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INDY Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON INDUSTRY

COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 3 décembre 1998

• 0914

[Traduction]

La présidente (Mme Susan Whelan (Essex, Lib.)): La séance est ouverte. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous entreprenons l'étude de l'égalité des sexes à Industrie Canada.

Nous sommes très heureux d'accueillir aujourd'hui l'honorable Hedy Fry, secrétaire d'État au Multiculturalisme et à la Condition féminine. Nous allons commencer par la déclaration d'ouverture de la ministre. Nous passerons ensuite aux questions.

La parole est donc à l'honorable Hedy Fry.

[Français]

L'hon. Hedy Fry (secrétaire d'État (Multiculturalisme)(Situation de la femme), Lib.): Bonjour, madame la présidente.

[Traduction]

Permettez-moi de présenter les deux fonctionnaires qui m'accompagnent: Florence Ievers, qui dirige le ministère, et Scheherzade Rana, qui est l'une de nos analystes des politiques.

• 0905

Je voudrais vous remercier tous de m'avoir donné l'occasion de vous présenter cet exposé. Je crois qu'il est très important pour nous de commencer à examiner la façon dont nous développons le potentiel de nos ressources humaines au Canada, en reconnaissant que 51 p. 100 de ce potentiel est composé de femmes et en prenant conscience du fait que, pour devenir compétitifs, nous avons besoin d'étudier les obstacles particuliers dus au sexe des travailleurs. D'ailleurs, nous ne devrions pas nous arrêter au sexe, car il faut également considérer les obstacles dus aux différences linguistiques et culturelles, encore une fois, parce que nous devons développer tout notre potentiel de ressources humaines.

L'étude transversale et horizontale de phénomènes qui ne semblent pas se prêter à une analyse fondée sur les questions de sexe ou de diversité, constitue une nouvelle initiative d'Industrie Canada. La capacité de scruter à la loupe tout ce que fait chaque ministère pour découvrir les obstacles créés par la diversité et le sexe va prendre une grande importance au fur et à mesure que nous ferons la transition vers une économie mondiale, technologique et axée sur le savoir. Nous savons qu'il existe des obstacles particuliers qui risquent de laisser un important pourcentage de notre population loin derrière le peloton de tête.

Comme je l'ai déjà dit, les femmes représentent 51 p. 100 de la population, mais il ne faut pas non plus perdre de vue le fait que 47 p. 100 des gens qui vivent au Canada aujourd'hui ne sont ni français ni anglais d'origine. Nous avons donc une nouvelle cohorte de Canadiens que nous devons avoir la capacité de développer.

Je voudrais également vous parler, dans le cadre de cet exposé, du lien qui existe entre les questions économiques et sociales. Traditionnellement, il y a toujours eu deux grandes tours linéaires, s'élevant à la verticale et représentant deux notions distinctes: les questions économiques, d'une part, et les questions sociales, de l'autre. Nous savons aujourd'hui que ces questions sont tellement interdépendantes qu'elles sont en pratique inséparables. Nous savons aussi qu'à moins de bien les relier et d'élaborer des politiques fortes tenant compte de ces liens, nous échouerons aux deux chapitres.

Dans le passé, les questions reliées à l'égalité des femmes ont toujours été isolées du reste: on considérait qu'il fallait s'occuper un peu de ces pauvres et faibles femmes, qui ne sont pas toujours traitées équitablement, pour relever leur situation sociale et prendre soin d'autres aspects sociaux les concernant. Or, je viens de le dire, les femmes forment 51 p. 100 de la population. Nous avons de sérieuses questions à nous poser. Connaissez-vous beaucoup d'entreprises, en connaissez-vous une seule qui ne s'occupe de développer que 49 p. 100 de ses ressources humaines et qui ait réussi à devenir compétitive, à progresser et à croître?

Lorsque les femmes peuvent contribuer à l'économie, lorsqu'elles ont un choix et peuvent acquérir les compétences nécessaires pour accéder à de bons emplois à plein temps et à long terme, lorsqu'elles ont la possibilité, grâce à ces emplois et à une bonne infrastructure, de se constituer un revenu de retraite, alors, elles cessent d'être un «fardeau pour l'État», parce qu'elles peuvent subvenir à leurs propres besoins. L'autonomie financière des femmes, la possibilité pour elles d'avoir une base économique solide réduit en outre le risque de bien d'autres déséquilibres de pouvoir, comme la violence faite aux femmes.

Par conséquent, on voit très clairement comment les questions sociales et économiques se répercutent réciproquement les unes sur les autres. À Condition féminine Canada, nous croyons qu'il est important de ne pas faire les choses en se basant sur des anecdotes, nous considérons très sérieusement la façon dont les données sont recueillies parce que nous voulons disposer de preuves montrant pourquoi les femmes ont à surmonter des obstacles précis, quelles mesures nous devons prendre et comment inscrire ces mesures dans de bonnes politiques.

Comme c'est votre comité qui conseillera le gouvernement sur la formulation de ces politiques, j'espère que vous voudrez bien écouter mon point de vue sur certaines de ces questions.

Examinons, par exemple, des choses aussi simples que la productivité et une main-d'oeuvre qualifiée. Nous savons que la mondialisation et la restructuration économique ont donné naissance à une économie fondée sur la technologie et le savoir. Nous savons que nous devons considérer la productivité sur la base de notre capacité de concurrencer les autres pays du monde.

Nous devons examiner la nature changeante du travail, qui donne aux compétences une extrême importance. Durant leur vie professionnelle, les gens passeront par six ou sept emplois. La créativité est importante. Nous savons également que beaucoup d'entrepreneurs trouvent de nouveaux moyens de croître, de devenir autonomes et de créer leur petite part de cette nouvelle économie dont nous parlons.

• 0910

Comment tenir compte des femmes dans tout cela? Nous savons que les femmes forment la grande majorité des travailleurs qui occupent des emplois non conventionnels, peu sûrs, à temps partiel et mal rémunérés. Comment changer cette situation? Bien sûr, l'un des principaux moyens de le faire est d'examiner la question de la productivité et la façon dont les femmes peuvent développer leur potentiel en tant que ressources humaines. Nous devons étudier des questions telles que la formation, l'accès à Internet et l'aptitude des femmes à faire du commerce et à étendre leurs marchés. Nous savons que l'évolution de la structure familiale a engendré d'importants problèmes, accroissant la demande de facteurs qui se répercutent sur la capacité des femmes de s'intégrer dans la population active. L'un de ces facteurs, c'est le temps.

Nous savons que le nombre de familles monoparentales augmente dans le pays et que 80 p. 100 d'entre elles sont dirigées par des femmes. Dans le cadre d'une étude intitulée Indicateurs économiques de l'égalité entre les sexes, réalisée pour le compte du gouvernement fédéral et des provinces, Statistique Canada a examiné la situation des femmes qui quittent puis réintègrent la population active parce qu'elles ont des enfants et doivent les élever. Lorsqu'une femme tombe enceinte, elle quitte son travail et s'occupe de son bébé pendant une courte période. Comment pouvons- nous faire en sorte que cette courte absence ne se répercute ni sur ses gains immédiats ni sur les gains qu'elle accumulera pendant sa vie professionnelle? Si ces gains influent sur des avantages sociaux tels que le Régime de pensions du Canada ou les prestations de retraite, comment nous assurer qu'au terme de leur vie professionnelle, ces femmes disposeront d'un revenu de retraite confortable leur permettant de subvenir à leurs propres besoins sans avoir à dépendre exclusivement de la pension de vieillesse?

Nous savons que la majorité des femmes qui n'ont pas été membres de la population active vivent de la pension de vieillesse, qui est insuffisante. Quoi qu'on puisse faire dans une société civilisée, cette pension ne suffira jamais pour permettre aux femmes de vivre décemment. De plus, le fardeau du système de santé s'alourdira parce que ces femmes seront atteintes de maladies chroniques dégénératives qui nécessiteront des soins médicaux, si elles ne mangent pas convenablement et ne surveillent pas leur nutrition. Nous savons que beaucoup d'entre elles seront atteintes d'ostéoporose et de dépression.

Je suis en train d'expliquer ces liens pour que chacun puisse comprendre que, souvent, les femmes ne peuvent pas rester constamment et sans interruption membres de la population active.

Le Régime de pensions du Canada est très important pour les femmes, parce que c'est le seul régime de pension public ou privé qui reconnaisse qu'une femme peut quitter son emploi pour élever des enfants, qui ne la pénalise pas quand elle quitte puis réintègre la population active pour avoir des enfants et s'en occuper pendant de courtes périodes, qui lui permette donc de ne pas perdre son revenu de retraite de base.

Par suite de l'évolution de la structure familiale, nous devons comprendre qu'il ne suffit pas de considérer les familles à deux revenus ou les familles à un seul revenu dans lesquelles l'un des conjoints reste à la maison. Nous savons que, dans le cas de la famille monoparentale, le père ou la mère n'a pas le choix de rester à la maison: il lui faut sortir pour travailler. Nous savons qu'environ 65 p. 100 des familles monoparentales vivent dans la pauvreté. Comment pouvons-nous faire en sorte que les femmes, dans ces familles, aient accès à de bons emplois durables et, surtout en cette ère technologique, à des emplois qu'elles peuvent exercer à la maison?

Nous savons également que les femmes se dirigent de plus en plus vers les petites et moyennes entreprises. Ce sujet constitue d'ailleurs l'un de vos grands dossiers. Les femmes créent des PME parce que cela leur assure une certaine souplesse et leur permet, dans beaucoup de cas, de travailler à la maison. Nous savons qu'un grand pourcentage des femmes qui dirigent des PME possèdent en fait de très petites entreprises ou micro-entreprises, qu'elles lancent avec un capital de 10 000 $ ou moins. Ces entreprises ne se développent en général pas. Elles restent très petites, avec de très petits revenus pour leur propriétaire. Ces femmes n'ont en général pas accès à Internet. Elles n'ont pas tendance à exploiter la technologie pour étendre leur réseau professionnel.

Que pouvons-nous faire pour que les femmes propriétaires de PME profitent de règles de jeu équitables? Comme vous le savez, la Banque de développement du Canada a un service spécial qui aide les femmes à établir des PME, à préparer des plans d'entreprise, à obtenir des prêts et à créer des réseaux. Ce n'est d'ailleurs pas la seule banque qui ait des programmes de ce genre.

• 0915

Pour les femmes, tant au Canada que dans le monde entier, le plus grand problème lors du lancement d'une entreprise est l'accès au crédit. Je sais que vous vous occupez de la question des PME et d'un projet de loi qui traite de ce sujet. J'espère que vous tiendrez compte, dans le cadre de vos travaux, des femmes qui lancent une entreprise avec un capital de 5 000 $ à 10 000 $, qu'elles ont souvent empruntés à un membre de la famille, parce que leur accès aux services traditionnels des banques et des sociétés de fiducie est très limité.

Les femmes ne développent pas leur entreprise parce qu'elles n'arrivent pas à profiter de la technologie. Nous avons VolNet, Rescol et l'Association canadienne des fournisseurs Internet. Comme vous le savez, l'ACFI étudie la différence dans l'accès à Internet entre les régions urbaines et rurales. Je tenais à vous signaler qu'il y a des disparités non seulement entre les régions urbaines et rurales, mais aussi entre les sexes sur le plan de l'accès à Internet.

