de fonds à la recherche et développement. Le fait que, comme on peut le voir à la page 6, les entreprises américaines adoptent plus rapidement de nouvelles technologies est une autre preuve de notre déficit en matière d'innovation.
Ce que je viens de signaler le démontre, mais il faut aussi prendre en considération la question des ressources humaines. Nous le savons, les ressources humaines jouent un rôle extrêmement important pour appuyer l'innovation. De fait, comme on le voit à la page 7, l'absence d'une main-d'oeuvre compétente est l'obstacle à l'innovation cité le plus fréquemment, par des entreprises de toute taille, pas seulement les petites entreprises, mais également les grandes sociétés.
À propos de la compétence de la main-d'oeuvre, on peut voir à la page 8 que le Canada est peut-être le pays qui possède la meilleure infrastructure du monde pour produire une main d'oeuvre instruite. De fait, c'est au Canada que le taux d'inscription dans les établissements d'enseignement postsecondaire est le plus élevé du monde et, parmi nos principaux concurrents, notre pays est celui qui consacre le plus d'argent à l'éducation. Toutefois, comme on le voit à la page 9, il est possible qu'il existe une inadéquation des qualifications professionnelles. Le graphique de la page 9 montre que c'est au Canada que l'on compte le moins de diplômés en sciences parmi la plupart des autres pays du G-7, sauf les États-Unis, et c'est là un sujet de préoccupation.
• 1705
Il est également inquiétant, au plan de la productivité, de
constater que le niveau d'investissement au Canada est faible. À
la page 10, le graphique qui se trouve du côté gauche montre que
l'investissement dans le matériel et l'équipement au Canada est
depuis quelque temps beaucoup plus faible qu'aux États-Unis. Ce
qui est encore plus troublant, c'est que le stock de capital net,
dans le secteur manufacturier, a en fait chuté dans les années
90.
Tous ces facteurs expliquent le ralentissement de la croissance de la productivité au cours des quelque 30 dernières années.
Comment le gouvernement réagit-il? Tout d'abord, il faut bien se rendre compte que l'on ne peut pas, du jour au lendemain, régler le problème du ralentissement de la productivité. L'objectif du gouvernement fédéral est de créer un environnement favorable à l'amélioration de la productivité. Pour ce faire, l'élément clé est l'existence d'excellents facteurs macro-économiques fondamentaux; ils existent désormais au Canada où ils produisent une situation financière équilibrée. Notre pays est le seul, parmi les pays du G-7, à avoir dégagé un excédent en 1997. De fait, la communauté internationale a été si favorablement impressionnée que l'Institute of Management Development, qui a évalué la performance de 46 pays du monde au plan de la compétitivité, a placé le Canada en tête de liste, à titre de pays du monde le mieux géré financièrement.
Nous avons également un des plus bas taux d'inflation du monde et, comme vous le savez, une situation financière équilibrée. Quand le taux d'inflation est peu élevé, les taux d'intérêt sont faibles—c'est maintenant notre cas—et l'investissement, dont l'absence est une des principales causes du ralentissement de la productivité, augmente. Le Canada est aussi maintenant l'un des pays les plus ouverts du monde.
À l'heure actuelle—et c'est cela qui fait la différence par rapport à la situation qui existait il y a deux ans—on peut dire qu'il y a au Canada les facteurs macro-économiques fondamentaux nécessaires. Mais ces facteurs, même s'ils sont excellents, ne suffisent pas à assurer la réussite. Le gouvernement fédéral met également en oeuvre une stratégie macro-économique axée sur la croissance qui comporte des mesures relatives à l'innovation—par exemple, CANARIE, la Fondation canadienne pour l'innovation—aux ressources humaines, à la connectivité dans le secteur commercial et à l'investissement. Nous accordons maintenant plus d'importance à notre stratégie macro-économique, et cela se révèle payant. On ne s'en rendait pas compte il y a deux ans, mais désormais, les résultats laissent apercevoir la lumière au bout du tunnel.
À la page 12, on trouve une liste des divers signes qui démontrent que la productivité reprend. La preuve la plus importante est que les investissements commerciaux augmentent. De fait, en 1997, on a pu constater la croissance la plus rapide de l'investissement dans le matériel et l'équipement depuis 1981. Au plan de l'intégration des technologies, nous comblons peu à peu l'écart qui nous sépare des États-Unis. Le Canada occupe maintenant la première place parmi les pays du G-7 en ce qui concerne le potentiel technologique. Notre pays possède également l'économie la plus ouverte du monde, et la communauté internationale s'accorde également pour dire que notre situation s'améliore.
À la page 13, on peut voir qu'au plan de la compétitivité, le Canada est passé de la 25e place, en 1994, à la 5e, en 1997, selon le Forum économique mondial. On peut également noter que, dans son étude sur 48 pays, The Economist place au troisième rang l'environnement commercial du Canada au cours des trois prochaines années, ce qui est une amélioration étant donné que nous étions cinquième en 1996.
C'est sur cette note que se termine ma déclaration liminaire. Merci de votre attention.
La présidente: Merci, monsieur Nadeau.
Je vais maintenant donner la parole à M. Schmidt qui va être le premier à poser des questions.
M. Werner Schmidt: Merci, messieurs, d'avoir accepté de comparaître devant nous cet après-midi.
J'aimerais poser deux ou trois questions à M. Nadeau. Quel est le rapport entre la productivité et le niveau d'imposition?
M. Serge Nadeau: Le niveau d'imposition peut avoir un effet sur le développement des compétences humaines dans la mesure où cela peut jouer un rôle dans la fuite des cerveaux, par exemple. On n'a pas encore vérifié cela, mais c'est possible. L'imposition peut également avoir un impact sur l'investissement. Naturellement, plus le capital est imposé, moins il peut y avoir d'investissement. Ce sont les deux principaux secteurs d'influence de l'imposition sur la productivité.
M. Werner Schmidt: Si ces deux facteurs sont aussi importants ou si l'imposition a ce genre d'influence, pourquoi cela ne se reflète-t-il pas dans vos recherches, illustrées par ces graphiques?
M. Serge Nadeau: Nous n'avons pas mesuré cet effet de façon satisfaisante. Ce sont les deux secteurs où l'imposition peut avoir une influence sur la productivité. Toutefois, nous n'avons pas de résultats concernant l'impact de l'impôt sur la fuite des cerveaux, par exemple. Nous n'avons pas de résultats concernant l'impact de l'impôt sur l'investissement.
M. Werner Schmidt: Peut-être que vous, vous n'avez pas ces résultats, mais d'autres les ont. Le fait est que l'on peut au moins établir une corrélation. Il y a des indications claires en ce sens, et il n'est pas nécessaire d'entreprendre des recherches exhaustives pour le déterminer. Par exemple, prenez l'augmentation des impôts et la baisse de productivité: je pense que si vous reportiez les données à cet égard sur un même graphique, vous pourriez voir que l'écart se creuse de façon spectaculaire. Au fur et à mesure que les impôts augmentent, le déficit, au plan de la productivité, se creuse. C'est exactement ce que montrent vos graphiques.
