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INDY Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON INDUSTRY

COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 13 avril 1999

• 0907

[Traduction]

Le vice-président (M. Eugène Bellemare (Carleton—Gloucester, Lib.)): Je déclare la séance ouverte conformément à un ordre de renvoi de la Chambre en date du mardi 20 octobre 1998, examen du projet de loi C-235, Loi modifiant la Loi sur la concurrence (protection des acquéreurs de produits de fournisseurs intégrés qui leur font concurrence sur le marché de détail).

Nos premiers témoins aujourd'hui sont des représentants de Bell Canada; de l'Association canadienne des fournisseurs Internet; du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, et de Internet Direct and Tucows Interactive.

Je vous souhaite la bienvenue et je vous remercie d'être des nôtres. Vous avez cinq minutes chacun pour présenter votre exposé. Vous pouvez lire vos documents, bien qu'habituellement les documents préparés prennent plus de cinq minutes à lire. Je pense que votre exposé a plus d'impact si vous parlez simplement de mémoire et consultez vos notes à l'occasion. Vous aurez amplement le temps de répondre à des questions par la suite, puisque chaque député dispose de cinq minutes pour poser des questions.

Habituellement nous débutons par ordre alphabétique, mais je sais ce que l'on ressent lorsque l'on doit toujours prendre la parole le premier; donc je vais procéder dans l'ordre inverse et commencerai aujourd'hui par Internet Direct and Tucows Interactive.

Monsieur Timothy Denton.

M. Thimothy Denton (conseiller, Internet Direct and Tucows Interactive): Monsieur le président, je vous demande la permission de prendre la parole plus tard. La personne qui a mon discours est en train d'en faire des photocopies pour les membres du comité. Il serait utile que je puisse au moins le consulter.

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Très bien.

Le groupe suivant est le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes.

Est-ce que vous avez votre mémoire avec vous?

M. David Colville (vice-président, Télécommunications, Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes): Non seulement je l'ai, monsieur le président, mais je compte également suivre votre conseil, c'est-à-dire qu'au lieu de lire le mémoire je vous donnerai plutôt un bref aperçu des vues du conseil.

Tout d'abord, je m'appelle David Colville et je suis vice- président des télécommunications au CRTC. Je tiens à vous remercier, ainsi que les membres du comité, de m'avoir donné l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui et surtout de répondre aux questions que vous pourriez avoir concernant ce dossier en particulier.

Je tiens également à souligner dès le départ que nous ne sommes pas des spécialistes de la Loi sur la concurrence, mais j'aimerais préciser que le CRTC favorise très activement la concurrence dans les secteurs des télécommunications et de la radiodiffusion depuis un certain nombre d'années. Depuis que je travaille au conseil, et même avant, nous avons ouvert le marché de l'interurbain à la concurrence, comme le savent probablement tous ceux ici présents qui ont eu l'occasion de voir toutes sortes de publicités à propos de la diminution des tarifs interurbains.

Nous avons ouvert à la concurrence les marchés des services téléphoniques locaux, les marchés de la câblodistribution et les marchés des téléphones publics, et tout récemment nous avons autorisé la concurrence dans les marchés des services de télécommunications internationales. Je pense que nous constaterons sous peu une diminution importante des tarifs interurbains.

• 0910

Nous encourageons la concurrence non seulement parce que la concurrence est une fin en soi, mais parce qu'elle apporte des avantages au consommateur.

Je tiens à préciser que conformément aux pouvoirs prévus par la Loi sur les télécommunications, au fur et à mesure que nous avons ouvert les marchés à la concurrence et jugé que la concurrence était suffisante sur le marché pour servir l'intérêt du consommateur, nous nous sommes servis des pouvoirs que nous possédons pour nous abstenir justement de réglementer et permettre ainsi aux participants d'exercer une concurrence sur les marchés sans être entravés par des règlements.

C'est ce que nous avons fait également sur le marché terminal et sur le marché de l'interurbain plus récemment, bien que nous ne l'ayons pas fait dans un certain nombre d'autres marchés que nous avons ouverts à la concurrence. Nous ne nous sommes pas encore abstenus de réglementer en ce qui concerne les fournisseurs dominants parce que nous estimions qu'il n'y avait pas suffisamment de concurrence sur le marché pour le faire.

Bien que nous ayons le pouvoir de nous abstenir de réglementer, nous avons le pouvoir de rétablir la réglementation si nous constatons que les marchés ne se comportent pas comme nous l'avions peut-être prévu dans un univers déréglementé. Même lorsque nous avons déréglementé, nous avons réussi à conserver quelques pouvoirs pour empêcher des pratiques discriminatoires et pour nous assurer que nous avons le pouvoir de protéger, par exemple, l'intérêt du consommateur en ce qui concerne la protection des renseignements personnels, etc.

En ce qui concerne la question particulière que vous étudiez, je tiens à préciser que nous considérons posséder les pouvoir en vertu de la Loi sur les télécommunications dans notre sphère de réglementation pour nous occuper des questions auxquelles veut donner suite la modification proposée ici à la Loi sur la concurrence.

J'espère ne pas être trop irrévérencieux en disant que le fait de laisser entrer le renard dans le poulailler, c'est-à-dire de réunir dans la même pièce des instances de réglementation et certaines des parties qui... Je suis sûr que vous savez tous qu'il y a contestation de la part de certaines des parties ici présentes. Je ne peux pas commenter le bien-fondé d'un aspect ou l'autre de cette contestation, étant donné que nous ne nous sommes pas encore prononcés sur certaines demandes qui ont été déposées devant nous par au moins l'une des parties ici présentes aujourd'hui.

J'aimerais simplement terminer, monsieur le président, en disant qu'en ce qui concerne en particulier le marché des télécommunications, j'estime qu'il est important de comprendre—et je suis sûr que la plupart d'entre vous, sinon tous, le savent—qu'au fur et à mesure que nous sommes passés d'une situation de monopole à une situation de concurrence sur ce marché, historiquement il y avait de nombreux services sur le marché téléphonique dont la tarification était en fait inférieure au prix coûtant, situation qui en fait existe toujours. Je sais que la tarification inférieure au prix coûtant est l'une des questions qui préoccupent les députés.

Par exemple, dans bien des régions la tarification des services résidentiels est inférieure au prix coûtant parce qu'historiquement les instances de réglementation ont considéré que cela était dans l'intérêt public. Dans bien des cas, la tarification de ces services demeure inférieure au prix coûtant, et c'est même le cas des services commerciaux dans certaines régions rurales. Ce qui me préoccupe un peu, ce sont les répercussions de certains aspects de la modification proposée sur ce genre de questions.

L'autre aspect qui pourrait donner lieu à certaines préoccupations concerne la rapidité des changements technologiques et l'introduction de nouveaux services sur le marché.

Je terminerai donc là-dessus, monsieur le président, et laisserai aux autres le soin de commenter. Je répondrai à toutes les questions que voudront bien me poser les députés.

[Français]

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Merci, monsieur Colville. Nous allons maintenant entendre l'Association canadienne des fournisseurs Internet, représentée par M. Gord Waites et Mme Kirsten Embree.

[Traduction]

M. Gord Waites (représentant, Association canadienne des fournisseurs Internet): Je vous remercie, monsieur le président.

Je fais partie de Netcom Canada, et je représente l'Association canadienne des fournisseurs Internet aujourd'hui. Je ne vous présenterai pas mon exposé de façon détaillée, mais je vous en résumerai les principaux points.

Nous nous intéressons particulièrement au projet de loi parce que nous achetons régulièrement des fournisseurs intégrés, qui est l'un des aspects dont traite le projet de loi. Plus précisément—et c'est l'exemple que je vous donnerai aujourd'hui—nous achetons des sociétés téléphoniques. Comme vous le savez, les sociétés téléphoniques au Canada fournissent aussi des services Internet et sont par conséquent nos concurrents. Donc nous tenons à nous assurer, et nous tenons à continuer à nous assurer, que la concurrence existe sur ce marché. C'est un marché très actif, qui prend rapidement de l'expansion.

• 0915

J'aimerais simplement vous donner quelques exemples. Je n'ai pas l'intention d'entrer dans les détails, mais je pense qu'il est important que chacun d'entre nous comprenne que la déréglementation a en fait permis aux sociétés téléphoniques dans certains cas de contourner les mesures de protection réglementaire ou anticoncurrentielle en vigueur.

J'aimerais prendre quelques instants pour vous situer le contexte historique...

[Français]

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le président, je voudrais savoir si des textes en français sont disponibles. Avez-vous des membres de langue française?

Mme Kirsten Embree (représentante, Association canadienne des fournisseurs Internet): Non, nous n'en avons pas.

Mme Francine Lalonde: Vous n'avez pas de membres de langue française?

Mme Kirsten Embree: Non, nous n'en avons pas.

Mme Francine Lalonde: Vous n'avez pas de membres de langue française?

Mme Kirsten Embree: Nous en avons au Québec, mais nous n'avons pas de présentation en français ce matin.

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Très bien. On revient maintenant à M. Waites.

[Traduction]

M. Gord Waites: J'ai des exemples précis que je voulais vous donner dans un contexte historique.

La plupart d'entre vous qui connaissent Internet ou les entreprises qui assurent l'accès à Internet sont probablement au courant de l'accès commuté, où à partir de chez vous vous pouvez utiliser votre ordinateur personnel et accéder par modem à l'aide du réseau téléphonique à Internet, que cet accès soit assuré par les sociétés téléphoniques elles-mêmes ou par des fournisseurs Internet indépendants, qui sont environ 400 ou 500 au Canada, depuis les plus petits dans les localités rurales aux plus gros, y compris les sociétés téléphoniques et les câblodistributeurs mêmes.

Pour assurer l'accès commuté, les fournisseurs Internet achètent des sociétés téléphoniques des lignes commerciales traditionnelles, ou des lignes commutées, et lorsqu'un consommateur compose le numéro, il se trouve à utiliser ces lignes commerciales. Le fournisseur Internet paye à la société téléphonique les tarifs en vigueur pour ces services, étant donné qu'il s'agit de services réglementés.

Pendant toute la période de commutation, il n'y a eu aucun problème de comportement anticoncurrentiel. Les sociétés téléphoniques qui exploitent leurs propres services d'accès à Internet, qui en fait fonctionnent comme une entité non réglementée, ont dû acheter ces mêmes lignes commerciales des compagnies téléphoniques aux mêmes tarifs que devrait payer un fournisseur Internet. Donc cela assure un certain équilibre.

Avec l'introduction de l'accès à grande vitesse, dont, je suis sûr, beaucoup d'entre vous ont entendu parler, nous pouvons désormais obtenir l'accès à Internet de chez nous, 20, 30 ou 40 fois plus vite qu'en utilisant un accès commuté. On a introduit une nouvelle technologie qu'en anglais on appelle «ADSL», ou ligne numérique à paire asymétrique. Plus simplement, il s'agit d'utiliser une ligne téléphonique pour y installer un signal numérique à grande vitesse qui permet quand même d'utiliser la ligne téléphonique pour faire des appels ordinaires. Donc cela permet une connexion à très grande vitesse tout en laissant la ligne téléphonique libre pour faire de simples appels téléphoniques.

Ce service ne peut être utilisé qu'à l'aide de boucles de cuivre—en d'autres mots les fils enfouis dans le sol aujourd'hui—et de l'équipement installé dans le bureau central. Il s'agit des bureaux des sociétés téléphoniques.

La difficulté, c'est qu'en particulier Bell Canada, par l'intermédiaire de Solutions globales de Bell, a introduit un service, Édition de grande vitesse de Sympatico, qui fait appel à cette technologie, et l'a tarifé à 39,95 $ par mois. Les fournisseurs Internet se sont alors adressés à Bell Canada pour acheter les mêmes éléments que Solutions globales de Bell achètent de Bell Canada pour assurer le même service à leurs clients, tout comme nous le faisons avec le service régulier de ligne commerciale aujourd'hui.

Malheureusement, le prix de ce service est de 127 $ et des poussières. Comme vous pouvez le constater, l'achat d'un élément du service revient à environ 320 p. 100 du prix qu'a à payer par l'utilisateur final. Il ne s'agit même pas du service complet, car, en plus de l'accès, le fournisseur Internet doit assurer des services techniques et des services d'aide aux clients, des services de courrier électronique, de site Web, et toute une gamme de coûts et de services supplémentaires.

• 0920

Nous nous trouvons donc dans une situation aujourd'hui où pour acheter un élément du service, il nous est offert à un prix beaucoup plus élevé que le prix de détail. Nous avons un fournisseur à intégration verticale qui vend un service à 40 $, mais qui vend un élément de ce service qui est indispensable à ses concurrents à un prix beaucoup plus élevé que le prix de détail.

Quelles mesures avons-nous prises à cet égard? Bien entendu, nous avons déposé une plainte auprès du CRTC. Le CRTC est saisi d'une plainte à l'heure où je vous parle. Nous avons fait de nombreuses interventions auprès du CRTC pour tâcher de régler la situation. Nous avons déposé une plainte de six citoyens auprès du Bureau de la concurrence contre Solutions globales de Bell—ou Bell Sygma, comme ce service s'appelait à l'époque—pour tâcher de régler ce problème. Bien que le CRTC ait constaté que la tarification était inférieure au prix coûtant, il n'avait pas le pouvoir de sévir contre les sociétés téléphoniques.

Donc aujourd'hui je pense que toutes les plaintes dont a fait état la presse ont éclairé d'un jour nouveau cette saga interminable. Une nouvelle société vient d'être formée, Bell Nexxia.

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Pourriez-vous conclure, s'il vous plaît?

M. Gord Waites: Je n'en ai que pour une minute.

Bell Nexxia est une autre filiale à 100 p. 100 de Bell Canada. Elle nous a offert le même service pour 24 $ par mois. Vraisemblablement, elle l'achète de Bell pour 127 $ et le vend aux fournisseurs Internet pour 24 $. Ici encore, cette détermination du prix n'a absolument aucun sens pour les fournisseurs Internet.

En résumé, je tiens à préciser que nous appuyons le projet de loi. Nous aimerions nous assurer qu'il vise non seulement les produits, mais aussi les services. Nous aimerions nous assurer qu'il vise aussi les services de gros—c'est-à-dire les fournisseurs qui achètent les éléments d'un service auprès d'un fournisseur à intégration verticale.

Je vous remercie.

[Français]

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Merci, monsieur Waites. Nous allons maintenant passer à M. Timothy Denton.

M. Timothy Denton: Merci, monsieur le vice-président. Je pourrai répondre à vos questions en français, mais je ferai ma présentation en anglais.

[Traduction]

Comme nous parlons de nos exposés au lieu de les lire, j'aimerais que vous jetiez un coup d'oeil sur la deuxième page de mon exposé. Vous y verrez un tableau qui indique la proportion de l'ensemble du trafic transporté sur les réseaux. Vous constaterez que la partie ombrée indique une diminution. Cette partie ombrée est la portion représentée par le trafic phonie sur les réseaux publics.

Les sociétés téléphoniques tirent leur revenu du trafic phonie sur les réseaux publics et aussi du trafic de données. Mais, essentiellement, le système de télécommunications a été mis au point et conçu pour les paramètres de la voix humaine—c'est-à-dire des appels moyens de trois minutes et certaines hypothèses au sujet du nombre de gens qui téléphonent à un certain moment.

Internet n'est pas conçu en fonction du trafic phonie, mais en fonction de la communication entre machines. Internet est en quelque sorte une grammaire pour les machines qui permet à une machine qui s'exprime selon un certain protocole de communiquer avec une autre machine. Le système téléphonique n'a pas été conçu en fonction du trafic Internet.

Ce tableau provient de ce que l'on appelait auparavant «Bellcore», c'est-à-dire le centre de recherche pour les sociétés téléphoniques américaines. On prévoit que d'ici à l'an 2010, l'ensemble du trafic phonie représentera moins de 1 p. 100 de l'ensemble du trafic de données. Il s'agit d'une révolution technologique du même ordre que le passage des voiliers aux navires à vapeur. C'est un phénomène tout à fait normal dans le monde des affaires, mais il touche maintenant ce qui était auparavant une industrie extrêmement stable qui exerçait un monopole, qui est en transition vers de nouvelles formes de transmission de signaux.

C'est donc la première chose. Les sociétés téléphoniques en sont bien entendu tout à fait conscientes, et sont inquiètes.

• 0925

Le deuxième tableau se trouve à la troisième page de mon exposé. Il est tiré du discours prononcé par John MacDonald, président de Bell Canada, à la conférence Net 98 qui s'est déroulée l'année dernière à Whistler. Il a examiné le défi que présente Internet comme nouvelle technologie de télécommunications et a indiqué que Bell était prête à le relever. Mais l'un des aspects les plus intéressants de son exposé a été son estimation de la valeur que représenterait l'équipement de télécommunications actuel, lequel, sur le plan technique, est basé sur un système de transmission de signaux, de commutation de circuits.

Vous pouvez constater que d'après son estimation la valeur de la totalité de l'équipement actuel tombera à zéro. Il a bien sûr été plus prudent et n'a pas dit tombera «à» zéro, mais s'approchera de zéro.

Vous pouvez constater qu'il s'agit uniquement d'un graphique schématique qui ne permet pas de faire des prévisions commerciales, mais c'est à son avis le résultat vers lequel nous mène la technologie. Après 100 années de la prédominance de ce que l'on a appelé cette architecture de réseau à commutation de circuits, elle s'achemine vers l'obsolescence la plus totale.

Les sociétés téléphoniques en sont conscientes. Les fournisseurs Internet aussi. Je vous demande de vous poser la question suivante: pourquoi les journaux n'en ont-ils pas fait état?

La réponse, c'est que tous ceux qui étaient présents dirigeaient soit une entreprise Internet, soit un réseau Internet. Ils étaient tout à fait au courant de ce fait. Cela ne les a pas étonnés. Tout le monde s'est simplement rendu compte que les compagnies téléphoniques avaient elles-mêmes pris conscience de cette nouvelle réalité.

Si le président de General Motors avait annoncé publiquement que la valeur de tous ses actifs de production chutait rapidement et serait nulle dans un avenir prévisible, cela ferait bien sûr la une des journaux. Lorsqu'on annonce la même chose dans le domaine de l'informatique et des télécommunications, tout ce que les gens disent, c'est: «Et puis après?», car tout le monde est au courant de la situation.

Le projet de loi actuellement à l'étude comporte des avantages et des inconvénients, mais il tente de corriger une situation dans le monde réel. Comme Gord Waites l'a expliqué, à ce stade-ci de leur évolution, les fournisseurs de services Internet dépendent des compagnies de câble et de téléphone pour avoir accès aux installations sous-jacentes, qui transportent nos signaux. Avec l'arrivée des nouvelles technologies, les télécommunicateurs actuels ont les moyens, des raisons, des incitatifs et des occasions de faire la vie dure aux fournisseurs de services Internet concurrents pendant que ces derniers opèrent la transition vers cette nouvelle architecture de transmission des signaux.

J'ai un dernier commentaire. Je crois que tout le monde sait que les internautes passent du temps à fouiller dans des dossiers ouverts en France, en Australie ou ailleurs dans le monde. Le secteur d'appel local, si l'on peut dire, de l'Internet couvre toute la planète. Ce qu'offre Internet est donc totalement différent de ce qu'offre la compagnie de téléphone.

Le secteur d'appel local de la compagnie de téléphone s'étend jusqu'à Sainte-Cécile-de-Masham ou Lanark, ou quelque part à 35 ou 40 milles d'Ottawa. Le secteur d'appel local d'Internet à Ottawa s'étend à la planète.

Vous avez donc deux entreprises différentes qui proposent des services totalement différents, et l'une d'entre elles apparemment détient la plupart des atouts pour l'instant—elle a accès à votre domicile—tandis que l'autre semble en posséder très peu. On peut donc s'attendre dans un avenir prévisible à une vive concurrence entre ces deux méthodes d'acheminer et de transmettre des signaux.

C'est pourquoi nous appuyons les projets de loi, tels que celui-ci, qui visent à traiter le problème de la position concurrentielle des compagnies de téléphone et des autres télécommunicateurs existants par rapport aux fournisseurs de services Internet. Nous estimons que cette question mérite toute votre attention.

Merci.

[Français]

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Merci, monsieur Denton. Nous allons poursuivre avec les représentants de Bell Canada, M. Bernard Courtois et Mme Linda Gervais.

• 0930

M. Bernard A. Courtois (chef des affaires réglementaires, Bell Canada): Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Nous croyions que ce projet de loi visait tout d'abord à régler un problème dans le secteur de la vente au détail de l'essence. Bien sûr, nous ne prétendons pas être des spécialistes dans ce domaine. Mais il s'agit d'un amendement à la Loi sur la concurrence, et, en tant que loi cadre, elle vise tous les secteurs industriels. Lorsque nous avons examiné ses répercussions possibles sur notre industrie, nous nous sommes rendu compte que nous avions de nombreuses préoccupations et réserves qu'il nous fallait exprimer et exposer aux membres du comité afin que vous puissiez prendre des décisions éclairées.

Nos observations, soit dit en passant, ne portent que sur l'article 1 du projet de loi, où l'on dit essentiellement que le prix de détail ne doit pas être inférieur au prix de gros. Elles ne portent pas sur l'article 2.

Je n'ai pas besoin d'insister beaucoup sur l'importance des télécommunications au Canada dans les industries qui contribuent à l'essor de l'économie du savoir. Le gouvernement, bien sûr, a reconnu, dans son programme de connectivité—qui vise à faire du Canada le pays le plus branché du monde d'ici à l'an 2000—à quel point il est important pour l'avenir du pays de disposer d'une industrie des télécommunications innovatrice et d'avant-garde.

Dans notre industrie, même si des joueurs de tous genres apportent leurs contributions, ce sont les fournisseurs intégrés, dont fait partie la famille Bell BCE, qui vont investir le plus dans les infrastructures, de même que dans la création de produits et de services.

La famille BCE comprend Nortel, que les gens connaissent pour son équipement; Bell Canada, qui crée des services; BCE Merges, qui crée des solutions de commerce électronique; Bell Nexxia, créée pour offrir un service national fondé sur les plus récentes technologies Internet axées sur les protocoles.

Lorsque nous avons examiné les répercussions que ce projet de loi pourrait avoir sur notre entreprise, nous sommes arrivés à la conclusion—et c'est le message que nous voulons vous transmettre aujourd'hui—que ce projet de loi entraînerait une hausse de prix pour les consommateurs et les entreprises. Il forcerait les fournisseurs intégrés, comme nous, à se demander s'ils devraient exploiter un système de distribution mixte—c'est-à-dire s'ils devraient vendre à d'autres détaillants, d'un côté, et vendre directement aux consommateurs—ou s'ils devraient se retirer de la vente en gros pour se concentrer uniquement sur la vente au détail.

L'un des problèmes de l'industrie canadienne des télécommunications, c'est que nous avons un réseau de réseaux, où tout le monde, à un moment donné, vend ses services à d'autres grossistes en plus de les vendre au détail.

Le projet de loi placerait les fournisseurs intégrés dans une position concurrentielle désavantageuse, car nos concurrents pourraient continuer d'appliquer de nombreuses pratiques de prix normales, concurrentielles, qui nous seraient interdites. Cela nous mettrait nécessairement dans une position très désavantageuse. Cela aurait aussi pour effet de retirer des joueurs clés qui participent à ces pratiques concurrentielles dont profitent les consommateurs.