Les femmes n'ont pas accès à Internet pour quelques raisons, la principale étant l'argent. Elles ne gagnent en général que la moitié du revenu des hommes du même secteur. En moyenne, une femme propriétaire de petite entreprise a un revenu net annuel d'environ 19 000 $. Voilà pourquoi il est très difficile pour elle de s'abonner à Internet et de s'en servir utilement. Ce n'est pas que les femmes manquent de compétences, c'est plutôt qu'elles manquent d'argent et que beaucoup d'entre elles manquent aussi de temps pour apprendre à mieux se servir des ressources d'Internet. Par conséquent, lorsque vous vous occuperez de l'ACFI—je sais que vous envisagez à cet égard une transition vers les régions urbaines—, vous voudrez peut-être songer à obtenir des données assez désagrégées pour déterminer la différence entre les utilisateurs des deux sexes.

Nous savons en outre que les femmes ne font pas le même genre de publicité pour leur entreprise que les hommes. Cela ressort d'une série d'études que nous avons réalisées. Elles ne font pas de la publicité sur grande échelle. Elles ont tendance à compter sur leur réseau de connaissances pour développer leur entreprise. Autrement dit, leur publicité consiste à parler de leur entreprise aux gens qu'elles connaissent. Si les femmes avaient un meilleur accès à Internet, elles pourraient apprendre à élargir leur publicité afin de développer leur entreprise. Voilà donc deux autres secteurs que vous pouvez peut-être explorer.

Au sujet de l'accès des femmes aux services bancaires et au crédit, l'Association des banquiers canadiens a réalisé une étude qui a montré que les demandes de prêts rejetées venaient en majorité de femmes. Ce n'est pas à cause de leur sexe que leurs demandes sont rejetées, c'est plutôt parce que les critères d'octroi d'un prêt sont «neutres» en ce qui concerne le sexe des demandeurs. Mais il arrive que cette neutralité ne suffise pas et qu'il faille considérer les obstacles particuliers qui existent. En effet, les femmes ne disposent pas des garanties et des nantissements dont on a en général besoin pour emprunter de l'argent. De plus, on demande souvent aux femmes de trouver un cosignataire ou d'avoir un mari, un conjoint ou une autre personne acceptant de garantir le prêt. Ce sont là des obstacles réels parce que certaines femmes célibataires qui souhaitent lancer une entreprise n'ont tout simplement pas accès à ce genre de prêts. Il est donc vraiment important que votre comité considère cette question d'égalité des sexes.

Les banques ont promis de produire des données détaillées permettant des analyses permanentes fondées sur le sexe, afin de suivre l'accès des femmes au crédit. Elles ne l'ont pas encore fait depuis qu'elles ont effectué cette unique étude dont j'ai parlé. Encore une fois, ce sont là des domaines dans lesquels je crois que votre comité pourrait avoir de l'influence.

La question du travail non rémunéré est aussi extrêmement importante. Au Canada, nous savons que les femmes travaillant à plein temps toute l'année gagnent environ 73 p. 100 du revenu des hommes ayant les mêmes conditions de travail. Il y a probablement de nombreuses raisons qui expliquent cet écart. Cependant, nous parlons de travailleurs à plein temps. Il ne s'agit pas de femmes qui font moins d'heures par semaine. La principale raison, c'est probablement que les femmes ont tendance à travailler dans des secteurs moins rémunérés que les hommes. Elles ont souvent des emplois dans le secteur des services et dans les industries de la santé, où on leur confie des tâches sans prestige. En fait, le recensement de 1996 a révélé pour la première fois que la profession de bonne d'enfants ou d'aide ménagère figurait parmi les dix principales professions féminines au Canada. Il s'agit évidemment d'emplois très mal rémunérés. C'est probablement l'une des raisons qui expliquent l'écart entre les gains masculins et féminins.

• 0920

Lorsqu'on compare tous les gains, à temps plein et partiel, pour ceux qui ont un emploi et ceux qui n'en ont pas, le revenu des femmes se situe quand même à 52 p. 100 du revenu des hommes. Les femmes ont donc beaucoup de rattrapage à faire.

Il y a un autre facteur. Je vais essayer d'être très prudente dans le choix de mes mots parce que si cette question n'est pas clairement comprise, les mesures que nous prendrons pour assurer aux femmes un meilleur accès au travail ne donneront aucun résultat. Le fait pour les femmes de porter les enfants, c'est-à- dire de mener une grossesse à terme, et d'être celles qui s'occupent le plus d'élever ces enfants crée des disparités qui les défavorisent. Nous savons quelles contraintes une femme doit subir. Le projet des indicateurs économiques d'égalité entre les sexes que nous avons réalisé avec les provinces et Statistique Canada et que j'ai mentionné plus tôt nous révèle qu'une femme ayant un enfant de six ans, qui a un emploi à plein temps et à plein salaire, travaille cinq semaines de plus par an qu'un homme ayant un enfant de six ans, qui a lui aussi un emploi à plein temps et à plein salaire. La différence représente le travail non rémunéré que la femme fait à la maison.

Ce facteur a de nombreuses répercussions. Comme je l'ai dit plus tôt, les femmes ne peuvent pas faire partie de la population active aussi régulièrement que les hommes. Il y a également les répercussions sur la formation. Nous avons constaté que les femmes qui travaillent dans le secteur privé et qui ont des enfants n'ont pas accès à la formation en cours d'emploi à cause des contraintes de temps. Ces femmes subissent un haut degré de stress. Elles ont peu de temps à consacrer à la formation, surtout si celle-ci se donne à l'extérieur de leur lieu de résidence ou encore après les heures de travail ou pendant le week-end. C'est un problème très réel pour les femmes qui ont des enfants, surtout si elles sont célibataires. Bien sûr, sans formation, elles ne peuvent pas grimper les échelons pour accéder à de meilleurs emplois, à de l'avancement et à une rémunération plus élevée.

Je crois que ce sont là les principaux sujets auxquels vous devriez vous intéresser. À cause des enfants, les femmes souffrent davantage de stress et n'ont pas accès à une bonne formation. On peut en fait envisager de nombreuses solutions. Le téléenseignement, par exemple, pourrait faciliter la formation. Grâce à cet outil, beaucoup de femmes pourraient recevoir de la formation, accroître leurs compétences et même obtenir des diplômes en étudiant chez elles.

Vous pouvez examiner les modalités d'exploitation de cet outil puisque la technologie et toute l'autoroute de l'information font partie de votre mandat. La question est de déterminer comment amener les femmes à profiter davantage de la technologie pour apprendre.

Deuxièmement, comment pouvons-nous assimiler le téléenseignement à une formation réelle, même s'il a lieu à la maison, afin de bénéficier des avantages fiscaux et d'autres avantages? Il y a, je le répète, tout un ensemble de questions reliées à l'accès à l'enseignement. Il ne suffit pas d'établir des programmes, puis de dire aux femmes qu'elles n'ont qu'à venir en profiter, parce que nous savons qu'elles n'ont pas toujours les moyens de le faire.

Nous savons par ailleurs que les femmes constituent une puissance économique croissante. Je viens de vous dire qu'il y en a de plus en plus qui dirigent de petites entreprises. Toutefois, je voudrais vous mentionner quelques chiffres que vous ne connaissez peut-être pas. Aujourd'hui, 75 p. 100 des nouveaux emplois se situent dans le secteur du travail autonome. Les femmes lancent deux fois plus d'entreprises que les hommes et, ce faisant, elles créent quatre fois plus d'emplois. Par conséquent, dans ce rôle de propriétaires de petites entreprises, elles ont non seulement un revenu stable, mais aussi des conditions de travail flexibles et contribuent en fait à la création d'emplois d'une façon absolument remarquable. La Banque de Montréal révèle, par exemple, dans son étude Mythes et réalités, que les femmes ont créé l'année dernière 1,7 million d'emplois, soit plus que les 100 plus grandes sociétés du Canada.

Voilà une autre raison pour laquelle nous devons veiller à ce que les femmes aient un meilleur accès au travail et à la formation. Pourtant, si nous considérons le secteur des sciences et de la technologie, auquel vous vous intéressez également, nous constatons aussi des lacunes. Nous savons que les femmes sont aujourd'hui beaucoup plus nombreuses à aller à l'université que par le passé. Elles forment 55 p. 100 des diplômés des écoles de droit, elles vont dans les écoles de médecine, elles deviennent enseignantes au secondaire. Toutefois, il n'y en a que 18 p. 100 qui s'orientent vers les carrières les plus prometteuses du prochain siècle, c'est-à-dire dans les domaines de l'informatique, des sciences et du génie. Ces secteurs ne comptent que 18 p. 100 de femmes. Pourquoi? Industrie Canada s'occupe des nouveaux centres d'excellence qui, sous la direction de Monique Frize que vous connaissez sans doute, aident les femmes à entrer dans ces secteurs.

• 0925

Il est important de déterminer pourquoi les femmes ne s'orientent pas vers ces secteurs d'avenir et ce que nous pouvons faire pour les inciter à s'y intéresser.

Nous savons également que les travailleuses autonomes sont concentrées dans le secteur des micro-entreprises. Si nous parlons de développer le commerce au Canada, nous devons songer sérieusement aux moyens d'aider les femmes à développer leurs opérations à l'étranger pour que le Canada puisse devenir compétitif sur les marchés mondiaux. Cela n'est pas facile. Nous savons en outre que beaucoup des femmes qui participent à des missions commerciales à l'heure actuelle se recrutent parmi les rares qui possèdent des entreprises de taille moyenne. En effet, la majorité des femmes sont concentrées dans le secteur des très petites entreprises. C'est encore une autre question que vous pouvez sans doute étudier.

Je voulais mentionner, en passant, que nous avons récemment assisté à la rencontre économique des pays de l'Asie et du Pacifique, qui s'est tenue à Manille. C'était la première fois que les ministres responsables de l'égalité des femmes se sont rencontrés dans le cadre d'une conférence Asie-Pacifique. Le Canada a déployé de grands efforts pour favoriser la tenue de cette réunion, de même que les Philippines.

Au cours de cette conférence, nos discussions ont porté sur quatre grands thèmes. Le premier était le suivant: comment veiller à ce que les questions sociales et économiques soient examinées simultanément dans les économies de l'Asie et du Pacifique? Comment faire pour convaincre les gouvernements qu'en s'occupant du perfectionnement professionnel des 51 p. 100 de la population active dont ils ne s'occupent pas actuellement, ils pourraient contribuer à rendre leur économie plus compétitive, à accroître leur capacité de production et leur productivité? Que faut-il faire pour que les pays comprennent qu'en ne favorisant pas les femmes, c'est-à-dire en ne facilitant pas l'accès au travail de 51 p. 100 de la population, surtout dans les situations de crise que vivent aujourd'hui les économies de l'Asie et du Pacifique, ils continuent à gaspiller des ressources parce que ces femmes tendent à être les plus pauvres dans la plupart des sociétés? Comment inciter les femmes à s'intéresser aux sciences et à la technologie, non seulement pour faire carrière en génie et en informatique, mais aussi pour se lancer sur les marchés d'exportation et contribuer à la constitution d'un bloc commercial et d'un mouvement commun d'expansion du commerce? Troisièmement, comment aider les femmes à participer davantage aux processus décisionnels et à développer leurs PME au point d'influer sur les économies de l'Asie et du Pacifique?

