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INDY Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON INDUSTRY

COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 3 mars 1999

• 1534

[Traduction]

La présidente (Mme Susan Whelan (Essex, Lib.)): La séance est ouverte. Conformément à un ordre de renvoi de la Chambre en date du mardi 3 novembre 1998, nous faisons l'examen du projet de loi C-54, Loi visant à faciliter et promouvoir le commerce électronique en protégeant les renseignements personnels recueillis, utilisés ou communiqués dans certaines circonstances, en prévoyant l'utilisation de moyens électroniques pour communiquer ou enregistrer de l'information et des transactions et modifiant la Loi sur la preuve au Canada, la Loi sur les textes réglementaires et la Loi sur la révision des lois.

• 1535

Nous avons aujourd'hui le plaisir d'accueillir des membres des Employeurs des transports et communications de régie fédérale. Il s'agit de M. Don Brazier, directeur des relations de travail de CP Rail, de M. David Olsen, avocat général adjoint de la Société canadienne des postes, et de Mme Leslie-Anne Lewis, gestionnaire de la législation en matière d'emploi à CN Rail. Malheureusement, les représentants de la FCEI n'ont pu se joindre à nous, et c'est donc aux Employeurs de régie fédérale qu'il incombe aujourd'hui de nous informer.

Je laisse la parole à M. Brazier.

M. Don Brazier (vice-président, Relations de travail, CP Rail, Employeurs des transports et communications de régie fédérale): Bonjour, madame Whelan.

J'ai entendu quelqu'un demander ce que sont les ETCOF. Vous avez mentionné l'acronyme au long. Il s'agit d'un groupe de 24 organismes des secteurs des transports et des communications. On compte parmi eux des entreprises comme Bell Canada, la Société canadienne des postes, les employeurs que nous représentons et d'autres grands employeurs des secteurs des transports et des communications.

Ce que nous avons en commun, c'est que nous sommes tous assujettis aux lois fédérales et, dans la plupart des cas, puisque nous représentons également des associations d'employeurs et des employeurs individuels, nos entreprises sont syndiquées pour la plupart. Notre groupe existe depuis maintenant près de 15 ou 16 ans, et nous représentons les intérêts des employeurs de régie fédérale dans les questions liées aux relations de travail, à l'emploi et aux activités connexes.

On nous a demandé, je crois, de fournir un bref résumé de notre mémoire. Nous avons envoyé notre mémoire à la greffière il y a trois semaines environ en anglais et en français, et j'en lirai des extraits qui résument nos principaux arguments.

De toute évidence, le commerce électronique est le but premier de cette mesure proposée. Lorsqu'il a comparu devant votre comité en décembre dernier, le ministre a déclaré, dans sa présentation, sur les questions d'emploi, que le projet de loi C-54 est «un élément essentiel de notre programme national et international en matière de commerce électronique». Malheureusement, à tout le moins en ce qui a trait aux relations de travail, le projet de loi déborde largement le cadre de cet objectif, et les ETCOF sont d'avis que, bien qu'il semble avoir été rédigé avec la protection des utilisateurs en tête, on n'a pas considéré assez longuement ses conséquences au plan de la conservation et de l'utilisation des documents et des données sur les employés.

Passons maintenant à des points plus précis: l'une des difficultés réside dans le fait que non seulement les cas où l'on peut recueillir des données sans le consentement de l'employé sont très limités, mais de plus la loi ne nous permet même pas de garder ces données confidentielles. Autrement dit, la loi créerait à notre avis un piège fortuit en ce qu'elle permettrait à l'employeur de recueillir des renseignements sans le consentement de l'intéressé, sous le régime du paragraphe 7(1), dans le cas où ce consentement risquerait de compromettre l'usage de ces renseignements; par contre, s'il advient que l'employé demande qu'on lui communique les renseignements, la loi prévoit moins de possibilités de lui en interdire l'accès—en application du paragraphe 9(1).

Permettre à l'employé d'avoir accès aux renseignements après qu'ils ont été adéquatement recueillis risque également de compromettre leur usage; ce fait ne semble pas avoir été constaté ni pris en compte. Nous avons étudié le projet de loi et nous avons trouvé des exemples où l'application des dispositions pourrait avoir un effet très préjudiciable aux relations avec les employés.

Nous avons extrait deux exemples de notre mémoire aux fins du résumé. Il y a d'autres exemples dans notre mémoire, mais nous ne croyons pas que la liste en soit exhaustive.

Pour ce qui est des renseignements sur un employé qui fait l'objet d'une plainte—par exemple une plainte pour harassement sexuel ou racial—si notre interprétation du projet de loi est juste, nous recueillerions des renseignements sur un employé présumé auteur de harcèlement, sans pouvoir assurer le plaignant de la confidentialité de ces renseignements, puisque le présumé harceleur pourrait bien y avoir accès en vertu des dispositions sur l'accès aux renseignements du projet de loi.

Tout en comprenant bien qu'à une certaine étape du processus, le présumé harceleur devrait être informé des éléments qui lui sont reprochés, nous croyons qu'aux étapes préliminaires de l'enquête, il faudrait pouvoir assurer au plaignant la confidentialité des renseignements. Nous appréhendons fortement que cette loi ne décourage les victimes de harcèlement sexuel de porter plainte.

• 1540

Passons aux renseignements sur les employés, recueillis lors du processus de négociation des conventions collectives. Le projet de loi soulève une autre inquiétude à propos de l'interdiction qu'a l'employeur de fournir au syndicat des renseignements personnels sur les membres d'une unité de négociation sans l'accord préalable des intéressés. Dans le domaine des relations syndicales, lorsqu'une entente écrite prévoyant la divulgation des renseignements est signée par un syndicat accrédité, on considère comme acquis le consentement des employés appartenant à cette unité de négociation. En vertu de ce principe, le syndicat a accès aux données sur le personnel traitant d'employés en particulier sans obtenir leur consentement préalable.