En outre, il compliquerait et restreindrait l'introduction de nouveaux produits et services, surtout de ceux qui sont véritablement novateurs et pour lesquels il faut développer le marché.

Je tiens à souligner que la vente en gros est largement pratiquée dans notre industrie.

[Français]

Dans notre industrie, il y a un grand nombre de revendeurs qui achètent des services de transporteurs et développent un service qu'ils vendent à leurs clients.

Il y a également des refactureurs. Des entreprises comme Sears ou la Banque Royale, par exemple, prennent un service complet de quelqu'un d'autre, mettent simplement leur nom dessus et le revendent.

Il y a aussi les transporteurs qui, dans presque tous les cas—et les gens n'en sont peut-être pas conscients—, achètent des services d'autres transporteurs et les revendent. Même Bell Canada ne couvre qu'une partie du pays, soit une partie de l'Ontario et du Québec. Lorsque nous offrons un service à nos clients, nous achetons des services d'autres transporteurs du pays pour vendre un service total à nos clients.

Nos concurrents transporteurs, comme AT&T, Sprint, etc., achètent des services de Bell ou encore entre eux. Les compagnies ont toutes des divisions de vente en gros. Pour compléter un autre réseau au plan géographique, couvrir un excès de volume ou couvrir des services que l'on ne fournit pas, ou bien en attendant de construire son réseau, on se bâtit une base de revenus, on achète en gros d'un autre concurrent et on revend. La pratique de vente en gros est donc très fréquente dans notre industrie.

• 0935

[Traduction]

La différenciation des prix est une autre pratique courante dans l'industrie. Elle est pratiquée par tous les intervenants. Les entreprises intégrées le font, les entreprises semi-intégrées, les télécommunicateurs comme AT&T et Sprint, de même que les revendeurs.

Il est très fréquent, bien sûr, qu'on offre des escomptes de volume. Un client de la taille du gouvernement du Canada, par exemple, pourrait acheter un plus fort volume qu'un revendeur et le prix de détail qu'il paierait serait inférieur au prix de gros payé par le revendeur. Le revendeur ciblerait un marché différent et continuerait d'enregistrer un profit dans ce marché intermédiaire ou de la consommation.

Il y a aussi des différences selon que l'on s'engage dans un contrat à long terme ou un contrat mensuel. Des rabais sont offerts aux entreprises en fonction de l'heure de la journée, des écarts importants étant observés en ce qui concerne le coût d'un interurbain effectué dans la soirée ou la fin de semaine par rapport à celui qui est fait pendant le jour.

On note aussi des écarts entre le prix du service résidentiel et le prix du service d'affaires. Par exemple, le service résidentiel local coûte beaucoup moins cher que le service d'affaires local. Le prix du service au détail est moins élevé que le prix de gros du service d'affaires.

Nous avons instauré un plafond de 20 $ par mois, qui est maintenant courant dans l'industrie, pour les interurbains effectués le soir et la fin de semaine. C'est unique au monde. Nous ne pourrions pas offrir ce service en gros à nos principaux concurrents, comme AT&T et Spring, car ils généreraient tellement de trafic que cela serait désastreux pour nous sur le plan financier. Voilà donc un exemple où le prix de détail payé par le consommateur est inférieur au prix de gros payé par les plus gros clients.

Les promotions constituent également une pratique courante dans l'industrie, comme dans bon nombre d'industries. Nous vendons des options et des caractéristiques comme l'affichage ou la messagerie. Nous l'offrons gratuitement pendant quelques mois, pendant les périodes creuses de l'année, comme octobre ou novembre, avant l'afflux de Noël. Dans le secteur de l'interurbain, à différents moments on offre aux gens jusqu'à 12 mois gratuits, ou l'élimination des frais de service. Il s'agit d'une pratique normale visant à stimuler les affaires et à attirer un client qu'on espère conserver pendant longtemps.

Nous avons également dans notre industrie—et c'est peut-être unique—des prix qui sont inférieurs au prix coûtant ou au prix de gros dans l'intérêt du public. Par exemple, dans le cadre de l'initiative Réscol du gouvernement, nous offrons gratuitement du temps satellitaire et nous renonçons aux frais d'interurbain pour certaines écoles qui n'ont pas accès localement à Internet.

Encore une fois, ce sont toutes des choses qui seraient interdites en vertu de ce projet de loi.

Pour ce qui est des nouveaux produits ou des nouvelles technologies, il est également fréquent—et j'en parlerai un peu plus tard—de créer un marché lors du lancement d'un produit, lorsque les coûts sont encore élevés, en l'offrant à un prix que les consommateurs sont disposés à payer, mais qui est inférieur au prix coûtant, et probablement inférieur au prix de gros éventuel.

Donc, le principe d'interdire un prix de détail inférieur au prix de gros nuirait beaucoup aux fournisseurs intégrés, tandis qu'il ne semblerait pas nuire aux fournisseurs non intégrés, qui n'investissent peut-être pas autant que nous le faisons dans les infrastructures, etc. Cela pourrait tout de même leur nuire, puisque les fournisseurs intégrés pourraient devoir se retirer éventuellement du marché de gros...

[Français]

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Monsieur Courtois, votre temps est maintenant écoulé.

M. Bernard Courtois: Je voudrais simplement terminer, monsieur le président, en disant espérer que le comité reconsidère le projet de loi. Il me fera plaisir d'expliquer plus en détails ce qui est arrivé dans le cas du CISC et du service d'accès à haute vitesse à l'Internet, afin d'illustrer mon propos, à savoir que cette innovation ainsi que les progrès technologiques que nous avons faits n'auraient pas être possibles si le projet de loi avait été en vigueur et si ces gestes n'avaient pas été permis. Merci.

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Merci, monsieur Courtois.

Nous allons maintenant passer aux questions des députés.

[Traduction]

Avant de passer à la période des questions, j'aimerais vous rappeler que les députés disposent chacun de cinq minutes. Ainsi, si vous répondez brièvement aux questions, les députés sont susceptibles de vous en poser davantage. Si vos réponses sont longues, le député ne risque de poser qu'une seule question.

Je tiens à vous le rappeler, car certains députés ont beaucoup de questions à vous poser.

Le premier député à prendre la parole vient de l'opposition. Il s'agit de M. Jaffer, du Parti réformiste.

• 0940

M. Rahim Jaffer (Edmonton—Strathcona, Réf.): Merci.

Je n'ai qu'une question générale sur les ventes à perte, dont a parlé M. Courtois, qui permettent souvent de tester différents produits ou d'aider différents groupes qui ne pourraient pas se permettre de payer le plein prix.

À votre connaissance, est-ce que des subventions gouvernementales ou d'autres mesures d'aide gouvernementale pourraient permettre de continuer à vendre à perte à long terme, ou s'agit-il habituellement d'une initiative—et vous avez parlé de l'investissement dans la recherche et l'infrastructure pour certains produits et services—lorsque vous voulez présenter un nouveau produit à court terme, les ventes à perte n'étant évidemment pas rentables?

M. Bernard Courtois: Certains secteurs de notre industrie touchent une subvention pour le service téléphonique résidentiel local. Des recettes perçues sur les interurbains sont redistribuées aux télécommunicateurs qui offrent un service résidentiel dans des secteurs où le prix est inférieur au prix coûtant. Cette subvention permet de combler une partie de l'écart.

Cependant, le genre de choses dont nous parlons reflètent la pratique commerciale habituelle, à savoir que vous traversez des périodes creuses dans l'année, ou la marchandise devient désuète, ou, dans notre cas, un nouveau produit est lancé. De toute évidence, un nouveau produit est lancé. De toute évidence, vous n'offrez un prix inférieur au prix coûtant que si vous espérez conserver le client et qu'à long terme il vous permettra d'enregistrer une marge de profit normale. En fait, vous vous déployez. Vous faites un investissement au début dans l'espoir de le récupérer tout en enregistrant un profit normal.

Aucune entreprise, autant que je sache, ne peut se permettre continuellement de vendre à perte.

M. Rahim Jaffer: D'accord.

Je suppose qu'une des choses qui me préoccupaient également dans l'exposé fait par les fournisseurs de services Internet, c'est qu'évidemment, lorsque les entreprises vendent à perte aux consommateurs, les consommateurs en général en profitent.

Je me demande pourquoi, en tant que législateurs, nous devrions imposer aux consommateurs un coût additionnel dont profiteront vos entreprises.

M. Gord Waites: Je ne crois pas que les fournisseurs de services Internet réclament l'imposition de coûts additionnels aux consommateurs. Ce que nous devons remettre en question, ce sont les coûts sous-jacents de la prestation des services.

Si d'un côté une compagnie de téléphone juge à propos d'exiger au détail 40 $ pour un service, il est peu probable que le coût sous-jacent soit réellement de 127 $. En fait, elle exige probablement un prix assez gonflé, en se réservant une marge de profit énorme, car les compagnies de téléphone ne sont pas tenues d'établir leurs prix en fonction du coût majoré d'un faible pourcentage; elles peuvent demander ce qu'elles veulent, du moment qu'elles font leurs frais. Ainsi, elles peuvent conserver leur position aussi longtemps qu'elles le désirent, de telle sorte qu'elles peuvent offrir des services que leurs concurrents ne peuvent proposer.

Tant que les règles resteront les mêmes, elles vont pouvoir continuer d'accaparer ce segment du marché.

M. Rahim Jaffer: Si l'on suit votre logique, je crois qu'il faudrait s'interroger sur l'industrie des services Internet, et son expansion, surtout en ce qui concerne les petits joueurs et la concurrence dans ce marché, où le gouvernement est très peu intervenu, très peu de lois régissant les fournisseurs Internet. C'est quelque chose que nous examinons en ce moment.

Les compagnies comme AOL et Yahoo! sont toutes prospères. Elles se sont taillé une place malgré la concurrence en concluant des accords avec des compagnies de télécommunications. Certaines de ces entreprises ont pris beaucoup d'expansion et sont devenues très prospères.

Je ne vois donc pas pourquoi le gouvernement devrait intervenir si en fait, avec le temps, les marchés peuvent résoudre les problèmes.

M. Gord Waites: C'est exact. Je suis tout à fait d'accord avec vous. En fait, ce qui est intéressant, l'industrie Internet est née de l'achat de services auprès des compagnies de téléphone traditionnelles. Comme je l'ai dit plus tôt, nous avons acheté des lignes d'affaires traditionnelles, nous avons acheté des accès aux fibres optiques T1 traditionnelles pour les clients d'affaires—des services qui étaient déjà tarifés à d'autres fins, et qui étaient disponibles depuis de nombreuses années.

Ainsi, les forces du marché ont poussé les prix à un niveau qui a permis aux compagnies de téléphone d'enregistrer un profit sur leurs investissements, mais en fait ces services ont servi à créer un tout nouveau service, à savoir l'accès à Internet.

Ce qui se produit maintenant—et c'est ce qui explique la demande qui a été présentée—c'est que de nouvelles technologies sont en train de naître. La LNPA n'est pas la seule. L'accès par câble est aussi un sujet de préoccupation. On élabore aujourd'hui de nouvelles technologies qui sont basées sur des installations où existe un quasi-monopole—en d'autres mots, le câble coaxial ou de cuivre dans les foyers. À moins de s'attendre à ce que les fournisseurs de services Internet construisent une infrastructure parallèle et complètement redondante pour rejoindre chaque foyer au Canada, ce qui serait sans doute insensé sur le plan économique, nous devons bénéficier d'un accès juste et équitable à ces installations.

• 0945

C'est comparable à la libéralisation du marché de l'interurbain au Canada. Si les compagnies de téléphone avaient obtenu ce qu'elles réclamaient, elles auraient imposé 5¢ ou 10¢ pour chaque appel afin de couvrir de supposés frais d'établissement et d'interruption d'appel.

Le CRTC, en fin de compte, a découvert que ces chiffres n'étaient pas exacts. En fait, ces coûts se chiffraient à environ 3c. ou 4c., et ils sont aujourd'hui d'environ 2c. par appel terminé. Les compagnies comme AT&T et Sprint vont payer aux compagnies de téléphone ce coût pour établir des appels et y mettre fin.

[Français]

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Monsieur Jaffer, merci beaucoup.

[Traduction]

Je cède la parole à Sue Barnes.

Mme Sue Barnes (London-Ouest, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je vous souhaite la bienvenue et vous remercie de vos témoignages. Vous avez tous exprimé très clairement vos points de vue.

Notre travail ne consiste pas simplement à examiner vos industries et les conflits qui existent entre les parties à la table...

Monsieur Colville, je vous épargnerai de répondre à certaines de mes questions, car je crois qu'elles pourraient vous placer dans une situation difficile.

J'aimerais que vos directeurs du marketing soient des nôtres. J'aimerais bien leur demander comment ils vont réécrire l'économie du Canada, telle qu'on la connaît, pour vendre leurs services aux Canadiens, comment ils vont percer les marchés, comment ils vont attirer les clients dans les magasins. Ce n'est pas votre industrie; je vous demanderais de ne pas vous borner aux conflits et à vos problèmes actuels, car ce projet de loi, s'il est adopté, ira beaucoup plus loin.

Il y a des stratégies de marketing qui sont très courantes et qui me viennent à l'esprit. Il suffit de penser aux magasins de meubles, et aux produits d'appel...

J'ai pratiqué le droit. J'offrais certains services, comme la rédaction d'un testament, qui ne me rapportait pas autant qu'il me coûtait en fait de temps et d'expertise, mais je gagnais d'habitude un client, si la transaction était menée efficacement.

Je pense donc que ce que vous demandiez, si nous adoptons cette mesure... c'est une question importante, car je crois que le parrain du projet de loi a soulevé de sérieuses préoccupations à propos d'un domaine très important dans lequel il aura des répercussions. En fait, nous examinons une situation où les répercussions seront beaucoup plus vastes.

Il est peut-être difficile pour vous de vous faire l'avocat du diable, mais je demanderais aux fournisseurs de services Internet d'imaginer le scénario suivant: Bell a disparu. Nous sommes 50 ans plus tard, et vous essayez d'innover.

Votre service de commercialisation voudrait-il se retrouver dans la situation où il vous serait impossible d'offrir des prix de gros; où vous ne pourriez pas faire de ventes promotionnelles; où vous ne pourriez pas lancer une campagne dans le secteur géographique X ou Y pour tester un produit, ce que vous ne pourriez pas faire tout d'un coup à l'échelle nationale?

Voilà les problèmes que je vois dans cette loi sous sa forme actuelle. Si j'ai tort, j'aimerais le savoir. Je voudrais que vous voyiez plus loin que votre situation actuelle. Si je vous en demande trop, dites-le, mais j'aimerais que vous essayiez de voir plus loin et de vous rendre compte que nous tentons de faire intervenir le droit pénal. Ce ne sont pas de simples considérations économiques. C'est une question de droit pénal.

Vous pouvez réfléchir un instant. Vous devrez sans doute me dire que vous ne pouvez pas répondre à mes questions.

Nous pourrions peut-être commencer par les fournisseurs Internet, puis Bell Canada, si vous désirez répondre. Je crois que vous avez dit ce que vous aviez à dire, mais si vous aviez quelque chose à ajouter, n'hésitez pas.

Cela va sans doute absorber mes cinq minutes, malheureusement, à moins que nous n'ayons d'autres tours.

M. Timothy Denton: Je serai le plus bref possible.

Madame Barnes, vous posez les bonnes questions en ce qui concerne le principe de l'application générale. Je vous remercie de réfléchir comme un législateur.

À mon avis, la question qu'il faudrait se poser ici est celle de la réglementation des monopoles, et les solutions devraient viser ceux qui exercent... non pas un pouvoir de monopole, mais plutôt leur pouvoir sur le marché.

Pour le moment, il s'agit non pas tant de réglementer Internet que de réglementer ceux qui exercent leur pouvoir sur le marché. Dans la mesure où vos solutions et vos remèdes peuvent être dirigés et canalisés vers ceux qui exercent ce genre de pouvoir, que possèdent les câblodistributeurs et les compagnies de téléphone du fait qu'à l'heure actuelle il est impossible de reproduire les installations qui entrent dans une maison... et c'est de ce nombre limité de fils qui entrent dans une maison que ces entreprises tirent tout leur pouvoir sur le marché.

• 0950

Ma réponse est donc qu'il faut réfléchir très sérieusement à des solutions qui s'appliqueront à l'ensemble de l'économie. Je crois donc que le remède devrait être ciblé vers les situations où un pouvoir est exercé sur le marché.

Il est indiscutable, je crois, que, selon les conclusions du CRTC, le câble coaxial et les lignes téléphoniques qui entrent dans les maisons servent de base à l'exercice d'un pouvoir sur le marché.

Je ne crois pas qu'il soit nécessaire d'en dire plus pour répondre à votre question.

[Français]

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Monsieur Waites.

[Traduction]

M. Gord Waites: Sue, merci de vos observations.

Je vais me placer du point de vue de la commercialisation. Je suis d'accord avec vous pour dire que les fournisseurs de services Internet ou toute autre entreprise doivent disposer d'une certaine marge de manoeuvre quant à la façon d'aborder un marché ou de commercialiser des produits et services. Les ventes promotionnelles, les rabais et les incitatifs de ce genre sont pratique courante dans tous les secteurs.

Nous avons donc évité de réglementer la fourniture de services Internet au Canada afin de ne pas être encombrés par toutes les exigences concernant la tarification, les rabais, et ce genre de choses. Cela nous permet d'être plus souples et plus agiles sur le marché.

Je suis toutefois d'accord avec Timothy quant à la nécessité de trouver une solution lorsqu'un goulot d'étranglement ou des installations jouissant d'un monopole risquent, à long terme, de chasser du marché des concurrents viables, ce qui créera un monopole ou un duopole. Malheureusement, grâce à des entités non réglementées et réglementées, et des filiales qui ne sont pas réglementées, il a été impossible, en tout cas jusqu'ici, de contourner les mesures de protection mises en place.

[Français]

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Merci, monsieur Waites. Monsieur Courtois.

[Traduction]

M. Bernard Courtois: Nos agents de commercialisation viennent parfois nous voir, nous qui sommes chargés de la réglementation, pour nous dire qu'un tel vient de faire cadeau d'un PBX à un gros client pour lui vendre ses services interurbains et autres ou qu'on a fait cadeau d'un service Internet pour devenir le seul fournisseur d'un client. Pouvez-vous faire quelque chose pour mettre un terme à cela?

Malheureusement, nous devons répondre que non, car ce n'est pas réglementé. C'est le jeu normal de la concurrence. Vous devez vous battre pour vous tailler une place sur le marché.

Néanmoins, avec ce projet de loi, si un fournisseur intégré verticalement emploie ce genre de méthodes, il commettra un acte criminel, contrairement à ses concurrents. Il y aura certainement moins de concurrence sur le marché. Ce sera mauvais pour la clientèle. Autrement dit, des méthodes qui sont bénéfiques pour les clients et qui représentent de bonnes pratiques commerciales risquent parfois d'être considérées comme des actes criminels en vertu de ce projet de loi.

Dans notre cas, le Bureau de la concurrence a examiné le marché Internet à haute vitesse. Il a conclu qu'en nous empêchant de vendre au-dessous du prix coûtant, comme nous l'avons fait pour mettre au point notre produit, on entraverait l'avènement de la nouvelle technologie, on priverait les consommateurs des avantages d'une concurrence sur le plan des prix et des services, et ce ne serait pas dans l'intérêt de la clientèle.

Autrement dit, les câblodistributeurs vendent un service Internet à haute vitesse pour 39,95 $. Ils ne sont pas visés par ce projet de loi parce qu'ils ne font pas de vente en gros. Ils vendent directement leurs services.

Si nous ne pouvons pas offrir le même prix, nous n'aurons pas de clients. Nous ne pourrons pas améliorer le produit et nous ne pourrons pas faire ce que nous avons fait, c'est-à-dire nous servir de clients réels pour résoudre le problème du prix et, grâce à de gros progrès technologiques, abaisser les coûts de 127 $, 150 $ et 200 $ à 24 $, ce qui représente le prix que nous offrons maintenant aux fournisseurs de services Internet. Nous n'aurions pas pu le faire si nous n'avions pas été sur le marché et si nous n'avions pas pu aligner nos prix sur ceux des câblodistributeurs.

Je ne vois donc pas pourquoi ce serait bon pour les consommateurs et pour l'innovation.

[Français]

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Merci, monsieur Courtois. Linda Gervais, vous aviez quelque chose à ajouter?

[Traduction]

Mme Linda C. Gervais (vice-présidente, Relations avec le gouvernement fédéral, Bell Canada): Je voulais seulement dire que la confusion règne parfois à l'égard des diverses sociétés de Bell Canada et de BCE. Nous avons entendu mentionner les noms de Bell Solutions globales, Bell Nexxia, etc.

Bell Nexxia est notre nouvelle société, notre nouveau fournisseur de services nationaux. C'est notre nouvelle compagnie Internet. Elle va se spécialiser dans les services Internet à l'échelle nationale. Bell Nexxia est chargée de fournir le réseau sur lequel les fournisseurs de services Internet peuvent offrir leurs services.

Le prix qui a été offert aux fournisseurs de produits Internet n'est pas 120 $, mais 24 $ à 29 $, selon le volume et les dispositions du contrat.

Je tiens à bien préciser que le prix que nous offrons aux fournisseurs de services Internet pour le moment est inférieur au prix auquel nous vendons ce service au niveau du détail.

• 0955

Je signale également que nous négocions activement avec un certain nombre de fournisseurs de services Internet. Notre réseau est, depuis longtemps, à la disposition de nos concurrents.

Comme j'ai entendu parler des câblodistributeurs, il y a lieu de se demander dans quelle mesure ce réseau est ouvert.

Je tenais simplement à le mentionner.

[Français]

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Merci, madame Gervais. Nous allons maintenant poursuivre avec M. Colville.

[Traduction]

M. David Colville: J'aurais seulement un bref commentaire.

Comme les deux fournisseurs de services Internet ont parlé des installations essentielles ou de monopole, je veux seulement préciser—nous n'avons pas de service de marketing—que pour faciliter la concurrence nous avons imposé le dégroupement des services et l'établissement d'une tarification pour les installations essentielles dont il a été question ici.

Selon moi, ces questions ont été réglées dans le cadre de la Loi sur les télécommunications.

[Français]

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Merci, monsieur Colville.

Madame Lalonde.

Mme Francine Lalonde: Vous dites donc, monsieur Colville, que cette situation de monopole ne peut pas exister et que si jamais elle existait, le CRTC pourrait intervenir.

[Traduction]

M. David Colville: C'est exact.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Il me semble que dans cette question, il y a plusieurs niveaux de problèmes, dont l'un touche la recherche et le développement. Dans d'autres secteurs, il est certain que les entreprises qui mobilisent des ressources pour la recherche et le développement le font pour essayer d'avoir, pendant un certain temps, un avantage sur le marché. On a également étudié cette dimension pour les produits pharmaceutiques, par exemple. Je ne pense pas qu'on puisse traiter cela de façon globale, ce qui complique drôlement les choses.

