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INDY Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON INDUSTRY

COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 30 avril 1998

• 0907

[Traduction]

La présidente (Mme Susan Whelan (Essex, Lib.)): J'aimerais ouvrir la séance du comité conformément à son ordre de renvoi de la Chambre en date du mardi 17 mars 1998, examen du projet de loi C-20, Loi modifiant la Loi sur la concurrence et d'autres lois en conséquence.

Nous devons entendre aujourd'hui deux témoins. Nous allons commencer par l'Association du Barreau canadien et ses quatre représentants: Tamra Thomson, directrice de la Législation et de la Réforme du droit; John Lowman, président de la Section du droit de la concurrence; Tim Kennish, membre de la Section du droit de la concurrence; et Barry Zalmanowitz, membre de la Section du droit de la concurrence.

Je crois que c'est Tamra Thomson qui va commencer l'exposé.

Mme Tamra L. Thomson (directrice, Législation et Réforme du droit, Association du Barreau canadien): Merci, madame la présidente. L'Association du Barreau canadien est très heureuse de comparaître devant le comité aujourd'hui au sujet de son ordre de renvoi concernant le projet de loi C-20.

L'Association du Barreau canadien est une association nationale qui représente plus de 34 000 juristes de l'ensemble du Canada, notamment des avocats, des notaires, des étudiants en droit, des professeurs de droit et des juges. Parmi les principaux objectifs de l'association figure l'amélioration du droit et de l'administration de la justice, et c'est à ce chapitre que nous faisons nos remarques au comité aujourd'hui.

Je crois que les membres du comité ont reçu un exemplaire de notre mémoire. Il a été préparé essentiellement par les membres de la Section du droit de la concurrence de l'Association du Barreau canadien. Le chapitre portant sur les dispositions relatives à la publicité trompeuse et au télémarketing a été préparé conjointement par la Section du droit de l'information et des communications et la Section du droit de la concurrence.

Je vais demander à mon collègue, M. Lowman, de vous dire quelques mots de la part prise par la section aux amendements à la Loi sur la concurrence. Mes autres collègues aborderont le fond des questions traitées dans le mémoire.

M. John Lowman (président, Section du droit de la concurrence, Association du Barreau canadien): Merci, Tamra.

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, la Section du droit de la concurrence de l'Association du Barreau canadien vous remercie de lui donner l'occasion de présenter ce matin son mémoire sur le projet de loi C-20 au Comité permanent de l'industrie.

Notre section a été créée en 1992 essentiellement grâce aux efforts de Russell Lusk, président sortant de l'Association du Barreau canadien, qui a reconnu à l'époque la nécessité pour l'ABC d'avoir une section s'occupant exclusivement des praticiens qui s'intéressent au droit de la concurrence. Depuis lors, notre section est devenue l'une des plus actives de l'Association du Barreau canadien puisqu'elle compte plus de 800 membres.

Si c'est la première fois que notre section comparaît devant un comité législatif, elle a dans le passé contribué au dialogue concernant les amendements à la Loi sur la concurrence. En novembre 1995, notre section a présenté une réponse exhaustive aux changements proposés à la Loi sur la concurrence à la suite du document de travail de juin 1995 qui avait été publiée par le directeur des Enquêtes et des Recherches et par le ministre de l'Industrie.

• 0910

Par la suite, trois membres parmi les dirigeants de notre section ont participé au comité consultatif qui a présenté son rapport sur les amendements à la Loi sur la concurrence le 6 mars 1996. Quelques mois plus tard, en juin 1996, notre section a fait parvenir ces commentaires au ministre de l'Industrie relativement au rapport du comité consultatif, mais sans la participation des trois membres de notre direction qui faisaient partie de ce comité.

En février dernier, notre section a envoyé une lettre au ministre de l'Industrie, indiquant que nous étions fortement en faveur de l'adoption de mesures visant à réformer et améliorer la Loi sur la concurrence et de la portée générale des amendements à la loi qui figurent dans le projet de loi C-20. À l'époque, nous avons aussi déclaré que nous prévoyions de faire des remarques sur plusieurs dispositions du projet de loi lorsqu'il serait étudié par le comité en vue de suggérer des améliorations.

Aujourd'hui, Tim Kennish, secrétaire-trésorier de la direction de notre section, et Barry Zalmanowitz, président de notre comité de la législation et de la politique de la concurrence, vous parleront des dispositions qui nous semblent nécessiter une amélioration, comme nous le disons dans notre mémoire.

Je dois préciser à nouveau que la section du droit de l'information et des télécommunications de l'Association du Barreau canadien a participé à l'élaboration de notre mémoire pour les dispositions relatives à la publicité trompeuse et au télémarketing.

M. Kennish vous fera tout d'abord part de nos remarques concernant le préavis en matière de transactions de fusionnement et l'écoute électronique. Merci.

M. Tim Kennish (membre, Section du droit de la concurrence, Association du Barreau canadien): Merci.

Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité, je vais vous parler, comme on vous l'a dit, des révisions proposées pour les règles de préavis en matière de transactions de fusionnement qui figurent actuellement dans la loi et les règlements et du nouveau pouvoir proposé, du fait de l'amendement de l'article 183 du Code criminel, d'intercepter les communications privées sans le consentement des parties dans trois situations prévues dans la loi: la première concerne le télémarketing trompeur, la deuxième les ententes et les arrangements en violation de l'article 45 de la loi et la troisième le trucage des offres.

Mais revenons pour commencer au préavis en matière de transactions de fusionnement. Le projet de loi contient plusieurs révisions utiles qui faciliteront l'administration du droit dans ce domaine. On a précisé l'application de la loi dans le cas d'acquisition de titres de participation dans des partenariats ou d'autres entités non constituées en sociétés.

On accorde au directeur le pouvoir de renoncer à l'exigence de préavis dans certaines situations. On explique mieux qui a l'obligation de présenter le document en vertu de la loi, et il y a quelques autres mesures utiles.

Mais en proposant ces amendements, le gouvernement a omis de traiter d'une question importante qui est généralement reconnue comme constituant un problème, à savoir que les exigences prévues dans la loi pour le préavis sont d'application beaucoup trop générale. Il est reconnu que dans la grande majorité des fusions pour lesquelles un préavis doit être soumis au gouvernement, il n'y a pas de problèmes importants de concurrence.

Le fait qu'il y ait maintenant un droit de dépôt de 25 000 $ pour ces transactions devant faire l'objet d'un préavis complique la situation de deux façons. Premièrement, cela augmente nettement le coût du respect de la loi pour les parties concernées et deuxièmement cela va inciter, du moins c'est ce que nous prévoyons parce que cette mesure constitue une source de recettes, à réduire le domaine d'application de la loi à l'avenir.

Pour ce qui est de l'application trop générale, pour respecter la loi, on impose inutilement un fardeau aux parties pour de nombreuses transactions. Il est admis que dans moins de cinq pour cent des cas, de graves problèmes se posent du fait de la loi. Cela a pour effet d'exiger beaucoup des ressources limitées du bureau pour examiner ces cas à un tel point qu'on a l'impression que l'examen des fusions, et cela est sans doute vrai, constitue l'activité principale du bureau. Le projet de loi C-20 laisse passer l'occasion de réduire l'application de la loi dans ce domaine en n'augmentant pas les seuils financiers à partir desquels une fusion doit faire l'objet d'un examen.

• 0915

Du simple fait de l'inflation, depuis l'adoption de l'obligation de préavis en matière de transactions de fusionnement en 1987, il y a déjà eu un élargissement du domaine d'application, en quelque sorte, de 20 à 30 p. 100 simplement parce que les seuils sont restés inchangés. À l'inverse, la Loi sur Investissement Canada fixe des seuils qui sont indexés sur les niveaux de 1992. Du fait de l'inflation, les seuils minimums ont déjà été augmentés de 20 p. 100.

Nous suggérons que le seuil relatif à la valeur de la transaction soit augmenté à 50 000 $ et que le seuil de la taille des parties passe de 400 000 $, qu'il est actuellement, à 500 000 $, ce qui représente une augmentation approximative de 20 p. 100, donc moins que le taux de l'inflation. Nous pensons qu'il faudrait suivre le taux de l'inflation.

Nous pensons également qu'il devrait y avoir une généralisation des exemptions dans la loi pour les situations telles que les transactions purement financières, qui ne posent pas de problèmes de concurrence. Nos propositions à cet égard sont assez techniques et elles figurent dans notre mémoire.

On envisage d'accroître les obligations de déclaration en ce qui concerne les transactions faites dans des déclarations détaillées. Nous donnons notre avis sur la question car nous pensons qu'à certains égards, ce sont des généralisations inutiles. De plus, le délai pour les déclarations détaillées est augmenté—il est en fait doublé—de 21 à 42 jours, ce qui nous semble trop long et certainement supérieur aux délais minimums des autres sphères de compétence. De plus, les dispositions de la loi qui accordent au directeur un temps supplémentaire grâce à une ordonnance provisoire lui donnent un délai considérable pour examiner plus avant la question avant qu'une transaction ne soit effectuée.

Nous commentons également dans notre mémoire le règlement relatif au préavis en matière de transactions de fusionnement. Nous savons qu'il ne relève pas de votre responsabilité, mais il a une importance pratique pour l'ensemble du régime de la loi. Nous indiquons qu'une version provisoire récemment publiée du règlement ne tient pas compte des nombreux problèmes que nous avons signalés dans notre mémoire. Nous demandons donc au bureau et au ministre d'étudier nos commentaires avant de mettre la dernière main à ce règlement.

Deuxièmement, en ce qui concerne l'interception des communications privées, c'est-à-dire les dispositions sur l'écoute téléphonique, l'essentiel de ce que nous avons à dire ici, contrairement à la plupart des dispositions du projet de loi C-20, qui découlent d'un long processus de consultation fort utile—John Lowman l'a indiqué—cet aspect particulier apparaît pour la première fois dans le projet de loi, et a fait l'objet de discussions très limitées avec certains membres du public auparavant. Il n'y a donc pas eu de consultation aussi générale à ce sujet. Nous pensons que c'est regrettable, car cela nous semble être un mécanisme extrême d'application de la loi par intrusion et nous pensons qu'un dialogue avec le public serait utile pour confirmer sa nécessité.

Les autres éléments qui sont en quelque sorte contestables dans le projet de loi ont été reportés à une étape ultérieure; il s'agit notamment de l'accès des particuliers au tribunal et la question de l'échange d'information avec les autres responsables de l'application de la loi, à l'étranger, et nous estimons que ces éléments appartiennent à une catégorie semblable.

Nous ne pensons pas non plus que l'on ait vraiment prouvé la nécessité d'accorder ce pouvoir. La principale application proposée serait utile à la nouvelle disposition concernant le télémarketing trompeur. Étant donné qu'elle est nouvelle, nous ne pouvons nous appuyer sur l'expérience.

Deuxièmement—M. Zalmanowitz va vous en parler brièvement—la disposition relative au télémarketing telle qu'elle est actuellement rédigée est très vaste. Les lignes directrices que le directeur se propose de publier pour préciser l'application des règles relatives au télémarketing en sont la preuve. Il semble que ce pouvoir soit également trop vaste.

• 0920

Deuxièmement, dans l'application éventuelle de l'écoute téléphonique pour faciliter l'application de la loi dans les cas qui relèvent de l'article 45, cela pourrait éventuellement s'appliquer à des communications entre concurrents qui seraient favorables à la concurrence qui aboutiront à la création d'alliances stratégiques utiles.

