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INDY Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON INDUSTRY

COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 4 juin 1998

• 1127

[Traduction]

La présidente (Mme Susan Whelan (Essex, Lib.)): Je déclare la séance ouverte. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous allons nous pencher sur une étude relative à la préparation de la technologie de l'information en vue de l'an 2000.

Nous sommes très heureux de recevoir aujourd'hui l'Association du Barreau canadien et ses représentants qui sont M. Fortier, M. Hunter, M. Racicot et M. Corley.

Je crois comprendre que M. Fortier parlera en premier, suivi de M. Hunter, de M. Racicot et de M. Corley.

Nous allons donc commencer par M. Fortier.

M. Michael Fortier (président, Groupe de travail sur l'an 2000, Association du Barreau canadien): Merci, madame la présidente.

[Français]

Merci de votre invitation.

[Traduction]

C'est avec plaisir que nous acceptons votre invitation à comparaître devant le comité pour parler des questions d'ordre juridique découlant d'un problème informatique lié au passage à l'an 2000.

Je vais commencer par vous présenter notre délégation. Laird Hunter est d'Edmonton. Il était directeur du projet pour le groupe de travail de l'ABC. Il y a également Richard Corley, de Davies Ward & Beck à Toronto, et Michel Racicot, de McCarthy Tétrault à Montréal.

J'aimerais dire quelques mots au sujet de l'ABC. Il s'agit d'une association bénévole nationale qui représente plus de 35 000 juristes, notamment des avocats, des notaires, des professeurs de droit et des étudiants en droit de tout le Canada. Les principaux objectifs de l'ABC sont notamment d'améliorer le droit et l'administration de la justice. C'est dans ce contexte que nous présentons nos observations au comité permanent aujourd'hui.

Permettez-moi de vous donner un bref aperçu de notre exposé. M. Hunter vous tracera les grandes lignes des problèmes éventuels de responsabilité, y compris des domaines où il y a toujours des incertitudes. M. Corley décrira ce que les avocats font pour aider leurs clients et le membre public à se préparer à l'an 2000. Enfin, Michel Racicot abordera certaines des questions que votre comité a soulevées dans son rapport provisoire.

Avant de donner la parole à mes collègues, j'aimerais résumer brièvement ce qu'a fait l'ABC relativement au problème de l'an 2000.

André Gervais, président de l'ABC, est membre ex-officio du groupe de travail d'Industrie Canada sur l'an 2000. L'ABC a été invité par le groupe de travail à préparer un rapport portant sur les questions juridiques. À cet effet, l'ABC a donc créé le groupe de travail sur l'an 2000. Comme vous pouvez le voir ici ce matin, le groupe de travail comprenait des avocats d'un peu partout au Canada.

En préparant un rapport, le groupe de l'ABC était conscient du fait qu'une large gamme de groupes se préoccupent de ce problème et que bon nombre de ces groupes ont des intérêts quelque peu différents. Ce n'est donc pas une question sur laquelle il est possible d'avoir une seule position du point de vue juridique. Par conséquent, le rapport offre un aperçu des problèmes juridiques mais non pas un avis juridique.

• 1130

J'aimerais vous décrire brièvement les grandes catégories de questions juridiques que le groupe de travail de l'ABC a dégagées.

La première catégorie est celle des questions juridiques concernant les responsabilités de gestion. Il s'agit de déterminer si une société a un problème par rapport au passage à l'an 2000, quelle est l'ampleur du problème et ce que fait la société pour y remédier.

Nous parlons ensuite des obligations légales des membres de la direction et des membres des conseils de l'administration qui, aux termes des lois actuelles, doivent se préparer au passage à l'an 2000 dans le cadre d'une gestion prudente, habile et diligente.

Nous examinons par ailleurs d'autres questions. Nous nous demandons notamment qui a le droit ou peut-être l'obligation de modifier le logiciel qu'une société utilise et quel genre d'engagement une société demandera de la part d'un expert-conseil ou d'une société de services qui propose d'évaluer l'ampleur de son problème informatique lié au passage à l'an 2000.

La deuxième catégorie de questions juridiques concerne ce qu'il faut faire pour corriger les problèmes. L'octroi de contrats à un expert-conseil ou à un fournisseur de services pour corriger les problèmes est naturellement une question très complexe sur le plan juridique, mais il y a également de nombreuses questions juridiques liées au fait que l'entreprise doit continuer à fonctionner au jour le jour pendant que tout cela se fait, notamment les questions liées à l'emploi, aux transactions avec les fournisseurs et les clients et à la protection du caractère confidentiel des données de l'entreprise pendant qu'on améliore les systèmes informatiques.

Enfin, la troisième catégorie porte sur la responsabilité et les litiges. La façon dont une entreprise s'attaque ou ne s'attaque pas au problème lié au passage à l'an 2000 peut l'exposer à des responsabilités et risque de donner lieu à des litiges et à des réclamations plus tard. Il est clair que les entreprises doivent être conscientes de ces problèmes alors qu'elles se préparent pour le passage à l'an 2000.

[Français]

C'est avec plaisir que je vais céder la parole à mon collègue Laird Hunter d'Edmonton.

[Traduction]

M. Laird Hunter (directeur du projet, Groupe de travail sur l'an 2000, Association du Barreau canadien): Au cours des témoignages que votre comité a reçus, l'un des thèmes qui revient constamment concerne quelque chose que M. Monty a dit lorsqu'il a témoigné devant votre comité: «Notre message est le suivant: sans un plan d'action officiel»—et je souligne «officiel»—«pour s'attaquer à ce problème, les entreprises ne sauront peut-être jamais ce qui les a frappées avant qu'il soit trop tard.»

Ce que nous voulons porter à votre attention en tant qu'avocats, du point de vue juridique, c'est que s'il est nécessaire de découvrir le problème du point de vue de la technologie de l'information, il est tout aussi nécessaire d'avoir une réponse juridique officielle. En fait, notre rapport qui s'adresse aux avocats et aux entreprises trace les grandes lignes des problèmes juridiques qui pourraient surgir dans le contexte du passage à l'an 2000.

Encore une fois, comme on le dit dans le rapport du groupe de travail de M. Monty, les problèmes peuvent être radicalement différents selon la taille et le type de sociétés. Comme le dit le groupe de travail: «Nous ne croyons pas qu'il soit possible pour quelqu'un de comprendre la complexité de tous ces problèmes à différents niveaux...». Bien qu'il ne soit peut-être pas possible d'en comprendre la complexité, on peut cependant prévoir les types de problèmes qu'il est tout à fait possible de corriger. Il n'y a essentiellement que trois catégories de problèmes qui peuvent survenir.

La première catégorie de problèmes est celle des problèmes liés au contrat. Le fournisseur du logiciel pourra-t-il livrer un produit qui fait l'affaire? S'il ne peut livrer le produit, y a-t-il alors bri de contrat? Ce sont des considérations commerciales courantes qui s'appliquent dans le contexte de la conformité à l'an 2000.

Il y a ensuite ce que nous appelons en anglais «tort» et la notion de négligence. Dans le système de droit civil, on parle de délit civil: notion selon laquelle il y a le devoir de fournir un service ou un produit et qu'il y a eu manquement à ce devoir. Il y aura toute une gamme d'actes délictueux ou négligents qui pourraient être commis dans le contexte du passage à l'an 2000.

• 1135

Enfin, nous avons toute une panoplie de lois que les membres de votre comité et que la Chambre connaissent bien.

Il y a les lois sur les valeurs mobilières au niveau provincial et il y a des normes d'emploi. Toute obligation de tenir des registres qui est imposée à des sociétés ou à des particuliers pourrait donner lieu à une réclamation.

Une question qui intéresse particulièrement votre comité par rapport à l'une des recommandations que vous avez faites, est celle de la responsabilité des membres de la direction et du conseil d'administration. À notre avis, il s'agit de l'une des questions les plus importantes, et les dispositions actuelles des lois provinciales et fédérales prévoient adéquatement toutes les obligations éventuelles. Mon collègue, M. Racicot, vous parlera plus particulièrement de l'article 122 de la Loi sur les sociétés par actions.

La question que nous voulons porter à l'attention de nos membres, soit les avocats de tout le pays, est celle dont je vous ai parlé au début de mon intervention, c'est-à-dire que, d'une part, on a l'obligation officielle de gérer un problème d'affaires et, d'autre part, il est nécessaire d'avoir une série d'outils de réponses pour régler les questions juridiques.

Je vais maintenant donner la parole à mon collègue, M. Racicot, qui abordera avec vous certains points plus précis.

M. Michel Racicot (membre, Groupe de travail sur l'an 2000, Association du Barreau canadien): Merci, madame la présidente.

[Français]

Ce dont nous avons besoin pour voir au problème de l'an 2000, c'est de leadership et d'une campagne d'éducation publique pour mieux sensibiliser les gens à la situation. Dans ce sens, le travail qui a été fait par le comité présidé par M. Monty et qui est fait par votre comité est très utile et continuera de l'être.

Le temps est cependant venu de se tourner vers l'action, maintenant que le niveau de sensibilité est élevé. Tout comme on a présenté la nécessité d'avoir un plan d'action formel pour les questions techniques, nous avons également besoin d'un plan d'action formel au niveau juridique. C'est en ce sens que nos recommandations et notre inventaire se veulent une carte routière, une liste de vérification qui va accompagner les entreprises dans l'accomplissement du plan d'action présenté dans le rapport du comité de M. Monty. Ce sera pour accompagner les gens quand ils vont faire l'inventaire des problèmes, quand ils vont tenter de résoudre le problème et même quand ils vont faire leur plan d'urgence en vue d'éventuels litiges.

[Traduction]

Ce que nous disons, c'est qu'à notre avis, du point de vue juridique, il faut faire preuve de diligence raisonnable et ce que nous tentons de faire, c'est de fournir un cadre, un plan, pour faire preuve de cette diligence raisonnable, et nous pensons que les avocats sont formés à cette fin. La diligence raisonnable dont ils font preuve relativement aux questions juridiques liées au passage à l'an 2000 n'est pas différente de la diligence raisonnable dont il faut faire preuve par exemple lorsqu'on acquiert une entreprise ou lorsqu'on fait une émission publique.