Ce qui complique aussi les choses, c'est que vous avez, parmi les fournisseurs Internet, de très gros fournisseurs. Est-ce qu'America Online fait partie de vos membres, monsieur Waites? Oui? Alors, America Online pourrait acheter tout ce qu'elle peut de lignes disponibles de Bell et, à son tour, offrir un rabais important pendant qu'elle est capable de le faire, compte tenu de sa taille. Bell ne pourrait pas faire de même parce qu'elle est tenue d'exiger de ses clients un prix de détail qui est le même que le prix de gros, ce qu'America Online ne serait pas tenue de faire.

[Traduction]

M. Gord Waites: Si AOL achetait des services directement à Bell Canada, elle devrait payer les 127,55 $, le tarif pour les services dégroupés qui a été approuvé par le CRTC, dont M. Colville a parlé. C'est le tarif approuvé.

Par conséquent, si AOL doit acheter un élément de ce service pour le prix de 127,55 $, et je suppose que pour réussir sur le marché elle devra...

[Français]

Mme Francine Lalonde: Je m'excuse, mais ce n'est pas l'objet de ma question.

Dans le cadre du projet de loi, America Online pourrait, par exemple, acheter à 24 $ et revendre à 18 $ pendant un certain temps, pour attirer des clients, compte tenu de sa taille, cela dans le but d'aller chercher des clients de Bell ou d'autres. Rien ne l'empêcherait de faire cela, dans le projet de loi, alors que Bell en serait empêchée. Bell est obligée de vendre au détail au même prix qu'au gros.

[Traduction]

M. Gord Waites: En effet, mais...

[Français]

Mme Francine Lalonde: Oui, c'est vrai.

[Traduction]

M. Gord Waites: ...vous demandez sans doute si AOL pourrait vendre des services à perte.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Oui, absolument.

[Traduction]

M. Gord Waites: En effet.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Il n'y a rien qui l'en empêche.

[Traduction]

M. Gord Waites: Je crois que toute entreprise au Canada peut vendre ses services à perte si elle le désire. Vous voulez sans doute savoir si AOL est suffisamment solide pour pouvoir absorber ces pertes pendant longtemps.

En fait, au Canada, AOL est assez petite par rapport à ce qu'elle est aux États-Unis. Le plus gros fournisseur de services Internet au Canada est Bell et ses filiales.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Vous comprenez qu'en répondant de façon affirmation à ma question, ce que je n'avais pas prévu, vous soulevez un problème important, qu'on a aussi vu dans d'autres secteurs d'activités.

• 1000

Dans le secteur pétrolier, par exemple, on a vu de gros fournisseurs non intégrés s'emparer d'un marché parce qu'ils avaient acheté les petits détaillants et étaient allés en bas du prix coûtant pour obtenir un marché. Rien n'empêche que cela se produise dans quelque partie du Canada que ce soit, pour quelque service que ce soit.

L'intention de ce projet de loi m'est très sympathique, mais je peux comparer cela à ce qui s'est fait au Québec, dans le secteur pétrolier. La loi québécoise, administrée par la régie, touche tous les joueurs de la même manière. Elle vise à permettre aux détaillants indépendants d'avoir des conditions de commerce suffisantes, mais elle ne crée pas de conditions différentes pour les fournisseurs intégrés et les gros fournisseurs non intégrés.

J'aimerais que vous réagissiez à mes propos car je pense que c'est le problème principal. Nous, parlementaires, avons de la sympathie pour les détaillants indépendants, surtout quand nous les pensons petits, mais certains d'entre eux sont très gros.

[Traduction]

M. Gord Waites: En effet. Je reconnais que certains fournisseurs sont de très grosses entreprises, mais ils ne peuvent pas vendre à perte bien longtemps.

Si un fournisseur d'essence exerçait un monopole et vendait son essence par l'entremise d'une entreprise intégrée verticalement—je ne suis pas un expert de l'industrie de l'essence, et je m'en excuse—et vendait à perte pendant une longue période, il conduirait tous ses concurrents à la faillite. Il serait le seul fournisseur en ville. Lorsqu'il y a des installations représentant un monopole, c'est là qu'il y a une différence.

J'en reviens à ce que Timothy Denton a dit tout à l'heure, à savoir qu'il y a seulement un fournisseur pour ce genre d'installation en Ontario et au Québec, et c'est Bell Canada. Nous devons passer par Bell pour obtenir des services. Si nous devons payer 300 fois plus que le prix de détail, nous ne pourrons pas survivre, pas plus qu'AOL, UUNet, ou les centaines d'autres fournisseurs de services Internet. Le seul qui restera sur le marché sera Bell Canada.

[Français]

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Merci, madame Lalonde.

Mme Francine Lalonde: Merci, monsieur le président.

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Nous allons maintenant passer à M. Keyes.

[Traduction]

M. Stan Keyes (Hamilton-Ouest, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je remercie les témoins des exposés qu'ils nous ont faits ce matin.

Je suppose que nous nous sommes un peu écartés du sujet de ce projet de loi de mon collègue, Dan McTeague, mais je présume que tous les renseignements que nous pouvons obtenir sont importants et pertinents.

Je ne comprends pas très bien—et je ne sais pas ce qu'il en est de mes collègues—quand M. Waites parle d'un prix de 127,55 $ tandis que Mme Gervais, de Bell Canada, dit qu'en fait le coût est inférieur au prix de détail et que personne ne vend au-dessus du prix de détail aux fournisseurs de services Internet. Je ne sais pas qui a raison. Je suppose qu'en fin de compte ce sera le CRTC qui en décidera.

Monsieur Colville, pourriez-vous me dire brièvement, en ce qui concerne ce conflit entre les fournisseurs de services Internet et Bell, qui est leur fournisseur, si le CRTC a le pouvoir de résoudre entièrement ce problème?

M. David Colville: Nous avons le pouvoir d'intervenir. Nous en avons pour preuve que les parties le reconnaissent, puisqu'elles ont présenté au moins deux requêtes concernant cette question.

M. Stan Keyes: Ainsi, vous avez les outils nécessaires pour intervenir, n'est-ce pas?

M. David Colville: Oui, nous les avons.

M. Stan Keyes: Monsieur Denton, combien la société Tucows Interactive investit-elle dans la mise au point d'une infrastructure nouvelle, faisant intervenir une haute technologie plus rapide?

M. Timothy Denton: Monsieur, nous ne nous occupons pas d'infrastructure.

M. Stan Keyes: D'accord, merci.

Votre société offre-t-elle un service gratuit à un groupe ou à une organisation quelconque?

M. Timothy Denton: Non, que je sache, non, mais je...

M. Stan Keyes: Voici la difficulté que j'éprouve—et M. Colville voudra sans doute écouter attentivement—car je voudrais revenir un peu en arrière. En effet, le débat a été lancé alors que certains points n'ont pas encore été établis. Revenons donc en arrière.

Prenez l'exemple de la société A, qui dépenserait une grande quantité d'argent pour investir dans l'infrastructure. Viennent donc ensuite les revendeurs, qui argumentent du fait qu'une résidence est reliée à une seule ligne téléphonique et à une seule ligne de câblodistribution, et qui veulent devenir partie prenante.

• 1005

M. David Colville: Je vois.

M. Stan Keyes: Vous me suivez. Il n'y a pas de difficulté, car nous sommes en présence d'un auditoire captif pour les deux lignes.

Si alors la société—disons que c'est votre société, monsieur Waites—a un service à offrir et qu'ensuite la société A—Bell en l'occurrence—intervient pour dire qu'elle va dépenser des dizaines de millions de dollars pour mettre au point quelque chose d'un peu plus rapide, d'un peu plus moderne, alors votre société s'en réjouit. Elle veut toujours être partie prenante, mais elle veut qu'on lui impose le même prix qu'aux autres, car elle prétend que c'est son droit—peu importe les arguments.

Vous n'avez pas investi un sou des millions et des millions de dollars nécessaires pour cette réalisation, et pourtant vous prétendez qu'il est juste de pouvoir vous prévaloir de ce service sans pour autant que ce soit à un prix supérieur. Il y a donc un écart de prix ici entre Bell et les fournisseurs de services Internet—et je ne sais pas de quel ordre cela devrait être—mais manifestement la société A va devoir demander un peu plus si elle veut rentrer dans son argent.

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Monsieur Waites.

M. Gord Waites: Je pense que votre argument est valable. Pourquoi les revendeurs prétendraient-ils qu'une part du marché leur revient et pourquoi laisserait-on...

M. Stan Keyes: Non, non, vous n'y êtes pas. Les revendeurs devraient avoir accès au marché.

M. Gord Waites: J'en conviens. Vous vous demandez pourquoi on nous permettrait d'avoir accès à une technologie inventée ou créée par la compagnie de téléphone.

M. Stan Keyes: Au même prix que la compagnie de téléphone a décidé de l'offrir.

M. Gord Waites: À défaut de cela, il n'y aurait pas de concurrence.

Permettez-moi de vous rappeler ce qu'était l'interurbain avant la concurrence. J'espère que certains d'entre vous s'en souviennent, mais quand j'étais enfant...

M. Stan Keyes: Monsieur Waites, la concurrence n'existerait pas si vous n'aviez pas un autre produit à offrir. Vous offrez un produit. Votre produit n'est peut-être pas aussi rapide et aussi sophistiqué que le nouveau produit que Bell veut offrir, mais n'oublions pas que Bell a investi beaucoup d'argent pour créer ce produit.

Vous avez vous-mêmes un produit à offrir. La concurrence existe même si votre produit n'est pas aussi perfectionné.

Par exemple, je conduis une Honda 1990. Je souhaiterais vivement conduire une Cadillac, qui m'offre toutes sortes de nouveautés technologiques, mais je n'en ai pas les moyens, de sorte que je me contente d'une Honda 1990.

M. Gord Waites: Mais vous ne conduisez pas...

M. Stan Keyes: Il en va de même pour votre service. Si un client a assez d'argent, il se tournera vers Bell et acceptera de payer plus...

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Laissez M. Waites répondre à la question.

M. Stan Keyes: Je voudrais pouvoir poser la question d'abord, monsieur le président. Ensuite j'écouterai la réponse. Je veux que M. Waites comprenne bien mon argument, car je constate qu'il prenait une tangente.

M. Gord Waites: Vous ne conduisez pas une Buick 1951 parce que cette voiture est obsolète. Avec le temps, l'accès par cadran d'autrefois va devenir obsolète au fur et à mesure que l'accès à grande vitesse deviendra plus courant.

Je veux qu'une chose soit bien claire. Les compagnies de téléphone n'ont pas inventé cette technologie. Elle a été inventée par nombre de vendeurs qui sont toujours dans le secteur. Il y a des conseils de normalisation à l'oeuvre de par le monde, auxquels tous les fournisseurs de services Internet participent, afin de définir ce que sera l'accès à grande vitesse.

Pourquoi prétendons-nous avoir accès à cette technologie? Parce qu'elle utilise des installations de base qui sont le monopole d'une société. Il serait insensé que les résidents et clients soient câblés et recâblés.

Dans la mesure où on utilise des installations qui sont le monopole d'une société, nous pensons que toutes les entreprises canadiennes devraient jouir d'un accès juste et égal.

M. Stan Keyes: Monsieur le président, je pense que M. Waites n'a pas compris mon argument. Il est tout à fait convaincant pour ce qui est de défendre son point de vue, mais il n'a pas compris manifestement que je ne parle pas ici d'une Buick 1951. Je parle de 1990 par rapport à 1998. Je parle des gens qui ont encore des Pentium I et II, même si on offre maintenant un Pentium III. Ces gens-là n'ont pas les moyens d'acheter un Pentium III.

Voilà que vous avez un Pentium I et que tous ces gens offrent un Pentium III. Ça c'est de la concurrence, parce qu'on a certainement le droit de vendre un produit un peu plus rapide, un peu plus performant.

De toute façon, cela dit, monsieur le président, je ne suis pas sûr...

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Un instant.

Monsieur Courtois.

M. Bernard Courtois: Permettez-moi d'apporter des précisions concernant les prix. Les deux prix sont justes. En d'autres termes, au départ, le prix était de 127 $, parce que les coûts étaient alors beaucoup plus élevés, de l'ordre de 150 $ et 200 $.

Nous avons demandé cela à Bell Solutions globales, qui offrait Sympatico, et ils ont investi dans la constitution d'un noyau de clients tout en travaillant avec nous pour faire baisser les coûts. Nous y sommes parvenus grâce à un travail unique, et nous offrons maintenant la même chose à 24 $ pour les fournisseurs de services Internet que cela intéresse.

Nous n'aurions pas pu en arriver là si nous n'avions pas pu vendre à 39,95 $, le prix fixé par les câblodistributeurs, et nous n'aurions pas pu en arriver là si nous avions dû subventionner AT&T et Sprint et AOL, des sociétés qui à l'échelle mondiale sont beaucoup plus grosses que la nôtre.

Comme vous le savez, nous ne pouvons pas vendre à un prix inférieur au prix coûtant. Il nous faut pouvoir vendre en quantité assez réduite pour que nous puissions faire nos frais même contraints par les barèmes de prix normaux. Entre-temps, les câblodistributeurs pourraient fixer leur prix à 39,95 $, peu importe que cela soit inférieur ou supérieur au prix coûtant, et les dispositions de ce projet de loi ne les viseraient en rien, parce que leur système n'est pas ouvert.

Je tiens également à signaler que le service Internet dans certains pays est parfois offert gratuitement. Même à Ottawa, Freenet existe. Les fournisseurs le donnent gratuitement. En Grande-Bretagne, British Telecom a dû se mettre au diapason de ses concurrents et donner un accès gratuit, en espérant pouvoir réaliser des bénéfices grâce à la publicité et à d'autres moyens.

• 1010

Si les dispositions de ce projet de loi sont adoptées, des sociétés comme la nôtre, qui investissent, ne pourraient pas s'adonner à ces pratiques commerciales normales. Seules les sociétés qui n'investissent pas dans l'infrastructure pourraient le faire.

M. Stan Keyes: Et, monsieur Courtois...

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Ce sera votre dernière question, monsieur Keyes.

M. Stan Keyes: ...je suppose que nous, les législateurs, ne faisons que prendre une petite bouchée ainsi. Nous n'avons même pas encore abordé la possibilité de rabais pour les ventes en grande quantité, de rabais suivant la durée du contrat, les taux des résidences par rapport aux taux des entreprises, etc.

Voilà pourquoi, monsieur le président, j'ai commencé par demander à M. Colville si de fait le CRTC avait les outils et le pouvoir nécessaires pour faire face à cette situation. Il m'a dit que oui.

Merci.

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Monsieur Jones.

M. Jim Jones (Markham, PC): Merci.

Je voudrais poser quelques questions à Timothy Denton.

Vous avez dit qu'une conversation téléphonique durait en moyenne trois minutes. Je ne sais pas où vous vouliez en venir en affirmant cela, car les choses ont changé depuis l'avènement de l'Internet. Une communication Internet dure sans doute en moyenne des heures.

La compagnie Bell, ou les gros fournisseurs de services, ont sans doute dû moderniser leur matériel pour permettre ce genre de communication. Prétendez-vous qu'ils auraient tort de demander plus d'argent? Ils ont sans doute dû investir dans le matériel et la technologie pour...

M. Timothy Denton: Absolument pas. Je disais tout simplement que quand il y a communication d'humain à humain, cela dure un certain temps. Les communications de machine à machine sont différentes—en longueur, selon l'intensité du trafic et selon la nature de ce dernier.

Les compagnies de téléphone ne voient aucun inconvénient à ce que des gens gagnent de l'argent grâce aux services qu'elles offrent. Toutefois, comme c'est toujours le cas quand il y a emprise sur le marché, nous avons des réserves quant à la façon dont elles peuvent se servir de cette emprise.

En fait, deux réseaux techniques se font concurrence. Les compagnies de téléphone, au cours de l'année prochaine, travailleront d'arrache-pied pour devenir des fournisseurs intégrés de services Internet. C'est une évolution du marché tout à fait normale. Entre-temps, toutefois, les câblodistributeurs et les compagnies de téléphone prétendent quand même qu'elles sont propriétaires du support physique qui transmet nos signaux. Par conséquent, selon nous, ces compagnies exercent ainsi une emprise sur le marché.

En outre, étant donné la configuration de leurs réseaux, qui ne sont pas construits ou conçus en fonction de l'Internet, et qui sont pour une grande part incompatibles avec ce dernier, elles ont un barème de prix inapproprié, ou antinomique, étant donné la façon dont fonctionne l'Internet.

Ainsi, je vous mets tout simplement en garde contre d'autres litiges de ce genre au cours des 10 prochaines années.

M. Jim Jones: Je voudrais avoir une précision. Quel est le coût du point de vue des fournisseurs de services Internet? Est-ce de 20 $ à 29 $, ou 129 $, comme ces gens le prétendent?

M. Bernard Courtois: Cela a changé depuis un an. Autrefois, il nous en coûtait 127 $ ou 150 $ pour fournir le service à haute vitesse à Bell Solutions globales ou aux fournisseurs de services Internet—parfois plus si les clients étaient peu nombreux—mais grâce au travail que nous avons fait l'an dernier, soit remplacer la ligne normale LNPA par un modem à un méga-octet et changer également la topologie du réseau en créant une technologie à gestionnaires de réseaux, performante, nous avons pu abaisser le coût. Bell Nexxia offrira désormais cela aux fournisseurs de services Internet, pour des applications commerciales, dès l'été prochain—ou à l'essai dès maintenant, s'ils le souhaitent—et ce, à 24 $ pour un gros volume ou à 29 $ par client pour un petit volume.

Nous avons donc grandement amélioré les choses sur le plan des coûts et de la technologie en travaillant directement avec de véritables clients pour nos essais.

Soit dit en passant, Bell Nexxia n'a pas pour ambition d'offrir des services Internet au détail... Sa mission est de vendre aux fournisseurs de services Internet. Dans notre cas, les fournisseurs de services Internet sont des clients importants, indispensables.

Sympatico, même si c'est le plus gros fournisseur de services Internet au Canada, n'a qu'un septième du marché. Il nous faut les six septièmes qui restent pour pouvoir utiliser nos lignes et constituer un marché de masse. Nous avons pu faire de gros progrès. Nous rencontrons les fournisseurs de services Internet, qui nous disent qu'ils souhaiteraient que les prix soient plus bas, mais nous avons fait de gros progrès grâce au travail de Sympatico, qui s'est occupé de constituer une clientèle et un marché.

• 1015

Manifestement, nous espérons que tout le monde pourra réaliser des bénéfices à long terme, mais faire cela grâce à l'Internet, il faut le reconnaître, ce n'est pas évident. On ne réalise pas nécessairement de gros bénéfices grâce aux droits d'abonnement mensuels. Le fournisseur de services Internet essaie de faire ses frais grâce à ces mensualités, mais pour faire des bénéfices il compte sur la publicité, le commerce électronique ou d'autres services.

Les actions et les ventes de beaucoup de compagnies Internet sont phénoménales, mais elles ne réalisent pas de bénéfices. Manifestement, tout le monde veut réaliser des bénéfices tôt ou tard. Grâce à notre travail, le coût ou le prix imposé aux fournisseurs de services Internet a beaucoup baissé.

En effet, le problème que posaient les LNPA était mondial. Tout le monde l'éprouvait, car avec ces lignes nous ne pouvons pas fixer le prix par rapport au coût d'un raccordement de modem, en particulier au Canada, car les coûts ici sont plus bas que partout ailleurs dans le monde. Nous avons travaillé fort pour résoudre les problèmes technologiques qui nous empêchaient de faire baisser les coûts.

M. Gord Waites: Permettez-moi d'ajouter quelque chose. Je viens de mettre la main sur une lettre de M. Courtois au CRTC concernant ce problème en particulier. Dans sa lettre, il confirme que le tarif, tel que déposé aujourd'hui, est celui qui est exigé pour un service LNPA à un méga-octet, à savoir 127,55 $

Si un fournisseur de services Internet veut acheter à Bell Canada, qui a le monopole des installations, et qui par conséquent est réglementée et contrôlée par le CRTC, il paye 127,55 $. Si nous voulons acheter par l'intermédiaire d'une filiale non réglementée de Bell, Bell Nexxia, Bell vendra le service à Nexxia, et on peut présumer que ce sera pour 127,55 $, et Nexxia le vendra à son tour à...

M. Janko Peric (Cambridge, Lib): J'invoque le Règlement, monsieur le président. Pouvons-nous obtenir copie de cette lettre?

M. Gord Waites: Volontiers.

Nexxia le vendra aux fournisseurs de services Internet à 24 $, avec une perte de 103 $, répétée pour chaque client. C'est déraisonnable.

M. Bernard Courtois: M. Waites a raison. C'est déraisonnable, et ce n'est pas ainsi que sont les choses. Il y a un tarif pour un service qui vous raccorde à un bureau central, mais alors il vous faut centraliser le trafic en une ville, en procédant à des combinaisons de trafic, pour profiter des économies que le réseau permet.

Voilà ce que fait Bell Nexxia, mais n'importe quelle compagnie de télécommunications peut obtenir ce service auprès de Bell, pour chaque bureau central, en faisant les combinaisons nécessaires en un seul endroit de la ville, et ensuite entreprendre de vendre aux fournisseurs de services Internet.

Pour l'instant, oui, nos affiliés qui essaient de concentrer le trafic doivent payer le tarif. Manifestement, entre maintenant et l'été, alors que notre nouvelle capacité sera prête, il nous faudra examiner ce tarif, grâce auquel vous n'obtenez que l'accès à un bureau central, qui n'est pas le point central d'une ville, alors que c'est ce que les fournisseurs de services Internet veulent.

Voilà pourquoi Nexxia annonce que dès l'été il en coûtera 24 $.

M. Jim Jones: Ainsi, Nexxia est le gros tuyau qui traverse le pays?

M. Bernard Courtois: Oui.

M. Jim Jones: Après, il faut le raccordement entre la résidence et Nexxia, n'est-ce pas?

M. Bernard Courtois: Oui. Bell ne fait que raccorder votre résidence à une centrale, et il y en a plusieurs dans une ville. Ensuite, une société de télécommunications doit intervenir pour combiner ce trafic et l'acheminer en un point central dans la ville. Le fournisseur de services Internet doit lui aussi acheter un service pour que ce trafic soit acheminé. Si vous voulez avoir accès à des sites en Californie, il vous faut acheter cette grosse capacité.

Voilà ce que Nexxia va vendre. Mais il y a d'autres concurrents qui feront la même chose.

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Merci, monsieur Jones.

Monsieur Waites, si vous nous donnez un exemplaire de cette lettre, nous la ferons photocopier pour la distribuer aux membres du comité.

[Français]

Nous allons maintenant passer à M. Lastewka.

[Traduction]

M. Jim Jones: Puis-je terminer en posant une très brève question? Ensuite, il faut que je parte.

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Oui.

M. Jim Jones: Dans quelle mesure doit-on ajouter foi au fait que le câblage n'est plus un monopole et que par conséquent sa réglementation n'est plus nécessaire. Je pense ici aux satellites et aux antennes paraboliques, qui n'exigent pas de câble ou de fil de cuivre relié aux résidences.

Quand ce scénario pourrait-il se réaliser, et n'entraînera-t- il pas une concurrence intense tant pour les câblodistributeurs que pour Bell?

M. Bernard Courtois: Look TV est une entreprise de câblodistribution sans fil. Elle a annoncé qu'elle allait commencer à offrir l'accès Internet, et elle a un système à haute capacité.