Curieusement, en matière d'application de la loi, on ne se demande pas s'il y a une entente mais plutôt si l'effet de l'entente est contraire à la concurrence. L'écoute téléphonique serait utile dans le deuxième cas et il n'a pas été prouvé qu'elle constituait un problème dans le premier.

De même, dans le trucage des offres, la légalité de l'entente qui peut avoir été conclue dépend vraiment du fait que la collaboration entre les parties a été révélée à la personne qui fait l'appel d'offres. Il nous semble encore une fois qu'il ne s'agit pas tant de la nécessité de pouvoir davantage identifier les ententes entre les parties, que de savoir s'il y a eu communication.

Merci.

M. Barry Zalmanowitz (membre, Section du droit de la concurrence, Association du Barreau canadien): J'aimerais, dans le peu de temps qu'il me reste, attirer l'attention du comité sur les inquiétudes que nous avons à l'égard des dispositions suivantes du projet de loi C-20.

Il s'agit des dispositions relatives à la publicité trompeuse ou, plutôt, à leur amendement. On a créé l'infraction de télémarketing, qui fait partie des amendements à la disposition sur la publicité trompeuse et qui est peut-être le changement le plus important de ce projet de loi. On apporte certains changements au recours à l'ordonnance d'interdiction que le tribunal peut rendre lorsqu'il y a condamnation. Pour finir, je vais vous faire un bref commentaire sur la nécessité de changer le nom du directeur pour celui de commissaire. Ce n'est certainement pas le point le plus important, mais je vais tout de même vous faire quelques remarques.

Je ne vais pas vous répéter les détails techniques qui figurent dans notre mémoire. Je vais plutôt essayer de souligner les principales inquiétudes et les questions de politique qui sous-tendent notre mémoire.

Tout d'abord pour la publicité trompeuse, il y a une excellente disposition qui crée un recours ou un mécanisme de décision parallèle qui est une alternative à la poursuite au criminel. Il y a des dispositions qui créent une disposition parallèle d'examen au civil. C'est là un changement positif.

Toutefois, nous envisageons l'injustice éventuelle d'une situation où l'organisme chargé d'appliquer la loi a le choix entre une poursuite au criminel et une poursuite au civil, où il peut y avoir une ordonnance corrective enjoignant d'arrêter la chose ou une décision de sanction administrative pécuniaire qui n'est pas aussi stigmatisante qu'une poursuite au criminel. Nous suggérons que l'on exige du bureau qu'il choisisse et avise la personne morale ou autre qui fait l'objet de l'enquête, dans un délai raisonnable après l'avis d'enquête, pour que l'on sache si le directeur envisage la voie criminelle ou civile.

C'est par souci d'équité fondamentale envers la personne qui fait l'objet de l'enquête que nous proposons cela. La question soulevée ici est la protection contre l'auto-incrimination. Une personne qui sait qu'elle fait l'objet d'une enquête criminelle peut souhaiter obtenir des conseils juridiques et envisager certains facteurs qui ne seraient peut-être pas aussi essentiels si c'était uniquement une sanction civile qui était envisagée.

Exiger qu'on avise l'intéressé évite aussi la possibilité d'un abus de la part des agents chargés d'appliquer la loi dans la mesure où cela supprime l'éventualité d'un recours à la menace ou la crainte d'une poursuite au criminel pour obtenir une sorte de consentement à un recours au civil. Nous pensons que c'est une considération d'ordre politique importante qui porte sur la procédure équitable et l'équité en matière d'administration de la justice.

• 0925

Il y a une autre question qui constitue un problème durable. Il s'agit des liquidations auxquelles ont généralement recours les détaillants en fin de saison. Ils sortent les articles qui ne sont plus de saison ou dont ils veulent se débarrasser pour une raison quelconque. Ce sont des opérations qui sont jugées légitimes dans le secteur, mais il reste des incertitudes dans les dispositions civiles proposées en matière de publicité trompeuse pour ce qui est de savoir si ces opérations vont tomber sous le coup de ces dispositions. Dans notre mémoire nous proposons une modification de deux phrases qui devrait, nous semble-t-il, résoudre en gros le problème. Nous demandons au comité d'envisager cette solution.

Passons à l'infraction de télémarketing qui constitue une nouvelle infraction relevant des dispositions relatives à la publicité trompeuse. Il est très important que le comité étudie la définition du télémarketing qui est la suivante:

    «télémarketing» s'entend de la pratique de la communication téléphonique interactive pour promouvoir directement ou indirectement soit la fourniture ou l'utilisation d'un produit, soit des intérêts commerciaux quelconques.

Je vous ai lu cette définition pour vous montrer combien sa portée peut être générale. Dans notre mémoire, nous disons qu'elle pourrait couvrir toute conversation téléphonique utilisée dans un but commercial. Ce n'était certainement pas l'intention des auteurs du projet de loi.

Entre autres précisions, il faudrait préciser pour commencer qu'elle vise les communications téléphoniques en direct et non les communications par télécopieur ou par Internet. De plus, nous suggérons plusieurs autres précisions. Par exemple, il faudrait dire clairement que cela ne vise pas les situations où un client, sans être sollicité, appelle une entreprise et en vient ensuite à avoir une conversation au sujet de l'entreprise.

Je crois que l'une des solutions ou l'un des recours que le directeur propose à cet égard consiste à publier des lignes directrices pour l'application qui préciseront à quel moment la disposition s'applique à son avis. Nous disons dans notre mémoire que cela n'est pas souhaitable. Il revient au Parlement de préciser les lois, et ce soin ne doit pas être laissé à la discrétion du directeur.

Le simple fait de proposer au départ ces lignes directrices montre le problème que pose cette disposition. Si nous accueillons favorablement la disposition, si nous pensons qu'il est important d'inclure le télémarketing dans les dispositions relatives à la publicité trompeuse, la généralité de la disposition nous paraît poser un problème important.

Il y a des dispositions qui concernent la divulgation. Par exemple, l'une des conséquences d'être couvert par la définition du télémarketing est que certaines infractions existent pour les déclarations trompeuses, mais il y a aussi l'obligation de fournir certains renseignements au début de la conversation. Cela peut être assez lourd pour les personnes qui font ce genre de marketing qui est par ailleurs une forme légitime de marketing.

J'attirerai votre attention sur une disposition en particulier, l'alinéa 52.1(2)c) proposé, qui permet que l'on demande d'autres renseignements, comme peut le stipuler le règlement. Nous pensons que c'est simplement une exigence trop générale pour être précisée dans un règlement.

• 0930

Il n'y a en outre pas de restrictions ni de lignes directrices sur le genre de renseignements que l'on peut demander, ce qui limite la portée du règlement.

Encore une fois, laisser ce soin au règlement complique la loi et fait qu'il est encore plus difficile de savoir exactement ce qu'elle stipule.

Pour finir—ou presque—en ce qui concerne les ordonnances d'interdiction et les recours, nous sommes favorables à ces amendements de façon générale. Mais il y a un commentaire que la section souhaite faire. Ce n'est pas quelque chose qui apparaît du fait des amendements, mais les amendements vont en quelque sorte permettre d'appliquer ou du moins favoriser l'argument que nous allons vous proposer.

À l'article 33 de la loi, la Couronne peut demander une injonction interlocutoire en attendant une poursuite au criminel. Cela peut être extrêmement préjudiciable pour toute personne poursuivie au criminel. Cela force l'intéressé à prendre la décision suivante: Je suis poursuivi au criminel. Il y a une procédure en cours pour laquelle ma culpabilité ne pourra pas être déterminée de façon définitive, mais cela va affecter mes droits et mes obligations. Dois-je intervenir? Dois-je m'opposer à cette application? Dois-je témoigner?

Si vous témoignez, vous pouvez être contraint de fournir des preuves qui vont aller à l'encontre de vos intérêts. Cela va contre la notion qui existe dans notre système et qui veut qu'on évite aux parties de s'incriminer personnellement.

Deuxièmement, c'est aussi très préjudiciable dans le cas suivant. Si vous dites: je ferais mieux de ne pas m'opposer parce que cela pourrait donner un tour particulier à des procédures criminelles éventuelles et le tribunal a pris une décision provisoire qui donne l'impression que le jugement vous est contraire—parce que le juge doit tirer certaines conclusions—et cela pourrait être perçu comme contraire à la notion de justice fondamentale également.

Étant donné qu'il y a maintenant des ordonnances de recours plus souples qui peuvent être rendues après une condamnation, nous pensons que cela rend moins nécessaire le droit d'obtenir une injonction interlocutoire avant qu'il y ait poursuite.

Pour finir—et c'est une chose relativement mineure—on introduit une disposition d'application automatique de 10 ans des ordonnances d'interdiction. C'est une très bonne idée. Il faut simplement préciser que cela devrait également s'appliquer aux ordonnances d'interdiction rendues avant l'entrée en vigueur du projet de loi C-20. Il faudrait supprimer cette incertitude.

Ce n'est pas un point essentiel. Nous pensons que c'est l'intention, il suffit donc de préciser la chose.

Enfin, vous constaterez que le projet de loi change le nom du «directeur» pour le remplacer par «commissaire». Ce n'est pas quelque chose dont on a parlé au cours des consultations préalables. Si ça n'est pas le point le plus important, cela va créer une certaine confusion et des dépenses inutiles. Le directeur est bien connu sous ce nom au Canada par ceux qui appliquent la loi. C'est un nom connu aussi à l'échelle internationale. Remplacer ce titre par celui de commissaire ne décrit pas mieux les fonctions à notre avis. Il semble que la raison de ce changement nous échappe.

Il va falloir modifier les précédents. Chaque fois que quelqu'un défendra une affaire au tribunal ou fera sa plaidoirie, il va devoir dire: «Eh bien, dans cette loi, la personne qui est maintenant le commissaire s'appelait le directeur à l'époque où se déroulait l'affaire que nous citons».

Ses fonctions sont les mêmes. Cela ne change pas. C'est seulement le titre qui change. Nous pensons que les changements de ce type sont parfois symptomatiques des textes législatifs. Ils sont inutiles, sans doute dans une faible mesure, et ils ne devraient pas être faits à moins d'une très bonne raison.

• 0935

Voilà qui termine mon exposé. Je vous remercie de m'avoir permis de comparaître.

La présidente: Merci beaucoup.

Je rappelle aux membres du comité que notre séance doit se terminer à 11 heures. Nous avons un autre témoin; nous allons donc consacrer à peu près une demi-heure aux questions. Je vous demanderais de poser des questions brèves et j'aimerais que les réponses soient également brèves, ce serait tout à fait utile.

Monsieur Schmidt.

M. Werner Schmidt (Kelowna, Réf.): Merci, madame la présidente.

Je vais commencer par remercier les témoins d'être venus ce matin nous donner leur opinion sur le sujet.

Il y a deux questions que j'aimerais poser et qui concernent certains des arguments présentés. La première consiste à préciser si une infraction relève du criminel ou du civil, l'objectif étant d'identifier immédiatement la procédure choisie. J'aimerais savoir pourquoi?

M. Barry Zalmanowitz: Tout d'abord, j'aimerais préciser quelque chose. Nous n'avons pas dit immédiatement; nous avons dit dans un délai raisonnable après avoir signifié à la personne qu'elle est visée, il faudrait lui notifier s'il s'agit d'une enquête au criminel ou au civil.

Il y a un peu chevauchement entre les deux, sauf que les poursuites au criminel sont prévues pour les cas graves où les déclarations trompeuses sont intentionnelles ou imprudentes. Nous pensons que le directeur devrait pouvoir décider dès le départ sur quelle voie il se lance. Normalement, à un certain moment, on signifie à la personne visée qu'elle fait l'objet d'une enquête. Nous ne disons pas immédiatement, mais dans un délai raisonnable.