Par conséquent, nous sommes d'avis que notre rapport vient en fait compléter vos activités et votre propre rapport et complète également le rapport du groupe de travail sur l'an 2000.

J'aimerais vous parler de deux recommandations spécifiques contenues dans votre rapport. Il s'agit des recommandations 2 et 6.

La recommandation 2 vise à introduire des amendements législatifs pour ajouter explicitement l'obligation d'assurer la conformité à l'an 2000 à la liste des responsabilités des administrateurs des entreprises régies par les lois fédérales.

Comme vous le dites à la page 46 de votre sixième rapport:

    Le Comité a entendu à un certain nombre de reprises des témoins parler de l'importance du principe de la diligence raisonnable et de la nécessité d'exiger des comptes. En réalité, la responsabilité que doivent assumer les PDG et les dirigeants de sociétés dans le secteur privé a été présentée comme une source de motivation pour se préparer à relever le défi de l'an 2000, car ils pourraient faire face à des poursuites juridiques si eux ou leurs sociétés n'ont pas fait preuve de diligence raisonnable.

Nous sommes tout à fait d'accord avec ce que vous déclarez dans votre rapport.

• 1140

Cela dit, je crois cependant qu'il n'est pas nécessaire de recommander des modifications spécifiques à la Loi sur les sociétés par actions et que cela n'est pas conforme au cadre statutaire de la Loi sur les sociétés par actions.

Le paragraphe 122(1) de la loi impose, en fait, à tous les membres de la direction et du conseil d'administration d'une société l'obligation, lorsqu'ils exercent leurs pouvoirs et leurs fonctions, d'agir avec honnêteté et bonne foi en tenant compte de l'intérêt de la société, et de faire preuve d'attention, de diligence et d'habileté comme une personne raisonnablement prudente le ferait dans des circonstances comparables.

Nous sommes d'avis que le cadre général de la loi est suffisamment large pour englober la responsabilité des membres de la direction et du conseil d'administration qui doivent s'attaquer au problème de l'an 2000.

Si vous deviez introduire un changement législatif pour modifier cette question en particulier, nous sommes d'avis que les changements législatifs ne pourraient peut-être pas tenir compte des situations particulières. Il y a peut-être des situations particulières où, selon les faits ou les questions techniques, les membres de la direction et du conseil d'administration seraient responsables, mais dans d'autres cas, ils ne le seraient pas—par exemple, lorsqu'ils ont demandé l'avis d'experts de l'extérieur, etc. La jurisprudence sur le paragraphe 122(1) répond déjà à cette question.

Deuxièmement, nous sommes d'avis que si vous deviez introduire un tel changement, cela ne tiendrait pas compte de ces circonstances différentes, mais il y a également un danger. Il existe une règle d'interprétation qui remonte à l'époque romaine et que l'on retrouve dans une expression latine, Expresso unius est exclusio alterius, qui signifie que si on inclut quelque chose, cela signifie que l'on a l'intention d'exclure certaines autres choses. Si on inclut la responsabilité en matière de conformité à l'an 2000 comme une série spécifique de responsabilités pour les membres de la direction et du conseil d'administration, est-ce que l'on exclurait alors la responsabilité d'autres types de problèmes? Cela introduirait un changement fondamental à la Loi sur les sociétés par actions.

Troisièmement, l'introduction d'un tel changement aurait un impact limité. Cela n'aurait un impact que pour les membres de la direction et du conseil d'administration des compagnies et constituées en vertu d'une loi fédérale. Qu'arriverait-il au niveau provincial? Est-ce que cela veut dire que les membres de la direction et du conseil d'administration des compagnies constituées en vertu d'une loi provinciale n'auraient pas cette responsabilité parce que leur loi ne dit rien à ce sujet?

Quatrièmement, nous croyons qu'il y a un problème quant au choix du moment. Étant donné le temps qu'il faut pour modifier les lois, nous pensons que la solution législative arrive peut-être trop tard.

La recommandation que nous vous faisons, avec tout le respect que nous vous devons, est de laisser la Loi sur les sociétés par actions telle qu'elle est, car nous sommes fermement convaincus qu'elle permet amplement de faire face au problème. En fait, dans votre rapport vous citez Jean Monty:

    Les enjeux sont totalement différents selon l'importance et le type de société. Nous ne pensons pas qu'il soit possible que quelqu'un comprenne la complexité de toutes ces questions à tous les niveaux et soit tenu responsable dans un cadre de réglementation ou, pire, dans un cadre législatif.

Nous croyons que ce qu'il a dit est très sage et nous vous demandons d'en tenir compte. Nous sommes d'avis qu'il ne faut apporter aucune modification à la Loi sur les sociétés par actions pour tenir compte des obligations et des responsabilités des membres de la direction et du conseil d'administration.

J'aimerais maintenant aborder votre recommandation 6. Vous dites que des modifications législatives devraient être apportées pour dégager de toute responsabilité ceux qui, en bons samaritains, mettent volontiers à la disposition des autres leurs solutions au problème de l'an 2000.

Je dois dire que mon cabinet s'occupe beaucoup des problèmes de droit liés à l'informatique et plus particulièrement des problèmes liés à l'an 2000. Je donne des conseils juridiques à certaines des plus grosses entreprises canadiennes de consultation en informatique. Je donne des conseils juridiques à des sociétés qui produisent des logiciels. Je peux également conseiller des utilisateurs de systèmes informatiques, notamment des banques, des courtiers d'assurance et les marchés boursiers. Au cours de mon expérience, je n'ai jamais vu qui que ce soit offrir sans frais des solutions au problème de l'an 2000. Je me demande donc sur quoi vous fondez votre recommandation 6.

• 1145

Deuxièmement, comme je l'ai déjà dit, je pense que le problème est trop complexe pour qu'on puisse trouver une solution globale, universelle. Si vous introduisiez des modifications législatives en vue d'éliminer toute responsabilité, il y aurait tellement d'exceptions qu'il serait pratiquement impossible d'appliquer la loi, et je ne tiens pas compte du fait qu'il est très difficile de trouver une définition commune de ce qu'est la conformité à l'an 2000.

J'ai participé récemment à une transaction où nous avions trois définitions différentes de la conformité à l'an 2000, de sorte qu'il y avait des désaccords. Lors de la période des questions, je pourrais vous donner des exemples de différents niveaux de conformité à l'an 2000.

Le gouvernement français s'est penché sur la question et a tenté de déterminer s'il y aurait une date magique avant laquelle, si on a fait quelque chose, on ne serait pas tenu responsable. Si on fabrique un produit avant la date, on ne serait pas responsable, et si on fabrique un produit après cette date, on serait tenu responsable. Ils n'ont pas pu s'entendre pour déterminer quelle serait la date magique. Je dirais que, dans ce cas-ci, le fait de tenter d'éliminer la responsabilité légale constitue également un problème.

Du point de vue social, il me semblerait que si on élimine la responsabilité, on rend ces gens moins responsables, non pas davantage responsables. Si on tente d'encourager un comportement responsable, éliminer la responsabilité n'est peut-être pas la solution.

Encore une fois, comme pour la recommandation concernant les membres de la direction et du conseil d'administration, le moment est mal choisi, car les modifications législatives ne seraient peut-être pas introduites dans un délai suffisant pour être utiles.

Enfin, et c'est ce qui est peut-être plus important, cela risque peut-être même de poser un problème de droit constitutionnel. Nous croyons que la question de la responsabilité est, en général, une question de droit civil et de droit de propriété, une question en fait qui relève exclusivement de la compétence provinciale.

La seule façon, à notre avis, dont le gouvernement fédéral pourrait régler cette question serait d'invoquer ses pouvoirs aux termes des dispositions de la Constitution relatives à la paix à l'ordre et au bon gouvernement. Par conséquent, le gouvernement fédéral devrait déclarer qu'il s'agit d'une urgence nationale. Nous ne croyons pas que cela pourrait fonctionner dans notre cadre constitutionnel.

Cela dit, je crois cependant qu'il existe peut-être des solutions. Si nous pensons que la question du bon samaritain doit être réglée au niveau local, en tenant compte des différentes circonstances, rien n'empêche deux sociétés, un fournisseur et un utilisateur, de faire équipe pour s'attaquer au problème, de le faire en toute confidentialité, d'échanger des informations et peut-être même de s'exonérer mutuellement de toute responsabilité.

En fait, ce que nous disons, c'est qu'il est peut-être possible d'avoir une clause du bon samaritain dans un contrat plutôt que dans une loi et qu'il vaudrait mieux laisser cela aux gens qui s'occupent du problème.

J'aimerais terminer sur une note positive. Je pense que la solution n'est pas de créer de nouvelles lois. La solution consiste à adapter les lois existantes à de nouvelles situations juridiques.

J'ai eu le plaisir de diriger l'étude d'Industrie Canada sur la question de la responsabilité pour ce qui est du contenu de l'Internet, et nous avons publié notre rapport.

L'espace cybernétique n'est pas à l'abri des lois. Je pense que nous arrivons ici aux mêmes conclusions que celles auxquelles nous sommes arrivés dans le rapport sur l'espace cybernétique. Il ne s'agit pas de changer les lois, mais plutôt d'adapter la loi à de nouvelles circonstances. Nous sommes d'avis que la loi est un instrument vivant qui a la possibilité de s'adapter. Le système juridique est également capable de s'adapter.

Enfin, pour terminer sur une note positive, je dirai que nous sommes d'avis que l'an 2000 offre à nos entreprises canadiennes qui sont conformes à l'an 2000 la possibilité de vendre leurs produits sur le marché et, dans la mesure où nous les encourageons à le faire, il y aura peut-être d'importants avantages économiques pour les Canadiens et le Canada en général.

J'ai appris récemment qu'une société avait introduit un logiciel de prise de décisions pour faire face au problème de l'an 2000 et qu'il y avait même un module portant sur la responsabilité des membres de la direction et du conseil d'administration. Il s'agit d'une approche novatrice pour tenter de s'attaquer au problème.