Rien dans le paragraphe 7(3) ne semble autoriser la fourniture de ces renseignements au syndicat sans le consentement des employés. Par conséquent, en vertu de ce projet de loi, les obligations et droits de l'employeur inscrits dans les conventions, qui sont régis par le Code canadien du travail, pourraient être tout à fait contraires à ses obligations aux termes de la loi proposée.

Permettez-moi d'aborder quelques questions de compétence. L'article 25 du projet de loi précise ce qui suit:

    Le ministre de l'Industrie peut, avec l'approbation du gouverneur en conseil, déléguer à toute personne pouvant être consultée en application du paragraphe 23(1) les attributions que la présente partie confère au commissaire.

C'est donc dire qu'il y aurait délégation aux provinces d'attributions en matière d'administration de la protection des renseignements personnels. Les ETCOF ne sont pas d'accord. Le paragraphe 23(1) traitant d'une loi provinciale «essentiellement similaire» n'a rien de rassurant à nos yeux. Enfin, il n'existe pas deux lois identiques. Cette disposition entraînera presque à coup sûr un traitement différent.

Dans un contexte de régie fédérale, on s'attend à ce que les mêmes lois et règlements s'appliquent tous également, dans tout le pays. De nombreux membres des ETCOF sont des organisations menant des activités à l'échelle interprovinciale et l'un des avantages d'être une organisation de régie fédérale est que les mêmes procédures s'appliquent d'un océan à l'autre. En vertu de cette disposition, nous serons tenus de nous soumettre aux diverses exigences provinciales, dans les limites des attributions qui ont été déléguées. La délégation d'attributions entraînerait la création de règles hétéroclites qui seraient difficiles à respecter et qui, en matière de divulgation des renseignements sur les employés, varieraient selon le domicile de ceux-ci. Dans le cas d'un effectif réparti dans plusieurs provinces, on verrait l'émergence de droits et procédures différents, ce qui constituerait un précédent indésirable.

L'incidence de la loi sur le processus de négociation des conventions collectives au fédéral nous préoccupe particulièrement. À notre avis, rien ne justifierait que certaines dispositions des conventions collectives, ou certaines questions abordées à la table de négociation, soient assujetties aux décisions—pas nécessairement compatibles—des divers commissaires provinciaux à la protection des renseignements personnels.

Qui plus est, les ETCOF voudraient que les dispositions interdisant à l'employé l'accès aux renseignements, qui seront inscrites dans la loi en question, le soient aussi dans la Loi sur la protection de la vie privée qui s'applique actuellement au secteur public de régie fédérale, car ainsi, les mêmes règles s'appliqueraient à tous les employeurs à charte fédérale. Si la dérogation inscrite dans le projet de loi C-54 n'est pas codifiée dans la Loi sur la protection de la vie privée, les règles sur la divulgation des renseignements différeront entre les divers employés régis par les lois fédérales. Et puisque les sociétés d'État fédérales comme Postes Canada et la SRC sont régies par le Code canadien du travail, elles devraient aussi être assujetties à cette mesure législative.

Je préciserai que ce que nous demandons, ce n'est pas l'abrogation totale de la Loi sur la protection de la vie privée. Nous ne parlons que des organismes assujettis et à la Loi sur la protection de la vie privée et au Code canadien du travail, en fait, des sociétés d'État. La majeure partie des organismes assujettis à la Loi sur la protection de la vie privée continuerait de l'être. Nous ne parlons que d'organismes comme Postes Canada et la SRC, comme je l'ai mentionné.

En résumé, il existe déjà un ensemble complet de lois et de règlements, incluant les dispositions sur la conservation des documents sur les employés et l'accès à ces documents, qui régit les relations entre les employeurs, leurs employés et les syndicats. Les ETCOF estiment que la jurisprudence et les textes législatifs comme le Code canadien du travail et la Loi canadienne sur les droits de la personne assurent un équilibre adéquat entre les intérêts complexes et divergents, à savoir le droit des employeurs de recueillir des renseignements et le droit des employés à voir leur vie privée protégée. Prenons le Code canadien du travail; la partie I traite du devoir de juste représentation et la partie III contient des dispositions sur la conservation des dossiers des employés.

Étant donné qu'on n'a pas consulté les employeurs au sujet des conséquences considérables et semble-t-il totalement imprévues de la nouvelle loi au plan des renseignements nécessaires à l'administration des relations employeur-employés, cette loi aurait un effet perturbateur sur le fragile équilibre entre le droit des employés à la vie privée et le droit des employeurs de recueillir et d'utiliser des renseignements sur le milieu de travail, équilibre qui repose sur un ensemble complexe de règles inscrites dans la jurisprudence. Des exemples de tels effets perturbateurs ont été mentionnés ci-dessus et, comme je l'ai dit, il y en a davantage encore dans notre mémoire. C'est pourquoi les ETCOF demandent que les données sur les employés soient exclues des dispositions de ce projet de loi.

• 1545

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Brazier.

S'il n'y a pas d'autres déclarations préliminaires, nous allons passer aux questions, en commençant par M. Jaffer.

M. Rahim Jaffer (Edmonton—Strathcona, Réf.): Merci, madame la présidente.

Si j'ai bien compris, les ETCOF estiment que la collecte de renseignements à des fins de gestion des ressources humaines ne constitue pas vraiment une activité commerciale mais plutôt une simple question administrative interne des entreprises et des organisations. Par conséquent, les renseignements recueillis par une entreprise sur ses employés ne devraient pas être assujettis aux dispositions du projet de loi C-54, comme c'est le cas actuellement. C'est du moins ce que j'ai compris. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi il est important de faire la différence entre les renseignements personnels utilisés à des fins commerciales et les renseignements personnels utilisés à des fins non commerciales. Tous les renseignements personnels devraient-ils être traités de la même façon, quelles que soient les fins pour lesquelles ils sont recueillis ou utilisés?