Il ne fait aucun doute que, pour le moment, les principales liaisons se font par câble, par ligne coaxiale ou par fil de téléphone, et il ne fait aucun doute que d'autres technologies viendront s'y ajouter. Avec le temps, les entreprises de type cellulaire de la troisième génération pourraient offrir le même type de service, mais ce service est surtout assuré pour l'instant par la voie du câble et de la téléphonie.

Le problème tient au fait que les câblodistributeurs ne seraient pas touchés par le projet de loi. Ils ont un système qui est fermé aux FSI, et les compagnies de téléphone se trouveraient ainsi empêchées d'être compétitives sur le marché alors que leur système est ouvert aux FSI.

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Merci, monsieur Jones.

Monsieur Lastewka.

• 1020

M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.): Merci, monsieur le président.

J'ai deux ou trois petites questions. Je suivrai un peu la même ligne de pensée que M. Keyes.

Ma question s'adresse à M. Colville.

Après avoir entendu la discussion ce matin, il me semble que les FSI mettent le CRTC au défi de s'acquitter de son mandat et de briser le monopole de Bell sur les câbles qui vont dans les foyers, car après avoir discuté de plein de choses, nous en sommes revenus à la question du monopole de l'accès au foyer.

Pourriez-vous nous donner des informations sur le travail que vous faites pour éviter qu'il y ait ce monopole?

M. David Colville: Cela revient en fait à la question de M. Jones, à laquelle nous avons répondu tout à l'heure que, lorsque nous avons ouvert le marché local à la concurrence—c'est-à-dire lorsque nous avons permis aux consommateurs ou aux FSI d'avoir accès aux installations de Bell grâce à ses commutateurs—, nous avons dit qu'il y avait là certaines installations essentielles qui demeureraient des installations essentielles, ou des goulots, peut- être pendant un certain temps encore. Il ne serait peut-être pas pratique dans un avenir rapproché que quelqu'un mette en place une infrastructure parallèle.

Nous sommes témoins de l'avènement de certaines formes de technologies sans fil, comme le système de distribution multipoints dont se sert Look TV.

Cette technologie pourrait devenir un concurrent redoutable. Si elle le devient effectivement et que d'autres emboîtent aussi le pas, nous pourrons peut-être bien en arriver à la conclusion qu'il n'existe plus de monopole dans ce secteur du marché. Pour le moment, cependant, et pour l'avenir prévisible, le dernier 100 mètres, si vous voulez, demeure une installation essentielle à notre avis, si bien que nous avons ordonné que le service soit dégroupé et fourni aux compétiteurs. C'est ainsi que nous aurons de la concurrence.

D'après ce que j'ai entendu dire aujourd'hui et d'après simplement le nombre de demandes que nous avons reçues, je crois que c'est là un fait reconnu.

M. Walt Lastewka: Êtes-vous d'accord avec cette évaluation, monsieur Waites?

M. Gord Waites: Je crois qu'il y a eu un certain dégroupement grâce au CRTC. Malheureusement, cependant, il y a ces pratiques déloyales en matière de prix, et c'est de cela que nous parlons ici. La composante a été dégroupée, mais on nous demande 127 $ pour le service alors qu'on le vend 39 $ à l'utilisateur final.

La mesure qui a été prise n'est donc pas efficace. Oui, le service est dégroupé. Oui, nous pouvons acheter les installations sous-jacentes. Le tarif—qui a été approuvé par le CRTC—est toutefois fixé à 320 p. 100 du prix de détail.

M. Walt Lastewka: Monsieur Colville, faites-vous un suivi du dégroupement pour vous assurer que tout se passe comme vous l'aviez prévu?

M. David Colville: Nous suivons ce qui se passe sur le marché et nous réglementons certains de ces tarifs.

Je dois être prudent quant à ce que je peux dire de plus sur le sujet, car nous sommes partie à un litige sur cette question dont nous parlons depuis le début de la matinée.

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Je tiens à rappeler aux membres du comité que le CRTC s'apparente à un tribunal—je crois, monsieur Waites et autres, que vous avez perdu votre cause et interjeté appel—et que nous ne devrions pas discuter de la valeur des avantages et des inconvénients à notre séance d'aujourd'hui. Vous pourriez peut-être réorienter vos questions pour qu'elles portent sur le projet de loi M. McTeague plutôt que sur la valeur à donner à l'opinion de chacune des deux parties.

Merci.

Monsieur Lastewka.

M. Walt Lastewka: Je passe.

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Le suivant est M. Chatters.

M. David Chatters (Athabasca, Réf.): Merci, monsieur le président.

Je voudrais tout d'abord commencer par faire une observation. Encore une fois, j'entends beaucoup d'arguments de nature technique qui me passent 100 000 pieds au-dessus de la tête à bien des égards et que je trouve très difficiles à comprendre, mais ce dont nous discutons aujourd'hui, c'est un projet de loi visant la réglementation des prix et visant à assurer le respect de cette réglementation par la voie du Code criminel.

Je n'arrive pas à comprendre en quoi cela serait à long terme dans l'intérêt des consommateurs. La responsabilité du gouvernement, des organismes de réglementation, est manifestement d'assurer la concurrence sur le marché. Ce sont le CRTC et le Bureau de la concurrence qui ont cette responsabilité, et ils disent s'en acquitter. Je n'ai pas vraiment entendu quoi que ce soit qui permette de conclure le contraire.

Les préoccupations que j'ai au sujet de l'intérêt à long terme demeurent. Je n'ai rien entendu d'autre.

À propos plus précisément du sujet dont nous discutons aujourd'hui, en ma qualité de consommateur de services de télécommunications rurales, j'aimerais savoir si le projet de loi à l'étude rendrait illégal l'interfinancement du service de téléphone local—c'est-à-dire du service local et du service interurbain.

• 1025

Le consommateur rural d'un service de téléphone, qu'il s'agisse d'Internet, de l'interurbain ou de quelque autre service qu'on reçoit en milieu rural, est fortement subventionné par le service interurbain. Le consommateur reçoit ce service à un prix bien inférieur à ce qu'il en coûte. Le projet de loi à l'étude rendra-t-il cette pratique illégale?

M. David Colville: C'est une des raisons pour lesquelles j'ai soulevé cette question dans mon exposé préliminaire. Nous avons eu des prix inférieurs au prix coûtant dans le secteur téléphonique pendant bien des années. À vrai dire, je ne sais pas si le projet de loi aura un effet là-dessus, mais je trouve certainement préoccupant de penser qu'il pourrait en avoir un. Je crois que le service de téléphone local, en tout cas le service résidentiel, continuera sans doute à être assuré dans certaines régions du pays à un prix inférieur à son coût.

En fait, je dois encore une fois vous demander de m'excuser de ne pas pouvoir vous en dire plus, car, comme certains d'entre vous le savent peut-être, nous sommes en cause dans une autre action—nous l'avons baptisée «action sur le coût élevé»—où il est justement question de la façon de continuer à veiller à ce que le service de téléphone soit assuré à des prix abordables, qui pourraient très bien être inférieurs au prix coûtant dans bien des régions du pays, à défaut de quoi bien des gens dans les régions rurales n'auraient tout simplement pas les moyens de se l'offrir.

Étant donné que le projet de loi est censé être d'une portée très générale, je n'en connais pas assez les détails pour dire s'il poserait des problèmes pour ce qui est de répondre à cette préoccupation.

M. Bernard Courtois: Dans notre cas, monsieur Chatters, nous avons examiné cette question relativement, par exemple, à la bande D, notre bande rurale. Le coût du circuit dégroupé qu'il nous faut offrir à nos compétiteurs—le CRTC examine la question et décide que le prix doit être fonction du coût—est de 33 $ par mois. Le service résidentiel dans les régions rurales coûte 19 $ par mois.

À l'heure actuelle, le service résidentiel est subventionné pour nous permettre de combler l'écart, mais si jamais il cessait de l'être, il nous faudrait relever le prix de 14 $ dans ces régions rurales. C'est pourquoi j'ai donné l'exemple de Réscol. Dans les endroits où il n'existe pas d'accès local à Internet, généralement dans des écoles qui se trouvent dans des régions peu peuplées, nous donnons gratuitement le service interurbain pour combler l'écart.

Nous avons réfléchi à la question, et nous l'avons notamment examinée dans le contexte du projet de loi. Si le projet de loi ne prévoit pas d'exception à cet égard, l'activité en question deviendrait illégale.

M. David Chatters: D'où vient cette subvention?

M. Bernard Courtois: Pour l'instant, nous prenons de l'argent de chaque minute d'interurbain et nous mettons cela dans un fonds commun. Chaque compétiteur qui veut fournir un service résidentiel local dans la région a donc accès à cette forme de subvention. Il n'existe toutefois pas de subvention explicite pour tous les services que nous offrons dans les régions rurales. Aux termes du projet de loi à l'étude, il n'existe aucun pouvoir discrétionnaire qui permettrait de déterminer que l'activité est justifiée. Tout deviendrait automatiquement illégal.

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Monsieur Colville.

M. David Colville: Nous avons fixé le prix du circuit dégroupé dans ce territoire de façon que le tarif de gros, si vous voulez, soit de 30 $, tandis que le tarif de détail est de 18 $.

Nous avons décidé que la subvention, qui provient des recettes de tous les fournisseurs de service interurbain, serait obligatoirement transférable. Autrement dit, toute entreprise qui offrirait le service téléphonique sur la bande D, à la population rurale en question, aurait droit à la subvention, mais le problème tient au fait que, aux termes du projet de loi, cette pratique pourrait dépasser les limites de ce qui est autorisé.

M. David Chatter: Très bien.

Merci, monsieur le président.

[Français]

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Merci, monsieur Chatters. Nous allons passer maintenant à monsieur McTeague.

[Traduction]

M. Dan McTeague (Pickering—Ajax—Uxbridge, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président, de m'avoir accordé ces quelques minutes.

Je commencerai tout d'abord par signaler que le projet de loi en tant que tel porte finalement sur la question du prix de détail, par opposition aux prix de vente qui seraient inférieurs au coût, à la fixation des prix ou encore aux autres points qui ont été abordés ici et qui n'ont vraiment rien à voir avec la question—intentionnellement ou en tant que tel—de la fixation des prix ou de l'établissement du coût.

Monsieur Courtois, vous avez dit il y a quelques minutes que vous ne pouvez pas vendre à un prix inférieur à votre coût. Bell Canada n'a pas la possibilité de faire cela, dites-vous, et pourtant le 17 mars, le bureau de la concurrence a dit que vous pouviez justement faire cela dans certaines circonstances.

C'est une question qui me préoccupe, parce que M. Colville a dit qu'il pouvait s'attaquer à ces problèmes de compétitivité, et il s'agit manifestement de dire simplement qu'il ne faut pas tenir compte de cette injustice parce qu'il y a un autre objectif à réaliser, celui de permettre à Bell Canada, ou à Sympatico en l'occurrence, de soutenir la concurrence avec le câblodistributeur.

Ma question s'adresse à vous, monsieur Colville. Sachant que les câblodistributeurs n'ont pas été déréglementés comme l'a été Bell Canada, pouvez-vous me dire, d'après ce que vous en savez, pourquoi nous n'avons pas déréglementé les câblodiffuseurs de manière à ce que les mêmes règles du jeu s'appliquent aux deux, de manière à ce que les entreprises puissent soutenir la concurrence selon le tarif établi ou demander à un autre grossiste de leur fournir, par exemple, un produit semblable?

• 1030

M. David Colville: Nous avons en fait intenté une action sur cette question du dégroupement éventuel des installations des câblodistributeurs qui permettraient aux fournisseurs de services Internet d'acheter l'accès rapide qu'offrent les câblodistributeurs. Nous sommes conscients qu'il y a là aussi une installation goulot, si vous voulez, pour ce qui est de l'accès rapide. Une action est donc en cours, et il y a des questions techniques qui y sont liées.

D'après les discussions que j'ai eues avec certaines des parties, il semble qu'elles essaient de trouver ensemble une solution. La compagnie Vidéotron fait des essais pour déterminer la façon dont elle pourrait effectivement dégrouper le service de câblodistribution en question et l'offrir aux FSI.

M. Dan McTeague: Monsieur Colville, la demande qui est à l'étude au Bureau de la concurrence et qui porte sur des questions qui sont loin d'être étrangères au CRTC et à vous... L'affirmation que vous avez faite ici est importante aux yeux du comité. Vous avez dit que vous étiez en mesure de contrôler la compétitivité. Je me demande simplement, étant donné que vous êtes au courant de cette situation depuis deux ou trois ans maintenant, pourquoi vous n'avez pas agi immédiatement.

M. David Colville: Nous sommes au courant...?

M. Dan McTeague: Du fait que les câblodistributeurs ont un avantage par rapport à Bell Canada, qui permet ainsi à Bell Canada de présenter une demande au Bureau de la concurrence dans laquelle elle allègue qu'elle doit soutenir la concurrence avec un compétiteur qui n'est pas déréglementé.

M. David Colville: L'infrastructure des câblodistributeurs est très différente de celle de Bell Canada. Je ne me souviens pas de la date exacte mais il y a un certain temps de cela, nous avons reconnu qu'un problème existait, pas tellement en ce qui a trait au prix de Bell par rapport au prix des câblodistributeurs, mais plutôt à l'accès rapide que pouvaient offrir les câblodistributeurs. Nous voulions que cette installation soit mise à la disposition d'autres compagnies qui pourraient fournir par exemple un accès Internet rapide.

Nous étions toutefois conscients à l'époque du fait qu'un certain nombre de problèmes techniques se posaient et qu'il fallait régler; les parties travaillent depuis lors à les résoudre.

M. Dan McTeague: J'ai des questions à poser à certains des avocats qui sont ici à la table. Je suppose qu'elles pourraient aussi s'adresser aux membres du comité.

Savent-ils si la Loi sur la concurrence comprend des dispositions visant expressément et exclusivement une industrie? Par ailleurs, est-il vrai qu'aux termes de la loi existante, pour qu'une activité soit jugée anticoncurrentielle, il faut qu'elle s'étende sur une longue période et qu'elle ait pour objet de réduire considérablement la concurrence, selon la jurisprudence qui a cours actuellement au Bureau de la concurrence?

J'aimerais connaître l'opinion de ceux d'entre vous qui ont une formation juridique, car il me semble que le projet de loi pourrait engendrer l'alarmisme, en prétendant que telle ou telle activité serait criminelle ou que les dispositions civiles en quelque sorte... Il suffit, à vrai dire, d'en parler avec certains avocats reconnus comme des spécialistes de la concurrence pour se rendre compte que les dispositions civiles au chapitre des pratiques sujettes à examen ne sont pas civiles du tout.

Il me semble, monsieur Denton, que vous avez parlé de la question in rem, ou en général, de mesures de redressement par voie d'injonction.

Y a-t-il dans la Loi sur la concurrence un problème encore plus fondamental qui a tout simplement échappé à l'attention du comité, étant donné l'évolution tellement radicale du marché?

M. Bernard Courtois: Monsieur McTeague, c'est moi qui m'occupe de toutes les questions concernant la Loi sur la concurrence pour Bell Canada, et j'ai quelques années d'expérience de ces questions. À ma connaissance, même si c'aurait peut-être été la solution à adopter ici, aucune des dispositions de cette loi ne vise expressément une industrie à l'exclusion des autres.

Pour ce qui est du reste, le droit de la concurrence a évolué ces dernières années, et la question de la fixation de prix abusifs est abordée sous un angle très différent. Il se trouve que nous avons maintenant une économie beaucoup plus ouverte qu'il y a 50 ans ou je ne sais trop quand, si bien que, dans une économie assez ouverte, il est pratiquement impossible de fixer des prix abusifs.

Bien des causes de ce genre sont entendues par les tribunaux américains, qui en sont arrivés à la conclusion qu'il est très rare qu'il y ait vraiment fixation de prix abusifs—c'est-à-dire qu'il y ait des prix qui permettent d'évincer les compétiteurs du marché, d'établir un monopole et de garder ensuite le monopole afin de pouvoir exiger des tarifs exorbitants. Au lieu de consacrer le gros de leurs efforts à protéger les compétiteurs, les tribunaux se rendent compte maintenant qu'ils doivent plutôt faire porter leurs efforts sur la protection de la concurrence. Bien souvent les requérants qui se présentent devant les tribunaux sous prétexte de vouloir protéger la concurrence se trouvent en fait à vouloir empêcher des pratiques que les tribunaux considèrent comme étant bonnes pour les consommateurs. Ces pratiques ne facilitent pas les choses, mais il en est de même pour la concurrence.

M. Dan McTeague: Monsieur Courtois, il n'existe toutefois pas de jurisprudence pour le cas d'une compagnie qui a un avantage comparatif en raison des monopoles dont elle jouit, comme la compagnie que vous représentez.

• 1035

Je suppose qu'aux États-Unis et au Canada nous aurions quelque chose de semblable à la loi Clayton, qui prévoit des mesures de redressement par voie d'injonction qui dépassent le champ d'application de la Loi sur la concurrence.

M. Bernard Courtois: Au Canada et États-Unis de même que dans certains autres pays, on a élaboré cette notion du fournisseur prédominant dans le secteur des télécommunications, et il y a un organisme de réglementation qui s'occupe de ces choses-là.

Ainsi, comme pour les questions dont nous discutons ici, il ne s'agit pas de savoir si c'est telle partie ou telle autre qui a raison sur le prix ou sur quoi que ce soit d'autre; il y a un organisme chargé de surveiller la situation, qu'il s'agisse du Bureau de la concurrence ou du CRTC. Je ne demande pas mieux que de les laisser s'en occuper. S'ils concluent que nous faisons bien ce que nous prétendons faire—contribuer au développement d'un marché qui profitera à tous les FSI—, il faudra se ranger à leur conclusion et, du moins dans les cas où c'est bon pour la concurrence c'est bon pour les consommateurs, les pratiques seront avalisées.

C'est ce qui me préoccupe dans ce projet de loi...

M. Dan McTeague: Monsieur Courtois, dans ces conditions, comment faites-vous pour gagner un septième de part du marché en faisant baisser les prix en dessous de vos tarifs établis? Comment récupérez-vous ce manque à gagner pour obtenir cette part de marché? D'où vient l'argent, monsieur Courtois?

M. Bernard Courtois: La plupart de nos clients sont des usagers du réseau commuté habituel...

M. Dan McTeague: Excusez-moi, mais ce que je veux vraiment savoir, c'est s'il vous faut avoir des poches profondes pour faire ce genre de choses.

M. Bernard Courtois: ... et seulement 10 à 15 p. 100 des usagers d'Internet voudront utiliser le système à haute vitesse, de telle sorte que c'est beaucoup moins important. Nous avons 9 000 clients sur le réseau à haute vitesse. Nous avons assez d'argent pour financer cela, mais il nous faut évidemment diminuer le prix de revient dans les plus brefs délais. Autrement, nous ne pourrons pas tenir trop longtemps. Nous ne pourrons pas financer sept fois plus d'usagers. Nous avons réduit le prix pour qu'il ait changé d'ici à l'été. Nous n'aurons pas entièrement résolu les problèmes économiques de l'Internet, mais les mesures que nous avons prises se sont avérées utiles pour tous les fournisseurs de services Internet.

[Français]

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Merci, monsieur Courtois.

Madame Gervais.

[Traduction]

Mme Linda Gervais: On a beaucoup parlé ce matin du pouvoir sur le marché qu'exerce Bell Canada et du tarif à 120 $. En fait les fournisseurs de services Internet ont le choix entre divers fournisseurs concurrents. S'ils veulent faire affaire avec Bell et payer un tarif établi réglementé de 120 $, ils peuvent le faire, ou ils peuvent s'adresser à notre fournisseur non réglementé, Bell Nexxia, car ils en ont le choix, et jouir d'un tarif de 24 $.

Une voix: C'est inexact.

Mme Linda Gervais: Cela sera le cas à l'été.

M. Dan McTeague: Mais ils ne peuvent pas s'adresser à une autre entreprise. Ils ne peuvent pas s'adresser à une société de câblodistribution. Où vont-ils trouver des tarifs établis?

Mme Linda Gervais: Nous essayons de fournir le service à nos concurrents, et nous ne sommes pas en mesure d'expliquer pourquoi les câblodistributeurs ne font pas la même chose.

M. Dan McTeague: C'est toutefois votre société qui contrôle l'infrastructure sur un marché déréglementé. Les câblodistributeurs ne sont pas dans le tableau à l'heure actuelle. Si je suis un petit fournisseur de services Internet, je n'ai pas le choix. Je dois faire affaire avec vous et je dois payer la note. C'est vous qui établissez les règles du jeu car vous avez la haute main non seulement sur l'infrastructure mais également sur les barèmes de tarif.

N'est-ce pas exact, compte tenu de ce qu'a déclaré le CRTC?

Mme Linda Gervais: Absolument pas.

M. Bernard Courtois Pour le secteur réglementé, soit un tarif de 80 ou 85 $, le CRTC contrôle cette partie du tarif. Il y a aussi la partie qu'une autre entreprise de communication peut utiliser.

Il est vrai que quelqu'un surveille nos activités, et nous devons évidemment être concurrentiels par rapport au prix en vigueur sur le marché. Il est de 39,95 $, et ce n'est pas nous qui avons imposé ce prix du marché.

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): J'aimerais remercier le groupe de témoins très variés et ouverts que nous avons entendu ce matin. Ils nous ont prouvé que la démocratie est une réalité. Nous pouvons tous donner notre avis, notre opinion, sans s'attaquer les uns les autres, que ce soit au sens propre du terme ou sur le plan psychologique.

Votre témoignage a été extrêmement intéressant et très instructif. Merci beaucoup de votre participation.

Nous allons faire une brève pause avant le prochain groupe.

• 1039




• 1047

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Nous reprenons la séance.

Pour le deuxième tour, les témoins sont Nick Jennery et David Wilkes, du Conseil canadien de la distribution alimentaire; Robert Morton et Pierre Moncion, de la Fédération canadienne des épiciers indépendants et Fred Wade, à titre personnel.

M. Wade devrait se joindre à nous sous peu et nous commencerons les exposés.

Vous avez cinq minutes pour faire votre exposé. Si vous lisez votre mémoire, vous risquez de dépasser ce délai. Vous constaterez qu'il est plus efficace—car les remarques sont alors plus frappantes—de présenter sans le lire les grandes lignes de votre mémoire. Quant aux questions, les députés membres du comité auront cinq minutes chacun. Certains font de longues introductions et posent de brèves questions. Si, lorsque vous répondez à une question, vous utilisez la totalité des cinq minutes, tant pis. Si vous préférez répondre à plusieurs questions du même député, tâchez de répondre brièvement.

Monsieur Wade.

M. Fred Wade (témoignage à titre personnel): Merci à tous.

Je représente la Société Wade Enterprises de la vallée d'Annapolis en Nouvelle-Écosse. Ma famille travaille dans le secteur alimentaire depuis un certain nombre d'années.

En 1918, mon grand-père a ouvert un magasin général dans la vallée d'Annapolis en Nouvelle-Écosse. Grâce à de bonnes pratiques commerciales, son dévouement, son assiduité et des sacrifices, notre famille et nos employés, pendant quatre générations, ont fait de ce petit magasin une entreprise qui compte huit supermarchés qui emploient plus de 350 personnes et réalise un chiffre d'affaires de plus de 40 millions de dollars par an.

