INDY Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
STANDING COMMITTEE ON INDUSTRY
COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mercredi 6 mai 1998
[Traduction]
La présidente (Mme Susan Whelan (Essex, Lib.)): La séance est ouverte.
Conformément à l'ordre de renvoi de la Chambre du 17 mars 1998, nous reprenons l'examen du projet de loi C-20, Loi modifiant la Loi sur la concurrence et d'autres lois en conséquence.
Nous accueillons aujourd'hui plusieurs membres du groupe de travail: le professeur Stanbury, de la Faculté de commerce et d'administration commerciale de l'Université de la Colombie- Britannique; M. Peter Woolford, vice-président, Politiques, Conseil canadien du commerce de détail; Norman Stewart, vice-président, Relations gouvernementales, et chef du Contentieux de Ford du Canada; et Marnie McCall, directrice générale de l'Association canadienne des consommateurs.
Je propose que vous fassiez tous une déclaration de cinq minutes au maximum, après quoi nous vous poserons des questions. Si vous n'avez pas de déclaration, ce sera très bien aussi.
J'ai reçu deux mémoires, l'un du professeur Stanbury et l'autre de Mme McCall. Qui veut commencer?
Professeur Stanbury, y a-t-il une préférence quelconque parmi les membres du groupe de travail? Qui veut prendre la parole?
Mme Marnie McCall (directrice générale, Association canadienne des consommateurs): Bon après-midi, mesdames et messieurs. Je suppose que l'on vient de voter pour que je commence. Je suis directrice générale de l'Association canadienne des consommateurs.
L'Association canadienne des consommateurs est un organisme national à but non lucratif et bénévole qui a été créé en 1947. Nous avons toujours prêté beaucoup d'attention à la Loi sur la concurrence, depuis son adoption. De fait, nous sommes l'un des organismes qui ont déployé des efforts considérables pour la moderniser, ce qui a débouché sur le remplacement de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions par la Loi sur la concurrence. Nous participons depuis lors à des consultations et à des audiences à ce sujet.
Au sein du groupe de travail, nous nous sommes penchés sur les amendements proposés depuis 1990 sur la publicité trompeuse et sur le marketing trompeur. Nous avons réagi aux documents de réflexion de 1995. Rosalie Daly Todd, qui occupait le poste avant moi, a fait partie du groupe de travail qui s'est penché sur les amendements dont vous êtes saisis.
Comme il y a longtemps que nous nous intéressons aux questions de concurrence, le fait que nous n'ayons pas préparé de mémoire vous a peut-être surpris. Hélas, nous n'avons pu le faire parce que nous n'avons plus la possibilité de contribuer comme nous le souhaiterions à l'élaboration des politiques publiques.
Pratiquement tous les projets de loi présentés au palier fédéral peuvent avoir une incidence sur les consommateurs. Les politiques ministérielles et les lignes directrices du Conseil privé sont axées sur une participation croissante de la population à l'élaboration des politiques, et les demandes qui nous sont adressées à ce sujet ont augmenté de manière spectaculaire ces dernières années. Hélas, il nous est impossible d'augmenter nos revenus comme il le faudrait pour répondre à ces demandes.
J'ai remis aux membres du comité un document sur le rôle des associations de consommateurs dans l'élaboration des politiques publiques, qui traite de ces questions en détail. Je tiens à dire qu'il faudrait peut-être commencer à admettre que les politiques du gouvernement en matière de recouvrement des coûts devraient aller dans les deux sens. Il ne faudrait pas croire que participer à l'élaboration des politiques ne coûte rien à une association comme la nôtre. Nous aussi avons besoin de recouvrer nos coûts.
Pour ce qui est des amendements proposés au projet de loi C-20, l'Association canadienne des consommateurs y est très favorable et souhaite qu'ils soient adoptés et mis en oeuvre le plus vite possible. Nous croyons que ces amendements garantiront une protection plus efficace des consommateurs canadiens. Plus vite ils seront mis en oeuvre, mieux les consommateurs s'en porteront.
Nous pensons que la mise en oeuvre d'un régime de recours civil est une étape extrêmement positive. En particulier, le pouvoir d'émettre des ordonnances d'interdiction sera un mécanisme précieux pour protéger les consommateurs étant donné qu'il permettra d'éliminer l'incidence des pratiques trompeuses.
La possibilité d'imposer des amendes, l'accent étant mis sur des mesures volontaires plutôt que policières, incitera les parties à corriger rapidement leur publicité trompeuse, ce qui permettra encore aux consommateurs d'éviter des pertes. Les consommateurs sont généralement beaucoup mieux protégés par la prévention que par la punition après coup.
Lorsque les seuls recours sont du domaine pénal, les choses ont tendance à traîner en longueur. Nous venons juste d'en avoir un exemple dans cas qu'il a fallu 10 ans pour régler. Ce genre de retard est tout simplement inutile pour les consommateurs et nous sommes donc très heureux de voir que l'on propose d'autres types de recours.
Notre seule réserve au sujet des recours civils est que l'on ne prévoit aucune possibilité de dédommagement. Or, c'est là une question dont les membres du groupe de travail ont beaucoup discuté. Si je comprends bien, on a décidé de la reporter à une deuxième ronde de révision, et nous vous encourageons à l'envisager très sérieusement.
Pour ce qui est de la publicité trompeuse, nous croyons qu'il vaut beaucoup mieux mettre l'accent sur des mesures volontaires plutôt que sur des sanctions, et c'est précisément ce que favorisera un régime de recours civil.
Nous appuyons aussi le nouveau critère proposé pour établir si l'annonce d'un prix habituel est valide. Nous croyons en effet que la terminologie employée est claire autant pour les vendeurs que pour les consommateurs, et qu'elle tient compte aussi des différences qui existent dans les cycles de vente de différents types de marchandises, ce qui constituait auparavant un problème sérieux je crois.
En ce qui concerne le télémarketing trompeur, nous appuyons vigoureusement les dispositions prévues à ce sujet. Nous croyons en effet que ce type de télémarketing est devenu un grave problème et qu'il est important que les consommateurs en soient protégés dès que possible.
Nous n'avons aucune objection aux dispositions autorisant l'écoute électronique pour obtenir la preuve du télémarketing trompeur ou pour faire enquête au sujet d'autres infractions. Notre condition est que les dispositions pertinentes soient similaires à celles du Code criminel, c'est-à-dire que les mandats soient difficiles à obtenir et qu'une solide justification soit exigée. À cette réserve près, nous appuyons cet outil d'enquête.
• 1540
Pour ce qui est des autres questions, nous avions recommandé
dans notre réponse de 1995 au document de réflexion que l'on
autorise des parties privées à engager des recours. Cette
recommandation n'a pas été prise en compte. Nous invitons le
comité à se pencher à nouveau sur cette question ou à recommander
au ministère de le faire.
Nous aimerions aussi formuler une remarque au sujet du commerce électronique, c'est-à-dire par Internet. La protection des consommateurs n'est pas moins nécessaire que la vente soit faite dans un magasin, par la poste, par le télémarketing ou par Internet. Dans tous les cas, il convient que le consommateur soit informé, que les transactions soient sécuritaires, et qu'il y ait des mécanismes de plainte et de recours. Ces questions sont toujours les mêmes, quel que soit le mode d'exécution des transactions, et nous ne voyons donc aucune nécessité d'adopter une réglementation particulière pour Internet.
En résumé, nos recommandations sont que le comité recommande l'adoption et la mise en oeuvre rapides du projet de loi C-20; que la question du dédommagement en régime de droit civil soit étudiée dans le but d'étendre les dispositions de dédommagement du droit pénal au droit civil; que l'on revienne sur la possibilité d'autoriser des parties privées à prendre l'initiative des recours; et que les mécanismes de respect volontaire de la loi soient révisés pour veiller à ce qu'ils soient suffisants pour réprimer la publicité trompeuse sur Internet, et assez souples pour pouvoir s'adapter, de manière générale, aux nouveaux modes de commerce.
Merci beaucoup.
La présidente: Merci, madame McCall.
Professeur Stanbury, présentez-nous votre mémoire, s'il vous plaît.
M. William Thomas Stanbury (Faculté de commerce et d'administration commerciale, Université de la Colombie- Britannique): Merci, madame la présidente.
Comme j'ai remis mon mémoire au comité, je vais me contenter d'en aborder les points les plus importants.
Je dois vous dire tout d'abord que je participe depuis 1973 à toutes les audiences importantes qui se tiennent pour modifier la loi canadienne sur la concurrence, ce qui veut dire que j'ai témoigné lors du processus qui a permis de remplacer la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions par la Loi sur la concurrence et la Loi sur le Tribunal de la concurrence, en 1986. J'ai fait partie du groupe de travail nommé par le ministre mais je précise que le groupe a terminé son travail il y a deux ans, ce qui veut dire qu'il a fallu bien longtemps pour qu'un nombre relativement modeste d'amendements finissent par être déposés en Chambre. D'ailleurs, le processus n'est pas encore terminé et il est fort possible qu'il ne le soit pas cette année, ce qui serait tragique.
Je constate que certaines des recommandations du groupe de travail ne font pas partie du projet de loi, Mme McCall en ayant mentionné plusieurs.
J'appuie moi aussi vigoureusement le projet de loi C-20 visant à modifier la Loi sur la concurrence, pour plusieurs raisons.
Premièrement, à une exception près, les amendements proposés sont le fruit d'un large processus de consultation lancé par le directeur des Enquêtes et de la recherche.
Deuxièmement, les amendements proposés répondent à des problèmes d'exécution de la loi manifestement importants, comme ceux concernant le télémarketing, et ils reflètent une pensée nouvelle au sujet de l'application des dispositions antitrust—par exemple, en ajoutant un processus de droit civil aux dispositions sur la publicité trompeuse.
Troisièmement, les amendements proposés tiennent compte aussi de l'expérience acquise avec l'application de la loi—en ce qui concerne par exemple les changements relatifs au préavis de fusion, les changements relatifs à l'article 34 concernant les ordonnances d'interdiction, et les changements relatifs à l'annonce de prix habituels. L'expérience pratique a montré qu'il est nécessaire de renforcer certaines dispositions de la loi, d'en modifier certaines autres et, de manière générale, de rendre la loi plus précise.
Je tiens cependant à souligner que, comme l'a dit le ministre de l'Industrie au comité, ces amendements ne visent pas à produire une réforme en profondeur de la Loi sur la concurrence. De fait, peu après m'être joint au groupe de travail, j'ai dit que le directeur et le gouvernement devraient à mon sens proposer un train de réformes beaucoup plus exhaustif. Vous trouverez mes propositions à ce sujet à la partie 12 de mon mémoire et j'y ferai allusion un peu plus tard, madame la présidente.
En ce qui concerne la sollicitation trompeuse par télémarketing, il ne fait aucun doute que les dispositions proposées amélioreraient sensiblement la Loi. Laissez-moi vous donner un exemple de cas où ces nouvelles dispositions seraient extrêmement utiles, et c'est un cas particulièrement clair. Premièrement, on dispose de preuves de plus en plus nombreuses d'escroqueries de cette nature. Deuxièmement, ces escroqueries coûtent très cher. Dans son témoignage, le ministre de l'Industrie a parlé d'un coût annuel de l'ordre de 4 milliards de dollars, ce qui est énorme par rapport à toutes les autres infractions de cette nature.
