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INDY Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON INDUSTRY

COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 18 février 1999

• 0911

[Traduction]

La présidente (Mme Susan Whelan (Essex, Lib.)): La séance est ouverte. Conformément à un ordre de renvoi de la Chambre en date du mardi 3 novembre 1998, le comité poursuit l'examen du projet de loi C-54, Loi visant à faciliter et à promouvoir le commerce électronique en protégeant les renseignements personnels recueillis, utilisés ou communiqués dans certaines circonstances, en prévoyant l'utilisation de moyens électroniques pour communiquer ou enregistrer de l'information et des transactions et en modifiant la Loi sur la preuve au Canada, la Loi sur les textes réglementaires et la Loi sur la révision des lois.

Nous sommes très heureux aujourd'hui d'accueillir quatre témoins. Avant de commencer l'audition des témoins, j'attire votre attention sur le fait qu'il est prévu à l'article B de l'ordre du jour que nous étudions le Règlement sur le financement des petites entreprises du Canada pris aux termes de la Loi sur le financement des petites entreprises du Canada. Le projet de rapport propose que le Règlement soit renvoyé devant la Chambre des communes. Nous avons communiqué avec tous nos témoins et le Règlement tel qu'il est proposé ne pose de difficultés à aucun d'entre eux. Personne ne souhaite comparaître devant le comité à ce sujet.

Nous n'avons pas actuellement le quorum de sorte que nous ne pouvons pas adopter la motion. Nous n'avons pas à régler cette question immédiatement. Lorsque nous aurons le quorum, nous pourrons cependant adopter la motion si nous le souhaitons. Je voulais simplement vous faire savoir qu'aucun témoin ne souhaite comparaître devant le comité à ce sujet. La greffière a communiqué avec tous les témoins et j'ai moi-même parlé avec un certain nombre d'entre eux.

Madame Lalonde.

[Français]

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): En décembre, Mme Finestone avait demandé qu'on fasse une comparaison entre les directives de la Communauté européenne, la loi québécoise, le projet de loi C-54 et éventuellement d'autres textes législatifs. Est-ce qu'on a terminé la rédaction de ce document et, si oui, pourrions-nous en obtenir copie?

[Traduction]

La présidente: Est-ce terminé?

M. John Craig (attaché de recherche du comité): Oui.

La présidente: Le document a-t-il été distribué à tous les membres?

M. John Craig: Il a été envoyé à tous les membres à la fin de la semaine dernière.

La présidente: Pouvez-vous voir ce qu'il en est? Je ne l'ai pas reçu.

M. John Craig: Le document compare le projet de loi C-54 à la loi québécoise. C'est ce qu'on m'avait demandé de faire.

Mme Francine Lalonde: Le projet de loi C-54.

[Français]

Est-ce qu'on y traite également de la directive européenne?

M. John Craig: Non, la demande ne visait que le projet de loi C-54 et la loi du Québec.

Mme Francine Lalonde: Je présente donc une autre demande relative à la directive européenne. M. Flaherty avait fait une telle étude pour la directive européenne et on pourrait peut-être tout simplement la distribuer.

[Traduction]

La présidente: Pouvons-nous le faire?

M. John Craig: Oui.

La présidente: Je suis heureuse de souhaiter la bienvenue à nos témoins aujourd'hui. Nous accueillons quatre témoins et on devrait vous avoir remis quatre mémoires. Certains de ces mémoires sont assez volumineux.

Nos témoins savent que nous leur donnons cinq minutes pas plus pour faire leur exposé. Il y aura ensuite une période de questions. Les mémoires qui nous ont été remis sont assez volumineux et nous avons aussi bien des questions à poser.

Nous accueillons de l'Institut d'histoire de l'Amérique française, Mme Joanne Burgess, présidente; de la Société historique du Canada et de l'Université d'Ottawa, M. Chad Gaffield; de l'Association des archivistes du Québec, Mme Danielle Lacasse, présidente; et de l'Association canadienne des archivistes, M. Terry Cook, membre de l'Association.

• 0915

Je suis heureuse de vous souhaiter à tous la bienvenue. Je vais donner la parole aux témoins dans l'ordre où je les ai présentés. J'accorde donc la parole à Mme Burgess.

[Français]

Mme Joanne Burgess (présidente, Institut d'histoire de l'Amérique française): Merci, madame la présidente. Merci, mesdames et messieurs. J'ai le plaisir d'être ici pour parler au nom de la communauté historienne du Québec. Si vous nous le permettez, trois des associations invitées à vous rencontrer ce matin feront une présentation commune. Il s'agit de l'Institut d'histoire de l'Amérique française, principale association professionnelle des historiens et des historiennes du Québec, dont je suis la présidente; de la Société historique du Canada, association pancanadienne des historiens et historiennes et des professionnels de l'histoire, représentée par M. Chad Gaffield; et de l'Association canadienne des archivistes, association pancanadienne des archivistes représentée par M. Terry Cook.

Si nos mémoires respectifs adoptent des argumentations différentes et insistent tout particulièrement sur certaines questions, des points communs s'en dégagent. C'est sur ces points communs que nous désirons insister. Permettez-moi d'amorcer cette brève présentation.

Comme citoyens canadiens, les membres de nos associations respectives sont heureux de l'introduction d'une loi fédérale visant à protéger la vie privée dans cette ère d'expansion du commerce électronique et des échanges internationaux. Comme historiens et archivistes ayant une longue tradition du traitement des données à caractère personnel et des questions d'éthique qu'elles suscitent, nos membres sont conscients de l'importance de protéger les renseignements personnels.

Toutefois, leur expérience des lois d'accès à l'information et de protection des renseignements personnels leur ont aussi permis de constater que la protection de la vie privée peut entraîner des effets imprévus et pervers sur la préservation du patrimoine archivistique, sur l'accès au passé et sur la pratique de l'histoire. C'est pourquoi les historiens et les archivistes réunis dans ces associations défendent la réconciliation du droit à la vie privée avec d'autres droits humains fondamentaux, dont le droit à la liberté d'expression et le droit à l'information. C'est pourquoi ils affirment la valeur sociale et mémorielle des renseignements personnels. C'est pourquoi ils insistent sur la très grande diversité des renseignements personnels et de leur sensibilité. C'est pourquoi, enfin, ils exigent un cadre réglementaire suffisamment souple pour ne pas restreindre l'épanouissement de la connaissance et de la culture historique.

À la lumière de ces considérations, le projet de loi C-54 nous semble favoriser cet équilibre entre le droit à la vie privée et l'accès au passé. Dans nos mémoires, nous exprimons notre appui général à l'approche adoptée. Nous croyons toutefois que des améliorations sont encore possibles et que certaines clarifications s'imposent. C'est pour cela que mes deux collègues et moi formulerons un certain nombre de recommandations et de demandes d'amendements. Permettez-moi de commencer en formulant deux recommandations touchant toutes les deux au champ d'application de la loi.

La première recommandation porte sur les effets du projet de loi C-54 sur les institutions archivistiques et les fonds d'archives privés. Nous souhaitons d'abord une modification de l'alinéa 4(2)a) du projet de loi, qui exclut du champ d'application de la loi les institutions fédérales déjà soumises à la Loi sur la protection des renseignements personnels. Selon notre compréhension, cet article a pour effet de soustraire à l'application de la loi les fonds privés conservés aux Archives nationales du Canada, à la Bibliothèque nationale du Canada et dans les cinq grands musées nationaux. Nous demandons que le libellé de cet article soit amendé pour rendre cette exemption explicite.

Nous nous inquiétons aussi des effets du projet de loi sur les institutions archivistiques qui ne sont pas sous juridiction fédérale. Nous demandons que l'alinéa 4(2)c) soit amendé pour exempter explicitement les organisations oeuvrant à des fins archivistiques et à aucune autre fin.

Le deuxième ensemble de recommandations traite des effets du projet de loi C-54 sur la recherche érudite.

• 0920

Les alinéas 7(2)c) et 7(3)f) permettent l'utilisation et la communication de renseignements personnels à des fins de recherche et d'érudition. Nous souhaitons voir cette reconnaissance de la liberté d'expression scientifique admise explicitement dans d'autres articles du projet de loi. C'est pourquoi nous demandons un amendement aux alinéas 4(2)c) et 7(1)c) afin d'accorder explicitement une exemption à une organisation à l'égard des renseignements qu'elle recueille, utilise ou communique à des fins de recherche érudite et à aucune autre fin.

Je cède maintenant la parole à M. Chad Gaffield.

[Traduction]

La présidente: Monsieur Gaffield.

M. Chad Gaffield (membre du conseil, Société historique du Canada): Je vous remercie beaucoup.

Comme vous l'avez déjà dit, je suis professeur d'histoire. Les médias font beaucoup état aujourd'hui du fait que nous ne connaissons pas notre histoire. C'est un reproche que l'on adresse aux Canadiens. On avance comme preuve de notre mauvaise connaissance de l'histoire canadienne le fait que nous ne savons pas notamment qui ont été nos premiers ministres... À mon avis, on oublie parfois que les historiens s'intéressent aujourd'hui pas seulement aux personnages importants et aux grands événements, mais aussi aux tendances sociales, économiques et démographiques, c'est-à-dire à ce que nous appelons maintenant l'histoire sociale ou l'histoire des personnes anonymes. Nous estimons que cette connaissance du passé nous permet notamment de contribuer à l'élaboration de la politique publique et nous permet aussi de concevoir de quelles façons nos sociétés pourraient être réorganisées à l'échelle locale et à l'échelle internationale.

L'un des grands thèmes exprimés dans les commentaires que vous entendrez ce matin, c'est dans quelle mesure, dans le contexte de ce projet de loi, nous devons éviter de nous nuire en limitant notre capacité de nous analyser. Nous aimerions faire deux recommandations à cet égard.

La première a trait à l'utilisation des renseignements personnels qui sont recueillis à des fins administratives ou opérationnelles. Une des craintes que nous avons tous, c'est évidemment que les gens vont donner volontairement des renseignements ou des documents personnels les concernant, etc., à une fin précise, mais que par la suite ces renseignements seront utilisés à d'autres fins, contre eux, dans un certain sens. Nous croyons qu'il faut être prudent et ne pas employer à mauvais escient les renseignements personnels. Toutefois, nous estimons que l'utilisation de ces renseignements, dès lors qu'ils sont versés dans les archives, pour effectuer des études ou comprendre notre société, est conforme au dessein original pour lequel ils ont été recueillis.

Nous recommandons par conséquent de modifier l'article 4.5.3 de l'annexe I en y ajoutant la phrase suivante:

    L'utilisation et la divulgation de renseignements personnels à des fins historiques, statistiques ou universitaires ne sont pas jugées incompatibles avec le but pour lequel ils ont été recueillis.

En d'autres mots, nous estimons que le fait d'étudier ce genre de renseignements personnels pour les fins que j'ai décrites est tout à fait conforme à celles pour lesquelles ils ont été recueillis. Nous aimerions que soit apportée cette précision.

