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INDY Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON INDUSTRY

COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 6 mai 1999

• 0903

[Traduction]

La présidente (Mme Susan Whelan (Essex, Lib.)): La séance est ouverte.

Conformément à l'ordre de renvoi de la Chambre, en date du 1er mars 1999, le comité reprend l'examen du Budget principal des dépenses pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 2000, soit Industrie, les crédits 115 et 120.

Je suis ravie d'accueillir ce matin l'honorable Ron Duhamel, secrétaire d'État aux sciences, à la R-D, et responsable de la Diversification de l'économie de l'ouest du Canada. Monsieur Duhamel, nous sommes ravis de pouvoir vous accueillir de nouveau et d'entendre vos remarques sur la question. Peut-être pourriez-vous nous présenter les collègues qui vous accompagnent aujourd'hui.

[Français]

L'hon. Ronald J. Duhamel (secrétaire d'État (Sciences, Recherche et Développement)(Diversification de l'économie de l'Ouest canadien), Lib.): Merci, madame la présidente. Chers collègues, vous avez devant vous la documentation formelle; je crois avoir fait distribuer deux pages supplémentaires pour vous aider à comprendre davantage notre ministère.

Pendant les prochaines minutes, je vais faire ressortir le caractère unique de Diversification de l'économie de l'Ouest Canada.

[Traduction]

Je voudrais aborder brièvement avec vous un certain nombre de thèmes. J'aime autant limiter mes remarques liminaires pour que vous ayez un maximum de temps pour poser vos questions, si vous le souhaitez.

Donc, le premier point concerne les services axés sur la clientèle. Pour moi, Diversification de l'économie de l'Ouest, ou DEO, comme on l'appelle, est avant tout un ministère axé sur les personnes et capable d'assurer un service à la clientèle réellement excellent. Son principal objectif est d'offrir aux entreprises les services dont elles lui ont dit avoir besoin.

• 0905

Parlons un peu maintenant de l'entrepreneuriat dans l'Ouest. Notre rôle consiste à être un facilitateur et un intermédiaire, en ce sens que nous nous efforçons de réunir des gens ayant différents types d'expertises et offrant différents types de services pour favoriser l'entrepreneuriat. Certaines d'entre vous sauront que le secteur de la petite entreprise est à l'origine d'environ la moitié des emplois dans l'Ouest. Il s'agit donc d'un secteur très important. On compte en effet presque un million de travailleurs indépendants dans l'Ouest du pays. Nous aidons les petites entreprises à démarrer, à se développer, à créer des emplois et à participer au commerce mondial.

Dans un sens, nous aidons les gens à réaliser leurs rêves en ce qui concerne le développement économique.

[Français]

DEO aide les petites et les moyennes entreprises entreprises à démarrer, à se développer, à créer des emplois et, autant que possible, à exporter et à trouver de nouveaux marchés à l'extérieur du pays. Je vais vous donner un exemple.

[Traduction]

Permettez-moi de vous citer, à titre d'exemple, une entreprise du nom de Kelsan Lubricants implantée à North Vancouver. Kelvin Chiddick, chimiste, a acheté l'entreprise il y a une dizaine d'années. À l'époque, il avait peu de temps à consacrer à la mise au point de nouveaux produits. Comme son chiffre d'affaires baissait, il s'est rendu compte qu'il lui fallait absolument mettre au point de nouveaux produits. M. Chiddick a donc entrepris des démarches auprès de Diversification de l'économie de l'Ouest pour obtenir de l'aide; DEO lui a donné des conseils et 45 000 $ pour la mise au point et la fabrication de nouveaux produits. Six ans plus tard, Kelsan a obtenu 1 millions de dollars de la Banque fédérale de développement par le truchement du Fonds de prêts aux entreprises fondées sur le savoir de DEO. M. Chiddick s'est ensuite tourné vers le Programme Premiers emplois en sciences et technologie et le Programme d'emploi en commerce international (PECI) pour l'aider à diversifier le marché de son entreprise. Cette initiative a été couronnée de succès.

Voilà donc une situation où DEO a justement fait fonction d'intermédiaire et de partenaire pour réunir différentes personnes pour aider une entreprise à trouver la voie du succès. Nous avons joué le rôle d'ami, de facilitateur et d'intermédiaire, mais il va sans dire que c'est l'entreprise elle-même qui est l'artisane de sa réussite.

Ces programmes que je viens de mentionner, comme le Programme premiers emplois en sciences et technologie, revêtent une grande importance pour l'ouest du Canada et pour les récents diplômés qui ont des compétences dans le domaine du marketing. En fait, depuis 1995, plus de 950 emplois ont été créés pour les jeunes de l'Ouest grâce à ces deux programmes.

En voilà un autre exemple. DEO a récemment aidé à financer les recherches de Ballard Power Systems de Burnaby, en Colombie- Britannique, qui a mis au point une technologie à pile combustible très innovante. Comme vous le savez peut-être, Ballard a annoncé un essai pilote d'une technologie propre sur des autobus en Californie et dans la région de Vancouver. En finançant les premiers stades de la recherche, nous encouragions l'innovation, ce qui a amené une technologiste du futur au temps présent.

Je voudrais maintenant parler de personnes et de partenariats,

[Français]

les personnes et les partenariats. Le ministère ne compte qu'environ 320 employés, mais nous allons chercher des ressources un peu partout ailleurs, aux niveaux provincial et municipal et dans le secteur privé. Nous tentons de nous assurer que tous travaillent ensemble de façon à donner le meilleur rendement possible à ces petites et moyennes entreprises.

[Traduction]

Une entente de partenariats novatrice avec les grandes banques à charte du Canada et d'autres institutions financières a mené à la création de 28 fonds de prêts qui alimentent des réserves pour pertes de 57 millions de dollars, ce qui a permis d'obtenir en contrepartie—et c'est ça qui est important—429 millions de dollars d'investissements pour des capitaux de financement de la petite entreprise.

• 0910

[Français]

Donc, il y a des partenariats avec des banques afin de s'assurer qu'il y ait un financement adéquat lorsqu'on a un plan d'affaires qui, évidemment, est conforme à certaines normes.

[Traduction]

Nous avons aussi dirigé les négociations relatives aux Ententes de partenariat pour le développement économique de l'Ouest (EPDEO). Vous savez peut-être que ces ententes représentent 40 millions de dollars par province—c'est-à-dire 20 millions de dollars pour chacun des deux paliers de gouvernement—et qu'elles font l'objet d'une formule de partage des coûts. Jusqu'à présent, trois ententes ont été signées, et elles donnent de très bons résultats. D'ailleurs, nous espérons signer sous peu une entente avec la Colombie-Britannique. DEO est aussi l'agent de mise en oeuvre des programmes fédéraux nationaux dans l'Ouest. Vous n'êtes certainement pas sans savoir que nous avons participé au programme des travaux d'infrastructure qui a permis, grâce à une injection de 747 millions de dollars, de financer plus de 5 300 projets qui ont créé plus de 35 000 emplois.

Nous sommes également aux premières lignes pour ce qui est d'aider les Canadiens de l'Ouest quand ils en ont particulièrement besoin. Par exemple, les 224 millions de dollars versés par le gouvernement fédéral pour venir en aide aux victimes des inondations de la rivière Rouge et pour prévenir d'autres inondations de cette ampleur, et les 400 millions de dollars de crédits fédéraux accordés pour la restructuration économique du secteur de la pêche de la côte Ouest et le développement des collectivités côtières. Nous avons participé à l'exécution de certains de ces programmes.

[Français]

Plus récemment, les gouvernements fédéral et provinciaux ont en outre accordé 20 millions de dollars pour la commercialisation de la technologie des Laboratoires de Whiteshell, à Pinawa, en plus des 3,7 millions de dollars qu'on a pour l'adaptation des communautés lorsqu'on retire quelque chose de très important d'un endroit.

[Traduction]

Sur cette somme, un prêt de 200 000 $ a été consenti à Acsion Industries pour acheter la technologie de traitement de faisceau électronique d'Énergie atomique du Canada. Acsion a maintenant ouvert sa première agence commerciale européenne à Londres. Elle a signé des contrats avec Air Canada pour mettre au point conjointement un traitement par faisceau électronique pour la réparation et la fabrication de pièces d'aéronefs. Comme l'expliquait Chris Saunders, président d'Acsion: «La technologie de réparation par faisceau électronique ouvre des possibilités passionnantes à Acsion, et le fait de travailler avec Air Canada permettra aux deux entreprises d'exploiter rapidement les avantages de cette technologie.»

[Français]

Passons maintenant à notre réseau de relations et au guichet unique de services,

[Traduction]

un réseau de relations et un guichet unique de services. Vous m'aurez certainement entendu dire que nous avons actuellement plus de 100 points de services. C'est vrai. En fait, il y en a même davantage. Notre réseau comprend 90 Sociétés d'aide au développement des collectivités (SADC), quatre Centres de services aux entreprises du Canada (CSEC), reliés par Internet à 97 bureaux satellites dans les collectivités, quatre Centres de services pour les femmes entrepreneures, qui ont des bureaux dans neuf localités, et quatre bureaux régionaux de DEO dans les provinces de l'Ouest, en plus de deux bureaux locaux à Regina et à Calgary. Tous ces bureaux sont raccordés entre eux, ce qui leur permet de créer une véritable synergie, puisqu'ils s'entraident, ils assurent un bon échange d'information, et ils travaillent en partenariat. Ce sont d'ailleurs nos partenaires, et nous les traitons comme tels.

Il y a environ deux semaines, j'ai pu annoncer, au nom du gouvernement du Canada, une injection de 90 millions de dollars sur cinq ans pour appuyer les Sociétés d'aide au développement des collectivités.

[Français]

Ces sociétés d'aide au développement des collectivités sont là pour développer les communautés rurales et sont gérées par des bénévoles de la communauté qui établissent leurs propres priorités et font des suivis selon leur bon jugement.

[Traduction]

Au cours des quatre dernières années, les SADC ont accordé plus de 8 000 prêts totalisant 176 millions de dollars et ont contribué à la création ou au maintien de plus de 28 000 emplois. Je signale, par ailleurs, qu'elles sont grandement aidées par le secteur du bénévolat. En effet, les SADC comptent plus de 1 000 membres bénévoles dans leurs conseils d'administration, et elles font appel à environ 10 000 autres bénévoles dans le cadre d'une vaste gamme d'activités de développement communautaire qui se déroulent dans les petits villages et villes de l'ouest du pays.

Il y a quelques semaines, j'ai annoncé le versement d'une subvention supplémentaire, de 17,5 millions de dollars sur une période de cinq ans à l'Initiative pour les femmes entrepreneures (ISE) et je tiens à attirer votre attention sur cette initiative très importante. Ce sont les femmes entrepreneures qui créent la moitié des nouveaux emplois pour travailleurs indépendants au Canada et à qui l'on doit un tiers des emplois pour travailleurs indépendants dans l'ouest du pays. De plus, les femmes possèdent près de 300 000 entreprises dans l'ouest du Canada. Il s'agit en effet d'une réserve de talent inexploitée en matière de développement économique. Au cours des quatre dernières années, les Centres de services pour les femmes entrepreneures de l'Ouest ont traité quelque 70 000 demandes et formé 17 000 femmes.

• 0915

[Français]

Au-delà de 10 millions de dollars ont été mis à la disposition des femmes pour créer ou agrandir leurs entreprises.

[Traduction]

Des prêts ont été accordés à des femmes comme Daphne Petrakos, qui songeait à prendre de l'expansion. Voilà ce qu'elle dit au sujet de son expérience:

    «Cette démarche pour obtenir un emprunt a été pour moi l'expérience la plus fructueuse que j'ai eue dans ce domaine. J'avais le sentiment que le personnel du centre était de mon côté et qu'il m'aiderait aussi à prendre de l'expansion.

Elle a donc déclaré qu'à son avis, le personnel du centre avait à coeur sa réussite. Elle avait vraiment l'impression que c'était important pour les employés.

Je voudrais maintenant vous parler de ce qu'il faut faire pour combler les lacunes...

[Français]

combler les lacunes. Vous n'êtes pas sans savoir que certains services ne sont pas rendus à certaines parties de la population, alors que d'autres populations sont malheureusement marginalisées.

[Traduction]

Je parle, par exemple, des peuples autochtones, qui ne participent pas encore autant qu'ils le pourraient ou le voudraient aux programmes de développement économique. Nous sommes d'importants partenaires pour les premières nations et le peuple métis. En fait, DEO a accordé 7,6 millions de dollars—soit un tiers du financement requis—pour la mise en place du Réseau de services aux entreprises autochtones.

[Français]

DEO a aussi fourni 950 000 $ pour la création d'un centre de services aux entreprises autochtones de Winnipeg qui fonctionne extrêmement bien.

[Traduction]

D'autres groupes marginaux sur le plan économique ont également bénéficié de l'aide de DEO. Par exemple, nous avons fourni 1,2 million de dollars à Edmonton et à Calgary dans le cadre de l'Initiative pour les entrepreneurs urbains ayant une incapacité. Nous savons tous très bien qu'ils ont besoin d'aide parce qu'ils ne sont pas toujours traités comme ils devraient l'être. Permettez-moi de vous parler d'un succès précis. À Cold Lake en Alberta, ces programmes ont permis à Cindy et à Vern Stevens d'ouvrir Zac's Critters, Pets and Supplies Ltd., l'entreprise n'a pas tardé à compter deux employés à temps plein et trois à temps partiel—et ils envisagent de prendre de l'expansion.

Dans le cadre de l'Initiative de développement économique francophone,

[Français]

l'Initiative de développement économique francophone, DEO a mis à la disposition des communautés francophones de l'Ouest des sommes modestes pour le développement économique en français de ces communautés de l'Ouest canadien. J'ai annoncé, il n'y a pas longtemps, un montant de 525 000 $ pour le Conseil de la coopération de la Saskatchewan. J'ai fait des annonces similaires dans les provinces du Manitoba, de l'Alberta et de la Colombie-Britannique.

Je vais vous donner un autre exemple. M. Camille Provencher, venu du Québec, avait besoin d'un prêt de 40 000 $ pour mettre sur pied une fromagerie. Grâce à l'appui de la Société d'aide au développement des collectivités, à deux prêts du secteur privé et à un autre de la Banque de la Nouvelle-Écosse, il va réaliser son rêve d'ici très peu de temps. Il aura sa propre fromagerie en Alberta, qui emploiera une douzaine de personnes.

[Traduction]

Si je devais laisser au comité un message fondamental, ce serait celui-ci: DEO crée des liens avec les Canadiens de l'Ouest afin de leur offrir des services gouvernementaux adaptés aux particularités régionales.

Permettez-moi de conclure en vous parlant maintenant de l'innovation et du savoir.

Bon nombre d'entre vous savent déjà que la moitié du PIB du Canada provient des secteurs économiques axés sur le savoir. Parmi les secteurs dont la croissance est la plus rapide, on compte celui des technologies de l'information et des communications, celui de la biotechnologie et celui du génie aérospatial—précisément les domaines où l'Ouest connaît une croissance rapide. DEO joue donc un rôle clé en aidant les entreprises à trouver des moyens novateurs de rehausser leur compétitivité et leurs relations, afin d'être prêtes pour le XXIe siècle.

Certains d'entre vous auront certainement entendu parler de l'initiative du Synchrotron qui se déroule actuellement en Saskatchewan. Il ne s'agit pas simplement d'un centre de recherche scientifique unique. Grâce à ce projet, il sera possible de mettre au point de nouveaux médicaments, de faire de nouvelles recherches sur le cancer et d'améliorer le traitement du diabète et de plusieurs autres maladies. Ce projet amènera également une relance économique dans la province qui se chiffre à quelque 35 millions de dollars par an. Il permettra la création de 200 emplois permanents et hautement spécialisés.

J'arrive maintenant à ma conclusion. Je voudrais tout d'abord vous remercier de m'avoir donné l'occasion de vous expliquer la vraie nature de notre travail en vous citant des exemples précis qui l'illustrent de façon précise et concrète

[Français]

ce caractère unique que je voulais faire ressortir, celui d'un ministère qui se préoccupe des besoins des gens et des communautés de l'Ouest.

[Traduction]

Je suis ravi d'avoir l'occasion de partager des idées et de travailler avec vous pour donner des assises solides à l'économie de l'ouest du pays. En fait, qu'on soit de l'ouest du Canada ou d'ailleurs, vous conviendrez certainement avec moi que si l'Ouest est plus fort, le Canada le sera aussi.

• 0920

Madame la présidente, je suis maintenant à votre disposition pour répondre aux questions des membres.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur le ministre.

Nous ouvrons tout de suite la période des questions. Monsieur Stinson, vous avez la parole.

M. Darrel Stinson (Okanagan—Shuswap, Réf.): Merci, madame la présidente.

Bienvenue au comité, monsieur Duhamel. Je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire que si l'Ouest est plus fort, le Canada le sera aussi.

Avant de me lancer en politique, j'étais petit entrepreneur, et bien engagé dans ce secteur. Je me suis rendu compte que l'un des plus grands éléments dissuasifs était le niveau d'imposition au Canada. Ainsi je préconise depuis qu'on prenne des mesures pour réduire les taux d'imposition dans les plus brefs délais.

J'ai trouvé un peu étrange de lire dans le National Post que selon certains, le ministre, M. Manley, serait l'un des ministres à tenir le plus à des mesures d'allégement des impôts. Ce même ministre, il y a quelques mois, a provoqué la colère des chefs d'entreprises et la confusion chez les économistes en affirmant qu'un taux d'imposition élevé devrait entraîner une augmentation de la productivité, parce qu'il motive les entrepreneurs à innover pour faire baisser d'autres coûts.

Ma question est donc la suivante: laquelle des formules—M. Manley—appuie-t-il réellement, celle qui consiste à maintenir des taux d'imposition élevés pour favoriser la productivité, ou celle qui favorise plutôt l'alignement des taux d'imposition canadiens sur les taux américains pour favoriser la croissance au Canada?

M. Ronald Duhamel: Je suppose que c'est plutôt à M. Manley qu'il faudrait poser cette question, mais je peux tout de même essayer de vous dire ce que j'en sais.

M. Manley fait partie d'un gouvernement qui a déjà pris des mesures pour réduire les impôts. Certains prétendent que ces mesures ne suffisent pas. Moi, aussi, j'aimerais payer moins d'impôt. Ces mesures, nous les avons prises dès le départ mais nos efforts continuent et nous espérons en faire plus. Par contre, en ce qui nous concerne, il n'y a pas de solution miracle, et il n'est donc pas possible de changer les choses du jour au lendemain. Par exemple, il y a 15 millions de déclarants au Canada. Supposons qu'on réduise les impôts de chaque déclarant d'un dollar par jour. La plupart des gens diraient qu'on se moque d'eux. Ils nous diraient qu'on ne peut même pas acheter un café pour un dollar par jour. Par contre, cette réduction coûterait 5 milliards de dollars au Trésor fédéral.

Je suis convaincu que M. Manley est en faveur d'une réduction des impôts. À mon avis, il veut le faire, comme d'autres collègues et comme le fait déjà le gouvernement, de manière progressive et responsable. Nous ne voudrions jamais avoir à faire des emprunts simplement parce que nous avons pris la décision de réduire les impôts.

D'ailleurs, comme vous le savez certainement, un rapport récemment publié et fort crédible affirme que le Canada est l'un des meilleurs pays pour un entrepreneur parce que cela coûte moins cher de mener des activités commerciales au Canada. Cela ne veut pas dire que tout est parfait, mais le fait est, monsieur Stinson, que pour un entrepreneur, le Canada présente de grands avantages.

M. Darrel Stinson: Des avantages, certes, mais aussi de gros inconvénients. Entre autres, notre régime d'imposition. Ma question me semble bien importante: quelle est la position du ministre à ce sujet?

M. Ronald Duhamel: Je vous ai déjà expliqué sa position. Comme nous tous, il aimerait bien que les impôts baissent.

M. Darrel Stinson: Très bien. À la récente conférence tenue à Jasper sur le développement économique de l'Ouest, vous avez annoncé une nouvelle injection de 90 millions de dollars au programme d'aide au développement des collectivités.

M. Ronald Duhamel: C'est exact.

M. Darrel Stinson: Cette annonce est-elle reflétée dans le Budget des dépenses principal? Ce montant figure-t-il dans les prévisions budgétaires?

M. Ronald Duhamel: Oui. Et permettez-moi de vous donner une petite explication à ce sujet, car je ne voudrais pas vous induire en erreur.

Il s'agit d'environ le même niveau de financement que par le passé. En fait, c'est la même chose mais cette somme a été accordée sur cinq ans pour aider les Sociétés d'aide au développement des collectivités—et ce sont les sociétés elles-mêmes qui nous en ont fait la demande—à faire leur planification à long terme. Nous avons donc annoncé que les 90 SADC recevraient 18 millions de dollars sur cinq ans, chiffre que vous trouverez d'ailleurs dans les prévisions budgétaires.