Troisièmement, les escrocs de cette catégorie ont tendance à cibler les personnes les plus vulnérables, comme on l'indique dans le projet d'amendement. En outre, avec la baisse continue des tarifs de téléphone interurbains, les escrocs peuvent s'établir n'importe où pour opérer dans tout le pays. De fait, les escroqueries transfrontalières sont relativement courantes et il est donc nécessaire de pouvoir coordonner nos activités de répression avec celles des autorités américaines, comme cela se fait déjà.
• 1545
Ensuite, il est très facile de faire déménager des
opérations de télémarketing trompeur, et il faut que les
autorités puissent y réagir très rapidement. Sinon, il leur sera
impossible d'arrêter les escrocs. Il convient de souligner aussi
que l'exécution de la loi était autrefois lente et lourde parce
qu'elle exigeait la coordination complexe d'un certain nombre
d'agences différentes et parce que, honnêtement, les sanctions
étaient tout simplement trop légères. Le crime payait, c'était
évident.
Pour ce qui est de la publicité trompeuse, le directeur a indiqué qu'il s'attend à invoquer les dispositions de droit civil dans la plupart des cas. Il a indiqué dans les lignes directrices qu'il a proposées les deux critères qu'il faut respecter pour intenter des poursuites pénales dans les affaires de publicité trompeuse. Premièrement, il faut avoir la preuve claire et convaincante que l'accusé savait parfaitement qu'il trompait le public ou qu'il l'a fait délibérément. Deuxièmement, il faut aussi que le directeur ait la conviction que des poursuites pénales seraient dans l'intérêt public. Il a énuméré ensuite cinq facteurs concernant la gravité de l'infraction, et deux circonstances atténuantes dont il pourrait tenir compte pour prendre sa décision.
Passons maintenant aux dispositions concernant l'annonce de prix habituels. Ici encore, le directeur a proposé des lignes directrices qui feront beaucoup pour aider les commerçants à comprendre le sens réel de la loi. Par exemple, on considérera de manière générale qu'une «quantitié importante» veut dire que plus de la moitié des ventes se feront au prix de comparaison plus élevé ou à un prix encore supérieur. Une «période raisonnable» sera interprétée en fonction de la nature du produit, par rapport à toute sa période de vente possible mais elle ne pourra en aucun cas durer plus d'une année. Il s'agit donc là de lignes directrices utiles et il ne fait aucun doute que le directeur les précisera encore en fonction de l'expérience acquise.
Pour ce qui est des pratiques de marketing trompeur, il importe de bien comprendre que quatre dispositions actuelles du Code criminel deviendront des dispositions de droit civil. Je les énumère à la page 7: la vente par prix d'appel, la vente à un prix supérieur au prix annoncé, les concours promotionnels, et la présentation d'une épreuve raisonnable ainsi que la publication de témoignages. Les changements proposés à cet effet seront utiles. En effet, le droit civil constitue un outil beaucoup plus efficace pour réprimer ce type d'agissements.
Passons maintenant à l'écoute électronique. Je mentionne dans mon mémoire un article assez préoccupant de M. Terence Corcoran. Il importe de souligner—et je suis sûr que le comité le sait déjà—qu'il faudra demander une autorisation à un juge et que, pour obtenir cette autorisation, le directeur devra donner les détails de l'infraction qu'il soupçonne, ainsi que les faits qui justifient sa demande; le type de communications qui seront interceptées; les noms et adresses des personnes visées; la méthode d'interception utilisée; la période durant laquelle l'écoute pourra se faire; et, finalement, si d'autres types d'enquêtes ont déjà été entreprises et ont échoué, ou pourquoi il semble qu'elles risquent fort d'échouer. Autrement dit, pour faire la demande, il faudra fournir un très grand nombre de détails.
Il convient aussi de tenir compte du type d'infractions pour lesquelles on pourra demander une écoute électronique. Il n'y en a que trois: une conspiration, selon l'article 45; de la collusion dans un appel d'offres, selon l'article 47, et les escroqueries de télémarketing, selon un nouvel article. Il est parfaitement légitime de vouloir utiliser cet outil pour ces trois types d'infractions.
J'indique à la page 10 les raisons pour lesquelles cette méthode devient de plus en plus nécessaire. En effet, les conspirations ou collusions sont aujourd'hui de nature telle qu'il est extrêmement difficile de recueillir les preuves nécessaires sans faire de l'écoute électronique. N'oublions pas qu'il s'agit d'actes criminels et que les critères de preuve sont très rigoureux, ce qui est parfaitement normal.
Je décris ensuite certaines des dispositions concernant les préavis, ce que je considère essentiellement comme des dispositions de routine, bien que nécessaires. Je prends note des changements concernant les ordonnances d'interdiction et le fait que le directeur aura un nouveau titre.
Je voudrais conclure en soulignant la nécessité d'entreprendre une réforme beaucoup plus profonde. Cela me semble très important. J'estime qu'il convient de reformuler l'article 45, portant sur les conspirations entre concurrents, afin de l'appliquer à des ententes banales de fixation de prix entre des concurrents, à des ententes de répartition des marchés ou à des ententes visant à bloquer l'entrée sur un marché. Tout cela devrait être illégal comme ce l'est aux États-Unis depuis 1890.
Je m'arrête aussi au mot regrettable «indûment», qui veut dire qu'un petit peu de collusion en matière de prix, ou même un degré non négligeable de collusion sur les prix, sera jugé acceptable en droit. Cela me semble tout à fait illogique et constituer une insulte envers les consommateurs canadiens et envers les commerçants aussi. Je propose donc dans mon mémoire quelques détails pour corriger ce problème.
Je sais bien que ces questions ne font pas partie du projet dont le comité est saisi mais je pense qu'il serait utile que le comité indique au directeur qu'il conviendrait d'apporter des modifications encore plus profondes à la loi. J'en ai indiqué sept autres dans ma discussion.
• 1550
Je voudrais finir sur une dernière chose.
Outre les amendements proposés, il est essentiel d'accroître sensiblement le budget du Bureau de la concurrence. Ses ressources sont en effet aujourd'hui sérieusement insuffisantes eu égard à ses responsabilités.
J'attire votre attention sur une étude qui vient d'être publiée et que j'enverrai aujourd'hui même au comité pour justifier cette conclusion. Je réalise que mon affirmation à ce sujet est très générale, alors que je ne vous ai donné aucun détail, mais vous trouverez ces détails dans les 40 pages de texte que je vais fournir pour justifier ma conclusion.
Sans ressources, la meilleure loi au monde ne peut être appliquée correctement. Autrement dit, il nous faut non seulement une nouvelle loi mais aussi de nouvelles ressources pour pouvoir l'appliquer efficacement.
Je serais très heureux de répondre à vos questions, madame la présidente. Merci.
La présidente: Merci beaucoup, professeur Stanbury.
Je ne sais pas si M. Woolford ou M. Stewart ont quelque chose à dire avant d'ouvrir la période des questions.
Monsieur Woolford.
M. Peter Woolford (vice-président, Politiques, Conseil canadien du commerce de détail): Je crois que je viens juste d'être désigné, madame la présidente. Merci beaucoup de m'avoir invité à comparaître devant le comité.
Je dois tout d'abord vous présenter mes excuses. En effet, je n'avais pas réalisé que vous aviez prévu une séance de deux heures cet après-midi. Or, j'ai un devoir familial à Toronto et je devrai prendre le vol de 18 heures. Je devrai donc partir quelques minutes avant la fin de la séance. Veuillez m'en excuser, je ne pensais pas que nous aurions autant de temps pour traiter du sujet dont vous êtes saisis.
Je voudrais faire quelques brèves remarques liminaires. Il me semble en effet utile de souligner l'importance de la Loi sur la concurrence pour les commerces de détail. C'est en effet un élément crucial de la structure juridique qui fonde les relations entre les détaillants et les consommateurs. C'est donc un texte très important pour nous.
Nous appuyons vigoureusement les amendements proposés et nous vous implorons de les adopter le plus vite possible. Nous croyons qu'il est très important qu'ils soient adoptés.
Comme l'a dit le professeur Stanbury, le groupe de travail a terminé son étude il y a quelque deux ans et nous sommes très inquiets de constater que la deuxième partie du processus d'élaboration des politiques avance fort lentement.
Il y a quatre parties du projet de loi C-20 que je voudrais aborder dans mes remarques liminaires: la publicité trompeuse, les fausses annonces de prix habituels, le télémarketing et l'écoute électronique.
Nous sommes très heureux que l'on envisage d'établir un double régime civil-pénal. Nous pensons que c'est en effet une manière beaucoup plus responsable et efficace de réprimer les pratiques répréhensibles.
La démarche antérieure du Bureau, qui choisissait quelques cas de très grande visibilité pour intenter des procédures pénales, ne marchait manifestement pas. Nous pensons qu'il est beaucoup plus efficient et efficace d'essayer de régler ce genre d'infractions en renforçant les mesures volontaires.
Je souhaite attirer l'attention du comité sur le fait que tous les membres du groupe de travail ont conclu que la plupart de ces cas devraient être réglés au civil, au moyen de mécanismes axés sur des mesures volontaires: ordonnances d'interdiction, avis de correction, etc. Je le souligne parce qu'il est important que le Bureau agisse dans le même esprit lorsque viendra le temps d'appliquer la loi. Il serait regrettable que le Bureau retourne en arrière et recommence à consacrer des ressources importantes à des procédures pénales, ou qu'il tente d'imposer de grosses amendes aux entreprises dans le but de faire des exemples.
À titre de membre du groupe de travail et de porte-parole du Conseil du commerce de détail, je puis vous dire qu'il est préférable pour le marché, pour les entreprises qui se font concurrence et pour les consommateurs de corriger rapidement les problèmes que de prendre de l'argent ou d'imposer des amendes à une entreprise.
Ceci m'amène à attirer votre attention sur le processus par lequel le directeur décidera d'emprunter la voie pénale ou la voie civile. Nous sommes heureux qu'il ait la possibilité de faire ce choix. Nous sommes ravis d'apprendre que le directeur tentera de prendre sa décision le plus rapidement possible. Certes, nous savons qu'il faudra un certain temps pour roder le système mais nous sommes certains que les choses iront de mieux en mieux avec l'expérience.
Après avoir examiné les lignes directrices—je sais que votre comité n'en est pas saisi aujourd'hui mais il faut dire qu'elles nous donnent une assez bonne idée de la manière dont la loi sera appliquée—notre première conclusion, qui n'est cependant provisoire, je le souligne, est qu'elles ne donnent pas beaucoup d'indications très utiles. C'est peut-être parce qu'il est tout simplement impossible d'exposer dans des lignes directrices toutes les nuances des facteurs dont le directeur devra tenir compte pour prendre ses décisions. Nous espérons que l'expérience permettra de clarifier et de préciser ces choses, ce que toutes les parties concernées apprécieront.
• 1555
Ma deuxième série de remarques concerne les changements
globaux qui sont apportés à la loi: la double approche concernant
les recours, une certaine incertitude quant à la manière dont le
directeur peut faire ses choix, et le changement d'orientation
des peines vers le volontariat. À notre avis, lorsque le
directeur commencera à travailler avec un secteur au sujet d'une
méthode relativement courante ou qui commence simplement à
s'implanter, afin d'essayer de trouver un accord sur certaines
normes, il se peut que les dirigeants de ce secteur hésiteront à
collaborer avec lui, en tout cas au début.