La deuxième recommandation a trait plus particulièrement à la démarche historique et se rapporte à mes autres commentaires. Elle porte sur la disposition de ce genre de renseignements après de longues périodes. Nous aimerions que ce projet de loi établisse qu'une fois que l'information devient essentiellement historique, soit peut-être 110 ans après la naissance d'une personne, 20 ans après son décès ou peut-être 92 ans après, 100 ans après—je crois que nous pourrions facilement arriver à nous entendre sur ce nombre, mais nous devrions définir une période après laquelle, pour mieux comprendre notre société, ces renseignements deviendraient disponibles.

Ma deuxième recommandation, par conséquent, consiste à attirer votre attention sur l'alinéa 7(3)h). Nous aimerions qu'il soit modifié et que les délais soient précisés comme je l'ai proposé—110 ans après la naissance, 20 après le décès, et 92 ans ou 100 ans après la date de création du document selon la plus brève échéance.

• 0925

J'aimerais terminer en disant que ce que nous recherchons, c'est un équilibre. Nous aimerions contribuer à améliorer le projet de loi, en précisant que nous voulons éviter d'empêcher les Canadiens de pouvoir mieux comprendre leur société et leur histoire.

Merci.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Gaffield.

Professeur Cook.

M. Terry Cook (membre, Association of Canadian Archivists): Bonjour. Honorables députés, je vous remercie au nom de l'Association of Canadian Archivists d'examiner notre mémoire sur le projet de loi C-54 et de nous avoir invités à témoigner devant votre comité.

Comme je l'ai dit, je fais un exposé de concert avec mes deux collègues qui viennent de prendre la parole afin d'attirer votre attention, dans le peu de temps à notre disposition, sur les répercussions archivistiques et historiques de cet important projet de loi. Au nom du milieu archivistique anglophone du Canada, je souscris aux commentaires qui ont été faits et j'espère que les amendements nécessaires qui ont été proposés pourront être apportés.

Mon rôle, ce matin, consiste à parler de la deuxième partie du projet de loi C-54, qui porte sur les documents électroniques.

Honorables députés, j'aimerais porter à votre attention les paroles prononcées en 1924 par un archiviste national et qui sont gravées au pied de sa statue, laquelle se trouve derrière l'édifice des Archives nationales sur la rue Wellington:

    De tous les biens d'un pays, les archives sont le plus précieux, elles sont le don d'une génération à une autre, et la mesure dans laquelle nous en prenons soin témoigne du stade d'avancement de notre civilisation.

Pourtant, ce don à l'ère de l'informatique est gravement menacé, comme jamais auparavant. Pourquoi? Parce que contrairement aux documents sur support papier, plusieurs dangers guettent les documents électroniques: la touche supprimer, l'évolution des logiciels qui peut les faire disparaître en moins de 10 ans, la contamination du support informatique qui est très fragile et, ce qui nous intéresse en particulier ce matin, la cryptographie, qui peut les rendre totalement illisibles. Voilà pourquoi l'Association of Canadian Archivists, la Société historique du Canada et l'Institut d'histoire de l'Amérique française se réjouissent de l'inclusion dans le projet de loi C-54 d'une partie sur les documents électroniques.

Le projet de loi reconnaît que le gouvernement et les entreprises utilisent de plus en plus l'enregistrement électronique comme support d'enregistrement pour bon nombre de leurs transactions. L'accent que met le projet de loi C-54 sur l'enregistrement électronique va contribuer à soutenir les efforts déployés par les archivistes et nos collègues de la gestion des dossiers en vue de promouvoir la saine gestion et la protection des documents informatiques.

Nous soutenons en particulier les dispositions visant à garantir l'existence de renseignements signalétiques suffisants pour rétablir la fiabilité des documents électroniques en tant qu'éléments de preuve à des fins commerciales et juridiques, et par la suite, à des fins archivistiques et historiques. Nous nous réjouissons également de l'inclusion de dispositions relatives à la conservation et à l'élimination des documents électroniques.

Mais nous avons une réserve importante concernant la partie du projet de loi sur les documents électroniques, et nous vous exhortons à la modifier en conséquence. Je sais que cela risque de sembler alarmiste, mais nous croyons que la question des signatures sécurisées et de la cryptographie risque de créer des problèmes considérablement plus graves que celui du bogue de l'an 2000. Encore une fois, les programmeurs, comme ce fut le cas lorsqu'ils ont créé des codes de date à deux chiffres, risquent de concevoir aujourd'hui de nouveaux systèmes de commerce électronique susceptibles de tomber en panne ou d'occasionner des frais de réparation de plusieurs milliards de dollars.

Si les documents électroniques, pour des raisons tout à fait légitimes, intègrent les conventions de cryptographie et de sécurité nécessaires à la création de signatures électroniques, il faut qu'un engagement ferme soit pris, que des ressources considérables soient fournies, et que le gouvernement exerce un contrôle centralisé afin de permettre la migration d'un document électronique stable et de ses protocoles de signatures sécurisées de la plate-forme logicielle et matérielle où ils ont été créés vers de nouvelles plates-formes dans un avenir éloigné. Et il faut pouvoir retirer entièrement ces protocoles de cryptographie avant qu'un document soit transféré aux archives si on estime que ce document a une valeur archivistique pour la société.

• 0930

On risque d'être confronté à un grave chaos économique et juridique dans 15 ou 20 ans, et ce sera pire dans 100 ans, si ces documents, après plusieurs mises à niveau des logiciels, ne peuvent plus servir à des fins commerciales et s'ils ne peuvent être décodés pour servir en tant qu'éléments de preuve devant les tribunaux, sans parler de la perte éventuelle pour les historiens.

Vu le degré élevé et la complexité de la cryptographie nécessaire aux signatures sécurisées, il sera impossible de les récupérer rétrospectivement à moins de le planifier dès maintenant et de prévoir les budgets nécessaires. Par conséquent, nous recommandons vivement que le projet de loi oblige les créateurs de ces documents à les déchiffrer avant de les transférer aux archives.

En terminant, au nom de mes collègues, je vous remercie de nous avoir invités et de nous avoir permis d'essayer d'améliorer avec vous l'efficacité de cet important projet de loi. Nous nous félicitons des dispositions habilitantes que contient le projet de loi au sujet de la protection des renseignements personnels dans les institutions d'archivage et de recherche. Nous espérons que nos recommandations pourront être mises en oeuvre pour mieux équilibrer les besoins légitimes en matière de protection des renseignements personnels et d'expansion du commerce électronique à l'échelle internationale, d'une part, et le besoin tout à fait légitime des citoyens, d'autre part, d'avoir facilement accès à des renseignements personnels non confidentiels à toutes sortes de fins, y compris à des fins archivistiques et historiques.

Nous vous demandons respectueusement de bien vouloir consulter nos associations pour qu'elles puissent examiner tout projet de règlement afférent à la nouvelle loi et ayant trait à l'utilisation et la divulgation d'information pour des fins de recherche et de travaux d'érudition, pour la désignation d'institutions d'archives admissibles ou pour le chiffrement des documents électroniques.

Merci beaucoup.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Cook.

[Français]

Madame Lacasse, s'il vous plaît.

Mme Danielle Lacasse (présidente, Association des archivistes du Québec): Bonjour, madame la présidente et membres du comité. À titre de présidente de l'Association des archivistes du Québec, il me fait un immense plaisir de présenter les principaux arguments de notre mémoire en réaction au projet de loi C-54.

En premier lieu, je désire remercier les membres du comité de bien vouloir entendre nos représentations. Nous sommes heureux de pouvoir ainsi participer à l'élaboration d'un projet de loi que nous jugeons fondamental au développement d'une société démocratique.

Je ne suis pas venue seule ici aujourd'hui puisque je suis accompagnée de deux collègues, dont la participation a été très précieuse. Je voudrais vous les présenter: il s'agit de James Lambert, qui est président de notre Comité des affaires législatives et l'auteur de notre mémoire, et de Marc Barrette, qui est membre de notre Comité des affaires législatives et qui a participé récemment à toutes les initiatives de l'association en matière de protection des renseignements personnels. Tout comme moi, ils se feront un plaisir de répondre à vos questions.

En mars 1998, l'Association des archivistes du Québec a commenté le document de consultation La protection des renseignements personnels pour une économie et une société de l'information au Canada dans un premier mémoire intitulé «La valeur sociale des renseignements personnels».

L'association se réjouit aujourd'hui de constater que le législateur a adopté l'essentiel des recommandations de ce mémoire dans le projet de loi C-54, en tenant compte des valeurs sociale et culturelle des renseignements personnels. Bien que nous accueillions positivement l'ensemble des dispositions du projet de loi C-54, ce dernier renferme toutefois certains éléments qui nous apparaissent toujours problématiques, notamment en ce qui concerne la constitution de la mémoire. Par conséquent, nous désirons profiter de la tribune qui nous est offerte ce matin pour attirer votre attention sur certains points qui méritent d'être clarifiés, voire même amendés.

D'entrée de jeu, l'association tient à féliciter le législateur d'avoir tenu compte du droit fondamental des citoyens et citoyennes à la vie privée. Nous craignons cependant que la présentation de la protection des renseignements personnels dans le secteur privé dans un cadre de référence trop strictement confiné aux problématiques du commerce et de l'information électronique ne limite la perception de sa portée aux yeux du public et, par le fait même, ne mine son application dans d'autres domaines d'activité du secteur privé et à d'autres types de documents.

Par conséquent, l'Association des archivistes du Québec recommande de faire de la Partie 1 du projet de loi C-54 une loi distincte visant la protection des renseignements personnels dans l'ensemble du secteur privé, indépendamment du support sur lequel ils se présentent.

• 0935

Les membres de l'association sont des intermédiaires, et même à certains égards des médiatrices et des médiateurs, entre les créateurs de documents d'une part et les utilisateurs d'autre part. L'association, tout en reconnaissant l'obligation de ses membres de veiller à la protection des renseignements personnels, affirme qu'elle a aussi le devoir social de rendre accessibles éventuellement les renseignements personnels possédant une valeur pour la communauté. Dans cette perspective, les archivistes doivent constamment favoriser un juste équilibre entre le droit de l'individu à l'oubli et le droit de la communauté de constituer sa mémoire. À cet égard, notre point de vue se distingue de celui que présentait Mme Burgess il y a quelques moments. L'Association des archivistes du Québec est d'avis que le projet de loi C-54 reflète cette quête d'équilibre et désire en féliciter le législateur.