J'en ai terminé avec mes observations, madame la présidente.

La présidente: Merci, monsieur Racicot.

Monsieur Corley.

M. Richard F.D. Corley (membre, Groupe du travail sur l'an 2000, Association du Barreau canadien): Merci, madame la présente, mesdames et messieurs les membres du comité.

• 1150

J'aimerais résumer brièvement les étapes que suivent les membres du Barreau pour chercher à résoudre le problème de l'an 2000. À cet égard, les avocats travaillent très fort pour éduquer leurs clients et fournisseurs, ainsi que le public, au sujet du problème de l'an 2000. Pour aider leurs clients à s'attaquer à ce problème et à le résoudre, ce travail s'effectue sur de nombreux fronts.

À ce moment-ci, un outil très important est l'outil éducationnel. À cet égard, les avocats publient des documents et des rapports, comme celui qui a été publié aujourd'hui par l'ABC. Le rapport de l'ABC, comme vous le savez, a été préparé pour aider et habiliter les membres du Barreau de tout le pays à aider des clients et des fournisseurs à s'attaquer au problème de l'an 2000 et à le résoudre à temps.

Par ailleurs, ils préparent des trousses d'information qu'ils envoient à leurs clients et à d'autres parties intéressées, qui prennent la parole au sujet du problème lors de conférences, organisent des conférences au sujet du problème et sensibilisent leurs clients au problème dans toutes sortes de circonstances.

Deuxièmement, ils prennent un certain nombre de mesures pour aider les sociétés et d'autres entités à être conformes à l'an 2000. Au premier niveau, au niveau de la régie d'entreprise, ce travail consiste à conseiller les membres de la direction et du conseil d'administration au sujet des problèmes de l'an 2000.

Mon expérience a été semblable à celle de Michel. Nous avons eu toute une gamme de clients, des fournisseurs aux clients en passant par les intermédiaires, qui nous ont tous demandé conseil et qui s'efforcent avec diligence de s'attaquer au problème et de le résoudre. Il y a un rôle très important à jouer à cet égard.

Il y a également le travail de préparation et de mise en oeuvre des plans officiels. Encore une fois, je reconnais le travail qu'a fait le groupe de travail de Jean Monty à cet égard. Il y a souvent des questions juridiques très importantes qui sont abordées dans les rapports de l'ABC, et au sujet desquelles les avocats peuvent apporter leur aide. Par ailleurs, il y a le travail technique qui consiste à préparer avec une diligence raisonnable des listes de vérification, des représentations et des garanties concernant la conformité à l'an 2000.

Il faut également conseiller les sociétés ouvertes au sujet de la divulgation et des lois sur les valeurs mobilières. Cela fait partie du processus de création de la transparence, de façon à ce que les marchés puissent fonctionner et que les sociétés puissent réagir de façon appropriée aux risques liés à l'an 2000 au fur et à mesure qu'ils sont divulgués. Nous travaillons également à aider les clients à préparer des lettres et d'autres correspondances qu'ils envoient à leurs fournisseurs pour leur demander de confirmer qu'ils sont effectivement conformes à l'an 2000.

À un niveau plus actif, les avocats aident leurs clients à être conformes à l'an 2000 dans un certain nombre de domaines. Tout d'abord, pour toutes les transactions où une société est achetée, il est extrêmement important de régler le problème de la conformité à l'an 2000 avec diligence.

De la même façon, pour passer des contrats et conclure des arrangements en vue de résoudre les problèmes de l'an 2000, il y a, comme l'indique le rapport de l'ABC, un certain nombre de problèmes juridiques, de propriété intellectuelle et autres, qu'il faut régler de façon appropriée.

Enfin, les avocats ont un rôle à jouer pour s'assurer que les représentations et les garanties relatives à l'an 2000 et les mesures que prennent les sociétés sont bien documentées et bien justifiées.

En ce qui concerne la résolution des litiges, à ce moment-ci il est tout à fait essentiel que les sociétés travaillent ensemble pour mettre en place des mécanismes, comme des équipes de gestion conjointes, et utilisent la médiation, l'arbitrage et d'autres formes de modes amiables de règlement des litiges pour régler les litiges liés aux problèmes de l'an 2000 avant d'en arriver à une situation de crise.

Il est également nécessaire de conseiller les clients relativement aux différentes formes de responsabilité par rapport à l'an 2000. On prépare des plans d'urgence, ce qui donne lieu à d'autres conseils concernant la limitation des dommages et intérêts, les mesures qu'une société doit prendre pour s'assurer qu'après l'an 2000 elle aura tout mis en oeuvre pour se mettre dans la meilleure position possible.

En plus de ce rapport, l'Association du Barreau canadien était également en train de préparer une liste de vérifications pour aider les avocats en ce qui concerne leur propre bureau, leur propre système de technologie de l'information, pour les aider à les évaluer et à s'assurer que ces systèmes sont effectivement conformes.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Corley.

• 1155

Je tiens à vous remercier tous de vos remarques liminaires.

J'aurais deux brèves observations à faire avant que nous passions aux questions.

Tout d'abord, je veux m'excuser à l'avance car je devrai partir tôt, et M. Bellemare assumera alors la présidence.

Deuxièmement, je voulais répondre à M. Racicot, qui a demandé sur quoi nous nous étions fondés pour faire nos recommandations 2 et 6.

Je veux que vous sachiez qu'en ce qui a trait à la recommandation 2, nous avons suivi ce qui s'est produit en Angleterre au sujet du changement qui a été apporté à la loi concernant la responsabilité des membres de la direction et du conseil d'administration. Nous avons voulu ainsi attirer tout au moins l'attention des avocats, car nous savons tous que la Chambre s'ajournera bientôt, et nous n'étions pas certains si la loi serait modifiée avant la fin du mois de juin. Cependant, nous sommes d'avis que les membres de la direction et du conseil d'administration doivent savoir qu'ils sont responsables et qu'ils pourraient être tenus responsables. Nous espérons que ce message est fort et clair.

En ce qui a trait à la recommandation 6, je ne sais pas si notre explication était claire, mais essentiellement nous voulions parler du fait que rien ne devrait empêcher deux entreprises de s'échanger des informations. Nous ne pensions pas qu'il était nécessaire de faire intervenir des avocats et nous voulions nous assurer que les entreprises puissent faire cela, avec la loi du bon samaritain, sans avoir à dépenser quoi que ce soit en frais juridiques ou prendre trop de temps étant donné qu'il est déjà tard.

Voilà donc les raisons pour lesquelles nous avons fait les recommandations 2 et 6, et je suis certaine qu'elles susciteront d'autres débats aujourd'hui.

Cela dit, nous allons commencer par M. Lowther.

M. Eric Lowther (Calgary-Centre, Réf.): Merci, madame la présidente.

Je vous remercie de vos exposés, messieurs. J'ai écouté attentivement ce que vous aviez à dire et j'ai essayé d'en tirer certaines conclusions. Je pense que je vous ai entendu dire que la meilleure façon pour une société de se protéger contre la responsabilité liée au problème de l'an 2000 était de pouvoir démontrer qu'elle a fait preuve de diligence raisonnable. Si une société se retrouve devant le tribunal, elle peut énumérer toute une litanie de choses pour montrer qu'elle a fait preuve de diligence raisonnable.

Je vous ai également entendu parler de listes de vérification ou de ce genre de chose dans un cadre juridique. Vous conseillez vos clients au sujet des types de listes de vérification qu'ils devraient avoir. S'ils donnent de telles listes, je suppose qu'ils auront ainsi fait preuve de diligence raisonnable et qu'ils survivront sans dommages importants.

Ai-je bien décrit ce que nous avons entendu?

M. Laird Hunter: Oui, en partie. Ce que nous disons, c'est que la sensibilisation au problème de l'an 2000 comporte un aspect de gestion et d'affaires ainsi qu'un aspect juridique. Tout comme vous avez entendu des témoignages au cours de vos audiences concernant les diverses étapes de sensibilisation au problème au sein d'une société, au sein d'une entreprise, au sujet de l'octroi de contrats pour corriger le problème et mettre en place des plans d'urgence, il y a un processus parallèle qui suit presque pas à pas ce processus pour que l'on puisse examiner toute la gamme des problèmes juridiques. Il s'agit en un sens d'une forme de diligence raisonnable.

En faisant cela, les sociétés qui existent dans le cadre législatif actuel se protégeront dans la mesure du possible.

M. Eric Lowther: L'ABC vous a-t-elle fourni ces listes de contrôle ou ces critères dont ses membres doivent vérifier le respect pour s'assurer qu'ils ont fait preuve d'une diligence raisonnable? Les avez-vous reçues?

M. Michel Racicot: Premièrement, ce rapport sera mis à la disposition de tous les membres de l'ABC. En outre, il sera envoyé à toute personne qui le commandera à l'ABC. Il sera également publié dans les deux langues officielles sur le site Web de l'ABC.

Nous avons pour but, premièrement, de renseigner nos collègues en leur montrant que le problème est de nature multidisciplinaire, qu'il fait intervenir plusieurs disciplines du secteur du droit. Nous voulons nous assurer qu'ils tiennent compte de tous les aspects du problème. Du même coup, nous pourrions préparer une liste de contrôle que pourraient utiliser les entreprises.

• 1200

Cela ne signifie pas que si elles suivent toute la liste de contrôle et font toutes ces choses que nous recommandons, elles auront notre approbation officielle et pourront dire qu'elles ne sont pas responsables ou qu'il n'y a aucune possibilité qu'on les tienne responsables, parce qu'elles ont suivi ces mesures. C'est un cadre visant à aider les entreprises à réduire les cas où elles seraient tenues responsables et à limiter les dommages, mais nous ne pouvons donner aucune assurance. Nous essayons de fournir un outil, mais tout dépendra de la façon dont l'outil sera utilisé et de la façon dont les gens feront preuve de la diligence raisonnable.