Les participants se sont entendus sur quatre points, auxquels vous devriez peut-être réfléchir.

Pour comprendre les problèmes auxquels sont confrontés les femmes et les hommes aux chapitres de l'accès au travail, de l'accès à la technologie et de l'expansion du commerce, on a besoin d'information. L'information constitue la clé. Et nous ne pouvons disposer de cette information que si toutes les données sont ventilées selon le sexe. Autrement dit, il faut pouvoir déterminer comment chaque chose influe sur les hommes et sur les femmes et dans quel pourcentage.

Je vous demanderais également d'envisager la question de la diversité, parce que nous savons que, dans le monde du travail, les Autochtones ont le plus fort taux de chômage du pays, suivis par les jeunes Noirs. De plus, les immigrants, à cause des obstacles linguistiques, ont de la difficulté à accéder à ce nouveau monde virtuel que représente Internet.

Quand nous parlons de Rescol, de VolNet et de l'ACFI, nous devons tenir compte des considérations linguistiques. Je crois que si nous pouvions disposer de données très détaillées, il nous serait possible d'analyser nos politiques. Votre comité pourrait alors proposer des politiques et formuler des recommandations très précises, tenant compte des disparités, plutôt que des politiques générales s'appliquant à tout le monde. Et vous pourriez aussi étudier les causes.

À Condition féminine Canada, nous faisons beaucoup de travaux, beaucoup de recherches, non seulement avec Statistique Canada, mais aussi avec nos collègues. Nous avons des représentants dans un certain nombre de groupes de travail auxquels participe également Industrie Canada. Nous examinons certaines de ces questions pour essayer d'obtenir cette information et d'analyser les données afin d'en arriver à redresser toute cette situation.

Bref, il est très important, lorsque vous envisagez des recommandations relatives aux politiques ou que vous étudiez des projets de loi concernant les petites entreprises, d'obtenir des données désagrégées et de les examiner soigneusement.

• 0930

Nous serions heureux de partager avec vous toute l'information que nous avons, mais il serait peut-être également très important pour vous, quand vous rencontrez des propriétaires de PME, de ne pas perdre de vue les micro-entreprises, dans lesquelles les femmes tendent à se concentrer au Canada, afin d'obtenir leur point de vue sur les autres mesures qu'il conviendrait de prendre.

Voilà donc les questions dont je voulais vous entretenir. J'aimerais pouvoir vous aider à nous aider, à comprendre comment il serait possible de tirer parti de tout notre potentiel de ressources humaines. Quand les femmes travaillent, quand elles sont financièrement autonomes, quand elles peuvent contribuer, elles deviennent alors des intervenantes positives dans tous les domaines imaginables de notre société, ce qui nous aide à progresser et à devenir plus compétitifs.

D'autres pays du monde ont commencé à le faire. C'est le cas des économies de l'Asie et du Pacifique. J'espère donc que ce comité, dans toutes ses délibérations futures, se souviendra toujours que les femmes ont besoin de changements très particuliers dans quatre grands domaines pour pouvoir contribuer à la société.

Merci beaucoup. Je serais maintenant heureuse de répondre aux questions.

La présidente: Merci beaucoup, madame Fry.

Nous avons effectivement un certain nombre de questions à vous poser. Nous commencerons avec M. Pankiw.

M. Jim Pankiw (Saskatoon—Humboldt, Réf.): Merci.

Vous dites que nous devons examiner des données désagrégées et éviter les politiques générales qui s'appliquent tout le monde. Cette façon de voir les choses me dérange beaucoup parce que si nous ne traitons pas les gens également, par définition, nous agissons d'une manière discriminatoire.

Mme Hedy Fry: Vous me demandez de répondre à cette observation?

M. Jim Pankiw: Oui.

Mme Hedy Fry: Je ne crois pas qu'égalité soit synonyme d'uniformité. L'égalité, c'est de reconnaître que, dans la société, nous devons faire face à des obstacles différents dans nos efforts de participation sur les plans économique, social, politique ou culturel.

Je vais vous donner un exemple un peu simpliste. Nous sommes ici au cinquième étage. Supposons que vous soyez en train de distribuer des lingots d'or, à raison d'un lingot par personne qui se présente entre 17 heures et 18 heures. Si je me déplace en fauteuil roulant et que vous n'ayez pas pris de mesures particulières pour que j'aie accès à un ascenseur, que la porte de cet ascenseur soit assez large pour laisser passer mon fauteuil et qu'il y ait une rampe qui me permette d'entrer, je n'aurai pas bénéficié d'une chance égale, quoi que vous disiez, même si vous affirmez que vous avez laissé les portes grandes ouvertes pour laisser passer quiconque souhaite venir.

Par conséquent, il est très important de comprendre que si quelqu'un doit, par exemple, surmonter un obstacle linguistique, comme dans le cas d'un immigrant qui vient d'arriver et qui ne parle pas très bien la langue du pays, il convient de l'aider à acquérir les aptitudes linguistiques nécessaires. En effet, nous n'acceptons pas les immigrants seulement à cause de leurs compétences linguistiques, nous nous intéressons également à d'autres compétences. Au Canada, nous avons constaté certaines pénuries de main-d'oeuvre qualifiée. Nous manquons de travailleurs spécialisés en technologie. Nous nous intéressons donc aux immigrants venant de l'Asie du Sud, où le nombre de travailleurs qualifiés est très élevé. Nous en avons besoin au Canada.

Si nous acceptons des immigrants venant de régions telles que l'Asie du Sud, où l'anglais et le français ne sont pas les principales langues de communication, il nous faut considérer ce facteur. Il y a là des gens ayant les compétences dont nous avons besoin pour être compétitifs, mais nous ne devrons pas oublier, à leur arrivée, qu'ils auront besoin d'aide pour apprendre la langue. Ce n'est pas une aide que nous accorderons à ceux qui parlent déjà l'anglais ou le français, puisqu'ils ont déjà les connaissances linguistiques nécessaires.

Si on vit dans une région rurale, il y a la question de l'accès à Internet. Les gens qui vivent en milieu rural au Canada sont si loin des centres de population qu'ils n'ont probablement pas accès à des ordinateurs et n'ont pas la possibilité de se brancher sur Internet aussi facilement que dans une région urbaine. Dans une ville, même si vous ne possédez pas un ordinateur, vous pourrez accéder à Internet dans un bar ou dans une bibliothèque.

Nous reconnaissons déjà cette situation dans certains des projets que nous réalisons à Industrie Canada. Nous reconnaissons les différences entre régions rurales et urbaines, nous reconnaissons toutes sortes de différences dans tout ce que nous faisons.

Je crois qu'il faut simplement essayer d'en faire toujours un peu plus, de façon à rendre les règles du jeu plus uniformes et que chacun ait la possibilité et l'occasion de réaliser son potentiel, quel qu'il soit.

M. Jim Pankiw: Je suis bien d'accord avec vous pour cet exemple du fauteuil roulant, mais il s'agit là d'offrir des chances égales. Pourtant, j'ai l'impression que vous vous intéressez surtout à l'égalité des résultats. Dans la plus grande partie de votre argumentation, vous avez fait des comparaisons concernant le travail et le revenu des femmes. Vous ne parlez pas d'égalité d'accès ni de la nécessité de donner aux gens des chances égales de participer, vous parlez plutôt des résultats. Je ne trouve aucun intérêt à cela.

• 0935

Pour reprendre votre exemple d'Internet, il serait très utile de permettre aux habitants du Canada rural d'avoir un accès égal ou des chances égales. Mais pourquoi faudrait-il entreprendre une étude pour déterminer s'il existe des différences entre Blancs et Noirs, ou entre hommes et femmes... Si tout le monde a les même chances, cela devrait s'arrêter là. Toute ressource dépensée pour aller au-delà serait du gaspillage, en ce qui me concerne. N'êtes- vous pas de cet avis?

Mme Hedy Fry: Non. À titre de médecin, je considère que les résultats sont très importants. Si j'ai 25 patients qui souffrent d'une maladie particulière et que je constate que certains d'entre eux se portent mieux que les autres, je vais sûrement m'intéresser à ce résultat. Si certains patients réagissent mieux que d'autres, je voudrais savoir pourquoi, parce que cela m'aiderait à administrer aux autres un traitement différent. Ensuite, chaque fois que je verrais un patient atteint de la même maladie, je saurais quoi faire. Par conséquent, je reprendrais les dossiers de ces 25 personnes et je remonterai dans le temps pour trouver les facteurs qui ont influé, positivement ou négativement, sur le résultat. Ce sont des données épidémiologiques très simples qu'on recueille souvent pour être en mesure de formuler de bonnes politiques ou de bons jugements cliniques. Beaucoup d'autres facteurs dépendent de cela.

Si vous remarquez qu'une région particulière compte 20 p. 100 de Noirs et 10 p. 100 d'Autochtones, cela fait 30 p. 100 de la population. Si, par ailleurs, vous ne voyez ni des Noirs ni des Autochtones aux endroits où vous allez faire vos achats, à la banque ou parmi les agents de police, ne vous poseriez-vous pas des questions? Ne vous demanderiez-vous pas pourquoi ils ne sont pas là? Cela reflète-t-il un problème?

C'est comme la personne en fauteuil roulant. Si, après avoir distribué vos lingots d'or, vous trouvez en bas, devant l'escalier ou l'ascenseur, sept personnes en fauteuil roulant qui vous demandent: «Avez-vous donné tous vos lingots d'or?», et que vous répondiez: «Oui, pourquoi n'êtes-vous pas venus, il y en avait beaucoup», ces personnes vous diront: «Nous n'avons pas pu venir, nous ne pouvions pas monter.» Vous comprendrez alors que, la prochaine fois, vous devrez vous organiser autrement pour leur assurer l'accès, parce qu'il y avait un obstacle qui les empêchait de venir.

Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles les gens n'ont pas d'accès. Il ne s'agit pas seulement des distances, qui sont pourtant très grandes dans notre pays. Nous savons que la langue, la race, les stéréotypes et la discrimination constituent aussi des obstacles. Il est important d'en tenir compte. Mais nous ne saurons pas vraiment ce qui se passe à moins de considérer les résultats. Ce sont les résultats qui peuvent nous dire si notre façon de procéder est efficace ou non, ou si elle est efficace pour certains, mais pas pour tout le monde. Nous pouvons alors revenir en arrière, trouver la piste et déterminer comment assurer à chacun des occasions égales.

M. Jim Pankiw: Très bien. Nous ne faisons que tourner en rond. Je vais donc vous poser une question différente.

Je viens de lire le texte que vous avez distribué. Vous n'en avez pas vraiment parlé, ou peut-être juste en passant. Il s'agit du travail non rémunéré.

Mme Hedy Fry: Oui.

M. Jim Pankiw: Je suppose que vous savez ce que je veux dire quand je parle de discrimination dans le régime fiscal contre les familles dans lesquelles l'un des parents reste à la maison pour élever les enfants, au lieu d'aller travailler à l'extérieur. Je ne crois pas avoir besoin de vous donner d'autres explications. Vous savez ce que je veux dire, n'est-ce pas?