Cependant, nous estimons que certaines précisions et ajustements peuvent être apportés au texte de loi afin de renforcer cet équilibre fondamental. Ainsi, l'association estime que certaines dispositions mises de l'avant pour assurer la protection des renseignements personnels, notamment celles comprises dans l'annexe 1 du projet de loi, sont encore insuffisantes. Ainsi, les articles 4.2.3 et 4.3.6 et l'alinéa 4.3.7b) de l'annexe 1 méritent d'être révisés pour mettre davantage en évidence l'obligation d'obtenir un consentement clair et informé de la personne concernée lors de la collecte, de l'utilisation ou de la communication des renseignements personnels. De même, le projet de loi respecterait davantage les intentions originales du législateur, c'est-à-dire la protection de la vie privée, si l'alinéa 4.3.7b) était également révisé pour mieux circonscrire la notion de renseignements sensibles.

Par ailleurs, afin d'éviter des abus potentiels d'utilisation et de communication de renseignements personnels dont on n'a plus besoin aux fins précisées et qui n'ont pas de valeur historique ou archivistique, l'Association des archivistes du Québec recommande de réviser le paragraphe 4.5.3 en rendant obligatoire plutôt qu'optionnelle l'élimination sécuritaire des renseignements personnels.

En contrepartie, l'association juge que des ajustements sont également nécessaires en vue de faciliter davantage la communication des renseignements personnels. À cette fin, nous recommandons de mieux circonscrire la définition de «renseignements personnels», telle que stipulée à l'article 2 du projet de loi, de façon à tenir compte des diverses situations documentaires possibles. Ainsi, étant donné que les renseignements personnels contenus dans des fichiers ou des dossiers manuels non structurés selon des critères nominatifs jouissent d'une protection naturelle qui les met à l'abri des fraudes systématiques et volontaires, l'association recommande de les exclure de l'emprise de la loi dès que l'objet pour lequel ils ont été recueillis est accompli.

De plus, l'association estime que les archives privées versées aux Archives nationales du Canada à des fins archivistiques ou historiques doivent jouir de la même protection que les archives du gouvernement fédéral. Afin d'éviter toute ambiguïté à ce chapitre, l'association recommande que les Archives nationales du Canada soient nommément assujetties au projet de loi C-54. Actuellement, il est difficile de cerner les intentions originales du législateur à cet égard, ce qui a pour effet de créer un vide juridique important.

Cependant, l'inclusion des Archives nationales du Canada ou des autres institutions fédérales qui ont aussi le mandat de recueillir des fonds d'archives privées, dont les Musées nationaux et la Bibliothèque nationale, dans le champ d'application de cette loi ne devrait pas restreindre indûment l'accessibilité des renseignements personnels. Aussi, l'association recommande-t-elle de gérer la communication des renseignements personnels du secteur privé avec la même souplesse que celle accordée aux documents du secteur public en vertu du paragraphe 8(3) de la Loi sur la protection des renseignements personnels, exception faite du délai de protection dans le règlement, qui devrait être porté à 100 ans après la création du document—sur ce point, on s'entend avec l'Institut d'histoire—ou à 20 ans après le décès de la personne concernée.

Toujours dans le but de faciliter, à des fins de recherche, l'accès à des renseignements personnels, l'Association des archivistes du Québec recommande aux législateurs de définir le qualificatif «érudit» tel qu'employé aux alinéas 7(2)c*) et 7(3)f) de façon à ne pas limiter l'utilisation des renseignements personnels aux seuls universitaires, ce qui exclut par le fait même les études et les recherches d'ordre populaire, telles que les publications généalogiques, les livres d'histoire populaire ou les études d'histoire réalisées par des historiens amateurs.

• 0940

Par ailleurs, l'association tient à féliciter le législateur d'avoir inclus dans le projet de loi une disposition qui exempte de l'interdiction de recevoir des renseignements personnels à l'insu de l'intéressé des organismes dont les attributions comprennent la conservation de documents d'importance archivistique.

L'association applaudit aussi la décision du législateur de désigner par décret les organismes qui pourront bénéficier de cette exception. Il est toutefois nécessaire de s'assurer que ces organismes possèdent véritablement une mission de conservation de documents d'importance archivistique et que leur mission fondamentale ne soit pas d'ordre commercial.

À cet égard, l'association souhaiterait que le gouvernement établisse des critères formels auxquels doit répondre tout organisme qui sollicite une désignation par écrit et que ces critères comprennent des normes de conservation, de traitement et de communication des renseignements personnels devant être protégés en vertu de la loi.

En outre, l'association recommande qu'en vue d'établir les critères d'admission à une désignation, le gouvernement consulte des organismes expérimentés dans le domaine de la protection des renseignements personnels, dont l'Association des archivistes du Québec.

Enfin, en guise de conclusion, l'Association des archivistes du Québec souhaiterait alerter le législateur à l'importance de revoir périodiquement, soit tous les cinq ans, l'application du projet de loi C-54. Nous croyons qu'un examen unique après cinq ans, tel que prévu actuellement dans la loi, est insuffisant.

La protection des renseignements personnels en général est un domaine en pleine évolution, autant au Canada qu'ailleurs dans le monde. Dans le secteur privé, c'est un domaine qui est encore à l'étape des essais. Les attitudes sociétales évoluent rapidement; les technologies de l'information permettant d'exploiter en masse les renseignements personnels évoluent plus rapidement encore. Bref, une révision unique et définitive ne peut pas tenir compte de l'état de mouvance qui caractérise ce domaine.

Merci de votre attention.

[Traduction]

La présidente: Merci beaucoup.

Merci à tous de vos commentaires. Nous passons maintenant aux questions.

[Français]

Madame Lalonde, s'il vous plaît.

Mme Francine Lalonde: J'aimerais d'abord faire un court commentaire. Depuis le début de l'audition des témoins, nous avons surtout entendu des experts ou des consommateurs davantage intéressés par la protection des renseignements personnels. C'est la première fois que nous entendons les archivistes, qui se trouvent entre les deux, et des représentants des historiens, qui se trouvent du côté de la conservation de la mémoire. Je dois dire que les seules études universitaires que j'ai faites et le seul diplôme que j'ai sont en histoire. Je suis donc sensible à vos points de vue.

Par ailleurs, je suis aussi députée du Québec, qui a adopté la première Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé en Amérique du Nord, loi pour laquelle il a été félicité et qui est dans le droit fil de ce qui est demandé par la directive européenne.

Je sais, et vos mémoires en font foi—notamment celui de l'Institut d'histoire, qui ferait sans doute se retourner le chanoine Groulx dans sa tombe—, que vous avez eu des problèmes à défendre ce que vous appelez le droit à la mémoire, compte tenu non pas de la loi québécoise mais du Code civil. C'est du moins ce qu'on m'a dit. Il semble que si ce n'était du Code civil, les problèmes par rapport à la loi québécoise se régleraient rapidement.

C'était un commentaire fait dans le but d'établir qu'au point de départ, vous estimez qu'au Québec, l'équilibre recherché n'est pas souhaitable. Je vous dis que du côté des renseignements privés, je vais continuer à défendre le contenu de la loi du Québec. On ne parle pas de l'aspect constitutionnel, parce que vous savez que le gouvernement du Québec a demandé le retrait, de même que l'ensemble des ministres de la Justice, d'ailleurs.

La compétence spécifique que nous attendons de vous est celle de la protection de la mémoire et des documents archivistiques. C'est à cela que je vais m'intéresser.

Je vais commencer par vous, monsieur Cook, parce que vous avez interpellé toutes les personnes intéressées par le commerce électronique—et cela vaut pour celles qui travaillent à cela au Québec comme partout—, en disant que dans le fond, nous vivions une période révolutionnaire. En effet, depuis qu'on transmet les connaissances autrement que verbalement, c'est la première fois qu'on passe du support papier à un autre type de support encore plus fragile que le papier. Le papier peut toujours brûler, être mouillé, ou être affecté par l'humidité et les champignons. Mais là, d'une seule claque, il y a toute une série de risques permanents et graves.

• 0945

Cela m'intéresse beaucoup et j'aimerais que vous nous parliez davantage de ce qui a été fait. J'imagine qu'on a fait des recherches. Toute la Communauté européenne est alignée sur ce qu'on trouve au Québec. J'imagine donc que les historiens européens, qui ne sont pas les pires en la matière, doivent avoir des préoccupations du même ordre.

[Traduction]

M. Terry Cook: Merci de votre question. Je crois pouvoir dire sans me tromper que le cas des dossiers électroniques est sans doute le plus difficile et le plus fascinant pour les archivistes du monde entier. Il y a des chercheurs qui, dans le cadre de grands projets universitaires en Amérique du Nord, tentent d'en cerner les enjeux pour pouvoir relever le défi.

Je pourrais illustrer mes propos par des exemples concrets. Je choisirai celui du logiciel WordPerfect, puisque j'en ai un moi-même. En 10 ans à peine, le logiciel WordPerfect 8 s'est trouvé dans l'impossibilité de pouvoir lire les macros et certaines des grandes fonctions du WordPerfect 4.2. Or, il s'agit du même logiciel de traitement de textes, qui constitue une des applications les plus simples que l'on puisse imaginer, et conçu par le même fabricant.

Que se passe-t-il donc lorsqu'il ne s'agit plus d'un logiciel distribué à l'échelle du monde entier, mais plutôt d'une partie de logiciel fabriqué par un ministère du gouvernement ou par une entreprise et conçu par leurs propres informaticiens? Ils sont les seuls à en avoir les codes. Or, si les codes ne sont pas mis en évidence, et si les données ne sont pas transférées vers les archives, il n'y a aucun espoir de pouvoir un jour lire cette information. Autrement dit, nous perdons notre passé.

Pour les archivistes et pour les historiens qui utilisent les archives, le défi est double. D'abord, il faut s'assurer que l'information électronique a un contexte, c'est-à-dire qu'elle a un sens. Qu'est-ce que l'on entendait naguère par le contexte? Naguère, si l'on avait en main un bout de papier, on avait également en main un en-tête, une date, une signature, une enveloppe et un numéro de dossier.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Sur le papier.

M. Terry Cook: Exactement.

[Traduction]

Or, tout a changé avec l'information électronique. Tous les détails y sont, mais ils sont éparpillés dans différentes parties du système informatique. Lorsque vous envoyez un mel, votre texte est sous vos yeux, mais l'adresse de votre destinataire provient d'ailleurs. Elle provient d'une liste d'adresses. Or, si les deux ne sont pas combinés en un tout, et si chaque information est contrôlée par différentes parties du logiciel, ce qui finira par être utilisé par le service des archives—et pas seulement par le service des archives, mais aussi par un gouvernement qui voudrait, par exemple, indemniser les nippo-canadiens ou faire de la recherche portant sur les cas de violence dont ont été victimes des Autochtones dans des écoles... Si vous essayez de retrouver des dossiers électroniques 20, 30 ou 40 ans après, tout est décousu, à moins que les données du logiciel n'aient été transférées avec soin pour que l'on ait le contexte. La première chose à faire, c'est donc de fournir le contexte, de façon à transformer les données en des dossiers, comme disent les archivistes. En deuxième lieu, il faut prévoir la transition des données au fil du temps.