M. Eric Lowther: Ce rapport est-il en réalité la liste de contrôle que vous suggérez?

M. Michel Racicot: Vous pouvez parler d'une liste de contrôle, d'une carte routière ou lui donner un autre nom. Nous avons essayé de fournir un outil aussi complet que possible, à partir des avis reçus de spécialistes des diverses disciplines du droit.

M. Eric Lowther: Si je représentais aujourd'hui au Canada une société préoccupée par sa responsabilité éventuelle en ce qui concerne le problème de l'an 2000 et si je voulais examiner les aspects juridiques de la question, je prendrais ce document et vérifierais le profil de la société par rapport à tous ces éléments. J'aurais probablement besoin d'un avis juridique pour m'aider à déterminer dans quelle mesure je respecte les critères de cette liste, mais à la fin du processus d'examen, je me sentirais rassuré, du moins à 99 p. 100. Je pourrais être assuré d'avoir respecté le critère de la diligence raisonnable et de ne pas risquer, probablement, d'être tenu responsable si un problème survenait.

M. Michel Racicot: Il y a une chose que nous n'avons pas faite. Nous avons présenté des exemples, mais nous n'avons pas tenu compte des lois particulières à une industrie, qui peuvent lui imposer un niveau supplémentaire de responsabilités.

Il est possible que certaines industries soient assujetties à des tests réglementaires dont il n'est pas nécessairement question dans ce rapport. Nous n'avons pas pu consacrer suffisamment de temps et d'efforts à ce rapport pour traiter des questions spécifiques à une industrie particulière.

M. Eric Lowther: Nous avons examiné cette liste de contrôle. Vous ne recommandez pas de modifications à la loi en ce qui concerne les membres des conseils d'administration ou d'autres éléments de cette nature, ni en ce qui concerne de nouvelles responsabilités. Vous estimez que c'est déjà inclus dans la loi actuelle.

En tant qu'avocats, en tant que spécialistes du droit, voyez-vous des modifications législatives qui seraient nécessaires maintenant pour aider le Canada, les Canadiens, à faire face au défi de l'an 2000, du point de vue légal?

M. Michel Racicot: Nous ne pensons pas qu'il soit nécessaire présentement d'apporter des modifications législatives. Toutefois, il se pourrait qu'on puisse faire quelque chose du côté des règlements.

Un exemple qui me vient à l'esprit est la question très grave de la pénurie de personnel technique. Il se peut qu'on doive résoudre ce problème en modifiant certains éléments des règles relatives à l'immigration. Nous pourrions par exemple assouplir pendant un certain temps les exigences en matière d'immigration pour permettre à des étrangers de venir travailler au Canada. Nous avons besoin de spécialistes dans ces domaines.

Cela ne nécessiterait pas cependant de modifications législatives. Je ne suis pas spécialiste du droit de l'immigration, mais il faudrait peut-être modifier les règlements pour assouplir les exigences imposées aux détenteurs de permis d'entrer. C'est la seule chose qui me vient à l'esprit.

M. Michael Fortier: J'ajouterai seulement que les bourses des valeurs mobilières au Canada ont déjà imposé, comme vous le savez, aux sociétés qui déposent leur rapport annuel après le 1er avril, l'obligation d'indiquer dans leurs rapports où elles en sont rendues en ce qui concerne le bogue de l'an 2000, dans quelle mesure elles ont respecté les directives et quels sont leurs plans. C'est un exemple que je trouve très pratique et très opportun. Les intervenants sur le marché connaîtront ainsi la situation de ces sociétés.

Il est évident qu'il s'agit des sociétés inscrites. Nous ne parlons pas d'une grande majorité des sociétés canadiennes. C'est cependant un exemple d'une intervention d'un organisme de réglementation qui a été très utile.

La présidente: Monsieur Lowther, j'attire votre attention sur les pages 31 et 32 du rapport, où sont énumérées d'autres lois auxquelles certaines sociétés peuvent être assujetties et qui peuvent présenter des difficultés en ce qui concerne le problème de l'an 2000 identifié par l'ABC.

Monsieur Racicot, vous voudrez peut-être prendre note du fait que notre recommandation 19 parle de prolonger le projet pilote actuellement en cours à Citoyenneté et Immigration pour les spécialistes du logiciel. Notre problème, pour ce qui est de l'immigration, vient du fait que tous les pays recherchent de telles personnes et qu'elles ne sont pas faciles à trouver. C'est justement pourquoi nous avons assoupli les exigences en matière d'immigration.

La parole est maintenant à M. Bellemare.

• 1205

[Français]

M. Eugène Bellemare (Carleton—Gloucester, Lib.): Monsieur Racicot, vous avez parlé de votre rapport Compte à rebours vers l'an 2000 comme d'un guide à suivre pour les bureaux d'avocats. À la page 16, vous suggérez aux cabinets de parler d'assurances avec leurs clients. J'ai de la difficulté à comprendre cette recommandation

[Traduction]

si les compagnies d'assurances émettent une dénégation de responsabilité.

Dans le Globe and Mail du mercredi 6 mai 1998, à la page B-9, Royal & SunAlliance, par exemple, publie une annonce immense couvrant les deux tiers d'une page, dans laquelle elle dit que la plupart des pertes causées aux entreprises par des pannes liées au passage à l'an 2000 ne sont pas couvertes par ses polices d'assurance.

Quelle est votre réaction à cela?

[Français]

M. Michel Racicot: Monsieur Bellemare, nous leur suggérons de vérifier leurs polices d'assurance pour déterminer si ce risque est couvert. Dans certains cas, le risque peut être couvert. Dans d'autres cas, parce que l'exclusion n'est pas spécifique, il se peut fort bien que la police d'assurance le couvre aussi. Dans d'autres cas, par exemple dans le cas de polices d'assurance-erreurs et omissions ou de polices d'assurance-responsabilité professionnelle, on peut acheter une protection contre le risque de l'an 2000. Ce pourrait être le cas d'une entreprise qui fait des logiciels sur mesure. Donc, il est très important de vérifier.

Il y a une autre chose. Comme les polices sont émises annuellement, il y aura probablement au moins deux renouvellements de police d'ici l'an 2000. Je ne sais pas si vous faites comme moi, mais quand je reçois ma police d'assurance, je regarde le montant de la prime et je mets le document dans mon tiroir. Je soupçonne plusieurs entreprises de faire la même chose. Nous disons aux gens de vérifier leur renouvellement de police pour voir si les assureurs n'ont pas ajouté des clauses qui excluent spécifiquement ce risque, de lire les petits caractères lors du renouvellement de leur police d'assurance. Il est très important de vérifier afin de voir si ce risque est couvert.

M. Eugène Bellemare: Oui, mais il y a dans le Globe and Mail une page presque entière où on dit aux gens qu'ils ne sont pas assurés.

M. Michel Racicot: On leur dit que leur police actuelle ne couvre pas ce risque, mais si vous continuez, vous verrez que la Royal & SunAlliance vous propose un produit qui va le faire, si je me souviens bien. J'ai déjà vu cette annonce. Je ne l'ai pas devant moi, mais je pense que leur message est que la compagnie offre un produit qui assure ce risque.

M. Eugène Bellemare: Non, ils ne parlent pas d'un produit.

M. Michel Racicot: Je sais que certains assureurs ont offert de nouveaux produits.

M. Michael Fortier: Il y a un élément additionnel, si je peux intervenir. La question est de savoir si la police va permettre une réclamation si cela se produit après l'an 2000.

M. Eugène Bellemare: Oui.

M. Michael Fortier: Il ne s'agit pas seulement de savoir si c'est couvert, mais aussi de savoir si vous pourrez avoir accès aux bénéfices de la police si le sinistre, comme on dit en assurance, survient ou est découvert après l'an 2000.

M. Michel Racicot: Plusieurs de ces polices sont ce qu'on appelle en anglais des claim-based insurance policies qui comportent une obligation de divulgation à l'assureur dès qu'on connaît un risque. Le problème juridique qui se pose est le suivant: quand avons-nous l'obligation de divulguer le risque ou la réclamation potentielle à l'assureur pour s'assurer, si c'est couvert par la police, qu'on sera effectivement couvert quand le sinistre va survenir?

M. Eugène Bellemare: Vous avez trois définitions pour ce qui est d'être prêt pour l'an 2000. Quelles sont ces trois définitions?

M. Michel Racicot: Je vous expliquais que, dans le contexte d'une transaction, il y avait trois contrats différents et que trois cabinets d'avocats différents étaient arrivés à des définitions différentes de l'an 2000. Malgré leurs nuances, ces contrats revenaient peut-être au même, mais si un juge devait les interpréter les uns par rapport aux autres, il dirait peut-être qu'on n'a pas mis les mêmes définitions parce qu'on ne voulait pas dire la même chose.

Je vous donne un exemple pratique. Vous avez un logiciel de gestion de l'approvisionnement d'une usine qui vous permet d'inscrire les quatre chiffres de l'année dans la date. Vous inscrivez 2000 et le logiciel reconnaît cette date.

• 1210

Le logiciel vous permet également de n'utiliser que les deux derniers chiffres, et vous décidez de mettre 00. Le logiciel n'interprète pas la date comme étant 2000, mais plutôt 1900. Peut-on dire que ce logiciel est conforme aux exigences de l'an 2000? La compagnie peut bien dire que c'est le cas, parce qu'elle recommandait à ses clients de mettre les quatre chiffres. Il y avait de l'espace pour le faire dans le champ de date du logiciel, et le client a décidé de ne pas les mettre. D'autres pourront argumenter que, comme le logiciel acceptait une date à deux chiffres, il aurait dû avoir la logique nécessaire pour présumer que, lorsqu'on mettait 00 comme date d'approvisionnement d'une usine, on ne voulait pas l'approvisionner rétroactivement, mais bien en l'an 2000.

Il y a certaines générations de logiciels qui acceptent aussi bien deux chiffres que quatre. Selon la logique de la nouvelle version, quand on mettra 00 ou n'importe quel chiffre subséquent, jusqu'à 35 environ, on va présumer qu'on voulait dire 2000 à 2035.