M. Don Brazier: Tout d'abord, je ferai quelques observations, et je laisserai mes collègues ajouter les leurs.

D'après l'exposé qu'a prononcé le ministre devant votre comité, d'après le communiqué de presse qui a été publié lors du dépôt de cette mesure législative à la Chambre des communes et d'après les documents qui ont été recueillis précisément dans le cadre des consultations, il semble que le but premier de ce projet de loi soit la transmission de données électroniques. J'ai consulté les procès-verbaux de votre comité sur le site Web, et il semble que ce soit une question fort importante.

Nous nous sommes rendu compte des répercussions de cette mesure législative tard dans le processus. Nous pensions que ce projet de loi portait essentiellement sur des activités comme, par exemple, l'achat de livres sur Internet et aux activités commerciales. Nous constatons maintenant que la portée de cette mesure va au-delà des activités commerciales et des renseignements électroniques, puisque la définition que l'on donne des renseignements dans le projet de loi s'applique à peu près à tout. Elle s'applique aux formulaires écrits, au courrier électronique, ainsi qu'à tous les documents, qu'ils soient écrits à la main, dactylographiés ou autres.

Nous ne croyons pas que ce véhicule soit le plus à propos. On peut certes défendre l'idée que le gouvernement fédéral doit adopter une mesure législative applicable au secteur privé, et c'est ce que nous disons également, puisqu'il existe déjà une loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur public. Toutefois, il vaudrait mieux examiner ces mesures de façon entièrement indépendante. Ce qui nous inquiète, c'est que ce projet de loi a été rédigé en vue de son application à des activités commerciales et qu'on ne tient pas compte de certaines nuances qui existent dans les lois en matière de relations de travail. On essaie peut-être de ratisser trop large dans ce projet de loi.

Certaines des mesures rédigées visaient peut-être des fins différentes. Par exemple, la définition de l'utilisation que l'on trouve dans le projet de loi laisse entendre qu'on ne peut transmettre de données au sein d'une même organisation. À notre époque, il existe des organisations trois fois plus vastes que celles que nous représentons, et de plus, la plupart des ETCOF centralisent leur information. Par exemple, notre siège social est situé à Calgary, et c'est là que nous envoyons toutes les demandes d'emploi. Si vous prenez le projet de loi au pied de la lettre, ce ne serait plus possible. Il ne serait pas possible de transmettre ces données. Les renseignements devraient être conservés au bureau où la personne a rempli la demande. De toute évidence, cela n'a jamais été le but de cette mesure législative. Cette définition a peut-être été incluse dans le projet de loi afin de viser certains aspects des activités commerciales qui n'ont rien à voir avec les données sur les employés.

C'est donc un exemple de ce qui nous inquiète dans le projet de loi, car on essaie d'y établir un objectif central, même s'il a comme effet secondaire de s'appliquer aux renseignements sur les employés.

Je ne veux pas monopoliser la conversation. Peut-être Leslie- Anne ou David ont-ils des observations à ajouter.

M. Rahim Jaffer: J'ai une autre question dans la même veine, madame la présidente.

La présidente: Monsieur Jaffer.

M. Rahim Jaffer: C'est la contradiction que vous mentionnez dans votre mémoire. Vous y dites que, plus particulièrement dans le cas du paragraphe 7(1), il est permis de recueillir des renseignements personnels sans le consentement de l'intéressé lorsque demander son consentement risque de contrarier les fins pour lesquelles les renseignements sont recueillis. On dit également au paragraphe 9(3) que les renseignements peuvent ne pas être divulgués s'ils ont été produits dans le cadre d'un mode de règlement des différends.

• 1550

S'il n'est pas possible d'exempter les ETCOF de l'application du projet de loi C-54, préconiseriez-vous l'élimination de l'alinéa 9(3)e), dont vous avez dit qu'il était trop limité pour ce qui est d'empêcher l'accès aux renseignements personnels? Permettriez-vous que soit conservé le paragraphe 7(1)? Cette solution serait-elle assez souple pour calmer votre inquiétude?

M. Don Brazier: Je veux faire une observation et je demanderai à David de commenter également car, puisqu'il travaille à la Société canadienne des postes, il pourra mentionner certains problèmes liés à cette mesure législative. J'ajouterai toutefois qu'à notre avis, les mesures de protection consenties aux employeurs en matière de divulgation dans ce projet de loi ne répondent pas autant à nos besoins que celles que l'on trouve dans la Loi sur la protection des renseignements personnels. Il vaudrait donc mieux pour nous que les mesures de protection de cette dernière s'appliquent.

Pour répondre à votre question, nous sommes préoccupés par un certain nombre de questions. De toute évidence, les employés devraient avoir accès à la vaste majorité des renseignements que l'employeur possède à leur sujet; nous le reconnaissons. Mais dans ce cas-ci, nous parlons de problèmes qui pourraient se poser dans les relations employeur-employés si, par exemple, devaient être divulgués de façon prématurée des renseignements relatifs à des plaintes de harcèlement ou à une enquête sur un incident.

Dans le domaine des transports, il faut faire enquête sur des incidents et des accidents. Dans certains cas, il faut appliquer des mesures disciplinaires contre des employés. Nous devons pour cela recueillir des renseignements. S'il faut prendre des mesures disciplinaires contre un employé, il faut que l'employé ait accès aux renseignements, mais il faut pouvoir recueillir les renseignements et tenir notre enquête sans être obligés de divulguer ces renseignements prématurément.

Le Code canadien du travail nous pose également un problème. Il existe dans nos conventions collectives des dispositions qui nous permettent de fournir des renseignements au syndicat. Dans certains cas, il s'agit de renseignements anodins, par exemple des adresses et des numéros de téléphone. Pour ce qui est de l'entreprise pour laquelle je travaille, nous fournissons les dossiers disciplinaires des employés puisque, si la disposition se trouve dans la convention collective, on estime qu'il y a consentement de fait. Ce genre de mesure risque de ne plus s'appliquer sous le régime de cette mesure législative. C'est dans ce genre de domaine que nous demandons des mesures de protection.