Mme Hedy Fry: Je le sais, bien sûr. Vous dites qu'il y a peut-être un groupe de parents qui n'a pas le même accès à son revenu que les autres. Vous avez tout à fait raison. Nous devons examiner ces disparités parce qu'il y a effectivement de la discrimination, qu'elle soit délibérée ou non. Il y a de la discrimination parce que les gens vivent des situations différentes. Vous avez raison. Voilà pourquoi nous disons que le travail non rémunéré constitue une question importante.

Le Canada est un chef de file mondial dans le domaine de l'information sur le travail non rémunéré. Nous savons que ce travail vaut actuellement 17 000 milliards de dollars dans le monde. Ce sont là des statistiques des Nations Unies. Nous savons que ce travail est fait en majorité par des femmes et qu'il représente en gros 42 p. 100 du produit intérieur brut au Canada. Aujourd'hui, pour subvenir aux besoins de la famille, les deux parents ont besoin d'aller travailler à l'extérieur. Toutefois, nous découvrons qu'à cause du travail non rémunéré que les femmes faisaient lorsqu'elles restaient à la maison—en s'occupant des membres âgés de la famille, des enfants, de personnes souffrant de maladies chroniques—, cette situation a créé un vide qui exerce de fortes pressions sur notre système de soins de santé et qui impose au gouvernement de trouver de l'argent pour financer les nouveaux besoins qui se manifestent.

• 0940

Il faut donc évaluer le travail que nous avons pris l'habitude d'obtenir gratuitement pendant si longtemps. Je suis heureuse que vous ayez soulevé cette question. Je suis heureuse de constater que vous comprenez comment les stéréotypes et la discrimination peuvent modifier le degré d'accès de différentes personnes.

M. Jim Pankiw: Vous dites que le gouvernement doit trouver l'argent pour financer ces besoins. À mon avis, ce n'est pas du tout nécessaire, il suffirait de mettre un terme à la discrimination.

Pour moi, il n'y a aucune différence si c'est l'homme ou la femme qui choisit de rester à la maison pour s'occuper des enfants. L'important, c'est que le gouvernement traite injustement ces familles dans sa politique fiscale. À mon avis, au lieu de trouver de l'argent pour parer aux problèmes que cette situation engendre, le gouvernement n'a qu'à mettre un terme au problème en faisant cesser la discrimination qui s'exerce contre les familles qui ont un seul revenu.

Mme Hedy Fry: Si vous pensez qu'il y a de la discrimination contre les familles qui ont un seul revenu—je pourrais vous montrer des statistiques prouvant qu'il y a de la discrimination ou qu'il n'y en a pas—, votre argument est très valide. Vous dites essentiellement qu'il nous faut revenir en arrière et prendre des mesures ou formuler de bonnes politiques pour faire cesser les pratiques discriminatoires. Je suis parfaitement d'accord.

Toutefois, quand j'ai dit que le gouvernement doit trouver des ressources, je ne parlais pas des personnes qui restent à la maison. Je disais que lorsque les femmes vont travailler à l'extérieur et cessent donc de donner les soins qu'elles avaient l'habitude de donner à la maison, leur décision se répercute indirectement sur le régime de santé. Au Canada, nous avons l'assurance-maladie. Il faut donc que tous les paliers de gouvernement viennent prendre la relève, remplir le vide et trouver un nombre suffisant de travailleurs de la santé pour remplacer le travail que les femmes faisaient auparavant.

Ce n'est pas là une chose simple et linéaire. Toute mesure que nous prenons se répercute sur tout ce que nous faisons d'autre. Nous devons considérer de nombreuses questions. Examinons par exemple le cas d'une femme qui reste à la maison pour s'occuper de son enfant pendant toute sa vie. Qu'elle ait choisi de le faire ou non, qu'elle ait préféré ou non de rester à la maison parce qu'elle n'avait pas les compétences nécessaires pour travailler, cela est sans conséquence.

L'important, c'est que, dans une telle situation, nous avons une personne qui, lorsqu'elle aura atteint 65 ou 70 ans, n'aura eu la possibilité de rien mettre de côté pour sa retraite, à moins qu'elle ne vienne d'une famille très riche. Ce sera une personne complètement dépendante, une fois à la retraite, parce qu'elle n'aura pas travaillé. Elle n'aura pas gagné de l'argent pour se constituer un REÉR et n'aura pas payé de cotisations au RPC. Elle n'aura donc rien. Que lui arriverait-il alors si son mari la quittait à 50 ans, sans que la famille ait beaucoup de ressources à partager? À 65 ans, elle resterait seule et pauvre, sans pension.

Vous avez parfaitement raison de dire que nous avons besoin de prendre des mesures pour que les femmes soient traitées d'une manière égale. Nous devons considérer des questions très particulières pour résoudre des problèmes très particuliers afin qu'en bout de ligne, les femmes soient traitées également.

La présidente: Merci, monsieur Pankiw.

Monsieur Peric.

M. Janko Peric (Cambridge, Lib.): Merci, madame la présidente.

Madame la ministre, vous avez mentionné que 45 p. 100 des Canadiens ne sont ni d'origine anglaise ni d'origine française. Je fais partie de ces 45 p. 100. Je suis fier de mes racines et de ma culture, mais j'ai en même temps des difficultés.

Ma collectivité comprend différentes communautés multiculturelles—je déteste le mot «ethnique». Je les encourage à préserver leur culture, leurs traditions et même leur religion. En même temps, je voudrais qu'elles partagent certaines choses avec tous les autres Canadiens.

Toutefois, comme vous le savez et comme cela se produit dans beaucoup d'autres collectivités du Canada, les communautés multiculturelles s'enferment dans leurs propres ghettos. C'est un problème des Néo-Canadiens. Il y a ou, du moins, il y avait l'obstacle linguistique, mais la première génération est très différente.

Aujourd'hui, la politique d'immigration est différente de ce qu'elle était il y a quatre ou cinq ans. Il est nécessaire, pour être admis au Canada, de connaître l'une des deux langues officielles. Comment encourageriez-vous les immigrants de cultures différentes à s'intégrer totalement dans la société canadienne sans perdre leurs propres valeurs?

Mme Hedy Fry: Vous me demandez en fait de décrire l'objet des programmes de multiculturalisme.

• 0945

Le développement de l'esprit civique est l'un des trois objectifs des programmes de multiculturalisme. Il s'agit de reconnaître que la citoyenneté donne des droits, mais aussi des responsabilités. L'une des plus importantes responsabilités d'un citoyen est de participer pleinement à la vie sociale, économique, politique et culturelle du pays. Nous savons qu'il y a des obstacles à cette participation. Le multiculturalisme permet d'abattre certains des obstacles dont vous avez parlé, comme les obstacles linguistiques et d'autres. Nous aidons les collectivités, les institutions, les services de police, les écoles, etc., à faciliter l'intégration dans le cadre des projets de développement communautaire que nous réalisons. C'est l'un des moyens auxquels nous avons recours.

Votre argument est très clair: il est très important de préserver la culture. C'est d'ailleurs là le principal objectif du multiculturalisme. Nous recherchons l'intégration, pas l'assimilation.

Aux États-Unis, ils ont choisi l'assimilation. En d'autres termes, pour être Américain, il faut renoncer à tout le reste.

Au Canada, nous croyons qu'on peut être à la fois Canadien et autre chose. Nous admettons les différences linguistiques, culturelles et toutes sortes d'autres différences, pourvu qu'on soit Canadien, c'est-à-dire qu'on adopte un certain ensemble de valeurs et qu'on croie à la règle du droit, etc. C'est ce que les programmes de multiculturalisme visent.

Il y a un autre facteur vraiment très important dont nous avons pris conscience en examinant les facteurs qui influent sur le commerce, ce qui, soit dit en passant, nous ramène à l'un des plus importants sujets auxquels votre comité s'intéresse. Il y a deux ans et demi, le Conference Board du Canada a étudié les obstacles au commerce dans une économie mondiale et a constaté que les plus grandes barrières sont dues à la compréhension de la langue, de la culture et des marchés des pays avec lesquels on veut développer les échanges commerciaux.

L'étude du Conference Board a également révélé que, grâce à la politique de multiculturalisme du Canada, nous avons des Canadiens qui vivent dans le pays depuis deux, trois ou cinq générations, qui respectent la règle canadienne du droit, qui ont adopté les valeurs canadiennes, qui connaissent les usages et les pratiques d'affaires du Canada et qui, en même temps, même si leurs ancêtres sont arrivés ici il y a cinq générations, comprennent la langue, la culture et les marchés de leur pays d'origine. C'est là un avantage dont le Canada n'a pas encore pleinement tiré parti.

Nous sommes le seul pays du monde, à part l'Australie qui a probablement les mêmes avantages, à pouvoir profiter d'une situation de ce genre. Nous avons ainsi non seulement d'importants avantages commerciaux, mais aussi la possibilité de créer de nouveaux marchés intérieurs. Les marchés canadiens ne sont plus homogènes. Nous avons de toutes nouvelles gammes de produits culturels, d'aliments ethniques, etc., que nous pouvons développer au Canada et peut-être même—c'est assez drôle à dire—exporter à d'autres pays du monde. Il nous faut développer ces marchés et consolider ces avantages. C'est très important.

Enfin, nous avons récemment appris aux rencontres de l'UNESCO que la plupart des pays sont profondément inquiets parce qu'ils ne veulent pas risquer l'assimilation en adoptant une nouvelle culture mondiale homogène, qui découlerait de la mondialisation, de l'expansion du commerce, de la disparition des frontières et du libre déplacement des gens, aboutissant à la création d'un véritable village mondial. La plupart des pays veulent préserver leur identité et leur culture.

Prenons l'exemple de la Hongrie, qui célèbre cette année le millénaire de la fondation de l'État magyar. Les Hongrois sont fiers de ce qu'ils sont. En même temps, ils veulent faire partie du village mondial. Ils veulent avoir l'assurance qu'ils ne perdront pas l'essence de ce qu'ils sont, leur identité et celle de leurs enfants, comme peuple. Les Hongrois se tournent vers le Canada, parce que nous sommes déjà passés par là. Ils croient que nous avons réussi à créer une nation mondiale dans laquelle les gens ont pu conserver leurs différences culturelles d'une manière qui profite au pays tout en préservant leur propre identité.

M. Janko Peric: Madame la ministre, vous n'avez pas clairement répondu à ma question.

J'aurais voulu éviter de mentionner les membres de ce groupe qui, dans leurs temples, font asseoir les hommes d'un côté et les femmes de l'autre, ce groupe dont les hommes marchent à trois pas devant leur femme. Que devons-nous faire? Le multiculturalisme ne fonctionne pas vraiment dans ce cas.

• 0950

Nous pouvons dépenser des millions et des millions de dollars sans arriver à changer la mentalité et la culture, ce à quoi je m'opposerais d'ailleurs. Nous essayons de changer ces gens et de les intégrer, mais ils s'y refusent. Avez-vous une solution? Sont- ils des membres égaux de notre société? Je ne le crois pas. Nous sommes en train de faire la promotion de l'égalité à l'étranger, mais c'est chez nous que nous avons des problèmes, des problèmes attribuables aux différences culturelles.

Mme Hedy Fry: Janko, je ne comprends pas votre question, je ne la comprends pas du tout. Vous me demandez comment favoriser l'intégration des gens tout en leur permettant de conserver leur identité culturelle. C'est bien votre question?