• 1050

Notre entreprise a pris de l'expansion et a prospéré pour de bonnes raisons: nous avons travaillé d'arrache-pied, nous étions novateurs, nous offrions des produits intéressants à nos clients et la qualité de notre service était inégalée. Dans les collectivités on nous considérait comme de bonnes personnes morales, jouissant de l'appui de tous les groupes qui franchissaient nos portes pour nous demander de l'aide. Notre liste de dons est un véritable bottin mondain dans les collectivités. Nous avons fait des démarches concrètes pour solliciter des dons pour les banques d'alimentation de notre région, et nous avons non seulement réussi à recueillir certaines denrées pour elles, mais chaque fois que nos clients faisaient un don, notre magasin donnait un article de valeur égale.

Nous avons réinvesti considérablement dans nos magasins, en procédant régulièrement à des rénovations et des améliorations. Nos employés, extrêmement motivés et compétents, ont contribué à notre réussite. On leur a appris à être des professionnels dans leur domaine, qu'il s'agisse d'une caissière au service des clients ou du boucher qui prépare la viande. Les cours de formation pour tous les services faisaient partie d'un programme continu visant à tenir nos employés au courant des techniques les plus récentes dans les services alimentaires. En fait, on nous a demandé de transmettre nos idées et nos méthodes à nos homologues dans tout le pays, lors d'une conférence des épiciers qui a eu lieu ici à Toronto, pour que d'autres puissent profiter de notre succès.

Nous avons très bien rémunéré nos employés pour notre secteur d'activités dans notre région du pays et nous leur avons offert des avantages sociaux adéquats. Nous avons mis sur pied l'un des tout premiers régimes de partage des bénéfices à être mis en oeuvre sur la côte Est, en divulguant totalement nos états financiers à notre personnel et en le faisant participer à nos bénéfices.

Depuis l'ouverture de notre commerce en 1918, nous avons survécu à la grande crise, soutenu la concurrence et survécu à la montée puis à la chute d'un géant national de l'alimentation de détail, les magasins Dominion. La chaîne Sobey's a fait une percée sur notre marché il y a quelques années et a dû fermer ses portes un peu plus tard parce qu'elle n'a pas pu faire face à notre concurrence, du moins c'est ce que nous aimons croire. Toutefois, cette entreprise est revenue en force pour s'installer tout près, à New Minas où elle a ouvert ce que nous considérions comme un «hypermarché» à l'époque. Sobey's est alors devenu un concurrent redoutable, doté d'un magasin très grand et tout nouveau, de nouveaux services et, par rapport à nous, une infrastructure commerciale énorme pour le soutenir.

Toutefois, notre entreprise et notre programme ont été autant couronnés de succès que les leurs. Nous avons perdu une toute petite part de marché ou de clientèle, et nous avons rendu la pareille avec le temps. Le fait d'avoir un aussi gros concurrent à notre porte nous a obligés à couper dans le gras et à être plus dynamiques et innovateurs que par le passé. Toutefois, nous l'avons fait.

Puis l'hypermarché Loblaws Real Atlantic est arrivé en ville. Nous savons que sa stratégie visait à se tailler une place sur d'autres marchés des Maritimes depuis déjà un certain temps et que, avant longtemps, il viendrait chez nous pour essayer d'accaparer la part de marché de Sobey's. Nous étions prêts à nous battre. Nous avons encore réduit notre marge bénéficiaire, nous avons investi des centaines de milliers de dollars dans d'autres travaux de rénovation du magasin, nous avons fait plus de publicité et de promotion et il ne restait plus qu'à attendre. Ce magasin a ouvert ses portes en septembre 1995 à New Minas, qui se trouve au beau milieu du marché que nous desservons. Après avoir vu leur publicité d'ouverture et leur gamme de prix de détail, nous savions que la lutte allait être dure.

Dans l'industrie alimentaire, la publicité hebdomadaire sur les articles en promotion permet d'attirer des clients dans nos magasins. Souvent, ces articles sont vendus à perte ou à un prix qui est inférieur à notre prix de revient. Bien sûr, nous espérons que le client en profitera pour acheter un panier de denrées en même temps que ce produit vendu à perte, si bien qu'en fin de compte, la promotion sera rentable.

Mais bien sûr, cela se fonde sur le fait que les prix réguliers sont établis à un niveau où il est possible de réaliser des profits. Ce principe fondamental de l'économie ne semble pas s'appliquer aux supermarchés Loblaws.

Dans le secteur de l'alimentation, il est bien connu que 80 p. 100 du volume vient de la vente de 20 p. 100 des articles en magasin, d'articles que l'on appelle des piliers de catégorie: Les flocons de maïs de Kellogg, le café Maxwell House, le Cheez Whiz de Kraft et le Ketchup Heinz, par exemple. Normalement, les prix de ces articles sont régulièrement fixés à des niveaux très concurrentiels car les consommateurs compareront les prix de ces articles-là d'un marché à l'autre—la liste de prix qui amènera le client à acheter ou non, si l'on veut. Nous conservons néanmoins une faible marge de profit sur ces articles en raison de leur volume de vente.

Loblaws ne s'est pas contenté d'utiliser les articles vendus à perte chaque semaine pour accaparer une part du marché, elle a réduit les prix des piliers de catégorie et même d'articles courants dans tout le magasin—des centaines sinon des milliers d'articles—à des niveaux que les consommateurs ne pourraient pas refuser.

Voyons jusqu'où Loblaws est allé. À l'Action de grâces, l'un des principaux aliments qui attire les clients dans nos magasins, c'est la dinde. À l'Action de grâces et à Noël, le prix de la dinde est toujours très bas. Un épicier peut se considérer chanceux s'il réussit à faire un profit de quelques cents la livre sur cet article. À l'Action de grâces de 1995, notre dinde congelée de catégorie A nous coûtait 1,32 $ la livre. Pour faire la promotion de cet article, il était possible de le vendre à 1,29 $ la livre—ce qui représente une perte de 3c. la livre. Cela coûte cher, mais on considère que cela fait partie des coûts normaux d'entreprise dans le secteur alimentaire.

Toutefois, l'industrie toute entière a été choquée de voir que Loblaws annonçait de la dinde de catégorie A à 87c. la livre la semaine avant l'Action de grâces et a continué de solder cet article toute la semaine suivante, jusqu'à l'Action de grâces. Il s'agit d'une perte de près de 8 $ sur une grosse dinde, et Loblaws en a vendu des milliers. Personne ne considère cela comme une pratique commerciale intelligente. Loblaws l'a appliquée pour aller chercher autant de clients que possible dans les magasins de ses concurrents durant une semaine de vente essentielle.

Revenons à cette liste de prix d'articles qui représentent 80 p. 100 des ventes dans un magasin de produits alimentaires. Nous avons vérifié le prix des aliments de base le même jour, dans nos magasins et dans le supermarché de New Minas. Nous avons constaté que le prix de détail était de 6 p. 100 inférieur au nôtre pour ces articles.

• 1055

Toutefois, nous avons comparé le même jour les prix de ce supermarché avec ceux d'un autre magasin de la même chaîne en Ontario, où cette chaîne exerce déjà une position dominante sur le marché. Qu'avons-nous constaté? Dans le supermarché ontarien, les prix étaient de 17 p. 100 supérieurs à ceux du marché de la Nouvelle-Écosse.

La guerre féroce des prix qui s'est livrée dans les provinces atlantiques durant cette période a même eu des effets sur les statistiques de Statistique Canada: L'indice des prix à la consommation du panier d'aliments était de 6 p. 100 plus faible chez nous qu'en Ontario sur cette moyenne de six mois. Nous avions toujours pensé que la concurrence était féroce sur le marché ontarien, un marché auquel nous étions contents de ne pas participer, mais nous avons constaté que le plus grand distributeur d'aliments au Canada, dont le chiffre d'affaires atteint presque 10 milliards de dollars, était prêt à investir des millions sous forme de pertes d'exploitation pour accroître sa part de marché chez nous.

Mais nous étions également ses clients. L'un de nos supermarchés est locataire de Loblaws, qui en est le principal fournisseur. Quels prix avons-nous payés? J'ai une liste de quelques exemples. Le jaillissant sans nom nous coût 1,33 $ chez Loblaws; Loblaws le vend 69c. dans ses magasins. Le jus de pomme Allen nous coûtait 1,52 $, il était vendu 93c. chez Loblaws. Dans la publicité, Loblaws mentionnait ses prix comme étant le prix régulier et non comme un spécial ou une réduction temporaire. Ce sont des différences énormes si l'on tient compte de ce que le profit net dans le secteur alimentaire est généralement de moins de 1 p. 100. Il est clair, d'après ces chiffres, qu'il nous était impossible de faire concurrence à Loblaws.

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Il vous reste une minute.

M. Fred Wade: Si nous avions essayé d'aligner nos pris sur les leurs, nous aurions fait faillite en quelques semaines. Nos clients ne pouvaient toutefois pas fermer les yeux sur la différence de prix et ils ont commencé à acheter dans leur supermarché, à contrecoeur dans bien des cas. Pour nous, il s'agissait là de prix abusifs, conformément à la définition qu'on trouve dans la Loi sur la concurrence:

    cette politique ayant pour effet ou tendance de sensiblement réduire la concurrence ou éliminer un concurrent, ou étant destinée à avoir un semblable effet.

Eh bien, c'est certainement le cas. Comme bon nombre de mes collègues, nous en avons des preuves claires, mais le Bureau de la concurrence a choisi de ne pas prendre de mesures pour une raison quelconque.

Il était clair pour nous que Loblaws ou toute autre entreprise ne pouvait maintenir de tels prix à long terme et que les prix finiraient par augmenter, mais nous n'avions pas les ressources financières pour attendre cette augmentation. Après six mois à peine, notre famille a décidé bien à contrecoeur de vendre son entreprise à l'un de nos concurrents, Sobey's. Après presque 80 ans d'exploitation, voilà qu'une autre petite entreprise canadienne fermait ses portes.

Aujourd'hui, le prix de ce javellisant sans nom dont j'ai donné l'exemple est passé de 89c. à 1,29 $. La récente vogue des fusions a encore réduit davantage la concurrence dans le secteur alimentaire de façon spectaculaire. Nous aurions pu arriver à soutenir la concurrence de toute entreprise tenue de respecter les règles normales des pertes et profits et du rendement des investissements, mais lorsqu'une entreprise énorme qui a une telle mainmise sur le marché décide de s'attaquer à un marché en particulier ou à une région géographique pour s'en approprier une part sans égard aux coûts, il y a nécessairement une réduction de la concurrence.

Le Bureau de la concurrence a fait la sourde oreille aux cris d'alarme que nous avons lancés en 1996. Malheureusement, nos prévisions de fermeture d'entreprises et de perte de concurrence se sont concrétisées. Les petites villes du Canada ont beaucoup souffert des attaques lancées par les supermarchés, et ce, pas seulement dans le domaine alimentaire; c'est aussi le cas dans le secteur des jouets, des fournitures de bureau et de la papeterie, des animaleries, des matériaux de construction et de la quincaillerie, des livres, etc.

Pour ma part, je défends le droit de l'économie de marché de décider si un supermarché l'emportera sur une petite entreprise indépendante. Il faut toujours interdire aux grandes entreprises d'user de leur force financière pour réduire artificiellement les prix dans un marché afin d'éliminer leurs concurrents. C'est trop tard pour les marchés d'alimentation Wade comme pour bien d'autres, mais il est encore temps d'agir pour les petites entreprises indépendantes et familiales qui s'accrochent encore. Ce qu'elles réclament, ce n'est pas le protectionnisme ou des subventions. Les entreprises peuvent affronter la concurrence si les mêmes règles s'appliquent à tous.

La loi semble claire au sujet des prix abusifs, mais cela ne donne aucun résultat. S'il faut un amendement comme celui du projet de loi C-235 pour rendre les règles équitables, j'exhorte votre comité à lui accorder tout son appui. Les entreprises indépendantes doivent avoir leur place au soleil au Canada. Il faut que les entreprises familiales puissent prospérer.

Leur sort est entre vos mains. Merci.

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Merci beaucoup, monsieur Wade, de nous avoir parlé de votre expérience personnelle.

Notre prochain témoin est M. Jennery.

M. Nick Jennery (président-directeur général, Conseil canadien de la distribution alimentaire): Merci, monsieur le président.

Bonjour, mesdames et messieurs du comité. Je suis président et directeur général du Conseil canadien de la distribution alimentaire. Je suis accompagné aujourd'hui de David Wilkes, vice- président du CCDA pour la région de l'Ontario et chargé des relations commerciales.

Le Conseil canadien de la distribution alimentaire est une association sans but lucratif qui représente des commerçants et des distributeurs canadiens de produits alimentaires. Le secteur de la distribution alimentaire de gros et de détail a un chiffre d'affaires annuel d'environ 57 milliards de dollars et emploie plus de 440 000 personnes; c'est donc un secteur important de notre économie. Les membres du CCDA représentent environ 80 p. 100 de tout le réseau de distribution alimentaire au Canada. Il s'agit de grandes et de petites entreprises de vente en gros et au détail, d'exploitants de chaînes d'alimentation ainsi que de personnes et de compagnies qui fournissent des produits et des services à l'industrie.

• 1100

Le but du conseil est tout simplement d'aider ses membres à offrir divers produits et services aux consommateurs au moyen d'une chaîne d'approvisionnement efficace. C'est ce qui explique pourquoi le CCDA a demandé à comparaître devant vous aujourd'hui. Nous vous sommes très reconnaissants de nous en avoir donné l'occasion. En résumé, nos membres estiment que le projet de loi C-235 entravera la capacité de notre industrie à fournir aux consommateurs les services efficaces et les prix concurrentiels dont ils jouissent aujourd'hui.

Nous vous avons fourni un document de deux pages, en français et en anglais, dans lequel sont énoncées les raisons pour lesquelles nous nous opposons au projet de loi C-235.

Dans mes remarques préliminaires, je n'ai pas l'intention de passer en revue en détail le contenu de ce document. Compte tenu du temps qui m'a été attribué, je préfère mettre l'accent sur la principale lacune du projet de loi C-235, à savoir qu'il ira à l'encontre du principe général de la concurrence et de l'intérêt des entreprises qu'il est censé aider.

Parlons d'abord de la concurrence. Comme vous le savez, la Loi sur la concurrence a pour but de favoriser la concurrence et de stimuler l'efficience de l'économie canadienne. Le projet de loi C-235 ne fera ni l'un ni l'autre. Au contraire, il dissuadera les fournisseurs d'atteindre le degré d'efficience réalisable au moyen de l'intégration verticale et empêchera les consommateurs de profiter de ces efficiences. Afin d'éviter toute sanction pénale, plutôt que de payer les coûts onéreux de la conformité, les fournisseurs intégrés préféreront réduire leurs promotions.

Il faut comprendre que dans notre industrie, comme M. Wade l'a souligné, nous devons réagir aux demandes du marché, un marché dans lequel les prix changent chaque semaine et parfois même chaque jour. Pour les grands et les petits détaillants, les promotions, les prix vedettes et les rabais sont des outils de commercialisation essentiels auxquels les consommateurs se sont habitués. Il suffit de consulter la brochure en magasin chaque semaine pour voir à quel point leur utilisation est agressive.

Les fournisseurs intégrés n'offriront probablement plus de rabais sur la quantité et s'abstiendront de réagir aux réductions de prix de leurs clients et des détaillants concurrents, ce qui, à notre avis, nuirait tant à la concurrence qu'aux consommateurs.

Deuxièmement, bon nombre de gens ont dit qu'il était nécessaire d'adopter le projet de loi C-235 pour protéger les petites entreprises indépendantes qui, dit-on, sont à la merci des fournisseurs intégrés. Mais le projet de loi aidera-t-il vraiment ces détaillants? Non, puisque pour éviter des sanctions pénales, les fournisseurs intégrés pourront toujours, de toute évidence, cesser d'approvisionner les indépendants. Ce n'est pas dans l'intérêt de ces derniers ni dans celui de la concurrence et des consommateurs.

À mon avis, le projet de loi limitera la capacité des indépendants à réagir au marché, un marché où la concurrence est toujours croissante en raison de l'arrivée de nouveaux intervenants, de nouvelles formules, de nouvelles chaînes de distribution, de nouveaux types de magasins, et ce, chaque année. La variété des entreprises où l'on peut faire l'achat de produits de consommation et la concurrence entre ces entreprises a maintenant atteint des niveaux sans précédent.

En résumé, le CCDA est d'avis que le projet de loi C-235 est superflu. En fait, selon le Bureau de la concurrence, cette mesure législative n'est pas nécessaire. Elle va à l'encontre des dispositions de la Loi sur la concurrence et ne permettra pas d'atteindre les objectifs visés.

Pour ce qui est des amendements proposés par M. McTeague, le CCDA estime qu'il pourrait corriger certains des problèmes que pose le projet de loi, mais il ne modifie pas l'orientation fondamentale de la mesure. Nous vous demandons donc de rejeter le projet de loi dans toutes les formes proposées.

En conclusion, le CCDA et ses membres apprécient les efforts de M. McTeague pour aider les petites entreprises canadiennes. Nous partageons également cet objectif. Nous craignons toutefois que la solution qu'il propose ne crée davantage de problèmes qu'elle ne pourra en résoudre. Nous estimons que la loi, sous sa forme actuelle, permet déjà de régler les préoccupations de M. McTeague.

Merci de nous avoir écoutés.

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Merci, monsieur Jennery.

Monsieur Morton.

M. Robert Morton (directeur, Politique publique, Fédération canadienne des épiciers indépendants): Merci, monsieur le président.

Je suis le directeur de la politique publique pour le compte de la Fédération canadienne des épiciers indépendants. Je suis accompagné de Pierre Moncion. En plus d'être membre du conseil d'administration de la FCEI, M. Moncion exploite une épicerie de détail à Pembroke, en Ontario.

Au nom de la Fédération canadienne des épiciers indépendants, je tiens à vous remercier de nous donner l'occasion de participer à l'examen du projet de loi C-235 par le Comité de l'industrie.

• 1105

La Fédération canadienne des épiciers indépendants est une association professionnelle à but non lucratif fondée en 1962 dans le but de promouvoir les intérêts particuliers des épiciers indépendants ou détenteurs d'une franchise. Les membres de la FCEI réalisent 30 p. 100, soit 17 millions de dollars, des 58 millions de ventes d'alimentation au détail du Canada.

La FCEI tient à souligner les efforts déployés par l'honorable député de Pickering—Ajax—Uxbridge pour préparer le projet de loi C-235. Il s'agit d'un texte de loi très bien intentionné.

La FCEI estime que la Loi sur la concurrence contient actuellement les outils nécessaires pour régler les questions de prix abusifs et d'abus de position dominante.

Pour expliquer cette position, j'aimerais citer une déclaration faite par le président de la FCEI, John Scott, devant ce comité, le 13 mai 1998, au sujet du projet de loi C-20:

    Par son esprit et son intention, la Loi sur la concurrence tend à préserver la concurrence dans l'intérêt des consommateurs. Cette interprétation des dispositions de la loi par le Bureau l'empêche souvent de faire enquête dans des situations qui, à notre avis, constituent des infractions aux termes de la loi. Par conséquent, il est extrêmement difficile et très rare pour les épiciers détaillants indépendants, ou pour n'importe qui d'autre dans le secteur, d'obtenir que le Bureau fasse une enquête sérieuse en cas d'abus ou de violation apparente.

    Nous recommandons donc que le Comité permanent de l'industrie entreprenne l'examen de l'esprit et de l'intention de la loi et également des activités du Bureau sur le plan de la protection de la petite entreprise. Les hommes politiques de notre pays aiment à répéter que la petite entreprise est la pierre angulaire de notre économie. Nous sommes persuadés, de notre côté, que la bonne santé du secteur de la petite entreprise est essentielle pour notre mode de vie. En outre, sans l'intervention active du Bureau pour appliquer plus rigoureusement certains articles de la loi, c'est un secteur de notre économie qui aurait beaucoup de mal à survivre.

La position de l'AFCEI n'a pas changé depuis cette déclaration, il y a près d'un an. En entreprenant un examen de la Loi sur la concurrence et des activités du Bureau de la concurrence à l'égard des petites entreprises, le comité pourrait faire pression sur cet organisme et lui faire comprendre que la portée de ses lignes directrices interprétatives doit être élargie pour lui permettre de faire appliquer les dispositions législatives existantes. En raison de la portée limitée actuelle de ces lignes directrices, le Bureau offre peu de soutien, sinon aucun, aux petites entreprises. Je puis vous assurer que la FCEI sera prête à aider votre comité à effectuer cet examen.

En poursuivant cette stratégie, le Comité de l'industrie pourrait renforcer l'efficacité de la Loi sur la concurrence actuelle, et des textes législatifs comme le projet de loi C-235 deviendraient inutiles. En l'absence d'un examen des lignes directrices interprétatives du Bureau, il semble au premier abord que des projets de loi comme la version modifiée du projet de loi C-235 ait un certain intérêt. Mais un examen plus approfondi révèle certains problèmes liés à la structure du secteur de l'alimentation de détail au Canada.

Il est essentiel de comprendre que dans le secteur des épiceries, la majorité des détaillants ou détenteurs d'une franchise louent leur magasin à un franchiseur. Celui-ci est également leur grossiste. Il suffit d'un très bref préavis pour que la franchise prenne fin. Si des textes comme le projet de loi C-235 sont adoptés, ces entrepreneurs vulnérables pourraient perdre leur franchise si le franchiseur décide de transformer leur magasin en entreprise détenue par un propriétaire-exploitant.

Il est important de noter que le projet de loi C-235 modifié ne mentionne pas l'utilisation des prix d'appel. Les prix d'appel sont une pratique courante dans le secteur de l'alimentation de détail. Selon les dispositions du projet de loi C-235 modifié, une chaîne qui décide de promouvoir un produit en le vendant à perte serait forcée de faire tomber le prix de gros au-dessous du prix de détail. Cela soulève des questions sur les conditions selon lesquelles la pratique bien établie des prix d'appel pourrait être utilisée, ou même si elle serait autorisée, en vertu de la nouvelle version du projet de loi C-235.

Il est également nécessaire de comprendre que la majorité des produits alimentaires vendus en gros dans ce pays passent par six grands distributeurs. En adoptant ce projet de loi, vous courez le risque de voir certains de ces distributeurs quitter le secteur de la vente en gros.

En conclusion, j'aimerais bien préciser que la FCEI appuie totalement l'esprit du projet de loi C-235. Mais compte tenu la structure actuelle du secteur de l'alimentation de détail, nous estimons que le Comité de l'industrie peut résoudre ces questions plus efficacement en examinant les lignes directrices interprétatives utilisées actuellement par le Bureau pour étudier la Loi sur la concurrence.

En faisant admettre au Bureau de la concurrence qu'il doit élargir la portée de ses lignes directrices interprétatives pour qu'il puisse faire appliquer les dispositions législatives existantes, le comité renforcera l'efficacité de la Loi sur la concurrence, ce qui permettra aux propriétaires de petites entreprises de continuer d'être viables sur le marché.

Je tiens aussi à préciser que cette position reçoit l'appui total du Conseil d'administration de la FCEI, ainsi que celui de grandes épiceries indépendantes comme Longo et Commisso.

Merci beaucoup.

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Merci, monsieur Morton.