M. Darrel Stinson: Autrement dit, le financement du programme dans l'ouest du pays ne fera l'objet d'aucune diminution.

M. Ronald Duhamel: Non. Nous reconduisons le programme pour leur permettre de faire une planification à long terme.

M. Darrel Stinson: Merci.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Stinson.

Madame Barnes, vous avez la parole.

Mme Sue Barnes (London-Ouest, Lib.): Merci.

Je me souviens qu'il y a quelques années, lorsque nous étions pleinement engagés dans la lutte contre le déficit, que le projet de Synchrotron n'était qu'un rêve pour bon nombre de Canadiens. À mon avis, ce projet a permis de créer des emplois et de susciter des activités économiques dans l'ouest du Canada. En réalité, comme il s'agit du seul projet de ce genre au Canada, tous les Canadiens en profitent. Je suis originaire d'une ville qui s'est battue pour l'avoir. Nous avons perdu en faveur de l'Ouest, mais c'est peut- être mieux pour l'ensemble du Canada.

M. Ronald Duhamel: Vous prenez ça très bien.

Mme Sue Barnes: Il faut bien.

Mais je pense qu'il convient de nous féliciter tous d'avoir été assez prévoyants pour investir dans les sciences et dans la R-D; cela fait une grande différence pour le Canada. Nous avons là justement l'exemple d'une dépense—et non d'un dégrèvement fiscal—qui favorise la croissance économique et fait avancer le Canada dans de nombreux domaines importants. Il faut le dire, parce que cette décision a été prise à un moment où n'importe quel gouvernement aurait eu du mal à prendre, vu la situation de nos finances à l'époque.

• 0925

Deuxièmement, je suis bien contente que vous ayez parlé de la productivité générée grâce aux femmes entrepreneures. Étant donné le succès remporté par cette initiative—vous avez actuellement neuf centres de services—je me demande si vous avez l'intention d'élargir le programme actuel. Nous savons tous que ce sont les femmes entrepreneures qui créent la grande majorité des nouveaux emplois au Canada. Je me demande aussi s'il existe de bons contacts entre ces bureaux et les autres ministères du gouvernement fédéral. Si je ne m'abuse, un rapport intitulé Au-delà des frontières: Les femmes d'affaires canadiennes et le commerce international qui traite justement des femmes entrepreneures, vient d'être publiés.

Je constate, d'ailleurs, qu'au niveau fédéral, les bonnes initiatives prises par un ministère sont parfois inconnues d'autres ministères. Nous créons des sites—ils ont un excellent site Web, par exemple—mais nous ne leur communiquons pas les documents et les connaissances nécessaires. Le gouvernement du Canada a rassemblé des données très étonnantes au sujet des exportatrices canadiennes. Peut-être que vous, si vous élargissez cette activité, et certains de vos fonctionnaires pourriez assurer une diffusion plus large de ces données, parce qu'elles sont très positives. C'est vraiment quelque chose, parce qu'on a trouvé un groupe... D'ailleurs, nous le savions déjà; la Banque de Montréal a fait des études à ce sujet. Mais maintenant les études et les statistiques du gouvernement viennent confirmer ce qu'on sait déjà. Il faut donc investir davantage dans un système qui donne de toute évidence de très bons résultats.

M. Ronald Duhamel: Permettez-moi de réagir brièvement.

D'abord, en ce qui concerne le projet du Synchrotron je veux simplement m'assurer que tout le monde comprend que la première étape consistait, évidemment, à faire évaluer ce projet par un groupe de spécialistes. J'imagine que plusieurs centres au Canada auraient été à même de faire un travail tout à fait acceptable. Il se trouve que les hommes et femmes qui devaient prendre la décision étaient d'avis que Saskatoon serait le lieu d'exécution le plus approprié. Mais ce n'est certainement pas une critique d'autres centres.

Deuxièmement, vous devriez savoir—car je sais que bon nombre d'entre vous veulent savoir dans quelle mesure le gouvernement fait preuve de prudence en utilisant les données publiques—que ce projet était la responsabilité de la Fondation canadienne pour l'innovation. C'est la Fondation canadienne pour l'innovation qui a pris la décision, après avoir fait faire un certain nombre d'évaluations additionnelles et après qu'un groupe d'experts internationaux a déterminé que le plan commercial était valable, et que la méthode de financement—c'est-à-dire une injection de fonds de la part du secteur privé, des universités, du gouvernement fédéral, et de l'administration provinciale—était appropriée, car il s'agissait effectivement d'un partenariat de grande envergure.

Nous sommes donc très contents du processus qui s'est déroulé jusqu'à présent, et nous nous attendons à ce que cette initiative donne des résultats très importants qui vont profiter non seulement au Canada mais à l'ensemble du monde, car vous savez aussi bien que moi que lorsque nous mettons au point de nouveaux médicaments et de nouveaux procédés, ces derniers sont ensuite utilisés dans le monde entier.

En ce qui concerne les Centres de services pour les femmes entrepreneures, j'aimerais simplement m'assurer d'avoir bien compris les deux points que vous avez soulevés; quoi qu'il en soit, vous pourrez toujours me corriger. J'ai l'impression que c'est ça que vous aimeriez faire.

Mme Sue Barnes: [Note de la rédaction: Inaudible]

M. Ronald Duhamel: Vous avez parlé d'expansion. Ce que je peux vous dire à cet égard, c'est qu'il n'est pas possible pour le moment d'accroître le nombre de centres, car nos ressources à DEO sont limitées. Mais pour ce qui est d'essayer de travailler en collaboration plus étroite avec nos partenaires pour créer une véritable synergie, je peux vous garantir que nous continuerons de déployer des efforts en ce sens.

N'oublions pas, cependant, que ces centres profitent beaucoup de l'aide du secteur du bénévolat. C'est d'ailleurs un domaine où les femmes—et non les hommes, d'après certains—excellent, parce qu'elles arrivent...

Mme Sue Barnes: Oui, car c'était pour elles la seule possibilité par le passé.

M. Ronald Duhamel: Ce que vous dites, c'est qu'elles ont beaucoup d'expérience dans ce domaine.

Mme Sue Barnes: C'est exact.

M. Ronald Duhamel: En ce qui concerne la coopération—et si je ne m'abuse, vous avez parlé du rassemblement de statistiques et d'autres données—je trouve que nous nous débrouillons assez bien actuellement. Cela dit, je suis un de ceux qui estiment qu'il faut toujours chercher à améliorer les choses, car ce qui marche bien aujourd'hui pourra marcher encore mieux demain. J'espère que dans un an, lorsque nous examinerons tout ce qui est disponible dans les centres commerciaux, à DEO, dans les SADC, dans les Centres de services pour les femmes entrepreneures et dans les banques, nous trouverons le moyen d'utiliser et de communiquer l'information actuellement disponible de façon plus pertinente et complète.

Ai-je bien compris les deux points que vous avez soulevés, ou...

Mme Sue Barnes: Je voulais simplement m'assurer que vous travaillez bien en liaison, et si vous n'avez pas les brochures, peut-être...

M. Ronald Duhamel: Pardon?

Mme Sue Barnes: Peut-être que votre collaborateur pourrait...

M. Ronald Duhamel: Oui, le sous-ministre, que j'aurais dû vous présenter. Peut-être que vous pourriez vous présenter vous- même, puisque j'ai oublié de le faire.

Mme Oryssia J. Lennie (sous-ministre, Diversification de l'économie de l'Ouest Canada): Je m'appelle Oryssia Lennie. Nous sommes également accompagnés de Judy Ferguson, qui est sous- ministre adjointe à Ottawa, et de Bernard Ouellet, qui est le directeur des finances.

M. Ronald Duhamel: Permettez-moi de m'excuser. J'avais tellement hâte de vous raconter mon histoire.

Mme Oryssia Lennie: En réponse à votre question, la liaison est effectivement assurée entre tous ces centres et services. Les Centres de services pour les femmes entrepreneures, les SADC, et les centres de services aux entreprises du Canada font tous partie du Réseau de services aux entreprises de l'Ouest. Ce sont nos partenaires. Nous collaborons avec eux pour communiquer aux clients différents types d'information commerciale. En même temps, nous les tenons au courant des programmes que dispense le gouvernement fédéral. Ils ont accès à toute cette information, et nous restons en liaison étroite.

• 0930

J'étais d'ailleurs membre du groupe de base qui a participé à l'étude décrite dans le document Au-delà des frontières, qui est une étude très importante, à mon avis. Maintenant il s'agit de voir quelle est la prochaine étape.

Mme Sue Barnes: Oui, mais il faut surtout s'assurer que les Canadiens sont informés des résultats de cette excellente étude.

La présidente: Merci beaucoup, madame Barnes.

[Français]

Monsieur Dubé, s'il vous plaît.

M. Antoine Dubé (Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière, BQ): Monsieur Duhamel, ma première question est d'ordre financier. Lorsqu'on regarde les budgets alloués aux différentes agences de développement économique du Canada dans le Budget des dépenses principal, on se rend compte que votre agence est celle qui a subi la plus grosse coupure cette année. En effet, son budget est passé de 313 millions de dollars à 195,055 millions de dollars, ce qui représente une différence de plus de 100 millions de dollars. Par ailleurs, si on regarde du côté de la réduction des frais d'administration, on voit que la coupure est moins importante; on passe de 33,915 millions de dollars à 31,824 millions de dollars sur un budget total de 195,055 millions de dollars. Dans le cas de l'agence du Québec, il y a 314,366 millions de dollars à administrer et des dépenses de fonctionnement de 27,893 millions de dollars. Il y a donc plus d'argent à administrer, mais cela coûte moins cher. Qu'est-ce qui explique cette coupure, et pourquoi votre agence est-elle plus coûteuse à administrer?

M. Ronald Duhamel: Ce sont de très bonnes questions. Concernant les coupures, le budget du programme d'infrastructures a diminué de 65 millions de dollars. De plus, les octrois et contributions ont été réduits de 27 millions de dollars. On a subi aussi des coupures, comme vous l'avez mentionné, dans les coûts d'administration, et il y a moins de demandes dans le cadre du programme de prêts aux petites et moyennes entreprises, pour lequel on ne fait que transmettre l'argent. Si on additionne tout cela, on arrive à environ 118,5 millions de dollars. Mes adjoints pourront peut-être vous donner des renseignement supplémentaires.

Au point de vue de l'administration, il faudrait d'abord regarder si les définitions sont les mêmes. Honnêtement, je ne le sais pas, mais M. Ouellet le sait peut-être.

Deuxièmement, même si les opérations comportent beaucoup de similarités, elles comportent aussi beaucoup de différences. Nous avons 90 collectivités dans les régions rurales; ce chiffre dépasse de beaucoup le nombre de collectivités au Québec, même si on parle de populations qui se ressemblent. En fait, la population est un peu plus élevée dans l'Ouest canadien, si on prend les quatre provinces de l'Ouest. On a aussi des centres d'entreprises pour femmes et tous les autres organismes que j'ai mentionnés. Il est fort possible qu'il y ait des réponses dans ces éléments. Cela dit, je vais demander à mes adjoints s'ils pourraient vous donner d'autres explications.

M. Bernard Ouellet (directeur général, Finances, Gestion de l'information et administration, Diversification de l'économie de l'Ouest Canada): Pour ce qui est de la définition des opérations et de celle des subventions et contributions, elles sont les mêmes d'une agence à l'autre.

Le ministère fait moins de contributions qu'il en faisait dans les années antérieures. Il offre davantage des services à la clientèle par l'entremise des partenariats, comme M. le ministre l'a déjà expliqué, ce qui explique le montant qu'il y a du côté des opérations.

M. Antoine Dubé: Ce sont peut-être des considérations de conventions collectives, mais s'il y a eu une diminution importante de budget et même une transformation de votre rôle, y a-t-il eu certaines coupures de personnel ou en envisagez-vous, ou si le nombre d'employés reste stable?

M. Ronald Duhamel: La sous-ministre va répondre à cette question.

[Traduction]

Mme Oryssia Lennie: Non, cela n'a rien à voir avec les conventions collectives. Le budget de notre ministère traduit plutôt l'accent qui est mis sur les services aux clients, car telle est l'orientation que nous prenons depuis deux ou trois ans. Le ministère offre à présent un service intensif de consultation commerciale aux PME et aux entrepreneurs.

• 0935

[Français]

M. Antoine Dubé: À la page 24 du rapport bleu qu'on a ici, vous dites:

    Un élément qui pourrait nuire à l'atteinte des résultats visés est celui que représente le défi de travailler avec des tierces parties pour assurer l'imputabilité des résultats.

Vous dites que c'est une question qu'il faudra étudier davantage. C'est sans doute parce que vous estimez que c'est un problème. Je remarque d'ailleurs que dans votre rapport, monsieur le ministre, vous fixez des orientations et énoncez des intentions pour des groupes cibles, mais que vous ne les quantifiez pas.

M. Ronald Duhamel: On les quantifie jusqu'à un certain point, mais vous savez que lorsqu'on travaille avec des partenaires, il n'est pas si facile de déterminer les critères, les méthodes d'évaluation, etc. Lorsqu'on gère tout nous-mêmes, nous avons nos employés et nos programmes, mais lorsqu'on travaille avec des partenaires, cela devient un peu plus délicat. On a fait des progrès. On essaie de s'entendre sur la façon de mesurer ou d'évaluer davantage, cela dans le sens positif du terme. On veut être d'accord et certains que l'information reçue soit aussi précise que possible.

On a fait du chemin, mais on en a encore à faire. Cela va assez bien. N'oubliez pas qu'on a une centaine de partenaires, qui sont tous des femmes et des hommes assez indépendants qui ont des valeurs et des principes forts et qui veulent une certaine indépendance, ce à quoi j'applaudis mais, d'un autre côté, il faut s'assurer d'être d'accord sur les mesures.

M. Antoine Dubé: J'aurais seulement une sous-question. Étant donné la tendance aux coupures—on le voit dans les prévisions et cela va continuer—, ne craignez-vous pas que les partenaires hésitent à répondre adéquatement aux cibles visées en termes de résultats, craignant de subir des coupures?

M. Ronald Duhamel: Il y a toujours cette possibilité, cher collègue, mais je pourrais adopter cette approche avec vous en me disant que vous me posez des questions pour essayer de me piéger. Mais nous sommes tous les deux des professionnels, nous nous posons des questions et nous essayons d'être honnêtes l'un envers l'autre. Je les traite de la même façon.

Je voudrais revenir sur la question des coupures. On a parlé du programme d'infrastructures, qui a subi à peu près la moitié des coupures totales. Il y a aussi le programme de prêts aux petites entreprises, qui vient d'Industrie Canada et qui est maintenant du ressort de Diversification de l'économie de l'Ouest; il y a moins de demandes qu'il y en avait auparavant. Cela représente environ un quart des coupures. Les contributions qu'on payait auparavant ont aussi beaucoup diminué. C'est donc tout à fait naturel. Il n'y a rien là...

M. Antoine Dubé: Il n'y a pas de menace.

M. Ronald Duhamel: Non, pas du tout.

La présidente: Merci, monsieur Dubé.

Monsieur Bellemare, s'il vous plaît.

M. Eugène Bellemare (Carleton—Gloucester, Lib.): Merci, madame la présidente. J'ai trois questions.

La première a trait au bogue de l'an 2000. Dans le rapport, vous dites que DEO n'est pas a mission critical department et que vous avez demandé à Consulting and Audit Canada de préparer un rapport pour le début de l'année 1999.

[Traduction]

Quelle était la date d'échéance? Nous sommes au mois de mai, et il va donc sans dire que l'échéance n'était certainement pas le début ou les premiers mois de 1999. Avez-vous fixé une date d'échéance?

M. Ronald Duhamel: Je crois que c'est en juin—le 30 juin.

Il faut bien comprendre qu'on nous a déjà donné des assurances à ce sujet, et que nous avons déjà procédé à un certain nombre de vérifications. À mon avis, nous avons atteint notre objectif, mais d'ici le 30 juin, nous le saurons de façon définitive. À notre avis, nous avons déjà atteint notre objectif.

M. Eugène Bellemare: Oui, mais je trouve inquiétant que vous fixiez comme échéance le début de 1999 et que vous parliez maintenant du mois de juin, ce qui n'est certainement pas le début de l'année.

M. Ronald Duhamel: Si vous me permettez de clarifier la situation, à mon avis, nous avons déjà réalisé notre objectif. L'échéance du 30 juin doit simplement nous permettre de nous assurer que cet objectif est bel et bien réalisé. Nous avons déjà procédé à un certain nombre de vérifications et d'examens qui nous ont permis de tirer cette conclusion.

• 0940

M. Eugène Bellemare: Autrement dit, les vérifications sont terminées et votre plan d'intervention d'urgence est en place.

M. Ronald Duhamel: C'est exact.

M. Eugène Bellemare: Vous devez donc passer à l'étape suivante en ce qui concerne la préparation pour le passage à l'an 2000, c'est-à-dire d'aller parler à l'ensemble de vos fournisseurs et d'examiner le processus d'approvisionnement proprement dit. Que faites-vous donc pour vous assurer que tous ceux qui font partie de votre réseau d'approvisionnement prennent les mesures qui s'imposent pour faire des vérifications et établir des plans d'intervention d'urgence?

M. Ronald Duhamel: Je vais vous faire une réponse partielle, et les fonctionnaires du ministère pourront éventuellement vous donner d'autres détails à ce sujet.

D'abord, nous travaillons à régler le problème du passage à l'an 2000 depuis longtemps, et ce travail a été fait en collaboration avec l'ensemble des fournisseurs et des personnes ou entreprises qui font partie du réseau d'approvisionnement, comme vous le dites. En fait, nous avons informé, non seulement nos fournisseurs, mais l'ensemble des entreprises de l'ouest du Canada qu'ils doivent s'assurer d'être prêts pour le passage à l'an 2000 dans les plus brefs délais.

Nous avons publié énormément de documents à ce sujet, en plus des dépliants du gouvernement du Canada, au nombre de plusieurs millions, qui ont été distribués dans l'ensemble du Canada. Nous avons travaillé en étroite liaison avec nos partenaires, et leur ont fait comprendre que s'ils ne prennent pas les mesures nécessaires pour se préparer pour l'an 2000, nous ne pourrons peut-être plus continuer de traiter avec eux.

M. Eugène Bellemare: Vous les avez donc sensibilisés au problème.

M. Ronald Duhamel: Oui.

M. Eugène Bellemare: Au comité, nous avons dépassé l'étape de la sensibilisation depuis longtemps. Nous en sommes maintenant aux vérifications et aux plans d'intervention d'urgence, et la question précise que je vous pose est celle-ci: avez-vous déjà vérifié ou comptez-vous vérifier vos fournisseurs, ceux-ci ont-ils des plans d'intervention d'urgence ou comptez-vous les leur demander dans les jours qui suivent?

M. Ronald Duhamel: Je vais demander à notre sous-ministre adjointe de vous répondre.

Mme Judy Ferguson (sous-ministre adjointe, Bureau d'Ottawa, Diversification de l'économie de l'Ouest Canada): Monsieur Bellemare, nous travaillons de très près avec Conseils et Vérification Canada dans ce dossier. Nous travaillons également avec les responsables du Groupe national de la planification d'urgence. Nous avons également collaboré étroitement avec les personnes qui sont chargées de préparer nos systèmes administratifs pour l'an 2000. Nous nous servons actuellement du SCCGG pour l'information financière et de programme. On nous a assuré que ces systèmes sont déjà prêts pour le passage à l'an 2000. Nous avons fait nos propres tests, et nous allons d'ailleurs continuer d'en faire entre le 30 juin et la fin de l'année civile.

M. Eugène Bellemare: Il s'agit donc d'activités internes.

Mme Judy Ferguson: C'est exact.

M. Eugène Bellemare: Mais moi, je vous parlais des fournisseurs et du système d'approvisionnement. Je suis convaincu qu'à l'interne, vous avez déjà pris toutes les mesures nécessaires et que vous respectez votre échéancier.

Mme Judy Ferguson: Quand vous parlez du système d'approvisionnement, parlez-vous de nos clients?

M. Eugène Bellemare: Oui.

Mme Judy Ferguson: Très bien. Nous travaillons effectivement avec nos clients pour nous assurer qu'ils sont sensibilisés au problème de l'an 2000. Nous ne leur avons pas fourni d'aide directe pour leur permettre de se préparer, mais nous les avons informés de ce qu'ils doivent faire pour se faire conseiller, pour s'assurer que leurs systèmes sont prêts pour l'an 2000, et pour obtenir des garanties à ce sujet de la part de leurs fournisseurs. Nous sommes donc une tierce partie dans tout cela.