M. Janko Peric: Oui, vous dites que nous encourageons...

Mme Hedy Fry: Mais bien sûr que nous le faisons...

M. Janko Peric: Mais ça ne marche pas.

Mme Hedy Fry: Mais je suis convaincue que ça marche. Il y a, par exemple, Will Kymlicka, professeur à l'Université d'Ottawa, qui vient juste de mettre au point une série d'indicateurs...

M. Janko Peric: Pourquoi alors avons-nous des problèmes à Vancouver? Si ça marche, pourquoi y a-t-il des gens qui s'entre- tuent?

Mme Hedy Fry: Parce que nous n'avons pas encore atteint la perfection. Nous devons poursuivre nos efforts jusqu'à ce que nous ayons réalisé tout ce que nous recherchons. Nous sommes en train de faire les changements nécessaires. Par exemple, si nous voulons parler d'intégration parmi les décideurs du pays, rappelons-nous que les Canadiens ont élu à la Chambre des communes 18 p. 100 de députés qui sont des immigrants de la première génération, alors que, dans notre société, ces immigrants ne représentent que 12 p. 100 de la population. Par conséquent, nous avons réalisé l'intégration au niveau le plus élevé du gouvernement, et nettement au-delà de la représentation démographique.

Nous avons fait des changements, nous avons fait évoluer les choses, et je suis venue vous parler de ce que nous devrions faire pour poursuivre ces efforts. Les programmes de multiculturalisme ne suffisent pas. Il faut que toutes les politiques prévoient de recueillir une information suffisamment désagrégée pour adapter nos moyens d'action à la diversité.

La présidente: Merci, monsieur Peric.

M. Janko Peric: Je reviendrai sur cette question.

La présidente: Madame Lalonde, s'il vous plaît.

[Français]

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Bonjour, madame Fry. D'une part, je vous félicite et, d'autre part, je suis inquiète face à vos priorités en matière de politique.

D'abord, j'ai été heureuse de vous entendre décrire la situation des femmes, l'extrême lenteur des progrès—quand on peut observer des progrès—, ce nouveau contexte qu'on appelle «la nouvelle économie» et les défis nouveaux que cette dernière pose pour les femmes.

Je me suis cependant demandé si vous ne regrettiez pas que le Conseil consultatif canadien sur le statut de la femme ait été aboli. Vous venez nous dire ici, au comité, qu'il faut changer des choses. Or, vous savez qu'à l'intérieur d'un gouvernement, il est extrêmement difficile d'agir; c'est également le cas à l'intérieur d'un comité.

Je prendrai l'exemple de la plus grande difficulté qu'ont les femmes à avoir accès au crédit. Les banques disent que tel n'est pas le cas; elles le nient. Je me suis appuyée sur l'enquête faite par la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante et je me suis fait répondre dans leur sondage que cela n'existait pas, qu'on ne faisait aucune discrimination au niveau de l'accès au crédit des femmes.

Je reviens donc à mon principe fondamental: pour faire bouger les choses, il faut que les femmes soient organisées. Or, les groupes de femmes se sont coalisés partout au Canada pour avoir davantage de financement. Ce sont elles qui doivent dénoncer les situations inéquitables et faire en sorte que vous, les femmes du côté du pouvoir, puissiez faire bouger un peu les choses. C'est pour cette raison que je regrette infiniment qu'on ait aboli le Conseil consultatif canadien sur la situation la femme. C'était une voix de plus, et parfois une voix qui essayait de pondérer les choses, qui pouvait pousser sur les machines.

• 0955

On sait que la bureaucratie est importante. Je ne sais pas si vous avez cité des chiffres, mais je suis certaine que notre bureaucratie est comme toutes les autres au monde: les femmes y sont minoritaires, et même très minoritaires. La même chose est vraie au sein des partis politiques, au sein du gouvernement et au sein du Cabinet. Dans de telles conditions, il est extrêmement difficile de faire bouger les choses. J'aimerais d'abord entendre vos commentaires à ce sujet.

D'autre part, je dois avouer que je ne comprends pas très bien vos priorités et qu'il y en a même certaines dont je conteste l'énoncé. Si j'ai du temps, j'y reviendrai. J'aimerais que vous commentiez le premier cri de mon coeur.

[Traduction]

Mme Hedy Fry: Votre question comportait deux éléments.

Au sujet de l'abolition du Conseil consultatif sur le statut de la femme, il s'agissait d'une décision qui a été prise à un moment où il fallait que le gouvernement rapetisse, parce que nous devions nous débarrasser d'un déficit de 42 milliards de dollars. Le gouvernement avait donc examiné beaucoup de structures qui se chevauchaient.

Il avait alors constaté que l'aspect le plus important du travail du Conseil consultatif était celui de la recherche. Nous avons donc créé un organisme indépendant très semblable à la composante recherche du Conseil. Ce groupe de personnes qui fait ou accepte la recherche se compose de femmes de la collectivité choisies par des femmes membres de la communauté de la recherche. Il étudie les demandes ou les projets de recherche, détermine leur valeur et décide de les financer ou non. Tout cela se fait indépendamment de nous. En même temps, on n'a pas jugé utile de maintenir une autre structure...

La question du financement des groupes et des programmes féminins revêt une très grande importance. C'est un aspect différent. Le Canada est l'un des rares pays du monde qui finance les ONG comme nous le faisons. Beaucoup de pays nous prennent pour modèle ou étudient ce que nous avons fait dans ce domaine.

Mais je conviens avec vous qu'on ne peut pas faire grand-chose si on n'a pas suffisamment de fonds. Comme vous le savez, il y a un groupe féminin qui porte le nom de Fair Share Campaign, composé des chefs d'un grand nombre de différentes ONG. Bien sûr, j'appuie ses efforts tendant à obtenir plus de fonds de Condition féminine Canada, afin de donner aux ONG la possibilité de faire du développement communautaire, de s'occuper des systèmes de soutien, de réaliser des recherches et d'habiliter les femmes partout dans le pays. J'appuie ce mouvement.

La présidente: Madame Lalonde, je vais devoir passer à M. Lastewka.

Je voudrais demander à chacun d'essayer de raccourcir les questions et les réponses. La séance de la Chambre va commencer et nous nous attendons à un vote. Dès que le vote commencera, nous devrons mettre fin à notre réunion.

Monsieur Lastewka, s'il vous plaît.

M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.): Merci, madame la présidente. Je vais tout de suite entrer dans le vif du sujet.

Madame la ministre, je vois, à la page 9 de la documentation que vous avez distribuée, que «les femmes ne représentent que 28 p. 100 des étudiants universitaires inscrits en mathématiques et en sciences physiques et 18 p. 100 de ceux inscrits en génie et en sciences appliquées».

Dans mes fonctions antérieures, je me suis beaucoup occupé de l'établissement de groupes consultatifs dans de grandes sociétés pour essayer d'agir au niveau des écoles, des collèges et des universités, afin d'améliorer cette situation. Malheureusement, au cours des 10 dernières années, les pourcentages n'ont pas beaucoup changé. Si je m'en souviens correctement, le chiffre était de 14 p. 100 en 1993. Nous avons donc eu une progression de 4 p. 100 en cinq ans.

Pourquoi notre action n'est-elle pas efficace et que pouvons- nous faire pour l'améliorer? J'ai deux filles, qui sont toutes deux en génie. Je n'arrive pas à imaginer ce que nous avons besoin de faire pour augmenter ces pourcentages.

• 1000

Mme Hedy Fry: C'est une question très difficile. Nous croyons que l'une des principales raisons pour lesquelles les femmes ne sont pas plus nombreuses dans ces disciplines, c'est d'abord et avant tout parce que, pendant leurs années de secondaire, elles n'ont pas vraiment envisagé de faire carrière dans ces domaines. Il y a tous les vieux stéréotypes, toutes les idées transmises selon lesquels les filles ne sont pas très bonnes en sciences et en maths. Les gens croient également que les filles apprennent différemment des garçons et qu'il faut en tenir compte en établissant des modèles d'enseignement.

Il y a aussi un deuxième facteur. Nous croyons que les filles ont besoin de modèles féminins dans ces disciplines, ce qui nous ramène dans le cercle vicieux. À mesure qu'il y aura plus de femmes en sciences, beaucoup d'autres voudront sans doute les imiter. Je me souviens encore du temps où les femmes ne formaient que 10 p. 100 des médecins du pays. C'était en 1970. Les filles disaient toujours: «Je veux aller dans le domaine de la santé. Je serai infirmière.» Puis, à mesure qu'elles voyaient plus de femmes médecins, elles ont commencé à se dire: «Mais je peux moi aussi être médecin.» Je crois donc que la solution réside dans les modèles féminins, l'amélioration de l'accès à différents moyens d'apprentissage et la façon dont les universités cherchent à créer un environnement accueillant pour les femmes dans ces disciplines.

Industrie Canada a des politiques qui ont permis d'établir des réseaux de centres d'excellence pour les femmes en sciences et en technologie, sous la direction, comme je l'ai déjà dit, de Monique Frize. Le ministère travaille de concert avec les universités afin de déterminer pourquoi les femmes ne choisissent pas ces disciplines, ce qu'il convient de faire pour les inciter à le faire, comment les facultés peuvent rendre ces disciplines plus accessibles et comment elles peuvent toucher les jeunes dans les écoles secondaires pour les convaincre que ces domaines offrent aux femmes d'excellentes possibilités de carrière.

Il y a également la question, dont j'ai déjà parlé, de la possibilité pour des femmes, même très jeunes, d'accéder à la technologie, qui coûte cher de nos jours. Beaucoup de femmes qui lancent des entreprises, y compris des femmes jeunes, n'ont ni les moyens financiers nécessaires pour accéder à la technologie voulue ni le temps pour apprendre à le faire.

M. Walt Lastewka: Mais je sais que...

La présidente: Monsieur Lastewka, je m'excuse. Je dois suspendre la séance jusqu'à ce que nous ayons un député de l'opposition. Malheureusement, Mme Lalonde a jugé que je ne lui avais pas accordé assez de temps. Elle est donc partie en sachant pertinemment que son départ m'obligerait à suspendre la séance.

Je tiens à préciser pour le compte rendu, monsieur Pankiw, que vous avez eu 11 ou 12 minutes, que M. Peric en a eu 8 et que Mme Lalonde a également eu 8 minutes. J'essayais d'accélérer les choses.

Je demande à la ministre de m'excuser. Le Parti réformiste fait de son mieux pour nous envoyer un député le plus tôt possible.

Nous avons une sonnerie de vote de 30 minutes. Nous aurions pu poursuivre jusqu'à environ 10 h 15. Malheureusement cependant, jusqu'à ce qu'un membre de l'opposition se joigne à nous...

M. Walt Lastewka: Nous pourrions poursuivre la discussion à titre non officiel. J'aimerais profiter de la présence de la ministre.

La présidente: Nous pouvons bien sûr continuer à huis clos pendant quelques minutes, si vous le souhaitez.

[Note de la rédaction: Les délibérations se poursuivent à huis clos]

• 1012

[Note de la rédaction: Les délibérations publiques reprennent]

La présidente: Madame la ministre, nous reprenons nos délibérations. Vous pouvez maintenant continuer à répondre à cette question.