M. Serge Nadeau: Tout d'abord, vous avez raison, de nombreuses recherches ont été faites. Mais les résultats varient beaucoup. Les économistes ne s'entendent pas là dessus.
Vous avez raison de dire que, si nous faisions une corrélation directe, il se pourrait qu'il y ait... D'un autre côté, il y a de nombreux autres facteurs, à part l'imposition—de très nombreux autres facteurs.
M. Werner Schmidt: Je ne dis pas le contraire. Le fait reste qu'il y a un lien. C'est ce que je veux dire. Tout récemment, le 8 juin, le magazine Maclean's a rapporté les propos d'un homme d'affaires de Vancouver, je crois, mais je n'en suis pas certain. Il s'appelle Reid. On pouvait lire dans l'article:
-
Mais Reid a conclu que «la différence qui est, de loin, la plus
importante», c'est la perspective de bénéficier d'impôts moins
élevés.
Il était question de productivité et de rester au Canada ou d'aller travailler dans un autre pays, notamment aux États-Unis.
Vous dites que les économistes ne sont pas d'accord... Peut-être qu'ils ne s'entendent pas sur le degré de l'influence que cela exerce, mais ils admettent que cela joue un rôle. C'est ce que je voulais souligner. Êtes-vous prêt à dire qu'il y a un lien et qu'il existe un rapport inverse entre l'augmentation des impôts et l'augmentation de la productivité?
M. Serge Nadeau: Comme je l'ai dit, à part des preuves anecdotiques, je n'ai vu aucune recherche très fiable démontrant que les deux choses sont intimement liées.
M. Werner Schmidt: Admettez-vous qu'au Canada, à l'heure actuelle, on fait fuir les cerveaux?
M. Serge Nadeau: Voilà une autre idée discutable à laquelle, d'ailleurs, nous nous intéressons de très près. Je peux, par exemple, citer M. Fellegi qui estime que nous attirons les cerveaux au lieu de les faire fuir. Et je pourrai citer d'autres chercheurs prêts à démontrer le contraire. C'est une question très épineuse, sur laquelle nous nous penchons. C'est très important...
M. Werner Schmidt: C'est d'une importance absolument critique.
Quand pensez-vous avoir terminé ces recherches?
M. Serge Nadeau: Les résultats de certains de nos travaux seront publiés en janvier ou en février.
M. Werner Schmidt: Merci.
M. Serge Nadeau: Nous pourrions vous les transmettre une fois que...
M. Werner Schmidt: Je serais heureux de voir cela car à mon avis, c'est vraiment significatif...
M. Ian Murray: Il sera parti.
M. Werner Schmidt: Je veux voir les résultats de ces recherches où que je sois. C'est extrêmement important.
Les indications que vous donnez à la fin de votre rapport sont assez intéressantes. J'aimerais faire deux observations à ce propos. Il y a une chose qui a retenu mon attention et que je trouve d'ailleurs assez amusante.
Je remarque que dans la première partie de votre rapport, il y a de magnifiques couleurs et des données statistiques qui appuient superbement ce que vous avancez. Puis, à partir de la page 12, tout d'un coup, il n'y a plus de graphiques et il n'y a plus de chiffres, mais seulement des déclarations comme: les entreprises canadiennes adoptent maintenant plus rapidement les nouvelles technologies, et le fossé qui s'était creusé entre le Canada et les autres pays à cet égard est en train d'être comblé. Si vous avez pu trouver tous les chiffres que vous citez dans les pages précédentes, comment se fait-il que vous faites ce genre de déclaration sans vous appuyer sur aucun chiffre?
M. Serge Nadeau: Je vais vous dire ce qui est arrivé. Je savais que je ne disposais que d'environ sept minutes alors que j'aurais eu besoin de six graphiques pour appuyer ces déclarations. De fait, je les ai ici.
M. Werner Schmidt: Oh, vous les avez.
M. Serge Nadeau: Oui.
M. Werner Schmidt: Pourriez-vous les distribuer? Ce serait formidable.
M. Serge Nadeau: Je n'ai pas de copies, mais si les députés souhaitent avoir cette documentation, je serais très heureux d'en faire.
M. Werner Schmidt: Oui, s'il vous plaît. Allez-y.
M. Serge Nadeau: Certains des renseignements qui sont donnés dans ces pages se trouvent déjà ailleurs dans le texte de ma présentation. Par exemple, le commerce international est en pleine expansion. C'est déjà mentionné dans la présentation. Mais nous allons faire des copies pour vous les distribuer. Tous cela est documenté.
M. Werner Schmidt: J'en suis sûr. Vous ne seriez pas ici ce soir si vous n'aviez pas de preuves à l'appui de ce que vous avancez. C'est juste que j'aimerais voir ces données, c'est tout.
M. Serge Nadeau: Oui, bien sûr.
M. Werner Schmidt: J'aime les images.
L'autre observation que j'aimerais faire est la suivante: êtes-vous convaincu que la tendance que vous notez à la page 12 va se poursuivre?
M. Serge Nadeau: Je suis très optimiste. La situation actuelle est bien meilleure que celle qui existait il y a quelques années.
Je déteste faire des prédictions. Je ne pense pas que c'est une activité à laquelle nous devrions nous livrer. D'un autre côté, tout pointe dans cette direction. La situation s'est énormément améliorée par rapport à celle qui existait il y a quelques années. Et nous ne sommes pas les seuls à penser ainsi; toute la communauté internationale a la même impression.
M. Werner Schmidt: Merci, madame la présidente.
La présidente: Merci, monsieur Schmidt.
Monsieur Lastewka.
M. Walt Lastewka: Merci, madame la présidente.
Merci de votre rapport.
Quand je vois ces chiffres et autres sur le secteur manufacturier—et ce n'est pas la première fois que je les vois—ce qui me préoccupe toujours, c'est le fait que l'industrie automobile joue un grand rôle dans ce secteur. J'ai déjà posé cette question auparavant. Avez-vous laissé de côté l'industrie automobile pour nous montrer comment se comporte le reste du secteur manufacturier?
M. Serge Nadeau: Je vais commencer et peut-être qu'ensuite, Surendra pourra compléter ce que je vais dire.
Nous avons fait des simulations afin de savoir quelle est la contribution des divers secteurs. Si je me trompe, Surendra, dites-le, mais les résultats ne changent pas. Essentiellement, voilà ce qui en est.
La productivité est excellente dans le secteur automobile. C'est l'une des industries manufacturières les plus productives.
M. Surendra Gera (conseiller supérieur de direction et de recherche, Direction générale de l'analyse de la politique micro-économique, Industrie Canada): Nous avons en fait des preuves à l'appui. Lorsqu'on examine les diverses industries du secteur manufacturier, les données démontrent qu'au total, l'écart relatif à la productivité des facteurs entre le Canada et les États-Unis s'est creusé dans toutes les industries. Néanmoins, il y a des signes d'amélioration de la productivité des facteurs dans certaines industries des secteurs primaire et tertiaire.
Cela ne répond pas à votre question, puisque vous avez demandé si nous avions laissé de côté les données concernant l'industrie des transports dans notre étude sur le secteur manufacturier. Les choses se passent bien dans ce secteur de l'économie, mais le fait est qu'il y en a d'autres où c'est la même chose, mais qui ne sont pas nécessairement compris dans le secteur manufacturier.