Si nous demandons cela, c'est que, tel que le stipule le projet de loi, vous ne pouvez pas subir les deux types de poursuites à la fois. Le directeur ou le procureur doit choisir l'une ou l'autre voie, mais nous disons que la personne devrait être informée de ce choix dans un délai raisonnable et cela pour deux raisons. La première est que s'il s'agit d'une poursuite au criminel, il est clair que l'on n'envisage pas de la même façon la possibilité de s'auto-incriminer. Il faudrait pouvoir savoir suffisamment tôt si c'est ce qu'on va faire ou non. Si c'est une poursuite au civil...

M. Werner Schmidt: C'est bien ce que je pensais, mais il me semble qu'une enquête en soi doit pouvoir révéler s'il va s'agir de poursuite au civil ou au criminel. Il me semble que l'adjectif «raisonnable» dans votre cas devrait être défini avec assez de précision, car des éléments de preuve pourraient à un moment de l'enquête laisser entendre qu'il vaudrait mieux intenter une poursuite au civil. Mais par la suite d'autres éléments de preuve pourraient indiquer qu'on s'était trompé et qu'il aurait fallu envisager une poursuite au criminel.

Je ne pense donc pas que vous souhaiteriez vous lier à l'avance et vous empêcher d'avoir recours à une procédure. Vous pourriez vous dire que vous étiez allé trop loin en choisissant de poursuivre au criminel. Vous vous diriez alors que ce n'est pas la voie qu'on aurait dû choisir. Il faudrait donc être suffisamment sûr avant de prendre cette décision que les faits, révélés par le déroulement de l'enquête, indiquent clairement qu'il faille choisir l'une ou l'autre voie.

M. Barry Zalmanowitz: Nous suggérons un délai de 60 jours après l'avis d'enquête. C'est-à-dire, l'obligation de choisir une voie ne s'appliquerait que 60 jours après que le bureau a officiellement informé la personne visée qu'elle fait l'objet d'une enquête.

Je ne crois pas que cela pose un problème que le bureau conclue au départ, après avoir évalué l'affaire, qu'il s'agit d'une enquête criminelle. Vous le savez. Je ne crois pas que quiconque se plaigne par la suite si d'autres éléments de preuve se présentent et que le bureau décide d'intenter une poursuite moins sérieuse. Le problème se pose si la personne visée pense qu'il s'agit d'une enquête civile et qu'elle commence à donner des renseignements en ayant cette impression, et cela pourrait lui porter préjudice si en définitive il s'avère que ce sera une enquête criminelle.

M. Werner Schmidt: Je crois que la véritable question est ici celle de la justice. Ce n'est pas la distinction délicate qui existe entre l'un ou l'autre recours. Nous voulons protéger le consommateur. C'est de cela qu'il retourne dans toute cette loi.

J'aimerais passer à un autre domaine. Vous avez parlé de communications en direct. Je constate que vous souhaitez changer la définition du télémarketing et que vous voulez y ajouter l'expression «en direct» parce que plus précise.

• 0940

Que veut dire «en direct»?

M. Barry Zalmanowitz: Nous faisons la distinction entre une communication en direct et le recours à une ligne téléphonique pour Internet ou pour le télécopieur.

M. Werner Schmidt: Et une voix enregistrée?

M. Barry Zalmanowitz: C'est peut-être un autre bon argument. Il faudrait que la loi règle ce problème.

M. Werner Schmidt: Je crois que la définition est ici assez large. Vous avez raison. Mais peut-être qu'au lieu de parler de communication en direct, on devrait peut-être préciser ce qui ne constitue pas du télémarketing. Ce serait peut-être une meilleure façon de voir la chose plutôt que de dire c'est comme ceci ou comme cela.

Il y a toutes sortes de nouvelles technologies qui apparaissent et qui pourraient numériser beaucoup d'information et simuler parfaitement une communication en direct. Je crois que c'est beaucoup trop restrictif que de dire qu'une communication en direct correspond à la définition du télémarketing. Le télémarketing devient très sophistiqué et ne se limite certainement pas à la communication en direct—et c'est aussi séduisant et trompeur que si c'était une véritable personne en direct à l'autre bout du fil.

M. Barry Zalmanowitz: Je ne crois pas que nous soyons d'un avis contraire là-dessus.

M. Werner Schmidt: Bien.

Mon autre question concerne ce que vous avez dit au sujet de l'écoute téléphonique et le fait que la définition est peut-être trop vague.

Pensez-vous vraiment qu'on ne devrait pas avoir de disposition concernant l'écoute téléphonique lorsqu'il s'agit de vérifier si l'on abuse du télémarketing?

M. Tim Kennish: Ce que nous disons à ce sujet, ce n'est pas tant que ce n'est peut-être pas indiqué, mais que le débat à cet égard n'a pas été suffisant. La nécessité d'un tel outil d'application de la loi n'a pas été prouvée. C'est une mesure tout à fait extrême.

Si j'ai bien compris, l'écoute téléphonique n'est pas généralement disponible pour faciliter l'application de la législation antitrust américaine, par exemple, et si cela paraît en partie logique pour favoriser les opérations de télémarketing, comme nous l'avons dit auparavant, cette disposition concernant le télémarketing est tout à fait nouvelle et elle est d'une portée très générale. Nous craignons à première vue qu'elle ne soit pas d'une nécessité immédiate, du moins tant que nous n'avons pas pu vérifier par expérience l'application de la loi pour constater une lacune.

Les deux autres secteurs que nous avons mentionnés également et où nous pensons que son utilisation pourrait être plus importante... Le fait de confirmer qu'il y a eu entente entre les parties ne constitue pas en général un problème dans ces procédures. Le problème consiste généralement à savoir si cela est contraire à la concurrence, c'est-à-dire à vérifier quel est son effet sur le marché ou si l'entente entre concurrents dans une situation de trucage des offres est quelque chose qui a été effectivement communiqué par la partie qui a lancé l'appel d'offres. Dans ce dernier cas, ce n'est pas une infraction de trucage des offres. Ce peut être une infraction aux termes d'une autre disposition, mais pas de celle-ci.

M. Werner Schmidt: Ce que vous dites en fait, c'est que la définition est trop vague. Ce n'est pas que l'écoute téléphonique en soi soit mauvaise; c'est que la portée est trop générale. On devrait la préciser davantage.

M. Tim Kennish: Nous ne pensons pas que sa nécessité ait été prouvée dans ce contexte. Si nous le croyons, c'est notamment parce qu'il n'y a pas eu de consultation publique sur le sujet alors que, pour pratiquement tous les autres éléments du projet de loi, elle a eu lieu.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Schmidt.

Monsieur Shepherd.

M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): La question de l'écoute téléphonique m'intéresse beaucoup et vous avez en quelque sorte mis le doigt dessus. Le directeur ou le commissaire, peu importe, n'a pas vraiment pu, à mon avis, répondre à une question essentielle, fondamentale, à savoir: allons-nous élargir la notion pour inclure le complot et le trucage des offres, qu'est-ce qui nous permet de le décider et comment pouvons-nous mesurer les infractions pour lesquelles nous n'avons pas pu avoir de condamnation parce que cette disposition n'existait pas dans le passé? Je ne sais si vous pouvez m'aider là-dessus ou non. Vous dites en conclusion qu'il faut que la question soit discutée en public, mais la nécessité est-elle actuellement prouvée?

M. Tim Kennish: La nécessité de la disposition?

M. Alex Shepherd: Oui.

M. Tim Kennish: Je dirais que dans la mesure où le gouvernement n'a pas réussi à poursuivre en vertu de l'article 45, par exemple—cela n'a pas été possible parce qu'il n'a pas pu prouver qu'une entente existait entre les parties. Comme dans le cas du sucre ou des pharmacies de la Nouvelle-Écosse, l'effet qu'a eu sur le marché l'entente conclue était en fait la question. Je dirais donc qu'il n'est pas vraiment nécessaire d'avoir des preuves.

• 0945

Dans le cas du trucage des offres, j'ai déjà fait des commentaires. Il est plus rare que de telles affaires arrivent devant les tribunaux. Pour le télémarketing, c'est une nouvelle disposition, et nous n'en voyons pas la nécessité.

M. Alex Shepherd: J'ai l'impression que nous essayons de définir une chose qui n'est sans doute pas définie. Ce que j'aimerais savoir, c'est combien de poursuites nous intenterions éventuellement si cette disposition existait, en plus de celles qu'on n'intenterait pas parce qu'on n'a pas de preuves substantielles? Autrement dit, comment évaluer la nécessité d'appliquer cela au complot, par exemple?

M. Tim Kennish: Je ne sais pas. Je pense que les responsables de l'application de la loi qui pourraient être confrontés à un problème parce qu'ils soupçonnent une entente de collusion entre les parties mais ne peuvent pas donner de preuves suffisantes auraient une meilleure idée de la chose. Il n'y a pas énormément de cas où la question de l'entente est l'élément d'incrimination. C'est plutôt que l'entente conclue ne constituait pas qualitativement une infraction à la loi, parce qu'elle ne constituait pas une concurrence inacceptable et durable.

M. Alex Shepherd: Elle n'a pas passé l'épreuve.

Dans votre exposé, vous avez touché plusieurs domaines. Vous avez parlé de la définition du télémarketing. Je me pose en législateur et je vois qu'on a ce gros livre plein de lignes directrices; et si je prends un peu du recul, est-ce que cela veut dire que la loi est mal rédigée, qu'on a vraiment besoin d'un livre pour interpréter ce que dit la loi?

Y a-t-il de meilleures façons de rédiger cette loi pour qu'elle soit plus utile et que ses définitions soient plus claires, plutôt que d'avoir ces lignes directrices qui sont laissées à la discrétion de quelqu'un?

M. Tim Kennish: Je suis d'accord avec ce que vous dites parce que les lignes directrices provisoires qui ont été publiées concernant le télémarketing, par exemple—pour reprendre l'argument présenté plus tôt par mon collègue, M. Zalmanowitz—prétendent préciser la façon dont le directeur doit appliquer les dispositions relatives au télémarketing et définir plus précisément ce que l'on entend par télémarketing en excluant la communication par télécopieur et par Internet, mais ce n'est pas évident que ce soit le cas lorsqu'on prend la loi en considération. Si la plupart des parties s'inquiètent sans doute de ce que le directeur soit celui qui intente des poursuites, les particuliers ont la possibilité d'intenter des poursuites en s'appuyant sur la législation, indépendamment du directeur, parce que c'est une disposition criminelle.

M. Alex Shepherd: Il s'agit donc en fait de limiter les pouvoirs du directeur. Nous lui accordons des pouvoirs très larges et nous dépendons beaucoup de son bon vouloir. N'est-ce pas là en gros ce que nous faisons?

M. Tim Kennish: Nous pourrions préciser davantage et définir le «télémarketing» dans cette optique, j'en conviens.

M. Alex Shepherd: Très bien, mais vous ne nous guidez guère. Vous tournez en quelque sorte autour du pot en disant que vous n'aimez pas la façon dont cela est libellé, mais vous ne nous avez pas donné de bonne définition du mot «télémarketing» en fait. Je ne vois pas de bonne définition de l'expression «écoute téléphonique». Lorsque je pense à «l'écoute téléphonique», je pense aux communications téléphoniques, mais on me dit que l'expression «écoute téléphonique» ne figure pas dans la loi en fait; on parle d'interception des communications pour tous les moyens de communication.

M. Tim Kennish: C'est une disposition qui existe actuellement dans le Code criminel et qui traite du soi-disant pouvoir de faire des écoutes téléphoniques. On ne fait que l'étendre à cette partie de la Loi sur la concurrence.