Je voudrais remercier M. Duncan pour s'être joint à nous.

Mme Hedy Fry: Il y a des lignes directrices égales concernant le crédit. Voilà pourquoi, des critères égaux ne favorisent pas toujours l'égalité.

Malgré l'existence de lignes directrices égales concernant le crédit, une étude de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, intitulée Le sexisme financier: Les difficultés des femmes entrepreneurs à obtenir du financement, a révélé que les femmes propriétaires d'entreprises qui essaient d'obtenir un prêt ont 24 p. 100 de plus de chances de voir leur demande rejetée que leurs homologues masculins. De plus, si le prêt leur est accordé, elles paieront souvent, par rapport aux hommes, un taux d'intérêt supérieur de presque un point entier. Ce sont là deux faits importants mis en évidence par la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante.

Deuxièmement, l'Association des banquiers canadiens a elle- même fait certaines découvertes grâce à une étude réalisée en 1996. Elle a constaté que les demandes de crédit des petites entreprises appartenant exclusivement à des femmes avaient plus de chances d'être rejetées, mais que le sexe du propriétaire n'était pas en soi un facteur puisque les demandes sont évaluées en fonction de leur intérêt commercial, comme vous venez de le dire. L'écart entre hommes et femmes dans les taux d'approbation des demandes de prêts est relié à des caractéristiques commerciales, pas au sexe des demandeurs. De plus, l'étude a révélé que les entreprises appartenant exclusivement à des femmes étaient moins susceptibles de demander du financement que les entreprises appartenant à des hommes ou appartenant conjointement à des hommes et à des femmes.

Par suite de ce fait, l'Association a décidé de continuer à effectuer ce genre d'études, afin de déterminer pourquoi, en présence des mêmes critères, les femmes présentent moins de demandes et de connaître les motifs des conclusions auxquelles a abouti la Fédération de l'entreprise indépendante. Cela n'a pas été fait. L'Association des banquiers canadiens n'a réalisé que cette seule étude, elle n'a pas continué à recueillir les données qui lui auraient permis d'apporter les changements susceptibles d'aider les femmes.

Comme le gouvernement fédéral s'est donné un mandat de création d'emplois et de croissance, je crois qu'il est important pour nous d'examiner cette question.

La présidente: Madame Jennings.

Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): J'ai une courte question à poser. Vous avez dit qu'une partie du mandat de Condition féminine Canada consiste à analyser les projets de politiques et de mesures législatives du gouvernement sous l'angle de l'égalité des sexes. J'aimerais savoir si vous pouvez nous donner des exemples concrets d'analyses de ce genre qui ont été faites dans le passé. Quels en ont été les résultats et quelles répercussions ont-elles eues sur les projets de politiques ou de mesures législatives?

• 1015

Mme Hedy Fry: Je peux vous citer exemple du Régime de pensions du Canada. Lorsque que le gouvernement fédéral et les provinces ont examiné le Régime, il y a environ deux ans, en vue de le modifier, nos travaux ont principalement établi qu'à cause des enfants, les femmes peuvent quitter et réintégrer la population active à plusieurs reprises, ce qui influe sur leur revenu de retraite. Le RPC est le seul régime qui ne fasse pas de discrimination contre les femmes, leur permettant de cotiser d'une façon régulière à leur régime de pension.

Ces dispositions du Régime permettant aux femmes de quitter la population active pour avoir et élever des enfants ont été maintenues. C'est l'un des résultats de l'analyse fondée sur le sexe que nous avons faite.

Deuxièmement, il y a toute la question des prestations au survivant. Ensuite, nous devons bientôt aborder la deuxième étape de la révision du RPC, dans le cadre de laquelle nous chercherons à développer davantage ces caractéristiques ou à déterminer si elles répondent encore aux exigences nécessaires. Nous procéderons à des analyses cet égard.

L'assurance-emploi est un autre exemple que je peux citer, quoique ce ne soit peut-être pas le meilleur que j'aurais pu choisir, puisque l'analyse ne s'est pas faite au début du processus de décision, mais peut-être au milieu. Nous savons que la majorité des femmes travaillent à temps partiel et ne peuvent jamais accumuler le nombre requis de semaines de travail pour obtenir les prestations du RPC et de l'assurance-emploi, les prestations de maternité ou les prestations parentales.

Par conséquent, en modifiant les délais de façon à les exprimer en heures, nous avons apporté un changement qui fait une grande différence. Même si vous devez attendre 800 heures, au bout de cette période, vous aurez accès aux prestations, ce qui aurait été impossible dans l'ancien système, même si vous aviez travaillé 50 000 heures pendant votre vie.

Je vais donner très rapidement un dernier exemple. Il s'agit de la reconnaissance du nombre de familles monoparentales qui existent, du fait que 80 p. 100 d'entre elles sont dirigées par des femmes et de l'obstacle très réel que représentent les enfants sous forme de contraintes de temps: je veux parler de la possibilité d'aller travailler à l'extérieur, de l'accès aux garderies, de la formation et d'autres choses de ce genre. Le dernier budget fédéral accordait des subventions pouvant atteindre 5 000 $ par an, par exemple, aux travailleurs à faible revenu ayant des personnes à charge pour obtenir de la formation ou faire des études. Cette disposition a profité aux 80 p. 100 de familles monoparentales dirigées par des femmes. De plus, il y avait toute la question de la déduction des frais de garderie lorsqu'on fait des études. Dans le passé, la déduction n'était permise que si on étudiait à plein temps. Aujourd'hui, elle est permise pour les études à temps partiel et les études secondaires. Le gouvernement a tenu compte de ce problème relié au sexe et l'a corrigé.

Il est donc clair qu'en disposant de l'information nécessaire, on trouve de nombreux moyen d'en tenir compte pour aboutir à de bonnes politiques.

La présidente: Merci.

M. Duncan a quelques questions à poser.

M. John Duncan (Île de Vancouver-Nord, Réf.): Comme vous le savez, je n'ai pas assisté à tout votre exposé, mais je crois comprendre le tableau d'ensemble.

J'ai une fille de 8 ans et un garçon de 11 ans et je vois ce qui se passe à l'école. Je vis dans une collectivité qui dépend plus ou moins de l'exploitation de ressources naturelles et j'ai l'impression que beaucoup des choses qui se produisent aujourd'hui dans la société vont, de bien des manières différentes, aider ma fille à mieux réussir que ce n'aurait été le cas dans une situation plus traditionnelle, simplement parce que la société évolue dans ce sens. Les facteurs que les femmes entrepreneurs trouvent attrayants—les petites entreprises, les nouvelles entreprises, le travail en collaboration plutôt que dans un environnement hautement concurrentiel—illustrent une évolution qui se manifeste partout dans le monde.

• 1020

Nous ne devrions peut-être pas nous inquiéter tant du fait que, dans certaines grandes sociétés, les femmes ne réussissent pas toujours à atteindre certains niveaux hiérarchiques. Je crois d'ailleurs que ces sociétés sont de moins en moins nombreuses, de sorte que le succès des femmes dans le monde des affaires se produit là où c'est vraiment le plus important. Sous plusieurs angles, nous pouvons être très satisfaits des progrès accomplis et de l'orientation que les événements ont prise.

J'ai trouvé intéressant l'un des faits que vous avez mentionnés. Vous avez dit que les femmes sont moins susceptibles de chercher à obtenir du financement que les hommes ou que les entreprises conjointement dirigées par des hommes et des femmes. Est-ce que ce phénomène a fait l'objet d'études? N'est-il pas possible que les femmes recourent moins au crédit tout simplement parce qu'elles sont meilleures en affaires? Les hommes, je crois, ont tendance à prendre plus de risques, en recherchant du crédit ou du financement, mais le risque n'est pas nécessairement un indicateur de succès. Je crains que vous ne déformiez un peu les faits en supposant, dans votre analyse, qu'un recours moindre au crédit constitue un facteur négatif. C'est peut-être un facteur très positif.

Mme Hedy Fry: Vos observations sont très intéressantes.

Vous avez tout d'abord dit que l'environnement est aujourd'hui meilleur pour votre fille que pour votre fils. Et, oui, nous pouvons être satisfaits des progrès accomplis. Beaucoup de femmes n'ont obtenu le droit de vote qu'assez tard au cours du siècle. Elles n'étaient pas autorisées à posséder des terres et, aujourd'hui même, certaines femmes ont beaucoup de difficulté à accéder aux entreprises familiales, surtout s'il s'agit d'exploitations agricoles. Dans certaines provinces, en effet, s'il y a un divorce, les femmes n'obtiennent souvent pas la moitié de l'entreprise, parce que celle-ci n'est pas considérée comme un bien familial.

Il reste encore beaucoup de chemin à faire. Les femmes ont réussi à avancer de quelques pas en un court laps de temps et, bien sûr, nous sommes heureuses des progrès accomplis et nous devrions célébrer les victoires remportées. En même temps, il reste encore des réalités très concrètes à affronter. Avant votre arrivée, nous disions que le monde du XXIe siècle accordera une extrême importance aux emplois en sciences, en technologie et en informatique. À l'université, les femmes ne représentent que 18 p. 100 de ceux qui étudient ces disciplines. Nous savons aussi, comme vous l'avez dit, que les femmes sont aujourd'hui deux fois plus nombreuses à lancer des entreprises que les hommes. Toutefois, elles ne gagnent que la moitié de ceux-ci dans le même genre d'entreprises. Comme vous l'avez dit très justement, c'est surtout parce que les femmes ne prennent pas en général autant de risques.

Les faits que j'ai cités ne sont pas de moi. Ils viennent d'études réalisées par l'Association des banquiers canadiens et la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, des études qui ont révélé des choses que nous devons essayer de changer.

Juste avant que vous ne posiez votre question, Mme Jennings disait qu'à son avis, l'une des raisons pour lesquelles les femmes ont de la difficulté à se faire financer par les banques est qu'elles s'occupent de domaines considérés très risqués, parce qu'il s'agit de connaissances ou de sciences qui ne sont pas reconnues. Il y a des femmes qui possèdent des talents que les autorités ne reconnaissent pas parce qu'ils n'ont pas été consignés dans des livres, comme l'art de préparer certains aliments, de fabriquer des produits curatifs ou de soigner certains malaises. Ce sont des connaissances et des talents que les femmes se transmettent de génération en génération, mais qu'on ne trouve pas dans les livres. Parmi les petites entreprises que les femmes veulent lancer, il y a des centres d'exercice, de petits établissements de chambres avec petit déjeuner, des centres de santé, des fabriques de biscuits ou encore de couches plus confortables ou plus durables. Il s'agit de choses que les femmes ont apprises en élevant leurs propres enfants ou qu'elles savent faire plus facilement que d'autres. Ce sont là des idées commerciales que les banques n'acceptent pas en général de financer. Je crois donc que l'une des raisons pour lesquelles les femmes ne s'adressent pas plus souvent aux banques, c'est que les banques leur ont trop souvent dit non.

• 1025

On constate que les femmes qui souhaitent ouvrir une entreprise commencent par économiser. Par conséquent, elles ne lancent pas nécessairement leur entreprise au moment où elles l'auraient vraiment voulu. Il leur arrive souvent aussi d'emprunter de l'argent à des membres de la famille. C'est ainsi qu'elles obtiennent leur capital, parce qu'elles ne peuvent pas y avoir accès autrement.