Il existe sans doute un compromis viable entre le libellé actuel de la loi et l'élimination du paragraphe (1). Mais pour répondre précisément à votre question, je ne saurais dire si ce que vous avez mentionné serait suffisant.

La présidente: Monsieur Olsen, vous voulez ajouter quelque chose?

M. David Olsen (avocat général adjoint, Société canadienne des postes; Employeurs des transports et communications de régie fédérale): J'aimerais entrer un peu plus dans le détail, peut-être, pour réitérer nos préoccupations. Il est essentiel pour les employeurs de pouvoir recueillir des renseignements sans avoir à craindre de devoir les divulguer de façon prématurée, c'est-à-dire avant que l'enquête soit achevée ou que des décisions soient rendues quant à la résolution de problèmes dans le milieu de travail. Je vais commencer par vous parler des dispositions actuelles de la Loi sur la protection des renseignements personnels, puis je passerai à celles du projet de loi C-54.

La Loi actuelle sur la protection des renseignements personnels oblige les employeurs à remettre des documents confidentiels aux syndicats dans le cadre de la procédure de règlement des griefs par voie d'arbitrage, du processus d'indemnisation des accidentés du travail, ainsi que des audiences devant les tribunaux des droits de la personne. Permettez-moi de vous donner quelques exemples de causes dans lesquelles nous sommes intervenus au cours des années.

Un employé dans un établissement postal agresse un collègue. Une employée est témoin de cette agression. Elle fait une déclaration confidentielle à la direction en affirmant «si cette cause va en arbitrage, je vais témoigner, mais je ne veux pas que l'autre employé sache que j'ai été témoin de cet incident, et vous n'avez pas mon consentement pour informer cet employé que j'en ai été témoin.»

• 1555

Cet employé, après avoir été l'objet de sanctions disciplinaires, et dans le cadre de la procédure de règlement des griefs par voie d'arbitrage, cherche en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels à obtenir les déclarations de tous les témoins. Le commissaire à la protection de la vie privée ordonne à l'organisme de divulguer ce document, même si le témoin qui veut être protégé ne donne pas son consentement. Mais c'est uniquement après que le commissaire à la protection de la vie privée a entamé des procédures contre nous devant la cour fédérale que l'employée, qui a depuis été mutée, donne son consentement à la divulgation du document.

Cela vous donne une idée du fonctionnement de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le contexte des relations de travail au jour le jour.

Parallèlement, en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, une personne se plaint de harcèlement sexuel en milieu de travail. Le prétendu auteur du harcèlement formule une plainte et une demande en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels, pendant que se déroule l'enquête sur les droits de la personne. Le commissaire à la protection de la vie privée déclare que la Société canadienne des postes doit divulguer toutes les déclarations confidentielles; nous nous préparons également à l'audition de cette cause devant les tribunaux.

Ainsi, du point de vue de l'employeur, même si les conventions collectives et les règles de la cour prévoient la divulgation impartiale des preuves, les dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels, et nous le disons avec tout le respect qui s'impose, s'en écartent en faveur des plaignants dans les situations que j'ai décrites.

Un article de la Loi sur la protection des renseignements personnels prévoit qu'une institution peut refuser de divulguer des documents si ces derniers sont produits dans le cadre d'une enquête licite. Il s'agit du paragraphe 22(1) de la Loi. Ainsi, les documents qui sont produits dans le cours d'une enquête peuvent ne pas être divulgués.

Cependant, rien dans la loi n'empêche la divulgation de ces documents aux termes de l'enquête ou pendant un processus quelconque de règlement des différends, comme l'arbitrage de droits, devant la Commission canadienne des droits de la personne ou le Tribunal canadien des droits de la personne, ou devant la Commission des accidents du travail.

Les rédacteurs de ce projet de loi ont cherché à combler les lacunes de l'alinéa 9(3)e), qui permet à une organisation de ne pas donner accès aux renseignements personnels si ces renseignements sont produits dans le cours d'un processus officiel de règlement des différends. Cependant, je crois comprendre que les dispositions qui auraient protégé les renseignements produits dans le cours d'une enquête qui a précédé le processus officiel de règlement des différends auraient été protégées.

Aux termes de la Loi sur la protection des renseignements personnels, les renseignements produits dans le cours d'une enquête sont protégés, et dans le projet de loi C-54, les renseignements issus du processus de règlement des différends sont protégés. Il me semble donc que les renseignements ou les documents issus d'une enquête, et le cas échéant d'un processus de règlement des différends, devraient être protégés pendant tout le processus, depuis l'enquête jusqu'à l'issue du processus de règlement des différends.

Voilà en bref ma perspective.

La présidente: Je vous remercie beaucoup, monsieur Olsen.

Je rappelle à ceux qui posent les questions et à ceux qui y répondent que nous devons essayer d'être aussi brefs que possible dans nos échanges.

Je cède maintenant la parole à Mme Jennings.

• 1600

[Français]

Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Lors de votre présentation, vous disiez que même si la loi québécoise était assez complète, elle comportait quand même certaines lacunes. Par exemple, il semble qu'on applique cette loi à des fins non prévues. Vous avez mentionné le fait qu'un employeur fédéral a entrepris une poursuite juridique afin d'empêcher l'application de la loi québécoise dans le cas de ses dossiers de renseignements personnels. J'aimerais connaître le nom de cet employeur.

Si la poursuite a déjà été entamée, ces renseignements sont du domaine public et vous pouvez donc les divulguer.