M. Alex Shepherd: C'est peut-être un argument muet, mais le terme «écoute téléphonique» tel que vous l'utilisez ici... Dans le texte de loi on parle d'appareils d'écoute. On parle de tables d'écoute, et pas simplement de votre téléphone.

M. Tim Kennish: Exact.

M. Alex Shepherd: Mais c'est une définition juridique de l'expression «écoute téléphonique». Autrement dit, «l'écoute téléphonique» est plus largement définie dans la loi qu'elle ne le serait à première vue.

M. Tim Kennish: Le directeur parle normalement d'interception des communications privées, ce qui comprendrait les autres moyens également.

La présidente: Merci.

Merci beaucoup, monsieur Shepherd.

• 0950

[Français]

Madame Lalonde.

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Merci. Ma première question est d'ordre général. L'ensemble de ce projet de loi affaiblit la Loi sur la concurrence au Canada telle qu'elle existe actuellement. Êtes-vous d'accord sur cette affirmation ou non?

[Traduction]

M. Tim Kennish: Il me semble que de façon générale les dispositions constituent des améliorations. Dans certains secteurs, nous avons indiqué qu'elles n'allaient pas tout à fait assez loin, notamment en ce qui concerne le préavis en matière de transactions de fusionnement. L'un des objectifs est ici de réduire l'application de la loi et la paperasserie pour le gouvernement et les parties concernées. Nous pensons qu'elles ne vont pas assez loin dans ce sens, mais il y a d'autres dispositions qui sont utiles sur le plan de l'administration de la justice.

Si nos autres remarques constituent des suggestions d'amélioration, cela ne veut pas dire que nous ne sommes pas favorables à ce texte de loi de façon générale. Nous l'appuyons globalement, mais nous aimerions que nos remarques soient prises en compte.

M. Barry Zalmanowitz: Si vous me permettez d'ajouter quelque chose, pour les questions que j'ai traitées, je ne crois pas qu'il soit juste de dire que ces amendements affaiblissent la Loi sur la concurrence car, à plus d'un égard, elles la renforcent.

Par exemple, les recours supplémentaires qui sont disponibles en vertu de l'article sur les ordonnances d'interdiction donnent aux tribunaux un autre outil pour imposer une autre forme de sanction à ceux qui ont été condamnés pour infraction. L'autre voie possible en matière de décision donne aux tribunaux ou au Tribunal de la concurrence le pouvoir de traiter des situations dans des circonstances plus générales.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Je crois comprendre que vous voudriez qu'on prévoie un délai de 60 jours. C'est compliqué, tout cela, pour quelqu'un qui n'est pas avocat, mais c'est trop important pour laisser cela seulement aux avocats. Vous demandez qu'il y ait un avis de 60 jours pour qu'une entreprise ou une personne morale sache si elle sera poursuivie au civil ou au criminel. Est-ce que j'ai bien compris? Si tel est le cas, ne demandez-vous pas qu'on enlève la seule poigne additionnelle qu'apporte ce projet de loi? S'il n'y a pas de possibilité d'entente et que la possibilité de recours au criminel disparaît, est-ce qu'on ne supprime pas ce qu'il peut y avoir d'intéressant dans ce projet de loi?

[Traduction]

M. Barry Zalmanowitz: Je ne crois pas que ce soit exact. Cela n'empêche pas les agents chargés d'appliquer la loi d'examiner l'affaire et de dire qu'ils envisagent une poursuite au criminel. Tout ce que l'on dit, c'est que maintenant, ils ont le choix entre deux possibilités. S'agit-il vraiment d'une instance criminelle où la publicité trompeuse a été faite par inadvertance ou parce que quelqu'un n'était pas au courant de la loi, mais maintenant que la personne sait que c'est le cas, elle a arrêté de faire cette publicité?

Tout ce que nous suggérons, c'est que dans un délai raisonnable, on précise à l'intéressé s'il est poursuivi au civil ou au criminel. Nous avons suggéré 60 jours après avoir avisé la personne qu'elle fait l'objet d'une enquête. Nous ne pensons pas que cela empêche d'avoir recours à l'outil supplémentaire qui a été accordé au bureau.

Il faut aussi se rappeler que lorsqu'on fait l'objet d'une enquête, on n'est pas coupable de n'importe quoi. On fait simplement l'objet d'une enquête.

• 0955

[Français]

Mme Francine Lalonde: Vous avez dit tout à l'heure que la modification n'affaiblirait pas la loi. Pourtant, auparavant, le fait de ne pas donner d'avis de fusionnement était passible d'une peine d'emprisonnement, tandis qu'on propose maintenant de réduire la peine à 50 000 $. Je donne cet exemple-là, mais il y en a plusieurs autres. Le futur commissaire nous a d'ailleurs dit qu'il voulait avoir des moyens plus concrets parce que, finalement, ce qui lui manque souvent, c'est la capacité d'établir des preuves. Il ne s'agit pas nécessairement pour lui de savoir qu'une entreprise ou un ensemble d'entreprises n'avait pas d'intention criminelle; c'est la capacité de le prouver qui lui manque. Je reviens donc à ma question fondamentale: sera-t-il plus facile pour les entreprises de vivre avec ce projet de loi qu'avec l'ancienne loi? Vous les connaissez bien, n'est-ce pas?

[Traduction]

M. Barry Zalmanowitz: Je suis désolé, je n'ai pas compris la dernière...

[Français]

Mme Francine Lalonde: J'ai dit que vous connaissiez bien les grandes entreprises.

[Traduction]

M. Barry Zalmanowitz: Je n'en suis pas sûr. Nous représentons ici l'Association du Barreau canadien et non le lobby des entreprises.

Nos propositions visent simplement l'équité envers ceux qui font l'objet d'une enquête. Ils devraient savoir à un moment donné, dans un délai raisonnable, s'ils sont poursuivis au criminel ou au civil. Cela va influer sur leur comportement et je crois que c'est une précision qu'ils devraient avoir le droit de connaître dès le départ. C'est tout ce que nous voulons dire par là.

La présidente: Merci.

Merci, madame Lalonde.

Monsieur Lastewka, je vous en prie.

M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.): Merci, madame la présidente. J'ai plusieurs questions à poser.

L'avis de transactions de fusionnement et le prolongement du délai en le doublant m'inquiètent un peu. Je veux parler ici des seuils. Est-ce que ce n'est pas quelque chose que l'on pourrait changer de temps à autre dans les règlements?

M. Tim Kennish: Cela figure en fait dans la loi. Les seuils sont prévus dans la loi, ainsi, si on veut les changer, il faut modifier la loi.

M. Walt Lastewka: Ah bon! Je ne l'avais pas vu.

M. Tim Kennish: Il n'y a pas de changement proposé à cet égard. C'est la même chose depuis 1987, date à laquelle ces dispositions ont été adoptées. Nous disons simplement que le domaine d'application de la loi a en fait été élargi du fait de l'inflation d'environ 25 p. 100 depuis cette époque.

M. Walt Lastewka: Peut-être cela devrait-il figurer dans les règlements pour qu'on puisse le modifier de temps à autre.

Mais j'en resterai là pour l'instant, je vais essayer de me renseigner davantage à ce sujet.

En ce qui concerne la période de consultation relative à l'avis de transactions de fusionnement, qu'en est-il dans les autres sphères de compétence, aux États-Unis, en Europe?

M. Tim Kennish: Les délais de préavis sont généralement de 30 jours, en tout cas dans plusieurs États américains, car ce sont ceux que je connais le mieux, et les enquêtes se terminent rapidement parce qu'il n'y a pas de questions de fond que le ministère de la Justice ou le FTC souhaite approfondir.

M. Walt Lastewka: Mais je crois qu'ils ont un délai plus long que nous.

M. Tim Kennish: Le processus se déroule en deux étapes. Si une affaire justifie un examen plus approfondi, on va émettre ce que l'on appelle une deuxième demande, qui est normalement une demande globale ou une demande d'information. Vous avez ensuite un délai de 20 jours une fois que vous avez déposé les renseignements supplémentaires.

• 1000

Je ne suis pas le plus expert en la matière, mais je crois que ces deuxièmes demandes ne sont faites que dans cinq pour cent des cas à peu près. Dans 95 p. 100 des cas donc, l'affaire est réglée en 30 jours.

M. Walt Lastewka: Souhaiteriez-vous que la législation américaine s'applique ici?

M. Tim Kennish: Tout ce que je veux dire, c'est qu'il me semble qu'une norme plus sévère n'est pas nécessaire ici pour ce qui est d'exiger une enquête minimum plus longue.

M. Walt Lastewka: Oui, mais les États-Unis ont ce système en deux étapes qui prend 50 ou 60 jours au moins n'est-ce pas?

M. Tim Kennish: Cela pourrait être beaucoup plus long que cela en l'occurrence, mais le nombre d'affaires où cette demande est présentée est très limité.

M. Walt Lastewka: Parlons des règles européennes que l'on est en train d'instaurer. Le délai prévu est encore plus long, non?

M. Tim Kennish: Le régime européen, à ce que je sais, prévoit une enquête initiale de 30 jours. Si l'on doit procéder à une deuxième enquête, il faut qu'elle soit terminée dans les quatre mois.

M. Walt Lastewka: D'accord.

J'aimerais passer à l'interception des communications privées. Je n'ai pas très bien compris ce que vous avez dit. J'ai relu votre proposition et je crois que vous dites que cet article n'a pas fait l'objet d'une consultation comparable, mais je crois comprendre qu'il y a tout de même eu consultation sur la question. Ai-je raison?

M. Tim Kennish: Oui. Il y a eu trois séries de consultations, je crois. La première a fait suite au document de travail qui a été distribué aux groupes concernés. De nombreux mémoires ont été présentés dans le cadre de cette consultation. Il y a ensuite eu le comité consultatif qui a fait un rapport. De nombreuses personnes, y compris l'Association du Barreau canadien, l'ont commenté. En ce qui concerne le projet de loi C-67, des commentaires avaient été proposés avant que le texte de loi ne soit abandonné.

Ce sujet ne figurait dans aucune des propositions en question.

Quelques personnes ont vu les propositions concernant l'écoute téléphonique avant que le projet de loi C-20 ne soit lancé—la divulgation a été limitée—mais je ne les ai pas vues personnellement et je ne suis pas seul. Il n'y a pas eu de discussion générale sur le sujet et je crois qu'on estime en général la discussion utile car il s'agit d'un outil d'application de la loi qui a des répercussions graves.

M. Walt Lastewka: L'un de vous quatre a-t-il pris part à cette consultation préalable?

M. Tim Kennish: Non, aucun d'entre nous, mais certains membres de l'ABC, entre autres personnes intéressées...

M. Walt Lastewka: Mais aucun de vous quatre n'y a participé?

M. Tim Kennish: Non.

M. John Lowman: On nous a signalé, monsieur le député, que la disposition concernant l'écoute téléphonique allait figurer dans le texte de loi, mais nous n'avons pas eu de détails particuliers. On nous a dit que c'était confidentiel, que cela allait figurer dans le texte de loi et surtout que cela n'allait pas faire l'objet d'une discussion publique générale, pour ainsi dire.

M. Walt Lastewka: Bon, mais aucun d'entre vous n'a participé à la consultation proprement dite. C'est ce que je crois comprendre.

La présidente: Merci, monsieur Lastewka.

Monsieur Schmidt, aviez-vous d'autres questions?

M. Werner Schmidt: Pas pour l'instant, madame la présidente.

La présidente: Monsieur Harb.