Je vais vous donner un exemple. À la fin des années 80, le Conseil du commerce de détail, l'Association des consommateurs et d'autres groupes ont collaboré étroitement avec le gouvernement au sujet de revendications d'ordre environnemental, parce que le Bureau craignait qu'elles n'aient pour effet de tromper le consommateur. Considérant tous les changements en cours au sujet des pratiques trompeuses, on peut envisager que les entreprises fassent preuve d'une certaine prudence avant d'établir une telle relation de coopération, en tout cas tant qu'elles n'auront pas eu un peu plus de précisions quant à la manière dont le directeur gère le processus et quant à la nature des règles du jeu. Cela ne devrait cependant pas causer de graves difficultés, c'est quelque chose qui devrait s'arranger avec le temps.
En ce qui concerne les annonces de prix habituels, nous appuyons fortement les changements proposés. De fait, c'est le Conseil du commerce de détail, appuyé par l'Association des consommateurs, qui a imploré le Bureau d'apporter ces changements. En effet, considérant la vigueur de la concurrence sur le marché de détail et le succès des soldes auprès des consommateurs, bon nombre de détaillants font de plus en plus appel à des stratégies de prix promotionnels. Les consommateurs étant très sensibles aux soldes, les détaillants arrivent à vendre beaucoup des marchandises soldées, ce qui fait qu'ils sont incapables de respecter le critère de quantité.
Un exemple typique serait celui des soldes de blanc. Lorsque ces soldes commencent, des gens achètent parce qu'ils attendaient, et d'autres achètent à l'avance parce que les prix sont moins élevés. Lorsque mon fils travaillait chez Canadian Tire, je me souviens qu'il me disait que les clés avec jeux de douilles partaient tout de suite quand on les soldait alors qu'elles ne se vendaient absolument pas aux prix habituels. Cela me montre que consommateurs et détaillants ont très bien appris à jouer le jeu des soldes.
Nous appuyons fermement le changement clé permettant d'appliquer le critère de temps et le critère de quantité.
Il y a par ailleurs dans les lignes directrices quelques autres éléments sur lesquels je veux attirer votre attention: les ventes de liquidation et la période d'annonce de prix en vertu du critère du temps.
Nous pensons que les soldes de liquidation—par lesquels le commerçant a l'intention d'épuiser tout son stock d'une certaine marchandise pour ne plus reconstituer ce stock, ou en tout cas pas pendant la même saison—diffèrent des autres soldes du point de vue de la qualité et de la nature. Nous pensons qu'il faudrait les signaler un peu plus clairement que ce n'est actuellement prévu dans les lignes directrices.
Deuxièmement, nous ne sommes pas d'accord avec le Bureau au sujet de ce qu'est une période substantielle dans le cadre de l'application du critère de temps pour la plupart des produits. À notre avis, la plupart des produits de détail suivent un cycle de vente annuel, et la plupart des détaillants dressent des plans de publicité annuels. Selon nous, une année constituerait une période adéquate pour déterminer si les annonces d'un commerçant répondent ou non au critère du temps. Le Bureau propose six mois. Nous continuerons d'en parler avec lui.
En ce qui concerne le télémarketing, nous sommes résolument en faveur des amendements proposés. Le télémarketing est devenu une méthode de vente très populaire mais c'est aussi, comme Bill et Marnie l'ont souligné, une méthode croissante de fraude. Nous croyons que les dispositions prévues dans le projet de loi constituent un premier pas utile pour réprimer ce type de fraude.
La seule chose que nous voudrions indiquer à ce sujet est qu'il conviendrait de préciser un peu ce qu'on entend par le télémarketing. D'après nous, l'amendement proposé devrait s'appliquer uniquement aux communications de vive voix, et c'est ce que nous a indiqué le directeur quand nous en avons discuté. Il conviendrait donc d'ajouter les mots «de vive voix» pour qualifier les mots «communication téléphonique interactive», à l'article 52.1 qui est proposé. Il s'agit là d'un amendement mineur qui rendrait les choses plus claires.
La dernière question que je souhaite aborder est celle de l'écoute électronique. Nous partageons certaines des réserves exprimées par les milieux d'affaires à ce sujet.
• 1600
Je crois comprendre que la raison principale de ces
préoccupations est que les dispositions relatives à l'écoute
électronique ont été proposées très tard dans le processus, ce
qui fait qu'elles n'ont pu faire l'objet de consultations
exhaustives auprès des groupes de travail et que l'on n'en
comprend donc pas encore très bien la nature.
Le directeur recevra des pouvoirs très étendus à ce sujet mais on n'a pas encore indiqué clairement quand et comment il pourrait les exercer.
Nous avons pensé qu'il pourrait être utile de limiter ces pouvoirs aux affaires de télémarketing, en tout cas au début, étant donné qu'il s'agit là d'infractions qui se prêtent particulièrement bien à l'écoute électronique. Peut-être devrait- on se donner le temps d'acquérir une certaine expérience en la matière et de poursuivre notre réflexion collective avant d'étendre l'application de cette disposition aux autres infractions pour lesquelles elle est proposée. Cela pourrait se faire en adoptant le projet de loi mais sans proclamer tout de suite la partie pertinente. Évidemment, le législateur en décidera.
En conclusion, je voudrais faire quelques remarques sur le processus. Au nom des membres du groupe de travail et du Conseil du commerce de détail, je dois vous dire que le processus mis en oeuvre par le comité nous semble excellent. Les questions pertinentes ont été abordées de manière exhaustive et nous avons la conviction que la législation qui en sortira sera meilleure, sera mieux comprise par les participants et favorisera un dialogue beaucoup plus clair et beaucoup plus franc entre le Bureau de la concurrence et les entités touchées par sa réglementation. Nous recommandons vivement que l'on suive le même processus si l'on veut adopter d'autres amendements à la loi.
Ce projet de loi a été formulé au moyen d'un processus de consultation exemplaire. Nous pensons qu'il contient des propositions justes et équilibrées, répondant aux besoins de tous les acteurs concernés.
Je veux conclure en exprimant l'espoir que le projet de loi sera adopté sans retard. Comme la Chambre suspend ses travaux en juin, nous craignons que le projet ne soit pas adopté d'ici là, ce qui serait tout à fait tragique, comme l'a dit Bill. Ce serait extrêmement regrettable. Nous implorons donc le comité et le Parlement à adopter ce projet de loi dès que possible, s'il vous plaît.
Merci.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Woolford.
Monsieur Stewart, avez-vous des remarques à formuler?
M. Norman J. Stewart (vice-président, Relations gouvernementales, et chef du Contentieux, Ford du Canada): Oui, madame la présidente. Je n'ai pas préparé de mémoire mais je tiens à me faire l'écho des déclarations de Peter Woolford au sujet du processus.
Peter et moi-même avons participé au cours des années à beaucoup d'autres consultations qui nous ont beaucoup appris. Nous avons constaté que c'est au sujet de lois-cadres telles que la Loi sur la concurrence que les consultations peuvent être le plus efficaces.
Certes, elles fonctionnent bien aussi lorsqu'il s'agit d'une question très contestée, lorsque divers groupes sociaux expriment des opinions contradictoires et qu'il est nécessaire de légiférer. Lorsqu'on peut réunir ces groupes dans un cadre solide, avec un mandat clair et un président attentif pour guider les délibérations, on peut trouver un consensus qu'on ne trouverait normalement pas autrement.
Lorsque le système marche bien, on peut produire un projet de loi pouvant être adopté plus rapidement. De fait, ces consultations appuient tout le processus parlementaire. Elles ne lui enlèvent rien.
Nous avons vu le processus à l'oeuvre ici. Il a également bien marché en Ontario, au sujet de la loi sur les poursuites collectives et de la loi sur les droits environnementaux, textes que les gens d'affaires n'auraient normalement eu aucune raison d'appuyer mais à l'élaboration desquels ils ont pu participer dans l'intérêt global de la société.
Donc, comme Peter, je recommande à votre comité d'adopter le même processus pour d'autres projets de loi.
En ce qui concerne le Bureau de la concurrence lui-même, il est clair que nous avons eu beaucoup de choses à lui reprocher dans les années 60, 70, et même au début des années 80, lorsqu'il voulait proposer des changements législatifs auxquels les milieux d'affaires s'opposaient radicalement, parfois même sans raison valable, simplement pour le plaisir de s'opposer.
M. Peter Woolford: Attention, Norm.
M. Norman Stewart: Cette fois, nous avons participé à une démarche complètement différente. C'était une démarche axée sur la recherche d'un consensus et sur la prise en compte de changements ponctuels qu'il était possible de gérer et d'analyser exhaustivement. On pourrait peut-être d'ailleurs envisager des révisions périodiques, au bout de quelques années, de façon à produire plus tard d'autres changements qui seraient ainsi beaucoup plus gérables et, en fin de compte, plus positifs pour le Bureau lui-même et pour la société canadienne.
Je vous félicite donc pour ce processus et je suis à votre disposition pour répondre aux questions.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Stewart.
Nous allons passer aux questions. Lorsqu'une question est posée à l'un d'entre vous, tous les autres peuvent répondre s'ils le souhaitent. Il vous suffit de m'indiquer que vous désirez répondre. J'essaierai d'en tenir compte.
Monsieur Schmidt.
M. Werner Schmidt (Kelowna, Réf.): Merci, madame la présidente. Merci beaucoup, madame et messieurs, d'être venus témoigner.
Monsieur Stewart, êtes-vous l'avocat de Ford Canada?
M. Norman Stewart: Oui, les informations qui figurent sur l'avis de convocation ne sont pas tout à fait exactes. Mon titre réel est vice-président, Relations gouvernementales, et avocat général de Ford du Canada.
M. Werner Schmidt: De Ford. Vous parlez bien du constructeur d'automobiles Ford du Canada, n'est-ce pas? De la société qui fabrique des autos, des camions et d'autres choses de ce genre?
M. Norman Stewart: C'est cela même. Une excellente entreprise.
M. Werner Schmidt: Je sais. Je conduis une Ford.
M. Norman Stewart: Je n'achète que cela.
M. Werner Schmidt: Cela dit, les déclarations que nous venons d'entendre sont très intéressantes. De fait, monsieur Stewart, je vais commencer avec vous car nous avons entendu dire ce matin que Daimler-Mercedes négocie en ce moment une fusion avec Chrysler.
M. Norman Stewart: J'ai lu l'article.
M. Werner Schmidt: Je n'en doute pas. Nous aussi.
La question qui me vient immédiatement à l'esprit concerne les amendements proposés à la Loi sur la concurrence au sujet des fusions. Il y a toutes sortes de fusions en cours aujourd'hui, pas seulement dans le secteur de l'automobile. Il y a des fusions dans la chimie, dans la pharmacie, dans les finances, particulièrement entre les banques.
Je voudrais aborder cette question dans le contexte des dispositions de ce projet de loi concernant la collusion en matière de prix. À mon avis, si l'on réduit suffisamment le nombre d'entreprises dans un secteur donné, il n'y a plus de problème de collusion sur les prix parce qu'il n'y a plus de concurrents. Lorsqu'il reste très peu de participants, ce n'est plus un problème du tout.
Est-ce pour cette raison qu'il y a tant de fusions?