[Traduction]

M. Don Brazier: Peut-être que David en sait davantage que moi, puisqu'il est avocat, mais l'employeur en question est Air Canada. Je crois comprendre, d'après des renseignements de seconde main, qu'un employé d'Air Canada estimait ne pas avoir de recours parce qu'il n'y avait pas d'équivalent fédéral à la loi québécoise—parce que la Loi fédérale sur la protection des renseignements personnels, bien sûr, ne s'applique pas aux employeurs du secteur privé—et il a déposé une plainte auprès du commissaire à la protection de la vie privée du Québec. C'est ce qui a déclenché le différend. C'est tout ce que j'en sais. J'ignore où en est le dossier; je ne sais pas si la cause est devant un tribunal. David en sait peut-être davantage que moi.

La présidente: Monsieur Olsen.

M. David Olsen: Je suis désolé, je ne connais pas la cause du tout.

[Français]

Mme Marlene Jennings: Puisque nous avons déjà entendu parler de la cause d'Air Canada, je crois qu'il doit effectivement s'agir de cette compagnie aérienne.

Je dois vous avouer que vos arguments n'ont pas su me convaincre aujourd'hui que cette loi s'appliquera à la possession, à la cueillette, à l'utilisation et à la transmission de renseignements personnels sur les employés. J'ai étudié cette loi de façon approfondie et mon interprétation est très différente de la vôtre. Il est malheureux qu'on dispose de si peu de temps et que vous n'ayez pas l'occasion de faire valoir davantage votre point de vue et de me convaincre.

À l'alinéa 4(1)c), on stipule clairement «dans le cadre d'une entreprise fédérale». Au paragraphe 2(1), où l'on précise entre autres la définition de l'expression «entreprises fédérales», on donne une liste assez complète qui semble comprendre une compagnie qui fait du travail contractuel dans plusieurs domaines qui sont de juridiction fédérale. Je crois donc que le paragraphe 4(1) signifie que la loi s'applique à l'employeur qui recueille, utilise ou transmet des renseignements et qui accomplit justement des travaux pour le gouvernement dans le cadre d'un contrat. À l'alinéa 2(1)c), on précise justement:

    c) les lignes de transport par bateaux à vapeur ou autres navires, reliant une province à une autre, ou débordant les limites d'une province;

Je n'en donne pas du tout la même interprétation que vous. Encore une fois, je suis consciente que, faute de temps, votre présentation doit être assez sommaire. J'ai lu votre mémoire et je ne suis toujours pas convaincue que vous avez raison.

[Traduction]

M. Don Brazier: Je crois qu'on connaît bien les industries de compétence fédérale. On ne peut pas affirmer que tout ce qui relève du Code canadien du travail sera assujetti à cette loi, car les sociétés d'État feraient exception. Nous en avons parlé séparément et David a aussi abordé ce sujet. Le problème n'est pas de définir la compétence. Lorsque ce projet de loi sera adopté, peut-être que la cause d'Air Canada sera réglée, car Air Canada est évidemment de compétence fédérale.

• 1605

Ce qui nous préoccupe, ce n'est pas de définir la compétence. Je crois que l'on sait clairement qui est visé par la loi. Les membres des ETCOF sont visés parce que nous sommes de régie fédérale. Ce n'est pas ce qui nous inquiète. Ce sont plutôt les articles 23 et 25 du projet de loi qui nous préoccupent, ceux-ci permettant au gouverneur en conseil de déléguer l'administration de la loi, l'application de la loi, relativement au paragraphe 23(1).

Si ce projet de loi était adopté, selon l'interprétation que nous en faisons, le paragraphe 23(1) dit que le gouverneur en conseil peut demander au commissaire à la protection de la vie privée de la province du Manitoba, par exemple, d'administrer la loi fédérale, ou d'assujettir à la loi les employés travaillant pour une industrie de compétence fédérale à l'intérieur des frontières géographiques du Manitoba. Advenant qu'une délégation de ce genre soit effectuée partout au Canada, les employeurs de régie fédérale pourraient être assujettis à dix ensembles de lois différents. Évidemment, si nous avons mal interprété le projet de loi ou son intention, nous serions heureux d'être rassurés à cet égard, mais il semble que le gouverneur en conseil puisse déléguer la responsabilité de la gestion de cette question aux commissaires provinciaux. Cela pourrait vouloir dire que nous serions assujettis aux lois provinciales.

Une voix: C'est une mauvaise interprétation.

M. Don Brazier: Je sais qu'il n'est pas question de nous définir. C'est le seul problème. C'est peut-être un problème limité en ce sens qu'il pourrait ne jamais survenir, mais il pourrait aussi être plus grave, s'il y avait délégation.

Lorsqu'on examine la Loi sur la protection des renseignements personnels, la loi fédérale actuelle qui régit le secteur public et qui est censée être essentiellement la même que le projet de loi C- 54, nous constatons des différences importantes. Si les deux lois demeurent telles quelles, ou si ce projet de loi n'est pas modifié, nous allons constater des différences dans l'application. Comme David l'a souligné, la différence est importante. Le droit de ne pas divulguer de l'information pendant le cours d'une enquête n'est pas prévu dans le projet de loi C-54. Il s'agit d'une différence importante entre les deux lois, même si celles-ci sont censées être assez semblables.

Nous avons tout d'abord des réserves pour ce qui est d'être administrés par un organisme provincial, car cela pourrait se traduire par un traitement différent selon la province. Des employeurs nationaux, comme nous trois, seront assujettis aux lois provinciales, ce qui nous inquiète.

[Français]

La présidente: Madame Jennings.

Mme Marlene Jennings: J'aimerais simplement vous dire que votre interprétation n'est pas justifiée. Je viens tout juste de relire les articles 23, 25 et 27 et je crois que votre interprétation de ces trois articles est fausse. Je ne crois pas qu'une interprétation juste appuierait l'hypothèse que vous avez défendue ici aujourd'hui. D'ailleurs, lors de sa comparution, le commissaire à la protection de la vie privée nous a donné une interprétation différente de la vôtre.