M. Walt Lastewka: Le comité a déjà discuté des raisons pour lesquelles nous ne comptons pas plus de diplômés en génie et en architecture. Le graphique de la page 9 de votre document indique clairement vers quels programmes d'études nous encourageons nos étudiants à se diriger. De fait, les données sont pratiquement les mêmes pour les États-Unis, et l'on doit donc faire la même chose là-bas. Et pourtant, avec 56 p. 100, on arrive à un pourcentage tellement plus élevé dans l'autre catégorie. J'aimerais savoir comment on peut corriger ça.
Nous avons déjà parlé avec des présidents d'université du coût des études en génie. Naturellement, c'est la question qui revient tout le temps. Quelle leçon avez-vous pu tirer des graphiques et quelles mesures notre pays devrait-il prendre? Quelles erreurs fait-on? Que devrions-nous faire pour avoir plus de...? Je vois qu'en Italie, le pourcentage des diplômés en génie est de 12 p. 100 et qu'au Royaume-Uni, il est de 14 p. 100, alors qu'un autre graphique montre que le Royaume-Uni va être en première ou en deuxième place en ce qui concerne l'environnement commercial. Est-ce que cela a un lien avec l'exploitation des talents au plan de l'ingénierie?
M. Serge Nadeau: Cela correspond aux niveaux de productivité que nous connaissons actuellement. Par exemple, au Canada, la croissance de la productivité est faible, il ne semble pas que nous fassions le nécessaire pour disposer des qualifications professionnelles adéquates. Quelle mesure notre pays peut-il prendre pour corriger cela? Encore une fois, il s'agit d'une question très difficile à résoudre. On dit parfois que si l'on donnait aux étudiants des informations sur les perspectives d'emploi et ainsi de suite—à condition que ce soit les bonnes informations—cela les aiderait à choisir la meilleure carrière.
M. Walt Lastewka: Quand je regarde la page 6, qui porte sur l'utilisation de la technologie par les entreprises canadiennes et américaines, je me rends compte que non seulement l'an 2000 nous pose un problème, mais que nous manquons vraiment de spécialistes de la conception assistée par ordinateur et de la CNC ainsi que de programmeurs. Et parallèlement, ce ne sont pas des gens qui détiennent ce genre de diplôme qui sortent de nos écoles.
M. Serge Nadeau: C'est exact.
M. Walt Lastewka: C'est aussi ce que nous ont dit les présidents d'université qui ont comparu devant nous pour discuter de ce qu'il faut faire en ce domaine.
À propos des renseignements que l'on trouve à la page 10, j'aimerais savoir ce qui a été la cause de la chute enregistrée en 1992-1993.
M. Serge Nadeau: C'est la récession économique. C'est la récession de 1990-1991. La reprise a été longue à venir au Canada. Comme vous le voyez, toutefois, en 1997, la situation s'arrange.
M. Walt Lastewka: Pourquoi aux États-Unis, la tendance était-elle à la hausse alors qu'au Canada, elle était à la baisse? Normalement, on dit toujours que nous suivons les États-Unis ou encore que nous sommes à leur remorque.
M. Serge Nadeau: C'est qu'au Canada, la récession a été beaucoup plus grave qu'aux États-Unis et qu'elle a traîné chez nous beaucoup plus longtemps. Voilà quelle est la raison fondamentale: c'est la gravité de la récession.
M. Walt Lastewka: En résumé, c'est la raison?
M. Serge Nadeau: Oui.
M. Walt Lastewka: Merci, madame la présidente.
La présidente: Merci, monsieur Lastewka.
Je donne maintenant la parole à Mme Lalonde, s'il vous plaît.
[Français]
Mme Francine Lalonde: Merci de vos présentations. Avant de poser ma question, je voudrais rappeler que le premier document de cette brique a avoir été rendu public a été le chapitre 6 sur la productivité. Il a été rendu public grâce à une demande d'accès à l'information par un journaliste du Citizen en décembre dernier. Par la suite, ici même au comité, le président du Conseil de recherches en sciences humaines est venu parler d'un rapport commandé par Mme Bourgon qui s'intitule Croissance—Développement humain—Cohésion sociale.
Moi, j'ai fait le rapport et je me suis dit qu'il faudrait avoir le document au complet. Grâce au comité et au ministère de l'Industrie, nous avons eu ce document en décembre, mais le comité n'a pas eu de temps avant aujourd'hui pour l'étudier.
Je l'ai lu d'un couvert à l'autre; je l'ai trouvé extrêmement intéressant et je dois vous dire que ma question est double. Vous nous annoncez que vous allez consulter les parlementaires, même ceux du parti au pouvoir, et les provinces, mais deux ans plus tard. Comment se fait-il qu'ils n'ont pas été associés ou même mis au courant de cette étude qui comporte des constats extrêmement troublants auxquels on ne peut se contenter de répondre en disant dans les trois dernières pages que la productivité va maintenant bien?
À la page 58, où on trouve le dernier paragraphe du chapitre I que nous étudions, on dit:
-
Dans notre fédération, toutefois, les principaux
éléments du développement humain sont de compétence
provinciale et les principaux leviers macro-économiques
et un certain nombre de leviers micro-économiques
relèvent du gouvernement fédéral. Ainsi, tout effort,
quel qu'il soit, pour éliminer ou réduire le
chevauchement et le double emploi des mesures fédérales et
provinciales ne fera pas disparaître la nécessité
d'harmoniser les politiques fédérales et provinciales.
À l'heure actuelle, le Canada n'a pas les institutions
et la culture voulues pour permettre une collaboration
plus étroite.
Dans la dernière phrase, on dit:
-
Sans cette collaboration fédérale-provinciale plus
étroite, il sera difficile d'agir sur les sources de
tension signalées dans ce rapport.
Comment se fait-il que vous n'ayez pas impliqué plus de monde et surtout les provinces?
[Traduction]
M. Alan Nymark: Merci beaucoup.
• 1725
En ce qui concerne la nature de cet exercice et la mesure
dans laquelle il s'agit d'un processus public, ouvert, et non
d'une activité dont on commence tout juste à divulguer
l'existence, il est important de revenir en arrière et de
comprendre la raison pour laquelle cet exercice a été lancé.
C'était plutôt pour reconnaître qu'il fallait opérer un
changement de culture au sein de la fonction publique et donner
plus d'importance à ce qui touche à la recherche. Comment
s'assurer que les chercheurs, surtout ceux qui débutent dans la
fonction publique, se rendent compte de la valeur de la
recherche, de la façon dont elle est utilisée dans le processus
d'élaboration des politiques, collaborent avec leurs homologues
dans d'autres ministères, et non uniquement au sein de celui
auquel ils appartiennent, et entretiennent des relations avec les
chercheurs qui travaillent en dehors du gouvernement fédéral?