M. Norman Stewart: Je ne sais ce qu'il en est pour Chrysler et Daimler-Benz.
M. Werner Schmidt: J'entends bien.
M. Norman Stewart: Ce que je sais, c'est ce que je lis dans le journal.
M. Werner Schmidt: D'un point de vue général, cependant, vous avez certainement une opinion puisque vous êtes avocat d'entreprise.
M. Norman Stewart: Vous avez raison.
Tout d'abord, la législation actuelle concernant l'examen des fusions et des transactions de cette nature est tout à fait excellente, et le Bureau fait un excellent travail dans l'examen des projets de cette nature.
Les amendements proposés au projet de loi C-20 lui permettront de faire encore mieux son travail en lui donnant la possibilité d'obtenir des informations encore plus complètes. Cela lui permettra aussi de demander des injonctions provisoires afin d'avoir plus de temps, s'il y a lieu, pour étudier correctement un projet de fusion. De ce fait, je pense que tout cela va renforcer le rôle du Bureau et permettre au gouvernement d'analyser adéquatement toutes ces transactions.
C'est d'ailleurs l'une des choses qui m'ont frappé lorsque notre groupe de travail s'est réuni. Divers membres du Bureau voulaient aller de l'avant et nous soumettre des propositions. Or, l'un des meilleurs exposés nous a été fait par le groupe des fusions, qui nous a expliqué comment il fait son travail, comment il analyse les transactions et comment il agit aussi rapidement que possible pour tirer ses conclusions. J'en suis sorti avec un sentiment très positif et en ayant l'impression que le Canada est très bien protégé par ce groupe.
M. Werner Schmidt: Ce qui se passe aujourd'hui est très intéressant. Lorsque le directeur du Bureau est venu témoigner, nous l'avons interrogé sur les fusions, notamment des banques. Il y a cependant là une complication très intéressante étant donné que le Bureau de la concurrence relève de l'autorité et de la responsabilité du ministre de l'Industrie, alors que c'est le ministre des Finances qui décidera en dernière analyse si les institutions financières seront autorisées à fusionner. Tous les autres projets de fusion relèvent du ministre de l'Industrie ou du Bureau de la concurrence.
À titre d'avocat d'une grande entreprise, croyez-vous que cette répartition des tâches, c'est-à-dire ce système de double responsabilité de la part du directeur—qu'on appellera maintenant un commissaire—du Bureau de la concurrence, en ce qui concerne l'industrie de manière générale et les institutions financières, les banques, en particulier...
M. Norman Stewart: Pour ce qui est des banques, la situation est tout à fait particulière. Celles-ci sont régies depuis de nombreuses années par la Loi sur les banques.
Pour ce qui est des fusions elles-mêmes, je crois comprendre, de l'extérieur, que le directeur—et bientôt commissaire—aura manifestement un rôle à jouer dans le processus d'examen.
Le directeur a sollicité les commentaires des parties intéressées sur la manière dont les lignes directrices devraient normalement s'appliquer pour étudier un projet de fusion. Dans le cas dont vous parlez, la situation est tout à fait unique puisqu'il s'agit de banques.
Je suppose que nous allons probablement avoir le meilleur des deux mondes. Nous allons pouvoir profiter de l'expertise du Bureau lorsqu'il se penchera sur des projets de fusion, et nous profiterons aussi de l'expertise tout à fait particulière du ministère des institutions financières, pour ce qui est des banques.
• 1610
Nous nous trouvons donc devant un cas particulier. Ce n'est
pas la situation normale qui se produirait dans mon secteur, bien
qu'un projet de fusion dans mon secteur devrait normalement faire
aussi l'objet d'un examen. Cela dit, si nous fusionnons avec qui
que ce soit, c'est le Bureau lui-même et personne d'autre qui
s'en occupera.
M. Werner Schmidt: Je suis tout à fait d'accord.
La présidente: Votre dernière question, monsieur Schmidt.
M. Werner Schmidt: Bien.
Voici donc ma dernière question pour en finir avec ce sujet. Ces fusions vont vous toucher. Certes, elles ne vous toucheront peut-être pas directement, au sens propre, mais elles vous toucheront indirectement ou elles auront en tout cas le potentiel de le faire.
M. Norman Stewart: Absolument.
M. Werner Schmidt: C'est pourquoi vous serez consultés.
M. Norman Stewart: C'est cela.
M. Werner Schmidt: Et c'est pourquoi je suis surpris que vous n'ayez pas d'opinion.
M. Norman Stewart: Un groupe de travail se penche actuellement sur la Loi sur les banques. L'une des questions qu'il examine est précisément celle des fusions de banques et de la concentration du pouvoir dans le secteur bancaire.
Notre industrie, l'automobile, est parfaitement consciente de ce qui se passe avec les banques. Nous suivons attentivement le travail du groupe d'examen de la Loi sur les banques et nous attendons les résultats de son travail avec beaucoup d'intérêt. Sachez aussi que nous suivons attentivement ce que fait le Bureau à cet égard du point de vue de la Loi sur la concurrence.
Vous avez raison de dire que cela aura une incidence considérable sur les Canadiens. Nous surveillons les choses aussi attentivement que tout le monde. Cela nous intéresse directement.
La présidente: Merci beaucoup monsieur Stewart et monsieur Schmidt.
Monsieur Shepherd, s'il vous plaît.
M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): Merci.
Professeur Stanbury, j'avais au sujet de ce projet de loi une inquiétude que partagent beaucoup de gens, concernant l'élargissement du droit de faire de l'écoute électronique dans les cas de conspiration et de collusion.
Cela ne figurait pas dans la loi auparavant et je constate, suite au document que vous nous avez remis, que vous avez fait des recherches considérables à ce sujet.
Je suppose que l'inquiétude qui règne à cet égard est reliée à la protection des renseignements personnels. L'écoute électronique est une méthode extrêmement intrusive et il semble que les dispositions de la loi actuelle concernant les conspirations définissent celles-ci de manière extrêmement générale. L'écoute électronique ou l'interception des communications semble être une solution assez extrême.
Je vais donc vous demander votre avis. Je vois que vous donnez certaines justifications à la page 10 mais elles ne sont pas encore très claires à mes yeux.
Quels sont les éléments de preuve que nous n'avions pas dans le passé et qui auraient entravé l'application de la loi?
M. William Stanbury: Comme vous le savez probablement, cette proposition ne faisait pas partie des éléments qui ont été soumis au groupe de travail par le directeur à l'automne de 1995. Nous avons commencé notre travail à cette époque-là et nous avons fait rapport en avril.
Je ne connais pas vraiment l'historique de cette proposition. Certes, c'est un mécanisme particulièrement intrusif. Or, le directeur possède déjà un certain nombre de pouvoirs en vertu de la Loi—j'y ai fait allusion tout à l'heure—mais cet outil fera l'objet du même processus d'autorisation que les autres, sans exception.
Il y a en fait un double mécanisme de contrôle, et même triple. Tout d'abord, il faudra que le directeur soit convaincu que l'outil est adéquat. Deuxièmement, il devra collaborer avec le ministère de la Justice. En effet, il ne pourra pas adresser ses demandes individuellement, il devra auparavant les soumettre au ministère de la Justice. Ensuite, un juge prendra la décision. C'est lui qui décidera en fin de compte si ce mécanisme est adéquat dans les circonstances.
Je ne sais pas combien d'enquêtes auraient pu profiter de ce mécanisme dans le passé. Dans mon document, j'ai indiqué comment fonctionnent aujourd'hui certaines de ces conspirations, pour lesquelles ce mécanisme serait utile. Je ne crois pas que ce soit absolument... à mon sens, je ne pense pas que la question soit que l'on n'ait pas pu trouver suffisamment de preuves dans le passé parce qu'on n'avait pas ce mécanisme. Certes, je ne saurais en jurer car le Bureau, si j'ai bien compris, n'a pas étudié cette question particulière dans le cadre de ses projets d'amendements. Il faudrait sans doute l'interroger à cet égard.
Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que les dispositions générales relatives aux conspirations et à la limitation du commerce sont d'ordre général et qu'elles portent presque toujours sur deux choses: la collusion en matière de prix et le partage du marché. C'est ce que j'appelle des conspirations de routine. Il ne s'agit pas d'ententes officielles mais plutôt d'ententes cachées.
• 1615
Il existe déjà un degré de concentration relativement élevé
dans beaucoup des marchés du Canada, même s'il y a eu une
certaine globalisation, mais cela veut dire que les entreprises
concernées peuvent coordonner leurs activités pour devenir un
oligopole informel. L'une des méthodes utilisées pour faciliter
cette coordination est le téléphone. Cela ne se fait généralement
pas par écrit. Il serait donc utile de pouvoir utiliser ce
mécanisme. J'ai toutefois le sentiment qu'il sera utilisé de
manière très parcimonieuse.
Ma deuxième remarque est que vous êtes peut-être troublé par la portée des dispositions relatives aux conspirations, bien qu'elles aient acquis un sens très clair au cours des années, mais que celles concernant la collusion en matière de prix figurent dans la Loi depuis 1976 et qu'elles sont très précises. Il s'agit en effet d'une infraction en soi, ce qui veut dire que le procureur n'est pas obligé de montrer que la concurrence a été réduite de manière indue lorsqu'il veut invoquer l'article 45.
À mon avis, je le répète, je ne pense pas que ce mécanisme soit souvent invoqué. Certes, d'aucuns ont exprimé la crainte que l'on s'en serve pour aller à la recherche d'informations générales, mais cela ne serait absolument pas conforme au type de comportement que j'ai pu observer de la part du Bureau au cours des années. Le Bureau ne fonctionne tout simplement pas comme ça. Il agit avec beaucoup de prudence et de manière très responsable, et je ne vois pas pourquoi il agirait différemment avec ce mécanisme particulier intrusif, ce dont ses membres seront parfaitement conscients. Cela dit, aller perquisitionner des bureaux pour y saisir des documents est aussi un mécanisme très intrusif. La différence est évidemment que, quand cela se fait, la partie visée le sait. Avec l'écoute électronique, elle n'en sait rien tant qu'une accusation formelle n'a pas été portée sur la base des preuves recueillies de cette manière.
M. Alex Shepherd: Ma deuxième question concerne essentiellement le représentant du Conseil du commerce de détail.
Nous souhaitons abroger l'article 54, qui parle de double tarification, probablement parce qu'on a jugé que cette infraction était désuète. Il me semble cependant qu'il y a aujourd'hui un nouveau système de double tarification. En effet, les caissières obtiennent généralement le prix des produits grâce à un code électronique. Or, beaucoup de gens se plaignent que le prix obtenu de cette manière n'est pas celui qui était indiqué sur l'article ou sur l'étagère. On leur dit que c'est parce que le code a été changé entre-temps. Croyez-vous qu'il faudrait conserver cet article, ou le moderniser, pour réprimer ce type de méthode?
Mme Marnie McCall: Je crois comprendre que le Centre pour la promotion de l'intérêt public, lorsqu'il a témoigné devant le comité, a recommandé le maintien de cette disposition. Je crois cependant comprendre aussi qu'aucune plainte n'a été formulée à ce sujet depuis pas mal de temps et que c'est pour cette raison qu'on veut l'abandonner.
Sa simple présence dans la loi pourrait certainement décourager la double tarification délibérée, mais je puis vous dire aussi que le détaillant qui veut conserver ses clients ne va certainement pas exiger le prix le plus élevé. Je conviens cependant que le risque est plus élevé s'il y a un prix sur l'étiquette et un prix dans le système électronique.