[Traduction]

La présidente: Merci, madame Jennings.

Monsieur Brazier, aviez-vous quelque chose à ajouter à ce sujet? Non?

[Français]

Monsieur Dubé.

M. Antoine Dubé (Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière, BQ): Bien que vous l'ayez peut-être précisé au début de votre intervention, j'aimerais savoir si, parmi les 24 organismes que vous représentez, où figurent entre autres des sociétés de la Couronne comme la Société canadienne des postes, on retrouve des entreprises qui ne sont pas de juridiction fédérale.

• 1610

[Traduction]

M. Don Brazier: Tous les employeurs individuels, comme nous trois—Bell Canada et la SRC constituant d'autres exemples—seraient de compétence fédérale. Mais comme nous comptons aussi des associations membres, comme l'Association du camionnage, ces associations pourraient compter certains membres de compétence provinciale, de même que de nombreux membres de compétence fédérale. Même si on ne peut pas dire que tous nos membres sont de compétence fédérale, les employeurs individuels le sont. La seule façon qu'une association peut devenir membre des ETCOF, c'est si un nombre important des entreprises membres sont de compétence fédérale.

[Français]

M. Antoine Dubé: Je suis d'accord avec vous lorsque vous dites que le projet de loi encadre de façon très large la protection des renseignements personnels et dépasse le domaine électronique. Vous précisiez que le fait qu'il touche à de très nombreux aspects vous avait amené à vous en préoccuper encore davantage.

Je m'intéresse en particulier à l'incidence de ce projet de loi sur la loi provinciale. Vous avez repris certains arguments que nous, du Bloc québécois, utilisons, mais dans un but différent. J'aimerais que vous précisiez votre pensée là-dessus. Puisqu'au Québec une loi régit déjà la protection des renseignements personnels, on nous dit que l'adoption de ce projet de loi entraînerait pour certaines entreprises d'un même secteur des traitements différents, ce que vous dénoncez d'ailleurs. À titre d'exemple de double effet, vous avez aussi souligné que les entreprises régies par le Code canadien du travail et les sociétés de la Couronne feraient l'objet de traitements différents. Comme on le constate, cela amènerait de nombreuses complications.

Vous disiez que la loi québécoise était plus détaillée. Bien que vous sembliez, à première vue, faire un compliment, vous dites aussi qu'elle n'atteint pas l'objectif recherché puisqu'elle ne règle pas la question des listes de distribution. Comment évaluez-vous cette loi par rapport au projet de loi que nous étudions ici?

[Traduction]

M. Don Brazier: Je dois m'excuser. Peut-être que Leslie ou David connaissent la loi québécoise.

Pour illustrer les répercussions de la loi, nous avons surtout établi une comparaison dans le cas de la Loi sur la protection des renseignements personnels, car les organisations comme la SRC et la Société canadienne des postes sont visées par cette loi et sont aussi membres des ETCOF. C'est pourquoi nous pouvons parler en connaissance de cause du mode d'application de la loi. Je suis désolé, mais aucun de nos membres ne connaît suffisamment la loi québécoise pour en parler avec autant d'assurance que David l'a fait au sujet de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Je suis désolé de ne pas pouvoir en parler.

[Français]

M. Antoine Dubé: J'aimerais connaître votre opinion sur la loi qui existe actuellement au Québec et qui vise les mêmes questions. Nous soutenons qu'il y aura un double régime. Certaines entreprises de juridiction provinciale qui voudront faire du commerce électronique au niveau interprovincial ou international devront se soumettre à la juridiction fédérale, et donc à un double régime, ce qui compliquera les choses. Je voudrais entendre votre opinion sur la loi actuelle au Québec.

[Traduction]

M. Don Brazier: En réponse à votre première question, ce n'est pas vraiment de mon ressort, mais cela illustre encore une fois que nous touchons différents secteurs. Selon moi, les entreprises qui sont de compétence provinciale et qui seraient touchées par le genre de transactions internationales visées par ce projet de loi participeraient à une activité commerciale. Il est difficile à première vue d'évaluer comment entrerait en jeu l'information sur l'emploi. Dans le cas d'une multinationale, les entreprises—par exemple General Motors, une entreprise américaine qui exploite une usine au Québec—s'échangent de l'information par voie électronique du Canada aux États-Unis, tout comme les bureaux de mon employeur peuvent s'échanger de l'information au Canada. Nous avons aussi des activités aux États-Unis, et le même phénomène se produit à l'échelle internationale. Mais notre entreprise est de régie fédérale.

• 1615

Je ne peux répondre à la question concernant le traitement réservé à une entreprise de compétence provinciale—et je peux citer à nouveau General Motors comme exemple—qui transmet de l'information à l'étranger, alors que les relations internationales sont une compétence fédérale. Malheureusement, je ne peux pas en parler, car je ne connais pas le domaine. Cependant, je suppose que cela a trait aux aspects commerciaux du projet de loi, plutôt qu'aux aspects relatifs à l'emploi.

La présidente: Dernière question, monsieur Dubé.

[Français]

M. Antoine Dubé: Vous disiez que le projet de loi n'était pas le meilleur moyen de protéger les renseignements qui touchent les employés. Si tel est le cas, quel serait le meilleur moyen de le faire tout en évitant de causer des inconvénients majeurs aux entreprises?

[Traduction]

M. Don Brazier: Je crois que notre première proposition serait d'adopter deux lois distinctes, d'abord une loi qui traiterait précisément de l'emploi et par conséquent de définir les différentes notions. Le terme «utilisé» est un exemple. Il peut avoir un sens très restrictif—sans doute involontairement—sur le plan de l'application du projet de loi.

Deuxièmement, il faut savoir tirer les leçons de l'expérience. L'application de la loi actuelle sur la protection des renseignements personnels, qui vise le secteur public fédéral, a entraîné de nombreux litiges et différends. Je crois que nous pouvons en tirer des leçons.