M. Mac Harb (Ottawa-Centre, Lib.): Merci beaucoup.

J'ai beaucoup apprécié votre exposé et la réflexion qui a été à son origine. J'aimerais savoir ce que vous pensez des poursuites concernant la fixation et le tripotage des prix, surtout en ce qui concerne l'article 45 de la loi.

Nous avons eu un cas récemment en Ontario où le bureau a essayé de poursuivre une entreprise en vertu de l'article 45 de la loi. Le juge a rejeté l'affaire disant qu'il n'y a rien à redire à ce que deux ou trois fournisseurs discutent ensemble d'un prix ou de la fixation d'un prix s'il n'y a pas d'intention. Autrement dit, s'ils n'ont pas l'intention d'augmenter leurs prix, deux ou trois fournisseurs peuvent se réunir pour discuter des prix du marché.

Cela n'est-il pas un peu frustrant pour vous qui êtes avocat? Comment diable allez-vous appliquer une loi lorsqu'on autorise des fournisseurs à se réunir pour discuter des prix dans la mesure où il n'y a pas d'intention à la clé ou tant qu'ils disent qu'ils n'ont pas l'intention de comploter pour fixer le prix? On leur permet de le faire. Avez-vous une idée de la façon dont on pourrait renforcer la loi pour combler cette lacune?

• 1005

M. Tim Kennish: Eh bien, cela ne figure pas dans le projet de loi, mais cela se rapporte à la question de savoir s'il y a entente ou arrangement de nature anticoncurrentielle entre les parties. À la façon dont la loi est interprétée actuellement, il s'agit de savoir si les parties ont des intentions quant aux effets découlant de leurs actes. Si leur entente a un effet anticoncurrentiel, on pourrait supposer qu'il y a eu intention.

Je dirais que la loi pourrait être appliquée même lorsque vous ne pouvez pas deviner ce qui se passe dans la tête des gens qui parlent, mais si leur entente a un effet anticoncurrentiel, on peut présumer que cette conséquence est intentionnelle.

M. Mac Harb: En droit criminel, il faut en quelque sorte prouver qu'il y a eu intention. Vous ne pouvez pas simplement supposer que lorsque deux personnes parlent, il y a intention. Il faut prouver qu'il y a intention. Cela ne rendrait-il pas impossible de poursuivre en vertu de l'article 45 de la Loi sur la concurrence?

M. Barry Zalmanowitz: Je vais essayer de répondre à cette question et je crois qu'elle a été traitée. Les tribunaux interprètent cet article depuis un certain temps et il y a des dispositions qui concernent l'intention. Récemment, la Cour suprême du Canada a traité d'une situation où il était question d'intention et a dit que l'intention était effectivement un élément, mais que dans la plupart des cas, on peut prouver qu'il y a eu intention en montrant simplement que l'entrepreneur moyen prévoit les conséquences naturelles de ses actes.

Cela ne pose en général pas de problème dans ces poursuites. Dans tous les cas, on peut avoir parfois un résultat inhabituel, mais je ne crois pas que l'article 45 pose un problème. Pour répondre à votre question plus directement, il n'est pas nécessaire d'avoir des preuves selon lesquelles l'accusé a bien affirmé que c'était dans ses intentions pour pouvoir le condamner. Ce n'est pas nécessaire.

M. Mac Harb: C'est ce qu'a dit le juge.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Harb.

Madame Lalonde, vous avez une dernière question?

[Français]

Mme Francine Lalonde: Oui, je vais enchaîner là-dessus. On se propose de modifier le paragraphe 52(1) de la loi en y ajoutant les mots «sciemment ou sans se soucier des conséquences». Vous semblez dire qu'il n'est pas important d'ajouter ces mots. Or, ils transforment complètement la loi actuelle. Au paragraphe 52(1) de la loi actuelle, comme vous le savez bien, on dit: «nul ne peut, de quelque manière que ce soit, aux fins de promouvoir directement ou indirectement ...» On n'y précise pas les mots «sciemment ou sans se soucier des conséquences». Or, le projet de loi propose d'ajouter ces deux éléments-là, selon ce que j'ai compris du directeur, qui deviendrait le commissaire, juste au cas où il y aurait poursuite au criminel. Comment interprétez-vous ce que vous venez de dire par rapport à cela? Vous venez de dire que souvent on n'a pas besoin de faire la preuve que cela a été fait sciemment parce que, de toute manière, quand quelqu'un qui est en affaires pose de tels gestes, cela entraîne les conséquences qu'on connaît.

[Traduction]

M. Barry Zalmanowitz: Les commentaires que je viens de faire portaient sur l'article 45.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Oui, je le sais.

[Traduction]

M. Barry Zalmanowitz: Pour ce qui est de l'article 52, on ajoute «sciemment ou sans se soucier des conséquences» pour deux raisons à mon avis. La première consiste à établir une distinction avec le régime civil qui existe en parallèle. Vous constaterez que ces dispositions figurent également à la partie VII.1 où on énumère les mêmes infractions sans avoir «sciemment ou sans se soucier des conséquences» pour le régime civil.

Je crois que parce qu'il s'agit de poursuites criminelles, ces mots ont été ajoutés par souci d'uniformité avec la charte en matière d'infraction criminelle. Je crois que c'est peut-être là l'intention, mais aussi pour donner des indications pour ce qui est de savoir si vous faites des poursuites au criminel ou au contraire au civil.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Dans ce projet de loi, on crée une pénalité administrative pécuniaire. J'ignore malheureusement le terme anglais. Il s'agit d'une amende, bien qu'on évite de l'appeler par ce nom et qu'on utilise ces trois mots pour la décrire.

• 1010

Est-ce qu'il n'y a pas quelque part un problème de juridiction? Est-ce que la transformation du titre de directeur en celui de commissaire n'aurait pas quelque chose à voir avec cet élargissement, du côté du civil, du pouvoir du commissaire et, par la suite, de celui du Tribunal de la concurrence?

[Traduction]

M. Barry Zalmanowitz: Je ne vois pas le lien entre le nom et cette disposition. Ce sont seulement les tribunaux ou le Tribunal de la concurrence qui peuvent imposer cette sanction administrative.

Quant à savoir si cela peut être contesté en vertu de la Constitution, nous ne nous en sommes pas occupés. J'imagine que tout est possible. Nous n'avons pas évalué l'aspect constitutionnel de la question et je ne suis pas en mesure de vous en parler puisque je ne l'ai pas étudié vraiment—à moins que quelqu'un d'autre ici ne l'ait fait.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Est-ce que quelqu'un chez vous a étudié cet aspect-là?

[Traduction]

M. Tim Kennish: La constitutionnalité? Non.

La présidente: Merci, madame Lalonde.

Avant que vous ne nous quittiez, si vous devez suivre nos audiences ou si nous vous faisons parvenir la transcription de la suite du débat, nous aimerions connaître votre avis sur les amendements proposés.

J'aimerais revenir sur ce que M. Schmidt a dit plus tôt concernant les communications en direct. Je suis un peu inquiète que l'on semble penser qu'Internet ne pourra pas être utilisé pour des actes frauduleux de télémarketing. Je vois des possibilités énormes sur ce que l'on appelle les lignes interactives pour ce genre de choses, un certain type d'action frauduleuse de télémarketing sur ces lignes interactives où l'on établit une relation, un peu comme ce que l'on voit pour les actes frauduleux de télémarketing auprès des personnes âgées par les communications en direct actuellement. Je suis très inquiète qu'on n'ait pas de crainte à cet égard ou que l'Association du Barreau canadien n'ait pas pensé que cela pouvait se passer avec Internet.

M. Barry Zalmanowitz: Je ne pense pas que nous disions dans notre mémoire qu'il ne faille pas inclure cette possibilité. Nous disons que le Parlement devrait en délibérer et décider de ce que cela inclut pour répondre à ce problème. Il y a peut-être des différences entre les lignes interactives sur Internet et les communications en direct pour ce qui est des pressions que l'on peut exercer sur le public. C'est une pensée qui me vient tout juste à l'esprit.

Je ne pense pas que nous disions qu'il ne faille pas viser Internet ni même le télécopieur lorsqu'on parle de publicité trompeuse. Nous disons qu'il faudrait que ce soit précisé dans la législation. Le Parlement devrait indiquer clairement à quoi cela s'applique et ne pas laisser cela à la discrétion du directeur par le biais de lignes directrices, ne pas laisser cette marge. La législation laisse toujours une certaine marge pour permettre aux tribunaux d'interpréter, mais lorsqu'une situation se présente où immédiatement après l'adoption d'un texte de loi un organisme chargé de l'appliquer doit publier des lignes directrices d'application très vastes, vous savez que le texte de loi pose un problème et qu'il laisse une trop grande marge de manoeuvre.

La présidente: J'en conviens, mais vous dites précisément dans votre exposé que cela ne devrait pas s'appliquer aux autres moyens publicitaires qui ont recours à des lignes téléphoniques, comme le marketing par Internet ou par télécopieur. Je m'inquiète justement parce que vous nommez précisément Internet.

Je sais d'après les appels téléphoniques que je reçois dans mon bureau de circonscription au sujet des lignes interactives qu'il y a énormément de possibilités d'actes frauduleux pour les personnes qui établissent des relations de façon tout à fait semblable à ce qui se passe avec les personnes âgées par le biais du télémarketing. Je m'inquiète de ce que vous disiez précisément qu'il faille l'exclure. Voilà ce que je voulais dire. Étant donné la discussion que nous avons eue, étant donné les remarques faites plus tôt par M. Schmidt, on devrait peut-être revoir cela. Voilà ce dont je voulais m'ouvrir à vous.

M. Tim Kennish: En ce qui nous concerne, nous faisions une distinction en raison du caractère moins oppressant de la relation entre deux personnes qui parlent sur une ligne interactive sur Internet que dans une communication téléphonique en direct où la personne est en quelque sorte obligée de répondre immédiatement.

• 1015

La présidente: Sauf votre respect, M. Kennish, je ne dis pas le contraire. J'essaie simplement de vous expliquer qu'on nous a fait divers exposer concernant le problème de l'an 2000. Tout au long de l'année, nous avons eu des exposés sur les divers modes de télécommunication et lorsqu'on essaie de deviner lequel vous aurez chez vous dans cinq ans, il se pourrait que votre ordinateur remplace votre téléphone.

Si on commence à exclure des choses qu'on ne peut pas prévoir—il est parfois nécessaire de laisser davantage de flou dans la législation qu'on ne le souhaiterait parce qu'on ne peut pas prévoir l'avenir et parce que nous savons qu'il y a parfois des retards dans l'application de la loi et que de ce fait les réactions à la loi tardent à venir.

Nous vous remercions de vos commentaires et nous vous sommes reconnaissants de nous avoir fourni ce mémoire très détaillé. Nous espérons beaucoup avoir vos commentaires sur ce qui va se passer dans la suite de nos audiences. Nous remercions chacun d'entre vous d'être venu aujourd'hui et d'avoir pris ce temps sur son horaire chargé. Nous vous en sommes vraiment reconnaissants.

Nous allons suspendre l'audience pendant environ cinq minutes en attendant les témoins suivants.

• 1016




• 1019

La présidente: Nous allons reprendre la séance. Nous sommes tenus par le temps. Nous avons un autre groupe qui doit venir à 11 heures, aussi devrons-nous donc en avoir terminé d'ici là.

Je suis très heureuse d'accueillir nos deuxièmes témoins qui représentent le Centre pour la défense de l'intérêt public. Il s'agit de Michael Janigan, directeur général et conseil général, et de Philippa Lawson, conseillère juridique.