Donc, il y a différentes nuances. Certains disent que ce logiciel n'est pas conforme aux exigences de l'an 2000 et d'autres, qu'il l'est. Il est très difficile d'arriver à une définition uniforme.

M. Eugène Bellemare: Si on dit que le problème ne vient pas du programme, j'imagine que les entreprises vont vouloir corriger leur programme, mais c'est une question de puce intégrée et la puce est probablement fabriquée en Asie. Dans ce cas, qui est responsable s'il n'est pas possible de vérifier si la puce est conforme à l'an 2000, étant donné qu'elle a été produite à l'extérieur du pays, par exemple en Asie, où on pourrait avoir de la difficulté à poursuivre les gens? Qui est responsable?

[Traduction]

M. Richard Corley: La question dont nous devons vraiment discuter et qu'il faut examiner concerne les différents types de responsabilité, et nous devons les examiner chacun séparément.

Si vous avez un contrat d'achat, vous voudrez vous assurer d'avoir pris les mesures voulues pour être certain que la puce fabriquée en Asie est vraiment prête pour le passage à l'an 2000.

Lorsqu'on parle de prendre les mesures voulues, on peut vouloir dire différentes choses, selon l'utilisation qu'on fait de la puce et de la technologie. À un certain niveau, cela peut signifier qu'il faut se renseigner, obtenir confirmation directement du fournisseur ou d'une tierce partie que la puce est réellement prête au passage à l'an 2000. Dans d'autres circonstances, l'acheteur voudrait peut-être faire confirmer indépendamment la préparation du circuit et le vérifier lui-même. En ce qui concerne les gens d'affaires qui achètent des éléments critiques à un fournisseur et qui se demandent si ces éléments sont prêts pour le passage à l'an 2000, les recommandations du rapport du groupe de travail de Jean Monty en parlent.

Le conseil qu'on donne dans le rapport de l'ABC est d'examiner les secteurs pour lesquels vous risquez d'être tenu responsable et de vous assurer d'avoir pris les mesures voulues pour vous protéger en faisant appel à d'autres fournisseurs, en faisant des tests et en obtenant des confirmations et des garanties.

Ce sont les mesures qu'il faut prendre. Cela fait partie de ce que l'on qualifie généralement de processus de la diligence raisonnable. On prend ces mesures et dans chaque cas, il faut comprendre et évaluer ce qui est raisonnable dans les circonstances, car il y a des différences d'un cas à l'autre.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Bellemare.

Je veux poser une brève question avant de partir et je donnerai ensuite la parole à Mme Lalonde pour qu'elle puisse poser ses questions.

Savez-vous qu'aux États-Unis—et c'est peut-être déjà le cas au Canada—au Michigan et en particulier à Detroit, des poursuites ont déjà été intentées? Est-ce la même chose au Canada?

Il semble qu'il y avait un certain nombre de caisses enregistreuses qui n'étaient pas prêtes pour le passage à l'an 2000. Des entreprises ont fait un investissement important et les poursuites ont déjà commencé.

M. Michel Racicot: Personnellement, je suis au courant de cinq cas. L'affaire des caisses enregistreuses a été la première. On a eu recours à la médiation dans cette affaire et on a proposé de la régler pour une somme de 250 000 $. Quatre poursuites en recours collectif ont été intentées aux États-Unis.

• 1215

Aux États-Unis, il faut faire la distinction. Les entreprises peuvent engager des recours collectifs, car le droit américain le permet.

En droit canadien, les recours collectifs ne sont permis par la loi qu'en Ontario, au Québec et en Colombie-Britannique, et encore faut-il qu'un recours collectif ne soit engagé que par des particuliers.

Vous abordez ici un élément du droit international qui peut être très intéressant. Les entreprises canadiennes qui ont subi des préjudices et qui sont liées par un contrat régi par une loi d'un État américain peuvent-elles s'inscrire comme coplaignantes dans un recours collectif aux États-Unis? C'est une bonne question. Bien sûr, la réponse à cette question est déterminée par le droit américain. Je ne pense pas que nous soyons compétents en la matière. Il s'agit toutefois précisément du genre de question qu'il importe de poser, ce qu'il va d'ailleurs falloir faire.

M. Laird Hunter: Dans la même veine et pour répéter ce que nous disions à propos de l'examen formel des questions parallèles aux questions commerciales, je dirai que de nombreuses compagnies se penchent désormais sur cela et s'en remettent au tribunal international d'arbitrage, car elles s'attendent à ce qu'un problème comme celui-là survienne un jour, et elles se dotent ainsi d'un mécanisme pour le cas où, ultérieurement elles se trouveraient dans cette situation.

La présidente: Je pense que ce sera très intéressant. Vous savez sans doute que le comité en a discuté: nous avons tous dit que nous ne voulions pas que ce soient les avocats qui s'enrichissent à cause de cela. Nous voulons que tout le monde puisse rester en affaires. Excusez-moi, mais lorsqu'il n'y a que deux membres du comité...

M. Michael Fortier: Peut-on dire alors que vous ne voulez pas que les avocats s'enrichissent, un point c'est tout? Que voulez- vous dire au juste par là?

La présidente: Je vais céder la parole à Mme Lalonde.

[Français]

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Merci beaucoup de votre présentation. Franchement, j'aurais bien aimé l'entendre plus tôt. Peut-être n'étiez-vous pas prêts pour le 4 juin 1998.

En tout cas, vous me posez un problème extrêmement important, parce que vous ajoutez à la dimension technique, technologique et organisationnelle non seulement des entreprises, mais aussi des organismes publics responsables. C'est une dimension que j'avais vraiment sous-évaluée. L'élément que vous nous amenez est un frein à l'action plutôt qu'un encouragement à l'action. Il me semble que les entreprises, au lieu de se lancer tout de suite dans l'adaptation, vont devoir se poser d'importantes questions d'ordre juridique. C'est ma première question.

Vous parlez constamment des entreprises. Manifestement, votre point de vue est celui de la défense des entreprises. Mais il devrait y avoir aussi une étude du côté des consommateurs. Les consommateurs ont bien moins de moyens que les entreprises.

Au Québec, j'ai moi-même incité les organisations de consommateurs à s'occuper de cela, mais elles ont beaucoup de chats à fouetter et très peu de moyens. Cependant, au bout de la course, ce sera souvent le consommateur qui sera aux prises avec des produits défectueux, comme consommateur, comme citoyen, comme malade ou comme client. Dans l'examen que vous faites, vous amenez les entreprises à se protéger contre cela, mais il faudra qu'il y ait aussi la contrepartie. Donc, est-ce que le Barreau s'occupe des consommateurs? Je sais que c'est de la compétence des provinces, et c'est peut-être la réponse que vous allez me faire, mais les barreaux des provinces ont dû se mettre en rapport avec vous. En avez-vous parlé? Toute cette question me préoccupe beaucoup.

Troisièmement, parlons des PME. Dans bien des cas, les PME vont avoir de la difficulté à faire les investissements nécessaires. On a fait une recommandation concernant l'amortissement accéléré, mais dans bien des cas, elles auront de la difficulté à emprunter, du moins tant que l'amortissement n'aura pas été assuré. Quand l'amortissement sera assuré, les choses iront sans doute mieux, mais si elles doivent aussi assumer des frais juridiques importants pour évaluer leur responsabilité, ce sera un frein. Je vous lance mes inquiétudes en vrac.

• 1220

M. Michael Fortier: Merci, madame Lalonde. On va répondre en comité et se diviser vos questions, si vous n'y voyez pas objection.

D'abord, en ce qui a trait au rapport, les avocats accompagnent leurs clients dans leurs démarches. Que ce soit pour l'an 2000, pour une acquisition, pour l'incorporation ou pour une transaction dans le domaine immobilier, l'avocat accompagne son client. L'an 2000 représente un défi énorme. Vous le savez car vous travaillez en comité sur ce sujet depuis très longtemps.

Le monde juridique ne vous propose pas un frein ce matin, mais plutôt des façons d'accompagner l'entreprise, les personnes qui sont dans l'industrie au Canada pour les aider à passer à travers cette étape. Il y a près de 140 points de droit qui sont décrits ici. Ils ne s'appliqueront pas tous à tout le monde. Donc, il ne faudrait pas s'imaginer que ce document ouvre une valve extraordinaire. C'est tout le contraire.

Je dis toujours à nos clients qu'il vaut mieux prévenir que guérir, et c'est très vrai. Nous offrons une façon d'être proactif. Donc, il ne faudrait pas que vous soyez découragés. Au contraire, nous trouvons que c'est une façon d'aider les entreprises à mieux se préparer.

M. Michel Racicot: Je réponds à votre deuxième question, à savoir si on se préoccupe uniquement de la défense de entreprises et non de celle des consommateurs. On a parlé d'entreprises ici, mais on aurait pu tout aussi bien parler de gouvernements ou d'individus. L'entreprise est à la fois un fournisseur de produits et de services et un consommateur.

Le problème technologique auquel on fait face, c'est justement que tout est intégré maintenant. On pense avoir résolu le problème de l'an 2000 parce que notre produit est conforme à l'an 2000, mais on a résolu seulement une facette du problème. Si mon fournisseur, celui qui doit m'aider à fabriquer mon produit, n'est pas conforme, je ne recevrai pas mes pièces. Par exemple, on a parlé d'une puce plus tôt. Peut-être que la puce que je veux intégrer à mon produit ne sera pas conforme.

Donc, on a parlé d'entreprises, mais on aurait pu tout aussi bien parler de consommateurs. Le consommateur fait face à la même problématique que l'entreprise parce que lui aussi devra faire face à des produits défectueux, comme patient ou autrement. Je pense que c'est exactement la même problématique. Le consommateur a peut-être la possibilité d'utiliser le recours collectif comme moyen de faire face au problème. Il peut inciter les entreprises à régler le problème en les menaçant d'un recours collectif.

Si le grille-pain ou la cafetière du consommateur ne fonctionne plus automatiquement en l'an 2000, ce ne sera peut-être pas un dommage grave qui méritera un recours individuel, mais un recours collectif, c'est autre chose.