M. Eugène Bellemare: Si je ne me trompe pas, vous êtes sur le point, si ce n'est pas déjà fait—d'accorder des crédits pour l'année 1999. Avez-vous exigé de la part de vos fournisseurs qu'ils fassent l'objet d'une vérification en vue de déterminer s'ils sont ou non prêts pour l'an 2000?

Mme Judy Ferguson: Nous n'avons pas demandé de vérification. Nous leur avons expliqué la nature du problème en indiquant de quelle façon ils pourraient influer sur leurs propres entreprises et les mesures qu'ils doivent prendre pour s'assurer d'être prêts et pour s'assurer que leurs fournisseurs sont également prêts. Nous leur avons demandé d'élaborer un plan de préparation pour l'an 2000, mais nous n'examinons pas nous-mêmes ce plan.

M. Eugène Bellemare: Ne risquez-vous pas ainsi d'être vivement critiqué l'année prochaine, lors de l'examen de votre prochain budget, ou même avant, si vous acceptez de leur accorder des fonds cette année dans l'espoir qu'ils procèdent aux vérifications nécessaires mais sans exiger qu'ils soient prêts pour l'an 2000 et qu'ils mettent en place un plan d'intervention d'urgence en bonne et due forme?

Mme Judy Ferguson: D'après nos conseillers juridiques, notre obligation consiste à faire preuve de diligence raisonnable. Nous devons donc indiquer à nos clients et à nos partenaires les mesures qu'ils doivent prendre dans ce contexte. Si nous décidions de déterminer dans quelle mesure ils répondent aux normes de préparation, nous nous exposerions à certains risques sur le plan juridique. Nous avons bien insisté auprès de nos partenaires et clients sur les mesures qu'ils doivent prendre pour s'assurer que tous leurs systèmes continueront d'être opérationnels après le 1er janvier de l'an 2000.

M. Ronald Duhamel: Si vous me permettez de poursuivre la discussion avec M. Bellemare pour lui poser moi-même une brève question, peut-être pourrais-je demander à M. Bellemare s'il a quelque chose de précis à proposer à cet égard

[Français]

qu'on pourrait faire ou qu'on devrait être en train de faire? Connaissez-vous certains systèmes qui sont «imposés»?

[Traduction]

M. Eugène Bellemare: Dans le cadre du système bancaire, par exemple, si vous êtes une entreprise, la banque vous demandera de faire une vérification et d'établir un plan d'intervention d'urgence. Si vous n'êtes pas en mesure de les lui fournir, la banque vous dira que vous n'obtiendrez pas votre prêt cette année. C'est aussi simple que ça. Voilà ce que nous ont affirmé les représentants de l'Association des banquiers canadiens et les banquiers qui étaient présents.

• 0945

Vous êtes en quelque sorte un banquier ou bailleur de fonds, puisque vous avez une clientèle et que vous accordez des fonds pour obtenir certains services; cependant, vous semblez vous contenter de dire à vos clients: saviez-vous qu'un cyclone se prépare? Ils vont peut-être vous répondre par un oui ou un non, mais la question que vous devriez leur poser est plutôt celle-ci: avez-vous érigé des barricades pour vous protéger contre ce cyclone?

M. Ronald Duhamel: À mon avis, il ne s'agit pas d'ériger des barricades, mais j'attire cependant votre attention sur une distinction importante. D'abord, DEO consentait autrefois des prêts aux entreprises, mais nous ne le faisons plus. Voilà donc un premier point que je voulais soulever.

Deuxièmement, en ce qui concerne les crédits qui sont accordés, pas nécessairement aux entreprises, mais sous forme de subventions, peut-être conviendrait-il d'étudier la question. Mais je voulais que vous sachiez que nous ne consentons plus de prêts aux entreprises. Ce sont les banques qui accordent des prêts aux entreprises.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Bellemare.

Monsieur Murray.

M. Ian Murray (Lanark—Carleton, Lib.): Merci, madame la président.

Monsieur le ministre, j'aimerais d'abord vous féliciter pour le projet que vous menez avec des personnes handicapées à Calgary et à Edmonton. C'est la première fois que j'en entends parler, et d'après ce que vous semblez dire dans vos remarques liminaires, il en est encore au stade préliminaire. Je pense qu'il s'agit d'une initiative assez récente, mais j'aimerais avoir d'autres renseignements sur les activités proprement dites, parce qu'il pourrait peut-être devenir un modèle pour d'autres localités au Canada.

J'aimerais également savoir qui sont vos partenaires dans ce projet. Par exemple, collaborez-vous avec des associations qui représentent directement les personnes handicapées en vue de voir qui devrait assumer la responsabilité de l'exécution du programme? Je m'intéresse surtout au côté gestion de ce projet.

M. Ronald Duhamel: Nous collaborons effectivement avec certains partenaires, et il s'agit très souvent de groupes qui ont beaucoup d'expérience dans ce domaine ou qui représentent les personnes handicapées ou qui défendent directement leur cause. En fait, j'aurais pu également vous parler de Saskatoon—c'est l'initiative de Saskatoon qui a fait l'objet de la plus récente annonce—où nous avons décidé d'accorder des fonds de fonctionnement aux organismes qui s'occupent des personnes handicapées dans le nord et le sud de la Saskatchewan, pour les aider à trouver des gens, à élaborer des plans commerciaux, etc. Ensuite, des prêts peuvent être consentis à des personnes handicapées, une fois que leurs plans commerciaux sont prêts.

Autrement dit, ils peuvent consentir des prêts, mais ils essaient aussi de collaborer avec les banques et les caisses de crédit pour que ces dernières acceptent également de consentir des prêts. Mais vous avez parfaitement raison; nous ne pouvons pas faire ce genre de choses tout seuls, et ce n'est pas non plus ce que nous voulons faire. Nous préférons nous adresser aux personnes qui connaissent le mieux les besoins des personnes handicapées et le genre d'aide ou de services dont elles ont besoin pour devenir indépendantes ou du moins plus indépendantes qu'elles ont pu l'être par le passé.

À notre avis, ces services vont aller en s'accroissant. Nous explorons à présent cette possibilité, car notre investissement pour le moment est assez modeste, par rapport à d'autres que nous avons faits. Nous aimerions pouvoir entreprendre ce genre de projets dans chacune des provinces.

Je devrais également vous dire que nos SADC, c'est-à-dire les Sociétés d'aide au développement des collectivités que je mentionnais tout à l'heure, participent de manière importante à l'exécution des programmes destinés aux entrepreneurs handicapés. Et nous avons pu leur fournir des crédits—c'est-à-dire des fonds de fonctionnement et des fonds de prêts—pour leur permettre justement de venir en aide aux personnes handicapées.

M. Ian Murray: Savez-vous si ce sont surtout des particuliers qui ont profité de cette initiative, ou avez-vous également des groupes...

M. Ronald Duhamel: D'après ce que j'ai pu comprendre, et on me corrigera si je me trompe, ce sont surtout des particuliers qui se sont prévalus de ce programme, mais je sais également que quelques groupes ont également collaboré avec les institutions qui sont leurs partenaires.

M. Ian Murray: Merci.

La présidente: Merci.

Madame Jennings, vous avez la parole.

[Français]

Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Bonjour, monsieur le ministre.

M. Ronald Duhamel: Bonjour.

Mme Marlene Jennings: J'aimerais commencer par m'excuser de ne pas avoir été ici pour votre présentation. J'étais prise à un autre comité. Aussitôt que j'ai pu me libérer, je suis venue ici. J'ai quand même eu le temps de regarder assez rapidement votre présentation et j'aimerais vous en féliciter.

M. Ronald Duhamel: Merci.

Mme Marlene Jennings: Je pense que vous avez bien accompli votre travail et que vous méritez une accolade.

• 0950

Le thème de toute votre présentation est que le gouvernement doit trouver des moyens ou des outils pour aider les compagnies à devenir plus innovatrices et plus productives, et à accroître leur compétitivité sur le marché, tant au niveau national qu'international. On sait que le mot clé, aujourd'hui, est productivité. Il y a des études qui démontrent que le Canada ne se classe pas tellement bien comparativement aux États-Unis et même au niveau des pays du G-7. On sait qu'une des façons d'augmenter la productivité est d'encourager les PME à investir dans de meilleurs équipements et dans la formation professionnelle continue. Lorsqu'on fait des études comparatives des PME canadiennes et américaines, on constate que notre note n'est pas fameuse. Premièrement, que faites-vous pour encourager et accroître les investissements des PME dans ces deux secteurs?

Deuxièmement, il y a des études qui démontrent que les plans qui encouragent l'achat d'actions par les employés au niveau des régimes fiscaux ont un lien direct avec l'augmentation de la productivité. Notre gouvernement envisage-t-il la possibilité d'établir ce genre de plans? Au Québec, au niveau provincial, il existe déjà une mesure limitée de ce genre, qui s'avère très efficace.

Ce sont mes deux questions. Merci.

M. Ronald Duhamel: Merci, madame.

Pour ce qui est des actions, on a déjà discuté d'un tel plan. En qui concerne le ministère même, on a encore beaucoup de chemin à faire, de la façon dont je comprends les choses. Mes adjoints ont peut-être des renseignements supplémentaires. C'est une idée assez novatrice qui mérite d'être étudiée et débattue, parce que je crois qu'il y a beaucoup de bon là-dedans.

Vous avez tout à fait raison lorsque vous parlez de productivité. On se concentre surtout sur l'innovation, madame. Il faut donner aux gens les outils dont ils ont besoin pour déterminer eux-mêmes leur avenir. Je crois que la société qui se donne les meilleurs outils aura le meilleur rendement, créera les meilleurs emplois et améliorera la qualité de vie des gens. J'ai mentionné tout à l'heure les outils qu'on donne; de l'information; le point de vue des marchés à l'intérieur et à l'extérieur; aller chercher des fonds quand on en a besoin; donner de l'aide pour les plans d'affaires. Par exemple, on a des mentors et on donne des conseils. On est là pour fournir cette information. On est aussi là pour aider à la formation. J'ai mentionné les entreprises de femmes tout à l'heure. Si ma mémoire m'est fidèle, les quatre entreprises de femmes de l'Ouest canadien ont donné de la formation à 17 000 femmes. C'est très, très bien. Les sociétés d'aide au développement des collectivités, surtout dans les régions rurales, font beaucoup de formation. Nous en faisons nous-mêmes, mais nous nous fions surtout à nos partenaires.

Mon dernier commentaire sera pour dire que l'accent est mis sur l'innovation telle que je la définis: il s'agit d'en faire plus avec ce que nous avons, qu'on parle des domaines forestier, minier ou autres. C'est un élément. L'autre élément est de se demander si on peut avoir de nouvelles entreprises, de nouvelles initiatives, des choses auxquelles on n'a jamais songé auparavant. Donc, l'accent est mis sur l'innovation et sur la formation. Vous n'êtes pas sans savoir qu'on a un lien très étroit avec les universités et les collèges aussi bien qu'avec nos partenaires, et que nous mettons beaucoup l'accent sur la formation. On a parlé de plusieurs outils. L'outil le plus important est probablement l'éducation et la formation des gens pour qu'ils puissent faire la transition vers cette nouvelle société qu'on appelle souvent la société du savoir ou l'économie du savoir. C'est sur cela qu'on concentre nos efforts.

[Traduction]

La présidente: Merci beaucoup, madame Jennings.

Il nous reste encore quelques minutes. La visite du ministre est prévue jusqu'à 10 heures, et M. Keyes et M. Dubé voudraient tous les deux poser des questions.

Monsieur Keyes, et ensuite M. Dubé.

• 0955

M. Stan Keyes (Hamilton-Ouest, Lib.): Merci, madame la présidente. Bienvenue, monsieur le ministre.

Je voudrais poursuivre la discussion lancée par mon collègue, Eugène Bellemare sur la question de la préparation pour l'an 2000, une question bien importante, à mon avis. Vous avez dit que vous ne consentez pas de prêts, mais sur la feuille de renseignements que vous nous avez fournie avec la trousse d'information, il est question de 439 millions de dollars en capitaux de prêts.

M. Ronald Duhamel: C'est exact.

M. Stan Keyes: Ai-je raison de penser que vous vous attribuez le mérite de ces prêts consentis aux PME sans que ce soit vous qui ayez fourni les crédits nécessaires? Je ne comprends pas.

M. Ronald Duhamel: Non. Il y a quelques années, lorsque nous avons décidé de ne plus consentir de prêts directement aux entreprises—à une époque, nous offrions effectivement des prêts aux PME, mais ce n'est plus le cas—nous avons décidé de créer une réserve pour perte de 54 millions de dollars et d'établir 28 fonds de prêts en collaboration avec les banques et d'autres établissements de crédit. Supposons que vous soyez entrepreneur et que vous ayez une nouvelle initiative à proposer qui soit étayée par un plan commercial solide, nous vous aiderions par l'entremise d'un de nos fonds de prêts, ce qui voudrait dire que vous traiteriez directement avec l'une des banques, soit la Banque de Nouvelle-Écosse, la Banque Royale, ou un autre établissement.

M. Stan Keyes: Directement, vous dites.

M. Ronald Duhamel: Oui, c'est exact. Et pour répondre à votre question, non, je ne cherche pas à m'attribuer tout le mérite de ce programme. J'aurais peut-être dû mieux vous l'expliquer. Disons que nous avons joué un rôle de facilitateur dans ce portefeuille...

M. Stan Keyes: Mais le fait est que le gouvernement fédéral a la responsabilité de 54 millions de dollars de deniers publics qui sont dans une banque quelque part... et même si c'est la banque qui administre les fonds, il n'en reste pas moins que ce sont des deniers publics. Ce que M. Bellemare essayait de vous faire comprendre, et ce qui nous inquiète beaucoup au comité, étant donné tout le travail que nous avons fait sur la question du passage à l'an 2000, c'est que, du fait même qu'il s'agit de deniers publics, DEO a la responsabilité de s'assurer que les établissements qui reçoivent ces crédits sont prêts pour l'an 2000, et qu'ils ont un plan adéquat en place, pour que nous sachions, jusqu'au dernier sou, où vont se trouver ces 54 millions de dollars dans les jours et les mois qui viennent. Il faut donc se mettre en rapport avec les responsables de ces établissements, qui vont devoir vous donner des assurances quant à leur état de préparation pour l'an 2000 ou l'existence d'un plan en bonne et due forme, au cas où ils ne seraient pas encore prêts.

M. Ronald Duhamel: Merci d'avoir soulevé à nouveau cette question. Je croyais avoir indiqué que les questions de M. Bellemare à ce sujet sont tout à fait pertinentes. Je vais donc me renseigner.

Je crois comprendre que toutes les banques avec lesquelles nous traitons actuellement ont déjà établi des plans d'intervention d'urgence. Il s'agit des grandes banques canadiennes. Mais nous allons évidemment nous en assurer. Les crédits en question sont déposés dans les banques qui traitent ensuite directement avec les clients. Mais je comprends très bien vos arguments. Et je suis parfaitement d'accord. Nous allons faire d'autres vérifications afin d'en être tout à fait sûrs. Je suis à peu près sûr que ce soit le cas, mais la prochaine fois que je vous verrai, je pourrai vous le confirmer.

M. Stan Keyes: Est-ce que les Sociétés d'aide au développement des collectivités sont également administrées par le truchement des banques?

M. Ronald Duhamel: Non. Il s'agit de sociétés indépendantes.

M. Stan Keyes: Qui sont dirigées par DEO?

M. Ronald Duhamel: Il s'agit plutôt de partenaires de DEO. Elles fournissent certains services à la collectivité et aux petites et moyennes entreprises.

M. Stan Keyes: Donc, encore une fois, les 176 millions de dollars qui ont permis de consentir 8 000 prêts entre 1995 et 1998, et les 90 millions de dollars que vous avez annoncés il y a deux semaines pour ces SADC sont des deniers publics. Donc, pour les fins de l'attribution des prêts, nous sommes essentiellement le partenaire des banques.

M. Ronald Duhamel: Il ne s'agit pas de prêts. Il s'agit d'aide opérationnelle. Voyez-vous, monsieur Keyes—et je ne veux certainement pas induire quiconque en erreur—nous aurions pu en passer par nos propres agents pour fournir ces services. Mais il nous semblait préférable de nous adresser aux collectivités et de demander à ces sociétés indépendantes de s'en charger. Il s'agit de sociétés qui sont administrées par des personnes qui habitent dans la localité et qui savent...

M. Stan Keyes: Mais les Sociétés d'aide au développement des collectivités ne sont pas des banques.

M. Ronald Duhamel: Non.

M. Stan Keyes: Ce sont des organismes qui acceptent de redistribuer des crédits fédéraux en fonction de leur évaluation des besoins, n'est-ce pas?

M. Ronald Duhamel: Leur rôle est double: elles assurent des services et elles consentent des micro-prêts.

M. Stan Keyes: Des micro-prêts.

M. Ronald Duhamel: Oui.

M. Stan Keyes: Et elles en ont consenti 8 000 déjà cette année.

M. Ronald Duhamel: Oui, mais il y a 90 SADC, et elles existent depuis plusieurs années.

M. Stan Keyes: Voilà qui m'amène à vous parler d'une autre préoccupation. Vous êtes convaincu que les banques seront prêtes pour l'an 2000, mais qu'en est-il des Sociétés d'aide au développement des collectivités?

M. Ronald Duhamel: Quand j'ai rencontré les responsables des SADC récemment, nous en avons parlé, et elles m'ont convaincu que tout va bien. Mais si vous me demandez si tout cela est écrit noir sur blanc quelque part, je peux vous dire tout de suite que non.

M. Stan Keyes: Mais il faut que ce soit écrit noir sur blanc, monsieur Duhamel.

M. Ronald Duhamel: Très bien.

La présidente: Merci. Merci beaucoup, monsieur Keyes.

[Français]

Monsieur Dubé, s'il vous plaît.

• 1000

M. Antoine Dubé: Monsieur le ministre Duhamel, je suis un peu déçu d'être actuellement le seul député de l'opposition qui soit là pour vous interroger sur le développement régional et sur Diversification de l'économie de l'Ouest.

M. Ronald Duhamel: J'en suis très content. Cela nous donne l'occasion de parler davantage.

M. Antoine Dubé: C'est assez ironique que ce soit un député du Québec, de surcroît souverainiste, qui vous interroge.

Je constate que vous avez réussi à renouveler les ententes fédérales-provinciales avec trois provinces.

M. Ronald Duhamel: Oui.

M. Antoine Dubé: Il y a la Colombie-Britannique qui n'a pas encore... Le rapport a peut-être été écrit au moment du budget.

M. Ronald Duhamel: Vous avez tout à fait raison. Ce n'est pas encore fait.

M. Antoine Dubé: Pourriez-vous me renseigner sur la nature de ces ententes? Ces ententes fédérales-provinciales sont des documents publics, n'est-ce pas?

M. Ronald Duhamel: Oui, oui.

M. Antoine Dubé: Madame la présidente, si vous le voulez bien, je demanderais qu'on nous en fasse parvenir des copies, car je souhaiterais les connaître.

M. Ronald Duhamel: Bien sûr.

M. Antoine Dubé: Depuis 1994, nous essayons de faire la même chose avec le gouvernement fédéral, avec le ministère de M. Cauchon, et cela ne fonctionne pas. Dans les Maritimes, toutes les provinces se sont entendues. Pourtant, il y a là des gouvernements différents. Il y a là deux gouvernements conservateurs et vous vous êtes entendus avec eux, et vous êtes maintenant sur le point de vous entendre avec un gouvernement néo-démocrate. J'aimerais découvrir votre recette.

M. Ronald Duhamel: Eh bien, la recette est très simple. Je fais de la politique pendant les campagnes électorales et je travaille avec les élus entre les périodes électorales. C'est aussi simple que cela.

M. Antoine Dubé: En tout cas, je vous félicite d'avoir réussi à conclure ces ententes.

M. Ronald Duhamel: Merci.

[Traduction]

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Dubé.

Monsieur le ministre, j'aimerais vous remercier d'avoir accepté de prendre le temps de venir discuter avec nous des activités de Diversification de l'économie de l'Ouest et d'avoir répondu aux questions des membres. Nous vous remercions pour votre mémoire et d'être resté pour répondre à nos questions. Maintenant nous vous laissons partir.

M. Ronald Duhamel: Merci, madame la présidente et chers collègues. Merci pour toutes vos questions. J'aimerais également remercier mes collègues, M. Bellemare et M. Keyes, d'avoir insisté sur la question de la préparation pour l'an 2000. Comme je l'ai déjà dit, je suis à peu près sûr que tout va bien, mais la prochaine fois que je vous verrai tous les deux, je pourrai vous le confirmer.

Merci.

La présidente: Merci.