Mais le projet de loi C-54 ajoute une troisième dimension. Non seulement il faut transformer les données en information, puis ensuite en dossiers, et prévoir leur transition au fil du temps, mais ces données sont également chiffrées: autrement dit, à moins de déchiffrer les données et de les mettre sous forme lisible, elles ne seront jamais accessibles.

Je ne suis pas ici, en tant qu'archiviste, pour vous convaincre de le faire au nom de notre histoire et de notre patrimoine. Si je veux vous en convaincre, c'est parce que c'est pour le bénéfice de la société canadienne, et que c'est important pour le commerce et les affaires électroniques, pour que le gouvernement continue à être imputable et pour que notre histoire reste archivée.

[Français]

Mme Francine Lalonde: J'ai dit que cette question intéressait tous ceux pour qui la la mémoire est importante, mais j'ai aussi dit qu'en Europe, on travaille beaucoup à la question des renseignements personnels et au développement de ce qu'on appelle le commerce électronique, qui est mal nommé, dans le fond, parce qu'on veut plutôt parler des échanges, des interactions électroniques ou des transactions, même non commerciales. Ils ont aussi dû travailler là-dessus. Et dans la communauté scientifique, historienne et archivistique, on doit aussi travailler là-dessus. Ou alors, les choses vont tellement vite que tout le monde est un peu pris par surprise. Vous avez parlé de votre logiciel Word. J'ai eu un Commodore 64 dont j'ai tiré des merveilles, mais je ne suis plus capable d'y lire quoi que ce soit. J'ai pourtant écrit des textes historiques qui pourraient être importants.

• 0950

Des voix: Ah, ah!

[Traduction]

M. Terry Cook: J'ai moi-même un Apple II Plus, qui est presque antérieur au vôtre.

Laissez-moi vous donner l'exemple d'un des pays européens, puisque vous avez mentionné vous-même l'Europe. Le ministère des Transports et des Communications de la Suède, dans la foulée des initiatives dans ce domaine, recommandait ceci, tout comme nous: dans un premier temps, que le contrôle soit centralisé; et dans un deuxième temps, que l'Institut national d'essai et de recherche de la Suède—qui est l'homologue, je crois, de notre Conseil national de recherches et de nos offices des normes—élabore en collaboration avec les Archives nationales de la Suède les normes s'appliquant aux signatures sécurisées et aux documents codés, plutôt que de laisser, comme le fait le projet de loi, chaque ministère choisir son propre régime, ce qui mènerait à la tour de Babel.

La présidente: Merci.

Monsieur Shepherd.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Il serait intéressant de se procurer ces renseignements. Vous avez entendu, monsieur?

Une voix: Oui.

Mme Francine Lalonde: Il serait intéressant d'avoir l'information sur la Suède.

[Traduction]

La présidente: Merci, madame Lalonde.

Monsieur Shepherd, c'est à vous.

M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): Merci beaucoup d'être venus aujourd'hui. Je pense que c'est une réflexion à laquelle on ne s'est pas adonné dernièrement. Nous sommes le résultat de notre passé et je comprends que vous avez besoin d'avoir accès à l'information.

Tout d'abord, j'aimerais parler de la divulgation et du recyclage de l'information. Divers témoins nous ont répété à l'envi qu'il faut obtenir le consentement. Je sais quels problèmes vous avez à propos du consentement et de la signature des documents. Je me demande si nos recommandations ne devraient pas porter davantage sur le consentement à la réutilisation de l'information mais avec des limitations. Il y a peut-être différents niveaux de consentement. Les gens pourront consentir à ce que leurs renseignements servent à des fins universitaires ou historiques mais non à des fins commerciales.

Vous parlez de statistiques... C'est vaste. Beaucoup de groupes de défense de la vie privée diront qu'il y a trop de latitude. J'essaie de trouver un équilibre acceptable. Je ne sais pas comment il faut s'y prendre.

[Français]

La présidente: Madame Burgess.

Mme Joanne Burgess: Si vous me le permettez, je vais répondre à la question en anglais.

[Traduction]

La recommandation dont vous parlez se trouve dans le mémoire de mon association. Le problème, c'est l'usage secondaire des données et quel usage est légitime ou pas. Un des problèmes que nous avons, c'est que nous travaillons sur des données rassemblées au fil des siècles pour d'autres fins, comme la correspondance et quantité d'autres archives qui ont survécu. Avec le temps, on se préoccupe moins des créateurs, qui entrent dans le domaine de la connaissance historique. Ce que nous voulons voir reconnu, c'est le principe de l'usage secondaire à des fins historiques ou autres, 10 ans ou 150 ans plus tard, et que c'est différent de l'usage secondaire à des fins administratives ou commerciales.

Vous parlez de consentement explicite pour usage historique futur. Souvent il est difficile d'imaginer ce que les historiens voudront analyser dans 50 ou 100 ans. C'est souvent une question de hasard. Mais...

M. Alex Shepherd: Les groupes de défense de la vie privée disent qu'il doit y avoir consentement ou refus. Je refuse. On n'enregistre donc pas mes renseignements. Je vous mets dans l'embarras, n'est-ce pas?

Mme Joanne Burgess: Essentiellement, si une saine gestion de la vie privée c'est de détruire les dossiers une fois l'objet rempli, nous allons détruire la quasi-totalité du fond documentaire de notre société pour qu'à l'avenir personne ne puisse y avoir accès.

• 0955

Il me semble que dans certaines dispositions du projet de loi C-54, on dit que dans ces codes de conduite sectoriels, les entreprises décident quels dossiers sont plus sensibles que d'autres et déterminent la façon dont elles vont gérer l'information. Certains dossiers sont alors versés aux archives de l'entreprise, le Canadien Pacifique ou Air Canada, et c'est l'entreprise qui va décider quels documents seront assujettis à la règle des 100 ou des 101 ans, ou quel que soit le maximum choisi, à la règle de la confidentialité, et quels documents pourront être divulgués moyennant autorisation.

Par exemple, si comme chercheur je m'adresse à la Banque de Montréal ou une autre entreprise qui possède déjà des dossiers, on me dira que ces dossiers sont impossibles à consulter pendant 75 ou 100 ans et que tels autres peuvent l'être à condition d'en conserver la confidentialité. D'autres nous semblent moins sensibles et comme vous êtes un historien, si vous nous dites ce que vous voulez en faire, si vous nous montrez que vous êtes un historien authentique et légitime, vous allez pouvoir vous servir des dossiers, de la même façon que quelqu'un comme Pierre Berton a eu accès aux archives du Canadien Pacifique pour écrire l'histoire de cette entreprise.

Donc, dans une certaine mesure, il y a cette négociation sur ce qui est plus délicat, sur ce qui l'est moins, qui est la personne, quel est le but, et pour combien de temps. Et, d'une manière ou d'une autre, vous devez équilibrer tout cela. Si vous avez un consentement formel, on peut alors conserver ces données, ou si c'est un non, alors tout est détruit. Et on se retrouve ainsi dans une sorte de monde orwellien.

M. Alex Shepherd: Une précision, si vous permettez. Je pense que vous parlez ici d'un cas où l'information est déjà disponible et a été emmagasinée, mais moi je parle des frictions possibles; c'est-à-dire des cas où les gens refusent tout simplement leur consentement. Si ce sont les archives historiques qui vous intéressent, une façon plus logique pour vous de voir les choses serait de dire que les gens donneront de manière générale leur consentement pour l'utilisation des données à des fins historiques mais pas pour d'autres fins. Ai-je raison?

Mme Joanne Burgess: Il me semble que les dossiers que nous avons maintenant sont des dossiers pour lesquels on n'a donné aucun consentement explicite pour une conservation à long terme. Ces dossiers ont survécu simplement par chance dans certains cas, ou parce qu'ils étaient régis par la politique de l'entreprise relativement aux dossiers.

M. Alex Shepherd: Oui, mais vous vous situez après le fait, alors que dans ce projet de loi-ci, on essaie d'apporter des correctifs à certaines situations.

M. Chad Gaffield: C'est l'immédiat qui vous intéresse, c'est-à-dire la personne qui crée aujourd'hui des documents.

[Français]

Mme Danielle Lacasse: Dans notre mémoire, nous avons essayé de bien cerner cette notion du consentement. J'aimerais, si vous le permettez, laisser la parole à l'auteur du mémoire, M. James Lambert, qui pourrait mieux exprimer la position de l'AAQ et répondre à vos préoccupations à cet égard. Le permettez-vous, madame la présidente?

[Traduction]

La présidente: Bien sûr. Monsieur Lambert.

[Français]

M. James Lambert (responsable du Comité des affaires législatives, Association des archivistes du Québec): Merci. Ce qui me préoccupe dans cette suggestion, c'est que l'information qui serait transmise proviendrait uniquement des gens qui sont sensibles à l'importance de l'histoire. Les autres refuseraient de donner leur consentement pour une raison quelconque. Autrement dit, en consentant à transmettre l'information au bénéfice de l'histoire, on biaiserait le résultat final parce qu'on n'obtiendrait que les résultats des gens sensibilisés à l'histoire.

[Traduction]

La présidente: Monsieur Shepherd.

M. Alex Shepherd: Ce n'est toujours pas clair dans mon esprit. Est-ce qu'on parle des gens qui donnent leur consentement directement par opposition à une loi qui dirait: dans les cas où vous avez obtenu certains types d'informations, nous pouvons les utiliser pour des fins historiques...

[Français]

M. James Lambert: Oui, c'est cela.

[Traduction]

M. Alex Shepherd: ...ou dites-vous: si j'adhère à ce programme, il est dit que j'ai droit à deux niveaux de consentement? Je ne veux pas donner mon consentement pour des fins commerciales, mais je peux donner mon consentement pour des fins historiques. Est-ce que...?

[Français]

M. James Lambert: Oui, c'est cela. Ma préoccupation est que, finalement, on aurait seulement le consentement des gens qui sont sensibles à l'importance de l'histoire, ce qui biaiserait le résultat statistique, par exemple.

• 1000

[Traduction]

La présidente: Merci.

Une dernière question, monsieur Shepherd.

M. Alex Shepherd: Eh bien, j'aurais plusieurs questions à poser...

La présidente: D'accord. Merci.

[Français]

Madame Lalonde, s'il vous plaît.

Mme Francine Lalonde: Merci, monsieur Shepherd.

Je vais poursuivre sur le même sujet. J'ai lu votre mémoire et je trouve—j'espère que cela ne vous fâchera pas—que cela paraît qu'il a été rédigé par des archivistes. Il est extrêmement précis et très bien fait. Vous avez vraiment essayé de travailler en fonction de cet équilibre dont vous vous réclamez tous.

Par exemple, à votre recommandation numéro 6, dans laquelle vous essayez de préciser la notion de consentement, vous vous dites d'accord avec tous ceux qui jugent, et ils sont nombreux, que cela n'a pas de sens que ce projet de loi n'exige pas le consentement lors de la cueillette de renseignements. À ce que je comprends, vous apportez une définition des documents ou des renseignements «sensibles». On sait que c'est une norme dont on a convenu à la suite de négociations. Cela veut donc dire que les gens qui cherchaient à protéger la vie privée ne sont pas allés aussi loin qu'ils l'auraient voulu.