Cela dit, en vertu du système de balayage d'étiquettes adopté par bon nombre d'épiceries de détail, le client a d'office droit au prix le plus bas et, si on lui fait payer le prix le plus élevé, il a le droit de se faire rembourser et d'obtenir le produit gratuitement.
Je ne vois certainement rien de mal à ce que l'on conserve cette disposition. Je ne sais pas si on pourrait la moderniser. Je n'en connais pas le texte précis.
M. Alex Shepherd: Mon épouse et d'autres m'ont dit que c'était fréquent dans le passé.
La présidente: Dernière question, s'il vous plaît, monsieur Shepherd.
M. Alex Shepherd: Je crois savoir que, dans certains pays, comme la Nouvelle-Zélande et l'Australie, il est prévu que le produit soit gratuit si ce genre de chose arrive. On pourrait peut-être dire cela dans la loi.
Mme Marnie McCall: Beaucoup d'industries adoptent des codes de conduite qui ont le même effet. Je ne pense pas que personne au Canada ait jamais recommandé que cela figure dans une loi. Je pense qu'il serait préférable que les codes de conduite sont plus largement acceptés.
Je suis sûre que Peter en sait plus que moi là-dessus.
La présidente: Monsieur Woolford.
M. Peter Woolford: Cela fait trois ans que nous nous occupons de cette question avec le Bureau. Nous la prenons très au sérieux. De fait, nous avons publié en janvier, avec l'appui du Bureau, des lignes directrices donnant des instructions à ce sujet aux détaillants pour garantir une présentation cohérente des prix.
• 1620
Pour ce qui est de votre question, lorsqu'un commerçant
indique un prix sur l'étagère, sur le produit ou dans sa
publicité et qu'il fait payer un autre prix au point de vente, il
trompe son client. Cela relèverait de la disposition générale
concernant la publicité trompeuse et, si le Bureau estimait qu'il
y a un problème grave à ce sujet, dans le cadre de la loi
existante ou de la nouvelle loi, il pourrait fort bien intenter
des poursuites pour pratique trompeuse.
Ce que nous avons constaté, suite aux recherches effectuées par le Bureau et par l'ancienne Direction générale des produits de consommation, c'est que ce genre de chose résulte le plus souvent de mauvaises procédures au sein de l'entreprise, d'une mauvaise mise en oeuvre de ces procédures dans les magasins ou, tout simplement, d'erreurs.
La preuve la plus évidente à cet égard est que, lorsqu'on fait des enquêtes au sujet de prix différents, on constate qu'il y a presque toujours autant d'erreurs en faveur du consommateur que contre lui. Il semble y en avoir autant dans un sens que dans l'autre. La moitié des erreurs sont bénéfiques au consommateur. Autrement dit, le prix indiqué par le lecteur optique au point de vente est parfois inférieur au prix que le commerçant souhaitait exiger et, dans la moitié des cas, il est supérieur à celui qui était annoncé dans la publicité. Il ne semble donc exister pour le moment aucune preuve évidente que les commerçants agissent de cette manière pour tromper les clients. Cela résulte plus simplement de mauvaises méthodes ou d'une mauvaise application des méthodes de l'entreprise. C'est une question sur laquelle nous continuons de nous pencher avec le Bureau.
Je dois dire que cela peut causer des tensions à l'intérieur d'une entreprise. En effet, il faut du temps, de l'argent et des gens pour indiquer les bons prix. Dans un contexte où les prix changent souvent, il est parfois difficile d'être sûr que le prix indiqué sur l'étagère est le même que celui qui apparaîtra au point de vente.
Avec nos lignes directrices, nous avons tenté d'amener les entreprises à suivre une procédure automatique de façon à ce que le prix n'apparaisse pas tant que tout n'est pas correct et que tous les changements n'ont pas été mis en oeuvre partout en même temps. Voilà vers quoi nous avançons avec nos membres. C'est quelque chose que nous prenons très au sérieux et dont nous nous occupons encore.
La présidente: Merci, monsieur Shepherd.
[Français]
Madame Lalonde, je vous cède la parole.
Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Merci pour votre présentation. Je voudrais commencer par un commentaire. Je comprends très bien, madame la coordonnatrice de l'Association canadienne des consommateurs, lorsque vous dites que les consommateurs sont de plus en plus impliqués dans les lois mais qu'en réalité leurs moyens de financement sont faibles.
J'ai été surprise d'ailleurs de lire que le ministère, dans son analyse de rendement, se félicitait d'avoir aidé les associations de consommateurs à s'autofinancer. Alors, je me proposais de vous en parler.
J'ai quelques questions à vous poser. Ne trouvez-vous pas que le pouvoir énorme du directeur des enquêtes, qui devient commissaire, devrait nous porter à dire qu'il faudrait absolument, à cette étape-ci, que l'on puisse prévoir, au moins minimalement, la capacité d'intervention d'un tiers? Le seul en ce moment qui peut non seulement décider des enquêtes mais ensuite décider de procéder, au civil ou au criminel, est le directeur, qui devient commissaire. C'était ma première question.
Ma deuxième question est la suivante. Au Québec, il y a une loi qui est, je pense, assez bien faite, et dont l'article 219 dit ceci:
-
219. Aucun commerçant, manufacturier ou publicitaire ne
peut,
par quelque moyen que ce soit, faire une représentation
fausse ou trompeuse à un consommateur.
• 1625
Il me semble qu'il y a là matière à dédoublement
avec la nouvelle loi fédérale qui utiliserait le régime
civil. Au Québec, il y a les amendes.
Dans le nouveau régime canadien, on les appelle des
«sanctions pécuniaires
administratives». C'est un nom bizarre, vous en
conviendrez, qui veut dire «amendes» mais qui porte
une autre appellation pour une raison qui m'apparaît
évidente.
Il y a là une possibilité de dédoublement et de confusion, mais je vais plus loin. En vertu du projet de loi, quand le commissaire prévoit de choisir la voie civile, il exclut la voie criminelle. Est-ce que la possibilité de confusion avec le niveau provincial, à tout le moins en ce qui a trait au Québec, n'est pas d'autant plus grande?
La troisième question que je veux poser est la suivante. Vous avez souligné qu'on passait d'une politique de punition du crime à une politique de prévention. En réalité, on maintient les deux. Enfin, on prétend maintenir les deux. Ne croyez-vous pas que l'affaiblissement de la position de criminalisation—parce que je pense qu'il est difficile de soutenir le contraire—ne sera pas nécessairement compensé par la dimension de la prévention compte tenu du fait que le commissaire est le seul à pouvoir intervenir et que ses moyens sont limités?
[Traduction]
La présidente: Merci, madame Lalonde.
Qui va répondre à cette question? Madame McCall?
Mme Marnie McCall: Pour ce qui est de votre remarque sur le financement, Industrie Canada gère un programme de subventions et de contributions par le truchement du Bureau de la consommation et nous avons reçu des fonds de cette manière dans le passé. Le ministère nous aide aussi à prendre contact avec d'autres ministères où nous pourrions parfois trouver des crédits. Autrement dit, il nous aide mais nous ne recevons plus, comme autrefois, de subvention importante pour financer nos activités de base.
Pour ce qui est de la législation du Québec, je puis vous dire que tous les consommateurs canadiens seraient ravis que les autres provinces l'adoptent. De fait, il y a déjà plusieurs années que nous implorons les autres provinces de le faire. Si tel était le cas, le seul problème serait de coordonner la mise en application.
Comme il n'y a pas de législation comparable d'un bout à l'autre du pays, je pense qu'il est important, puisque tant de détaillants oeuvrent au palier national, que le Bureau de la concurrence joue un rôle dans ce domaine. J'espère que le directeur, lorsqu'il prendra ses décisions, se demandera si l'infraction a été commise complètement et totalement au Québec ou non. Si elle ne concerne aucune autre partie du pays, je suppose qu'il consultera ses collègues du Québec. Sinon, si c'est un problème interprovincial, je pense qu'il devra veiller à ce que la réaction soit uniforme d'un bout à l'autre du pays.
Il est peut-être donc juste de dire qu'il y a risque de chevauchement ou de confusion mais, sur le plan pratique, j'espère que ce risque est maintenu au minimum possible.
Pour ce qui est du passage à des mesures volontaires, avec des procédures civiles—comme j'exerçais autrefois le droit pénal, je connais aussi cet aspect du problème. De manière générale, je crois qu'il faut préserver le recours au droit pénal pour les cas les plus graves et ce, pour deux raisons.
Premièrement, c'est comme cela que nous exprimons notre désapprobation des infractions graves. Deuxièmement, il s'agit d'un domaine où l'on peut répandre de fausses impressions purement par accident, ou absolument sans aucune mauvaise foi et de manière purement involontaire, et il ne serait donc pas adéquat de sanctionner les personnes concernées en ayant recours au droit pénal.
• 1630
L'autre raison est que, dans bien des cas, le consommateur
n'a aucune possibilité de se faire indemniser. C'est donc la
prévention qui est le meilleur mécanisme de protection du
consommateur.
Tout ce qui peut éviter des pratiques trompeuses ou les prévenir est beaucoup plus bénéfique au consommateur qu'attendre 10 ans pour obtenir un règlement, comme c'est arrivé la semaine dernière. Si c'est comme cela que fonctionne le droit pénal, il n'est d'aucune utilité pour les consommateurs. Comme l'a dit Peter, quand il faut attendre 10 ans pour obtenir un jugement qui constitue un exemple pour les autres, l'effet dissuasif ne vaut vraiment pas grand-chose.
La présidente: Merci, madame McCall. Monsieur Woolford, voulez-vous ajouter quelque chose?
[Français]
M. Peter Woolford: Merci, madame la présidente.
Au sujet du choix des moyens de procéder, nous avons examiné à fond cette question au sein du panel et décidé qu'il fallait laisser ce choix au directeur. Nous savons que c'est un choix assez difficile pour lui, mais nous estimons qu'avec une orientation vers la prévention et la recherche de la concurrence, il vaut mieux avoir un système où on met beaucoup l'accent sur le respect de la loi et la réalisation d'un accord sur les pratiques du marché plutôt que sur une poursuite en justice. La communauté des affaires est assez satisfaite de ce choix.
Bien sûr, c'est le choix du directeur. Mais nous estimons qu'avec le manque de ressources, il vaut mieux qu'il ait un outil plus efficace, plus simple et moins coûteux, qu'un outil qui est très puissant mais qui nécessite l'utilisation d'un nombre tellement considérable d'employés qu'il est presque impossible de procéder. Je dis ceci en réponse à votre troisième question.
Deuxièmement, vous faites allusion au dédoublement avec les dispositions de la loi québécoise. Nous estimons qu'il n'y a pas de problèmes. Au fil des ans, on n'a pas observé de problèmes au niveau des différences entre les deux juridictions ni de confusion chez les consommateurs.
Nous avons une loi fédérale qui régit les pratiques du marché et une loi provinciale qui porte sur les intérêts des consommateurs. Ce sont deux questions qui sont un peu différentes. Le Bureau de la concurrence nous a exprimé assez clairement qu'il y a une différence entre servir les intérêts du marché et protéger le consommateur. Ce sont deux points de vue assez différents, et nous estimons que les distinctions entre les deux lois aident à éclaircir les différences et à réduire le risque de dédoublement. De plus, le manque de ressources des deux niveaux de gouvernement assure que les deux instances doivent coopérer, comme on l'a vu par les années passées.