En bref, l'idée maîtresse, je pense, est que la recherche a plus à voir avec le processus qu'avec le produit. Bien des questions qui sont soulevées dans ce volume ou dont Serge Nadeau a parlé—prenez la productivité, par exemple—n'en sont encore qu'au stade de la recherche, au stade de l'analyse, et demeurent, depuis 25 ans, des questions épineuses. Si vous demandiez à des économistes quelle est essentiellement la question la plus importante à laquelle ils n'ont pas donné de réponse claire, ils vous répondraient la productivité.
Ce n'est pas qu'il existe à ces questions des réponses définitives ni même une seule et unique réponse, mais il faut s'assurer que nos fonctionnaires n'hésitent pas à se pencher sur ces sujets difficiles ni à contribuer aux recherches et qu'ils ne craignent pas d'être tenus responsables de leurs résultats et de la façon dont cela se traduit dans les politiques. Ce n'est pas leur travail; leur travail est d'effectuer des recherches et des analyses.
Lorsqu'on nous a chargés de ce projet, nous avons commencé en demandant simplement aux ministères quels étaient les travaux qu'ils effectuaient dans le domaine du développement durable ou de la productivité. Au ministère de l'Industrie, nous avons demandé si l'on s'intéressait au développement humain.
Nous avons dû en quelque sorte aller puiser dans toutes les recherches intéressantes qui étaient faites au sein des ministères pour soutenir leurs programmes ou leurs politiques. La première tâche que nous avons accomplie a été de regrouper toutes ces recherches.
Nous reconnaissons que ces travaux appartiennent au domaine de la recherche et non à celui des politiques. Ils représentent en quelque sorte un amalgame des idées qui ont pu être formulées sur ces sujets, et non la politique du gouvernement.
Je l'ai dit franchement, les ministres n'ont jamais vu ces travaux. Ce sont des fonctionnaires qui s'en occupent. Voici où nous en sommes désormais: ayant effectué ces travaux, il est maintenant temps de communiquer avec les groupes de réflexion et les provinces afin de partager ce que nous avons appris; c'est ainsi que le processus qui nous permet d'essayer de découvrir les réponses à ces questions se poursuivra.
La présidente: Avez-vous une dernière question à poser, madame Lalonde?
[Français]
Mme Francine Lalonde: Monsieur Nymark, j'aimerais bien croire que c'est juste de la recherche pour de la recherche, mais je pense que si cela avait été de la recherche pour de la recherche, cela n'aurait pas eu l'influence que cela a eue. Regardons par exemple les défis dont on parle dans l'ensemble du document. On note ici des défis cruciaux. On constate, par exemple, que les écarts s'accroissent et que la cohésion sociale est minée par divers éléments, et on se demande, dans le cadre de l'intégration nord-américaine, ce que cela veut dire que d'être Canadien.
• 1730
La fracture qui traverse tout ce
document-là—et on ne parle pas une seule fois du Québec
et
des provinces—, c'est l'inquiétude quant à l'identité et
à l'avenir.
On dit en parlant du gouvernement:
-
Le défi qu'il devra relever
sera de convaincre la population,
qui recevra des
services nettement réduits par rapport aux impôts
qu'elle verse, de la nécessité de couper encore, tout en
se ménageant un rôle visible et pertinent. Faute de
quoi, le gouvernement risque fort de s'aliéner l'appui
d'importants segments de la société canadienne,
notamment la classe moyenne.
C'est Mme Bourgon qui a commandé cela. Elle a vu les constats que vous avez faits sur l'innovation et ce chapitre 6 sur la productivité. On sait que le fonds d'innovation de 800 millions de dollars a été créé alors qu'on coupait partout. Parce qu'on a vu qu'il y avait vraiment quelque chose à faire, on a essayé de commencer en ciblant des secteurs qu'il fallait aider. Vous ne pouvez pas dire que cette recherche n'est que de la recherche pour de la recherche. Elle a pour objectif d'aider et d'orienter les décideurs.
[Traduction]
M. Alan Nymark: Je suis d'accord qu'au sein du gouvernement du Canada, peu de gens font de la recherche pour la recherche. De façon générale, c'est une activité à laquelle participent les universités. Les recherches que nous effectuons s'intègrent au processus d'élaboration des politiques.
D'autres facteurs tout aussi importants interviennent dans ce processus: les consultations avec les parties intéressées, les pourparlers entre gouvernements, les discussions à l'échelle internationale, l'affinage de nos données et de notre méthodologie et enfin, le mécanisme d'approbation parlementaire. Chacune de ces étapes du processus d'élaboration des politiques est extrêmement importante. Nous essayons avant tout...
[Français]
Mme Francine Lalonde: Mais ce n'est pas commencé.
[Traduction]
M. Alan Nymark: —de demander, au départ: «Vous qui êtes économiste débutant au ministère de l'Industrie, avez-vous les qualifications, les contacts avec la communauté des chercheurs qui peuvent vous permettre de contribuer à l'examen de ces très difficiles questions que nous nous posons?»
Il se peut que dans ce document on exprime certaines idées sur la question de la cohésion sociale, des idées sur la complexité de la question au Canada. De façon générale, la question est tout aussi complexe à travers le monde. Lorsque nous avons rendu visite à des responsables du gouvernement français, 10 000 chômeurs défilaient le long des Champs-Élysées parce qu'à cause de l'immigration et d'autres facteurs, il existe en France de sérieux problèmes de cohésion sociale. Nous avons parlé avec nos homologues français des moyens que nous employons pour explorer les questions de cohésion sociale au plan de la recherche et nous avons discuté de nos travaux en cours.
Nous nous sommes rendus au siège de l'OCDE. Dans son rapport annuel de 1995, l'OCDE a montré qu'au Canada, il existait un déficit au plan de l'innovation, et depuis, nous avons maintenu des relations très étroites avec les chercheurs de cet organisme. Nous avons parrainé, ici et là dans le monde, des travaux sur ce sujet, et les responsables de l'OCDE estiment, je pense, que nos recherches sur l'innovation sont probablement—je ne dirais pas «à la fine pointe» de ce qui se fait dans le monde—mais vraiment très avancées.
Je n'ai donc pas à justifier ces recherches. J'essaie juste de souligner qu'il y a une très grande différence entre recherches et politiques. Ces documents représentent le fruit des premières initiatives prises par la communauté des chercheurs au sein du gouvernement du Canada, et nous allons en proposer d'autres, au fil des années. Nous tenons actuellement des conférences publiques qui sont tout à fait ouvertes.
Je le répète, au cours des quelque trois derniers mois, nous avons eu des contacts avec les gouvernements provinciaux... Étant donné que dans la plupart des cas, ces administrations ne rassemblent pas ce genre de travaux en un seul et même endroit et ne possèdent pas de ministère qui se consacre à la recherche, nous ne savons pas toujours à qui nous adresser, ni s'il existe l'équivalent de l'organe institué au niveau fédéral, un comité de recherche sur les politiques.
• 1735
J'ai rencontré récemment le directeur général du conseil de
gestion de l'Alberta qui m'a dit: «Mon Dieu, il va falloir que
nous réfléchissions à la façon dont nous allons pouvoir nous
organiser pour ne serait-ce qu'aborder ces questions avec vous,
parce qu'à moins de faire participer 100 spécialistes à une table
ronde, comment peut-on engager des pourparlers entre
gouvernements sur de tels sujets?»