Vous dites dans votre recommandation numéro 6:

    L'organisation doit obtenir un consentement par écrit si les renseignements sont sensibles. Sont considérés sensibles les renseignements qui portent sur la santé physique et mentale, les opinions politiques, religieuses, philosophiques ou syndicales; l'origine raciale ou ethnique; le comportement sexuel; la situation financière, ainsi que la situation judiciaire...

Vous dites qu'on devrait dire précisément dans la loi qu'il faut obtenir le consentement pour avoir accès à ces renseignements.

M. James Lambert: Le consentement écrit.

Mme Francine Lalonde: Écrit. Pour ce qui est des autres renseignements, vous dites:

    Lorsque les renseignements ne sont pas sensibles, un consentement verbal serait normalement jugé suffisant.

Je pense que c'est une tentative pour préciser ce qu'il y a de trop flou. Je vais étudier cela attentivement, compte tenu des autres commentaires que j'ai faits. Je vous remercie d'avoir...

Est-ce que vous voulez vous expliquer davantage?

M. James Lambert: Je veux tout simplement dire qu'on n'a rien inventé là. La liste est une compilation de listes déjà établies par la Commission d'accès à l'information du Québec et par la Commission européenne.

Mme Francine Lalonde: Merci beaucoup.

Ensuite, à la recommandation numéro 10, vous dites que le 4.5.3, qui est aussi partie de la norme CSA, doit être révisé afin qu'on lise: «On doit détruire, effacer ou dépersonnaliser...».

Je vous ferai remarquer que vous dites «on doit» alors que dans la norme, il est écrit «on devrait», ce qui n'engage personne à faire quoi que ce soit. Donc, cela pourrait peut-être rassurer Mme Burgess. Ici, les organisations ne sont pas du tout obligées de détruire, et il y a des personnes que cela gêne, comme on le voit ici. De votre côté, vous dites «on doit».

On dit aussi: «dont on n'a plus besoin aux fins précisées et qui ne possèdent pas une valeur historique ou archivistique».

Selon cette optique, il y aurait des documents déclarés tels. Comment pourrait-on faire pour qu'ils soient déclarés avoir une valeur historique ou archivistique? Cela n'est pas simple non plus.

M. James Lambert: Non, mais le travail de l'archiviste est justement d'évaluer ce qu'on appelle la valeur secondaire ou la valeur historique des documents. Autrement dit, à mon sens, une organisation qui a une certaine envergure devrait pouvoir faire appel à des archivistes—pas nécessairement engager un archiviste, mais faire appel à un archiviste à son compte, par exemple—pour faire une évaluation des archives avant de les détruire. Il n'y a pas obligation de le faire, mais nous croyons que cela devrait être fait.

Mme Francine Lalonde: Est-ce que cela existe quelque part? Encore une fois, je me réfère à la Communauté européenne. Il serait d'ailleurs intéressant de rencontrer quelqu'un de la Communauté européenne qui nous dise comment eux ont envisagé de faire tout cela.

• 1005

Mme Danielle Lacasse: Bien sûr, notre association est un point de départ, tout comme l'est l'ACA pour le Canada anglophone, pour conseiller les gens sur la préservation à des fins de communication des documents d'archives. Il existe différents autres services d'archives d'un bout à l'autre du Québec et du Canada, que ce soit au niveau municipal, provincial ou fédéral, qui oeuvrent dans des sphères de responsabilité spécifiques et qui voient à évaluer les documents à des fins archivistiques et historiques.

M. James Lambert: De plus, il existe des critères d'évaluation.

[Traduction]

La présidente: Monsieur Lastewka, s'il vous plaît.

M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.): Merci, madame la présidente.

Je tiens tout d'abord à remercier les témoins pour l'exposé qu'ils nous ont donné aujourd'hui. Ils apportent une dimension très pertinente qui doit être prise en compte.

J'aimerais avoir l'avis du groupe d'archivistes du Québec—et peut-être que leur avis s'appliquerait à d'autres domaines—relativement au Code civil du Québec et à la loi sur la protection des renseignements personnels qui existe au Québec. Ces textes juridiques vous permettent-ils de réunir des données historiques ainsi que certaines données que vous avez mentionnées aujourd'hui? Est-ce que le Code prévoit cela?

[Français]

M. James Lambert: Je suis heureux que vous ayez posé cette question. Je corrigerai un peu les propos qu'a tenus Mme Lalonde et vous dirai que nous éprouvons de graves problèmes dans le secteur privé face à la loi québécoise sur la protection des renseignements et non pas seulement face au Code civil. À l'heure actuelle, aucune disposition ne permet la communication de renseignements personnels à des fins de préservation pour la postérité, c'est-à-dire à des fins archivistiques ou historiques. Si on respectait la loi actuelle à 100 p. 100, tout cela serait détruit. Aucune disposition ne permet la préservation de renseignements personnels à des fins historiques. C'est un problème que reconnaît même le gouvernement du Québec. Le projet de loi 451 visait à corriger ce problème, mais puisqu'il n'a pas été adopté, nous sommes encore régis par la loi originale.

[Traduction]

Mme Joanne Burgess: Si l'on me permet d'ajouter un mot au sujet de la loi québécoise, je vous dirais que la loi actuelle nous pose deux problèmes. Il est vrai qu'elle sera modifiée un jour, et nous l'espérons, mais cela n'a pas encore été fait. Pour le secteur privé, il n'existe absolument aucune disposition relativement à la communication des renseignements personnels. On impose un silence éternel. Il n'existe pas de disposition selon laquelle, après un certain nombre d'années, vous pouvez légalement rendre publics des renseignements personnels. À l'heure actuelle, d'après le libellé de la loi, si un document n'est pas détruit, s'il a survécu, s'il est déjà aux archives, en théorie, quiconque utilise publiquement le nom d'une personne à qui il est arrivé quelque chose il y a 150 ans enfreignent la loi du Québec telle qu'elle existe aujourd'hui.

S'il s'agit des archives du secteur privé, la définition des archives d'entreprise est très large au Québec, beaucoup plus large que la notion d'entreprise que l'on retrouve dans ce projet de loi-ci. Et c'est une question distincte du Code civil, parce que le Code civil dit que l'on peut passer outre aux dispositions du Code civil en adoptant une loi en ce sens. La loi peut limiter le Code civil, et à l'heure actuelle, il n'y a encore rien de prévu pour les entreprises.

La présidente: Monsieur Gaffield.

M. Chad Gaffield: Il me semble que toutes ces questions rejoignent cette crainte que nous avons tous, à savoir que les informations que nous donnons pour telle ou telle raison finiront par être utilisées contre nous. À mon avis, c'est là le coeur du problème. Je résumerais ainsi notre position commune aujourd'hui: au lieu de dire qu'il y a cette crainte existe et que la seule façon d'y remédier, c'est simplement de tout détruire et de tout oublier, nous vous disons pour notre part: attendez un instant, non. Nous avons trouvé des moyens de protéger les gens, moyens qui nous permettent en même temps d'étudier notre passé, d'articuler une meilleure politique gouvernementale, de respecter notre passé, et tout le reste. Nous comprenons donc votre point de vue, oui. Personnellement, je ne veux pas donner d'information qui pourrait être utilisée contre moi. Personne ne veut faire ça. Nous disons qu'il y a des principes qui sont bien établis... et nous nous efforçons continuellement de les protéger. Je ne connais pas d'exemple où des renseignements qui ont été donnés dans un but précis ont été utilisés contre la personne. D'où viennent ces idées cauchemardesques que l'on entend?

• 1010

À Terre-Neuve, par exemple, on trouve des données de recensement qui sont beaucoup plus récentes que celles qui existent ailleurs au Canada étant donné que Terre-Neuve s'est jointe à la Confédération plus tard. Les données du recensement de 1921 se trouvent sur un site web. Les gens peuvent interroger ce site, s'informer sur certaines personnes et ainsi de suite. Cela n'a pas causé le moindre tort. Je pense qu'il y a de nombreux précédents, pour ce qui est des dispositions relatives à la confidentialité et autres permettant de tenir compte des craintes des gens et de protéger leurs intérêts tout en...

On peut donc avoir le meilleur des deux mondes. Nous ne sommes pas obligés de dire simplement: détruisons tout cela parce qu'on a peur que ces données pourraient être utilisées contre nous. Non, nous comprenons que ces données pourraient être utilisées contre nous, et nous avons des mécanismes conçus expressément pour nous défendre—et je pense qu'un bon nombre des propositions que nous avons faites aujourd'hui vont dans ce sens—et elles nous permettront en quelque sorte d'avoir le meilleur des deux mondes.

[Français]

M. James Lambert: Dans une de nos recommandations, on précise, à l'instar de la Commission européenne, qui se préoccupe également de cette question, que la communication de renseignements personnels à des fins d'étude historique ne devrait être permise qu'à condition que les renseignements recueillis ne puissent être utilisés contre la personne concernée.

[Traduction]

M. Walt Lastewka: Je pense que vous...

La présidente: Excusez-moi, monsieur Lastewka.

M. Walt Lastewka: Est-ce que j'approche de la fin?

La présidente: Oui, vous approchez de la fin.

M. Walt Lastewka: J'attendrai au prochain tour.

La présidente: Monsieur Keyes.

M. Stan Keyes (Hamilton-Ouest, Lib.): Faisant suite à la question de M. Lastewka, je dirais que personne ne veut se servir de ces informations contre quelqu'un d'autre, même s'il existe des éléments dans notre société qui voudraient justement faire ça.

Monsieur Gaffield, vous dites que l'on peut mettre en place des restrictions au niveau des archives et de ce que nous conservons, mais il y a des restrictions ou des règles que nous pouvons mettre en place et qui diront: Si vous vous servez de certaines données à d'autres fins, il y aura un prix à payer pour cela. L'ennui, c'est qu'on sait que ça va s'il s'agit de textes manuscrits, mais en cette nouvelle ère électronique, les données que vous conservez peuvent être saisies par un pirate informatique de 12 ans qui se trouve dans quelque petite ville du Canada. Personne ne sait qui a obtenu l'information, comment elle a été obtenue, et ce qu'on en a fait parce que lorsqu'on découvre que ce petit pirate de 12 ans a saisi ces informations et les a diffusées... Donc il est bien de dire qu'on peut mettre en place des règles qui empêcheront l'utilisation abusive de ces renseignements, mais au même moment, qui allez-vous poursuivre? Les possibilités sont illimitées aujourd'hui lorsqu'il s'agit...