Nous allons maintenant donner la parole aux membres du comité. Le premier député qui posera une ou plusieurs questions sera M. Chatters.

• 1110

M. David Chatters: Merci, monsieur le président.

Je remercie les témoins de leurs exposés. C'était très intéressant. On semble certainement reconnaître qu'il existe un problème en ce qui concerne les compagnies complètement intégrées et la façon dont elles traitent leurs franchisés, qu'il s'agisse du secteur pétrolier et de celui de l'épicerie. On semble aussi reconnaître cependant que les dispositions proposées dans le projet de loi C-235 ne résoudront pas le problème, qu'il nous faut l'aborder sous un angle différent et essayer de régler d'une autre façon les problèmes de concurrence qui existent.

J'aimerais que vous vous attardiez un peu plus longtemps sur cette question. Comment pourrions-nous mieux résoudre les problèmes de concurrence qu'au moyen des propositions contenues dans le projet de loi C-235?

M. Fred Wade: Si vous le permettez, je répondrai à cette question. Je pense que l'objet de la Loi sur la concurrence et le fait qu'on y parle de prix abusifs envoient un message très clair. Le problème vient de ce que le Bureau de la concurrence n'estime pas que le libellé de la loi lui permet de réussir à intenter des poursuites, ou encore il y a une autre raison. Je trouve l'objet de la loi très clair et le libellé très clair.

Nous estimons que de nombreux faits prouvaient qu'on avait usé de prix abusifs dans notre cas et pourtant, nous avons été incapables de faire intervenir le Bureau à cet égard. D'après ma définition, que j'ai proposée au Bureau de la concurrence qui était d'accord, on use de prix abusifs quand la structure des prix ne permet pas aux entreprises de résister à long terme. Lorsqu'on fixe les prix de détail de telle sorte qu'on affiche des pertes d'exploitation de millions de dollars par année, à mon avis, il s'agit de prix abusifs. Aucune entreprise ne peut durer ainsi à long terme. Par conséquent, il faut une autre raison pour fixer les prix à un niveau si bas.

Vous avez peut-être raison. Il y a peut-être une autre solution possible. Je crois que le libellé de la loi est bon. Comment peut-on obtenir les résultats escomptés? Que pouvons-nous faire contre les prix abusifs ou d'autres mesures?

M. Nick Jennery: En ce qui concerne le processus de la concurrence, je pense qu'il est extrêmement important de nous assurer que le marché canadien continue d'être axé sur les consommateurs, d'être régi par la demande: laissons les consommateurs décider s'ils veulent acheter des produits et quel prix ils sont prêts à payer.

Présentement, si vous adoptez le projet de loi C-235, vous instaurerez un prix plancher. Cela aura une incidence considérable sur notre capacité d'offrir des prix vedettes et des rabais. Tous les outils de commercialisation dont nous vous avons tous parlé aujourd'hui visent à amener les consommateurs, les clients dans nos magasins afin d'avoir la possibilité de leur vendre des produits et des services. En instaurant un système de prix plancher dans le marché, vous nuirez considérablement à la concurrence.

M. David Chatters: Mais le temps passe...

M. Nick Jennery: En effet.

M. David Chatters: ...et la nouvelle menace pour le marché de l'épicerie de détail ne réside pas dans les hypermarchés et les autres grandes chaînes intégrées. Elle vient probablement des agents de vente directe, de ceux qui utilisent Internet, d'entreprises comme Amway, dont l'intention est essentiellement d'éliminer les marchands de détail et leur infrastructure.

En tant que législateurs, nous devons voir comment nous pouvons préserver la concurrence et les aubaines que vous pouvez offrir au consommateur, comme vous le disiez...

M. Nick Jennery: Oui.

M. David Chatters: ...et je pense qu'il faut avoir une approche plus vaste que celle que l'on considère dans le projet de loi C-235.

M. Nick Jennery: Si vous me permettez d'ajouter une observation, je dirais que la loi actuelle permet à ceux qui n'ont pas de répondant de se lancer dans le secteur de l'épicerie. On peut acheter du détergent à lessive dans des magasins de marchandises diverses, dans des stations-service, ainsi que dans des supermarchés, allant du plus petit au plus grand. Il n'y a jamais eu plus de choix qu'aujourd'hui dans la distribution. C'est ce que permet la loi actuelle. Bien que les quantités totales consommées restent relativement uniformes, le gâteau est divisé entre un plus grand nombre de joueurs et la concurrence n'a jamais été plus intense qu'à l'heure actuelle—et elle continue d'aller dans ce sens.

Les propriétaires de supermarchés, petits et grands, ceux qui ont du répondant sont manifestement préoccupés par la concurrence éventuelle de distributeurs par Internet qui n'ont pas cette infrastructure, mais c'est correct. Nous comprenons que la concurrence ne se fait pas seulement au niveau des prix des produits, mais aussi au niveau des services, de l'emplacement des magasins, des services au consommateur, d'une variété de choses.

• 1115

Dans le secteur de la distribution des épiceries, nous estimons pouvoir répondre à la demande des consommateurs, mais nous avons besoin d'une certaine élasticité dans les prix ainsi que dans les produits et services. Nous faisons bon accueil à la concurrence et elle se manifeste en effet. Il y a un intervenant dans le marché dont la taille est deux fois celle de l'ensemble du secteur canadien de l'épicerie, et ce fait à lui seul constitue une incitation considérable à rester vigilant, à rechercher l'efficience qui résulte souvent de l'intégration verticale des entreprises. Le projet de loi C-235 ne permettrait pas d'atteindre ainsi l'efficience recherchée.

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Merci, monsieur Chatters.

Monsieur Keyes.

M. Stan Keyes: Merci, monsieur le président. J'ai apprécié les exposés, en particulier celui de M. Wade, car bien qu'il nous ait parlé de son entreprise familiale qu'il a vendue et avec laquelle il a probablement fait une fortune, il est quand même venu nous dire qu'il existe un problème dans le secteur. J'apprécie certainement qu'il nous ait raconté sa propre histoire.

Je ne sais pas si je vais poser une question, monsieur le président, ou plutôt faire un commentaire. Si tout ce que nous entendons... M. Wade nous a fait part d'une foule de renseignements. Il a examiné la différence entre ce qu'il payait et ce que payait le grand concurrent qui est venu s'installer dans son quartier et cela m'amène à penser que le Bureau de la concurrence a décidé... ou à la décision qu'il a prise dans le passé.

Si je comprends bien, madame la greffière, les représentants du Bureau de la concurrence reviendront témoigner au comité.

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Jeudi.

M. Stan Keyes: J'en suis heureux, car après avoir entendu tout ce que les différents témoins nous ont dit, j'ai une foule de questions à poser aux membres du Bureau de la concurrence. Il est aussi manifeste que la loi a probablement besoin d'être repensée. J'apprécie l'intervention de M. Morton, car il a dit très franchement qu'on peut apporter des corrections—et peut-être qu'il faut en apporter—à la Loi sur la concurrence. Il faudrait peut- être l'examiner en fonction de ce que nous ont dit les témoins ces deux dernières semaines.

La dernière fois que nous avons examiné la Loi sur la concurrence, nous n'avions rien entendu de tel. Nous n'avions pas entendu les représentants du secteur pétrolier ni les détaillants de gaz indépendants. Nous n'avions pas entendu non plus les propriétaires d'épiceries, et d'autres. Eh bien, ce sera peut-être le moment, lorsque nous examinerons la loi, de discuter de tout cela et d'apporter ces changements.

Monsieur Jennery, si tout d'un coup vous étiez M. Wade ou si votre entreprise appartenait à M. Wade, mettons, et vous étiez propriétaire du magasin d'alimentation, un sacré gros magasin qui offre d'excellents prix sur la dinde, comme dans l'exemple donné par M. Wade, et que tout d'un coup un géant plus gros encore arrive des États-Unis, mettons, et qu'il emploie la même formule contre votre hypermarché sur la côte Est? Voyez-vous où je veux en venir? Voyez-vous les ennuis que cela causerait à l'hypermarché?

On peut dire que c'est très bien pour le consommateur, que les prix vont être bas, et tout le reste... Eh bien, oui, ils seront bas tant que M. Wade a toujours son commerce, et se démène comme un diable, mais dès que M. Wade aura disparu, qu'est-ce qui protégera le consommateur si vos prix remontent au niveau de ceux de M. Wade—plus 10c., parce que vous devez récupérer toutes les pertes que vous avez subies à essayer d'évincer M. Wade?

M. Nick Jennery: Permettez-moi de répondre. Si vous parlez des prix abusifs pour essayer de diminuer la concurrence, il y a un cadre pour s'en occuper. Comme je l'ai dit dans ma déclaration, nous faisons concurrence à des rivaux sur le marché, des concurrents étrangers dont l'entreprise est beaucoup plus grosse que les entreprises canadiennes. De fait, il y en a une qui a deux fois la taille de tout le secteur canadien.

M. Stan Keyes: Sur ce point, estimez-vous que le cadre offert par la Loi sur la concurrence parviendra à vous protéger si ces géants s'attaquent à vous?

M. Nick Jennery: Oui.

M. Stan Keyes: Vous pensez être capable de vous protéger?

M. Nick Jennery: Nous pensons...

M. Stan Keyes: M. Wade n'a pas pu se défendre, les détaillants d'essence indépendants non plus, mais vous, vous pensez en être capable?

• 1120

M. Nick Jennery: On entend quantité de récits de gagnants et de perdants. De nouveaux détaillants indépendants sont apparus et ont prospéré.

Ce secteur évolue et s'adapte rapidement. Le supermarché n'offre plus uniquement des produits d'épicerie. Il offre des services bancaires, de teinturerie, des vidéos... Le dépanneur lui aussi a changé. Il offre maintenant des produits tout prêts, de la restauration rapide, des mets préparés. C'est dans ce sens que s'oriente la demande du consommateur. Cela change notre façon de faire des achats. Nos habitudes de consommation ont sans doute changé avec le temps, comme cela m'est arrivé.

L'homme d'affaires avisé, l'épicier au détail, essaie de deviner la tendance et d'adapter son entreprise. Nous savons que nous n'arriverons jamais à rivaliser uniquement sur le prix à cause de nos immobilisations mais nous pensons être capables de survivre et de prospérer et de grandir parce que nous comprenons le consommateur. Nous pensons le comprendre...

M. Stan Keyes: Je comprends. Désolé de vous interrompre, mais je n'ai que cinq minutes...

M. Nick Jennery: Bien sûr. Désolé.

M. Stan Keyes: Il faut donc que j'intervienne à l'occasion.

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Ce sera votre dernière question, monsieur Keyes.

M. Stan Keyes: Merci, monsieur le président.

Je comprends que l'épicier indépendant doit se diversifier; vous dites que le consommateur d'aujourd'hui veut un guichet bancaire au magasin, un coin où acheter un bouquet de fleurs et un autre pour acheter un marteau.

Sauf que je dirais que M. Wade a dû dire à son père qu'il fallait installer un guichet automatique, un coin fleuriste ou un étalage de marteaux parce qu'ils n'allaient pas s'en sortir à vendre uniquement des produits d'épicerie—on ne peut plus se contenter d'être uniquement une épicerie aujourd'hui. Si c'est le cas, je veux bien, mais pourquoi est-ce arrivé? Parce que le consommateur le voulait ou parce qu'un géant comme Maxi-Plus est venu s'installer à côté? Il vend des tomates mais aussi des bas de nylon.

M. Nick Jennery: Il ne fait pas de doute que la demande du consommateur a changé. Le consommateur s'attend à ce que le magasin d'alimentation soit aujourd'hui un point de vente multiservices. Quantité d'enquêtes auprès des consommateurs le prouvent.

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Merci, monsieur Keyes.

[Français]

Monsieur Dubé, c'est votre tour.

M. Antoine Dubé (Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière, BQ): Je n'ai pas entendu l'exposé de M. Wade, mais il a terminé en disant quelque chose qui m'a intéressé. Il dit que le but de l'actuelle Loi sur la concurrence est clair, mais qu'il y a des problèmes d'application. J'aimerais qu'il me parle de ces problèmes d'application. Peut-il les identifier et dire d'où ils proviennent ou qui les cause? Dans l'affirmative, comment peut-on régler et surmonter ces problèmes d'application de la loi actuelle? Ma question peut aussi s'adresser aux autres.

M. McTeague voulait régler cela, mais peut-être que cela ne convient pas à tous les secteurs, en particulier celui de l'alimentation. J'aimerais donc vous entendre là-dessus.

[Traduction]

M. Fred Wade: Lorsque nous avons communiqué avec le Bureau de la concurrence pour nous plaindre des prix abusifs en Nouvelle- Écosse, nous sommes venus à Ottawa. Nous avons rencontré les représentants du Bureau une ou deux fois. Je leur ai remis de l'information privilégiée, une trentaine de livres de renseignements sur les prix. Des prix courants, des listes de prix et des contrôles de prix. J'ai eu l'impression que le Bureau de la concurrence n'avait jamais reçu d'un initié autant d'information librement communiquée. Ils l'ont remise à un de leurs économistes pour qu'il analyse le niveau des prix et le compare à ceux de l'Ontario et de la Nouvelle-Écosse.

Deux semaines plus tard, j'ai parlé à l'économiste au téléphone. Il m'a dit que d'après lui l'information prouvait qu'on usait de prix abusifs et qu'il ne pouvait s'agir d'autre chose. Il m'a aussi mis en garde. Il m'a dit: «Je ne m'occupe que de l'avant- projet du rapport. Ce sera à mes supérieurs de trancher. Je ne peux que leur transmettre le rapport.» Depuis, évidemment, les supérieurs ont décidé de ne pas aller plus avant à moins que je puisse produire une preuve par écrit ou un cadre qui a déclaré: «Oui, nous avions l'intention bien nette d'évincer un concurrent.» C'est une tâche insurmontable.

J'ai demandé un exemplaire du rapport pour savoir exactement ce que l'économiste avait dit, et on me l'a refusé. Tout ce que je sais c'est ce qu'on m'a dit au téléphone et j'ai été très réconforté de voir que quelqu'un d'autre m'avait cru. J'aimerais toujours prendre connaissance de ce rapport.

Est-ce que je pourrais...

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Pardon. N'auriez-vous pas pu passer par l'accès à l'information?

M. Fred Wade: C'est une possibilité, j'imagine. Il faudra que je m'en occupe.

M. Janko Peric: J'invoque le Règlement, monsieur le président. Ne pourrait-on pas demander à notre greffière d'en faire la demande?

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Pourquoi pas?

• 1125

M. Fred Wade: Puis-je ajouter que je suis d'accord avec beaucoup...

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Monsieur Wade...

M. Fred Wade: Oui, monsieur le président.

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): ... Je pense que je vais demander à une greffière de demander une copie de ce rapport. Par contre, je vous préviens: ils diront peut-être que c'est un document interne et que nous n'avons pas le droit de l'obtenir. Mais la greffière en fera la demande.

Merci beaucoup.

M. Dan McTeague: Je sais que je ne suis pas membre du comité, mais nous sommes des parlementaires et si nous demandons quelque chose, nous devrions l'obtenir sur-le-champ.

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): N'allez pas tirer des conclusions hâtives. Nous allons faire la demande.

Monsieur Wade, désolé de l'interruption.

M. Fred Wade: J'allais dire que je suis d'accord avec bien des choses qu'a dites M. Jennery: le consommateur devrait pouvoir décider où il veut faire ses achats, en fonction des produits et des services offerts, mais il faut que les chances soient égales pour tous. Quand votre concurrent est autorisé à fixer ses prix à plusieurs points de pourcentage en deçà du coût livré pendant une période indéterminée, cela crée une dépression artificielle du marché.

Oui, cela lui permettra de conquérir une part du marché, ce qui est son objectif premier, mais cela va aussi éliminer la concurrence, la petite entreprise, qui fait vivre le pays. La dépouille mortelle, c'est mon entreprise, ma famille. Nous avons remis au Bureau de la concurrence la preuve que c'est ce qui se passe, mais personne n'a pu y faire quoi que ce soit. C'est donc inefficace.

[Français]

M. Antoine Dubé: Évidemment, je ne suis pas en mesure de vérifier ce que vous dites, mais étant donné votre expérience, je vous crois sur parole. Vous dites qu'il y a un problème de fonctionnement au Bureau de la concurrence. Ce n'est pas un problème de loi, mais un problème de fonctionnement. D'après vous, ce problème est-il attribuable à un manque de personnel? Votre réponse va plus loin. Elle laisse presque entendre que quelqu'un a fourni un rapport, mais que quelqu'un d'autre situé plus haut dans la hiérarchie a décidé que ce ne serait pas publié. Si j'étais à votre place, je dirais que les mécanismes d'information, au niveau de la gestion, devraient être plus transparents. Est-ce bien ce que vous voulez dire?

[Traduction]

M. Fred Wade: Je pense que les gens du Bureau de la concurrence ont été très francs avec moi. Ils ont dit que cela supposerait une poursuite au criminel. Ce n'est pas une mince affaire quand on poursuit au criminel une grande entreprise canadienne pour avoir pratiqué des prix abusifs. Le Bureau ne va pas traiter cela à la légère.

Cela demanderait aussi de très gros moyens de la part du Bureau: peut-être un an et demi de procès et des millions de dollars, 2 millions de dollars peut-être, pour aller de l'avant. Ils ne voulaient pas s'embarquer à moins d'être certain d'obtenir une condamnation. Je pense qu'il hésitait beaucoup parce qu'il venait de perdre une cause semblable dans le secteur pétrolier et que cela avait démoralisé le Bureau. Il n'était pas du tout chaud à l'idée de s'adresser à nouveau vers les tribunaux. Je pense que cela a été le facteur déterminant.

[Français]

M. Antoine Dubé: C'est un peu ce qu'on voit aux États-Unis. Quand il y a des démarches au criminel, c'est plus long, car il y a des possibilités d'appel et ainsi de suite. Finalement, il y a des situations qui créent un imbroglio. Un des buts du projet de loi de M. McTeague est de faire en sorte qu'on ait recours à des mesures au criminel plutôt qu'au civil. Au Canada, au plan civil, tout le commerce est de juridiction provinciale. Ce n'est pas facile.

Je vais poser une question aux autres témoins. Sont-ils d'accord qu'on ait recours à des mesures criminelles pour régler les problèmes de commerce, tel que le fait M. McTeague dans son projet de loi?

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): C'est votre dernière question, monsieur Dubé, s'il vous plaît.

M. Antoine Dubé: C'est la même. J'essaie de la rendre plus compréhensible.

• 1130

[Traduction]

M. Nick Jennery: Oui, je comprends votre question. Je n'ai ni la formation ni la compétence pour décider si le recours devrait être de type pénal ou civil, mais même si tout le monde partage mes craintes à propos de la concurrence... Je n'ai peut-être pas bien répondu à la question de M. Keyes quand il nous a demandé si nous sommes inquiets. La question de fond est de savoir si le projet de loi C-235 est d'une quelconque utilité. Je trouve qu'il enlève beaucoup de souplesse à ceux qui évoluent sur le marché. Il vous enlève des outils de concurrence. C'est cela, la question fondamentale.

M. Robert Morton: Je n'ai pas les connaissances juridiques pour vous donner une réponse complète, mais je partage essentiellement l'avis de M. Jennery.

[Français]

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Merci, monsieur Dubé.

[Traduction]

Monsieur Lastewka.

M. Walt Lastewka: Merci, monsieur le président. Avant de poser ma question, je tiens à vous dire que je viens d'une région où les épiciers indépendants et les grandes surfaces ouvrent et ferment leurs portes à intervalles réguliers. Je parle de la région du Niagara. Cela arrive constamment.

Monsieur Wade, dans votre région, si j'ai bien compris, on trouve à la fois Sobey's et Loblaws. Est-ce qu'ils se font concurrence directe?

M. Fred Wade: Avant, oui. Maintenant que le marché est réduit à deux joueurs, à leur place, j'essaierais de réduire un peu la concurrence. Il faudrait compenser mes pertes et j'occupe déjà la moitié du marché; je n'ai donc pas besoin de jouer des coudes pour en obtenir davantage. On se partage déjà la cagnotte à deux. Cela m'en fait bien plus qu'avant la fusion. Je vais donc maintenant chercher à faire des bénéfices.

M. Walt Lastewka: Mais si je comprends bien, ils se font encore directement concurrence pour agrandir leur part du marché.

M. Fred Wade: Non, ce n'est pas ce que je dirais. Je dirais que la concurrence s'est beaucoup émoussée. Sur mon marché, il y avait quatre ou cinq concurrents. Sobey's, Loblaws, moi-même et les autres épiciers indépendants. Maintenant, il y en a deux.

M. Walt Lastewka: Oui, mais...

M. Fred Wade: Je sais ce que vous dites. Non, la concurrence n'est pas aussi forte. Si vous regardez mes exemples de prix...

M. Walt Lastewka: La dernière fois que je suis allé dans la région, j'ai constaté une excellente concurrence des prix entre les deux. Vous dites que ce n'est pas le cas?

M. Fred Wade: La fusion n'est pas tout à fait achevée. La poussière de la fusion proposée n'est pas encore retombée. Si nous revenions dans deux ans, je pense que vous constateriez que la concurrence est très différente. Est-ce que les prix de la Nouvelle-Écosse seront de 17 p. 100 inférieurs à ceux de l'Ontario? Non.

M. Walt Lastewka: Non. Mais si les grandes entreprises décident d'augmenter leurs prix, cela permettra aux indépendants de revenir et de reconquérir une part du marché.

M. Fred Wade: Non.

M. Walt Lastewka: Vous ne pensez pas que cela arrive?

M. Walt Lastewka: Non, parce que lorsqu'un indépendant essaie de pénétrer sur le marché et d'acheter ses produits à Loblaws, il me fera payer l'eau de Javel 1,33 $ et la vendra 69¢ le temps qu'il faudra pour que je rende l'âme. Pour essayer de revenir sur le marché, cela va me coûter jusqu'à 10 millions de dollars, rien que pour un magasin, puis il me faudra un système de distribution. Il faut que j'achète quelque part. Si j'achète à Loblaws ou à Sobey's, je suis à leur merci: ils peuvent me faire payer le prix qu'ils veulent. Vous avez entendu mon témoignage sur la façon dont ils ont traité les indépendants par le passé. Ce prix de 69¢, que l'on disait être le prix de tous les jours, bon an mal an, est maintenant 1,29 $, avant même que la fusion soit achevée.

M. Walt Lastewka: Monsieur Jennery, monsieur Morton, vous connaissez la situation au pays ou en tout cas dans plusieurs régions du pays. J'ai le sentiment que le consommateur y trouve son compte quand les prix sont bas parce que du moment où les gros magasins commencent à augmenter leurs prix, de nouveaux venus arrivent sur le marché, ce qui relance la concurrence. En tout cas, c'est ce que j'ai observé. Est-ce ainsi que vous voyez les choses?

M. Nick Jennery: Oui. Le cas du secteur des produits alimentaires c'est celui du magasin d'épicerie qui a réussi. Parallèlement, le propriétaire a bâti une infrastructure, qui fait parfois monter ses coûts, ce qui ouvre la voie à un magasin dont les frais sont plus bas, un entrepôt-club, une grande surface, là où les frais généraux ne sont pas aussi importants, qui peut livrer la concurrence uniquement sur le prix. C'est une évolution naturelle qui se poursuit; ça se passe ainsi depuis des dizaines d'années.