C'est en forgeant que l'on devient forgeron, et c'est ce que nous faisons. Nous nous sentons graduellement mieux préparés à discuter de ces dossiers de façon plus ouverte, et je pense que cela augure bien pour l'avenir.
La présidente: Monsieur Murray.
M. Ian Murray: Merci.
Monsieur Nadeau, je regarde encore une fois la page où vous annoncez «les bonnes nouvelles»—la page 12. Si l'on considère, par exemple, des signes positifs comme l'investissement dans le matériel et les équipements, il me semble qu'on peut établir un lien entre la confiance des consommateurs et des entreprises et la croissance de la productivité. Si on suivait la montée de la confiance des entreprises pendant une certaine période, est-ce que cela correspondrait à une croissance de la productivité?
M. Serge Nadeau: Il y aurait une corrélation car, comme vous dites, la confiance des entreprises est liée à l'investissement et l'investissement à la productivité—peut-être avec un certain décalage.
Vous soulignez quelque chose que j'aurais peut-être pu ajouter ici, c'est que la confiance des entreprises a atteint un niveau sans précédent au cours du dernier trimestre de 1997. C'est une des raisons de notre optimisme.
M. Ian Murray: Il se peut donc qu'en tant que société, nous soyons poussés à envisager les choses de façon positive, dans la mesure du possible.
J'avais juste une autre question à vous poser, encore une fois, à propos de la page 12, où vous mentionnez que l'offre de capital humain croît plus rapidement que dans la plupart des pays de l'OCDE. C'est au Canada qu'il y a le plus d'étudiants dans les établissements postsecondaires et que l'on consacre le plus d'argent à l'éducation à ce niveau, je le reconnais, mais on nous a également dit que notre société vieillit, et nous savons par ailleurs que la croissance de notre population dépend de l'immigration. Je voudrais juste savoir comment tout cela s'agence, à l'heure où tous les pays de l'OCDE sont probablement dans la même situation que nous, même si elle n'est pas tout à fait identique, peut-être, à l'heure où la plupart des pays—du moins ceux du G-7—se battent pour attirer la main-d'oeuvre qualifiée.
À quoi attribuez-vous le fait que cette offre augmente plus rapidement au Canada que dans les autres pays de l'OCDE, mis à part le nombre des étudiants inscrits dans les universités, d'autant plus que, nous l'avons vu, c'est dans le domaine des sciences humaines qu'ils sont les plus nombreux?
M. Serge Nadeau: Eh bien, je vais vous donner quelques précisions. Vous avez raison de dire que cette affirmation se fonde sur le fait que, parmi les pays du G-7—et dans le monde, d'ailleurs—, c'est au Canada qu'on compte le plus d'étudiants inscrits à l'université.
D'un autre côté, il est vrai que nombre d'entre eux s'inscrivent à des programmes de sciences humaines, mais il reste que c'est un facteur positif. Peut-être devrions-nous avoir plus de diplômés en sciences, mais nous avons au moins l'infrastructure nécessaire pour produire une main-d'oeuvre qualifiée. C'est ce que signifie cette déclaration, essentiellement.
M. Ian Murray: Très bien. Je voulais juste avoir des précisions à ce propos. Merci.
La présidente: Merci, monsieur Murray. Monsieur Schmidt.
M. Werner Schmidt: Merci, madame la présidente. J'ai deux ou trois questions à poser.
Connaissez-vous ce document plus ancien, cette grosse brique? Dans ce document, c'est la page 176 qui m'intéresse. J'aimerais faire le lien entre le texte qui se trouve sur cette page et les graphiques de la page 8 et de la page 5 que l'on peut voir dans le document que vous nous avez transmis aujourd'hui. Cela soulève trois questions connexes.
Il semble que dans un pays, il y ait un lien entre l'innovation et le montant ou la proportion d'argent qui est consacré à la recherche et développement par rapport au produit intérieur brut. Ce lien semble être un des fils de trame de cette grosse brique ainsi que de votre version abrégée. Êtes-vous d'accord avec cette observation générale?
M. Serge Nadeau: Oui. Dans une large mesure, je pense, les économistes s'entendent pour dire que plus il y a d'innovation dans un pays, plus il est productif. Néanmoins, on ne peut pas attribuer la croissance de la productivité à un seul facteur, comme la R-D, par exemple, il y a d'autres facteurs.
M. Werner Schmidt: Je l'admets. Pour ce qui est d'établir un lien de cause à effet avec une seule variable, je me rends compte des difficultés que cela peut vous poser dans vos recherches, mais il semble que l'on puisse déceler ce genre de fil de trame. Je pense qu'il faudrait faire beaucoup de recherches en ce domaine. De fait, pour moi, ce pourrait être une question décisive, même si je n'en suis pas absolument sûr.
Revenons à la page 176; on y met l'accent sur la diffusion du savoir. En particulier, ce qui m'a intéressé, c'est l'avant-dernier paragraphe. Vers la fin de ce paragraphe, on déclare:
-
...on a estimé que le taux de rendement de la R-D était de 35 p.
100 pour les entreprises ayant des liens avec les universités,
comparativement à 13 p. 100 pour les entreprises n'ayant pas de
tels liens...
Laissons de côté la question des relations avec les universités ou autres, ce qui me frappe ici, ce sont les chiffres de 35 et 13 p. 100 concernant le rendement de la R-D. Donc, si l'on consacre 1,5 p. 100 du PIB à la R-D, et que le rendement de cet investissement est de l'ordre de 13 à 35 p. 100, devant un rendement de cet ordre—je sais que cela n'établit pas la relation de cause à effet—n'êtes-vous pas tenté d'envisager des recherches approfondies sur le rendement économique des investissements en R-D?
M. Serge Nadeau: Nous faisons beaucoup de recherches sur le rendement économique des effets secondaires et sur l'impact direct. Il est très difficile de résumer tout cela par un chiffre.
M. Werner Schmidt: Je me rends compte de la difficulté que cela présente, mais quand les fonds publics sont mis à contribution—c'est bien le cas—par le biais du CRSNG, du CRSH, de divers autres conseils subventionnaires, d'universités, de la Fondation canadienne pour l'innovation, etc., si on peut dire au public, à la communauté universitaire et au monde des affaires qu'un dollar consacré à la recherche et au développement va avoir un rendement qui se situe entre 13 et 35 p. 100, il me semble qu'on montrera que c'est un investissement qui en vaut la peine.
Étudie-t-on la question de façon à être en mesure de démontrer que l'argent consacré à la recherche et au développement représente un réel investissement? Il me semble que c'est là un important élément des initiatives qui devraient être prises dans notre pays.
M. Serge Nadeau: Comme je l'ai dit, on fait beaucoup de recherches en ce domaine. Par ailleurs, la politique gouvernementale reflète ce que vous soulignez, c'est-à-dire que le rendement des sommes consacrées à la recherche et au développement est élevé.