Je crois que vous avez des remarques préliminaires à faire; je vous laisse donc commencer votre exposé, après quoi nous passerons aux questions.

• 1020

M. Michael Janigan (directeur général et conseil général, Centre pour la défense de l'intérêt public): Merci beaucoup, madame la présidente. Nous vous remercions de nous donner l'occasion de comparaître aujourd'hui devant le comité au sujet du projet de loi C-20. Le Centre pour la défense de l'intérêt public a participé au processus de consultation avec le directeur de la concurrence au sujet des amendements proposés depuis 1995 et nous sommes heureux de voir qu'un ensemble de dispositions a finalement été élaboré.

Le Centre pour la défense de l'intérêt public est un organisme à but non lucratif constitué sous le régime de la loi fédérale en 1976. Il offre des services juridiques et de recherches sur des questions afférentes à la prestation d'importants services publics. Ces services sont généralement offerts par le Centre qui agit au nom d'organisations représentant les consommateurs canadiens vulnérables. Le Centre pour la défense de l'intérêt public (PIAC) travaille habituellement dans des domaines tels les télécommunications, la radiotélévision, l'énergie, les services financiers, les transports et la protection des renseignements personnels.

Il y a longtemps déjà que le PIAC est conscient de l'importance de la Loi sur la concurrence dans la mesure où elle garantit que les biens et services sont livrés de façon honnête et efficace aux consommateurs canadiens, surtout lorsqu'il s'agit de produits importants ou essentiels. Grâce au financement du ministère de l'Industrie et de son précurseur, Consommation et Affaires commerciales Canada, le Centre a entrepris des recherches et établi des rapports contenant des recommandations sur nombre de sujets dont il est question dans le projet de loi qui nous occupe, aussi bien que sur les questions issues du processus de consultation concernant les modifications à la Loi sur la concurrence qui datent de 1995.

Nous avons déjà eu l'occasion d'indiquer notre position vis-à-vis de chacune des questions pour lesquelles on a consulté le public; nous souhaitons maintenant nous consacrer aux trois problèmes fondamentaux suivants: premièrement, la création d'un nouveau régime pour la publicité trompeuse et les pratiques commerciales déloyales; deuxièmement, les articles traitant des pratiques de télémarketing trompeur; et troisièmement, les questions d'accès et d'application de la loi.

Premièrement, en ce qui concerne la création d'un nouveau régime civil pour la publicité trompeuse et les pratiques commerciales déloyales, en 1992, le PIAC a publié un rapport intitulé «Decriminalizing the Regulation of Misleading Advertising». À l'époque, le PIAC recommandait que les pratiques de publicité trompeuse soient jugées par un tribunal administratif. Nous sommes toujours d'avis que la loi ne saurait être appliquée de manière efficace et rapide si ce n'est en vertu d'un régime civil doté d'un tribunal administratif ayant les pouvoirs correctifs voulus; cela nous permettra également de lutter en toute connaissance de cause contre les effets nuisibles des pratiques publicitaires trompeuses.

Par le passé, les sanctions ont été appliquées en vertu du droit pénal, ce qui se justifie en partie du fait de l'incertitude qui régnait quant aux pouvoirs constitutionnels du gouvernement fédéral en matière d'affaires commerciales. Or, à ce qu'il nous semble, la décision de la Cour suprême du Canada dans la cause General Motors du Canada c. City National Leasing a mis un terme à l'idée voulant que les décisions d'interdiction en matière de publicité trompeuse dépassent les pouvoirs du gouvernement fédéral à moins d'être un recours au criminel.

La publicité trompeuse est une atteinte directe à la «loyauté» du marché. Elle risque d'empêcher les consommateurs de s'informer et de faire des achats judicieux. À une époque où nous sommes continuellement bombardés de toutes sortes de déclarations affichant les vertus de tel ou tel produit ou service, il ne faut pas oublier que c'est dans l'intérêt du public, un intérêt à ne pas négliger, que le gouvernement se doit de veiller à ce que les commerçants agissent de façon loyale lorsqu'ils tentent de vendre leurs articles aux consommateurs. L'intérêt d'assurer que ces transactions sont réalisées de façon loyale dépassent la sphère des consommateurs éventuels; il s'agit de protéger également l'immense majorité des commerçants qui s'adonnent à des pratiques publicitaires évidentes et honnêtes.

Dans la plupart des cas, il importe de mettre fin le plus rapidement possible à toute publicité ou indication commerciale trompeuse et d'adopter des mesures correctives proportionnelles aux dommages causés par l'action répréhensible en cause. Nous estimons que cela a de meilleures chances de réussir dans le contexte du régime civil que propose le projet de loi C-20 que dans celui prévu par la loi actuelle et qui est du ressort du droit criminel.

Nous sommes pour que l'on continue à considérer la publicité trompeuse comme une infraction criminelle lorsqu'il est établi que la personne incriminée a agi en connaissance de cause ou sans se soucier des conséquences. Nous voudrions toutefois reprendre nos propositions antérieures en ce qui concerne le choix des mesures correctives dont dispose le tribunal lorsque la personne a un comportement susceptible d'examen. À notre avis, outre les pouvoirs qui lui sont conférés en vertu du projet de loi C-20, le tribunal doit être habilité à concevoir des mesures correctives de restitution.

Certes, il y aura des circonstances dans lesquelles le tribunal estimera qu'il n'y a pas lieu d'ordonner la restitution ou que celle-ci est peu rentable, mais il y en aura d'autres où une ordonnance de cesser et de s'abstenir assortie d'une amende, ne suffira guère à compenser le consommateur qui a été lésé financièrement de façon trompeuse.

• 1025

Dans certains cas, le préjudice financier peut être important pour le consommateur et il importe que le tribunal puisse imposer une restitution en plus des autres mesures correctives prévues dans la loi. Quand cela s'avère impossible, le tribunal devrait avoir le droit de s'abstenir de rendre une telle ordonnance de restitution.

L'article 14 du projet de loi C-20 nous cause également quelque inquiétude, puisqu'il supprime l'article 54 qui condamne les pratiques de double étiquetage. L'interdiction de cette pratique susceptible d'examen ne se retrouve pas dans le nouveau régime civil, et il ne semble pas y avoir de disposition pour remplacer ce méfait ailleurs dans le projet de loi.

L'article 54 de la loi est ainsi libellé:

    54.(1) Nul ne peut fournir un produit à un prix qui dépasse le plus bas de deux ou plusieurs prix clairement exprimés, par lui ou pour lui, pour ce produit, pour la quantité dans laquelle celui-ci est ainsi fourni et au moment où il l'est...

On donne ensuite la liste des endroits où ces prix figurent.

Nous voudrions rappeler que la modification proposée ne faisait pas partie des documents de consultation qui accompagnaient les amendements proposés ici lors de leur distribution en 1995. Nous savons qu'elle a fait l'objet d'un débat lors de la réunion du comité consultatif qui a donné des conseils au directeur et au ministère de l'Industrie en 1995, mais aucune recommandation ne figure dans le rapport du comité consultatif de 1996.

On remarquera également que cette mesure n'a fait l'objet d'aucun commentaire dans le Bulletin de nouvelles du Bureau de la concurrence de juillet-septembre 1997 consacré au projet de loi C-20 et aux amendements qu'il contient.

Nous faisons également remarquer qu'un autre article a été supprimé et ne se retrouve pas dans le régime civil, c'est celui qui concerne la vente par recommandation. Nous estimons que cette suppression n'est pas importante, et nous ne nous y opposons certainement pas pour l'instant.

Il semble cependant que la suppression de cet article concernant le double étiquetage vient de ce qu'il n'est jamais invoqué par le poursuivant. Tout en comprenant fort bien que les recours prévus dans la législation qui s'appliquent à des situations de fait dépassées doivent éventuellement disparaître de la loi, nous craignons qu'on n'élimine, par la même occasion, l'effet prophylactique de l'existence d'une telle disposition dans les recueils de lois.

Les commerçants connaissent assez bien cette infraction et c'est peut-être justement pourquoi elle est rarement commise. À quoi bon risquer un changement dans leur comportement alors que la pratique interdite n'a jamais cessé d'être une infraction? Faute de preuves plus concluantes, nous conseillerions, par prudence, de conserver cet article.

Pour en venir aux pratiques de télémarketing trompeur, le document de travail présenté par le directeur en 1995 sur les modifications proposées signale la fréquence de plus en plus grande des pratiques de télémarketing trompeur. Aux États-Unis, elles ont entraîné des pertes annuelles évaluées à 40 milliards de dollars. Ces pratiques donnent en outre mauvaise presse aux sollicitations téléphoniques légitimes.

Notre organisation se préoccupe traditionnellement des problèmes liés au télémarketing. Sa publication de 1989 intitulée «Telephone Solicitation: Blessing or Curse?» en est la preuve. Les auteurs Glenn Bell et Andrew Roman déclarent ce qui suit:

    Même si le télémarketing est rentable aux yeux du vendeur, il entraîne d'autres coûts, matériels et autres, qu'il faudra déduire du calcul des profits.

Les auteurs de l'étude nous parlent ensuite des aspects culturels du télémarketing qui sont de véritables atouts pour le vendeur:

    Toutefois, il est impossible d'effacer ce sentiment qui nous interdit l'impolitesse de raccrocher sans le consentement de l'interlocuteur. Le télémarketing exploite ce sentiment, il exploite notre nature essentiellement polie, notre inéluctable souci de civisme, et c'est ce qui nous rend vulnérables en tant que consommateurs. De plus, la plupart des consommateurs peuvent se sentir sous pression car ils ont hâte de reprendre l'activité interrompue... ou de retourner à table, comme il arrive souvent. Acheter le produit ou le service ou du moins consentir à ce que le vendeur rappelle est parfois le plus sûr moyen de se libérer rapidement.

Nous estimons que les modifications proposées dans le projet de loi C-20 répondent à d'importantes inquiétudes du consommateur dues au télémarketing trompeur. Les nouvelles dispositions de la loi peuvent permettre de réaliser des progrès importants à l'égard du télémarketing frauduleux dans la mesure où leur application sera simple pour le consommateur, rapide et efficace.

Pour les questions d'accès et d'application de la loi, nous devons dire que nous avons été déçus que le projet de loi ne contienne pas les modifications qui auraient permis aux particuliers d'avoir accès au Tribunal de la concurrence comme cela avait été proposé lors du processus de consultation.

M. Addy, l'ancien directeur de la concurrence, fait écho à notre déception dans la déclaration suivante:

    directeur assez difficile, dans la mesure où il ne peut pas mener une enquête pour la moindre réclamation apparemment justifiée et laisser certaines parties lésées sans remède efficace... Je persiste à croire qu'un régime permettant un accès raisonnable aux particuliers peut être prévu et qu'il constituerait un moyen précieux de recours sans encourager les litiges stratégiques pour des raisons de concurrence.

• 1030

Nous voudrions insister encore une fois sur le côté paradoxal de la persistance d'une approche monopolistique de l'application de la législation sur la concurrence. Certains justifient ce monopole en invoquant le danger d'éventuels abus émanant de litiges à motivation douteuse. Il nous semble très théorique de laisser entendre que des concurrents commerciaux souhaitent consacrer du temps et des ressources pour se battre pour des revendications frivoles alors que la décision peut vraisemblablement être prise par un tribunal spécialisé capable de rendre rapidement justice.