Maintenant, chers collègues, nous passons à un autre groupe de témoins. Nous allons faire une pause de deux minutes avant d'accueillir les représentants d'Industrie Canada qui vont nous parler de productivité.

• 1002




• 1009

La présidente: Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, le comité entreprend une étude de la productivité, de l'innovation et de la compétitivité.

Nous recevons deux témoins ce matin: d'abord, M. John Baldwin, directeur des études et de l'analyse micro-économiques à Statistique Canada. M. Baldwin va faire un exposé d'environ 15 minutes, et après nous aurons une demi-heure pour l'interroger. Ensuite nous passerons au deuxième témoin et à une autre période de questions. Nous devons suivre une procédure un peu différente ce matin parce que M. Baldwin a un autre engagement.

Je cède donc la parole à M. Baldwin.

• 1010

M. John Baldwin (directeur, Études et analyse micro- économiques, Statistique Canada): Merci beaucoup de m'avoir invité à vous parler des programmes de productivité de Statistique Canada.

J'ai déjà fait distribuer une trousse d'information aux membres. Cette trousse contient un résumé des statistiques sur la productivité publiées le 23 mars, de même que des copies d'acétates que je vais vous présenter très brièvement au cours des 15 prochaines minutes, n'ayant pas le temps de vous les présenter en détail.

Le document que je vais vous présenter maintenant se trouve dans votre trousse et est intitulé «Présenté par John Baldwin, Statistique Canada, au Comité permanent des finances, le 6 mai 1999», et explique des statistiques présentées la semaine dernière. Aujourd'hui, je vais surtout vous parler du programme de productivité de Statistique Canada et des données que nous avons rassemblées grâce à ce programme, qui vise à suivre les progrès réalisés par le Canada sur le plan de la productivité.

Si vous passez à la première page de ce document, intitulé «Mesures de la productivité», vous verrez qu'il y est question de deux mesures fondamentales de la productivité qui découlent du programme de statistiques. Il s'agit, d'une part, de la productivité du travail, et d'autre part, de la productivité multifactorielle.

La productivité représente essentiellement une mesure fondamentale de la capacité de production de l'économie. La productivité du travail est une mesure relativement simple qui établit le rapport de la production aux heures travaillées. La mesure que nous appelons la productivité multifactorielle est plus complexe. Cette mesure existe depuis 20 ou 30 ans, mais depuis une vingtaine d'années, les économistes et les non-spécialistes prétendent que seule, elle ne constitue pas une mesure suffisante—c'est-à-dire que la production par travailleur au sein de l'économie, en d'autres termes la mesure de la productivité du travail, est sans aucun doute fonction des capitaux associés à chaque travailleur, et à la quantité de matériaux que peuvent utiliser les travailleurs, si bien que des changements au niveau de la production par travailleur peuvent être causés par ces autres facteurs.

Pourquoi faut-il en tenir compte? Eh bien, dans une certaine mesure, les gens ont envie de savoir dans quelle mesure les changements de production ne sont pas associés à des changements d'intrants, c'est-à-dire des changements sur le plan de la main- d'oeuvre, des capitaux et des matériaux. Nous voulons savoir dans quelle mesure les connaissances extérieures ou les changements technologiques améliorent nos capacités, et par conséquent, Statistique Canada à la demande de l'ensemble de la population, a commencé au cours des dix dernières années à employer des mesures de la productivité multifactorielle.

Toutes ces mesures qu'emploie Statistique Canada permettent de suivre l'évolution de notre capacité par rapport aux changements observés au niveau des intrants. Ces mesures permettent de déterminer le taux de croissance de la productivité. Elles n'indiquent pas de niveaux précis. Pourquoi cela nous intéresse-t- il? Eh bien, nous voulons savoir si notre capacité de production a augmenté par rapport aux entrées ou intrants consacrés à la production.

Il convient de se rappeler ces deux chiffres: si nous augmentons notre production de 6 p. 100, mais que l'ensemble de nos entrées, pondérées, augmente de 5 p. 100, la croissance de notre productivité multifactorielle sera de 1 p. 100. La différence entre six et cinq, c'est un. Ainsi nous avons obtenu 1 p. 100 de plus du système.

Certaines personnes voient ça comme une sorte de cadeau, en ce sens que ce 1 p. 100 semble venir de nulle part. Ce n'est sans doute pas vrai qu'il vienne de nulle part; il est plus probable qu'il s'agisse d'autres éléments qui n'ont pas été mesurés. Il peut s'agir d'un accroissement de nos connaissances grâce au système d'éducation, ou d'accroissement de nos connaissances associées à la R-D ou à la présence au sein de l'économie de travailleurs mieux qualifiés. Mais c'est la mesure de ce facteur résiduel qui intéresse les gens, parce qu'elle nous permet dans un sens de savoir à quelle vitesse nous incorporons tous ces éléments extérieurs dans notre système de production—et quand je dis «extérieurs», je veux parler de tout ce qui ne correspond pas à la main-d'oeuvre, aux capitaux et aux matériaux.

La mesure de la productivité que je viens de vous décrire n'est pas facile à élaborer. Comme je vous l'expliquais il y a quelques instants, il s'agit de la différence entre 6 et 5 p. 100. Six pour cent correspond à une première différence; c'est le taux de changement de notre production. Cinq pour cent correspond aussi à une première différence; il s'agit du taux de changement de nos entrées. Par conséquent, les mesures de la productivité indiquent les différences entre les premières différences. Nous avons toujours reconnu que ces mesures reposent dans une très large mesure sur... non pas des éléments intangibles, mais disons simplement qu'il faut employer un intervalle de confiance assez large quand on interprète ces chiffres.

• 1015

Permettez-moi de vous expliquer maintenant comment Statistique Canada obtient ces chiffres. Le procédé est complexe. Le groupe de la productivité de Statistique Canada se trouve tout à fait au sommet de la pyramide. Nous sommes obligés d'obtenir nos chiffres de tous les autres. Chaque autre division doit faire son travail avant que nous ne puissions préparer nos estimations. Parfois d'autres divisions ont des problèmes, ou encore leurs résultats sont en retard ou en voie de révision, et par conséquent nos estimations sont publiées un peu en retard.

Dans un premier temps, nous dépendons du système des comptes nationaux pour nous fournir des données indiquant les taux de changement de la production. Ensuite, nous devons faire appel à la division des statistiques du travail pour obtenir les taux de changement des entrées. Qui plus est, nous devons travailler en étroite collaboration avec la division des statistiques du travail pour obtenir un taux de changement des entrées au niveau de la main-d'oeuvre qui nous semble cohérent. Au cours des 20 dernières années, le taux de croissance de l'emploi—c'est-à-dire le nombre de personnes qui travaillent—a augmenté beaucoup plus rapidement que le nombre d'heures travaillées, en partie à cause de l'accroissement du nombre de travailleurs à temps partiel au sein de l'économie. Nous voulons donc obtenir une mesure de la production qui reflète le véritable nombre d'heures consacrées au travail ou à la production, si bien que nous passons pas mal de temps à calculer les chiffres correspondant aux heures travaillées sur lesquels reposent ces estimations.

Il nous faut également avoir une estimation des changements intervenus sur le plan du stock de capital, un autre intrant important pour la mesure de la productivité multifactorielle. Nous voulons savoir combien de capitaux sont investis dans l'économie, et il s'agit ensuite de transformer ces chiffres sur les investissements en chiffres sur le stock de capital, qui représentent la cumulation de tous les investissements passés; c'est un chiffre utile qui sert dans la préparation des statistiques. Pour cela, nous devons nous adresser à la division des statistiques sur les investissements en capital, qui a réussi au fil des ans à élaborer des méthodes relativement cohérentes et précises d'estimation du stock de capital. Et dans ce domaine, des progrès considérables ont été réalisés au cours des 20 dernières années.

À une époque, nous avions des hypothèses assez arbitraires concernant la durée des investissements, c'est-à-dire pendant combien d'années des machines restent dans une usine avant d'être éliminées, et avec quelle rapidité ces équipements déprécient pendant cette même période. Au cours des dix dernières années, Statistique Canada a créé un certain nombre de programmes d'enquêtes assez exhaustives—programmes mis en oeuvre en collaboration avec le ministère de l'Industrie, le ministère des Finances et la Banque du Canada, en vue d'obtenir des estimations directes plutôt que de dépendre d'hypothèses de ce genre.

Enfin, le programme de mesure de la productivité fait appel à une série de chiffres assez ésotériques qu'on appelle les tableaux des entrées-sorties. Dans un système de statistiques, les tableaux des entrées-sorties nous permettent de savoir quels produits sont achetés et vendus par chaque branche d'activité. Cette information est essentielle si nous voulons élaborer des mesures relativement précises de la productivité industrielle.

Pourquoi est-ce nécessaire? Eh bien, pour calculer l'ensemble des entrées et des sorties en vue de mesurer la productivité, il nous faut des formules de pondération relativement précises. J'ai commencé tout à l'heure par vous dire que nous parlons de différences entre les taux de changement de la production et les taux de changement des entrées, mais évidemment, les entrées et les sorties comprennent des milliers de produits. Il faut donc trouver le moyen de combiner tous ces éléments, et c'est uniquement à l'aide de tableaux relativement précis des entrées-sorties qu'on peut espérer obtenir un résultat assez exact.

Pour faire une analogie avec une mesure que les membres du comité connaîtront sans doute, nous nous inquiétons beaucoup de l'exactitude de l'indice des prix à la consommation. L'indice des prix à la consommation n'est exact que dans la mesure où nous mesurons avec une assez grande précision les changements survenus dans les prix, changements qui sont pondérés pour en arriver à un seul chiffre, que nous pouvons ensuite publier. Ces pondérations dépendent des habitudes de consommation des Canadiens, et si l'information relative à ces habitudes n'est pas actualisée assez fréquemment, on finit par avoir un indice imprécis des prix à la consommation.

De la même façon, les données sur la productivité, qui sont des données globales indiquant l'ensemble des changements de produits aux niveaux des entrées et des sorties, doivent être pondérées, et cette pondération s'accomplit le plus souvent grâce à ces tableaux détaillés des entrées-sorties, qui nous permettent de donner des indications précises, ou relativement précises—c'est-à-dire qui atteignent un degré de précision jugé adéquat par Statistique Canada pour des fins de publication—au sujet de ces taux de changement.

Permettez-moi de parler brièvement de la nature des statistiques que nous préparons. Nos chiffres concernent surtout les entreprises. Nous n'incluons pas le gouvernement dans nos estimations, car nous n'avons pas de bonnes mesures de la productivité pour le secteur gouvernemental. Pour les besoins des comptes nationaux, les chiffres sur la production du secteur gouvernemental sont préparés en mesurant les entrées. Si les sorties sont mesurées au moyen des entrées, les taux de changement des entrées et sorties seront les mêmes, et par définition, la productivité, telle que nous la mesurons dans le secteur public—peut-être pas la vraie productivité—est essentiellement constante; par conséquent, quand nous préparons nos statistiques, nous devons forcément mesurer la productivité du secteur privé.

• 1020

De plus, nous ne préparons pas de statistiques qui comparent les niveaux au Canada avec ceux enregistrés dans d'autres pays. Nous examinons les taux de croissance de la productivité. La raison en est fort simple: il y a des milliers et des milliers de prix qu'on peut utiliser pour calculer les taux de variation des entrées et sorties à partir des chiffres en dollars. Pour obtenir des taux de variation correspondant à des quantités réelles, nous avons besoin de chiffres pour les valeurs et les prix, et nous avons accès à ces chiffres grâce à notre système de statistiques.

Nous ne disposons pas de milliers et de milliers de prix pour faire des comparaison entre le Canada et les États-Unis. Nous ne consacrons pas autant de ressources à ce programme, et par conséquent, nous ne produisons pas de statistiques de ce genre.

Nous ne préparons pas non plus de statistiques sur la productivité qui tiennent compte d'influences externes. Par exemple, nos mesures de la production ne tiennent pas compte de la pollution ou des éléments négatifs de la production industrielle. Nous nous en tenons au système des marchés, c'est-à-dire aux éléments facilement mesurables.

Voilà donc une brève introduction à nos statistiques. Permettez-moi maintenant de vous parler des statistiques publiées le 23 mars qui ont suscité de l'intérêt dans certains milieux.

Je vais passer maintenant à l'acétate suivant, intitulé «Les révisions» et vous parler des raisons pour lesquelles nous avons révisé nos chiffres, en précisant aussi que nous procédons régulièrement à de telles révisions. Je vais vous indiquer en quoi consistent ces révisions pour le secteur des entreprises, c'est-à- dire l'économie globale, et ensuite pour le secteur manufacturier, parce que beaucoup de gens voient le secteur manufacturier comme quelque chose de bien spécifique.

D'abord, permettez-moi de vous expliquer ce qui nous a poussés à procéder à ces révisions. Statistique Canada a récemment affirmé que les taux de croissance de la productivité étaient en réalité meilleurs dans les années 90 qu'on l'avait cru précédemment. Cinq ou six raisons différentes sont à l'origine de ces révisions.

D'abord, le système des comptes nationaux a révisé ses statistiques sur le PIB réel, c'est-à-dire les statistiques que nous recevons sur la production réelle. Cette révision a lieu tous les cinq ans parce qu'au fur et à mesure qu'évolue l'économie, il faut modifier les pondérations appliquées pour faire le calcul global des différents extrants. Si le secteur de l'informatique a une place plus importante au sein de l'économie, par exemple, il faut forcément modifier les pondérations relatives au secteur de l'informatique. Le SCN, ou système de comptabilité national, fait l'objet d'une révision tous les cinq ans. Dans ce cas-ci, nous venons tout juste de recevoir les nouvelles révisions qui découlent d'un rajeunissement de la base en 1992.

Quand ils changent les années de base pour repondérer les niveaux de production en fonction de pondération de la structure industrielle plus adéquate, ils remontent longtemps en arrière. Ainsi nous obtenons des révisions historiques qui remontent très loin dans le temps.

De plus, cette révision historique a donné lieu à un assez grand nombre de redéfinitions. Les pays du monde sont plus intéressés à présent à se comparer les uns aux autres. Ainsi leurs systèmes de statistiques doivent être plus comparables. Et tous les pays n'ont pas nécessairement les mêmes définitions ou les mêmes méthodes de mesure de la production de l'économie dans son ensemble, c'est-à-dire ce que mesure le système de comptabilité national.

Sous l'égide des Nations Unies, les pays ont généralement convenu d'essayer d'uniformiser leurs définitions. L'accord de 1993 a été mis en oeuvre par le Canada. Par conséquent, les définitions de certaines branches d'activités—par exemple, les services ménagers et le secteur des finances, des assurances et de l'immobilier—ont été modifiées. Mais il convient de préciser que tous les pays n'ont pas encore adopté ces nouvelles définitions. Les Américains accusent un certain retard dans l'adoption de ce système.

De plus, le groupe qui nous fournit cette série massive de tableaux indiquant qui achète quoi à qui et qui vend quoi à qui a changé sa façon d'exprimer en prix constants la valeur de certaines branches d'activités. Les techniques de déflation permettent de transformer les dollars non millésimés en dollars réels et de connaître le taux réel de variation de la production, plutôt que le taux gonflé de variation, qui comprend les changements de prix. Ils ont amélioré certaines des techniques employées pour déterminer le taux réel de variation pour certaines séries, notamment celles qui portent sur le commerce de détail et le commerce de gros.

De plus, les estimations de l'enquête sur la population active—non pas l'enquête proprement dite, mais les estimations—que nous utilisons pour assurer la cohérence des différentes séries au cours des années ont été révisées.

Enfin, les séries sur le stock de capital ont fait l'objet de révisions et d'ajouts; il s'agit des statistiques que nous utilisons pour évaluer les taux de variation d'une entrée particulière, et ces révisions et ajouts sont nécessaires parce que nus avons rajeuni la base pour tenir compte de la nature changeante du système industriel et des modifications apportées en 1993 aux définitions de l'ONU.

• 1025

À la page suivante du texte, je présente les résultats de ces révisions pour la mesure de la productivité multifactorielle. Si cette dernière mesure est la plus complète, elle est également celle pour laquelle les estimations sont les plus difficiles à établir. Le graphique qui suit cette page indique en détail les conséquences de ces changements pour nos estimations. Le graphique qui suit ce dernier présente les nouvelles estimations avec des triangles et les anciennes estimations avec un trait contigu. Vous verrez que les nouvelles estimations indiquent un taux de croissance légèrement plus élevé pendant les années 90 que ce n'était le cas précédemment. En fait, si on trace une ligne droite au travers la courbe, on observe une croissance plus ou moins constante depuis le début des années 70.

Le graphique suivant, qui se trouve à la page 7, vous indique le taux moyen de croissance de la productivité multifactorielle et de la productivité du travail au cours des trois dernières décennies. Les résultats pour la productivité du travail sont représentés par la barre foncée de gauche, alors que la productivité multifactorielle est représentée par la barre blanche et noire de droite. Vous verrez qu'au cours des trois dernières décennies, la productivité multifactorielle a été plus ou moins constante. Si vous regardez bien les barres, vous verrez qu'il y a eu une légère augmentation. Il ne s'agit pas de différences importantes, vu les problèmes associés à l'estimation de la productivité multifactorielle.

La productivité du travail est restée à peu près constante au cours des 20 dernières années. Mais ce qu'il faut retenir de ces statistiques, c'est que dans chacune de ces trois décennies, la croissance de la productivité est bien inférieure à ce qu'elle était avant la crise du pétrole. Nous n'avons guère réussi à augmenter la productivité. Nous observons des taux de croissance relativement faibles après 1973. Donc, dans les statistiques que nous venons de publier, nous affirmons essentiellement que les taux de croissance semblent relativement constants au cours de cette période de 30 ans.

Au graphique 8 nous ajoutons d'autres informations. Là nous examinons également la croissance et la production réelles. À mon avis, les estimations de la productivité multifactorielle et du travail ne sont qu'une des mesures qu'il faut examiner pour évaluer l'expansion ou le ralentissement de l'économie. La barre située à l'extrême gauche représente, pour chacun des groupes, la production réelle—nous appelons ça l'indice idéal de Fisher en chaîne—c'est- à-dire le taux de croissance de la production réelle au cours de chacune de ces périodes. On voit que le taux de croissance de la production réelle ne cesse de baisser depuis 1973. Au cours des trois dernières périodes, même si la croissance de la productivité multifactorielle est à peu près inchangée, nous ne nous en sortons pas aussi bien du point de vue des taux annualisés de croissance réelle. Ainsi, il est possible d'avoir une croissance multifactorielle constante en présence d'une diminution des taux de croissance réels.

Je passe maintenant au tableau 9, qui présente, la performance multifactorielle du secteur manufacturier; là j'indique les changements qui se sont produits en précisant que la situation reste à peu près inchangée dans les nouvelles estimations de Statistique Canada. Ces nouvelles estimations donnent des résultats légèrement meilleurs après 1988, avant de réviser la structure industrielle et de procéder à une repondération des valeurs. Nous observons à peu près la même croissance au cours des 30 dernières années, et encore une fois, cette croissance est bien ralentie par rapport à celle que nous avons connue avant 1973.

Au graphique 11, j'établis une comparaison entre le Canada et les États-Unis. C'est ce que je fais toujours, car chaque fois que nous publions nos estimations, beaucoup de gens nous appellent pour nous dire qu'ils voudraient pouvoir comparer les estimations canadiennes et américaines. À une époque, nous avions l'habitude de répondre qu'à notre avis il était difficile de comparer les deux et que nous préférions ne pas publier de telles comparaisons. Mais vu la forte pression exercée sur nous pour corriger les fausses impressions créées par nos estimations, nous avons pris la décision de préparer et de publier côte à côte les estimations pour le Canada et les États-Unis, tout en affirmant que la situation des deux pays n'est pas tout à fait comparable et en cherchant à présenter deux séries de chiffres qui nous semblent les plus aptes à être comparés. Les statistiques que nous préparons visent encore une fois le secteur des entreprises, l'ensemble du secteur privé, et le secteur manufacturier. Je me permets de souligner ici qu'au niveau du secteur des entreprises, les nouvelles estimations n'ont guère modifié les résultats.

Au graphique 12, nous vous présentons les anciennes estimations canadiennes et américaines de la productivité multifactorielle sur une plus longue période. Avant notre dernier rapport, qui remonte à deux ou trois ans, il n'y avait aucune différence entre les deux économies.

Le graphique 13, cependant, vous décrit ce qui arrive après les révisions. À toutes fins pratiques, nous avons connu une croissance légèrement plus rapide—et je dis bien légèrement—au cours de la période de 1982 à 1997. La différence est de seulement 0,4 p. 100 par année.

• 1030

Au graphique 14, à la page 14, vous constaterez qu'en moyenne, la différence entre le Canada et les États-Unis au cours de cette période est minime dans la barre de gauche, qui représente la période de 1961 à 1973, et il en va de même pour...