Prenons par exemple la Fondation canadienne pour l'innovation ainsi que d'autres initiatives du gouvernement—cela reflète les conclusions que vous venez de tirer. De plus, le ministre et le sous-ministre, chaque fois qu'ils rencontrent des hommes d'affaires—nous participons à la préparation de leurs exposés—soulignent l'importance cruciale de la R-D.
M. Werner Schmidt: Très bien. Donc, si la chose est si clairement établie, pourquoi le gouvernement applique-t-il une politique de réduction des dépenses de R-D? Voyez-vous, c'est là où il y a contradiction. Dans le dernier budget, il y a bien eu une petite augmentation, mais cela n'a abouti qu'à ramener les dépenses à ce titre au niveau où elles étaient précédemment. Ce n'est vraiment pas suffisant.
Il n'est pas étonnant que nous ayons des problèmes. Si c'est un des moteurs les plus importants de notre économie, c'est le dernier secteur qui devrait subir des coupures, et non le premier. Or, c'est exactement ce qui s'est passé.
J'aimerais vous signaler quelque chose que vous devriez prendre en compte dans vos recherches. Je remarque que, selon la comparaison des budgets de dépenses qui se trouve à la page 8—il s'agit d'une comparaison, et nous n'avons donc pas les chiffres exacts—c'est le Canada qui consacre le plus d'argent à l'éducation et le moins à la R-D. Cela étant, il serait logique de penser que, si nous consacrons autant d'argent à l'éducation, c'est qu'il y a, d'une façon ou d'une autre, une corrélation entre la productivité et l'éducation.
On nous a dit il y a des années... Milton Friedman, je pense, a été le premier à étudier l'éducation en tant qu'investissement, ainsi que le rendement de cet investissement. Or, nous nous trouvons dans une situation où c'est nous dépensons le plus... De fait, c'est au Canada qu'il y a le plus grand nombre d'étudiants inscrits dans des établissements postsecondaires, mais étant donné que notre productivité baisse, la corrélation est négative.
• 1745
J'espère que lorsque vous étudierez la question, vous allez
découvrir quel est le lien. Il faut bien qu'il y en ait un, d'une
façon ou d'une autre, parce que la R-D est directement liée à
l'éducation.
M. Serge Nadeau: Vous avez raison dans le sens que, oui, il y a un lien direct entre les qualifications de la main-d'oeuvre et des chercheurs et la R-D et, bien sûr, l'éducation. Mais il y a de nombreux autres facteurs déterminants de la R-D et également de nombreux autres facteurs déterminants de la productivité. Comme nous l'avons vu plus tôt, même si nous avons atteignons le niveau le plus élevé dans le domaine de l'éducation, nous connaissons certains problèmes, et le rythme de nos investissements a été assez lent.
Je le répète, nous faisons de nombreuses recherches sur les déterminants de la R-D. Par exemple, au Canada, nous comptons de nombreuses petites entreprises, et les petites entreprises sont portées à faire moins de R-D que les grandes. C'est une raison qu'on donne souvent pour expliquer le fait qu'au Canada, on ne fait pas autant de R-D qu'ailleurs.
M. Werner Schmidt: Ce n'est pas acceptable. Absolument pas. Je pense que nous devons faire très, très attention. C'est une porte de sortie trop facile.
Il y a le niveau d'imposition. Il y a la fuite des cerveaux. Il y a la palette des diplômés que nous produisons. Je pense que c'est mon collègue, Ian Murray, qui vient d'y faire allusion. Il y a le fait que nous comptons chez nous moins de diplômés en sciences. C'est un fait, et il y a aussi l'inadéquation des qualifications dont vous avez vous-même parlé plus tôt. Je pense que ce sont des facteurs très importants.
Si, à titre de législateurs, nous devons élaborer une politique gouvernementale qui se fonde sur un document de recherche comme celui-ci, alors, il vaudrait mieux que ces recherches donnent des indications claires. S'il y a une chose qui est claire dans tout cela, c'est que les conclusions sont tellement floues que l'on ne peut pas, à partir de là, élaborer une politique cohérente. On indique une chose ici, mais là, il n'y a rien. Un peu plus loin, il y a une contradiction. Rien n'est lié.
Je pense qu'il s'agit d'une ébauche. On dit ici que c'est un rapport provisoire alors, peut-être n'est-il pas complet. Il se peut que je sois injuste, sans le vouloir. Mais permettez-moi de vous dire que lorsque vous présentez ce genre de documentation aux législateurs, il faut vous arranger pour que nous soyons en mesure de voir les liens entre les divers éléments et de tirer une conclusion logique qui peut être appuyée par les recherches dont on fait état non seulement dans une partie du rapport, mais dans tout le document.
La présidente: Monsieur Nymark.
M. Alan Nymark: Permettez-moi de faire une observation à ce sujet: vous avez tout à fait raison, je pense, de mentionner les incitatifs qui pousseraient les entreprises du secteur privé à reconnaître la valeur d'une certaine façon de faire des affaires, c'est-à-dire en encourageant l'innovation dans leurs murs. Je pense que vous avez tout à fait raison de dire que, si l'on peut déterminer clairement quel est le rendement de l'investissement en ce domaine, les entreprises y verront leur intérêt et cela entraînera un changement de comportement dans le monde des affaires.
En ce qui concerne le lien entre les budgets consacrés à la R-D et la tenue de la productivité, les chercheurs du monde entier sont unanimes à le reconnaître, je pense. Mais je crois qu'aux États-Unis, on s'entend pour dire qu'une analyse à ce niveau de la R-D et de la productivité ne mène pas très loin.
Je dirais qu'à l'heure actuelle, les chercheurs qui s'intéressent à l'innovation ont tendance à laisser de côté le genre d'analyse qui aboutit à chiffrer de manière globale la R-D et la productivité et s'intéressent plutôt à la palette des facteurs qui contribuent concrètement à la réussite d'une entreprise: les qualifications, l'innovation, le capital et le savoir-faire au plan de la gestion. Je dirais que c'est vers quoi s'oriente à l'heure actuelle la plupart des recherches sur l'innovation. D'ailleurs, le ministère de l'Industrie et d'autres groupes au sein de la fonction publique fédérale essaient définitivement non seulement de participer à ce genre de recherches, mais de jouer un rôle de premier plan.
• 1750
Un des problèmes que posent les recherches qui font partie
du processus d'élaboration des politiques est que souvent, elles
ne sont pas concluantes. On peut facilement résoudre la question
de la présentation, mais lorsque les recherches ne sont pas
concluantes, je pense, comme vous le suggérez, que nous avons
pour tâche d'exposer les diverses options, ainsi que toute la
gamme des possibilités, de façon à ce que ce soit facile à
comprendre par les décideurs qui doivent absorber ce genre
d'information.
La présidente: Merci, monsieur Nymark. Merci, monsieur Schmidt.
Monsieur Lastewka, s'il vous plaît.
M. Walt Lastewka: Merci, madame la présidente.
Je veux rester sur le même thème que M. Schmidt et passer en revue une liste des facteurs qui affectent, par exemple, le manque de productivité.