• 1135

Si vous considérez les six plus gros, qui représentent environ 75 p. 100 du réseau de distribution des magasins d'alimentation, ce qui exclut les pharmacies qui détiennent 10 p. 100 du marché, les grandes surfaces en occupent environ 10 p. 100, malgré tous les nouveaux venus... Leurs activités de gros sont considérables et dans certains arrangements commerciaux, extrêmement complexes et variées entre le grossiste et le détaillant—et je laisserai à la Fédération canadienne des épiciers indépendants le soin de vous en dire davantage au besoin—dans certains cas le grossiste ne touche son argent que lorsqu'une vente est faite chez le détaillant indépendant. C'est une très forte incitation à soutenir le détaillant indépendant.

Ces arrangements commerciaux varient selon les régions et la situation ne cesse d'évoluer, avec l'arrivée et la disparition de nouveaux venus sur le marché, comme vous l'avez dit.

M. Walt Lastewka: Est-ce qu'il y a des différences? La situation dans la vallée d'Annapolis est-elle différente de celle dans les autres régions du pays?

M. Nick Jennery: Pour un épicier, sans doute, oui. Tout à fait. Le magasin d'alimentation connaît le consommateur et ses habitudes d'achat. Tous les principaux magasins et beaucoup des petits ont des programmes de fidélisation. Ils ont des bases de données sur les consommateurs. C'est leur activité première. C'est ainsi qu'ils survivent: en sachant qui vient dans leur magasin, ce qu'il veut, quand et à quel prix.

M. Walt Lastewka: Mais est-ce que c'est différent dans la vallée d'Annapolis ou dans la région d'Hamilton?

M. Nick Jennery: Pour ce qui est de la base de consommateurs et des habitudes d'achat, la vallée d'Annapolis peut être différente d'Hamilton, de Sudbury ou du centre-ville de Toronto.

M. Walt Lastewka: Mais les systèmes en place...

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Ce sera votre dernière question, monsieur Lastewka.

M. Nick Jennery: Je dirais que oui, essentiellement.

M. Walt Lastewka: Monsieur Morton, avez-vous quelque chose à dire avant qu'il nous coupe la parole?

M. Robert Morton: Je dirai seulement que l'épicier indépendant et franchisé ne peut survivre que s'il détermine et satisfait les besoins de ses clients dans les marchés à créneaux. Tout ce qui rendra plus difficile pour nos membres la satisfaction de ces besoins particuliers va nous causer des ennuis et c'est pourquoi le projet de loi C-235, qui pourrait empêcher certains distributeurs d'approvisionner nos membres, nous inquiète tout particulièrement.

Je veux aussi qu'il soit bien clair, et c'est le principal message de mon exposé, qu'à notre avis le problème se situe dans les lignes directrices interprétatives. Si leur portée est élargie comme nous le souhaitons après l'examen du comité, nous estimons que le Bureau de la concurrence sera en mesure d'examiner plus à fond la situation de M. Wade.

M. Walt Lastewka: Merci.

[Français]

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Merci, monsieur Lastewka.

[Traduction]

M. Walt Lastewka: Merci, monsieur le président.

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Monsieur Chatters.

M. David Chatters: Monsieur le président, j'entends constamment dire qu'il suffit pour régler le problème de ne pas attaquer certains joueurs, les gros joueurs, les entreprises entièrement intégrées, qu'il s'agisse des magasins d'alimentation, des fournisseurs d'énergie ou des télécommunications. Le problème réside dans le fait que le Bureau de la concurrence est incapable dans une certaine mesure d'assurer la concurrence.

En dépit de la preuve que nous avons vue, que M. Wade a présentée, le Bureau de la concurrence n'a pas intenté de poursuites contre cette entreprise, et cela est inquiétant. Nous avons de fait cette structure en place qui est censée faire un certain travail et qui ne semble pas le faire, pour une raison quelconque, et c'est peut-être parce qu'elle est timide étant donné qu'elle a perdu une cause—et si c'est la raison, c'est une bien piètre excuse. Je trouverais encore plus inquiétant que cette timidité soit attribuable à l'influence politique qu'exercent les grands intervenants, ou quelque chose de ce genre. Est-ce une possibilité?

Vous avez parlé d'élargir la portée des lignes directrices. Je ne vois pas comment cela motivera le Bureau de la concurrence à intenter des poursuites dans un cas comme celui de M. Wade. Il faut faire plus que simplement élargir la portée des lignes directrices; ça prend une mentalité de bouledogue pour poursuivre ces gens et être prêt à prendre des risques devant les tribunaux, me semble-t- il.

L'un d'entre vous veut-il répondre à cela.

M. Robert Morton: Je me contenterai d'une brève observation, mais je suis d'accord avec vous pour dire que c'est une question que vous devriez poser aux responsables du Bureau de la concurrence lorsqu'ils témoigneront de nouveau devant le comité, jeudi prochain. Il s'agit bien d'élargir la portée des lignes directrices interprétatives. Lorsque vous leur demanderez comment on pourrait le faire; vous pourriez leur demander comment ils comptent appliquer ces mesures avec un peu plus de vigueur. Seuls les responsables du Bureau peuvent répondre à cette question. Pour ma part, désolé, ça m'est impossible.

• 1140

M. David Chatters: Vraiment, comme l'a dit M. Keyes, je suis très heureux d'apprendre que nous allons entendre de nouveau le Bureau de la concurrence parce que nous avons aujourd'hui des questions que nous n'avions sûrement pas au début et les responsables du Bureau devront répondre à certaines de ces questions.

Je n'ai plus vraiment d'autres questions, monsieur le président.

[Français]

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Merci, monsieur Chatters.

Nous allons maintenant passer à M. Ian Murray.

[Traduction]

M. Ian Murray (Lanark—Carleton, Lib.): Merci, monsieur le président.

Monsieur Wade, vous avez fait un excellent exposé. J'irais même jusqu'à dire qu'il était plutôt troublant. Vous l'avez peut- être remarqué, il semble se développer ici un consensus—dans cette salle, du moins—qui nous porte à vouloir interroger de nouveau le Bureau de la concurrence. Lorsque ces responsables ont témoigné devant le comité plus tôt, ils nous ont dit qu'ils avaient tous les outils qu'il leur fallait pour faire leur travail. Je pense maintenant que c'est une affirmation contestable.

Monsieur Morton nous a fait un exposé très modéré, qui devrait nous être très utile.

Je ne connais pas de personne raisonnable qui pourrait regarder la liste des prix que vous nous avez soumise, monsieur Wade, et ne pas penser que l'on pratique des prix abusifs, mais j'ai une question à poser en ce sens, sans vouloir entrer toutefois dans les méandres du commerce de détail. On m'a rappelé une visite que j'ai faite à l'inauguration d'un magasin en expansion dans ma circonscription il y a quelques années. C'était l'un de ces magasins Your Independent Grocer. J'ai dit au propriétaire que je me sentais mal à l'aise à l'idée d'acheter ses produits soldés parce qu'ils étaient si bon marché. J'avais l'impression de profiter de lui. Il m'a dit de ne pas m'inquiéter parce qu'il obtenait des remises des manufacturiers sur tous ces produits soldés.

Est-ce bien le cas? Dans les exemples que vous mentionnez, peut-être que Loblaws a obtenu des remises des fabricants, ce n'était peut-être pas parce qu'on voulait vendre au prix de gros mais aussi parce qu'on avait reçu un petit coup de pouce.

M. Fred Wade: Il est très difficile de déterminer le prix livré dans l'industrie de l'épicerie parce qu'il y a plusieurs transactions cachées, des transactions entre initiés, des remises du fabricant, des allocations spéciales et tout le reste. Ces activités n'ont rien de criminel; c'est simplement la façon dont on calcule le prix qu'on va vous demander. C'est tout comme le concessionnaire automobile qui dit vendre ses véhicules à 1 $ de plus que ce qu'il a payé. Le prix qu'on voit dans le pare-brise n'est pas celui qu'il a payé. Il touche de l'argent à l'interne, et son vrai prix livré est inférieur à celui qu'il montre.

Cependant, les prix étaient tellement bas en Nouvelle-Écosse que même si je ne connais pas le vrai prix livré de Loblaws, il ne faisait aucun doute dans mon esprit ou dans l'esprit de mes collègues que ces prix étaient de loin inférieurs aux coûts réels des produits. Il leur était totalement impossible d'acheter à des prix plus bas que ceux que nous pouvions obtenir en achetant directement du fabricant. En fait, on nous a dit que dans certains magasins, les responsables étaient prêts à absorber des pertes d'exploitation se chiffrant à plusieurs millions de dollars pendant une période indéfinie jusqu'à ce qu'ils aient acquis la part du marché dont ils croyaient avoir besoin.

M. Ian Murray: Merci.

Monsieur Jennery, vous avez dit qu'il y a de plus en plus de détaillants, qu'il y a beaucoup plus d'emplacements et de distributeurs que doivent desservir les membres de votre association. Prenons par exemple National Grocers. Exemple pertinent aujourd'hui parce que nous parlons de l'exploitation de Loblaws dans les Maritimes, et National Grocers déteint probablement une part importante, sinon dominante, du marché de la distribution au Canada, du moins en Ontario, j'imagine.

Ce qui m'a frappé, c'est que les distributeurs sont maintenant en mesure de décider où vont s'installer les détaillants indépendants. Je ne suis pas sûr de pouvoir bien l'expliquer, mais de toute évidence, dans le cas de l'entreprise familiale de M. Wade, les distributeurs sont en mesure de décider, par l'entremise de leurs détaillants, qu'un magasin indépendant ne s'installera pas là. C'est une question que je vous pose tout simplement et à laquelle il vous est probablement très difficile de répondre, je sais, mais pensez-vous qu'il y a du vrai lorsqu'on dit que les distributeurs détiennent en quelque sorte un pouvoir décisionnel dans la mesure où ils peuvent permettre aux indépendants de s'implanter dans notre pays? Parce qu'ils peuvent décider d'intervenir eux-mêmes chaque fois qu'ils le veulent, grâce à leurs moyens considérables, et ouvrir leurs propres magasins pour faire concurrence aux indépendants.

M. Nick Jennery: Je ne crois pas que qui que ce soit ici présent peut se prononcer sur les actes d'une seule personne. Nous ne disposons tout simplement pas des connaissances voulues pour ce faire.

Je pense que les grossistes, les détaillants indépendants et les fournisseurs intégrées sont très bien placés pour suivre l'évolution démographique, pour établir le «graphisme des cycles», et ils savent ainsi où les gens s'installent et déterminent quel type de produits d'épicerie ils peuvent vendre. Vous allez voir des changements dans les secteurs qui sont présentés ici aujourd'hui, des changements dans l'aménagement des magasins et dans leur emplacement dans certains marchés. Cela se produit tout le temps et cela va continuer à se produire. Ces populations évoluent et croissent.

• 1145

Peuvent-ils être les seuls à exercer une influence? Je ne le crois pas. Je ne le sais pas. Mais je vous répondrai qu'ils sont très bien placés pour savoir où ils peuvent faire le plus d'affaires et comment desservir au mieux la population. Le détaillant est un pilier de la collectivité. Cette personne, ce gérant de magasin, vit en contact constant avec sa clientèle. Il exerce une influence considérable lorsqu'il s'agit de déterminer l'emplacement d'un magasin.

Si vous le permettez, je dirais quelques mots sur les promotions. Il peut s'agir de promotions des détaillants, des promotions des fabricants et des promotions des grossistes. Il peut s'agir de soldes d'inventaire s'inscrivant dans une promotion saisonnière, de promotion générale et de promotion croisée. Il existe toute une pléthore et une vaste gamme de promotions et de techniques d'écoulement, pour une foule de raisons différentes aussi.

M. Ian Murray: Merci.

Monsieur Wade, voulez-vous répondre à cette question-ci?

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Monsieur Wade.

M. Fred Wade: Oui, je voulais seulement signaler que, en réalité, les vrais indépendants sont très rares au Canada. Il en reste très peu. Ceux que l'on appelle indépendants sont en réalité des franchisés. Ils ne possèdent pas le terrain. Ils ne possèdent pas le programme. Leur nom ne figure pas sur la porte. Essentiellement, ils gèrent le magasin. On leur dit à quel prix ils doivent vendre leurs marchandises et comment administrer le programme. C'est un programme très strict.

J'appelle indépendant, cette espèce éteinte, celui qui était propriétaire du terrain et du magasin et qui donnait à son magasin le nom qu'il voulait. Dans une moindre mesure, c'est celui qui gère son propre programme, qui détermine ce qu'il va vendre selon son propre programme de prix, sous son propre nom, etc. Il n'en reste presque plus au Canada, du moins très peu.

[Français]

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Nous allons maintenant passer à M. Dubé.

M. Antoine Dubé: J'aimerais poser une question à M. Wade. Vous étiez un indépendant individuel. Vous étiez propriétaire, n'est-ce pas?

[Traduction]

M. Fred Wade: J'étais.

[Français]

M. Antoine Dubé: Dans votre démarche, avez-vous envisagé d'utiliser les services d'une association qui regroupe des gens comme vous? D'abord, est-ce qu'il existe une association d'indépendants individuels?

[Traduction]

M. Fred Wade: J'ai siégé au conseil d'administration de la FCEI de M. Morton pendant deux mandats, pour un total de huit ans. La FCEI m'a accompagné à Ottawa. Nous avons témoigné devant un autre comité parlementaire en 1995-1996. Nous avons rencontré les responsables du Bureau de la concurrence, et à ce moment-là, la FCEE nous a grandement secondés pour amener le Bureau à agir.

Je pense que l'effectif de la FCEI a beaucoup changé et qu'aujourd'hui, la majorité des membres sont des franchisés de Sobey's ou de Loblaws.

Désolé, monsieur Morton, mais je pense que vous êtes bâillonné lorsqu'il s'agit de vous élever contre les grands grossistes parce qu'une bonne partie des membres de la FCEI sont des gens qui font affaire avec Loblaws ou Sobey's.

[Français]

M. Antoine Dubé: J'ai maintenant le goût de poser une question à M. Morton. Avez-vous une réaction aux propos de M. Wade? Est-ce que vous vous sentez menotté, limité?

[Traduction]

M. Robert Morton: Pour le moment, je ne peux que réitérer ce que nous avons dit plus tôt. Nous croyons que les problèmes que M. Wade a expliqués à votre comité auraient pu être réglés par le Bureau de la concurrence si celui-ci avait disposé de lignes directrices interprétatives élargies.

[Français]

M. Antoine Dubé: Avant le congé pascal, nous avons rencontré une association équivalente à la vôtre, mais dans le domaine des produits pétroliers, l'association des indépendants dans le domaine du pétrole. Ils tenaient un discours tout à fait différent du vôtre. Ils appuyaient fortement le projet de loi de M. McTeague parce que, selon eux, la Loi sur la concurrence ne contient pas ce qu'il faut pour les protéger.

Vous êtes dans le domaine de l'alimentation. Votre association communique-t-elle avec des associations d'autres secteurs de l'industrie, par exemple celui du pétrole? Si oui, quel est l'état de vos discussions?

• 1150

[Traduction]

M. Robert Morton: Nous ne communiquons pas avec eux de manière suivie; nous y allons au cas par cas. Je ne veux pas me prononcer sur leur position particulière parce que nous sommes dans l'industrie de l'épicerie, laquelle, pour ce qui est de sa structure, est très différente de l'industrie pétrolière. Notre position pourrait être différente de la leur, et c'est tout simplement comme ça, étant donné la structure de notre industrie.

[Français]

M. Antoine Dubé: D'accord.

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Très bien.

Monsieur McTeague.

[Traduction]

M. Dan McTeague: J'aimerais reprendre ce que M. Dubé vient de dire.

Monsieur Morton, je dois vous dire que je sympathise avec vous. Je pense que vous êtes à la fois menotté et bâillonné.

Je veux seulement savoir si votre position actuelle à l'égard du statut des fusions qui se sont produites... Bien sûr, ces fusions ont été annoncées après que la Chambre des communes ait voté le projet de loi, et cela a certainement intensifié l'intérêt du comité ainsi que celui de la plupart des députés à la Chambre des communes. Est-ce que des entreprises comme Loblaws et Sobey's contrôlent bon nombre des membres de votre fédération à tel point qu'elles pourraient aisément obliger vos membres à fermer leurs portes si elles le voulaient vraiment?

M. Robert Morton: Au sujet des fusions qui ont été annoncées, je me contenterai de dire que nous avons communiqué nos préoccupations au Bureau de la concurrence sans la moindre équivoque.

M. Dan McTeague: Oui, nous avons entendu cela, monsieur Morton, mais je m'interroge sur la position que vous adoptez ici, et comme en témoignent les observations qui ont été faites par M. Wade et d'autres affirmations qui intéressent les membres du comité, vous vous retrouvez en quelque sorte dans une position féodale, où vos suzerains sont tout à fait en mesure de vous dicter les conditions de votre survie. M. Wade, un ancien membre de votre conseil d'administration, a dit que le véritable indépendant n'existe tout simplement plus. On pourrait ici tracer bon nombre d'analogies avec d'autres industries, dont nous avons discuté au comité.

En fait, je me demande si votre position ne vous oblige pas à dire que, oui, vous pouvez parler de ce que vous avez fait l'an dernier, et, surprise, rien ne s'est fait, et je me demande si vous ne plaideriez pas plus énergiquement la position de votre association si vous et vos membres n'étiez pas sous le joug des grossistes.

M. Robert Morton: Je peux simplement vous répondre que notre position bénéficie du soutien total de notre conseil d'administration ainsi que de celui d'un grand nombre de grands exploitants indépendants de magasins d'épicerie.

M. Dan McTeague: Rien que pour mémoire, vous avez mentionné Fred Longo de Longo's foods. Je veux seulement m'assurer que vous avez bel et bien dit que vous étiez d'accord avec lui.

M. Robert Morton: Anthony Longo. Oui.

M. Dan McTeague: Oui. Vous avez également parlé à Charlie Coppa de Highland foods. Je remarque que vous n'avez pas mentionné son nom.

M. Robert Morton: Dans une grande organisation comme la nôtre, certains problèmes suscitent des opinions divergentes. C'est la même chose dans n'importe quelle autre grande organisation.

M. Dan McTeague: Nous aimerions connaître la source de cette dissidence, mais je pense qu'elle devient très évidente pour tout le monde, et je vous remercie de votre réponse.

Monsieur Jennery, pouvez-vous dire au comité combien d'épiciers grossistes indépendants il reste dans la région du Toronto métropolitain aujourd'hui à la suite des fusions que vos membres ont annoncées?

M. Nick Jennery: Combien d'indépendants...?

M. Dan McTeague: Combien de grossistes indépendants y a-t-il dans le secteur de l'épicerie dans la région du Grand Toronto aujourd'hui?

M. Nick Jennery: Tout dépend comment vous définissez le «grossiste indépendant». Il y a des grossistes pour une foule de produits. Certains offrent des gammes de produits complètes. Certains n'offrent pas de gammes complètes.

M. Dan McTeague: Je parle de la gamme complète, monsieur Jennery.

M. Nick Jennery: Je ne peux pas vous le dire.

M. Dan McTeague: Eh bien, monsieur Jennery, voilà qui est très intéressant parce que dans plusieurs articles, on dit qu'il n'en reste qu'un dans toute la région du Grand Toronto; donc, trois millions de personnes et davantage sont aujourd'hui assujetties à la volonté d'un seul fournisseur.

Je pourrais peut-être vous poser une autre question qui vous aiderait à nous donner plus de détails. Votre comité—vous—avez vivement critiqué le projet de loi C-235 avant le vote en deuxième lecture. Par après, la Chambre des communes et notre comité ont appris que deux membres de votre Conseil, Loblaws et Sobey's, avaient annoncé officiellement qu'ils allaient procéder à de grandes fusions avec les groupes Provigo et Oshawa respectivement.

Pouvez-vous dire au comité, et lui dire en toute franchise, quel contrôle vous avez maintenant des marchés du gros et du détail en conséquence de ces fusions dans les provinces Atlantiques, au Québec et en Ontario?

De même, croyez-vous que le fait que votre Conseil ait décidé initialement de s'opposer au projet de loi C-235 a raffermi ou affaibli les intentions de vos membres relativement aux fusions?

M. Nick Jennery: Il serait tout à fait déplacé de parler de fusions et d'acquisitions dont le bureau est actuellement saisi. Ces transactions et discussions ne sont pas terminées.

M. Dan McTeague: À toutes fins utiles, vos membres ont dit que c'était le cas. Lorsque j'ai téléphoné à vos bureaux, on m'a laissé entendre qu'elles avaient déjà eu lieu, quoi qu'en dise le Bureau de la concurrence.

En fait, monsieur le vice-président, les membres sont allés jusqu'à faire état des gains des entreprises qui ont fusionné dans leurs rapports du troisième trimestre.

Je ne cite donc pas le Bureau de la concurrence; je cite essentiellement les informations que vous avez communiquées vous-mêmes au grand public et aux actionnaires.

M. Nick Jennery: Que l'on me permette de marquer mon désaccord avec les commentaires des membres. Nous ne nous sommes jamais prononcés sur les fusions et les acquisitions, et nous n'avons jamais dit que ces marchés avaient été conclus.

• 1155

M. Dan McTeague: Monsieur Jennery, dans quelle mesure votre Conseil se préoccupe-t-il de la concentration dans l'industrie de l'épicerie au Canada? Craignez-vous que cette industrie finisse par être dominée totalement par seulement deux joueurs? Je pose cette question dans un contexte où vous pourriez confirmer ou nier qu'un membre de votre groupe, Loblaws, est en pourparlers en ce moment avec Overwaitea et Save-On Foods pour contrôler ou dominer le marché dans l'Ouest canadien.

M. Nick Jennery: La rumeur dont vous venez de faire état est infondée. Aucun fait ne prouve que ces négociations sont en cours ou que ces marchés ont été conclus. Chose certaine, je ne suis au courant de rien. Mais j'aimerais corriger une chose pour mémoire. Ce n'est pas un seul grossiste qui dessert trois millions de personnes. Ça n'a jamais été le cas et, à mon avis, ce ne le sera jamais.

M. Dan McTeague: Monsieur Jennery, j'imagine que ce qui préoccupe notre comité, et que ce qui me préoccupe par ma qualité de député parrain de ce projet de loi, c'est l'idée que vous semblez avancer, qui est totalement erronée, à savoir que cette mesure aurait en quelque sorte pour effet d'éliminer la technique du produit d'appel, ou que cela vous empêcherait de faire des ventes promotionnelles, ou que, d'une manière ou d'une autre, on ne tient pas compte du volume en question.

Je me demande comment vous pouvez répandre une telle idée sachant très bien, si vous ou vos avocats avez lu ce texte, qu'ils peuvent inventer ces choses à partir de rien? Comprenez-vous vraiment ce projet de loi, monsieur Jennery? Votre conseiller juridique comprend-il vraiment ce projet de loi et ce qui définit vraiment ce qui est une pratique d'éviction qui permet à un joueur dominant, un joueur dominant qui est verticalement intégré, d'exercer un pouvoir absolu sur la structure des prix si on le laisse faire?

M. Nick Jennery: Je reconnais que, bien qu'on ait apporté un certain nombre de changements et d'amendements au projet de loi... Mais je reconnais qu'un élément fondamental du projet de loi, c'est qu'il a lié le prix de détail au prix de gros, et c'est sur cet élément que portent mes observations.