[Français]

Est-ce qu'il y a un problème au niveau des noms?

[Traduction]

La présidente: Ils n'ont pas le bon mémoire. Ils regardent le mémoire du prochain témoin. Ils sont censés avoir les documents de la trousse bleue en anglais et en français. Veuillez continuer, monsieur Baldwin.

M. John Baldwin: Vous verrez que le résultat est un peu plus élevé pour le Canada, mais ce n'est pas une différence significative, je pourrais parler longuement des différences entre les méthodes qu'emploient les deux pays. L'analyse des Américains repose sur des hypothèses un peu différentes dans plusieurs domaines. Quand nous modifions les chiffres américains en fonction de nos hypothèses, ils se rapprochent beaucoup des nôtres. Donc, lorsqu'on me demande s'il existe une différence importante entre le secteur des entreprises canadien et américain, je réponds toujours que c'est une différence qui est difficilement observable.

Je passe maintenant à la page 15, qui concerne la situation du secteur manufacturier. Il se trouve que beaucoup de gens attachent énormément d'importance aux résultats du secteur manufacturier. Même si l'on parle ici de biens échangeables, ce secteur ne représente qu'entre 15 et 25 p. 100 de l'économie, selon la mesure qu'on utilise. Nous avons donc du retard. Il convient de préciser, toutefois, que nous avons de l'avance dans les autres 75 p. 100 de l'économie, c'est-à-dire les services. Les deux s'équilibrent dans nos chiffres bruts.

Dans les anciennes statistiques, les États-Unis avaient des résultats extraordinaires. La productivité américaine était extrêmement élevée pendant les années 90. L'examen des données historiques a permis de constater qu'elle était plus élevée pendant cette période qu'à aucun autre moment depuis la période qui a suivi immédiatement la Seconde Guerre mondiale, alors qu'il n'en allait pas de même pour le Canada. Maintenant nous faisons certains rajustements, comme les États-Unis, d'ailleurs. C'est une pratique normale qui permet de rattraper la structure industrielle.

À la page 16, le tableau indique ce qui s'est produit lorsque les États-Unis ont procédé à des révisions il y a deux ans. Il en est résulté une forte baisse de la productivité du secteur manufacturier. À la page 15, on avait observé une différence entre les deux pays d'environ 30 points de pourcentage. Mais ces révisions ont fait baisser la productivité de 12 à 15 points, et ce simplement parce qu'ils ont reconnu la structure de l'économie qui existait dès 1991-1992.

Ils sont bien loin derrière nous pour ce qui est d'établir des pondérations mobiles appropriées pour la préparation de ces estimations. En commençant à préparer les estimations pour le début des années 90, ils ont fait des changements très importants. Nous préparons déjà celles de 1995-1996, alors que les Américains n'ont toujours pas reconnu les changements survenus dans leur structure industrielle, changements qui sont encore plus radicaux que ceux que nous avons connus au Canada du point de vue de la croissance relative des secteurs de forte croissance de la branche de l'informatique. Quand on met les deux séries de révisions ensemble, comme on le fait à la page 17, on constate que les Américains ont toujours des résultats plus élevés. Il existe encore un écart.

À la page 18, nous essayons de déterminer l'origine de cet écart. Est-ce qu'il concerne l'ensemble des branches manufacturières canadiennes? J'ai assisté l'autre jour à une conférence organisée par l'Institut C. D. Howe, et l'une des séances avait pour titre: «Est-il possible de tirer nos manufacturiers paresseux de leur torpeur?» Mais ces statistiques n'indiquent certainement pas, en ce qui concerne la productivité globale des facteurs, que nous avons au Canada des manufacturiers paresseux.

Si vous regardez la page 18, vous verrez que dans deux branches d'activités en particulier—les produits électriques et électroniques, et la machinerie commerciale et industrielle—les États-Unis ont enregistré un taux de croissance de la productivité très élevé. De l'ordre de 8 p. 100 dans un cas et de presque 5 p. 100 dans l'autre. Ces chiffres concernent justement les secteurs axés sur l'informatique. Ces derniers s'en tirent très bien par rapport à toutes les autres branches d'activités. Voilà ce qui explique cette forte croissance pendant les années 90. Ces secteurs s'en sortent également très bien par rapport à nos branches d'activités, qui ne sont pas semblables.

Je mentionne en passant que ces branches d'activités ont une pondération plus élevée aux États-Unis, si bien qu'un taux de croissance plus élevé a un impact plus important sur la productivité globale des facteurs et l'activité manufacturière. Dans les autres branches, le Canada est gagnant dans la moitié des cas et perdant dans l'autre moitié. C'est dans ces deux branches d'activités qu'on observe les plus grandes différences.

Après la publication de nos statistiques, plusieurs personnes nous ont appelés pour nous parler de ce que j'appelle les énigmes de cette information. Il s'agissait de résultats qui les laissaient perplexes, à la lumière de ce que nous avions affirmé précédemment. La première de ces énigmes concernait le niveau de vie. Beaucoup de gens sont venus nous dire: «Écoutez, nous avons l'impression que le niveau de vie, mesuré en fonction du PIB par habitant n'a pas eu une très bonne performance au cours des dix dernières années. Comment est-ce possible de concilier cela avec des taux de croissance de la productivité qui, d'après vous, sont restés relativement constants?» L'OCDE a publié vers la fin de l'année dernière un rapport indiquant que nous avions connu, non pas une croissance positive, mais une croissance négative. Beaucoup de gens voulaient savoir pourquoi il y avait cette divergence d'opinions entre nous deux.

D'abord, j'aimerais aborder la question de savoir s'il y a nécessairement un conflit entre les statistiques sur le niveau de vie, d'une part, et sur la productivité, d'autre part. Normalement, elles évoluent ensemble. Par exemple, si on parle du PIB par tête, les taux de croissance du PIB par tête devraient être égaux aux taux de croissance du PIB par le nombre d'heures travaillées, plus les taux de croissance par tête par le nombre d'heures travaillées au Canada. Normalement, le nombre d'heures travaillées par habitant reste relativement constant, de sorte que le taux de croissance du PIB par tête—c'est-à-dire le niveau de vie—est le taux de croissance du PIB par le nombre d'heures travaillées—c'est-à-dire la productivité—vont nécessairement de pair. Ce n'était pas le cas dans les années 90.

• 1035

Au graphique 22, même si je vous ai indiqué les taux de croissance du PIB par habitant au cours de la période de 1970 à 1988—c'est-à-dire les années 80—et de 1988 à 1997—c'est-à-dire les années 90—vous verrez, si vous regardez la barre située à l'extrême gauche de chacune de ces séries, que les taux de croissance du PIB par habitant de même que le niveau de vie diminuent, comme tout le monde l'affirme, d'ailleurs, et c'est tout à fait vrai. Les taux de croissance pendant les années 90 ne correspondaient qu'à un tiers de leur valeur pendant les années 80.

À l'extrême droite, vous avez une indication du PIB pour chaque heure travaillée. Ce n'est pas tout à fait notre mesure de la productivité; c'est celle qu'adopte souvent les gens en appelant ça la productivité. J'ai voulu l'inclure dans ce graphique à des fins de comparaison. On voit que le taux de croissance du PIB par heure travaillée est resté à peu près constant au cours des deux dernières décennies, alors que le taux de croissance du PIB par habitant a chuté.

Qu'est-ce qui arrive au juste? Eh bien, il y a moins d'habitants qui travaillent, soit parce qu'ils ne veulent pas travailler, soit parce qu'ils ne trouvent pas d'emplois. C'est une période inhabituelle.

Cela influence également les comparaisons entre le Canada et les États-Unis. Si vous regardez la page 23, vous verrez que je donne, pour le secteur des entreprises, la productivité du travail dans les deux pays. Certains préfèrent utiliser la productivité du travail, étant donné que la productivité multifactorielle, comme je viens de vous l'expliquer, est non seulement complexe mais difficile à mesurer; de plus, elle entraîne toujours une certaine confusion, si bien que les gens ne font pas confiance aux résultats. Alors j'ai étudié de nouveau les taux de croissance de la productivité du travail sur une assez longue période. Si vous comparez les résultats pour les États-Unis et le Canada, vous verrez qu'il est difficile de discerner une différence entre les deux. Un écart a commencé à se creuser dans les années 70. L'expansion de notre économie était plus rapide que celle de l'économie américaine vers la fin des années 60 et pendant toutes les années 70, mais après la performance de l'économie américaine est restée assez constante.

Je vous invite maintenant à passer à la page suivante pour regarder les taux de croissance du PIB par habitant. Encore une fois, ces taux sont assez constants jusqu'au moment de la récession de 1998-1999. Dans les années 90, notre économie s'est effondrée par rapport à celle des États-Unis. Notre productivité, et plus précisément la productivité du travail a ralenti un peu dans les années 90, mais beaucoup. On discerne difficilement une différence. Mais à la page 24, on voit tout de suite les différences entre les deux performances pour ce qui est du PIB par habitant.

La dernière énigme concerne la divergence de résultats entre le Canada et l'OCDE. Après qu'on m'ait posé cette question au téléphone plusieurs jours d'affilé, j'ai décidé d'aller regarder les chiffres de l'OCDE. Je me suis rendu compte que les statistiques de l'OCDE ont deux volets. C'est-à-dire que cette dernière a deux séries de statistiques sur la productivité, comme vous le voyez à la page 26. Les statistiques que vous voyez à gauche sont celles qu'on cite sans arrêt au Canada comme étant la preuve d'une croissance négative sur le plan de la productivité. Celles qui se trouvent à droite ont été préparées par leur direction des statistiques en utilisant une méthode que nous comprenons fort bien.

Il est possible de concilier nos statistiques et les leurs en modifiant les définitions de ce que nous appelons les entrées. L'OCDE utilise comme repère les personnes, et non les heures travaillées, si bien que les chiffres augmentent beaucoup plus rapidement en raison de l'augmentation du nombre de travailleurs à temps partiel. De plus, elle utilise comme repère le stock de capital brut, et non pas le stock de capital net. Le résultat net englobe le stock de capital utilisable et a un profil temporel différent.

Les résultats de gauche nous laissaient tout à fait perplexes. Nous avons rencontré les responsables de l'OCDE, qui sont en train de réviser leur formule en vue de nous donner de nouvelles estimations en juin. Je n'ai pas l'autorisation de vous les décrire maintenant, mais elles seront moins négatives qu'elles ne le semblent ici.

Le dernier graphique présente simplement une comparaison entre les statistiques canadiennes et celles préparées par la direction des statistiques de l'OCDE. La ligne du haut représente les statistiques canadiennes et celle du bas, les statistiques préparées par la direction des statistiques de l'OCDE. Les deux séries visent le Canada. Il est possible de faire converger les deux lignes en adoptant leur définition des entrées—définition que nous jugeons inadéquate—c'est-à-dire en faisant le calcul en fonction du nombre de travailleurs et non du nombre d'heures travaillées.

Voilà qui termine mon exposé. Merci beaucoup.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Baldwin.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, M. Baldwin a un autre engagement, et par conséquent, nous ne pourrons nous permettre qu'un seul tour de questions. Et nous avons un autre témoin, qui va également nous faire un exposé.

Je donne donc la parole à Mme Lalonde.

[Français]

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Cela ressemble au premier cours d'une session qui va durer longtemps. Quel est l'objectif de cette présentation? Est-ce qu'on veut nous dire qu'il y a un problème de productivité au Canada ou que, si les calculs étaient bien faits et que l'OCDE utilisait la même méthodologie que nous pour mesurer les facteurs de productivité totale, nous ne serions finalement pas dans une situation aussi précaire?

• 1040

Il est important que nous obtenions réponse à cette question parce, que notre orientation politique totale sera bien différente selon que nous croirons que les calculs de l'OCDE dépeignent mal notre situation ou que nous constaterons qu'il y a au Canada un vrai problème de productivité qu'il faut essayer de comprendre et de résoudre.

[Traduction]

M. John Baldwin: L'objet de mon exposé était double. Je voulais d'abord vous présenter les statistiques qui ont été récemment publiées et essayer de vous expliquer le contexte dans lequel nous les avons publiées.

En ce qui concerne l'OCDE, cette dernière n'a pas une seule position sur la question. C'est-à-dire qu'il existe deux séries de statistiques. Il y a celle préparée par la direction des statistiques, notamment dans le domaine des sciences et de la technologie, et les statistiques de cette série ne sont guère différentes des estimations que nous avons présentées. Elles reposent sur une méthode qui est relativement courante dans les différents pays—et c'est justement ça le rôle de la direction des statistiques—et les statistiques sont très semblables.

Il existe également une autre série de statistiques à l'OCDE qui sont reconnues comme étant erronées mais qui n'ont pas été refaites. À l'OCDE, les deux divisions en cause vont devoir décider si elles peuvent vraiment se permettre d'élaborer deux séries différentes de statistiques qui ne se ressemblent pas. C'est tout ce que je peux vous dire à ce sujet.

Mes statistiques ne nous apprennent pas grand-chose concernant l'existence ou non d'un problème au Canada en matière de productivité. Ce n'est pas la conclusion que j'en tire. Certains estiment que Statistique Canada présente un scénario optimiste dans ces statistiques. À mon avis, s'ils ont tiré cette conclusion-là, c'est parce que nos révisions ont eu pour résultat de faire monter les résultats pour les années 90 par rapport à ce qu'ils étaient auparavant.

D'autres ont conclu, à différents colloques auxquels j'ai assisté, que nos taux de croissance de la productivité ne sont pas très élevés—c'est-à-dire qu'ils sont même assez faibles par rapport à bon nombre d'autres pays, même s'ils sont positifs, plutôt que négatifs. À Statistique Canada nous estimons qu'il ne nous appartient pas de tirer des conclusions concernant la performance économique du pays. Nous nous efforçons simplement de vous présenter les statistiques, et quand on exprime des doutes à ce sujet, nous répondons aux questions en essayant d'expliquer comment elles ont été calculées et dans quelle mesure elles sont compatibles.

[Français]

L'autre casse-tête auquel j'ai fait allusion porte sur l'écart qui existe entre le niveau de vie et la productivité. On soulève certains problèmes au sujet des données relatives au niveau de vie, mais pas au niveau de la productivité. Notre productivité s'est maintenue au même niveau depuis les années 1980, tandis que la croissance du niveau de vie a été beaucoup moindre. C'est à vous de juger s'il y a de graves problèmes.

Mme Francine Lalonde: Elle est forte, celle-là. Comment expliquez-vous cet écart entre la productivité et le niveau de vie qui, selon vous, s'est maintenu depuis les années 1990?

[Traduction]

M. John Baldwin: La seule explication que je puisse vous fournir est plutôt d'ordre statistique et constitue en réalité une tautologie, c'est-à-dire que nous n'avons pas augmenté les heures travaillées aussi rapidement que notre population. À une conférence à laquelle j'ai assisté il y a quelques jours, les économistes se demandaient justement si cela s'expliquait par le fait que les gens se retirent de la population active, soit parce qu'ils sont forcés de le faire, soit parce qu'ils décident de le faire.

Ce sont des distinctions importantes. Il ne fait aucun doute que le nombre d'heures travaillées n'a pas connu une croissance aussi rapide que la population. Par conséquent, le PIB par habitant a diminué, mais le PIB par heure travaillée a progressé à peu près le même rythme qu'autrefois. C'est au niveau de la demande globale sur le marché du travail qu'on va trouver la réponse, mais je n'ai pas vraiment d'opinion tranchée sur le sujet.

La présidente: Merci, madame Lalonde.

Monsieur Shepherd.

• 1045

M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): Merci.

Pour en revenir à la question primordiale, à savoir la croissance moins rapide de la productivité du travail au Canada, comparativement aux États-Unis, il me semble, en regardant votre graphique, que dès qu'on arrive à 1990, les baby boomers commencent à atteindre l'âge de 50 ans. Le fait que nous ayons une population vieillissante, par rapport à celle des États-Unis, doit certainement influer sur la productivité, n'est-ce pas?

M. John Baldwin: C'est certainement un facteur dans la croissance moins rapide du PIB par habitant. Si une forte proportion de votre population décide de ne plus travailler, il va sans dire que le PIB par habitant va s'orienter différemment par rapport au PIB par heure travaillée.

Je n'ai pas examiné les statistiques démographiques; il conviendrait que le comité demande à quelqu'un d'autre de faire cette analyse-là. Comme vous l'avez remarqué dans l'un des premiers graphiques que j'ai présentés, nous incluons dans la population apte à travailler les personnes âgées de 15 ans et plus, car la nouvelle rectitude politique nous empêche de dire que les personnes âgées de plus de 65 ans ne sont pas aptes à travailler. Par conséquent, pour les fins de nos statistiques, la population apte à travailler comprend les personnes âgées de 15 ans et plus.

M. Alex Shepherd: Oui, mais il doit bien y avoir des statistiques qui indiquent que le désir de travailler diminue au fur et à mesure que vieillissent les gens.

M. John Baldwin: Oui, nous avons effectivement des statistiques qui démontrent que les Canadiens, et notamment les hommes, optent de plus en plus pour la préretraite.

Donc, cet effondrement, comme on dit, ou du moins comme le disent certaines personnes, du taux de participation repose en partie sur les préférences des gens; ils ne sont pas obligés de cesser de travailler. La restructuration impose l'inactivité à certaines personnes, qui ne trouvent pas d'autres emplois. Mais je ne peux pas vous dire quelle proportion correspond aux personnes qui sont forcées de quitter le marché du travail et quelle proportion représente des départs volontaires.

M. Alex Shepherd: Si je peux parler maintenant de la technologie, puisque c'est le mot à la mode actuellement, votre système de mesure repose essentiellement sur la production. Je me demande si vous êtes en mesure de rester au courant des nouvelles technologies et, par conséquent, si vos statistiques sont vraiment exactes. Prenons l'exemple d'une situation fort simple: si quelqu'un me donne un ordinateur et me demande de faire un travail précis, que je faisais autrefois manuellement, c'est évident que mon ordinateur me permettra de le faire beaucoup plus rapidement. Si demain matin, quelqu'un invente un meilleur ordinateur, je pourrais faire ce travail encore plus vite. J'ai l'impression que vous devez être vraiment en retard pour ce qui est de votre capacité de mesurer l'impact des nouvelles technologies sur la productivité.

M. John Baldwin: Votre question a deux volets. D'abord, quand on doit mesurer les entrées et les sorties, est-il possible de mesurer avec exactitude les taux de variation dans un contexte où les technologies évoluent très rapidement? Des ordinateurs en sont un excellent exemple. Les prix des ordinateurs diminuent, mais le prix réel des ordinateurs diminue encore plus rapidement. Si vous faites le tour des magasins, vous verrez qu'un ordinateur standard coûte environ 2 000 $ depuis quatre ou cinq ans—les prix baissent plus vite à l'heure actuelle, mais depuis quatre ou cinq ans, cela coûte environ 2 000 $—sauf que 2 000 $ l'année dernière vous permettait d'obtenir un ordinateur qui était dix fois plus rapide que celui que vous avez acheté il y a quatre ans.

Ce qui est intéressant, dans cet exemple-ci, c'est que les statisticiens aux États-Unis ont commencé il y a bien longtemps à modifier le prix qu'ils utilisaient pour mesurer les changements du niveau de la production. Ils ne se servent plus du prix marchand ils ne prennent plus comme repère le prix du marché; ils corrigent le prix du marché pour tenir compte de la valeur accrue du produit. Donc, si votre ordinateur est deux fois plus rapide, ils divisent le prix par deux et partent du principe que le prix de votre ordinateur est la moitié moins, ce qui a pour résultat de changer considérablement les taux de croissance de la production. C'est l'une des raisons pour lesquelles on observe une croissance marquée aux États-Unis dans le secteur informatique; c'est en partie à cause de cela. Ce n'est pas un artifice; c'est une méthode qui permet de transformer le prix, et bon nombre d'économistes et de statisticiens estiment que c'est la bonne méthode à employer pour tenir compte du facteur qualité.

D'ailleurs, nous faisons exactement la même chose. Les taux de croissance de nos entrées et sorties sont différents, parce que notre secteur manufacturier n'a pas les mêmes caractéristiques. Dans l'exemple A, nous, au Canada, n'avons pas de grandes usines de fabrication des puces; et c'est justement dans ces usines de fabrication des puces qu'il y a eu un énorme gain de productivité qui est d'ailleurs reflété dans la croissance faramineuse de la productivité aux États-Unis.