Depuis que le portefeuille du développement économique du gouvernement fédéral a commencé à créer des Centres de services pour les femmes entrepreneurs, de plus en plus de femmes ont un endroit auquel elles peuvent s'adresser pour apprendre à dresser un plan d'entreprise, obtenir un petit prêt et développer leur réseau de connaissances. La Banque de développement du Canada accorde également de plus en plus d'aide à ces femmes.

Le fait le plus important, je crois, est que la Banque de Montréal a récemment annoncé qu'elle commencerait à accorder du microcrédit aux femmes, parce que celles-ci ont tendance à lancer de très petites entreprises. Elles ne vont pas à la banque demande 40 000 $, elles ne demandent que 5 000 $ ou 10 000 $. Ce sont des montants que les banques refusent d'accorder à titre de prêts commerciaux.

M. John Duncan: J'ai une requête à présenter à la ministre. Vous avez mentionné la Banque fédérale de développement. Nous sommes au comité de l'industrie, dont le mandat s'étend à cette banque, n'est-ce pas?

Nous avons une succursale de la Banque fédérale de développement à St. John's, à Terre-Neuve. Cette succursale est en train d'emménager dans un grand immeuble de Water Street, Atlantic Place. C'est un emplacement de choix à St. John's. Et, pour que la succursale puisse emménager, on est en train d'expulser des gens qui étaient là depuis un certain temps. Il y a au moins trois boutiques dont on m'a parlé: un magasin Tip-Top Tailors, une agence de voyage et un opticien.

Ce dernier établissement, qui fait de bonnes affaires, appartient à une femme. Elle est là depuis longtemps. Elle n'a pas été consultée. Elle est en quelque sorte expulsée pour que la Banque fédérale de développement, qui est censée aider les petites entreprises, puisse emménager à sa place. En même temps, elle ne peut rompre son bail. Le seul choix qu'on lui laisse est d'emménager dans une autre partie de l'immeuble. Elle préférerait déménager pour aller s'établir sur l'avant d'un autre grand immeuble, ailleurs dans la ville, mais on ne lui permet pas de rompre son bail. Elle est donc obligée d'aller s'installer à l'arrière de l'immeuble, sans vue sur l'avant. Et tout cela, grâce à notre Banque fédérale de développement.

Pourriez-vous intervenir en faveur de cette femme? Ces événements ont troublé la communauté des petites entreprises de St. John's. Cela n'est pas très juste.

Mme Hedy Fry: Il m'est impossible de me prononcer sur un cas dont je ne sais rien. Il serait en fait présomptueux de ma part d'essayer de le faire. Toutefois, je peux vous parler de ce que fait la Banque de développement du Canada. En 1995, elle a aidé en particulier 25 p. 100 de femmes en leur donnant des conseils pour lancer leur entreprise et en leur accordant des prêts. Elle a organisé des colloques spéciaux pour les femmes, afin de leur apprendre à établir un bon plan d'entreprise et à leur montrer comment faire.

• 1030

En 1994, par exemple, beaucoup de femmes ont assisté à ces colloques. C'est la dernière année pour laquelle nous disposons de données, et nous savons que les nombres n'ont pas cessé d'augmenter.

À beaucoup d'endroits du Canada... Je sais, par exemple, qu'en Colombie-Britannique, il y a beaucoup de femmes qui ne peuvent pas obtenir les petits montants dont elles ont besoin pour lancer une petite entreprise, à cause des lignes directrices établies par les banques traditionnelles. Elles peuvent maintenant s'adresser aux Centres de services pour les femmes entrepreneurs, qui font partie du portefeuille du développement économique, afin d'obtenir les petits prêts et les conseils dont elles ont besoin pour démarrer. Ces centres font donc du bon travail.

Il est clair que je ne peux pas parler de la question que vous venez d'évoquer. Je ne connais pas les deux versions de l'affaire. Je ne peux que vous suggérer de prendre contact avec le ministre responsable. Si vous le souhaitez, je peux lui mentionner ce cas, mais je n'en connais pas du tout les détails. Je peux cependant lui signaler la chose.

La présidente: Merci, madame Fry. Merci, monsieur Duncan.

Monsieur Lastewka.

M. Walt Lastewka: Merci.

Pour poursuivre dans la même veine que la ministre, je dirais que les banques se montrent de plus en plus réceptives à l'idée des micro-prêts commerciaux pour les femmes, depuis la parution du rapport. Je m'occupais encore de ce rapport il y a seulement un mois. Quelques banques, pas toutes, ont compris ce qu'on attendait d'elles. Elles ont organisé des colloques et des séminaires spéciaux pour les femmes d'affaires, qui ne portaient pas nécessairement sur le genre d'entreprises que les femmes ont tendance à lancer, mais plutôt sur le processus de planification et sur les démarches à entreprendre auprès des banques pour obtenir du crédit.

Je me suis occupé d'un certain nombre de ces colloques. En fait, je vais m'occuper de quelques autres en janvier, dont un à Moncton. C'est le résultat d'une séance au cours de laquelle le ministre et moi-même avons presque tenu le rôle de banquiers en posant quelques questions élémentaires sur le processus de planification de l'entreprise. Nous avons ensuite décidé de remédier aux lacunes en organisant ces colloques dans les diverses collectivités que nous avions visitées.

Je sais donc que ce rapport a été la source d'importants progrès. Il serait intéressant de se renseigner auprès de l'ABC pour déterminer ce qui a été fait depuis sa parution—je reviens à ce que Mme Jennings disait tout à l'heure—et ce que l'Association à l'intention de faire à l'avenir. Ce sera sans doute une question à poser lorsque que nous rencontrerons d'autres représentants des banques.

Ma question porte sur la page 10 de vos diapos, qui concerne l'expansion des capacités d'exportation. Je sais que beaucoup de femmes assistent aux séances sur l'exportation que nous avons organisées dans les régions frontalières, sur le programme WIN et divers autres programmes. Je voudrais donc vous demander quels sont les obstacles particuliers que les femmes entrepreneurs ont à affronter dans le domaine de la capacité d'exportation.

Mme Hedy Fry: Je crois que certains des problèmes découlent du fait qu'elles n'ont pas la possibilité... Mais, avant de parler d'exportations, il faut reconnaître que, même sur le plan intérieur, au Canada même, elles ont des obstacles à surmonter pour développer leur entreprise. Comme je l'ai dit plus tôt, l'un de ces obstacles, c'est la façon dont elles font leur publicité et concluent leurs marchés. En affaires, les femmes comptent presque exclusivement sur les contacts personnels, en parlant à des amis, qui en parlent à d'autres et ainsi de suite. C'est ainsi qu'elles constituent leur clientèle, plutôt que de faire de la publicité et de recourir aux méthodes du marketing. Elles s'enferment ainsi dans un cercle vicieux, parce qu'elles n'ont pas les moyens de faire de la publicité. C'est un problème très réel.

Deuxièmement, les chiffres dont nous disposons révèlent qu'entre seulement 10 p. 100 et 40 p. 100 des femmes sont branchées sur Internet et s'en servent pour développer leur chiffre d'affaires. C'est un autre problème.

Troisièmement, ce n'est que très récemment—avec la parution de tous ces rapports, y compris Mythes et réalités de la Banque de Montréal, qui a révélé que les femmes réussissent très bien en affaires et jouent un rôle de premier plan dans la création d'emplois—que les gens commencent à prendre conscience du fait que les femmes peuvent participer au commerce. Elles se joignent maintenant aux missions commerciales. Les femmes ne sont pas très présentes dans les grandes sociétés, qui étaient presque les seules à être invitées à participer aux missions commerciales au début. Mais, même dans les entreprises de taille moyenne, les femmes sont peu nombreuses. Par conséquent, lorsque nous invitons également ces entreprises, les femmes demeurent pratiquement absentes parmi les membres des missions commerciales.

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Nous devons donc commencer à organiser des missions pour les petites et les micro-entreprises. Nous sommes actuellement en train d'atteindre une certaine masse critique à cet égard. Je crois que les femmes ont une représentation de 33 p. 100 dans les PME du Canada. Dans certains pays, comme les Philippines, le pourcentage atteint 55 p. 100.

Les petites missions commerciales que Sergio Marchi commence à organiser et auxquelles les femmes s'intéressent de plus en plus, vont donc les aider à établir des contacts à l'étranger et à commencer à se constituer des réseaux. Mais la clé de tout cela, à mon avis, c'est le degré de branchement des femmes qui n'ont pas encore réussi à emprunter l'autoroute de l'information. Ces femmes ne disposent pas de tous les renseignements que l'autoroute dispense à ceux qui y sont branchés.

J'espère que votre comité saura en tenir compte lorsqu'il examinera la question de l'accès à l'autoroute de l'information. Il y a, à cet égard, un très bon programme pour les écoles, Rescol, et VolNet doit répondre aux besoins des organismes bénévoles. Mais si vous vous limitez à considérer les différences entre les milieux urbains et ruraux pour ce qui est de l'accès à l'autoroute de l'information, vous ne tiendrez pas du tout compte des besoins des femmes.

Même dans les collectivités rurales, les femmes sont en train de lancer de petites entreprises qui offrent des services auxiliaires aux exploitations agricoles, à l'industrie de la pêche, etc. Elles n'ont pas l'accès voulu. Dans les agglomérations urbaines, elles se perdent dans la mêlée parce que, comme je l'ai dit tout à l'heure, elles n'ont que de toutes petites entreprises qui ne leur assurent que des revenus de 19 000 $ ou de 20 000 $ par an. Elles n'ont pas les moyens de payer l'accès à Internet.

M. Walt Lastewka: C'est là que je voulais en venir. J'ai assisté avec le ministre à l'inauguration d'un grand nombre de centres de services aux entreprises du Canada, un peu partout dans le pays. Ces centres sont branchés sur Internet. Nous avons également là des gens qui ont les connaissances voulues. Nous avons essayé de concevoir ces centres comme des guichets uniques de services dans les petites collectivités. Hommes et femmes peuvent s'y rendre pour trouver les données dont ils ont besoin dans Strategis, ExportSource, etc. Ces centres existent et ne font pas de discrimination entre hommes et femmes. Beaucoup sont dirigés par des femmes parce que nous voulions que les femmes entrepreneurs se sentent parfaitement à l'aise pour aller y obtenir toute information dont elles ont besoin.

Mme Hedy Fry: Tout cela est excellent sur le plan de la disponibilité, mais c'est un peu comme les lingots d'or dont nous parlions ce matin. Une personne en fauteuil roulant ne pourrait pas venir en chercher si on ne lui accorde pas l'accès.

Or nous savons que les femmes ont un accès limité à ce genre de choses, pour des raisons très simples et très pratiques. La première est que beaucoup de femmes travaillent chez elles. Si elles ont des enfants, cela leur permet de gagner un peu d'argent sans avoir à débourser des frais de garderie. Comme elles doivent rester à la maison, elles n'ont ni le temps ni la possibilité d'accéder à ces services extérieurs.

Les choses peuvent avoir l'air d'être simples, mais elles représentent un sérieux problème pour les femmes. Il y a les responsabilités familiales, l'argent et l'importance relative de ces services extérieurs, dans un contexte où les femmes manquent de temps parce qu'elles sont soumises à trop de contraintes. Ce sont là de sérieuses difficultés pour elles.