La même problématique s'applique à tout le monde. L'outil que propose le Barreau s'applique tout autant aux petites et moyennes entreprises et aux consommateurs qu'aux plus grandes entreprises.

Là-dessus, j'aimerais céder la parole à mon collègue Laird Hunter, qui voudrait vous parler davantage des préoccupations en ce qui a trait aux PME.

[Traduction]

M. Laird Hunter: Votre préoccupation au sujet des capitaux nécessaires pour traiter ce problème est tout à fait légitime. J'exerce le droit et j'ai certains clients depuis 25 ans. Ces clients font partie de ma collectivité et je m'inquiète pour leurs moyens financiers. C'est un problème qui reste entier, peu importe le problème juridique. De plus en plus, une entreprise qui se veut concurrentielle utilise avec prudence la gestion des risques comme un moyen lui permettant de prospérer. Selon notre description, les préceptes, le cadre de référence si vous voulez, ne sont qu'un seul aspect d'une gestion prudente de l'entreprise.

Pour en revenir à ce que disait M. Racicot, tout cela sera en grande partie un problème de magnitude. Il se peut malheureusement que certaines entreprises se soient dotées d'une technologie déjà ancienne et achetée à l'étranger. Comme le soulignait M. Bellemare, ce n'est la faute de personne. Les avocats ne peuvent pas apporter une solution à ce problème. C'est un problème qui se présentera.

• 1225

Ce que nous espérons pouvoir faire comprendre aux dirigeants d'entreprises, dans le droit fil de ce que disait M. Monty au sujet de ce que nous espérons faire valoir, c'est que plus tôt on se pose la question, plus tôt on étudie la palette des problèmes qui risquent de se poser, moins il en coûtera.

M. Richard Corley: J'aimerais également dire quelques mots à ce sujet. Vous avez parlé de l'incidence des honoraires juridiques et vous avez dit que c'était l'un des éléments en cause. Dans cet ordre d'idée, il est, je pense, extrêmement important de signaler que toute cette information, le rapport par exemple, est accessible gratuitement sur Internet, et qu'il y a d'autres références encore, comme par exemple le rapport de Jean Monty. Les entreprises peuvent donc avoir accès à ce genre d'information. Elles peuvent elles- mêmes prendre l'initiative, elles peuvent circonscrire les problèmes et elles peuvent faire l'essentiel de tout cela, voire souvent l'intégralité, sans devoir s'adresser à l'extérieur.

Il y a toutes sortes d'informations à ce sujet. Notre cabinet a envoyé des milliers de circulaires à des entreprises dont les noms figuraient sur les listes d'expédition afin de les informer et de les inciter à la réflexion. C'est une information qui est facilement accessible et qui permettra précisément de trouver des solutions à ces problèmes.

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Je vous remercie, monsieur Corley.

[Français]

Madame Lalonde, votre temps est écoulé. Vous avez eu deux fois plus de temps que la normale et vous allez avoir la chance de revenir.

[Traduction]

Je dois vous avertir que les députés tiennent jalousement à leur temps parole. Ils ont cinq minutes et cette réponse en a nécessité dix. Mme Lalonde a un peu donné le mauvais exemple par un très long préambule, de sorte que vous lui avez emboîté le pas.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Monsieur Bellemare, vous ne vous souvenez pas de la longueur de vos préambules.

[Traduction]

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Touché. Vous êtes extrêmement intéressant mais vous pourriez être un peu plus succinct.

Nous allons maintenant entendre M. Lastewka.

M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.): Je vous remercie monsieur le président.

Je voudrais aborder trois éléments. Tout d'abord, il y a à l'heure actuelle des compagnies qui vendent du matériel qui n'est pas conforme à la norme de l'an 2000. Je n'ai pas eu l'occasion de parcourir votre résumé dans son intégralité, mais nous avons effectivement averti les consommateurs, nous avons tous mis quelque chose à ce sujet dans nos bulletins parlementaires, afin précisément de les pousser à se renseigner.

En revanche, je ne vois rien de tout cela ici. Avez-vous lancé des avertissements ou est-ce au consommateur de se méfier?

M. Michael Fortier: C'est au consommateur de se méfier.

M. Walt Lastewka: Il s'agit donc de dénicher les compagnies qui font ce genre de chose et d'en être conscient. C'est cela que vous dites en tant qu'avocat?

M. Michael Fortier: En effet.

M. Walt Lastewka: Monsieur Corley, vous avez dit que le livre bleu pouvait être consulté sur Internet, vous avez parlé de la marche à suivre et ainsi de suite. En avez-vous déjà fait part aux gens de votre milieu juridique?

M. Richard Corley: Nous allons envoyer très prochainement à nos confrères le rapport de l'Association sur la marche à suivre. Ce rapport incidemment peut déjà être consulté sur le site Internet de l'Association. Il sera en revanche clairement identifié et mis en exergue dans les diverses publications de l'Association, et il sera également offert sur toute une série de supports. Je crois également savoir qu'il pourra être obtenu via le groupe de travail pour l'an 2000, qui pourra en distribuer des milliers d'exemplaires.

M. Walt Lastewka: Pendant la première semaine de mai, j'ai délibérément vérifié auprès de plusieurs cabinets d'avocats de ma région s'ils avaient reçu quelque chose de vous, et ils m'ont répondu non. Je leur ai donc fait parvenir toute l'information de la FCEI que j'avais. Incidemment, lors d'une de ces conversations, j'avais dit à ces gens que leurs télécopieurs risquaient de ne plus fonctionner après l'an 2000, ne sachant pas d'ailleurs que c'était déjà le cas.

Cette information commence donc à être diffusée.

M. Richard Corley: C'est exact.

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Monsieur Lastewka, permettez-moi d'intervenir, et cela sera déduit de votre temps de parole.

Vous nous dites que vous envoyez aux cabinets d'avocats une marche à suivre.

M. Richard Corley: Il y en aura une autre.

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Pourrions-nous en avoir copie?

M. Richard Corley: Certainement, lorsqu'elle sera disponible.

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Y en a-t-il plusieurs versions?

• 1230

M. Laird Hunter: Comprenons-nous bien. Il s'agit d'une marche à suivre au niveau de l'entreprise ou du cabinet. Nous en préparons également une à l'intention des avocats.

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Pourrions-nous également l'obtenir?

M. Laird Hunter: Mais certainement.

M. Walt Lastewka: Cette dernière correspond plus particulièrement à leur domaine d'activités?

M. Laird Hunter: C'est exact.

M. Walt Lastewka: Chez moi, tout le monde a reçu le rapport de Jean Monty et j'imagine que tout le monde s'en félicite.

Michael, vous avez parlé des chefs d'entreprise, et je pars donc du principe qu'au Canada, tous les avocats ont informé leurs directeurs respectifs au sujet de leurs responsabilités. Est-ce une conclusion valable?

M. Michel Racicot: Non, cela reste au niveau des conjectures.

M. Walt Lastewka: Je suis intimement convaincu que l'Association du Barreau canadien a un rôle de leadership très important à jouer dans ce dossier.

M. Michel Racicot: Nous essayons de sensibiliser les milieux juridiques aux nombreuses facettes des problèmes de droit que cela pose, afin que les avocats puissent à leur tour en informer leurs clients.

Dans certaines études, on a peut-être davantage pris les devants que dans d'autres. Dans d'autres, on se contente peut-être de réagir. Certains avocats appellent leurs clients pour leur signaler leurs problèmes alors que d'autres attendent que leurs clients les consultent.

Pour notre part, nous avons essayé de prendre les devants. Nous avons organisé des conférences sur la question. Nous avons envoyé de la documentation. Nous allons envoyer notre marche à suivre et nous n'allons pas garder cela simplement pour nous. Notre cabinet va envoyer tout cela à ses propres clients également afin de les sensibiliser à la question. Je pense également que les directeurs et les administrateurs lisent les journaux. Ils sont dans l'obligation de s'informer, et je ne pense pas que quiconque en pleine possession de ses facultés intellectuelles puisse dire qu'il ignore le problème de l'an 2000.

M. Walt Lastewka: Je voudrais pouvoir en avoir la certitude. Nous avons parlé aux diverses associations, nous avons entendu les fabricants de produits pharmaceutiques et les associations les plus diverses. Ce que je constate, lorsque j'en parle après coup aux membres des associations en question, c'est qu'ils n'ont rien reçu en fait de documentation, mais que suite aux travaux de notre comité, maintenant ils commencent à en recevoir.

J'étais personnellement persuadé que l'Association du Barreau canadien jouait un rôle de tout premier plan à ce sujet en veillant à ce que tous les administrateurs sans exception sachent quelles sont leurs responsabilités. C'est le message que nous essayons de faire passer dans notre rapport.

En second lieu, l'association ne pourrait-elle pas composer un document qui aiderait les avocats à faire précisément la même chose pour leurs clients, entreprises et gens d'affaires? Comment pourrions-nous travailler en concertation, députés et membres de l'association, pour que cela puisse se faire?

M. Michael Fortier: L'Association du Barreau canadien compte 35 000 membres et tous ne sont pas au courant. Je ne vous l'apprendrai pas ce matin. Ils vont finir par savoir, puisque nous déposons notre rapport aujourd'hui, que ce rapport existe. Nous envoyons divers bulletins consacrés à des questions de droit, mais je ne vous assommerai pas avec des détails.

Votre question toutefois est excellente parce que nous avons ici aujourd'hui Richard et Michel, qui travaillent pour d'importantes études d'avocats de Montréal et de Toronto. Ces études ont une clientèle qu'on peut qualifier de très importante d'entreprises cotées en bourse de tout premier plan. Elles sont au courant.

Nous devons également, je pense, mieux sensibiliser les entreprises et les compagnies qui ne sont pas situées en région urbaine. Nous avons des avocats sur place. Il y a un peu partout au Canada des cabinets et des études où ne travaille qu'un seul avocat. Ce document, cette marche à suivre, va beaucoup les aider à informer leurs clients de ce qui les attend.