Troisièmement, notons le changement eu égard au respect de la loi. Nous travaillons de manière soutenue avec la police pour ce qui touche le vol à l'étalage. Tous les agents de police nous disent que pour les criminels, la crainte la plus forte est celle d'être pris sur le fait. Ce n'est pas la sévérité de la peine, mais le risque d'être retrouvés. Avec un système civil qui est plus expéditif, qui est utilisé plus fréquemment, le risque, pour eux, augmente. Même si la punition est réduite, le risque d'être attrapé représente ce qui est important pour ceux qui veulent échapper à la loi ou commettre des actes criminels. Pour nous, le changement vers les recours civils donne plus d'assurances aux bons compétiteurs au sein du marché ainsi qu'aux consommateurs.
[Traduction]
La présidente: Et vous, monsieur Stewart, voulez-vous ajouter quelque chose aussi?
M. Norman Stewart: Une brève remarque au sujet de l'intervention d'une tierce partie dans le processus, après l'étape du directeur, pour décider d'avoir recours à la procédure civile ou à la procédure pénale.
En vertu de la loi, le directeur va devoir tenir compte d'un certain nombre de facteurs pour décider s'il s'agit d'une infraction particulièrement sérieuse, par exemple s'il y a eu mépris flagrant du consommateur ou tromperie délibérée, et pour peser d'éventuelles circonstances atténuantes. Le directeur passe par toutes ces étapes puis, en bout de ligne, il adresse une recommandation au procureur général et c'est lui qui décide ou non d'intenter des poursuites pénales. Il y aura donc clairement une autre entité qui pourra se pencher sur le dossier. La décision ne relèvera pas purement et simplement du directeur. Le système semble donc assez bien équilibré.
La présidente: Merci, madame Lalonde.
Monsieur Lastewka.
M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.): Je vous remercie de vos exposés détaillés, et je remercie aussi le professeur Stanbury d'avoir dit qu'il nous faut continuer à examiner en détail la Loi sur la concurrence pour continuer de l'améliorer. Je constate par ailleurs que vous souhaitez tous que la législation soit adoptée le plus vite possible, dans l'intérêt des consommateurs.
Je voudrais pour ma part aborder la question de l'écoute électronique. Je me demande si vous en avez discuté dans votre groupe de travail. Tel qu'on nous l'a proposé, l'objectif est d'assujettir le télémarketing à l'écoute électronique. Cela vous inquiète-t-il? Je vous ai entendu dire que cette disposition ne serait pas souvent invoquée, mais j'aimerais vous inviter à exposer votre position en détail.
M. William Stanbury: Selon moi, les préoccupations soulevées par le télémarketing sont l'une des raisons pour lesquelles on a proposé cet amendement, et c'est ensuite qu'on a décidé d'en étendre l'application. C'est en tout cas comme cela que j'interprète les choses.
Ce qu'on nous a indiqué au sujet du télémarketing nous porte à croire qu'il y a là des problèmes très graves pour lesquels nous n'avons pas d'outils de répression efficaces. Des tentatives ont été faites au palier provincial, la GRC a mis sur pied un groupe de travail, le gouvernement fédéral a fait étudier la question par le bureau du directeur, etc., mais personne n'a jamais eu les bons outils pour agir de manière intégrée. C'est pour cette raison qu'il faudrait définir de nouvelles infractions et centraliser le pouvoir de répression dans un seul organisme qui aurait déjà l'expérience voulue, ce qui est manifestement le cas du bureau du directeur.
Quant à savoir si cette disposition est vraiment nécessaire au sujet du télémarketing, je ne saurais le dire. D'après les informations qui nous ont été fournies, je ne suis pas convaincu que cela soit absolument nécessaire mais d'autres semblent penser le contraire, du fait de la rapidité avec laquelle peuvent agir ceux qui font du télémarketing.
Je discutais hier avec un dirigeant d'entreprise qui me disait que cela peut se faire aujourd'hui à très bon marché avec un simple téléphone cellulaire, sans ligne téléphonique traditionnelle, ce qui permet de changer d'endroit extrêmement rapidement. La technologie facilite les choses—il n'est plus nécessaire d'avoir une résidence. Or, comment effectuer une perquisition s'il n'y a pas de local? On peut bien faire des fouilles dans une automobile, par exemple, mais il est facile de la déplacer.
Selon la procédure actuelle, il faudrait d'abord quantifier le problème, obtenir ensuite un mandat de perquisition—procédure que le directeur connaît bien—puis faire la perquisition et saisir la preuve. À mon avis, c'est là que se pose le problème et c'est pour cela qu'on a proposé cet amendement. Si vous voulez en savoir plus, il faudrait interroger les représentants du Bureau.
M. Walt Lastewka: D'autres remarques?
Mme Marnie McCall: Je suis d'accord avec Bill.
M. Norman Stewart: Quelqu'un a parlé du manque de consultation au sujet de l'écoute électronique. Ce n'est pas une question qui est soumise au groupe de travail et c'est sans doute pour cette raison que certaines personnes estiment que vous ne devriez pas être encore saisis de cette proposition. Peut-être aurait-il mieux valu la reporter à l'étape suivante. Quoi qu'il en soit, il y a quand même eu des consultations, bien qu'elles aient été moins officielles que celles, plus structurées, du groupe de travail.
Cela étant, les questions les plus importantes que l'on se pose à ce sujet, notamment chez les commerçants, concernent le facteur de conspiration. Très peu de gens contestent l'idée que l'on puisse faire de l'écoute électronique au sujet du télémarketing, ou que l'on doive probablement en faire. Les questions concernent plutôt les questions de conspiration, c'est- à-dire le fait que des conversations innocentes risquent aussi de faire l'objet d'écoute.
• 1640
Selon certaines personnes des milieux d'affaires, il y a
assez de mécanismes de contrôle dans la procédure pénale, étant
donné qu'il faut obtenir une ordonnance pour faire de l'écoute
électronique. Autrement dit, il faut avoir des preuves déjà assez
bonnes qu'une infraction a été commise ou est sur le point de
l'être, il faut avoir épuisé toutes les autres manières d'obtenir
les preuves, et il faut que l'écoute soit la méthode la plus
adéquate.
À mon avis, tout cela fait que les gens devraient normalement être assez rassurés mais il serait peut-être quand même possible de mieux cibler la disposition relative à l'écoute électronique sur le strict problème des conspirations. Il y a peut-être là une possibilité d'amélioration des dispositions pertinentes et votre comité pourrait peut-être s'en charger.
M. Walt Lastewka: Je pense avant tout au consommateur.
M. Norman Stewart: Pour ce qui est du télémarketing, je crois qu'il y a très peu de gens qui contesteraient que cette disposition offre des avantages, étant donné qu'il s'agit d'une infraction commise par téléphone et pour laquelle il est donc très difficile d'obtenir des preuves solides. Avez l'écoute, on peut obtenir ces preuves—les conversations mêmes des conspirateurs—et je vois mal qui pourrait s'y opposer. J'ai l'impression que les gens qui ont été victimes d'escroqueries de télémarketing dans le passé y seraient très favorables.
M. Peter Woolford: Je suis d'accord avec Norm. Les commerçants de détail conviennent que ce type de preuve serait utile pour réprimer les escroqueries de télémarketing et je pense que la quasi-totalité des membres à qui j'en ai parlé n'ont aucune problème avec cela. Ils admettent que c'est l'une des meilleures méthodes possibles pour obtenir des preuves au sujet d'une activité qui, Bill l'a souligné, est extrêmement mobile. Même si ces escrocs utilisent les lignes téléphoniques habituelles, ils peuvent changer rapidement d'endroit. Il est donc devenu extrêmement difficile aux autorités de recueillir la preuve d'une escroquerie de télémarketing, si ce n'est en ayant recours à l'écoute électronique.
La présidente: Dernière question, s'il vous plaît, monsieur Lastewka.
M. Walt Lastewka: Merci.
La présidente: Merci. Monsieur Jones.
M. Jim Jones (Markham, PC): Merci beaucoup.
Il y a quelques années, le commerce électronique sur Internet représentait 200 millions de dollars; l'an dernier, c'était 8 milliards. Selon certaines estimations, dans trois ans, cela pourrait dépasser 200 milliards.
Marnie, vous avez dit qu'il faudrait appliquer à Internet les dispositions relatives à l'écoute électronique. Avez-vous une preuve quelconque de fraude de télémarketing exécutée au moyen du réseau Internet?
Mme Marnie McCall: Veuillez m'excuser, ce n'est pas tout à fait ce que j'ai dit. J'ai dit que les outils d'application volontaire et d'exécution de la loi... j'ai dit que nous devons veiller à réprimer les pratiques trompeuses utilisées sur le réseau Internet. Je ne songeais pas particulièrement au télémarketing...
M. Jim Jones: Mais je crois qu'il peut y avoir du marketing trompeur aussi bien sur Internet que par téléphone. Vous pourriez avoir un écran très interactif et faire beaucoup de choses de cette manière et, sans même vous en rendre compte, être amené à faire des choses que vous ne vouliez pas. On pourrait vous voler autant d'argent de cette manière que de vive voix.
Mme Marnie McCall: Notre objectif est que la terminologie employée dans la loi soit suffisamment large pour pouvoir réprimer les escroqueries électroniques sur le réseau Internet. Nous ne pensons pas qu'il soit nécessaire d'adopter une loi spéciale sur le commerce électronique. Les concepts inhérents à cette législation sont assez larges pour pouvoir s'y attaquer, à condition qu'il n'y ait rien dans la terminologie qui limite l'application des dispositions au téléphone, à la poste ou à un magasin. Il suffit donc de veiller à ce que la terminologie ne permette pas à Internet d'y échapper.
M. Jim Jones: Très bien.
Peter et le professeur Stanbury ont tous les deux affirmé que les communications téléphoniques devraient être de vive voix seulement. Or vous dites vous que le texte de la loi devrait être assez large pour s'appliquer à tout ce qui passe sur le fil.
Mme Marnie McCall: Il y a une différence à faire entre les dispositions relatives à la publicité trompeuse et celles relatives au télémarketing. Mes remarques portaient sur la publicité trompeuse.
• 1645
Par exemple, si quelqu'un se sert d'Internet pour
téléphoner, c'est-à-dire pour mener une conversation de vive voix
mais sans passer par AT&T, par exemple, cela devrait tomber dans
le champ du télémarketing. C'est la définition qui compte. Le
vrai problème des fraudes commises par télémarketing est qu'il y
a une relation personnelle qui s'établit entre deux personnes,
par téléphone.
Même avec un écran d'ordinateur interactif, cela reste toujours un système automatisé. C'est comme les boîtes vocales lorsqu'on veut suspendre la livraison du journal ou commander quelque chose. Cela ressemble plus à ce type de système et on peut certainement tromper les gens de cette manière. En ce qui concerne la publicité trompeuse, les prix trompeurs et toutes les autres formes d'escroquerie, le but devrait être de veiller à ce que les dispositions de la loi ne permettent pas d'y échapper en passant par le réseau Internet. Le télémarketing trompeur est une sorte de relation tout à fait particulière et je pense qu'il faut veiller à ce que le texte de la loi permette de sanctionner les gens qui se servent du service téléphonique par Internet, si cela devient un problème.