Nous ne sommes pas convaincus que ce projet de loi règle certains des problèmes inhérents sur la protection des renseignements personnels. Mais s'il existe un besoin de légiférer, nous croyons que cela ne devrait pas se faire dans le cadre d'un projet de loi qui porte sur l'information électronique et qui semble essentiellement viser le droit commercial plutôt que le droit du travail.

Si l'on pense aux renseignements sur les relations avec les employés, il faut se rappeler que le secteur privé de régie fédérale est fortement syndiqué. Il y a bien sûr des exceptions, comme dans le cas des banques, mais les secteurs des transports et des communications sont fortement syndiqués. Une importante jurisprudence a été constituée dans ce dossier. Il s'agit du dossier du travail. Nous disposons de lois exhaustives sur le travail: la Loi canadienne sur les droits de la personne, la Loi sur les critères en matière d'emploi, ainsi que les parties I, II et III du Code canadien du travail. Si nous voulons légiférer dans d'autres secteurs—vous avez parlé du harcèlement sexuel et des griefs, et quoi encore—il faudra le faire séparément, en tenant compte des lois actuelles et de la jurisprudence.

Nous croyons que cette loi porte strictement sur ce qui était prévu au départ. C'est-à-dire qu'elle porte sur le transfert électronique de l'information. L'intention du ministre n'était certainement pas de mettre l'accent sur les activités commerciales et sur la protection des consommateurs qui utilisent l'information électronique. J'ai donné un exemple sur l'achat de marchandises sur Internet. Nous estimons qu'il s'agit d'une question qui n'est aucunement liée à la protection des renseignements personnels ou des renseignements sur les employés.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Brazier et monsieur Dubé.

Monsieur Lastewka.

M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.): J'ai deux questions. Une brève pour commencer, puis j'aimerais discuter du paragraphe 9(3), dont vous avez parlé.

La SRC n'est pas visée par la loi fédérale sur la protection des renseignements personnels, mais elle le sera par le projet de loi C-54. Préféreriez-vous que les membres des ETCOF soient visés par la loi fédérale sur la protection des renseignements personnels?

M. Don Brazier: Je n'étais pas au courant. J'ai supposé que la SRC était visée par la loi fédérale sur la protection des renseignements personnels. Nous estimons que le Code canadien du travail est plus pertinent en ce qui concerne les renseignements personnels sur les employés. Comme il s'applique aux sociétés d'État fédérales comme la SRC et la Société canadienne des postes, nous estimons qu'il est préférable qu'elles soient visées par ce Code, plutôt que par les lois visant le secteur public. Nous estimons qu'il est plus logique qu'elles soient assujetties aux lois sur le secteur privé étant donné qu'elles sont visées par la législation sur les relations de travail dans le secteur privé, à savoir le Code canadien du travail.

M. Walt Lastewka: Au sujet de vos commentaires sur les articles 23, 25 et 27, dont Mme Jennings a aussi parlé, je suis plutôt d'accord avec elle. Je crois que nous avons besoin d'en discuter davantage si vous n'êtes pas d'accord.

• 1620

Mais j'aimerais qu'on se penche sur le paragraphe 9(3). Vous avez donné l'exemple du règlement des différends et vous avez expliqué que cela annule le processus si vous devez divulguer l'information, mais je ne suis pas sûr de comprendre votre problème. Peut-être pourriez-vous préciser la nature du problème que cela pose à l'égard du projet de loi C-54 et du Code canadien du travail. Où se situe le conflit?

M. Don Brazier: Le problème touche plusieurs aspects. Tout d'abord, comme je l'ai mentionné, la Loi sur la protection des renseignements personnels renferme une disposition qui n'existe pas dans le projet de loi C-54, et elle a fait l'objet de litiges, comme David l'a mentionné. C'est le problème de la non-divulgation pendant le déroulement d'une enquête. Cette disposition n'existe pas dans le projet de loi C-54.

On peut supposer qu'une plainte de harcèlement sexuel constituerait une enquête, même si le libellé de la Loi sur la protection des renseignements personnels parle d'enquête officielle. Une enquête sur un incident qui pourrait se traduire par des mesures disciplinaires constituerait également une enquête. Il y a d'autres exemples d'enquêtes que je pourrais vous donner par rapport à ce que j'appellerais les relations quotidiennes avec les employés.

Par exemple, lorsqu'un employé affirme qu'il a été victime de harcèlement sexuel, la pratique courante veut que l'on réunisse les faits et l'information à ce sujet et que l'on détermine par la suite s'il faut pousser l'enquête plus loin. Il peut en résulter une enquête disciplinaire, donnant lieu à des mesures disciplinaires contre l'employé. Tant qu'une décision n'est pas prise, l'information est recueillie en toute confidentialité. Nous craignons que l'auteur présumé du harcèlement puisse demander à tout moment qu'on lui communique cette information, ce qui va dissuader les employés de déposer des plaintes de harcèlement, ou dissuader les gens de fournir de l'information à l'entreprise parce que nous ne pouvons pas assurer la confidentialité desdits renseignements. Cela nous préoccupe au plus haut point. Il serait certainement utile de reprendre les dispositions existant dans la Loi sur la protection des renseignements personnels.

L'autre point porte sur le processus officiel de règlement des différends. Cela est sujet à interprétation, mais nous ne croyons pas que le processus de règlement des plaintes de harcèlement sexuel, par exemple, exigé en vertu de la Loi sur les droits de la personne et la partie III du Code du travail, est un processus de règlement des différends, parce qu'il n'y a pas de mécanisme pour résoudre le différend. Si le plaignant n'est pas satisfait, il doit déposer une plainte en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Le seul processus officiel de règlement des différends qui nous vient à l'esprit est la procédure de grief, qui comprend l'arbitrage. Il s'agit véritablement d'un processus de règlement des différends. Nous croyons que c'est trop restreint. Si cela doit viser les enquêtes normales menées à la suite d'incidents, par exemple de harcèlement, nous croyons que la définition est beaucoup trop restrictive. Deuxièmement, comme David l'a mentionné, nous ne jouissons d'aucune mesure de protection en matière d'enquêtes comme c'est le cas dans la Loi sur la protection des renseignements personnels.