M. Walt Lastewka: Richard avait tout à fait raison lorsqu'il disait qu'il fallait régler les différends avant la crise. C'est là précisément que l'association peut intervenir. Les membres du comité ici présents aimeraient d'une façon ou d'une autre pouvoir travailler en concertation pour que cela se fasse, parce qu'en fin de compte, toutes les firmes, toutes les entreprises, toutes les compagnies, petites et grandes, recourent d'une façon ou d'une autre aux services d'un avocat ou d'un comptable. Si nous travaillons dans ce sens, nous aurons à tout le moins assumé nos responsabilités.

• 1235

J'aimerais que l'Association du Barreau canadien réfléchisse bien à la façon dont nous pourrions faire quelque chose ensemble. Tous les députés envoient régulièrement des bulletins parlementaires, leur 10 p. 100. J'ai moi-même des avocats parmi mes électeurs. J'envoie des informations tous azimuts. Pourquoi ne pourrions-nous pas ensemble faire passer cette information, dont Richard a parlé, pour renseigner les clients et les fournisseurs? Il y a plein de gens que cela intéresse. Comment pourrions-nous nous y prendre?

M. Richard Corley: Cette constatation est tout à fait pertinente. Mais pour rectifier quelque chose qui a été dit il y a quelques instants, je dirai qu'il y a deux mois sans doute l'Association du Barreau canadien, sur la couverture de la publication qu'elle envoie à tous ses membres, leur avait expressément fait une mise en garde sur les problèmes de l'an 2000 et avait annoncé la publication prochaine du rapport. Ainsi, l'information nécessaire est diffusée un peu en continu et la tendance va se poursuivre et s'accélérer.

L'Association du Barreau canadien parle dans son rapport de toute une série de vecteurs possibles, par exemple la cogestion, les autres mécanismes de règlement des différends et toutes les autres formules qui permettent de régler les différends au niveau le plus bas possible et le plus rapidement possible. C'est d'ailleurs quelque chose sur laquelle le rapport insiste beaucoup et qu'il encourage. L'Association du Barreau canadien va continuer à faire valoir cela.

M. Jim Jones (Markham, PC): Je voudrais poursuivre dans la même veine que M. Lastewka.

J'entendais l'autre jour à la radio qu'aux États-Unis, Quicken avait été condamnée à une amende parce que cette compagnie vendait des produits qui n'étaient pas conformes aux normes de l'an 2000. Existe-t-il à votre connaissance aux États-Unis des lois qui exigent que tous produits vendus soient conformes aux normes de l'an 2000.

M. Michel Racicot: Pas que je sache. D'ailleurs, cette compagnie n'a pas été condamnée. Il s'agit d'Intuit Inc., qui vend un produit qui s'appelle Quicken. Elle a été poursuivie parce qu'elle obligeait les gens à acheter la dernière version de ce produit qui, elle, est conforme aux normes de l'an 2000. À partir de là, un cabinet d'avocats de New York a lancé un recours collectif. Ce cabinet en est d'ailleurs à son troisième recours collectif dans le dossier de l'an 2000. Il considère cela comme un créneau porteur.

Son argumentation dans ces causes, car elles se ressemblent toutes, est qu'on contraint les gens à moderniser leur système pour la seule raison que le produit initial n'était pas conforme aux normes de l'an 2000. Je ne pense pas toutefois qu'il y ait eu condamnation. Je ne pense pas non plus qu'il y ait de loi qui interdise à une entreprise de vendre un produit qui n'est pas conforme aux normes de l'an 2000, même si l'entreprise qui le fait s'expose à des poursuites. Vous qui avez travaillé pour IBM, monsieur Jones, vous devez le savoir sans doute.

M. Jim Jones: Admettons qu'une loi entre en vigueur à la fin juin, étant donné que le temps commence à presser, qui interdirait la vente de tout produit, logiciel ou autre matériel qui ne serait pas conforme aux normes de l'an 2000 et qui rendrait responsable le vendeur plutôt que l'acheteur, quelles seraient les ramifications? Je ne comprends pas pourquoi nous ne pourrions pas légiférer dans ce sens.

M. Michael Fortier: Tout produit peut avoir une kyrielle de défauts et, entre autres celui-là. Si on légiférait dans le cas précis du bogue de l'an 2000, on risquerait d'autres problèmes à propos des autres défauts du produit en question. Lorsqu'un consommateur achète quelque chose dans un magasin, la loi provinciale lui offre une protection de base. Je ne pense pas qu'en légiférant de façon plus précise on pourra nécessairement régler le problème pour autant. Ce serait plutôt une véritable boîte de pandore et le résultat final ne vous plairait guère.

M. Jim Jones: Mais c'est la seule façon de protéger les petites entreprises. Dans toutes vos recommandations, vous dites aux gens de bien lire leur contrat, de vérifier ceci ou cela, de tout mettre noir sur blanc et ainsi de suite. Pourquoi ne pourrions-nous pas aussi avoir une loi grâce à laquelle on pourrait partir du principe que lorsqu'on achète quelque chose—cela pourrait également être mis sur l'étiquette—ce quelque chose est conforme aux normes de l'an 2000, au lieu d'avoir la situation actuelle où les petites compagnies ne pense même pas à vérifier cela?

M. Michael Fortier: Mais pourquoi alors ne pas simplement adopter une loi disant qu'il est interdit de fabriquer et de vendre des produits défectueux?

M. Jim Jones: Pas du tout. Nous parlons ici d'un problème très précis. C'est un simple problème de date. En 1995, je crois, les fabricants d'ordinateurs ont inondé le marché canadien de toutes sortes de matériels qui n'étaient pas conformes aux normes de l'an 2000. Comment avoir la certitude qu'il n'y aura pas sur le marché gris des gens qui vont brader toutes sortes de produits au détriment des petites gens?

• 1240

M. Michel Racicot: Je pense que cette loi existe déjà. Toutes les provinces ont une loi sur la protection du consommateur. La common law protège le consommateur tout comme elle protège les acheteurs dans toutes les provinces. Au Québec, il y a le Code civil. La loi existe déjà. Si une entreprise vend un produit défectueux, la loi est déjà là et, dans la plupart des cas, c'est au vendeur à prouver qu'il ignorait que son produit était défectueux ou dangereux. Dès lors que vous parvenez à prouver qu'un produit défectueux vous a occasionné un préjudice, il incombe au vendeur de prouver que la science ou la technologie ne lui permettait pas de le savoir.

Je pense donc que la loi existe déjà. Si vous procédez ainsi, vous risquez d'avoir une loi formulée de telle façon qu'elle permette des moyens de défense qui n'existent peut-être pas actuellement. Je pense qu'une loi qui irait dans ce sens serait plus dangereuse que la législation actuelle, sans même parler du fait que dans la majorité des cas, cela relèverait de la juridiction provinciale, de sorte que les lois pourraient fort bien ne pas être les mêmes d'une province à l'autre.

M. Jim Jones: Le problème de l'an 2000 est-il considéré comme associé à un produit défectueux, en ce sens que tout produit mis sur le marché est défectueux?

M. Michel Racicot: Cela dépend de la date de mise sur le marché et des circonstances.

M. Jim Jones: Jusqu'où faut-il remonter? Après tout, nous sommes au courant depuis 1970.

M. Michel Racicot: Il n'y a pas de date magique. Cela dépend. Peut-être le fabricant a-t-il conçu un produit en sachant parfaitement qu'il allait être utilisé après l'an 2000.

M. Jim Jones: Ne pourrions-nous pas avoir une loi qui dirait par exemple qu'à partir du 30 juin 1998, tout produit non conforme est défectueux?

M. Michel Racicot: En France, l'Assemblée nationale y a pensé, mais elle a dû très rapidement abandonner l'idée parce que personne ne parvenait à s'entendre sur une date.

M. Jim Jones: Mais admettons qu'à partir du 30 juin 1998, n'importe quel produit, logiciel, matériel ou autre application mis sur le marché soit considéré comme défectueux s'il n'est pas conforme aux normes de l'an 2000.

M. Michael Fortier: Mais comment mettre cela en application?

M. Jim Jones: Je l'ignore. Je voudrais que vous nous reveniez avec une recommandation qui nous dirait comment nous y prendre.

M. Michael Fortier: Voilà qui sonne bien, mais que faire?

M. Jim Jones: Je n'essaie pas seulement de bien paraître. Vous savez, il y a beaucoup de gens qui risquent de se retrouver sur la paille parce qu'ils ont acheté un produit qu'ils pensaient conforme.

M. Richard Corley: Dans le cadre de la législation fédérale, l'article 62 de la Loi sur la concurrence, qui porte sur la publicité trompeuse, offre un recours très efficace non seulement sur le plan pénal, en faisant un délit des fausses représentations, des publicités mensongères ou trompeuses du point de vue matériel, mais également sur le plan civil en permettant les recours correspondants. Si aujourd'hui une compagnie affirme de façon mensongère que son produit est conforme aux normes de l'an 2000, la loi fédérale permet déjà des recours.

M. Jim Jones: Vous parlez d'un produit qui serait présenté de façon mensongère comme conforme aux normes de l'an 2000. En revanche, si le fabricant ne prétend rien mais que l'acheteur pense que le produit...

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Je vous remercie, monsieur Jones. La parole est maintenant à M. Schmidt.

M. Werner Schmidt (Kelowna, Réf.): Merci, monsieur le président.

Messieurs, je vous remercie d'être venus aujourd'hui. J'aurais une question toute simple et très courte et peut-être votre réponse sera-t-elle «oui, cela existe», ou peut-être sera-t-elle «non, cela n'existe pas» ou «je l'ignore».

Certains appareils médicaux déjà en production sont conformes aux normes de l'an 2000 et d'autres ne le sont pas. Un établissement médico-sanitaire, un hôpital par exemple, doit absolument savoir ce qu'il en est. L'hôpital en question écrit au fabricant et le fabricant refuse de dire clairement s'il a utilisé des puces qui sont ou non compatibles. Qui est responsable?