Le deuxième volet de votre question est ceci: est-il possible ou plus difficile de mesurer les taux de variation des prix dans un contexte où les technologies évoluent très rapidement? La réponse est oui. On peut supposer qu'il serait possible de bien mesurer les prix que si on parlait de machines DAO/FAO qui sont utilisées dans le secteur manufacturier. C'est difficile, parce que la plupart ou du moins bon nombre de ces machines sont conçues pour accomplir une tâche précise, et il n'est donc pas facile de maintenir une bonne série de statistiques sur les prix. Nous avons une division des prix qui s'efforce justement de le faire; mais c'est une tâche d'autant plus difficile lorsque les technologies évoluent rapidement.

Dans la troisième partie de votre question, vous me demandiez si nous nous attendons à observer un retard sur le plan des gains de productivité, étant donné qu'il faut un certain temps pour apprendre quelque chose. Eh bien, c'est une question d'opinion, et j'imagine qu'on aurait tendance à dire oui, qu'on s'attend à ce qu'il y ait un certain retard.

• 1050

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Shepherd.

Monsieur Jones, vous avez la parole.

M. Jim Jones (Markham, PC): Dans votre exposé, vous avez déclaré que vous ne saviez pas avec certitude s'il existe ou non un problème de productivité au Canada. Pourriez-vous m'expliquer l'écart entre le taux de chômage au Canada, qui est de 8 p. 100, et le taux aux États-Unis, qui est de 4 p. 100? Pourquoi le taux de chômage aux États-Unis est-il beaucoup moins élevé que le nôtre?

M. John Baldwin: Je ne peux pas vraiment vous l'expliquer. Les économistes diraient que cela s'explique par divers facteurs, entre autres, peut-être la productivité, mais je n'ai pas de véritable opinion à ce sujet. Et je ne peux pas non plus vous expliquer ce phénomène. Je suis là pour vous expliquer les statistiques. Le rôle de Statistique Canada n'est pas de former des opinions sur les politiques ou les problèmes de ce genre.

M. Jim Jones: Mais n'est-il pas vrai que le taux de chômage et le degré d'activité influencent la productivité et sont partie intégrante d'une économie prospère? Je suppose que c'est tout de même un facteur d'évaluation clé.

M. John Baldwin: Permettez-moi de clarifier la définition de la productivité.

Beaucoup de gens assimilent la productivité à tous les autres éléments du système. La productivité n'a rien à voir avec les augmentations salariales, la rentabilité de l'économie ou bon nombre d'autres choses. Par exemple, Rick Harris citait l'exemple suivant la semaine dernière, devant le Comité permanent des finances. Il est possible que nous produisions du pétrole de manière plus efficace que n'importe quel autre pays du monde, en ce sens que nous obtenons, disons, plus de pétrole pour chaque unité d'intrant, mais si personne au monde ne veut acheter notre pétrole—par exemple, le prix a augmenté. Prenons l'exemple du nickel. Si personne ne veut acheter du nickel, notre niveau de vie va chuter. Nous ne pourrons plus nous permettre grand-chose. De même, les salaires vont être moins élevés.

Un homme d'affaires pourrait rehausser sa productivité et son efficacité, telles que nous les mesurons, mais ses bénéfices pourraient baisser si les prix diminuent très rapidement. Un homme d'affaires pourrait rehausser sa rentabilité sans aucune amélioration de la productivité s'il réussissait à payer ses intrants moins chers. En ce qui le concerne, c'est une définition générale de l'efficacité, mais ce n'est pas du tout ce que nous mesurons quand nous analysons la productivité.

Donc, il est possible qu'on observe au sein de l'économie toutes sortes d'autres facteurs qui peuvent ne pas être liés à la productivité.

M. Jim Jones: Vous avez parlé des grandes usines de fabrication des puces. Les grandes multinationales du monde exercent énormément de contrôle sur l'économie mondiale. Pourquoi le Canada ne bénéficie-t-il pas de l'expansion de leurs activités?

M. John Baldwin: Je suis dans l'impossibilité de répondre à cette question.

M. Shepherd a demandé tout à l'heure si ces statistiques cachent des activités micro-économiques intéressantes, et la réponse à cette question est oui.

Notre groupe fait pas mal d'études micro-économiques. Par exemple, nous avons publié une étude qui cherche à déterminer dans quelle mesure les emplois des grandes entreprises se déplacent vers les petites entreprises; étant donné que les petites entreprises sont moins productives que les grandes entreprises, on se demande si ce serait un facteur dans le ralentissement de la productivité. Et la réponse est oui, peut-être un peu.

Nous avons également étudié le phénomène de la productivité du travail dans les grandes multinationales étrangères implantées au Canada afin de savoir dans quelle mesure leur productivité du travail augmente plus rapidement que celle des grandes entreprises canadiennes. Encore une fois, la réponse est oui, elle augmente un peu plus vite. Donc, leur présence ici est bien établie.

Nous n'avons jamais mené une étude des déterminants des investissements étrangers. Je sais qu'Industrie Canada a longuement examiné cette question; Serge va justement vous faire un exposé après mon départ, et je sais qu'il est plus qualifié que moi pour répondre à cette question.

La présidente: Merci, monsieur Jones.

Monsieur Lastewka.

M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.): Merci, madame la présidente.

Je pensais que je serais mieux informée après cette réunion, mais j'y comprends encore moins maintenant qu'au départ. Et la raison en est l'utilisation de formules différentes pour mesurer la productivité. J'ai l'impression qu'on peut utiliser les chiffres qu'on veut et les interpréter comme on veut. À mon avis, nous allons nous embrouiller et embrouiller l'ensemble de la population si nous ne trouvons pas le moyen d'expliquer correctement ce que nous observons du côté de la productivité. Je vais donc m'en tenir à la productivité du travail.

Si je comprends bien, on parle d'heures travaillées—c'est ça?—et non pas de dollars.

M. John Baldwin: Oui.

• 1055

M. Walt Lastewka: Je vais prendre un exemple concret. Si je fabrique 2 400 moteurs par jour au Canada et 2 400 moteurs par jour au Mexique, même si j'ai besoin de trois fois plus de main-d'oeuvre au Mexique, on va en conclure que le Canada est plus productif. C'est bien ça?

M. John Baldwin: En supposant qu'on se serve de la définition de la productivité du travail et qu'on compare les différents niveaux, oui, c'est exact.

M. Walt Lastewka: Mais si on leur donne là-bas un salaire de 2 $ US, alors qu'au Canada, c'est 36 $, nous sommes forcément moins compétitifs. Donc, en faisant notre analyse uniquement à partir des heures travaillées... Qu'est-ce que cela nous apprend vraiment?

M. John Baldwin: Les heures travaillées ne vous apprennent absolument rien au sujet de la compétitivité. La compétitivité n'est pas axée uniquement sur la productivité du travail. Il faut tenir compte d'autres facteurs, tels que les taux de change et, comme vous-même l'avez dit, les salaires que reçoivent les travailleurs. Tous ces facteurs sont pertinents quand on analyse la compétitivité. Une forte productivité du travail ne vous permet pas de savoir si l'entreprise est concurrentielle ou non. Je suis tout à fait d'accord avec vous.

M. Walt Lastewka: Donc, le rapport entre la productivité et la compétitivité... quand on analyse la productivité, il s'agit de deux choses bien différentes.

M. John Baldwin: Je ne sais pas s'il est exact de dire qu'il s'agit de deux choses bien différentes. Mais si on fait une analyse de la compétitivité, comme vous venez de le faire, il convient de comparer les niveaux de productivité du travail, de même que les salaires en dollars non millésimés dans les deux devises, et de faire des rajustements en fonction des taux de change pour savoir exactement ce que ça représente si on parle d'une seule devise. Ainsi la productivité du travail est un facteur dans la compétitivité; il faut en tenir compte, mais ce seul facteur ne permet pas de savoir si une entreprise est concurrentielle ou non. C'est du moins mon interprétation.

M. Walt Lastewka: Pourriez-vous me réexpliquer rapidement la productivité multifactorielle? Pour moi, c'était un peu trop rapide.

M. John Baldwin: Oui, bien sûr. La plupart des organismes de statistiques ne calculent les chiffres relatifs à la productivité du travail qu'à un moment précis et la plupart d'entre eux présentent les résultats de ce calcul sous forme de taux de croissance. Donc, on n'aura pas normalement les statistiques qui indiquent que nous produisons 2 400 moteurs par personne. Les statistiques que nous élaborons vont plutôt nous permettre de savoir combien de moteurs de plus nous produisons en ajoutant des personnes. Il s'agit donc d'un taux de croissance. Et si nous l'exprimons ainsi, c'est parce que les systèmes de statistiques donnent de meilleurs résultats de cette façon. Donc, nous essayons de déterminer dans quelle mesure cela entraîne une augmentation des taux de croissance de la production par travailleur. En ajoutant des travailleurs, l'augmentation proportionnelle de la production monte-t-elle plus rapidement que l'augmentation proportionnelle des travailleurs?

À cet égard, des experts beaucoup plus qualifiés que moi dans ce domaine soutiennent depuis longtemps que cela peut être trompeur dans certains cas, c'est-à-dire que l'augmentation pourrait simplement être le résultat d'un investissement accru de capitaux, et ne pas être le fait de l'utilisation de nouvelles technologies ou d'autres facteurs, et que par conséquent, il faut tenir compte non seulement de l'augmentation du nombre d'heures travaillées, mais de l'augmentation des capitaux investis et d'autres éléments mesurables. Voilà donc en quoi consiste la mesure de la productivité multifactorielle.

Je vous donne un autre exemple. Supposons que votre entreprise augmente le nombre de locomotives de 6 p. 100 cette année. Ainsi votre mesure de la productivité factorielle sera 6 p. 100 moins le pourcentage par lequel vous avez augmenté tous les autres intrants. Dans un sens, c'est la marge d'amélioration de vos activités. Si vous augmentez le nombre de moteurs fabriqués de 6 p. 100, et que l'augmentation de tous vos intrants est de 5 p. 100, vous avez une marge de 1 p. 100. C'est ça la productivité multifactorielle.

M. Walt Lastewka: Une dernière petite question, si vous me permettez.

La présidente: Très rapidement.

M. Walt Lastewka: À mon avis, au lieu de nous comparer à d'autres pays et d'essayer de les convaincre de préparer leurs statistiques d'une certaine façon, et au lieu de nous demander si nous avons dépassé la norme de l'OCDE alors que les États-Unis ont du retard, nous devrions nous assurer d'être cohérents dans notre façon d'analyser la productivité et de faire nos mesures d'année en année pour avoir une idée précise de notre évolution.

M. John Baldwin: Voilà justement l'axe principal de notre programme. En fait, la majeure partie du travail que j'accomplis depuis deux mois, pour ce qui est des comparaisons entre le Canada et d'autres pays, ne fait pas partie de mes responsabilités normales. Mais il y a une assez forte demande pour ce genre de comparaisons. Je voulais simplement vous le dire.

• 1100

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Baldwin. Nous vous remercions d'avoir bien voulu prendre le temps de venir nous parler ce matin, et nous vous permettons de partir tout de suite, étant donné que vous avez un autre engagement. Merci pour votre exposé.

M. John Baldwin: Merci beaucoup.

La présidente: Je demande maintenant à M. Serge Nadeau, directeur général de l'analyse de la politique micro-économique à Industrie Canada de venir se joindre à nous. Il va nous faire un exposé, et vous auriez tous dû recevoir le texte de cet exposé.

Monsieur Nadeau, je vous invite à faire vos remarques, dès que vous serez prêt. Je sais que vous devez préparer vos documents.

[Français]

M. Serge Nadeau (directeur, Direction de l'analyse microéconomique, Industrie Canada): Merci, madame la présidente, de m'avoir invité à faire une présentation à l'intention de votre comité.

Au cours des prochaines minutes, je vais vous entretenir de la productivité, mais contrairement à John Baldwin de Statistique Canada, je vais surtout m'attarder aux niveaux de productivité et à des comparaisons avec les États-Unis.

Mon exposé est basé sur le document L'amélioration du niveau de vie passe par l'augmentation de la productivité, dont la version anglaise s'intitule:

[Traduction]

L'Amélioration du niveau de vie passe par l'augmentation de la productivité, et je vois que ce document vous a déjà été distribué.

Permettez-moi de commencer en vous offrant une définition de la productivité. Qu'est-ce que la productivité? Une définition très générale de la productivité serait la suivante: la productivité mesure l'efficacité de l'utilisation des capitaux, des personnes, des ressources et des idées au sein de l'économie. Comme vous le voyez, le terme «efficacité» est surligné, et c'est pour une très bonne raison. Pour reprendre une expression qui devient presqu'un cliché chez les économistes, la productivité, ce n'est pas le fait de travailler plus fort, mais de travailler de façon plus intelligente. Pour élaborer cette définition, j'ai examiné toutes les formules, comme John, mais toutes les formules utilisées insistent bien sur l'efficacité de l'utilisation des ressources humaines et des capitaux au sein de l'économie.

Pourquoi nous intéressons-nous à la productivité? La réponse en est fort simple: c'est l'une des choses sur lesquelles tous les économistes sont d'accord. La productivité est en effet le plus important déterminant à long terme du niveau de vie d'un pays. Plus la productivité est élevée, plus le gâteau est important, et plus nous avons de choix en tant que société. La productivité permet d'investir dans d'autres aspects liés à la qualité de la vie, à part le salaire. La productivité permet d'investir dans l'éducation et les soins de santé. Comme l'indique ce tableau, la corrélation entre la productivité et les salaires est tout à fait frappante. À mesure qu'augmente la productivité, les salaires augmentent aussi.

Et quel est le bilan du Canada à cet égard? En fait, son bilan est assez positif. Il a une productivité élevée et des salaires élevés. Mais ce qu'il faut dire, c'est que le Canada devrait mieux réussir dans ce domaine, surtout s'il se compare aux États-Unis.

Mais avant d'aller plus loin, pourquoi voulons-nous nous comparer aux États-Unis? Il y a plusieurs raisons de le faire, surtout que les États-Unis sont nos voisins le plus proche et que la plupart des Canadiens ont tendance à se comparer avec les Américains. Les États-Unis représentent également notre principal concurrent et on peut soutenir que leur économie est la plus dynamique du monde. En nous comparant avec les États-Unis, nous pouvons nous faire une idée de la grandeur potentielle de l'économie canadienne.

• 1105

Selon ce tableau, notre économie pourrait être beaucoup plus importante. Ce tableau indique que selon les différentes estimations des parités de pouvoir d'achat, le revenu par habitant est de 25 à 30 p. 100 supérieur aux États-Unis qu'au Canada—c'est- à-dire entre 7 500 $ et 9 000 $, par habitant. Pour une famille de quatre, c'est un écart de 30 000 $. C'est beaucoup d'argent. Évidemment, certaines familles en auraient plus et d'autres, moins, mais ce chiffre représente une moyenne en ce qui concerne l'expansion potentielle de l'économie canadienne.

Nous observons ce même écart en comparant d'autres éléments de nos eux économies. Par exemple, la voiture la plus vendue au Canada est la Honda Civic, dont le prix de base est d'environ 16 000 $. Aux États-Unis, la voiture la plus vendue est la Toyota Camry, qui coûte environ 21 000 $. Je prends ici l'exemple des voitures, mais j'aurais très bien pu parler des maisons, qui ont 200 pieds carrés de plus aux États-Unis qu'au Canada, ou encore, de l'accession à la propriété, qui est légèrement plus élevée aux États-Unis qu'au Canada. Là je vous donne les statistiques relatives au PIB par habitant, mais j'aurais également pu vous parler du revenu national par habitant.

Mais ce qu'il faut retenir de tout cela, c'est qu'en moyenne, le niveau de vie est de 25 à 30 p. 100 plus élevé aux États-Unis qu'au Canada.

L'écart entre les niveaux de vie aux États-Unis et au Canada n'a pas diminué au cours des 40 dernières années. On peut même dire qu'il s'est creusé au cours des dix dernières années. L'accroissement de l'écart entre les deux pays ces dix dernières années est surtout attribuable, comme vous le disait John, à la performance relativement plus forte des États-Unis, comparativement au Canada, sur le plan de l'emploi. Il est important de se rendre compte qu'en 1961, l'écart était d'environ 25 p. 100, et que l'écart est à peu près le même à l'heure actuelle. Nous n'avons donc réalisé aucun progrès au cours des 40 dernières années pour ce qui est de rapprocher notre niveau de vie de celui des États-Unis.

Quelles sont les raisons de cet écart? Eh bien, il peut être attribué à deux facteurs principaux: un taux d'emploi moins élevé et des niveaux de productivité inférieurs au Canada. Une étude menée par Industrie Canada démontre qu'en moyenne, un taux d'emploi moins élevé au Canada ne permet d'expliquer que 4 p. 100 de l'écart salarial observé au cours des dix dernières années. Par contre, des niveaux de productivité inférieurs sont à l'origine de 96 p. 100 de l'écart observé entre le Canada et les États-Unis au cours des dix dernières années.

Et qu'est-ce que cela signifie en termes de dollars? Eh bien, si nous avions les mêmes niveaux de productivité au Canada qu'aux États-Unis, chaque Canadien aurait reçu 5 800 $ de plus, et ce chaque année au cours des dix dernières années. Voilà ce que coûte en moyenne aux Canadiens l'écart de productivité entre nos deux pays. Bien sûr, certains Canadiens auraient reçu plus de 5 800 $, et d'autres, moins de 5 800 $, mais ce qu'il faut retenir de cet exemple, c'est qu'en moyenne, les Canadiens auraient reçu 5 800 $ de plus par année par personne. Évidemment, ces 5 800 $ peuvent ne pas prendre la forme de revenus; il peut aussi s'agir de services. Ce chiffre représente la moyenne pour la période de 1989 à 1998.

La situation dès 1998 est légèrement différente. Comme nous le savons déjà, le marché du travail américain est très fort. Le taux de chômage aux États-Unis est très bas, et c'est pour cette raison que notre taux réel d'emploi inférieur au Canada explique davantage l'écart salarial entre les deux pays. En 1998, 17 p. 100 de l'écart était attribuable à notre taux d'emploi moins élevé, alors que 83 p. 100 de l'écart était attribuable à nos niveaux de productivité plus bas.

Donc, la productivité revêt une assez grande importance. Cela révèle en effet que si la situation de l'emploi au Canada était aussi positive qu'elle l'est aux États-Unis, l'écart de revenu entre un Canadien et un Américain serait toujours de 6 200 $.

• 1110

Ces statistiques nous indiquent également que même si le taux d'emploi représente un problème important, il est relativement peu important comparativement au problème de la productivité. Le fait est que pendant la période où l'écart salarial entre les deux pays est resté constant, l'écart de productivité—et là aussi, je parle de la productivité du travail—est resté à peu près inchangé au cours des 20 dernières années. Il s'agit d'un écart de 15 à 20 p. 100. Donc, aucun progrès sur le plan du niveau de vie, et aucun progrès sur le plan de la productivité.

Dans le secteur manufacturier, comme on l'a vu plus tôt, la situation s'est même aggravée, en ce sens que nos niveaux de productivité sont inférieurs de 25 p. 100 à ceux des États-Unis, en ce qui concerne la productivité du travail.

Comme je le disais tout à l'heure, nous avons fait très peu de progrès au cours des 20 dernières années pour ce qui est d'éliminer ces écarts de productivité. En fait, la productivité de l'ensemble de l'économie a progressé au même rythme aux États-Unis qu'au Canada. Dans le secteur des entreprises, la progression a été légèrement plus rapide aux États-Unis qu'au Canada, et dans le secteur manufacturier, comme nous l'avons déjà vu, la progression a été beaucoup plus rapide aux États-Unis qu'au Canada.

Cependant, si nous examinons les statistiques relatives à la productivité totale des facteurs, c'est-à-dire celles que vous a présenté John, on observe certaines variations. L'écart est plus important dans les statistiques de l'OCDE, et moins important dans celle de Statistique Canada. Comme vous l'a expliqué John, l'OCDE va sans doute réviser ses estimations, à la lumière des révisions faites par Statistique Canada. Toutefois, nous croyons comprendre que les nouvelles statistiques seront très proches de zéro, ou plutôt légèrement positives. Leurs chiffres seront encore bien inférieurs à ceux de Statistique Canada.

D'une façon ou d'une autre, on peut en conclure que la situation actuelle n'est guère très positive, même sur le plan du taux de croissance. Il existe un écart important entre le Canada et les États-Unis, écart qui ne se réduit pas très vite. En fait, selon Statistique Canada, nous aurions le deuxième taux de croissance le moins élevé de tous les pays du G-7, alors que d'après les statistiques de l'OCDE, nous aurions le taux de croissance le moins élevé. Donc, la situation n'est guère reluisante.