La présidente: Professeur Stanbury, avez-vous quelque chose à ajouter?
M. William Stanbury: Oui. De manière générale, les conversations relèvent des dispositions de la loi concernant la publicité trompeuse, tout comme les communications écrites et par les moyens conventionnels. En conséquence, je crois que le cas d'Internet est déjà prévu, sauf en ce qui concerne le problème de juridiction.
Techniquement, c'est un fournisseur de service Internet qui vous permet de vous brancher sur le réseau, mais le serveur pourrait fort bien se trouver en dehors du Canada. Tout ce qu'il y a à faire, c'est d'obtenir les informations pertinentes pour se brancher sur ce site. Ensuite, on peut faire le suivi par téléphone, même si on appelle de l'extérieur du pays. C'est là que les choses deviennent compliquées.
Ce qui est intéressant à ce sujet, c'est qu'on attire cela vers soi. Techniquement parlant, c'est cela qui se passe. Quand on fait un appel téléphonique, c'est différent. Donc, on a effectivement amené les paquets de données électroniques en territoire canadien, même s'ils se trouvaient à l'origine sur un serveur situé à l'étranger. Donc, on amène cela dans son ordinateur, ce qui n'est pas le cas avec un appel téléphonique de l'extérieur de la juridiction. Je ne suis pas avocat mais il me semble que c'est là que se situe le problème—si l'on essaie de s'attaquer à ce genre de pratique, on risque de ne pas pouvoir le faire parce que l'infraction n'a pas été commise au Canada. Vous pourrez consulter des avocats là-dessus.
Mme Marnie McCall: Mais c'est exactement la même chose quand un opérateur de télémarketing se trouve en Floride aujourd'hui, en Géorgie demain et au Nouveau-Brunswick le jour suivant. C'est le même problème. Si j'ai raison, veillons à ce qu'il n'y ait pas d'échappatoires. Mais nous n'avons pas besoin d'un régime de réglementation complètement distinct pour Internet. Il suffit simplement de veiller à ce que les outils dont nous disposons soient plus sophistiqués, et à recruter un plus grand nombre de génies informatiques pour suivre ces gens à la trace. Mais on n'a pas besoin d'une législation distincte.
La présidente: Monsieur Woolford.
M. Peter Woolford: Je voudrais faire une distinction importante. Lorsque le groupe de travail s'est penché sur le télémarketing, il a examiné le cas des appels vers l'extérieur, c'est-à-dire des appels fait par l'opérateur de télémarketing sans signal du consommateur. Par exemple, je peux recevoir un appel directement chez moi mais ce n'est pas moi, consommateur, qui en aurais pris l'initiative. Voilà la différence qualitative qui existe entre le télémarketing et les autres formes de publicité.
Quand je me promène sur le réseau Internet, c'est moi qui choisis d'aller sur tel ou tel site et qui choisis de lire ce qu'il y a à l'écran. Il y a donc là une initiative du consommateur, tout comme lorsque celui-ci lit une publicité ou prend le dépliant d'un vendeur. C'est une décision délibérée.
L'analogie la plus proche à laquelle je pense est celle de la vente directe, qui fait l'objet de dispositions législatives dans beaucoup de provinces. Je parle ici du cas d'un vendeur qui vient directement chez vous. Dans beaucoup de provinces, on a prévu des mesures complémentaires de protection lorsque le vendeur se présente spontanément chez vous, par rapport au cas où c'est vous qui invitez le vendeur à venir ou vous qui allez chez un commerçant. C'est parce que c'est le vendeur qui a pris l'initiative de la relation. En droit, le vendeur contrôle la relation. Il en est le moteur. Voilà pourquoi le télémarketing et la vente directe porte-à-porte sont qualitativement différents des autres types de transactions.
• 1650
Toutes les autres transactions—électroniques, face-à-face,
par la poste, par téléphone—devraient être couvertes par les
dispositions de la loi concernant les pratiques trompeuses. Si je
diffuse de fausses informations sur Internet, par écrit ou face-
à-face, avec un consommateur, j'enfreins la loi.
Ce qui est différent, avec le télémarketing, c'est que je téléphone à quelqu'un pour lui faire une offre. J'ai fait partie du groupe spécial qui s'est penché sur le télémarketing et c'est sur ce plan qu'il a trouvé une différence qualitative exigeant des dispositions spéciales. Il y a en plus le problème qu'a posé Marnie au sujet de la juridiction et de la nécessité de cibler les efforts d'exécution de la loi.
La présidente: Voulez-vous ajouter quelque chose, madame McCall?
Mme Marnie McCall: Oui. Merci.
Nous n'avons pas examiné cette question en détail. Quoi qu'il en soit, si quelqu'un vous téléphone ou vient à votre porte, vous êtes presque psychologiquement obligé de répondre. Il est très difficile de laisser le téléphone sonner ou de ne pas bouger quand quelqu'un frappe à votre porte. Les gens le savent et, évidemment, ils en profitent pour attirer votre sympathie et établir une relation amicale.
Ce qui est beaucoup moins clair, à mon avis, c'est le fait de recevoir un courrier non sollicité et auquel on vous invite à répondre. Est-ce la même chose que la vente directe ou le télémarketing, ou est-ce que le fait que vous deviez décider de répondre fait qu'il s'agit plus de quelque chose qui ressemble à un appel dont le consommateur lui-même a pris l'initiative? Je n'ai pas beaucoup réfléchi à la question et je ne sais pas vraiment comment y répondre. C'est peut-être quelque chose qu'on devrait examiner de manière plus attentive, surtout si le message électronique non sollicité que vous recevez dans votre ordinateur permet à quelqu'un d'acquérir des informations sans même que vous décidiez activement d'y répondre.
La présidente: Monsieur Jones. Non? Monsieur Lowther.
M. Eric Lowther (Calgary-Centre, Réf.): J'ai quelques brèves questions à poser, mais je ne sais pas à qui les adresser. Peut- être vais-je commencer avec le professeur Stanbury.
Avec ces changements, diriez-vous que l'écoute électronique sera un dernier recours?
M. William Stanbury: C'est généralement le cas, notamment à cause des critères qu'il faut respecter pour obtenir l'autorisation du juge. Autrement dit, il faut prouver que l'on a déjà essayé, sans succès, d'obtenir les preuves par les méthodes conventionnelles.
M. Eric Lowther: Auriez-vous des réserves quelconques à ce que cela figure clairement dans la loi, c'est-à-dire que l'on ajoute à la disposition pertinente: «Comme dernier recours seulement»? À l'heure actuelle, le directeur doit dire qu'il a déjà essayé les autres méthodes mais c'est le juge qui décide, et il faut lui donner la preuve qu'on a essayé les autres méthodes ou que l'on pense qu'elles seront inefficaces. Pourquoi ne pas dire clairement que l'écoute ne sera utilisée qu'en dernier recours?
M. William Stanbury: Je sais qu'on ne l'indique pas explicitement de cette manière dans la loi. Il y a cependant aussi une zone grise étant donné que l'on pourrait dire que l'on a des raisons de croire que les autres outils ne fonctionneront pas, étant donné la nature de l'opération que l'on veut réprimer, et qu'il serait donc tout à fait inutile d'essayer de le faire par d'autres méthodes.
La question est de savoir à quelle hauteur on veut fixer la barre qu'il faudra franchir pour obtenir le droit d'appliquer ce qui est un mécanisme intrusif.
M. Eric Lowther: Oui.
M. William Stanbury: C'est une question de jugement, vous savez. La Couronne devra fournir les preuves pertinentes à un juge.
Cela dit, je ne voudrais pas que la barre soit infranchissable. On peut en effet concevoir des cas où il serait absolument évident que la seule manière d'obtenir les informations souhaitées serait de faire de l'écoute électronique. Or, si l'on adoptait votre recommandation, il faudrait quand même essayer de les obtenir en utilisant les autres méthodes. Si on pouvait identifier ces cas, il serait peut-être préférable d'indiquer cela. Autrement dit, on inclurait une disposition générale de dernier recours, sauf dans les cas où d'autres facteurs permettent de penser que ce serait la seule méthode pratique d'obtenir les preuves.
M. Eric Lowther: Est-ce que ce ne serait pas la même chose?
La présidente: Je crois que monsieur Stewart souhaite intervenir.
M. William Stanbury: Veuillez m'excuser, je voudrais faire une dernière remarque.
C'est peut-être bien le cas et, si on peut clarifier les choses, je ne m'y opposerais certainement pas.
M. Norman Stewart: J'allais présenter exactement l'argument contraire, ce qui va évidemment vous surprendre puisque je fais partie des gens d'affaires.
Ce qu'il y a dans cette législation me semble être presque exactement similaire à ce qu'il y avait déjà dans le Code criminel. On n'a qu'à suivre cette procédure. Il s'agit fondamentalement d'une alternative: ou on démontre à un juge que l'on a essayé toutes les autres méthodes et qu'elles ont échoué, ou l'on dit au juge, en quelque sorte: «Désolés, monsieur le juge, nous n'avons pas le temps d'essayer autre chose parce que je sais qu'il y aura un appel dans trois heures et j'ai absolument besoin de votre autorisation pour obtenir la preuve cherchée». En conséquence, nous ne pouvons pas faire ce que vous ou Bill suggérez car on risquerait de perdre ces preuves qui seront disponibles à très brève échéance.
• 1655
Si j'adoptais le point de vue traditionnel des gens
d'affaires, je vous dirais qu'il faut absolument passer par
toutes les étapes. Je pense qu'il suffit de reprendre exactement
la même procédure que dans le Code criminel.
Il y a plusieurs autres cas où c'est possible. Je sais qu'il y a 14 ou 15 situations différentes dans lesquelles on peut déjà faire de l'écoute électronique, en vertu du Code criminel. Il suffirait d'y ajouter ce cas là.
M. Eric Lowther: Je voudrais vérifier que je vous ai bien compris. Vous dites que les cas où l'on devra faire cela seront les cas où les délais sont tellement serrés...
M. Norman Stewart: Ce serait possible, mais pas toujours.
M. Eric Lowther: ... que les mécanismes de contrôle que nous avons prévus, c'est-à-dire dire que tout a été essayé et que rien n'a marché, qu'il n'y a pas d'autre méthode et qu'il faut maintenant faire de l'écoute électronique, tout cela ne servirait pas à grand-chose de toute façon. L'argument sera toujours: «Nous n'avons pas le temps, il nous faut tout de suite cette autorisation». C'est ce que vous dites?
M. Norman Stewart: Non, je dis que cela pourrait arriver comme vous le dites mais qu'il faudrait quand même démontrer au juge que c'est une manière raisonnable et absolument nécessaire pour recueillir la preuve. Ce n'est pas comme si vous alliez voir le juge sur un coup de tête pour lui dire: «Écoutez, je laisse tomber tous les autres mécanismes qui sont autorisés par la loi pour obtenir des preuves, je veux cette autorisation». Non, il faudra toujours s'adresser à un juge, même si les délais sont serrés. Et il faudra toujours démontrer qu'il y a un besoin réel, étant donné que l'écoute électronique est une méthode extrêmement intrusive.
M. Eric Lowther: J'entends bien. Je me demande cependant si on ne pourrait pas renforcer cette disposition, sans la modifier vraiment, de façon à ce qu'elle ne puisse être invoquée qu'en dernier recours.