Nous signalons en outre que si la croyance voulant qu'un marché réaliste et concurrentiel contribue à protéger les consommateurs est assez répandue, il y a de nombreuses divergences d'opinions quant à la façon la plus indiquée d'obtenir un tel marché. La définition des activités susceptibles de nuire à la concurrence ou de l'empêcher fait l'objet de positions de bonne foi solidement défendues et contradictoires. Nous avons constaté qu'il existe toujours de grandes sociétés qui semblent croire que la concurrence est tout simplement synonyme de liberté face à la réglementation des bénéfices ou de tout autre examen gouvernemental plutôt qu'un lieu où peuvent exister des restrictions s'appliquant à leurs tactiques anticoncurrentielles.

Il est donc nettement préférable, lorsque le comportement du marché peut être mis en cause parce que jugé anticoncurrentiel et que le directeur ne peut pas ou ne veut pas agir, que les particuliers qui déposent une plainte puissent avoir recours à un organe de décision indépendant tel que le Tribunal de la concurrence. La situation veut que ce soit... Je sais que mes notes disent «une nomination hiérarchique». Cela est vraiment trompeur; il s'agit d'une nomination par le gouverneur en conseil et le directeur possède effectivement des pouvoirs légaux. Il s'insère dans la hiérarchie et la bureaucratie du ministère de l'Industrie, il ne fait donc pas l'objet d'une nomination hiérarchique à proprement parler. Il est nommé par le ministre de l'Industrie du moment.

Le directeur est le seul à avoir la responsabilité de prendre la décision et à être le gardien. À notre avis, l'instauration et le maintien de marchés concurrentiels ne sont pas si évidents que les Canadiens peuvent simplement compter sur un seul policier en la personne du directeur, même s'il est bien intentionné.

Par comparaison, un procureur général a le pouvoir discrétionnaire de poursuivre en vertu du Code criminel. Le code décrit des infractions dont la portée et l'effet sont beaucoup plus précis et limités que le comportement anticoncurrentiel prévu dans la Loi sur la concurrence. Mais indépendamment de la précision des infractions données dans le Code criminel, il reste tout de même la possibilité qu'un particulier intente des poursuites lorsque le procureur général refuse d'agir.

Nous ne pouvons croire que le tribunal, comme cela est suggéré, n'aurait pas le pouvoir d'empêcher les poursuites vexatoires de concurrents mécontents. Les sanctions et les coûts pourraient être les résultats d'initiatives mal fondées à tout le moins. On pourrait également avoir recours aux techniques de gestion des cas pour décourager les tactiques et les retards inadmissibles. Nous espérons que l'on se penchera de nouveau rapidement sur la question de l'accès pour les particuliers et que l'on procédera aux amendements législatifs qui devraient faciliter cet accès, à la suite de l'étude promise par le Bureau de la concurrence.

Pour terminer, nous tenons à féliciter le bureau de ses efforts pour tenter de regrouper les plaintes des consommateurs et l'application de la loi dans la nouvelle direction des pratiques commerciales loyales. Il semble que cette direction disposera d'un nouveau service téléphonique central pour les plaintes accessible de partout au Canada grâce à une base de données centrale. C'est un bon début. Toutefois, tout dispositif légal visant à remédier aux problèmes de concurrence en milieu de travail nécessitera des techniques d'application proactives pour que le service téléphonique pour les plaintes soit facilement accessible aux consommateurs ordinaires et pour que la suite donnée aux plaintes soit jugée rapide et efficace.

Le meilleur moyen pour dissuader vient de ce que l'on craigne avec raison que tout comportement fautif sera rapidement découvert et donnera lieu à des sanctions appropriées. L'information concernant les recours disponibles en vertu de la Loi sur la concurrence et les moyens d'application doivent jouer le jeu de la concurrence sur le même marché pour attirer l'attention du client avec les revendications concernant le produit qui sont régies par cette loi. Si la concurrence doit jouer pour offrir au consommateur choix et efficacité, les recours face aux abus doivent être accessibles et considérés comme rapidement accessibles. Si ce n'est pas le cas, le mécontentement du public pourrait exiger une intervention directe du gouvernement, ce qui pourrait aller à l'encontre de l'intention de la loi.

Voilà les remarques préliminaires que nous voulions faire, madame la présidente. Nous serons maintenant heureux de répondre aux questions.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Janigan. Nous allons donner la parole à M. Lowther.

M. Eric Lowther (Calgary-Centre, Réf.): Merci, madame la présidente, et merci pour votre exposé. J'essaie de rassembler mes idées sur votre exposé.

À la page 3 de votre mémoire vous dites:

    Certes, il y aura des circonstances dans lesquelles le tribunal estimera qu'il n'y a pas lieu d'ordonner la restitution ou que celle-ci est peu rentable...

• 1035

J'aimerais que vous nous donniez des exemples concrets de votre façon de concevoir les situations où la restitution n'est pas indiquée et peut-être d'autres situations où elle l'est. Donnez-nous des exemples pertinents.

M. Michael Janigan: Je ne sais trop. J'imagine que la restitution ne serait probablement pas indiquée dans une situation où la représentation trompeuse a causé un préjudice financier aux consommateurs si important que tout le processus de tentative de remboursement des consommateurs pourrait coûter plus que la valeur du remboursement. Par exemple, si un consommateur a été lésé de 14¢, il va bien sûr y avoir le coût d'envoi du remboursement tout simplement.

Il peut se trouver par ailleurs d'autres circonstances où le préjudice causé à chaque consommateur par le télémarketing trompeur est important. Si certains d'entre vous ont suivi les émissions télévisées américaines récemment, on y a parlé du préjudice subi par les divers consommateurs à la suite de la sollicitation pour s'abonner à des revues par exemple, en faisant croire à tort qu'on allait pouvoir gagner un concours. Chaque consommateur a souvent subi des dommages importants, du moins importants pour son porte-monnaie. Il me semble qu'en l'occurrence, le tribunal devrait pouvoir ordonner une restitution pour réduire les conséquences de la publicité trompeuse pour chaque consommateur.

M. Eric Lowther: Vous dites donc en gros que si ce n'était pas rentable d'essayer de rembourser le consommateur, comme dans l'exemple des 14¢—il n'est tout simplement pas logique de tenter ce processus. Vous opposez cela à un exemple où des pertes ou des préjudices suffisamment importants peuvent être identifiés par une ou plusieurs parties lésées et, dans ce cas, vous intenteriez des poursuites si c'était faisable sur le plan administratif. Est-ce là ce qui vous guide?

M. Michael Janigan: Il est clair que le tribunal voudra sans doute avoir ses propres règles de preuve, mais à la façon dont je vois les choses, il se pourrait que ce soit faisable sur le plan de la rentabilité ou de la capacité de rejoindre tous les consommateurs qui ont pu être trompés.

Et ça, c'est un autre problème: il vous faudra peut-être faire paraître des annonces dans les journaux qui pourraient être coûteuses. Mais comme vous le dites, lorsqu'il y a un groupe identifiable de consommateurs qui ont subi un préjudice qu'il est possible de quantifier facilement et que l'on peut rembourser de façon rentable, j'estime que dans ce cas le tribunal devrait pouvoir ordonner la restitution et exiger du vendeur qu'il rembourse ces sommes.

M. Eric Lowther: Voilà qui est intéressant. Cela va devenir un peu risqué pour le tribunal. J'imagine qu'il lui faudrait prendre une décision et dire que certaines personnes ont été lésées en l'occurrence mais que, après évaluation, il n'est pas réaliste pour le tribunal d'envisager une mesure corrective. D'autres personnes pourraient dire qu'elles estiment que c'est réaliste et qu'elles vont opter pour cette solution.

Il ne s'agit pas simplement de savoir si vous avez été lésé ou non et qu'un remboursement est prévu, mais le principe dominant dans votre proposition est plutôt de savoir si c'est réalisable ou non sur le plan administratif. Je crains que ce point soit vraiment contestable pour la plupart des tribunaux concernés. Il pourrait susciter de nombreuses discussions. J'ai cru bon de le souligner.

Mon autre question porte sur la page 6. Je ne sais trop qui est l'auteur de la citation. Le groupe pour les bonnes pratiques de télémarketing parlent de pressions subies par les consommateurs qui veulent être polis et ne veulent pas interrompre brutalement une conversation qui leur a été imposée chez eux ou à leur lieu de résidence—peu importe. J'essaie de voir ce que vous voulez dire par là. Cela veut-il dire que cette attitude les prédispose à être victimes d'actes frauduleux de télémarketing?

• 1040

M. Michael Janigan: Je crois que la culture du télémarketing rend les consommateurs particulièrement vulnérables et on souligne par là la nécessité de traiter de la question du télémarketing en appliquant les mesures correctives précises qui figurent dans la loi.

M. Eric Lowther: Je crois que dans le secteur du télémarketing, on est en train de mettre au point certaines choses. Par exemple, un consommateur pourrait effectivement programmer sa ligne disant qu'il ne prend que les appels des personnes qu'il connaît, de ses collègues de travail, etc., mais qu'en dehors de cela, il ne veut pas recevoir d'appel chez lui. Il va les stocker dans un répondeur automatique ou ailleurs. Ce serait une façon pour les consommateurs de se protéger contre les appels non sollicités. Cela pourrait se faire facilement. Je me demande ce que vous en pensez pour ce qui est de répondre à votre inquiétude. Soutiendriez-vous ce genre de choses?

Mme Philippa Lawson (conseillère juridique, Centre pour la défense de l'intérêt public): Certainement. Je crois que les nouvelles possibilités technologiques de ce genre qui apparaissent sur le marché sont extraordinaires. L'un des problèmes que posent les actes frauduleux de télémarketing, c'est qu'ils visent en particulier les personnes âgées qui tendent à être moins aptes ou moins prêtes à adopter ces nouvelles technologies. Je crois donc qu'il faut être réaliste quant à l'importance des progrès technologiques et des nouvelles caractéristiques des téléphones, par exemple, pour résoudre le problème.

La présidente: Merci, monsieur Lowther.

Monsieur Lastewka.

M. Walt Lastewka: Merci, madame la présidente. J'apprécie vraiment votre rapport en raison des détails qu'il contient et aussi pour ce que vous dites pour la protection du consommateur. Je vais un peu sortir du sujet, madame la présidente, et pousser plus loin ce que disait M. Lowther.

Il y a tellement de personnes âgées qui ont été la cible d'escroqueries. Elles constituent le groupe le plus vulnérable. J'ai du mal à comprendre qu'on ne puisse pas prévoir une meilleure communication, une meilleure publicité, de meilleures méthodes éducatives pour communiquer avec les gens.

Je sais que je l'ai fait avec les occupants des maisons de ma circonscription et j'ai envoyé des lettres en particulier aux personnes âgées, mais c'est difficile de rejoindre les personnes âgées. Comme vous le dites, elles ne veulent pas raccrocher. Elles sont polies. Elles ont une certaine façon de faire affaire avec les gens. Et c'est en gros ce qui leur cause des ennuis.

Est-ce que votre groupe ou d'autres pourraient s'occuper d'éducation, et est-ce que ceux qui sont professionnellement mieux à même de communiquer avec les personnes âgées que moi-même et d'autres ne pourraient pas mettre au point un programme ou un système pour aider ces personnes âgées? M. Lowther a parlé de l'aspect technologique et j'estime que c'est très bien, mais il reste tout de même cet élément éducatif. Ceux qui participent aux escroqueries sont prêts à tout. Ils n'ont aucun sens moral et vont prendre de l'argent aux plus vulnérables. J'aimerais que vous nous disiez comment nous devrions agir à cet égard.

Je vous prie de m'excuser si je suis un peu hors sujet, madame la présidente.

M. Michael Janigan: Certaines organisations de personnes âgées, en particulier La Voix, ont agi pour s'assurer que les personnes âgées seront protégées des actes frauduleux de télémarketing. Le directeur de la concurrence est également au courant.