La présidente: Monsieur Lastewka.

M. Walt Lastewka: Je vais devoir demander un peu d'aide, car je ne vois pas quelle est la nature du conflit.

M. David Olsen: Peut-être que je pourrais vous aider.

La présidente: Monsieur Olsen.

M. David Olsen: L'alinéa 22(1)b) de la Loi sur la protection des renseignements personnels dit essentiellement qu'un employeur peut refuser de divulguer des renseignements si ceux-ci ont été recueillis dans le cours d'une enquête licite. On pourrait s'arrêter ici. Donc, en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels, si quelqu'un se plaint de harcèlement sexuel au lieu de travail et que vous amorcez une enquête, les documents confidentiels et les déclarations de témoins recueillies au cours de ce processus sont protégés.

Le Commissariat à la protection de la vie privée dit, cependant, qu'au terme de l'enquête, vous devez divulguer la documentation si une demande est présentée en ce sens, même si le processus est allé au-delà de l'étape de l'enquête et que le plaignant s'est adressé à la Commission des droits de la personne, ou si vous avez pris des mesures disciplinaires à l'encontre de l'auteur du harcèlement et qu'un arbitre est en train d'étudier la cause pour déterminer si ces mesures étaient justifiées. Le Commissariat à la protection de la vie privée dit qu'au terme de l'enquête, vous devez divulguer ces documents.

• 1625

Nous sommes d'avis que cela est quelque peu injuste envers les employeurs car cela va dissuader les gens de parler. En fin de compte, la Loi canadienne sur les droits de la personne et la convention collective pour les arbitres dans les cas des griefs prévoient des règles concernant la divulgation équitable de documents. Si une partie doit divulguer, l'autre doit le faire également et tout doit sortir lors de l'audience. C'est donc prévu dans la Loi sur la protection des renseignements personnels, et nous avons eu des désaccords avec le commissaire à la protection de la vie privée quant au moment où nous devions divulguer.

Aux termes du projet de loi C-54, il semble que les documents qui peuvent être produits à l'étape de l'enquête ne soient pas protégés, car l'alinéa 9(3)e) parle seulement de protéger l'information qui a été produite au cours d'un processus officiel de règlement des différends. Il semble donc qu'il s'agisse là de la période suivant l'enquête. Si l'affaire est devant un arbitre ou devant le Tribunal des droits de la personne, les règles contenues dans la convention collective au sujet de la production de documents s'appliquent. Si on lit strictement les documents, il semblerait qu'il faut les produire à la fin de l'enquête ou pendant l'enquête. Je pense qu'il faut les deux parties. Il faut protéger à la fois pendant l'enquête et pendant l'étape officielle de règlement des différends.

Est-ce plus clair, monsieur?

M. Walt Lastewka: Oui, je comprends cela.

M. David Olsen: Merci.

M. Walt Lastewka: Merci, madame la présidente.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Lastewka.

Monsieur Jones, avez-vous des questions?

M. Jim Jones (Markham, PC): Oui, j'ai une question.

Avez-vous consulté—vous êtes avec Postes Canada et Air Canada—les sociétés pour savoir si elles avaient les mêmes préoccupations?

M. Don Brazier: Nous représentons les sociétés ici.

M. Jim Jones: Je croyais que vous représentiez les syndicats.

M. Don Brazier: Oh non, nous représentons les employeurs. Tout ce que je peux dire—et c'est plutôt quelque chose d'improvisé—c'est que je suis en train de négocier à l'heure actuelle avec l'un de nos principaux groupes de syndicat. Je travaille avec CP Rail, qui représente les employés d'exploitation, les mécaniciens et les chefs de train. Pour ce qui est de la divulgation au syndicat, il y a des questions de ce genre à la table de négociation; nous en discutons à l'heure actuelle. Nos syndicats savent qu'on est en train de mettre en place une mesure législative qui pourrait, selon notre interprétation, soulever certaines préoccupations.

Je dois admettre qu'en naviguant sur Internet pour me renseigner au sujet de vos délibérations, je ne crois pas avoir remarqué d'appel de syndicat devant le comité, bien que la dernière journée de délibérations que j'aie vue ait sans doute été le 8 février environ. Il y a peut-être eu d'autres délibérations par la suite.

Par ailleurs, nous en avons discuté avec le CTC—le CTC a un exemplaire de notre mémoire—car nous pensons que ce sont là des questions qui nous préoccupent mutuellement. Voilà dans quelle mesure j'en ai parlé personnellement avec les syndicats. Je ne peux parler pour d'autres employeurs qui en ont peut-être parlé à leurs syndicats.

Mme Leslie-Anne Lewis (gestionnaire, Législation sur l'emploi, Canadien National; Employeurs des transports et communications de régie fédérale): Le CN n'a pas encore eu d'entretiens spécifiques avec le syndicat à cet égard non plus.

La présidente: Je n'ai pas d'autres intervenants sur ma liste à l'heure actuelle. Je tiens donc à remercier nos témoins d'être venus nous rencontrer aujourd'hui. Cela a été un échange très instructif. Nous vous en remercions. Nous vous remercions d'être venus nous rencontrer malgré la neige. Nous allons certainement examiner non seulement votre mémoire mais aussi les échanges que nous avons eus aujourd'hui au cours de nos délibérations. Merci beaucoup.

La séance est levée, mais le comité directeur va maintenant siéger. Les membres du comité directeur peuvent rester. Je sais qu'ils sont tous très enthousiastes.