Il y a une chose qui me vient à l'esprit, et nous en avons parlé plusieurs fois auparavant, c'est la politique sur le commerce intérieur du Canada. Elle ne favorise pas la productivité. J'ai essayé à maintes reprises de faire chiffrer cela par diverses personnes. En ce qui me concerne, les recherches qui ont été faites dans ce domaine ne sont pas suffisantes et restent, à mon avis, loin d'être convaincantes.
Quelle est, à travers le Canada, l'incidence du commerce intérieur sur les chiffres concernant la productivité? Nous avons parlé ici auparavant des normes qui s'appliquent aux diplômés universitaires. Prenons ceux qui obtiennent un diplôme de comptabilité, ils peuvent pratiquer leur profession là où ils sont, mais pas ailleurs. Cela interdit de faire certaines choses à l'échelle nationale.
Ce que je recherche, c'est une liste de toutes les idées qui pourraient nous aider à engager des pourparlers plus approfondis de part et d'autre. Il va falloir décider à quoi nous allons donner la priorité et ainsi de suite. Il serait utile d'avoir une liste des facteurs favorables et défavorables à la productivité afin de pouvoir explorer la question dans un plus large contexte.
Monsieur Schmidt, je pense que c'est dans la ligne de ce que vous souhaitez.
M. Werner Schmidt: J'aimerais également être sûr que nous allons aboutir là où nous le voulons.
M. Walt Lastewka: J'aimerais savoir ce que vous pensez des obstacles au commerce intérieur et de l'effet réel que cela peut avoir à l'heure actuelle sur la productivité du pays. Avez-vous des données là dessus? Avez-vous des informations à ce sujet? Avez-vous établi un facteur coût? Avez-vous fait des recherches sur le commerce intérieur?
M. Surendra Gera: Industrie Canada a effectivement fait un certain nombre de rapports. Par exemple, on a étudié les effets de l'ALE sur la création et le détournement des courants d'échanges, et sur les conséquences que cela a pu avoir sur le commerce intérieur. Est-ce que cet accord s'est soldé par une baisse des échanges commerciaux entre les provinces et par une accélération du commerce avec les États américains voisins?
Ces recherches ont donc été faites. Comme vous le savez sans doute, tous les accords sur le commerce intérieur ne sont pas encore en place; dans de nombreux secteurs, les pourparlers se poursuivent. L'OCDE, par exemple, donne des informations à ce sujet depuis quelque temps. Dans la plupart de ses rapports annuels sur le Canada, depuis 1995, l'OCDE documente les progrès qui ont été concrètement accomplis dans le domaine des échanges commerciaux entre les provinces. Je l'ai déjà mentionné, tout récemment, pendant la deuxième semaine de mai, nous avons reçu une délégation de l'OCDE, et l'une des questions qui a été posée entre dans ce contexte—savons-nous exactement ce que ces progrès vont apporter au plan de l'efficacité et, éventuellement, de la productivité.
Tout ce que nous pouvons dire pour l'instant, c'est qu'au plan théorique, nous sommes absolument convaincus que, dans la mesure où les distorsions entre les provinces peuvent être gommées et où cela peut avoir un effet sur l'efficacité de la production, la productivité devrait s'améliorer. Je n'ai pas encore vu de recherche particulière sur ce sujet, mais c'est définitivement un point très important, et j'en prends note.
M. Walt Lastewka: Je serais probablement porté à dire que le commerce intérieur ne pose pas de problème, à mon avis; je demanderais donc à voir quel rôle cela peut jouer dans la perte de productivité. À mon avis, il nous faut plus qu'un chiffre. Il nous faut des faits et il faut que nous puissions constater que cela a un effet sur le problème de la productivité.
M. Alan Nymark: La première fois que je me suis intéressé à la question du commerce intérieur, c'est lorsque je faisais partie du personnel engagé par la Commission royale sur l'union économique et les perspectives de développement du Canada, au milieu des années 80. Pour la première fois, on a essayé de chiffrer les barrières intérieures au commerce au Canada.
Le spécialiste à qui on a fait appel à l'époque était M. John Whalley, un expert en commerce international. Nous lui avons demandé d'appliquer aux obstacles intérieurs au commerce les modèles économétriques utilisés habituellement pour étudier les barrières aux échanges internationaux. Nous nous sommes retrouvés dans une de ces situations frustrantes qu'a décrites M. Schmidt: en effet, il n'a pas pu très facilement mesurer ces obstacles.
Au principe qu'il a voulu vérifier—c'est-à-dire, moins il y a d'obstacles, plus il est possible de réaliser des économies d'échelle et, par conséquent, de parvenir à une plus grande efficience et donc d'augmenter les revenus et, en bout de ligne, d'accroître d'autant le produit national—il a ajouté son modèle d'analyse préliminaire des échanges commerciaux internationaux fondé sur la théorie, moins il y a d'obstacles, mieux c'est. Bref, l'effet de ces barrières était de l'ordre de, je crois—cela fait 13 ans de cela, alors je n'en suis plus très sûr—1,5 p. 100 du PIB. Même si un pourcentage de 1,5 p. 100 paraît modeste, calculé en dollars, cela fait une très grosse somme. C'est à peu près le chiffre auquel il avait abouti à l'époque.
À ce moment là, le monde des affaires n'était pas du tout convaincu que la bonne solution était d'appliquer un modèle économétrique pour mesurer l'impact de ces obstacles. Donc, si je me souviens bien, l'Association des manufacturiers canadiens a entrepris une étude de grande envergure en faisant enquête auprès des entreprises pour savoir quel était, concrètement, le problème en ce domaine.
Prenez le cas d'une brasserie, quelle décision un brasseur est-il obligé de prendre en ce qui concerne la construction d'usines ou l'établissement du prix de ses produits parce que, s'il veut vendre dans chaque province, il faut qu'il ait une usine sur place? Telle était la situation au milieu des années 80.
Au bout du compte, l'association a recueilli, comme disent les économistes, beaucoup de preuves anecdotiques auprès de gens qui disaient: voilà le véritable problème, et je me fiche éperdument que vous puissiez le mesurer ou non; ce que je vous dis, moi, c'est qu'au plan de ma stratégie commerciale, je ne peux pas réaliser d'économies d'échelle.
On a découvert par exemple, dans le secteur de la production de la bière, qu'une brasserie du Michigan possédait une cuve dont la contenance était plus grande que celle de toutes les cuves du Canada réunies si bien que ses coûts unitaires étaient naturellement beaucoup bas. C'est le genre de résultats qu'ont donnés les discussions lancées par l'Association des manufacturiers canadiens.
Il y a environ trois ans, la Chambre de commerce du Canada a refait le même genre d'enquête auprès des entreprises et en a ensuite fait valoir les résultats auprès du gouvernement. En la matière, on fait donc entrer en ligne de compte des indications de nature différente.
Je dois dire qu'à l'époque de la Commission Macdonald, on estimait le coût des barrières au commerce intérieur à environ 1,5 ou 2 p. 100 du PIB. La seule chose que se hasardèrent à dire les économistes que nous avions engagés à ce moment-là, c'est que ce coût était beaucoup moins élevé que celui des obstacles existant au sein de l'union économique, mais à peu près équivalent à celui qui était attribuable aux barrières intérieures aux États-Unis.
Parfois, au Canada, nous pensons qu'il y a de très grands...