M. Chad Gaffield: Je vais demander à Terry Cook de vous répondre dans un instant, mais le fait est que nous ne nous opposons pas au cryptage. Toutes ces mesures de protection sont très efficaces. Tout ce que nous disons, c'est qu'il doit y avoir des dispositions particulières qui vous permettront d'atteindre votre but, qui est aussi le nôtre; personne ne veut que ce petit pirate de 12 ans ait accès à ces données—mais en même temps, tout en les protégeant contre ces pirates informatiques, nous ne voulons pas pour autant détruire tous ces dossiers pour toujours. Voilà le problème. Donc, ce que nous voulons, ce sont des dispositions qui disent: Oui, d'accord, le cryptage est une bonne chose, ça existe, mais en même temps, nous voulons nous assurer que de telles mesures n'effacent pas aussi la postérité, pour ainsi dire.

M. Stan Keyes: Monsieur Cook, vous avez parlé de systèmes d'exploitation. Je crois vous avoir entendu dire que vous aviez un ordinateur Apple ou quelque chose du genre, et que, lorsque vous l'avez mis à niveau, le système ne pouvait pas lire les anciennes données, etc.

M. Terry Cook: En effet.

• 1015

M. Stan Keyes: Cela me rappelle les cartouches à huit pistes que j'avais dans ma voiture. On ne peut plus trouver aujourd'hui de lecteur de cartouches à huit pistes. Vous avez de la chance si vous arrivez à en trouver un dans une vente de garage quelque part. On entend les mêmes airs et les données n'ont pas changé, mais tout se trouve maintenant sur des cassettes, puis ensuite sur des disques compacts, puis ensuite sur je ne sais trop quoi maintenant.

Ne peut-on pas établir le même parallèle avec les données? Je viens de me débarrasser de mon vieil ordinateur 486 et ai acheté un nouveau Pentium II, et toutes les données stockées ont été transférées dans mon nouvel ordinateur. N'est-ce pas la même chose? Penser que le système d'exploitation qui renferme toutes vos données cessera d'en permettre la récupération plus tard—ne téléchargez-vous pas les données stockées dans le vieil ordinateur dans le nouvel ordinateur pour veiller à ce qu'elles soient sauvegardées dans votre ordinateur le plus récent pour qu'elles puissent être récupérées?

M. Terry Cook: Voilà, en gros, une description très éloquente de ce que les archives doivent faire partout dans le monde.

Malheureusement, on ne peut pas vraiment établir une comparaison entre un ordinateur et la musique ou la vidéo. C'est dommage, par exemple, que les photos de votre mariage aient été enregistrées en Betamax, car maintenant vous ne pouvez plus les regarder.

Avec la vidéo et l'audio, le signal peut passer du huit pistes à la cassette, au disque compact et ainsi de suite, et il n'y aura pas de problème. Avec les documents informatisés, vous pouvez déplacer les supports physiques, mais il vous faut le logiciel qui y est rattaché. Je pourrais avoir un document informatisé sur une disquette de huit pouces, de cinq pouces, de trois pouces, sur un CD ROM, mais il me faudra à chaque fois un nouveau logiciel.

Par contre les archives, qui reçoivent des documents informatisés de centaines d'environnements logiciels différents, dont certains ne sont pas en vente libre, comme Word ou WordPerfect... Ce sont des logiciels privés pour macro-ordinateur construit intra-muros par des compagnies; mais lorsqu'il faut mettre ces logiciels à niveau tous les 10 à 15 ans, ou peut-être tous les cinq à huit ans, c'est une dépense considérable que les archives ne peuvent pas financer à l'heure actuelle. De plus, cette courbe est exponentielle. Plus votre retard est considérable, plus vous devrez restocker des documents, peut-être tous les huit à 10 ans.

Vous avez donc très bien décrit la nature du problème et ce n'est pas impossible de le faire. Lorsque des projets pilotes ont été mis sur pied, les archives ont montré qu'elles pouvaient y arriver. Les Archives nationales du Canada disposent d'un excellent programme de documents électroniques et ce depuis 25 ans, mais à une échelle très réduite. À mesure que le problème gagnera le gouvernement entier, voire la société dans son ensemble, pourra-t-on dépasser le simple stage de projets pilotes et de quelques petites expériences pour composer avec des milliers de documents chaque année? Pour l'heure, la question est sans intérêt.

M. Stan Keyes: Merci.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Keyes.

[Français]

Madame Lalonde, s'il vous plaît.

Mme Francine Lalonde: Dans une de vos recommandations, madame Burgess, vous proposez qu'on modifie l'alinéa 4(2)c) en y ajoutant «à des fins scientifiques». On y lirait donc: «à des fins journalistiques, artistiques, littéraires ou scientifiques et à aucune autre fin». Pouvez-vous nous expliquer pourquoi?

Mme Joanne Burgess: Nous nous sommes essentiellement inspirés de la directive européenne. Cet alinéa donne une exemption aux organisations qui recueillent, traitent, utilisent et communiquent des renseignements personnels à des fins journalistiques, littéraires, artistiques et à aucune autre fin. Dans notre mémoire, nous avançons l'argument que ce n'est pas évident que les activités auxquelles se prêtent les chercheurs universitaires, que ce soit en histoire ou dans d'autres champs, sont exactement similaires à la création littéraire ou à la création artistique. Oui, on s'exprime par nos plumes, mais les recherches érudite et scientifique, comprises ici dans le sens de recherche académique, visent à faire avancer nos connaissances. Nous croyons qu'il n'était pas évident, dans cet alinéa et l'alinéa 7(1)c), que les organismes menant ce type d'activités avaient cette exemption globale pour les fins de collecte de données.

Il nous semblait important d'explicitement exclure des organisations recueillant, utilisant ou communiquant des données à des fins de recherche scientifique. On pourrait dire qu'il s'agit d'un problème d'appellation et utiliser l'expression «recherche érudite». Dans la version anglaise, on a proposé l'expression «scholarly research». Nous croyons que ce type d'activité devrait bénéficier de manière explicite de cette exemption, tout comme la création littéraire ou la création artistique, de sorte que le journaliste ou l'historien oeuvrant dans une organisation qui fait de la recherche érudite, constitue des dossiers, etc., ne soit pas soumis aux obligations des organisations commerciales.

• 1020

Il s'agit d'une reconnaissance, dans notre argumentation, de la valeur de la liberté d'expression artistique et littéraire. Nous croyons que la liberté d'expression académique ou de recherche érudite est aussi une fin légitime.

Mme Francine Lalonde: Je sais que vous vous attendiez à ce que je vous pose la question suivante. Par contre, la recommandation 13 du mémoire de l'Association des archivistes du Québec propose que soit ajouté un alinéa 7(2)d) qui se lirait comme suit:

    l'utilisation est faite à des fins d'évaluation ou de traitement (classification, classement et description) archivistique de documents en vue de la conservation de documents ayant une importance historique ou archivistique.

Mme Danielle Lacasse: Nous avons formulé cette recommandation afin de faciliter le travail des archivistes. Lorsque les archivistes évaluent des documents en vue de déterminer s'ils ont une valeur historique ou archivistique, ils doivent souvent parcourir des kilomètres de documents et ils ne peuvent donc évidemment pas demander au commissaire une autorisation préalable pour consulter ces documents-là. En fin de compte, c'est une clause qui s'inscrit dans le travail de l'archiviste.

M. James Lambert: Autrement dit, ce n'est pas la même demande.

Mme Danielle Lacasse: Non, c'est différent.

M. James Lambert: Notre demande se limite au travail archivistique, tandis les représentants de l'Institut d'histoire de l'Amérique française traitent de la question de la communication des archivistes vers les chercheurs.

La présidente: Madame Burgess.

Mme Joanne Burgess: L'alinéa 7(2)c) prévoit de façon explicite l'utilisation d'un renseignement personnel «à des fins statistiques ou à des fins d'étude ou de recherche érudites». Notre revendication ne porte donc pas sur cet alinéa puisqu'on y reconnaît déjà la possibilité d'utiliser des renseignements personnels d'une manière qui en assure le caractère confidentiel. Par contre, si ma mémoire est bonne, il semblait y avoir un déséquilibre au niveau de la reconnaissance de la légitimité de la recherche érudite dans les alinéas 7(2)c) et 7(3)f). Dans le paragraphe 7(1), la clause générale, et l'alinéa 7(2)c), on ne retrouve pas cette reconnaissance explicite. Il y a donc une volonté de réaffirmer ce qui est reconnu ailleurs. Cela ne contredit pas l'amendement que propose l'Association des archivistes du Québec à ce même alinéa.

Mme Francine Lalonde: Merci. J'ai l'impression qu'on se retrouve devant deux mondes et je me demande si mes collègues d'en face partagent ce sentiment.

Il y a le monde du virtuel actuel. On a déjà entendu Mme Steeves nous faire état de banques constituées à partir de renseignements qu'on trouve en surfant sur le Net. On ne connaît pas l'importance qu'ont ces banques déjà constituées et personne n'en connaît l'exactitude. Comment pourrait-on faire l'histoire à partir de documents dont personne ne serait capable d'établir la valeur historique? D'une certaine manière, le futur monde de la cueillette sera celui-là. Nous sommes très loin de votre reconnaissance, parce qu'on pourrait dire: Garbage in, garbage out.

D'autre part, il y a les banques de papier qui existent déjà et vous voulez vous assurer qu'elles ne soient pas retirées de la constitution ou de la fabrication de l'histoire. Ce sont vraiment deux mondes. J'aimerais en savoir davantage sur le deuxième monde. Dans le fond, on parle en ce moment des documents de papier, et non pas des futurs documents.

[Traduction]

La présidente: Monsieur Cook.

M. Terry Cook: Je crois que l'avenir du papier n'est pas bouché. On parle depuis longtemps d'un bureau sans papier mais ce n'est pas encore chose faite.

• 1025

[Français]

Mme Francine Lalonde: J'aime vous entendre dire cela.

[Traduction]

M. Terry Cook: Il y a cependant certaines études qui sont troublantes. Lorsque j'ai travaillé pour un service d'archives récemment, d'importants groupes de documents ont été analysés dans le cadre de deux projets. En l'espèce, la règle était: «tu imprimeras sur papier». L'ordinateur est une machine à écrire intelligente. Tout ce qui était important devait être imprimé sur papier et classé.

Lorsque nous avons analysé les documents informatisés et que nous les avons comparés aux documents-papier, pas moins de 30 p. 100 des importants documents stratégiques étaient sous forme électronique mais non sur support papier.

Alors le monde du papier existe toujours, mais prend surtout la forme de photocopies et de doubles. Mais il existe des fichiers électroniques uniques.

Pour revenir à votre première observation cependant, qui, à mon avis, est très importante, que dire de tous ces trucs qui se baladent ici et là? Je pense qu'il convient d'établir une distinction très nette entre le créateur du dossier électronique et la transmission de ce dossier. Il n'y a pas de problème, côté transmission, tout est sur Internet. Il existe des milliers de copies—le pirate informatique de 12 ans qui envoie une copie partout—mais il y a toujours un port d'attache, soit pour un site web soit pour une base de données, desquels cette information est extraite et transmise un peu partout.