On constate que les femmes propriétaires de petites entreprises n'ont pas aussi souvent des employés que leurs homologues parmi les hommes. Elles ne peuvent donc pas compter sur la présence d'une autre personne pendant qu'elles sortent pour aller dans ces centres. Vous pouvez penser qu'elles auraient la possibilité de le faire dans la soirée, mais beaucoup d'entre elles doivent s'occuper alors des enfants, surtout dans les familles monoparentales. Le samedi, elles doivent faire la lessive et d'autres tâches ménagères, parce qu'elles s'occupent du bureau ou de la petite entreprise pendant les jours de semaine.

Voilà les petits problèmes pratiques qui ne ressortent pas dans les grandes études de Statistique Canada, qu'on n'évoque pas au cours des grandes réunions, mais qui empêchent les femmes d'avoir accès à tous les excellents services et renseignements qu'on peut trouver à l'extérieur.

La présidente: Merci, monsieur Lastewka. C'est maintenant au tour de Mme Jennings.

Mme Marlene Jennings: Je n'ai pas vraiment de questions à poser. Je voudrais juste faire un commentaire au sujet d'un point que Walt a soulevé. La plupart du temps, même dans l'administration publique et même si nous avons les meilleures politiques, nous conservons une certaine façon bureaucratique de considérer les choses.

Par conséquent, les bureaux, les expositions, les centres et tout le reste sont ouverts du lundi au vendredi, de 9 heures à 17 heures.

• 1040

Vous dites que beaucoup de femmes qui lancent des entreprises le font à très, très petite échelle. Elles travaillent chez elles et n'ont pas les moyens de sortir pour se rendre dans des bureaux ouverts de 9 heures à 17 heures. Lorsque nous parlons d'analyses fondées sur le sexe et considérons les politiques et les services du gouvernement, je crois que les syndicats devraient se monter plus ouverts à l'idée de laisser ces bureaux et ces services gouvernementaux ouvrir en dehors des jours et des heures d'ouverture traditionnels. Je crois que c'est une question vraiment importante.

J'ai vu à la télévision une annonce de l'une des deux grandes banques—je ne suis pas sûre si c'était la Banque Royale ou la Banque de Montréal—dans laquelle une employée disait: «J'ai reçu un appel d'un couple qui disait vouloir ouvrir un compte, mais qui ne pouvait pas venir sur place pour le faire. Je leur ai demandé leur adresse et j'ai dit que je ferais un saut chez eux en rentrant du bureau, ce soir.» C'est évidemment un très beau geste, mais je ne pense vraiment pas qu'il s'agisse d'une pratique généralisée. Il y a peut-être effectivement un employé ou deux qui sont allés chez un client, à la maison, pour lui ouvrir un compte ou qui ont livré des chèques à des personnes âgées, en dehors de leurs heures de travail. Je vais peut-être me montrer partisane, mais je ne crois pas que de tels services soient offerts dans ma circonscription.

La présidente: Merci, madame Jennings.

Madame Fry, avez-vous des observations à faire à ce sujet?

Mme Hedy Fry: J'aimerais dire quelques mots au sujet de l'affaire que Marlene vient de mentionner. Walt a posé la question tout à l'heure. Bien sûr, une chose aussi simple que l'ouverture des bureaux à des heures non traditionnelles est importante. Mais il serait sans doute aussi important de prévoir, dans ces centres, un endroit où une femme pourrait laisser les enfants pendant qu'elle passe deux heures à naviguer sur Internet. Un service de ce genre serait vraiment merveilleux parce qu'il constituerait un moyen de reconnaître la différence entre les sexes. Il est bien établi que les femmes doivent le plus souvent s'occuper des enfants et que les chefs de familles monoparentales, qu'il s'agisse d'hommes ou de femmes, doivent trouver un endroit où laisser les enfants pendant qu'ils cherchent les renseignements dont ils ont besoin. S'ils n'ont pas assez d'argent pour le faire, ça s'arrête là. C'est un peu comme aller chez Ikea: pendant qu'on regarde les meubles, on peut laisser les enfants jouer dans cette salle remplie de balles multicolores. Les entreprises commencent à le faire parce qu'elles reconnaissent cette réalité.

J'aimerais vous dire qu'il existe aujourd'hui une coalition de recherche sur le commerce chargée tout particulièrement d'aider les femmes. C'est une initiative conjointe des secteurs public et privé, qui étudie les moyens de renforcer les activités commerciales des femmes. Au printemps 1999, le premier sommet commercial exclusivement féminin Canada-États-Unis aura lieu à l'Université York. Ce sera très intéressant. En effet, à ces sommets commerciaux ou consortium d'entreprises où siègent des femmes, on entend parler, non de l'indice Dow, mais de questions comme les suivantes: «Que vais-je faire des enfants pendant que je m'occupe de cette affaire?» ou encore «Comment pourrais-je obtenir cela?». Les débats portent surtout sur des questions éminemment pratiques. C'est pour cette raison que je m'attends à des discussions très intéressantes.

La présidente: Madame Fry, je tiens à vous remercier de votre présence. J'ai moi-même quelques observations à formuler, que vous voudrez peut-être commenter ensuite. Vous et M. Lastewka avez parlé plus tôt des femmes qui semblent éviter les domaines des sciences et des mathématiques. Je vous écoute et je ne sais pas quoi penser. Je viens d'une petite localité et je me souviens très bien de mes années au secondaire. Je sais que, dans mon année terminale, ce sont des femmes qui occupaient les cinq premières places en mathématiques et en sciences. Elles se sont ensuite dirigées vers des disciplines scientifiques ou vers la comptabilité et, encore une fois, elles étaient les premières à l'université.

Nous voilà, 15 ou 20 ans plus tard, en train de dire encore que les femmes ne s'orientent pas vers ces disciplines. À ma connaissance, l'une des raisons les plus importantes tient au système d'orientation établi au niveau secondaire. Le gouvernement fédéral peut prendre toutes les mesures qu'il voudra pour inciter les gens à s'orienter vers les sciences et le génie—ce qu'il faisait grâce aux anciens programmes que nous avons cessé de financer—, mais c'est à un niveau plus élémentaire que nous n'atteignons pas notre objectif. Le problème n'est pas du tout attribuable à un manque d'aptitudes chez les femmes. Les maths représentaient l'un de mes points les plus forts à l'école secondaire, et c'est encore le cas aujourd'hui.

Les femmes ne manquent pas d'aptitudes. Allez donc poser la question au nouveau centre de recherche de Chrysler Canada à Windsor, qui emploie un certain nombre d'ingénieurs. On vous dira que, dans ces postes, les femmes sont différentes des hommes, dans un sens positif, pas du tout négatif, parce qu'elles apportent une perspective et un niveau d'efficacité différents sur le plan technique.

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Je ne sais pas pourquoi nos efforts ne sont pas plus fructueux, mais je ne crois pas que les aptitudes scientifiques ou mathématiques des femmes soient en cause. Nous savons depuis longtemps que ces aptitudes existent et qu'il n'y a pas de lacunes sur ce plan. Je pense que notre échec se situe aux premiers stades du processus, lorsque les femmes décident de la carrière qu'elles veulent embrasser. Toutes les études du monde ne donneront rien. Nous connaissons les résultats. Après vingt ans, nous parlons encore des mêmes difficultés, ce que je trouve vraiment triste.

Je vous ai donné l'exemple de ma classe terminale au secondaire. Vous disposez des faits et des résultats des études. Pourtant, nous parlons encore du problème parce que, je crois, nous n'avons pas réussi à le définir.

Mme Hedy Fry: Vous avez parfaitement raison de dire que le problème n'a rien à voir avec les aptitudes. Mais je crois que les modèles de comportement sont importants. Je reviens encore aux années où j'ai décidé d'aller en médecine. À ce moment, les femmes s'orientaient vers les sciences infirmières, tandis que les hommes allaient en médecine. Nous n'étions que 10 p. 100 de femmes, nous formons aujourd'hui 55 p. 100 des médecins.

À mesure que le nombre de femmes augmentait en médecine, les jeunes se disaient qu'elles aussi pourraient y réussir. Je crois donc que l'existence de modèles est importante. Toutefois, il est également important de créer un environnement accueillant pour les femmes. Je ne veux pas être morbide, mais je ne peux pas m'empêcher de songer à la tragédie de l'École polytechnique, au cours de laquelle des femmes ont été assassinées tout simplement parce qu'elles étaient là, dans une discipline dominée par les hommes. En pensant à ce drame, beaucoup de femmes se disent: «Nous ne sommes pas les bienvenues dans ces domaines. Nous ferions mieux de les éviter encore pendant quelque temps.»

Nous avons donc besoin d'un environnement accueillant dans les universités, les collèges et les facultés, un environnement qui suggérera aux femmes qu'elles peuvent réussir, qu'elles ont les capacités nécessaires et qu'elles seront chaleureusement accueillies. Plaçons des femmes là où il le faut. Laissons-les occuper des postes importants dans les universités, permettons-leur de devenir doyennes de facultés. Ouvrons-leur des postes dans lesquels on les verra exercer une véritable autorité.

Je suis certaine que cela viendra si les gens se rendent compte qu'il y a effectivement une évolution, si nous savons créer l'environnement nécessaire. Cela s'est déjà produit en médecine, en médecine dentaire et en droit, qui étaient auparavant des bastions masculins où les femmes n'avaient pas leur place. Nous devrions aboutir à des résultats avec des modèles et un environnement accueillant.

La présidente: La sonnerie que nous entendons annonce qu'un vote se tiendra à 11 h 15. En me basant sur mon expérience personnelle, je peux dire que, dans ma jeunesse, aucun défi ne me faisait reculer. Je fais partie de ces Canadiens de la première génération que vous avez mentionnés tout à l'heure. Aujourd'hui, je suis présidente du Comité de l'industrie, ce qui n'est pas une fonction traditionnelle pour une femme. Bien sûr, nous devons y mettre du nôtre, mais le gouvernement aussi doit faire les virages nécessaires. Au sein du gouvernement, dans le Cabinet, les femmes n'ont pas encore accédé aux postes traditionnellement masculins.

Je le dis avec respect, mais je crois que nous devrions donner l'exemple. Jusqu'à mon arrivée ici, j'étais convaincue qu'il n'existait pas de défi qu'une femme ne pouvait pas relever, qu'il n'existait pas de fonctions qu'une femme ne pouvait pas occuper si elle avait les compétences nécessaires. Toutefois, j'ai dû me rendre à l'évidence qu'Ottawa est le lieu par excellence où on peut donner l'exemple et que c'est aussi le lieu où beaucoup de changement demeure nécessaire.

Je sais que le Cabinet doit faire face à de nombreux problèmes. À titre de présidente, je ne voudrais pas prendre parti, mais s'il est question de modèles de comportement, il faudrait aller au-delà des déclarations bien intentionnées. Il faut, aujourd'hui comme à l'avenir, donner l'exemple.

Je vous remercie encore d'être venue et j'espère que nous aurons bientôt le plaisir de vous revoir. Votre apport est précieux.

Mme Hedy Fry: Merci.

La présidente: Merci à vous.

La séance est levée.