[Français]
Mme Francine Lalonde: Entre les États?
[Traduction]
M. Nymark: Excusez-moi, je voulais dire entre les États américains.
La présidente: Merci.
[Français]
Monsieur Dubé, s'il vous plaît.
M. Antoine Dubé (Lévis, BQ): Madame la présidente, puis-je partager mes cinq minutes avec Mme Lalonde? Je vais poser trois petites questions.
[Traduction]
La présidente: Non, monsieur Dubé, je préfère que vous posiez une seule question à la fois, pour donner le temps aux témoins de répondre.
[Français]
M. Antoine Dubé: Les différentes données qui figurent dans les trois documents que vous nous avez remis aujourd'hui sont-elles disponibles par province ou par région? Je sais que vous parlez souvent de cinq régions.
M. Serge Nadeau: Justement, les données sur les comptes nationaux ont été révisées récemment, et on n'a pas les mêmes sources de données pour toutes les provinces. Lorsque vient le temps d'analyser la performance des provinces ou des régions au niveau de la productivité, c'est un problème très difficile. En passant, à Industrie Canada, on a commencé une recherche sur la performance des régions en termes de l'économie du savoir. Si cela vous intéresse d'obtenir les résultats de cette recherche, elle sera probablement disponible dans six mois à un an. On va se faire un plaisir de vous la faire parvenir.
M. Antoine Dubé: Au chapitre de la gouvernance, vous abordez la question de ce qu'on pourrait appeler la conduite des affaires publiques. Vous parlez des relations intergouvernementales. Avec quel ministère ou conseil travaillez-vous là-dessus? Est-ce que, par exemple, vous travaillez avec le Conseil pour l'unité canadienne?
M. Serge Nadeau: De quel chapitre exactement parlez-vous?
M. Antoine Dubé: M. Nymark a parlé de la gouvernance et des aspects provinciaux-fédéraux et institutionnels. C'est à la page 12. Comment les gouvernements fédéral et provinciaux peuvent-ils travailler plus efficacement avec les partenaires non gouvernementaux? Je voudrais savoir avec qui vous travaillez là-dessus.
[Traduction]
M. Alan Nymark: Comme je l'ai indiqué dans une des réponses que j'ai données, nous avons commencé à prendre contact avec les administrations provinciales et territoriales afin de voir comment elles souhaitent collaborer avec nous. Je pense qu'à l'heure actuelle, nous avons eu des contacts directs avec environ cinq de ces administrations. D'ici la fin de l'été, nos pourparlers avec tous les gouvernements provinciaux et territoriaux seront terminés.
Nous n'avons pas de vues arrêtées sur la façon dont on devrait procéder ni sur ce qui devrait être amélioré, parce que chaque administration peut vouloir faire les choses un peu différemment. Nous sommes donc ouverts à toutes les suggestions.
[Français]
M. Antoine Dubé: Le Conseil pour l'unité canadienne n'est pas impliqué?
[Traduction]
M. Alan Nymark: Oui. Comme je l'ai mentionné, il y a certains sujets que, pour parler franchement, nous n'avons pas directement abordés. Je pense que du point de vue des politiques, il est clair qu'il y a dans toutes les questions que nous examinons, un aspect qui a trait aux relations fédérale-provinciales et à l'unité nationale, mais si vous prenez par exemple, le dossier de l'innovation et que vous demandez à un économiste de vous donner des conseils qui touchent les questions d'unité nationale que cela implique, vous ne frappez pas à la bonne porte.
[Français]
Mme Francine Lalonde: Je vais continuer. Vous dites dans l'introduction, à la page 2:
-
Les autres éléments du projet Canada 2005 ont trait
à des questions internationales et à des problèmes de
sécurité, à l'appareil et à l'administration de l'État, à
l'unité nationale et à l'état de l'opinion publique.
Il y a donc des groupes autres que le vôtre qui travaillent sur ces questions-là. C'est ce qu'on nous annonce ici. Votre groupe se penche sur la croissance, le développement humain et la cohésion sociale, et il y a maintenant la mondialisation. C'est bien cela?
La question de la cohésion sociale apparaît. C'est l'un des trois thèmes. Vous dites à la page 58:
-
Ce rapport met en relief l'interdépendance qui
sous-tend la prise de décisions: on ne peut chercher à
atteindre des objectifs
sociaux sans tenir compte de la capacité économique, et
la reprise
économique ne peut être soutenue sans résoudre les
problèmes du développement humain et de cohésion
sociale.
Vous affirmez cela à la page 58.
• 1805
Quand vous allez continuer votre étude,
allez-vous tenir compte de ce que le gouvernement a
fait, d'abord du maintien de sa politique monétaire
restrictive, de la réforme de
l'assurance-emploi qui, à notre avis à nous, a empiré
les conditions de la cohésion sociale, et des coupures du
Transfert social canadien, qui ont aussi empiré les
conditions de la santé, de l'éducation et de la
cohésion sociale? Dans la recherche qui va
sortir dans quelques mois, allez-vous analyser cela?
[Traduction]
M. Alan Nymark: D'un point de vue général, au plan philosophique, on pourrait discuter longtemps pour savoir si la responsabilité sociale et la responsabilité financière sont des objectifs compatibles ou concurrents de la politique gouvernementale.
Je ne suis pas ici pour parler au nom du gouvernement; je suis ici pour parler au nom des chercheurs qui ont élaboré ce document. Je pense que les chercheurs, notamment ceux qui travaillent dans le domaine économique—c'est mon point de vue—vous diraient qu'il ne peut y avoir de responsabilité sociale sans responsabilité financière. La question qui se pose est donc la suivante: poursuivez-vous ces objectifs parallèlement ou l'un après l'autre.
Je pense que la plupart du temps, les administrations publiques essaient de poursuivre les deux objectifs parallèlement. Toutefois, dans les années 80 et au début des années 90, particulièrement au Canada, il semble qu'il y ait eu certains dérapages au plan de la responsabilité financière. Un manque de contrôle en ce domaine menait tout droit à une situation où il aurait été impossible d'exercer une quelconque responsabilité sociale. Je pense que pendant quelques années, on a donné le pas à la responsabilité financière.
Apparemment, ce n'est plus nécessaire. La situation fait encore l'objet de discussions, mais il est au moins possible de s'attaquer de front aux deux objectifs de façon plus équilibrée, parce que nous avons fait quelques progrès en matière de responsabilité financière. Je dirais que la question peut faire l'objet de recherches mais que fort probablement, elle est plus apte à être traitée au niveau des politiques.
La présidente: Merci, madame Lalonde.
Je tiens à remercier les témoins d'avoir comparu devant nous aujourd'hui. Cela fait déjà quelque temps que nous attendions de vous rencontrer, et nous avons réorganisé notre calendrier de réunions pour ce faire.
Monsieur Nymark, nous regrettons que votre collègue n'ait pu vous accompagner. Malheureusement, nous avons dû tenir la réunion comme prévu, car les membres du comité étaient ici et les témoins étaient déjà à Ottawa. Je vous remercie de votre participation et j'espère que nous aurons l'occasion de vous revoir.
La séance est levée.