Autre fait intéressant, même si on fait nos calculs à l'aide des chiffres de Statistique Canada, qui indiquent un taux de croissance au Canada 0,6 p. 100, par rapport à un taux de croissance aux États-Unis de 0,3 p. 100, il nous faudrait environ 65 ans pour combler l'écart avec les États-Unis du point de vue du niveau de vie. Donc, même si le résultat est positif, il est si légèrement positif que nous devons en conclure que notre performance laisse à désirer. Qu'est-ce que ça veut dire, quand on dit 65 ans? Ça veut dire que ce sont les petits-enfants de nos enfants qui pourraient normalement profiter d'un niveau de vie équivalent à celui des enfants américains. On peut dire que ce n'est pas une performance dont il convient d'être fier.

[Français]

Il est intéressant d'examiner ce qui se passe au niveau des provinces. Ce faible rendement de la productivité par rapport aux États-Unis est aussi reflété à l'échelle régionale. Par exemple, le taux de croissance de la Colombie-Britannique a été presque nul au cours des 15 dernières années. Les provinces Atlantiques ont également connu une performance relativement faible. Les provinces les plus productives au Canada sont l'Alberta et l'Ontario. On estime que l'Alberta est environ 20 p. 100 plus productive que les provinces Atlantiques.

Mais il est important de retenir le fait que même le taux de productivité des provinces les plus productives au Canada est inférieur à la moyenne américaine. Il est difficile de concurrencer à l'échelle internationale face à ce voisin qui est notre plus grand concurrent.

• 1115

Depuis 1990, il y a eu une augmentation de la compétitivité dans le secteur manufacturier, à tout le moins si on mesure la compétitivité par les coûts unitaires de la main-d'oeuvre.

Ce graphique indique qu'on a eu une augmentation de presque 13 p. 100 de la productivité, mais l'important, c'est que cette augmentation de la productivité a été attribuable seulement à une dépréciation du dollar canadien. Cela est aussi relié au fait qu'il ne s'agit pas de la relation entre la compétitivité et la productivité. Ici, on décompose le gain de productivité en trois parties: le gain au niveau de la rémunération, le gain au niveau de la croissance de la productivité, et le gain au niveau du dollar. Si le dollar n'avait pas bougé, on aurait eu une perte de productivité de 7,6 p. 100 moins 3,2 p. 100, c'est-à-dire de 4,4 p. 100. Donc, si le dollar était resté au même niveau, on aurait été moins productifs au cours des années 1990 que dans les années précédentes.

Il est aussi intéressant de noter que, s'il est vrai que notre rémunération a augmenté moins rapidement qu'aux États-Unis, elle a augmenté trop rapidement comparativement à la croissance de notre productivité du travail.

Il ne faut pas se faire d'illusions. Si notre rémunération augmente de 20,5 p. 100 alors que la productivité du travail augmente de 15 p. 100, cela ne peut pas fonctionner à long terme. À un moment donné, il doit y avoir un rétablissement.

Le but de ce graphique est donc de montrer l'importance de la productivité pour la compétitivité internationale.

Je vais maintenant conclure ma présentation.

[Traduction]

Mon message essentiel est donc le suivant: la productivité, la compétitivité durable et le niveau de vie vont de pair. Le récent débat sur les statistiques relatives à la croissance de la productivité ont en quelque sorte relégué au second plan le vrai problème, à mon avis. En fait, comme vous l'avez vous vous-même, dans tous ces tableaux, il n'y a qu'un seul chiffre qui a changé, et c'est justement ça qui a lancé tout le débat.

Le fait est que le niveau de productivité est le principal déterminant du niveau de vie d'un pays. Le niveau de productivité au Canada est bien inférieur à celui des États-Unis, ce qui explique la majeure partie de l'écart entre nos deux pays du point de vue du niveau de vie; il est clair, par conséquent, que nous devons améliorer notre performance.

Voilà qui termine mon exposé.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Nadeau.

J'ouvre immédiatement la période des questions.

[Français]

Madame Lalonde, s'il vous plaît.

Mme Francine Lalonde: Cette présentation est extrêmement intéressante, mais aussi troublante après l'autre qu'on vient d'entendre. Je lis dans le document, auquel vous avez sûrement contribué d'une manière ou d'une autre, qu'on doit soutenir la croissance, le développement humain et la cohésion sociale. Au niveau du Cabinet, on admet qu'il y a un problème de productivité. Quel que soit le niveau auquel on constate ce problème, il y a un problème important.

Mais vous vous êtes arrêté là. Y a-t-il des raisons à cela? Si notre travail, en tant que membres du Comité de l'industrie, doit être utile, nous devons comprendre pourquoi c'est comme cela et faire des propositions qui sont de notre ressort. Bien sûr, la première étape est de prendre connaissance de la situation et de ses effets, mais il faut ensuite comprendre et agir.

Je vais vous poser une autre question. Est-ce que le fait que le dollar s'est ajusté à la baisse n'est pas d'une certaine manière un piège? On connaît l'un des facteurs de la productivité, soit l'amélioration de l'équipement et de la technologie. Comme une partie de cela est importée des États-Unis, est-ce que les entreprises ne sont pas portées à invoquer la faiblesse du dollar—qui vient de remonter légèrement—pour ne pas améliorer leur productivité? Cette compétitivité conjoncturelle ne sera-t-elle pas dommageable à moyen terme?

• 1120

M. Serge Nadeau: Il y a beaucoup de débat sur ce sujet. Il y a différents points de vue. Une chose est certaine, cependant: c'est qu'avec la faiblesse du dollar, il est plus difficile d'investir parce que beaucoup de nos machines viennent de l'extérieur, en particulier des États-Unis. Donc, les investissements pour les machines et le matériel doivent être beaucoup plus élevés. La faiblesse du dollar a donc sûrement eu un effet négatif sur la productivité.

L'autre aspect est ce qu'on appelle la lazy manufacturer hypothesis, dont John a parlé. Il y a beaucoup de débat là-dessus. Quand l'économie fonctionne à pleine capacité, c'est probablement parce que le dollar est fort et pousse les entreprises à investir dans des innovations ou dans d'autres façons d'améliorer leur productivité ou de réduire leurs coûts. Quand l'économie ne fonctionne pas à pleine capacité, il leur est peut-être plus facile de réduire l'emploi. Il est très difficile de dire si, au cours des dernières années, la faiblesse du dollar a eu un effet positif ou négatif. Il y a beaucoup de débat là-dessus.

Mme Francine Lalonde: Vous êtes mal placé pour...

M. Serge Nadeau: Disons que les gens de la Banque du Canada seraient mieux placés que nous.

Mme Francine Lalonde: Les chiffres sur les provinces sont fort intéressants. Vous avez beaucoup de données sur chacune des provinces. Est-ce que ces chiffres sont aussi valables que ceux que vous avez pour l'ensemble du Canada? Je vous pose la question parce que dans d'autres domaines, quand les chiffres ne sont pas suffisants, ils sont moins fiables.

M. Serge Nadeau: Les chiffres au niveau des provinces sont toujours moins fiables que les chiffres au niveau du pays tout entier. Cependant, dans ce cas-ci, les chiffres nous semblent assez fiables. Si on demandait des chiffres sur des secteurs particuliers à l'intérieur des provinces, cela deviendrait très difficile.

Mme Francine Lalonde: Ce sera ma dernière question pour le moment. Je dirais que l'absence du reste de l'opposition m'est favorable.

M. Baldwin disait tout à l'heure que le problème était que nous n'avions pas augmenté le nombre d'heures de travail aussi rapidement que la population s'était accrue. Je regarde vos données régionales et il me semble qu'en Saskatchewan, par exemple, la population n'a pas beaucoup augmenté et que le taux de chômage y est quand même assez élevé.

M. Serge Nadeau: Dans sa réponse, John expliquait pourquoi nous avions eu une hausse de la productivité plus importante au Canada qu'aux États-Unis durant les années 1990, alors que le niveau de vie aux États-Unis avait augmenté plus rapidement. Il ne cherchait pas à expliquer la productivité du travail. C'était dans un contexte global. Il avait raison et, comme je l'ai mentionné, la raison principale pour laquelle l'écart entre le niveau de vie au Canada et le niveau de vie aux États-Unis s'est accru dans les années 1990 est qu'ici, au Canada, le niveau de l'emploi n'a pas été aussi élevé qu'aux États-Unis, cela pour plusieurs raisons.

En Saskatchewan, c'est un peu différent; la productivité a augmenté très rapidement. Certains secteurs ont eu beaucoup de succès au cours des dernières années en Saskatchewan.

Mme Francine Lalonde: D'accord. Merci.

[Traduction]

La présidente: Merci, madame Lalonde.

Monsieur Lastewka.

M. Walt Lastewka: Merci, madame la présidente.

Pourriez-vous nous remettre votre premier acétate. Voilà ma question: employez-vous la même définition que M. Baldwin?

M. Serge Nadeau: Ici on parle de la productivité du travail par employé; il s'agit donc d'une définition différente de la productivité du travail. La mesure peut reposer sur l'ensemble du travail ou encore sur les employés. Cette définition-ci de la productivité du travail est fondée sur les employés. C'est donc différent.

Si je ne m'abuse, John a mentionné cette définition à un moment donné, mais elle est certainement différente de la définition générale sur laquelle reposait ses statistiques sur la productivité du travail.

• 1125

Il reste que cette définition-ci de la productivité du travail est très proche de celle axée sur le nombre d'heures travaillées. Si nous nous servons de cette définition, c'est parce qu'elle nous permet d'établir des comparaisons avec d'autres pays. Certains pays ne mesurent pas le nombre d'heures travaillées. C'est-à-dire qu'ils ont de meilleures mesures axées sur le nombre de personnes qui travaillent.

M. Walt Lastewka: En nous présentant l'acétate 8, vous avez parlé de la croissance de la productivité en général et par province, alors que vous aviez dit précédemment que le secteur manufacturier la croissance a été très faible.

M. Serge Nadeau: C'est exact.

M. Walt Lastewka: Vous serait-il possible d'éliminer le secteur automobile—ou plutôt de faire une ventilation en fonction des secteurs automobile et non automobile? Ou encore, êtes-vous en mesure de nous dire à quels secteurs manufacturiers il faut donner la priorité, c'est-à-dire ceux qui n'ont connu aucune croissance?

M. Serge Nadeau: Il y a deux éléments. Il serait probablement possible, pour l'Ontario, d'analyser la productivité après exclusion du secteur automobile; j'ai l'impression que ce serait possible. Par contre, nous avons déjà vu qu'il est très difficile de faire une bonne analyse de la situation dans une province en éliminant certains secteurs et en incluant d'autres. Mais ce serait probablement possible dans le cas de l'Ontario.

Il y a un certain nombre de secteurs qui ont assez bien réussi, mais encore une fois, nous nous comparons ici aux États- Unis, et le fait est que dans de nombreux secteurs, les États-Unis ont mieux réussi que nous, et dans certains secteurs bien particuliers, ils ont beaucoup mieux réussi que nous. Prenons l'exemple des produits électriques et électroniques et de la machinerie. Leur taux de croissance du point de vue de la productivité... par exemple, le taux de croissance du secteur des produits électroniques a atteint presque 14 p. 100 au cours des dix dernières années alors qu'au Canada, ce même secteur a connu une croissance de seulement 4,3 p. 100; c'est pas mal, mais 13,9 p. 100, c'est beaucoup mieux.

Par contre, je sais que le secteur automobile canadien a enregistré une très bonne performance sur le plan de la productivité, par rapport aux États-Unis.

M. Walt Lastewka: Voilà! C'est pour ça que j'aimerais obtenir une ventilation, car j'ai moi-même travaillé dans le secteur automobile. Étant donné que nous sommes un pays de succursales—autrement dit, quand le secteur automobile prend de l'expansion, ce n'est pas nous qui sommes les premiers à fabriquer un certain modèle, ou moteur, ou autre pièce automobile. Cela se fait toujours aux États-Unis. Il est donc normal que le secteur automobile américain soit plus avancé que nous. C'est pour ça que j'aimerais voir des statistiques pour les secteurs automobile et non automobile.

Est-il possible de faire une ventilation pour le secteur manufacturier? Si c'est là que le problème semble être le plus grave, j'aimerais bien qu'on nous prépare un diagramme cause-effet. Où se situe le problème, pour quelles raisons, et que faut-il faire pour rectifier la situation? Donc, avant que les gens commencent à décider de ce qu'il faut faire, serait-il possible d'obtenir ces données-là?

M. Serge Nadeau: À l'heure actuelle, nous travaillons avec nos collègues de Statistique Canada pour établir des comparaisons sectorielles entre le Canada et les États-Unis. Nous espérons obtenir quelque chose au cours des six ou huit prochains mois qui nous permettra de procéder à d'autres ventilations.

M. Walt Lastewka: En réalité, il s'agira de se demander: quels secteurs manufacturiers ont mis l'accent sur la valeur ajoutée et quels secteurs ne l'ont pas fait? Dans quelles branches d'activités insiste-t-on sur la valeur ajoutée, si bien que la productivité augmente?

M. Serge Nadeau: Oui, vous avez raison.

M. Walt Lastewka: En fin de compte, après l'analyse de toutes les données, il s'agit de savoir qui réussit à ajouter de la valeur à son produit, et qui ne réussit pas. Vous êtes d'accord avec moi?

M. Serge Nadeau: Oui, vous avez tout à fait raison. Sans être un expert du secteur automobile, je peux cependant vous affirmer que la productivité du secteur automobile canadien est très élevée, comparativement à son homologue américain. Il est peut-être vrai que nous n'avons pas les nouveaux modèles; mais il reste que la productivité moyenne de ce secteur est plus élevée au Canada qu'aux États-Unis, si je ne m'abuse.

M. Walt Lastewka: Oui, je sais. C'est pour ça que j'essaie de savoir quels sont les secteurs faibles.

M. Serge Nadeau: Je comprends.

M. Walt Lastewka: Ce serait utile de pouvoir comprendre... comme l'a fait M. Baldwin, en nous expliquant les taux de croissance annuels de la productivité multifactorielle dans différents secteurs, il serait utile qu'on ait le même genre de détails dans ce cas-ci, parce que cela nous permettrait d'avoir une idée de ce qu'il faut faire.

M. Serge Nadeau: Vous avez raison.

M. Walt Lastewka: Merci.

• 1130

La présidente: Monsieur Murray.

M. Ian Murray: Merci, madame la présidente.

Étant donné que l'industrie automobile est l'un des principaux moteurs de l'économie canadienne, si sa productivité est plus élevée que celle du secteur automobile des États-Unis, cela signifie—et c'est ça qui est un peu inquiétant—que bon nombre d'autres secteurs au Canada ont encore beaucoup de chemin à faire avant de rattraper les États-Unis sur le plan de la productivité.

J'aimerais passer maintenant de l'étape de la description à celle de la prescription, si je puis dire, car vous avez conclu votre exposé en déclarant que nous devrions et que nous pouvons améliorer notre performance. Il est clair que vous avez des opinions au sujet des mesures que nous pourrions prendre pour corriger la situation. J'aimerais que vous nous disiez ce qui nous empêche, à votre avis, de progresser au Canada. Quels sont les obstacles? Les politiques du gouvernement? La complaisance de la population? Notre refus de prendre des risques, comparativement aux États-Unis, par exemple? Notre système bancaire? Est-ce qu'un ou plusieurs de ces facteurs jouent un rôle dans notre situation actuelle?

M. Serge Nadeau: Il ne m'appartient pas de vous dire quelles politiques permettraient éventuellement de redresser la situation. Mon ministre est beaucoup mieux placé pour le faire que moi. Tout ce que je peux faire, c'est vous indiquer quelles sont à notre avis les causes possibles de l'écart entre le Canada et les États-Unis sur le plan de la productivité, et ce, sous un angle purement analytique.

Certains sont d'avis qu'il existe un écart entre le Canada et les États-Unis sur le plan de l'innovation. Pour diverses raisons, les entreprises canadiennes, ou la société canadienne en général, ne sont pas aussi novatrices que la société américaine. L'innovation est effectivement un déterminant clé de la productivité. Comme vous pouvez l'imaginer, des méthodes ou des procédés nouveaux permettent d'augmenter la production. C'est donc un élément très important de la productivité.

Quelles sont les raisons de ce manque de progrès? C'est très difficile à dire. Nous savons, par exemple, qu'on fait moins de R-D au Canada qu'aux États-Unis, et que les entreprises canadiennes—notamment les petites entreprises—sont plus lentes à adopter les nouvelles technologies que les entreprises américaines. Les faits à ce sujet sont assez bien établis.

L'investissement est un autre déterminant clé de la productivité. Si vous avez des machines, vous allez nécessairement être plus productifs. On peut affirmer que de façon générale, les entreprises canadiennes investissent 35 p. 100 de moins dans la machinerie et l'équipement que les entreprises américaines. Là, on parle évidemment de données d'ensemble. Il faudrait également savoir quels sont les niveaux d'investissement dans les différents secteurs. Mais les données sectorielles sont rares. C'est justement l'un des projets auxquels nous collaborons avec Statistique Canada. Nous cherchons à savoir pourquoi les investissements sont moins importants au Canada qu'aux États-Unis, et quels secteurs en particulier sont touchés?

La productivité repose également sur d'autres facteurs importants. Par exemple, les États-Unis ont un effectif très important de scientifiques et d'ingénieurs. Les gens bien instruits sont des gens productifs. Au Canada, nous avons un grand nombre de diplômés d'université. En fait, sur le plan de l'enseignement supérieur, nous avons le taux de diplomation universitaire le plus élevé du monde. Donc, le Canada s'en tire assez bien, mais notre effectif est faible. Nous avons beaucoup de rattrapage à faire, du moins comparativement aux États-Unis. Ça pourrait prendre un certain temps. Mais il y a au moins un certain mouvement.

Il y a d'autres raisons qu'on peut évoquer—par exemple, le nombre de petites entreprises par rapport au nombre de grandes entreprises. Nous savons qu'il existe davantage de petites entreprises au Canada qu'aux États-Unis. Nous savons également que les petites entreprises sont moins productives que les grandes entreprises. Remarquez bien, les petites entreprises sont très très importantes. Mais il faut les amener à prendre plus rapidement de l'expansion pour qu'elles deviennent plus productives. Comme vous le disait John tout à l'heure, cette réalité explique peut-être en partie l'écart de productivité entre le Canada et les États-Unis.

Voilà donc quelques-unes des raisons pour lesquelles nous sommes moins productifs au Canada qu'aux États-Unis.

M. Ian Murray: Puisque nous abordons la question des petites entreprises, j'aimerais parler de quelque chose qui me dérange depuis très longtemps, à savoir que nous avons au Canada un peu le culte des petites entreprises. Depuis des années, les gouvernements ne cessent d'affirmer que c'est là que sont créés les emplois. Par conséquent, les Canadiens ou du moins une bonne proportion de la population ont peut-être une sorte de prévention contre les grandes entreprises. Les gens ont tendance à oublier que les petites entreprises sont les fournisseurs des grandes entreprises, et que les grandes entreprises ont des programmes de promotion des fournisseurs qui pourraient sans doute contribuer à rehausser la productivité.

Donc, peut-être que nous faisons fausse route en déployant autant d'effort pour promouvoir les PME. Peut-être devrions-nous non seulement les promouvoir mais chercher des moyens de rehausser leur productivité, que ce soit par le truchement du régime fiscal ou d'autres méthodes.

• 1135

J'ai l'impression que la mentalité canadienne est telle que nous avons tendance à accepter les choses un peu trop facilement—et ce n'est que récemment, en voyant toutes ces comparaisons, que les gens ont commencé à changer d'attitude. L'exemple le plus frappant qu'on a vu jusqu'ici—et on en a parlé aussi dans les journaux—est la comparaison des voitures les plus vendues dans les deux pays—c'est-à-dire la Civic et la Camry. C'est le genre de choses qui suscitent une réaction chez les gens et les amènent à réfléchir à ces différences.

En tout cas, je voulais vous remercier pour votre exposé. Je l'ai trouvé très utile.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Murray.

[Français]

Madame Lalonde, s'il vous plaît.

Mme Francine Lalonde: Cette question de la recherche-développement au Québec et au Canada est très importante. Je sais qu'au Québec, on fait des efforts très importants, qui ne sont pas encore... Tout dépend des secteurs. La situation est la même au Canada. Je pense que tout cela a des effets assez dramatiques. Pourtant, c'est une phénomène qui a été étudié.

Lorsque je suis allée à l'OCDE, dans le cadre du Conseil de l'Europe, j'ai acheté ce livre-ci, qui s'appelle La mondialisation de l'industrie: Vue d'ensemble et rapports sectoriels. On l'a sûrement à la bibliothèque. Le premier chapitre traite justement de la recherche-développement des grandes entreprises nationales et des filiales. On dit que les grandes entreprises multinationales ont tendance à faire de la recherche dans leur pays d'origine, ce qui pourrait expliquer en partie le fait que l'investissement privé est beaucoup plus faible au Canada. Mais au Canada, même les entreprises d'origine canadienne, sauf peut-être deux qu'on pourrait nommer, ont tendance à investir moins que les autres. Dans ces cas-là, il faut que l'État supplée, mais l'État n'a pas permis de rééquilibrer le niveau.