M. Michel Racicot: Cela peut dépendre des circonstances car il peut y avoir différents chefs de responsabilité.

Peut-être avez-vous lu le contrat, et avez-vous pu déterminer si ce contrat disait effectivement oui ou non ou s'il y avait une prétention implicite. Cela peut également dépendre de la date de l'achat. Il y a peut-être également d'autres chefs de responsabilité en droit de la responsabilité délictuelle. Si en ne répondant pas, le fabricant essaie de masquer un problème, peut-être ce fabricant est-il responsable non pas en vertu du droit des contrats mais en vertu du droit de la responsabilité délictuelle, étant donné qu'il avait peut-être le devoir d'avertir l'acheteur d'un danger potentiel.

• 1245

Je connais personnellement le cas de la secrétaire d'un avocat, un spécialiste de l'informatique de Salt Lake City, qui est morte à la suite d'une surdose de médicaments due à une erreur de programmation d'un appareil médical. C'est le genre de chose qui peut se produire, sans que l'an 2000 y ait à voir quoi que ce soit. Le contraire est à espérer. Je n'essaie pas de faire peur à qui que ce soit, mais c'est néanmoins une réalité.

Ce que j'essaie de vous dire, c'est qu'à mon avis, nous ne pouvons pas répondre de façon catégorique «oui, la compagnie en question est responsable». Toutefois, il se pourrait fort bien qu'en refusant de répondre, sachant pertinemment qu'il y a un problème, elle soit effectivement responsable, mais dans ce cas-ci en vertu du droit de la responsabilité délictuelle.

M. Laird Hunter: Dans la même veine, vous avez sans cesse entendu dans les témoignages que vous avez reçus depuis octobre dernier des expressions comme «la panacée», «la pilule magique» ou encore «la balle en argent». Les gens ont toujours dit qu'il n'y avait pas de formule magique et nous tenons à le répéter. En droit, il n'y a pas de panacée.

Nous ne saurions vous donner un texte de loi qui absoudrait de tout risque et qui résoudrait tous les problèmes. Nous pouvons simplement vous donner ce que nous essayons de faire, c'est-à-dire la démonstration de la nécessité qu'il y a d'être prudent en droit, tout comme il est nécessaire d'être prudent en affaires.

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Merci, monsieur Schmidt.

Madame Lalonde.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Il doit y avoir des barreaux dans chacune des provinces. Ont-ils travaillé à cette question?

M. Michel Racicot: Je ne crois pas que le Barreau du Québec l'ait fait. Quand aux barreaux des autres provinces, ils ne l'ont pas fait non plus, que je sache. L'Association du Barreau canadien a pris le leadership au niveau de ce problème, mais plusieurs membres des barreaux provinciaux sont aussi membres du Barreau canadien. L'information sera diffusée, et le principal sujet du prochain numéro du Journal de l'Association du Barreau canadien sera le rapport sur l'an 2000. On espère ainsi alerter les gens le plus possible.

Mme Francine Lalonde: Cela veut dire qu'on va vous voir davantage.

M. Michel Racicot: Je dois dire qu'il y a un journal particulier de l'Association du Barreau canadien pour la division du Québec.

Mme Francine Lalonde: À cause du droit civil.

M. Michel Racicot: On m'a interviewé là-dessus la semaine dernière.

Mme Francine Lalonde: Je sais, par exemple, que l'Ordre des comptables agréés du Québec a été très actif avec le ministère de l'Industrie et du Commerce et l'Association des manufacturiers canadiens, mais vous n'étiez pas là, que je sache. C'est-à-dire que le Barreau n'était pas là. Il me semble qu'il va falloir que cela s'ajoute rapidement. Il faudrait peut-être aussi qu'il y ait des liens avec le site Strategis. Je ne sais pas si vous y avez pensé, mais il va falloir que vous y pensiez.

M. Michel Racicot: C'est une très belle suggestion. Il pourrait y avoir sur le site Strategis un hyperlien avec le site du Barreau canadien pour ce rapport-là. C'est une très belle suggestion.

[Traduction]

M. Laird Hunter: Simplement pour votre édification, madame Lalonde, je dirai que plusieurs barreaux provinciaux ont déjà publié des bulletins d'avertissement concernant le bogue de l'an 2000 dans le cadre de leurs programmes de gestion du risque.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Ça va.

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Merci, madame Lalonde.

[Traduction]

À chaque réunion, on parle de «diligence raisonnable». La preuve de la diligence raisonnable et la définition de ce concept dépendraient-elles de l'envergure de l'entreprise dont il s'agit?

Par exemple, pour moi une entreprise comptant plus de 50 employés serait une grande entreprise, mais le petit magasin d'ordinateurs du coin a peut-être quatre ou cinq employés seulement. Des compagnies comme Mitel ou Nortel seraient assurément responsables si elles ne faisaient pas preuve de diligence raisonnable. Mais qu'en est-il des petites entreprises?

M. Richard Corley: La diligence est une norme juridique mouvante. Elle traduit en substance ce qui est raisonnable dans toutes les circonstances—par exemple, prendre en compte les coûts et les bénéfices, les risques et les récompenses. Nous mettons tout cela dans la balance en essayant de mettre l'accent sur les éléments les plus importants, après quoi nous les travaillons.

Il n'y a pas vraiment d'étalon qu'on puisse utiliser sur le plan juridique, un étalon qui permettrait de dire que ceci ou cela représente une diligence raisonnable dans tous les cas d'espèce. Tout cela est contextuel et, en règle générale, il y a toujours davantage d'éléments potentiels de risque dans une grande entreprise. Les grandes entreprises ont une palette plus vaste d'obligations à l'égard de différentes parties en vertu du droit des contrats, du droit de la responsabilité intellectuelle et du droit statutaire, et elles doivent faire davantage pour se conformer à la norme correspondante que ce ne serait le cas pour une entreprise plus petite.

• 1250

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Nous avons entendu, entre autres, l'Ontario Medical Association qui nous a dit que faute de crédits provinciaux pour les hôpitaux, on risquait de ne pas pouvoir conformiser tout l'appareillage médical.

Dans des cas comme celui-là, qui serait responsable? La province, l'hôpital, le fournisseur, le médecin ou le conseil d'administration de l'hôpital?

M. Michel Racicot: C'est une excellente question. Pour votre gouverne, je vous dirai que je sais pertinemment qu'au Québec, la Régie régionale de la santé, entre autres, a adopté des résolutions permettant aux hôpitaux de demander à leurs fournisseurs des confirmations et des garanties. La Régie régionale, je le sais, a engagé des experts en informatique appartenant à des cabinets d'experts-conseils pour la conseiller dans ce dossier. Je ne sais pas ce qui se passe en Ontario, mais je sais que c'est déjà le cas au Québec.

Pour revenir à la question de la responsabilité, des crédits insuffisants accordés aux hôpitaux ne donneraient pas nécessairement lieu à une responsabilité. En revanche, s'il est possible de prouver que l'hôpital savait que tel ou tel appareillage médical n'était pas conforme aux normes de l'an 2000, mais qu'il avait néanmoins décidé de l'utiliser, peut-être à ce moment-là la responsabilité de l'hôpital serait-elle engagée. Mais je ne pense pas que l'absence de fonds nécessaires soit un motif suffisant pour utiliser quelque chose qui, à votre connaissance, serait dangereux pour la santé d'autrui. Je ne pense pas que ce soit nécessairement un bon moyen de défense. Cela étant, les héritiers du patient auraient-ils motif à poursuivre le gouvernement provincial parce qu'il n'aurait pas donné les crédits nécessaires à l'hôpital? Je pense que ce serait un peu tiré par les cheveux.

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Dans le cas des entreprises incorporées en vertu d'une loi fédérale, qui est responsable? S'agit-il du président-directeur général, du conseil d'administration, de la compagnie ou du responsable de l'informatique?

M. Laird Hunter: Encore une fois, tout dépend des faits dans chaque cas. Je suis désolé de vous répondre comme un avocat, mais c'est ce que nous sommes.

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Vous répondez donc que dans de tels cas, c'est possible.

M. Laird Hunter: C'est possible, mais c'est peu vraisemblable. Dans de telles circonstances, la responsabilité du directeur serait protégée par le fait qu'il s'agit d'une société à responsabilité limitée. Comme l'a dit Michel, dans le cas où les directeurs participeraient sciemment à des actions qui donnent lieu à des dommages, ils engageraient leur responsabilité.

Il y a un détail utile dont il faut se souvenir pour expliquer ce principe: à bien des égards, le problème du passage à l'an 2000 est semblable, d'un point de vue juridique, à un problème environnemental. Nous en avons été saisis de façon très soudaine et on nous a soumis toute une série de circonstances que nous n'avions pas prévue. Le cas que vous signalez, c'est-à-dire celui d'une municipalité qui n'a pas assez d'argent, a déjà été résolu. Curieusement, ce sont des circonstances très limitées. Le mécanisme de disposition existe et le système judiciaire permettra de faire face aux situations de ce genre.

[Français]

M. Michel Racicot: Me permettez-vous d'ajouter quelque chose, monsieur Bellemare?

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Oui, monsieur Racicot.

M. Michel Racicot: Cela dépend de la cause d'action. Si, par exemple, la cause d'action est qu'on a mis sur le marché un produit défectueux, en général, ce sera l'entreprise qui sera tenue responsable. Mais si la cause d'action est qu'un actionnaire a investi dans l'entreprise, croyant que l'entreprise avait des produits conformes à l'an 2000 alors que les administrateurs savaient que les produits n'étaient pas conformes et ne l'ont pas divulgué dans la circulaire d'information ou dans le rapport annuel, eh bien, les administrateurs pourront être responsables. Cela dépend toujours de la cause d'action et du dommage qui a été subi.

• 1255

[Traduction]

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Y a-t-il d'autres questions?

[Français]

Mme Francine Lalonde: On en aurait bien, mais...

Le vice-président (M. Eugène Bellemare): Madame Lalonde, merci beaucoup.

J'aimerais remercier M. Racicot et M. Fortier.

[Traduction]

Monsieur Hunter et Monsieur Corley, je vous remercie d'avoir été nos témoins aujourd'hui.

[Français]

La séance est levée.