M. Dan McTeague: Monsieur le président...

Le président suppléant (M. David Chatters (Athabasca, Réf.)): Votre temps est écoulé, monsieur McTeague.

M. Dan McTeague: Merci.

Le président suppléant (M. David Chatters): Monsieur Dubé, avez-vous d'autres questions?

[Français]

M. Antoine Dubé: Je veux laisser à M. McTeague le temps de terminer ses questions.

[Traduction]

M. Dan McTeague: Est-ce qu'il nous reste encore une heure? La feuille de convocation indique de 11 heures à 13 heures.

Une voix: Je ne dirai pas le contraire.

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Merci, monsieur McTeague.

Monsieur Chatters.

M. David Chatters: Je n'ai pas d'autres questions.

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Alors la prochaine personne est Mme Barnes.

Mme Sue Barnes: Merci.

Je vous remercie de votre témoignage.

Je représente une circonscription en grande partie résidentielle de la ville de London, en Ontario, qui est connue comme étant souvent un centre d'essai pour tout le Canada. Beaucoup de gens font de la commercialisation là-bas. C'est intéressant: d'après ce que j'ai pu constater dans ma propre circonscription—et c'est peut-être différent de l'expérience de M. Wade—bon nombre d'hypermarchés sont en fait en train de fermer. Ceux qui vendaient des marchandises en vrac ont fermé. Ils ouvrent pendant une courte période et ferment assez rapidement. Les nouveaux plus grands magasins qui ont ouvert font presque ce que j'appellerais du divertissement. Ils font jouer de la musique en direct, ils offrent des cours de cuisine et il y a des rangées et des rangées de plats cuisinés, ce qui reflète certainement les caractéristiques démographiques de ma circonscription—des gens qui veulent sans doute des repas rapides.

Il y a cependant une chose que j'ai trouvée très intéressante, et j'aimerais poser une question à ce sujet au représentant de l'industrie de détail indépendante. Dans ma circonscription qui est surtout résidentielle, il y a de nombreuses épiceries fines qui sont en train d'ouvrir avec beaucoup de succès dans un rayon de 10 pâtés de rue de chez moi—deux boulangeries qui ne font que du pain viennent tout juste d'ouvrir—je ne parle pas ici de gâteaux—ainsi qu'un magasin de fromages de spécialité, d'une charcuterie, d'un magasin de fruits et légumes... Je les considère comme des petites entreprises indépendantes, car je sais que notre gouvernement fédéral les a même appuyées dans le cadre du programme d'aide au travail indépendant—pour donner du travail aux gens sans emploi. En ce qui concerne leurs approvisionnements, est-ce qu'elles feraient partie de votre organisation? Ces entreprises semblent être très prospères.

M. Robert Morton: Nos membres sont des épiceries.

Mme Sue Barnes: Où est-ce qu'ils s'approvisionnent? Est-ce qu'ils s'approvisionneraient chez vos fournisseurs, monsieur Jennery?

M. Nick Jennery: Cela est possible.

Mme Sue Barnes: Très bien. Tout ce que je dis, c'est qu'à mon avis il y a une divergence au Canada à l'heure actuelle, et j'ai pris bonne note de ce que vous avez dit: c'est-à-dire que, comme tout autre secteur qui serait touché par ce projet de loi, il s'agit là d'une industrie qui connaît à l'heure actuelle une période de grande transition, et différents types d'intervenants répondent aux besoins de la population. Je suis vraiment heureuse que vous soyez ici, car, comme dans le cas de l'industrie gazière, qui est à l'origine du projet de loi à l'étude, vous avez un volume très important mais de petites marges bénéficiaires, et je pense qu'il est vraiment important de le comprendre.

Monsieur Jennery, vous avez été très clair au sujet de la situation du Bureau de la concurrence, au sujet de sa capacité à gérer le problème.

• 1200

Monsieur Morton, à mon avis vous avez été moins clair dans votre témoignage aujourd'hui et, particulièrement dans votre mémoire, vous laissez entendre indirectement qu'à votre avis la Loi sur la concurrence vous donne les outils nécessaires à l'heure actuelle mais que s'il y avait de meilleures lignes directrices et de meilleurs modèles d'interprétation... Les membres de notre comité sont très préoccupés par cette question. Nous devrons sans doute procéder à l'examen article par article dès jeudi.

Donc, même si vous obteniez votre examen et même des lignes directrices interprétatives plus larges, j'aimerais vous poser une question. Vous ne pourrez peut-être pas y répondre, mais je vais vous la poser de toute façon. Avec les outils et la loi tels qu'ils existent à l'heure actuelle, en supposant—ce qui n'est peut-être pas juste, je ne sais pas—que ces outils sont appliqués comme il se doit ou d'une manière raisonnable, y a-t-il des outils prévus dans le projet de loi qui seraient à votre avis acceptables et qui permettraient aux gens de relever les défis? Quelle serait votre position? J'ai l'impression que vous êtes plutôt indécis, et je dois savoir.

M. Robert Morton: Eh bien, permettez-moi tout simplement de dire que naturellement la loi n'est sans doute pas parfaite, mais si ces lignes directrices interprétatives étaient étoffées, cela faciliterait certainement les choses pour nos membres.

Mme Sue Barnes: J'en suis certaine. Ma question est la suivante: les pouvoirs prévus dans la Loi sur la concurrence vous protègent-ils suffisamment à l'heure actuelle? Sachant très bien que je suis l'un des membres du comité qui devra voter sur ce projet de loi, article par article, dans quelques jours...

M. Robert Morton: Voulez-vous dire si nous pensons que vous devriez appuyer le projet de loi C-235?

Mme Sue Barnes: Vous nous dites en quelque sorte que même si l'intention est bonne, vous n'appuyez pas le projet de loi dans sa forme actuelle.

M. Robert Morton: Non, nous n'appuyons pas le projet de loi dans sa forme actuelle, car il ne résout pas les problèmes qu'il est censé résoudre.

Mme Sue Barnes: Très bien.

M. Robert Morton: Je suis désolé si cela n'était pas clair. J'espère que ce l'est clair.

Mme Sue Barnes: Très bien. C'est ce que j'avais besoin d'entendre. J'avais plutôt l'impression—et il fallait que ce soit clair pour moi—que vous disiez que si nous réglions le problème des lignes directrices interprétatives, ce serait mieux, et je vous dis que jeudi cela ne sera pas réglé, qu'il n'y aura pas de lignes directrices interprétatives. La question que je vous posais était donc la suivante: puisque l'on sait que rien ne sera fait jeudi au sujet des lignes directrices, appuyez-vous le projet de loi?

M. Robert Morton: Non.

Mme Sue Barnes: Merci. C'est ce que j'avais besoin d'entendre.

[Français]

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Merci, madame Barnes.

Monsieur Dubé.

M. Antoine Dubé: J'aimerais obtenir un renseignement du Conseil canadien de la distribution alimentaire. Combien y a-t-il de grossistes qui desservent la ville de Toronto et combien y en a-t-il qui desservent la ville de Montréal? Si c'est trop difficile parce qu'il s'agit de villes précises, donnez-moi plutôt les chiffres par province: l'Ontario et le Québec.

[Traduction]

M. Nick Jennery: Je ne peux vous donner de chiffre exact. Je peux dire que si on prend les six principaux grossistes, cinq d'entre eux sont verticalement intégrés et ont un chiffre d'affaires important. Il y a cependant de nombreux grossistes régionaux, tant du côté de la vente au détail que des services alimentaires.

[Français]

M. Antoine Dubé: D'accord.

J'aimerais maintenant demander à la Fédération canadienne des épiciers indépendants combien d'épiciers individuels et combien de franchisés elle compte parmi ses membres. À défaut de nombre, vous pouvez me donner un pourcentage.

[Traduction]

M. Robert Morton: Nous avons un total d'environ 3 600 membres. Pour ce qui est du nombre de franchisés, je ne peux vous donner de chiffre exact, mais c'est un pourcentage très élevé.

[Français]

M. Antoine Dubé: Quel en serait le pourcentage approximatif?

[Traduction]

M. Robert Morton: Je ne voudrais pas vous donner un pourcentage approximatif et me tromper.

[Français]

M. Antoine Dubé: Pourriez-vous fournir ce renseignement au comité après avoir effectué une recherche?

[Traduction]

M. Robert Morton: Certainement.

[Français]

M. Antoine Dubé: D'ici jeudi? Merci.

J'aimerais maintenant demander au représentant du Conseil canadien quelle est la part de marché des cinq grossistes dont il parle.

[Traduction]

M. Nick Jennery: Tout dépend de la façon dont on fait le calcul, mais—approximativement—les six principaux représentent environ 75 p. 100 du marché. Il faut comprendre cependant qu'il s'agit là uniquement de la distribution aux épiceries. Ce n'est pas la distribution des produits alimentaires. Pour les produits alimentaires, il faut tenir compte des pharmacies, des grands magasins et des dépanneurs. Il y a de nombreux autres circuits de distribution, et ce pourcentage ne représente qu'un segment du marché.

• 1205

[Français]

M. Antoine Dubé: Est-ce que ce chiffre de 75 p. 100 s'inscrit dans une tendance à la hausse ou à la baisse, ou si la situation est stable depuis un certain temps?

[Traduction]

M. Nick Jennery: Malgré les fusions et les acquisitions actuelles, ce pourcentage est resté assez stable, ne variant que de quelques points, mais ce qui est arrivé, c'est que ce secteur a perdu une certaine clientèle au profit des nouvelles formules. L'entrepôt-club, par exemple, est une formule qui a pris une part importante du marché au cours des sept à huit dernières années. Le pourcentage des pharmacies a augmenté également, et si vous allez dans un de ces magasins grande surface, vous verrez qu'ils ont de plus en plus d'espace consacré à la vente de produits alimentaires. Il y a aussi les postes à essence.

M. David Wilkes (vice-président, Région de l'Ontario et Relations d'affaires, Conseil canadien de la distribution alimentaire): Si vous me le permettez, j'aimerais ajouter que ce n'est pas seulement de ce côté-ci du marché que les changements s'opèrent. Mme Barnes a dit que cela se faisait à la base également, si je puis m'exprimer ainsi, Il y a les magasins spécialisés, les boulangeries, les charcuteries, les marchés à créneaux. Le marché est très dynamique. Le segment alimentaire doit faire face à la concurrence des magasins spécialisés, dont a parlé Mme Barnes et des magasins-entrepôts, dont a parlé M. Jennery. Il est donc important, je pense, d'en tenir compte.

[Français]

M. Antoine Dubé: Je ne suis pas un expert dans votre domaine et j'aimerais savoir si les six grossistes sont en grande partie la propriété d'intérêts canadiens ou s'il y a aussi des intérêts étrangers là-dedans.

[Traduction]

M. Nick Jennery: Je ne suis pas entièrement certain de mes faits. Je pourrais faire une estimation éclairée, mais je préférerais vérifier. Je serais porté à dire non, mais j'aimerais avoir la possibilité de me corriger, après avoir vérifié dans les rapports annuels qui est propriétaire des actions, par exemple.

[Français]

M. Antoine Dubé: D'accord.

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Merci, monsieur Dubé.

Avez-vous une dernière question, monsieur McTeague?

M. Dan McTeague: Oui, comme toujours. J'ai trouvé cette présentation assez intéressante.

[Traduction]

Monsieur Jennery, vous avez affirmé que cinq ou six de vos principaux intervenants ou membres étaient de grandes entreprises à intégration verticale. Pourriez-vous nous dire quel pourcentage du marché canadien ces entreprises contrôlent actuellement—c'est-à-dire vos membres—quel est le pourcentage approximatif?

M. Nick Jennery: Il s'agit encore une fois d'une partie compliquée des définitions, car ils font concurrence à d'autres réseaux de distribution, et si vous parlez par conséquent des gens qui vont simplement à l'épicerie ou qui achètent des produits d'épicerie, c'est très différent. Les supermarchés comme tels occupent environ 65 p. 100, et peut-être près de 70 p. 100, de tout le secteur.

M. Dan McTeague: Je ne veux pas avoir l'air de tourner en rond, mais je veux bien comprendre. Vos membres, les gens que vous représentez, sont des détaillants et en même temps des grossistes...

M. Nick Jennery: C'est exact.

M. Dan McTeague: ...en ce sens qu'ils ne vendent pas seulement à leurs propres épiceries, ils vendent aussi à d'autres, comme par exemple plusieurs des anciens membres du groupe que représente M. Morton et quelques-uns des nouveaux... Il y a actuellement des rapports, c'est-à-dire que vous ne faites pas seulement la concurrence à titre de magasin-entrepôt ou d'hypermarché, ou quel que soit le nom utilisé, vous vendez également aux quelques magasins qui peuvent faire concurrence avec vous. Est-ce exact?

M. Nick Jennery: Exact.

M. Dan McTeague: D'après votre estimation, cette part est actuellement de l'ordre de 60 à 70 p. 100 dans l'ensemble du Canada?

M. Nick Jennery: Non. Le taux de 65 p. 100 que j'ai donné était relié à une définition de Statistique Canada pour un supermarché, qu'il appartienne à un propriétaire indépendant ou à l'une des grandes chaînes.

M. Dan McTeague: Bien. Si je comprends bien, Loblaws ne fait pas de vente de gros, sauf en ce qui concerne ses franchisés, c'est-à-dire ses propres magasins. Est-ce exact?

M. Nick Jennery: Oui. Je ne connais pas dans les plus petits détails les opérations commerciales de nos membres. Notre association fait des observations sur les tendances générales dans notre secteur.

M. Dan McTeague: Sobey's et le groupe Oshawa étaient tous deux membres de votre association jusqu'au moment de l'annonce de leur fusion...

M. Nick Jennery: C'est exact.

M. Dan McTeague: ...et nous pouvons discuter de l'acceptation ou non de la fusion, mais ces deux entreprises étaient les seuls grossistes offrant toute la gamme de produits dans la région de Toronto. Maintenant que les deux grossistes fusionnent, si la fusion est approuvée, il en resterait seulement un. Est-ce exact? Il y aurait un seul grossiste dans la région de Toronto qui offrirait toute la gamme de produits.

• 1210

M. Nick Jennery: Je suis désolé, mais je ne peux pas le confirmer.

M. Dan McTeague: Très bien.

J'aimerais présenter un dernier point, monsieur le président, si vous me le permettez. Je veux seulement m'assurer que j'ai assez de temps pour le faire.

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Soyez très bref.

M. Dan McTeague: Je le serai.

En ce qui concerne la FCEI, monsieur Morton, il semble que 70 à 80 p. 100 de vos membres... De fait, je devrais peut-être poser la question à M. Wade, car je pense qu'il pourra me renseigner.

Ces soi-disant indépendants sont liés—nous en avons parlé—par des contrats de franchise. Dans quelle mesure quelqu'un qui est lié par un contrat de franchise doit-il faire ce que le grossiste lui demande de faire, et dans quelle mesure peut-il faire ce qu'il veut en tant que gérant de son propre magasin ou propriétaire éventuel?

M. Fred Wade: Cela dépend du contrat de franchise, mais habituellement, dans les contrats que j'ai pu voir, on n'a pas vraiment de choix quant à la façon d'exploiter l'entreprise, sauf quant à la façon d'ouvrir les portes, d'accueillir les clients, de s'assurer que tout est propre et que le magasin est bien approvisionné, et ainsi de suite. C'est toute la latitude qu'on a quant à la façon de gérer l'entreprise. Tout le reste est contrôlé—et contrôlé d'une façon très stricte—par le siège social, et l'on ne doit pas dévier de la voie imposée, si l'on veut survivre.

M. Dan McTeague: Que se passerait-il, monsieur Wade, si vous vouliez vous établir au Canada et que vous constatiez que le secteur de l'épicerie, au niveau du détail et du gros, y était contrôlé par quelques intervenants dominants? Disons que vous vouliez entrer sur le marché et que vous soyez prêt à travailler aussi fort que possible. Comment pourriez-vous réussir si la structure de prix, si ces grossistes-détaillants, les fournisseurs à intégration verticale, sont tellement puissants et présents? Comment parviendriez-vous à pénétrer sur le marché et à y diminuer leur domination? Pourriez-vous le faire?

M. Fred Wade: C'est pourquoi je suis ici aujourd'hui. Je suis venu à cause de ma préoccupation face à la façon dont le secteur des aliments et tout le secteur du détail fonctionnent au Canada—y compris celui du pétrole.

Disons qu'après les fusions, nous aurons deux grands participants dominants qui contrôleront la grande majorité du secteur alimentaire au Canada. Disons qu'une entreprise de l'extérieur du pays décide qu'elle aimerait venir ici, et décide que ceux qui sont déjà là s'enrichissent et que les prix sont à un niveau pas tellement compétitif, cette entreprise pourra venir et réussir avec des prix plus bas. Tout d'abord, il faudra un énorme investissement en espèces simplement pour faire ouvrir la porte. Comme je l'ai mentionné, il faudra peut-être 10 millions de dollars par magasin, et il faudra ensuite une infrastructure de distribution.

Pourquoi le ferais-je si je sais que ces participants dominants sont prêts à investir des millions et des millions de dollars pour faire baisser les prix dans ce marché en deçà de mes coûts?

M. Dan McTeague: De tels coûts irrécupérables sont en réalité impossibles à supporter. Vous perdrez même cette entrée restreinte sur le marché que vous cherchiez à obtenir...

M. Fred Wade: Il faudrait être prêt à partir en guerre, pour plusieurs années peut-être. Une telle guerre se poursuit encore dans la région Atlantique et elle dure probablement déjà depuis quatre ans.

M. Dan McTeague: Diriez-vous donc, monsieur Wade, que la partie est terminée? Nous mangeons trois repas par jour. Je ne fais pas le plein d'essence trois fois par jour et je ne vais pas à la banque trois fois par jour. Avec le libellé actuel de la Loi sur la concurrence et l'application qu'on en fait actuellement, pensez- vous que la partie est jouée et que nous avons effectivement un monopole ou un oligopole dans le secteur de l'épicerie au Canada, soit pour la distribution, la vente de gros et la vente au détail?

M. Fred Wade: Étant donné la loi actuelle et la présente attitude du Bureau de la concurrence, il n'y a rien à faire. La partie est jouée.

M. Dan McTeague: Merci.

[Français]

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Merci, monsieur McTeague.

Monsieur Dubé.

M. Antoine Dubé: Monsieur le président, je n'ai pas de questions à poser aux témoins, mais leurs commentaires m'amènent à suggérer au comité les deux éléments suivants. Il me semble que nous devrions nous procurer de l'information sur les parts de marché et sur le nombre de franchisés par rapport au nombre d'indépendants individuels dans le secteur de l'alimentation, mais aussi dans d'autres secteurs. L'autre jour, on a entendu des représentants du secteur pétrolier. Il s'agit d'une information importante qu'on devrait être capables de se procurer, si elle existe. Si elle n'existe pas, je comprendrai qu'on n'est pas en mesure de nous la fournir.

Il se peut que le Bureau de la concurrence nous dise qu'il n'a pas ce genre d'information puisqu'il surveille les pratiques qui compromettent la concurrence. Cependant, Industrie Canada ou Statistique Canada a peut-être de l'information là-dessus. Je trouverais cela très important. Je ne les blâme pas, car c'est extrêmement difficile. M. Jennery disait que tout dépend de ce que l'on prend en considération et de ce qu'on ne prend pas en considération: les part de marché et ainsi de suite. J'imagine qu'il y a, au gouvernement, des gens qui sont capables de nous répondre.

J'apprécierais que la greffière, avec l'assentiment des membres du comité, fasse ce qu'il faut pour qu'on ait cette information, si elle existe. Si elle n'existe pas, il faudra bien attendre à un autre moment.

• 1215

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Vous en faites une demande spécifique?

M. Antoine Dubé: Oui. Je voudrais avoir de l'information sur les secteurs de l'industrie qu'on a entendus jusqu'à présent: le pétrole, les communications, l'alimentation et d'autres. Je voudrais avoir des données sur les parts de marché et sur les franchisés et les détaillants individuel. Comment la situation se présente-t-elle dans ces secteurs?

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): La greffière va faire enquête là-dessus.

M. Antoine Dubé: Si cela existe. Si cela n'existe pas, je vais m'inquiéter. Je tenais pour acquis qu'au gouvernement, à Industrie Canada, on était bien informé.

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): La dernière question sera posée par Mme Barnes.

[Traduction]

Mme Sue Barnes: J'ai droit à combien de temps?

[Français]

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Cinq minutes.

[Traduction]

Mme Sue Barnes: Merci beaucoup.

Premièrement, afin que je puisse mettre en perspective les témoignages que j'ai entendus aujourd'hui, monsieur Morton, combien d'organisations relèvent de votre groupe? Combien de membres avez- vous?

M. Robert Morton: Environ 3 600.

Mme Sue Barnes: Très bien.

Je veux obtenir une précision de M. Wade. Vous avez dit que votre entreprise était quelque chose d'un peu rare au Canada. Combien en reste-t-il exactement comme la vôtre?

M. Fred Wade: Il y en avait une à Truro, en Nouvelle-Écosse, qui a fermé boutique il y a deux semaines; il s'agissait d'un épicier indépendant de la quatrième génération. C'était Ryan's IGA. Il était totalement indépendant. Il était propriétaire de son magasin et de son emplacement, mais il ne pouvait plus faire face à la concurrence.

Mme Sue Barnes: J'ai demandé combien...

M. Fred Wade: Je pense qu'il serait préférable de poser la question...

Mme Sue Barnes: Ou peut-être de la poser...

M. Fred Wade: ...à M. Morton.

Mme Sue Barnes: ...à M. Morton.

M. Fred Wade: On peut probablement compter sur les doigts de la main le nombre de véritables indépendants que nous avons au Canada.

Mme Sue Barnes: Très bien. La majorité, les indépendants en réalité, qui existent présentement, sont donc probablement des franchisés qui pourraient devenir... Vous avez fait valoir l'argument...

M. Robert Morton: Nos membres exploitent des franchises.

Mme Sue Barnes: Très bien.

Monsieur Jennery, vous avez formulé une proposition par écrit. Vous avez dit les choses de façon très catégorique, et je vais demander à M. Morton s'il serait d'accord avec cette proposition, parce que c'est très important. Vous avez dit que le projet de loi C-235 ne permettrait pas d'atteindre les objectifs visés, qu'il encouragera les grossistes à ne pas fournir de produits aux épiciers indépendants, ce qui entraînera une augmentation des prix payés par les consommateurs. Ce sont des propos incroyables à mon avis. Vous avez dit clairement que vous pensiez que ça se produirait.

Monsieur Morton, êtes-vous d'accord avec ce propos?

M. Robert Morton: Oui.

Mme Sue Barnes: Merci.

Je n'ai plus de questions.

[Français]

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): J'aimerais remercier les témoins.

[Traduction]

J'aimerais remercier les témoins qui sont venus aujourd'hui et qui ont su si bien répondre aux questions provenant de tous. Vos présentations, messieurs Wade, Jennery, Wilkes, Morton et Moncion nous ont été fort utiles.

Avant de lever la séance, j'aimerais signaler au comité que la prochaine réunion aura lieu cet après-midi à 15 h 30 à la salle 253D de l'édifice du Centre.

[Français]

La séance est levée.