Vous avez sûrement beaucoup d'études à Statistique Canada. Madame la présidente, je m'adresse à M. Nadeau et à vous. Il serait extrêmement intéressant pour nous de savoir ce qu'on sait. Il y a des choses qu'on sait. Il faudrait au moins que nous sachions ce qu'on sait pour que nous soyons en mesure d'exercer des pressions afin qu'on définisse des stratégies. C'est une question que j'ai étudiée. Je sais que même les PME peuvent améliorer leur productivité, parfois de façon dramatique, quand elles sont branchées à des universités, qui sont elles-mêmes en liaison avec des secteurs où on fait de de l'application des recherches. Les choses peuvent aller assez rapidement. Les PME peuvent améliorer leur productivité quand elles connaissent ces choses et ont des moyens de financement. Il est parfois plus facile d'augmenter rapidement la productivité d'une PME que celle d'une grande entreprise qui est déjà rendue loin.

Donc, énumérez-nous quelques-unes de ces certitudes qui pourraient nous éclairer.

M. Serge Nadeau: Des certitudes...

Mme Francine Lalonde: Quant à l'amélioration de la productivité. Pour moi, la productivité, ce n'est pas quand les travailleurs travaillent plus fort. Même si on les fait saigner, ce n'est pas cela qui fait la différence. Ce qui fait la différence, c'est l'organisation du travail, par exemple.

M. Serge Nadeau: J'ai énoncé quelques quasi-certitudes, comme je les appelle.

Mme Francine Lalonde: C'est correct.

M. Serge Nadeau: Au niveau statistique, on n'est jamais absolument certain de quoi que ce soit. Il est quasi certain qu'on est moins innovateur au Canada que dans d'autres pays. Évidemment, on sait que les filiales de compagnies étrangères font moins de recherche-développement que les maisons mères. On sait aussi que les petites entreprises font moins de recherche-développement que les grosses entreprises. C'est peut-être une des raisons pour lesquelles on a moins de recherche-développement au niveau global.

On sait aussi que les petites entreprises adoptent moins de nouvelles technologies que les grandes entreprises, et en adoptent même moins que les compagnies américaines équivalentes. Donc, il y a du travail à faire. On sait que cela existe. Maintenant, il est un peu plus difficile de déterminer les raisons pour lesquelles ces choses existent.

• 1140

Comme je le disais, l'investissement n'est pas aussi élevé au Canada qu'aux États-Unis. Il y a une autre chose que je n'ai pas mentionnée. Il y a de nouveaux chiffres qui viennent de sortir. Les entreprises américaines s'ajustent beaucoup plus rapidement que les entreprises canadiennes aux nouvelles technologies. Aux États-Unis, ce sont les secteurs electronics and other electric equipment et industrial machinery and equipment—je m'excuse de vous lire cela en anglais—qui ont connu la croissance de productivité la plus rapide. Les Américains ont été capables de presque doubler la part de ces deux industries dans leur économie au cours des 10 dernières années, ce qui démontre qu'ils s'ajustent très rapidement, alors qu'au Canada, on a été capable d'augmenter cette part de seulement 20 p. 100. Les Américains ont été capables de progresser très rapidement dans ces nouveaux champs d'activités à valeur ajoutée élevée, tandis que cela nous a pris un peu plus de temps. Quelles sont raisons de cela? Il serait très intéressant de chercher cela.

[Traduction]

La présidente: Merci, madame Lalonde.

Monsieur Shepherd.

M. Alex Shepherd: Dans notre analyse, nous partons du principe que notre productivité devrait être proche de celle des États-Unis. Mais quand nous nous comparons à certains pays de l'OCDE, par exemple, l'écart est beaucoup moins grand. Donc, nous faussons en quelque sorte notre analyse en voulant à tout prix nous comparer à l'économie la plus dynamique du monde, qui a connu une croissance constante au cours des 30 dernières années.

Pour moi, la productivité n'est qu'un élément parmi d'autres. Il y a aussi la culture, c'est-à-dire les différences culturelles entre les États-Unis et le Canada, et notamment l'attitude des Américains à l'égard du commerce, des investissements, etc. Et on pourrait même y inclure l'attitude canadienne à l'égard de nos programmes sociaux.

Par exemple, quand je parlais aux responsables de certaines entreprises du secteur automobile qui ont des opérations des deux côtés de la frontière, ils m'ont dit: «Si vous voulez qu'on règle notre problème d'absentéisme, il faut éliminer votre régime d'assurance-chômage. À mon avis, bon nombre des travailleurs aux États-Unis continuent à travailler parce qu'ils ont peur. Ils ont peur que s'ils perdent leurs emplois, ils vont s'attirer de graves ennuis; pour eux, il n'y a pas d'autre source d'appui. Pour ce qui est de la consommation, les Américains consomment à présent plus qu'ils ne gagnent, si bien qu'ils ont des dettes personnelles très importantes. Tous ces facteurs sont à l'origine de leur performance en matière de productivité.

Je lisais un document l'autre jour qui indiquait qu'un Américain sur 20 devra à un moment donné purger une peine d'emprisonnement. Tous ces éléments font partie intégrante de la culture américaine.

Donc, la première grande question à se poser... et c'est bien une question que je vous pose; je ne suis pas contre l'idée de prendre les États-Unis comme repère, mais est-ce vraiment approprié de prétendre que sur le plan de la productivité, nos deux pays devraient avoir les mêmes résultats?

M. Serge Nadeau: Vous me posez une question très difficile. Si nous comparons notre productivité à celle des États-Unis, c'est surtout pour connaître notre productivité potentielle. Il y a sans doute différents moyens d'atteindre ce niveau de productivité, et notre choix de moyens dépendra de notre orientation stratégique.

Comme je vous l'ai déjà dit, l'objet des comparaisons entre le Canada et les États-Unis est de nous permettre de savoir quel niveau de productivité nous pourrions éventuellement atteindre, et ensuite, une fois que nous le savons, c'est à nous et à la société canadienne de déterminer par quels moyens nous allons l'atteindre et quelle redistribution s'impose. Nous ne sommes pas forcément obligés de faire tout ce que font les Américains.

• 1145

M. Alex Shepherd: Quand on fait ce genre d'analyse économique, les statistiques sont toujours intéressantes, mais pour ce qui est de l'écart que vous avez observé—vous dites que notre productivité est inférieure de 25 p. 100 à celle des États-Unis—quand on commence à examiner les éventuelles solutions à ce problème, il est évident que si on veut à tout prix atteindre le même niveau de productivité, nous pourrions toujours copier les Américains dans tout, mais je ne suis pas convaincu que les Canadiens veulent vraiment faire ça.

M. Serge Nadeau: Les décisions d'orientation sont évidemment complexes, mais par contre, nous savons très bien qu'un taux élevé de criminalité n'améliore pas la productivité.

M. Alex Shepherd: Oui, mais c'est l'une des conséquences d'une société matérialiste.

M. Serge Nadeau: Plusieurs questions ont été soulevées au sujet des choix à faire, mais je préfère ne pas me prononcer là- dessus. Ce n'est pas du tout mon domaine de spécialisation. Par contre, nous savons pertinemment que l'innovation est l'un des principaux moteurs de la productivité, et pour diverses raisons, le Canada, semble-t-il, les Canadiens ne sont pas aussi innovateurs que les Américains.

L'investissement est également un facteur très important dans la productivité, et encore une fois, pour diverses raisons, les investissements au Canada sont moins élevés qu'aux États-Unis. On peut évidemment examiner les investissements au niveau sectoriel où il y a peut-être des différences, mais il reste que dans l'ensemble, nous investissons 35 p. 100 de moins chaque année. C'est beaucoup.

M. Alex Shepherd: J'essaie simplement de vous expliquer qu'à mon avis, l'objectif n'est pas forcément de faire en sorte que nos deux pays soient sur un pied d'égalité, mais plutôt de réduire l'écart en agissant sur le problème de la productivité de façon plus sélective. Autrement dit, qu'est-ce qu'on peut faire pour encourager l'innovation chez les Canadiens? Faut-il passer par le régime fiscal pour le faire? Devrions-nous prévoir quelque chose dans les universités ou dans d'autres milieux pour favoriser l'innovation. Je ne suis pas convaincu que notre but ultime soit d'être une copie conforme des États-Unis, parce qu'à ce moment-là, nous allons devoir en subir les conséquences négatives; tout cela fait partie du débat sur la question des coûts.

La présidente: Merci.

Avant de donner la parole à Mme Lalonde et à M. Lastewka, je voudrais faire une observation et essayer de la concilier avec ce que vous avez dit.

Vous étiez d'accord avec M. Lastewka lorsqu'il a affirmé que la productivité de notre secteur automobile est plus élevée que celle du secteur automobile américain. Si j'ai bien compris les explications de tout à l'heure, il y a une mesure de la productivité qui est axée sur le travail et les heures travaillées—et je sais, par exemple, que les trois grands constructeurs d'automobile cherchent constamment à éliminer l'inefficacité. Or, aux États-Unis, ils ont une semaine de travail qui est plus longue que celle de nos travailleurs, du point de vue du nombre d'heures travaillées. Donc, quand on compare les deux secteurs, je trouve illogique que leurs employés fassent plus d'heures et que leur productivité soit inférieure à la nôtre. À ce moment-là, si notre secteur automobile devait s'aligner sur le système américain, ce serait pratiquement un recul, parce que notre productivité est plus élevée. Malgré tout, c'est l'argument qui est souvent avancé.

M. Serge Nadeau: La productivité est souvent mesurée en fonction du nombre d'heures travaillées. Donc, le fait qu'ils fassent plus d'heures ne signifie pas nécessairement qu'ils sont plus productifs que les Canadiens; en fait, ça pourrait signifier qu'ils sont moins productifs.

La présidente: Oui, c'est justement ce qui ressort de cette analyse, parce que si vous regardez la situation aux États-Unis, les employés du secteur automobile ont une plus longue semaine de travail que les employés canadiens, mais d'après ce que j'ai entendu dire tout à l'heure, nos travailleurs sont plus productifs que leurs homologues américains.

C'est très intéressant, parce que les constructeurs d'automobiles au Canada déclarent souvent qu'ils ne peuvent faire ci et ça à cause des syndicats; mais c'est justement ça qu'on veut. Et si je me fonde sur l'analyse qu'on nous a présentée aujourd'hui, ça n'aurait pas de sens, de toute façon.

M. Serge Nadeau: Encore une fois, je ne suis pas un spécialiste du secteur automobile, mais l'argument que vous avancez est très intéressant. Pour moi, c'est la preuve en quelque sorte que pour être plus productif, il ne faut pas nécessairement travailler davantage; il faut surtout travailler de façon plus intelligente.

La présidente: C'est vrai.

M. Serge Nadeau: Souvent ce message ne rejoint pas les principaux intéressés.

La présidente: Je voulais également vous poser une question au sujet de votre graphique à la page 3, où il est question du revenu réel par habitant. Comment définissez-vous le revenu réel?

M. Serge Nadeau: Ici, il s'agit en réalité du produit intérieur brut—c'est-à-dire la consommation ou la production totale. C'est donc un peu différent du revenu disponible. Il s'agit du revenu, de toutes sources, avant impôt. C'est une indication de l'importance de l'activité économique.

La présidente: Donc, quand vous comparez un Canadien et un Américain, comment faites-vous pour tenir compte de notre régime de soins de santé?

M. Serge Nadeau: C'est compris là-dedans. Tout est compris. Il ne s'agit pas nécessairement de revenus en espèces...

La présidente: Oui, seulement les Américains, contrairement aux Canadiens, doivent payer leurs soins de santé à partir de leur salaire. Alors comment faites-vous pour tenir compte de ce facteur en établissant leur pouvoir d'achat?

• 1150

M. Serge Nadeau: Ce tableau ne concerne pas le pouvoir d'achat proprement dit, mais plutôt un élément du pouvoir d'achat. Si ces statistiques concernaient le revenu personnel disponible, vous auriez raison. Il aurait fallu tenir compte des dépenses engagées pour les soins de santé—c'est-à-dire, qui paie quoi. Mais dans ce cas-ci, en indiquant le niveau du revenu global au sein de l'économie—et cela comprend les revenus, les soins de santé, les services fournis par le gouvernement, tout, quoi—on peut se faire une idée de l'importance de l'activité économique totale.

Cela n'a rien à voir avec la redistribution, car il s'agit d'une moyenne. Il se trouve qu'aux États-Unis, il existe une répartition asymétrique des revenus qui favorise les gens à revenu élevé, plutôt que les gens à faible revenu. Il y a une plus forte proportion de salariés à revenu très élevé aux États-Unis qu'au Canada. Mais l'objet de ce tableau est d'indiquer l'importance de l'activité économique globale; ensuite on peut décider de la redistribution des revenus. Que les soins de santé ou l'éducation soient financés par le gouvernement ou non, ce tableau révèle simplement que l'Américain moyen reçoit entre 25 et 30 p. 100 plus de biens que le Canadien moyen.

La présidente: Je comprends, mais c'est la base de votre mesure du PIB.

M. Serge Nadeau: Oui, on parle du PIB. Dans ce contexte, le revenu réel par habitant correspond au PIB.

La présidente: Tout à l'heure, M. Baldwin nous disait qu'on ne peut pas mesurer la productivité en fonction du PIB. Maintenant nous parlons de productivité et de niveaux de vie, et vous dites que nous avons connu au Canada un certain ralentissement en ce qui concerne la croissance de notre niveau de vie. Vous vous servez du critère du revenu pour parler du niveau de vie des particuliers, mais ces statistiques ne reflètent pas la situation des particuliers; elles donnent une vue d'ensemble. Et vous n'indiquez pas la différence entre les deux pays du point de vue des classes sociales. Pour moi c'est un portrait inexact de la situation.

M. Serge Nadeau: Le principal déterminant du niveau de vie est le revenu, et la meilleure mesure du revenu par habitant est effectivement le PIB par habitant. Je suis d'accord avec vous pour dire que cette mesure n'englobe pas tous les éléments du niveau de vie ou de la qualité de vie, mais comme je l'expliquais tout à l'heure, l'élément qui ne correspond pas au revenu doit tout de même être financé par quelque chose, en l'occurrence, par la production ou les revenus au sein de la société en général. Ainsi si nous réussissons à améliorer le PIB par habitant, notre niveau de vie sera plus élevé dans l'ensemble. Ensuite, la redistribution pourra prendre différentes formes, mais on ne sera certainement pas en plus mauvaise posture, n'est-ce pas? Si le gâteau est plus grand, la part des pauvres sera au moins aussi grande qu'elle l'était auparavant.

La présidente: Je ne suis pas en désaccord avec ce que vous dites. Seulement, quand vous déclarez... ou plutôt quand vous parlez du niveau de vie, il me semble important de tenir compte d'autres éléments lorsqu'on compare les niveaux de vie du Canada et des États-Unis. Je ne suis pas en désaccord avec ce que vous dites au sujet du PIB et du revenu réel, mais quand vous commencez à parler du niveau de vie, par exemple, là, je ne suis pas d'accord. À mon avis, il y a d'autres éléments qui doivent être pris en compte quand on compare le niveau de vie canadien au niveau de vie américain.

J'habite une ville qui se trouve sur la frontière et je constate que les gens d'Ottawa ne comprennent pas toujours les véritables différences de niveau de vie entre nos deux pays. À partir de votre tableau, vous tirez certaines conclusions à ce sujet, sans tenir compte de toutes les variables. Il y a une grande différence entre notre mode de vie et le leur, et il faut en tenir compte dans toute analyse du niveau de vie; pourtant, vos comparaisons ne semblent pas en tenir compte.

En tout cas, je ne vais plus vous poser de questions à ce sujet.

Madame Lalonde, et ensuite, M. Lastewka.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Cette discussion m'intéresse parce qu'il me semble qu'il est important d'établir qu'on a un problème de productivité, cela pour le Québec et pour le Canada. Il ne s'agit pas de se comparer seulement aux États-Unis. On a besoin de le faire parce que les États-Unis sont le pays vers lequel on exporte plus de 80 p. 100 de notre production. Donc, on a besoin de le savoir. Cependant, il me semble qu'il y a lieu de chercher à améliorer la productivité, mais pas nécessairement au détriment des conditions de travail des employés. Là où il y a des syndicats, ces derniers comprennent de plus en plus qu'ils sont en concurrence et que s'ils participent à la gestion, cela peut devenir un facteur positif.

• 1155

Je connais des cas où on a atteint des niveaux de productivité et de compétitivité étonnants. Une main-d'oeuvre formée, décidée, qui veut que son entreprise réussisse peut faire mieux que des travailleurs qu'il faut tout le temps surveiller et punir. Je suis tout à fait satisfaite de votre définition de la productivité. Je pense qu'il est important de le rappeler et de dire qu'on peut à la fois améliorer la productivité et faire des choix sociaux. Plus la tarte est grande, mieux on est en mesure de choisir que les dépenses soient faites par l'État, ce qui est davantage le modèle québécois et canadien, ou que les dépenses soient faites par les individus et réparties de façon très inéquitable, ce qui est le choix des États-Unis. Cependant, on voit que globalement, leur tarte est plus grande.

Je ne pense pas qu'il soit nécessaire, quand on fait des choix sociaux différents, d'avoir une moindre productivité. Dans la connaissance de cette question-là, c'est ce qui m'intéresse. Mon hypothèse est qu'on peut être productif même quand on a un filet de sécurité sociale qui a du bon sens si on investit dans la recherche-développement et qu'il y a une espèce de consensus social quant à l'amélioration de la production.

Je terminerai en soulignant que si on avait une partie de l'industrie automobile au Québec, je suis certaine que notre productivité générale serait améliorée et qu'on pourrait se comparer à l'Ontario.

[Traduction]

M. Walt Lastewka: Merci. Je voudrais revenir sur ce que disait Mme Lalonde tout à l'heure.

D'abord, il nous faut des faits concrets. Si nous n'avons pas de données pour chacune des provinces, nous pourrons difficilement bien analyser le problème. J'espère que vous avez toutes les données pertinentes pour l'Ontario et que nous pourrons obtenir une ventilation. Une ventilation s'impose si nous voulons bien comprendre la situation et faire des choix sur les mesures à prendre dans les différents secteurs.

J'espère que telle sera notre ligne de conduite, car si on essaie de prendre des décisions sans connaître tous les faits, on a que ce qu'on mérite, à mon avis. J'aimerais bien connaître tous les faits au sujet de la situation en Ontario. Faisons une ventilation des données de façon à pouvoir faire une analyse et déterminer les secteurs les plus problématiques. Personnellement, je pense que nous allons nous rendre compte que le principal facteur est la valeur ajoutée.

M. Serge Nadeau: Nous y travaillons.

M. Walt Lastewka: Très bien, merci.

La présidente: Merci.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Madame la présidente, j'ai une question.

La présidente: Pour moi?

Mme Francine Lalonde: Oui. J'ai appris par hasard hier que le Comité des finances faisait une étude sur la productivité des entreprises. Franchement, cela m'a surprise et je me suis demandé si cela n'était pas de notre compétence. Si on se mettait à faire une étude de la fiscalité des entreprises...

[Traduction]

La présidente: Madame Lalonde, en fait, le Comité des finances organise sept tables rondes sur la productivité en prévision de la prochaine ronde de consultations prébudgétaires. En prévision de ces consultations, le comité commence déjà à songer aux résultats, car la productivité semble être une préoccupation pour la plupart des Canadiens. Donc, avant de rencontrer ces derniers, ils veulent se renseigner sur la situation.

Ayant assisté à la réunion du comité de liaison, où il en a été question, je sais que le Comité des finances compte préparer un rapport qui fait l'analyse des témoignages reçus, mais ce, du point des aspects financiers d'une éventuelle réduction des impôts, par rapport à d'autres solutions. Le comité va également entendre les mêmes exposés, si ce n'est déjà fait, des responsables d'Industrie et de Statistique Canada dans le cadre de leurs tables rondes. Comme je viens de le dire, c'est en prévision des consultations prébudgétaires.

Notre analyse s'inscrit dans une étude à plus long terme; si vous voulez, c'est le deuxième volet de notre étude des mesures à prendre pour soutenir le Canada, et par conséquent, nous examinons cette question sous un angle un peu différent. Mais vous avez parfaitement raison de dire que la productivité de l'industrie canadienne relève du mandat de ce comité.

• 1200

Permettez-moi de vous remercier, monsieur Nadeau, de votre présence et de votre exposé. Nous attendons avec impatience les ventilations que vous êtes en train de préparer, parce que notre étude va durer un certain temps.

La séance est levée.