Je peux vous citer un exemple que je connais bien. Le registre d'inscription des Indiens employés au ministère des Affaires indiennes et du Nord a vu le jour en 1851. C'était une série de grands journaux manuscrits jusque dans les années 1960, époque à laquelle ces données ont commencé à être informatisées. Si je ne m'abuse, c'était en 1963. En 1984, tout est devenu électronique. Ainsi, la base de données qui prouve que vous êtes Indien de plein droit et vous permet ainsi de prendre part à toutes les revendications des peuples autochtones de ce pays n'existe que sous forme électronique. Ainsi, dans 150 ans, quelqu'un qui voudra prendre part au processus de revendication des Indiens, comme les Autochtones le font actuellement, devra pouvoir mettre la main sur ce dossier datant de 1999, ou ce processus n'existera tout simplement pas, mis à part ce que nous enseignera l'histoire.

Les archivistes ne passent pas en revue tous ces milliards d'éléments d'information, mais se penchent sur les fonctions et les activités à l'origine du dossier et déterminent ce qui est important. Il faut isoler les bases de données et les protéger. Cela ne peut pas se faire au stade de la dissémination de l'information, car c'est impossible. Il faut revenir à l'auteur du dossier et essayer de protéger les bases de données clés ou les principales méthodes d'organisation du travail. Je ne sais pas si cela répond à votre question.

La présidente: Monsieur Gaffield.

M. Chad Gaffield: Très rapidement, pour répondre à la personne qui se demandait tout à l'heure si on craignait que ces données ne disparaissent, je peux vous dire, par exemple, que la NASA ne peut pas lire la plupart de ses bandes datant des années 1960. Ces données ont été altérées. Le recensement américain de 1960, par exemple, qui avait été informatisé, n'est plus lisible. Je pourrais vous citer des tas d'exemples de la théorie de la migration et de son fonctionnement. Mais cela ne donnerait rien. Il existe de très nombreux documents électroniques qui ne valent plus rien maintenant.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Qui a disparu.

M. Chad Gaffield: Oui, elle a disparu. D'après moi, si on commence à se dire qu'il ne faut pas trop s'inquiéter, il se pourrait bien que dans 10 ans ou 20 ans, on ait perdu la plus grande partie de la documentation électronique actuelle.

La présidente: Thank you. Merci, madame Lalonde.

Mme Francine Lalonde: Alors, on n'a pas de raison d'être inquiets, par l'absurde.

[Traduction]

La présidente: Monsieur Murray.

M. Ian Murray (Lanark—Carleton, Lib.): Merci. Je voulais poser une question à M. Cook, mais j'ai dû m'absenter quelques instants et j'ai peut-être manqué une partie de la discussion.

Monsieur, vous parliez tout à l'heure des problèmes que posait le cryptage et vous proposiez, si je puis m'exprimer ainsi, un amendement à la sésame-ouvre-toi qui permettrait d'une façon ou d'une autre d'accéder à tous ces renseignements à un moment donné. Or, j'ai été frappé par le côté peu pratique de la chose. Comme Mme Lalonde le disait, il y a tous ces trucs qui se baladent ici et là, et s'ils sont encodés, il vous est difficile de savoir ce que vous recherchez vraiment, tout simplement parce les données sont chiffrées. Et ensuite, il faut arriver à percer le code.

Ai-je mal compris? Ce n'est pas clair dans mon esprit. Comme je l'ai dit, cela me semble très peu pratique.

M.Terry Cook: Non. Ce ne sera pas gratuit, c'est certain. Mais je ne pense pas que ce soit peu pratique.

Si à l'époque, vous ajoutez une nouvelle dimension à un système électronique, comme des codes de chiffrement, en prévoyant une disposition qui les fera disparaître au bout d'un certain temps, ils s'autodétruiront; ils seront supprimés. Si leur suppression est programmée en amont, c'est très pratique. Si vous attendez que l'on ait fini avec les dossiers, ceux-ci ayant été remisés depuis cinq ans, la personne qui appellera les archives pour leur demander si ces documents les intéressent alors que les responsables ne sont plus là, dans ce cas vous avez raison, il serait absolument impossible de les déchiffrer document par document. Personne ne le fera.

• 1030

C'est la raison pour laquelle nous demandons, et nous nous inspirons en ce sens du modèle suédois, que les mécanismes mis au point à l'heure actuelle avec les informaticiens et les archivistes permettent aux ministères et aux entreprises qui sont régis par ce projet de loi... si le document est détruit à la fin de sa vie utile, très bien, détruisez-le, mais s'il a une quelconque valeur historique, il faudrait que son déchiffrement soit préprogrammé. Mais si cela ne se fait pas dès le départ, cela ne se fera jamais. Vous avez tout à fait raison; c'est peu pratique. Si cela se produit—quelques-uns d'entre nous qui discutent de documents électroniques ont en fait utilisé votre métaphore—, il n'y a pas de sésame-ouvre-toi pour les documents électroniques. Si le fichier est irrécupérable, c'en est fini.

M. Ian Murray: Dans ce cas, vous demandez aussi aux entreprises et au gouvernement d'évaluer un grand nombre de documents sur lesquels ils travaillent et d'établir s'ils ont une quelconque valeur pour les historiens ou les archivistes de demain. C'est là un domaine de conscientisation tout à fait nouveau.

M. Terry Cook: Deux dimensions sont en cause ici. La première concerne les entreprises et le gouvernement. Quels documents ont une valeur à long terme pour le gouvernement? Le gouvernement du Canada peut-il se passer de données sur les pensionnats autochtones dans 20 ou 50 ans? Au niveau des coûts sociaux, je pense que le gouvernement ne peut pas se permettre de constater que ses dossiers seront alors illisibles. La même observation vaut pour les archivistes et les historiens, mais c'est peut-être secondaire.

Deuxièmement, la profession d'archiviste s'est complètement transformée au cours des 5 à 10 dernières années. Nous ne pouvons plus attendre tranquillement que chacun ait fini avec un document pour l'évaluer. Il faut être en première ligne, et aider les auteurs de documents au gouvernement et dans les entreprises à décider quels documents doivent être conservés, et insérer ensuite des commandes «à conserver» ou «à détruire» dans le logiciel en cours de création. Si cela ne se fait pas dès le départ, cela ne se fera jamais ou alors avec grand peine.

M. Ian Murray: Mais comme vous bénéficiez d'une dérogation dans ce projet de loi, vous pourrez être proactifs. Vous pouvez aider dès maintenant les archivistes de demain en analysant les données qui existent pour essayer de voir ce qui doit être conservé, en sachant ce qui existe aujourd'hui et en indiquant peut-être ce qui devrait être analysé à l'avenir. Je pense que cela change la nature de votre travail de façon non négligeable. On pourrait peut-être comparer votre travail à la différence qui existe entre un journaliste et un historien.

M. Terry Cook: Vous avez tout à fait raison, il faut indiquer ce qui doit être conservé et indiquer ce qui doit être déchiffré.

M. Ian Murray: Bien, merci.

La présidente: Merci infiniment.

Monsieur Lastewka, avez-vous une dernière question à poser?

M. Walt Lastewka: J'allais approfondir ce qu'a dit M. Keyes. J'ai remarqué dans vos rapports... et nous nous sommes demandé tout à l'heure s'il fallait compter 92 ans, 100 ans ou 110 ans. Êtes-vous unanimes sur ce point entre vous?

M. Terry Cook: Non.

Permettez-moi de vous faire part de la position de l'Association of Canadian Archivists. Nous avons opté pour 92 ans, car c'est le seul précédent que renferment les textes de loi fédéraux en matière de divulgation de documents à partir de leur date.

La réglementation relative à la protection des renseignements personnels renferme deux dispositions: 110 ans après la naissance ou 20 ans après le décès et, dans le cas du recensement, 92 ans après le recensement. Cela a été fait ainsi car l'âge de la majorité est de 18 ans, si bien que 92 plus 18 égale 110 ans après la naissance. En règle générale, vous ne participez pas au recensement si vous avez moins de 18 ans, et c'est pourquoi nous avons opté pour 92 ans en fonction du précédent établi par le recensement.

Nous pourrions opter pour 95 ou 100 ans, dans ces eaux-là, mais nous tenons absolument à ce qu'il y ait une date basée sur la date du document ainsi que sur la date de naissance et de décès de la personne en question. Si vous pouvez trouver la date de naissance et de décès de la personne, fort bien, mais c'est impossible dans de nombreux cas. Dans ce cas, le document doit être daté afin de respecter la réglementation sur la publication de documents.

[Français]

M. James Lambert: L'Association des archivistes du Québec propose une période de 100 ans. Toutefois, nous sommes un peu liés par la recommandation qu'on a faite au Québec quant à la Loi sur les renseignements personnels dans le secteur privé. Initialement, l'automne dernier, je crois, on avait proposé 75 ans. Entre-temps, on a fait une étude de la législation canadienne et internationale et on a conclu qu'habituellement, c'était entre 75 et 100 ans.

Le gouvernement s'est mis à l'oeuvre et a fait une nouvelle proposition de 150 ans, ce qu'on trouvait encore trop long. On a porté la durée à 100 ans après quelques négociations. Entre 92 et 100 ans, la différence n'est pas énorme.

• 1035

Pour nous, l'important est de calculer la durée à compter de la date du document plutôt que de la date du décès ou de la date de naissance. Si on la calcule à partir de la date de naissance ou du décès et que la période soit plus courte, c'est tant mieux. Mais il faut qu'il y ait au moins une date qui soit fondée sur la date du document parce qu'il est beaucoup plus facile de calculer la durée de la protection des renseignements personnels contenus dans un document daté que d'essayer de trouver la date de naissance de Joe Blow.

[Traduction]

M. Walt Lastewka: Donc, si nous optons pour 100 ans, vous accepterez ce chiffre je suppose, pour qu'il y ait une certaine uniformité.

La présidente: Joanne, voulez-vous répondre?

Mme Joanne Burgess: Je voulais simplement ajouter que, dans les mémoires que nous avons adressés au gouvernement du Québec, nous avons également recommandé le chiffre de 100 ans à partir de la date de création du document, car c'est surtout la date où les données les plus névralgiques peuvent être divulguées, surtout qu'il existe déjà des dispositions législatives régissant les données moins névralgiques qui peuvent être utilisées et, au bout d'un certain temps, divulguées. Donc dans ce sens-là, la souplesse y est. À nos yeux, ce sera un maximum et nous accepterions ce chiffre.