Je pense que cela s'ajoute à certaines remarques que j'ai faites plus tôt sur la nécessité de mettre en oeuvre la législation de façon proactive. Surtout, si nous devons mettre en oeuvre ces dispositions de façon efficace, l'existence de ces dispositions particulières de la loi sur le télémarketing et sur ce que l'on peut faire ou non devrait être portée à la connaissance de la population des personnes âgées du Canada de la façon indiquée, surtout lorsqu'il y a des regroupements de personnes âgées que l'on pourrait informer rapidement, par exemple, les résidences et les foyers pour personnes âgées ou les membres des organisations de personnes âgées, par lesquelles l'information pourrait passer.

C'est la seule chose que je puisse proposer pour l'instant, mais c'est certainement une question qui vaut la peine d'être étudiée.

Mme Philippa Lawson: J'ajouterais, sans vouloir diminuer l'importance de la nécessité d'éduquer les consommateurs—les consommateurs âgés aussi bien que tous les autres consommateurs—qu'il y a toujours des gens que vous n'arrivez pas à rejoindre par les médias ou par n'importe quel autre moyen éducatif que vous avez. Comme vient de le dire M. Janigan, c'est pour cela qu'il est nécessaire d'avoir une législation comme mesure de sauvegarde.

• 1045

M. Walt Lastewka: Je sais que cela ne fait pas partie des amendements proposés, mais vous avez parlé de l'accès des particuliers au Tribunal de la concurrence. Pourriez-vous me citer un exemple de cas où cela aurait pu être utile? Quel obstacle essayez-vous de franchir? Pourriez-vous me donner un exemple pour que je comprenne mieux?

M. Michael Janigan: Une source fréquente de plainte vient de la position dominante qui permet des abus, par exemple, lorsqu'une entreprise peut, en raison de son pouvoir sur le marché, appliquer en fait les augmentations de prix qu'elle veut sans concurrence efficace. Le concurrent porte plainte en disant que c'est parce qu'il y a toutes sortes de tactiques différentes auxquelles le concurrent se livre.

Le directeur peut ou non avoir le temps de chercher des preuves, accorder la priorité à la question ou demander au personnel chargé de l'application de la loi de s'en occuper, mais il peut ne pas être d'accord en disant que ces pratiques sont courantes et répondent aux normes commerciales admises ou aux bonnes pratiques concurrentielles. Toutefois, pour l'entreprise qui se trouve en concurrence avec elle, ce peut être un problème urgent.

Il me semble que l'on devrait pouvoir porter cette plainte devant un tribunal indépendant sur la foi des preuves que l'on souhaite présenter pour voir si la pratique en question est anticoncurrentielle comme on le prétend ou si le tribunal doit prendre des mesures pour sanctionner l'entreprise en cause.

Aux États-Unis, par exemple, il y a un régime assez utilisé qui permet le recours aux tribunaux et à la commission du commerce pour traiter des situations de ce genre grâce à l'accès permis aux entreprises indépendantes. Il y a des gens qui sont pour et d'autres contre le système qui existe actuellement aux États-Unis. En admettant que nous ayons mis au point notre solution canadienne, nous demandons qu'il y ait au moins une instance vers laquelle un particulier qui veut déposer une plainte parce qu'il croit qu'un concurrent ou une entreprise se livre à des pratiques anticoncurrentielles devrait pouvoir se tourner. Il devrait avoir accès à un tribunal indépendant.

M. Walt Lastewka: J'aurais aimé des exemples pour des choses qui se passeront à l'avenir. Merci.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Lastewka.

Madame Lalonde.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Merci beaucoup pour votre présentation et votre mémoire. Vous avez acquis de précieuses connaissances en aidant les consommateurs, et nous l'apprécions grandement.

Il y a deux angles principaux sous lesquels je voudrais aborder l'étude avec vous. Il y a d'abord ce pouvoir énorme du directeur, qui devient commissaire. Vous avez souligné avec justesse que, indépendamment de qui détient le poste de commissaire—et je ne dis pas qu'il n'est pas un homme extraordinairement dévoué à la concurrence—, selon les nouvelles mesures, il sera le seul à pouvoir décider que le comportement d'une entreprise ou d'une personne est susceptible d'examen. Est-ce que cela ne limite pas grandement l'efficacité réelle de ce projet de loi qui peut, sous certains angles, paraître intéressant?

[Traduction]

Mme Philippa Lawson: Ce que vous dites confirme l'argument présenté plus tôt par M. Janigan concernant l'importance de fournir un accès au tribunal pour les particuliers de sorte qu'on n'ait pas à compter uniquement sur une personne pour prendre les décisions et que des groupes comme le vôtre puissent porter des situations problématiques devant le tribunal. Je crois que ce serait une disposition particulièrement utile maintenant que nous avons ce nouveau régime civil pour de nombreux problèmes concernant les consommateurs qui relevaient auparavant des recours criminels.

• 1050

[Français]

Mme Francine Lalonde: J'aimerais que nous abordions maintenant la question d'un dédoublement possible. Je viens du Québec et j'ai consulté des gens qui ont travaillé à la rédaction de la loi du Québec et qui veillent à son application. L'article 219 de la Loi sur la protection du consommateur dit:

219. Aucun commerçant, manufacturier ou publicitaire ne peut, par quelque moyen que ce soit, faire une représentation fausse ou trompeuse à un consommateur.

Autrement dit, on reprend les dispositions de l'article 52 que le projet de loi se propose de modifier. Le régime civil du Québec et l'Office de la protection des consommateurs se trouvent à être carrément dédoublés cette fois-ci. Et au lieu d'amendes, on parle de sanctions pécuniaires administratives. Il me semble que ce dédoublement peut porter à confusion dans le cas du consommateur québécois, surtout que vous appelez de tous vos voeux un système téléphonique from coast to coast. On se retrouverait avec deux protecteurs du citoyen et deux recours civils possibles. Lequel prévaudrait? Il me semble qu'il y a là possibilité d'une grande confusion.

[Traduction]

M. Michael Janigan: Dans la dernière partie de vos remarques je crois que vous avez insisté sur la nécessité pour le gouvernement fédéral de faire quelque chose pour ce problème car la plupart de ces entreprises font des sollicitations en dehors des frontières nationales ou provinciales.

Le gouvernement fédéral doit avoir le pouvoir d'imposer des sanctions au criminel et de contrôler au civil les représentations trompeuses. Dans la mesure où il y a d'autres situations dans une province qui relèvent du pouvoir provincial de réglementer les contrats, les provinces peuvent certainement juger bon de fixer des normes pour les contrats signés dans la province et de les appliquer de la même façon. Mais nous voyons la nécessité d'une législation de ce genre s'appliquant à tout le pays pour protéger les consommateurs.

Mme Philippa Lawson: J'aimerais ajouter quelque chose. La législation de protection des consommateurs qui existe actuellement au Canada est très confuse. Elle est tout à fait déroutante pour les consommateurs. Chaque province a son propre ensemble de lois comportant des dispositions différentes. Il y a certaines ressemblances, et on fait des efforts d'harmonisation actuellement, mais ce qui nous paraît intéressant, c'est que le Québec possède, à notre avis, la meilleure législation du pays en matière de protection du consommateur.

Je ne crois pas que ces amendements à la Loi sur la concurrence changent vraiment la situation. J'estime que le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux doivent continuer à travailler de concert. Peut-être doivent-ils augmenter leurs efforts pour arriver à une meilleure harmonisation et amener les normes en matière de législation de protection du consommateur pour l'ensemble du pays au niveau des normes, par exemple, du Québec, pour travailler ensuite aux questions d'application.

La présidente: Ce sera votre dernière question, madame Lalonde.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Oui, malheureusement. On m'a dit qu'aux États-Unis—et je me propose d'étudier cela bientôt—, ce sont les États qui sont responsables de l'application de la loi au complet sur leur territoire, tandis que toutes les dispositions qui font allusions à des dimensions inter-États relèvent du bureau national.

Croyez-vous que Microsoft aurait eu autant de problèmes au Canada qu'il en a aux États-Unis, compte tenu de la loi, même avec la réforme?

[Traduction]

M. Michael Janigan: C'est difficile à imaginer.

Je crois qu'il est évident et je pense que le directeur de la concurrence l'a reconnu, que l'approche aux États-Unis est avant tout accusatoire et axée sur l'application pour ce qui est de la législation en matière de concurrence, alors qu'ici nous essayons davantage de nous attacher au respect de la loi et d'essayer de nous entendre.

• 1055

Je ne sais si la différence entre ces deux approches et la législation elle-même a nécessairement donné lieu à cette évolution différente.

Il est aussi difficile de dire si oui ou non les différences constitutionnelles ont une importance. Comme vous le savez, la disposition concernant le commerce entre les États aux États-Unis a donné lieu avec le temps à des interprétations intéressantes. Avec cela, le soi-disant recours au pouvoir inappliqué du gouvernement fédéral en matière commerciale a fait, j'imagine, que le gouvernement fédéral américain a pu prendre des décisions en matière de droits civils, par exemple, alors que notre gouvernement ne le pourrait pas en vertu de la Constitution.

Il est très difficile de faire l'analogie entre notre situation concernant les pouvoirs en matière d'échanges et de commerce que possède le gouvernement fédéral et ceux que possèdent les gouvernements provinciaux en matière de biens et de droits civils.

La présidente: Merci beaucoup, madame Lalonde.

Monsieur Murray, très brièvement, s'il vous plaît.

M. Ian Murray (Lanark—Carleton, Lib.): Merci. Je serai très bref.

D'abord en ce qui concerne le double étiquetage et la suppression de l'article 54 de la loi, je n'ai jamais rencontré ce problème personnellement et je ne sais pas si c'est parce que c'était dans la loi, comme vous le dites. Mais ma question est la suivante: Si cela n'avait pas été dans la loi, proposeriez-vous qu'on le mette maintenant dans la loi? Comme je viens de vous le dire, cela ne s'est jamais produit pour moi, car j'ai du mal à imaginer un commerçant mettant deux prix sur une étiquette et insistant pour faire payer le prix le plus élevé. Encore une fois, c'est peut-être parce que la loi est là. Je comprends la chose, mais...

M. Michael Janigan: C'est le problème que nous avons eu en traitant de la question. C'est quelque chose qui est relativement bien connu, je crois, chez les commerçants. Il est aussi difficile de prévoir qu'en supprimant cet article, on va tout à coup voir fleurir les habitudes de double étiquetage. Mais si cette disposition a un effet correctif ou préventif—et c'est certainement une pratique qui est déplaisante pour les consommateurs—on devrait la conserver ou prévoir une autre solution.

M. Ian Murray: D'accord.

Je ne sais si j'ai manqué quelque chose plus tôt, si M. Lowther vous a posé des questions sur l'écoute téléphonique.

Mme Philippa Lawson: Non.

M. Ian Murray: Je voulais simplement vous demander très vite, car nous manquons de temps, si vous avez pris position concernant les dispositions relatives à l'écoute téléphonique. Qu'en pensez-vous?

M. Michael Janigan: Je crois que nous sommes d'accord avec le directeur de la concurrence pour ce qui est d'accorder les pouvoirs voulus pour intercepter les communications lorsque c'est justifié.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Murray.

Je tiens à vous remercier tous les deux d'être venus aujourd'hui prendre part à notre consultation sur le projet de loi C-20. Si vous avez d'autres remarques au fur et à mesure que des amendements seront proposés ou que d'autres témoins comparaîtront, n'hésitez pas à nous les envoyer. Nous apprécions votre participation.

La séance est levée.