M. Walt Lastewka: Pour revenir à votre mémoire, vous avez parlé du problème de l'an 2000. Vous savez sans doute que notre comité se penche très activement sur ce problème depuis un certain nombre d'années déjà. Mais s'il y a jamais eu un moment où les entreprises et tous les groupes de pays doivent s'entendre pour établir l'importance archivistique des documents, comme vous l'avez dit tout à l'heure, c'est maintenant. Divers groupes du pays doivent également être en mesure—et vous avez apporté quelques documents là-dessus aujourd'hui—de sensibiliser la population à l'importance de la chose pour qu'elle puisse comprendre pourquoi nous devons procéder ainsi, car tous ces documents sont supprimés, les gens n'ayant pas été informés.

M. Chad Gaffield: Les journaux relatent le plus souvent deux phénomènes qui sont associés à cette question: la crainte que ces renseignements personnels ne soient détournés et un manque de compréhension de notre histoire, de notre identité et ainsi de suite. Or il me semble que nous offrons ici une façon de réconcilier ces deux aspects du problème car ce sont deux problèmes tout à fait légitimes et nous pouvons les traiter ensemble. C'est pourquoi il est toujours question d'équilibre dans ces débats. Nous recherchons un juste milieu et c'est ce que propose ce texte de loi.

M. Walt Lastewka: Merci, madame la présidente.

La présidente: Merci, monsieur Lastewka.

Madame Lalonde, avez-vous une dernière question à poser?

[Français]

Mme Francine Lalonde: Oui. À quelle heure doit-on terminer?

[Traduction]

La présidente: Vers 10 h 40.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Ce sera donc ma dernière question. J'aimerais que vous nous donniez certaines explications, madame Lacasse et monsieur Lambert, sur votre recommandation numéro 2. Certains témoins précédents ont souligné qu'il y manquait la définition de mots importants, comme celle de «renseignements personnels». Voulez-vous nous en donner votre définition?

Mme Danielle Lacasse: En fin de compte, cela répond un peu à une des préoccupations que vous avez exprimées tout à l'heure concernant les deux mondes.

Ces deux mondes se rapportent à des situations documentaires différentes, en ce sens qu'il très facile de repérer un renseignement personnel dans des dossiers ou des fichiers informatisés, notamment à l'aide de tous les logiciels de repérage de texte qui existent. Dans des dossiers ou des fichiers manuels qui ne sont pas structurés selon des critères nominatifs, notamment les dossiers organisés par thème, de façon chronologique ou autrement, le repérage ou l'identification de renseignements personnels est quasi impossible, compte tenu du travail que cela exige.

Mme Francine Lalonde: C'est une protection.

Mme Danielle Lacasse: En effet, c'est une protection. Ces documents jouissent d'une certaine protection naturelle, selon le terme que nous avons employé. À cause de cela, la fraude volontaire est quasiment impossible.

C'est pourquoi on s'était dit qu'il serait bon de préciser la définition de «renseignements personnels» pour que les documents qui ne sont pas structurés selon des critères nominatifs, les documents manuels, soient exclus de cette loi. Cela va dans le sens de l'équilibre que nous recherchons.

• 1040

Dans un sens, certaines considérations devraient être renforcées en ce qui a trait au consentement, etc. Par contre, il faut quand même pouvoir utiliser ces documents.

M. James Lambert: J'ajouterai simplement que cette exemption est importante pour les archivistes parce que cela leur évite de devoir lire page après page les documents de recherche pour y trouver des renseignements personnels qui seraient par hasard contenus dans un document où on ne s'attendrait pas à les trouver. Autrement dit, il n'y aura plus d'obligation législative de chercher ces renseignements.

Mme Francine Lalonde: Je ne suis pas sûre de tout comprendre. Je pense que c'est quelque chose d'important, mais je ne comprends pas tout.

M. James Lambert: Comme vient de le dire Mme Lacasse, on pense à des renseignements personnels contenus dans des documents manuels, qui ne sont pas facilement repérables parce que ces documents ne sont pas structurés en fonction des noms des personnes.

Mme Francine Lalonde: Vous n'auriez pas besoin de chercher mon nom, par exemple.

M. James Lambert: C'est cela. On pense par exemple à la correspondance d'un ministère, où on ne s'attendrait pas à trouver des renseignements personnels. En principe, actuellement, on serait obligé de lire chacune des lettres, page par page, chacun des documents afin de trouver les renseignements personnels qui pourraient y être contenus mais qui ne s'y trouvent peut-être pas. Il n'y en a peut-être pas, mais on est obligés de le vérifier.

Avec l'exemption que nous demandons, on n'aurait pas cette obligation. Or, il n'y a pas de raison de le faire parce que personne ne chercherait un renseignement personnel dans ces documents.

Mme Francine Lalonde: Sauf un historien.

M. James Lambert: Non plus. Il faudrait que cet historien ait des ressources illimitées. Je n'en connais aucun qui ait ce genre de ressources.

[Traduction]

La présidente: Mme Burgess voudrait également dire un mot.

[Français]

Mme Joanne Burgess: Il me semble que ce que propose l'AAQ ressemble beaucoup au cas de la loi britannique. Après révision, le champ d'application de la Data Protection Act est limité aux fichiers électroniques et aux données structurées sur une base nominative quand elles sont conservées sur support papier.

Cette même distinction était incluse dans les amendements au projet de loi du Québec dans la mesure où on visait à apporter certains assouplissements à un régime extrêmement restrictif. Dans ce cas-là, le projet de loi dit que ce qui n'est pas structuré sur une base nominative peut être utilisé. Donc, les archivistes n'auront pas à faire le tri de tout le matériel organisé de cette façon.

Mme Francine Lalonde: Il est important de définir ce que le projet de loi dit.

Mme Joanne Burgess: Nos propositions ne sont pas allées aussi loin parce que nous sommes vraiment pressés de soustraire une quantité importante de renseignements du champ d'application de la loi.

Cela peut être atteint de la même façon par les alinéas 7(3)f) et 7(2)c) conjointement. Il est certain qu'une recommandation comme celle-là a l'avantage de simplifier pour les entreprises le traitement des données et des fonds d'archives. Il est certain que cela a pour effet de soustraire potentiellement des renseignements sensibles du champ d'application de la loi.

[Traduction]

La présidente: Merci, madame Lalonde.

Monsieur Shepherd, avez-vous une dernière question à poser?

M. Alex Shepherd: Ce que vous avez dit à propos du cryptage m'a beaucoup intéressé. Je suppose qu'ici, des gens consacrent des millions et des millions de dollars aux techniques de cryptage. Il me semble que ce qui importe, c'est la clé. Ai-je raison? Vous avez dit, et c'était intéressant, que le Conseil national de recherches devrait avoir cette clé. J'espère que vous pardonnerez mon ignorance de la technologie, mais je ne vois pas comment cela pourrait vous avantager. Est-ce ce que vous proposiez?

M. Terry Cook: Au gouvernement, l'infrastructure publique principale protégeant le secret des signatures et les documents encodés devrait être centralisée et la législation devrait uniformiser les méthodes de codage et de désencodage des documents.

À la lecture du texte de loi, nous concluons que chaque ministère pourra mettre au point les mécanismes qu'il veut. Vous courez droit à la catastrophe.

• 1045

On peut s'inspirer des exemples suédois et européens pour régler cette clé. Alors, que ce travail se fasse par le Conseil national de recherches en collaboration avec les Archives nationales, ou avec quelque autre organisme compétent, comme Industrie Canada, c'est cet organisme qui contrôlerait le cryptage des documents et qui serait une source d'information. Ainsi, ceux qui coderaient les documents et ceux qui les désencoderaient se serviraient des mêmes systèmes, normes, protocoles et ainsi de suite.

M. Alex Shepherd: Dites-vous que le projet de loi devrait être plus précis à ce sujet?

M. Terry Cook: Oui, soit dans le texte de loi lui-même, soit dans les règlements d'application.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Shepherd.

Je voudrais remercier nos quatre témoins et tous ceux qui les ont accompagnés d'être venus aujourd'hui. Nous vous en sommes reconnaissants. Vos mémoires étaient fort complets et très longs. Je ne sais pas si nous pourrons donner suite à toutes vos recommandations, mais nous vous savons gré de nous les avoir présentées. Elles nous ont permis d'aborder une autre dimension aujourd'hui, de réfléchir autrement au problème, et nous vous en remercions. Nous vous reverrons une autre fois pour discuter d'autre chose.

La séance n'est pas encore levée, alors je vous prie, chers membres du comité, de ne pas partir.

J'aimerais simplement vous parler d'un point de l'ordre du jour concernant l'examen de la Loi sur le financement des petites entreprises au Canada. Nous allons distribuer le projet de rapport.

Encore une fois, je tiens à remercier les témoins. Je suis désolé, mais nous devons passer à un autre sujet. Je veux simplement faire approuver nos projets de rapport. Il me faut une motion.

• 1050

Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous avons communiqué avec tous les témoins et personne ne veut comparaître. Tout le monde est satisfait du règlement. Nous n'avons pas reçu de lettres de leur part, cependant, nous avons parlé directement avec chaque témoin.

L'Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires a reçu une réponse de la plupart de ses membres et se dit satisfaite du règlement, tout comme l'Association des banquiers canadiens, Jason Baldwin, la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante et l'Association canadienne de la franchise.

M. Stan Keyes: Je propose la motion.

La présidente: On a proposé et appuyé le projet de rapport.

    (La motion est adoptée)

La présidente: Merci beaucoup. Encore une fois, je tiens à encourager les membres d'examiner le projet de loi C-54 la semaine prochaine, lors de la période de relâche. Peut-être qu'il serait également utile de demander à votre personnel de sortir les témoignages que nous avons entendus. Il s'agit d'une question très complexe et technique. On demande à ce comité d'apporter beaucoup de changements, et je crois qu'il est important de l'analyser de façon approfondie.

Madame Lalonde.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Est-ce qu'il sera possible de faire la comparaison avec la directive européenne pendant la période de relâche?

[Traduction]

La présidente: Je ne crois pas qu'on puisse le faire avant la semaine de relâche.

Mme Francine Lalonde: Je ne veux pas dire avant le congé; je dis qu'on pourrait se servir de cette semaine de relâche pour le faire.

La présidente: D'accord. Je suis désolée, j'ai mal compris la traduction. Espérons qu'on va pouvoir le faire, mais il faut comprendre qu'il s'agit d'une question très complexe qui va exiger pas mal de temps.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Il peut utiliser la comparaison faite par M. Flaherty en Colombie-Britannique. M. Flaherty, le commissaire à la vie privée, a déjà fait une comparaison entre la norme CSA, la loi du Québec et la directive européenne.

[Traduction]

La présidente: Et la directive européenne...? Très bien. Est-ce que cela a fait partie de son témoignage au mois de décembre? Est-ce qu'il a présenté une comparaison à ce moment-là?

Mme Francine Lalonde: Il a dû l'envoyer parce qu'il a dit qu'il le ferait.

La présidente: J'ai fait allusion à cela. On pourrait peut-être vérifier auprès de...

Mme Francine Lalonde: De toute façon, on peut l'obtenir par Internet.

La présidente: D'accord, merci beaucoup.

La séance est levée.