Je voudrais passer à autre chose. Dans le monde d'aujourd'hui, pour ce qui est du télémarketing et de certaines autres techniques de vente, vous savez bien qu'on n'est pas toujours obligé dÂavoir un local. On peut parfois négocier un contrat avec une personne qui fera les appels de chez elle.
Je me demande s'il n'y a pas un risque de violation de la vie privée, étant donné que l'écoute électronique risque d'être effectuée sur la ligne privée d'une personne qui fait du télémarketing à contrat. Certes, vous allez me dire que vous faites l'écoute électronique pour surveiller le télémarketing, mais cela risque aussi de vous amener à écouter des conversations privées.
Y a-t-il une protection contre cela ou est-ce tout simplement un risque que l'on accepte de courir?
M. Norman Stewart: Cela peut arriver dans n'importe quel cas d'écoute électronique. Il faut démontrer au juge que l'on essaie d'obtenir des preuves précises et que l'on a une bonne idée de la nature de l'appel téléphonique.
Et c'est le juge qui doit en fin de compte tirer une conclusion à ce sujet. C'est lui qui dit s'il autorise ou non l'écoute électronique. Évidemment, lorsque l'écoute a commencé, il se peut fort bien que d'autres conversations soient interceptées en même temps, mais c'est là un effet tout à fait naturel des écoutes électroniques.
J'ai beaucoup confiance dans notre appareil judiciaire, puisque j'ai passé la moitié de ma vie en son sein, d'une manière ou d'une autre. J'ai la conviction que les juges sont des gens très raisonnables et qu'ils seront parfaitement capables de prendre de bonnes décisions lorsqu'ils recevront une demande du Bureau et du procureur général pour faire de l'écoute électronique.
M. Eric Lowther: Mais n'avons-nous pas franchi...
La présidente: Madame McCall voudrait aussi répondre.
M. Eric Lowther: Veuillez m'excuser.
La présidente: Nous devrions laisser tout le monde répondre, n'est-ce pas?
Mme Marnie McCall: Merci.
Si je comprends bien, on reprend dans la Loi sur la concurrence les dispositions mêmes qui existent aujourd'hui dans le Code criminel. Or, il y a déjà longtemps que les dispositions relatives à l'écoute électronique font l'objet d'interprétations judiciaires.
Il existe déjà une jurisprudence pénale considérable sur ce qui est légitime et sur ce qui ne l'est pas dans l'écoute électronique d'une résidence privée. De manière générale, c'est toujours une solution de dernier ressort. Si l'on peut intercepter les appels de locaux commerciaux, le juge ordonnera toujours que l'on commence de cette manière avant d'écouter les appels d'une résidence privée.
Les dispositions d'écoute électronique ont produit une grosse jurisprudence depuis leur adoption au milieu des années 70. L'une des raisons pour lesquelles on veut adopter ces dispositions du Code criminel est sans doute que l'on veut profiter de cette jurisprudence...
Je crois savoir qu'il y a eu moins de 500 écoutes électroniques qui ont été autorisées au Canada depuis l'entrée en vigueur de la loi en 1976. Il est très difficile d'obtenir une autorisation dans ce pays. Ce n'est pas du tout comme aux États- Unis. Là-bas, c'est très facile. Ici, c'est très, très difficile. Je ne pense pas que le directeur des Enquêtes ou le commissaire de la concurrence pourront en obtenir plus facilement que les services de police.
Certes, cela n'enlève rien au problème des gens qui travaillent à partir de chez eux. C'est une question délicate depuis plusieurs années et je pense qu'il y a aussi pas mal de jurisprudence à ce sujet.
M. Eric Lowther: Bien. En conséquence, vous dites que tout s'est bien passé jusqu'à présent et qu'il n'y a donc pas vraiment de problème si on étend ce système à un autre secteur, étant donné que les résultats à l'avenir seront probablement aussi bons que ceux du passé. Hélas, je ne suis pas certain d'être aussi confiant que vous à ce sujet.
Mme Marnie McCall: Pour dire les choses autrement, je ne pense pas qu'il y ait quoi que ce soit dans la Loi sur la concurrence qui empêche d'intenter des poursuites en vertu du Code criminel dans un cas de fraude évidente. Si le directeur ne disposait pas de ce pouvoir, il pourrait demander l'autorisation de faire de l'écoute électronique en vertu des dispositions du Code criminel concernant la fraude.
Au fond, il s'agit simplement d'ajouter quelque chose à un système qui existe déjà. Il s'agit de rationaliser les procédures et de faire en sorte que tous les pouvoirs pertinents se trouvent dans le même texte de loi. Sinon, je suppose que l'on pourrait essayer de faire la même chose en vertu du Code criminel.
M. Eric Lowther: Aujourd'hui, sans cette nouvelle disposition, si l'une des deux parties reconnaît qu'il y aura une écoute électronique, ou que quelqu'un écoutera, on peut écouter les conversations, n'est-ce pas? Même aujourd'hui, c'est admissible si l'on informe l'une des deux parties.
Mme Marnie McCall: C'est ce que je pense. À condition que l'une des parties y consente.
M. Eric Lowther: Donc, si l'on s'inquiète d'une activité trompeuse, du point de vue de la concurrence, ou de ce genre d'activité, ne suffirait-il pas de dire que l'on va téléphoner au numéro pertinent et que notre agent ou la personne qui fait l'appel verra ce qui se passe?
La seule exception serait peut-être le cas des appels vers extérieur, lorsqu'on ne sait pas qui sera au bout du fil.
M. Peter Woolford: Souvenez-vous que c'est l'une des caractéristiques du télémarketing: c'est un appel vers l'extérieur, pas vers l'intérieur.
M. Eric Lowther: Pas toujours.
M. Peter Woolford: C'est le thème central de cette partie de la législation. Le groupe de travail a donné son accord. Le problème majeur est celui des appels sortants effectués par le vendeur. Nous ne savons pas à qui ils sont destinés.
M. Eric Lowther: Voulez-vous dire que cela n'a aucune incidence sur les appels entrants?
M. Peter Woolford: On ne sait pas à qui sont destinés ces appels.
M. Eric Lowther: Mais si ce sont des appels entrants, peut- on quand même les intercepter?
M. Peter Woolford: S'il s'agit de conspiration ou de collusion, pourquoi pas?
M. Eric Lowther: Mais pourquoi voudriez-vous le faire? Il pourrait s'agir d'une personne informée qui appelle pour l'enquêteur et qui réussit à obtenir l'information sans écoute électronique.
Comme vous pouvez le deviner, je suis un peu réticent quand je vois que l'on veut donner à la magistrature et au directeur le pouvoir de faire de l'écoute intrusive. Considérant la nature du télémarketing aujourd'hui, une bonne partie des conversations privées que vous entendrez n'aura rien à voir avec cela.
M. Peter Woolford: Mais c'est comme cela que fonctionnent maintenant les escrocs du télémarketing. Ils n'attendent pas qu'on les appelle. De fait, si quelqu'un les appelait, ils en seraient très surpris.
M. Eric Lowther: Si tel est le cas, pourquoi protégeons-nous cela ici?
M. Peter Woolford: Ils achètent des listes de pigeons. Ils dressent des listes très spécialisées de personnes susceptibles de se faire prendre et ils les appellent.
M. Eric Lowther: Mais ces changements ne concernent pas uniquement les appels sortants, n'est-ce pas? On ne fait aucune différence entre les appels entrants et les appels sortants. C'est peut-être ce qu'il faudrait préciser pour ne pas nous retrouver avec de l'écoute électronique tous azimuts.
M. Peter Woolford: Je vous rappelle cependant que le télémarketing fonctionne avec des appels sortants.
M. Eric Lowther: Je suis prêt à en débattre avec vous, monsieur. Je pense que le télémarketing repose sur des appels entrants et sortants. On peut par exemple distribuer un faux dépliant qui paraît très attrayant et qui amène les gens à téléphoner. Une fois que la relation est établie, on peut faire la même chose.
M. Peter Woolford: Dans ce cas, le Bureau considérerait sans doute qu'il s'agit de fausse représentation.
M. Eric Lowther: Eh bien, je dis que ce serait bien si c'était dans la loi.
La présidente: Merci, monsieur Lowther.
[Français]
Madame Lalonde, est-ce que vous avez une autre question?
Mme Francine Lalonde: Oui, merci.
J'aimerais revenir à la question du pouvoir du commissaire. Je n'ai reçu qu'une réponse partielle m'indiquant qu'il y aurait évidemment consultation des gens à la justice lorsqu'on déterminera s'il y aura poursuite, mais que ce sera le commissaire seul qui pourra décider de ne pas poursuivre. C'est lui qui a ce pouvoir. Il ne faut pas oublier que son patron—et là je ne parle pas du ministre concerné—, quel que soit le ministre, quelle que soit sa personne ou son honnêteté, c'est le ministre l'Industrie. Alors, le commissaire, seul ou à la demande de son ministre qui peut en répondre, peut décider de ne pas poursuivre.
Il me semble que dans votre rapport, vous recommandiez d'ouvrir les recours à tous, comme on le fait aux États-Unis. J'aimerais savoir si tous les membres du groupe étaient d'accord sur cette recommandation ou si les grandes entreprises s'y opposaient.
[Traduction]
Mme Marnie McCall: L'Association des consommateurs était certainement favorable à ce qu'on accorde cette possibilité à tout le monde, de façon à permettre que des poursuites privées soient intentées.
M. William Stanbury: Moi aussi, je suis favorable à ce que les particuliers aient accès au Tribunal de la concurrence. Nous ne parlons pas ici de droit pénal. Il s'agit seulement d'accès au Tribunal de la concurrence.
De fait, en ce qui concerne l'article 75, j'aimerais que le directeur n'ait plus le pouvoir de s'occuper de ces cas. J'estime que c'est une anomalie flagrante de la loi et je pourrais vous l'expliquer en détail, si vous le voulez. Je suis favorable à un accès privé, surtout si le directeur n'a pas agi ou se propose de ne pas agir. À mon avis, si des entités privées veulent agir, elles devraient pouvoir le faire.
[Français]
M. Peter Woolford: Les représentants du monde des affaires ont examiné rapidement les expériences vécues aux États-Unis, où de nombreuses compagnies et des individus ont profité de ce droit pour harceler des compagnies. Cela nous a beaucoup inquiétés.
Dans le rapport du groupe, nous avons indiqué que nous serions prêts à en discuter lors d'une deuxième étape. Nous estimons qu'un tel pouvoir pose des problèmes assez sérieux et nous sommes tout disposés à en discuter dans un avenir rapproché.
[Traduction]
La présidente: Merci.
Monsieur Stewart.
M. Norman Stewart: Pour revenir sur ce que disait M. Woolford, c'était le consensus du groupe. Certes, nous avons eu un long débat à ce sujet mais nous avons abouti sur un consensus. À condition que l'on s'entende sur le sens de consensus. Est-ce l'unanimité, la majorité ou quelque chose d'autre?
Quoi qu'il en soit, le consensus du groupe était que cela mérite une étude approfondie. Nous avons d'ailleurs proposé des critères au sujet des choses qu'il faudrait examiner attentivement pour permettre un système d'accès privé.
Il s'agit de choses telles que le rôle du directeur dans une poursuite privée, ainsi que les règles relatives aux frais. Devrait-on permettre des intervenants? Des dommages et intérêts seraient-ils inhérents à une procédure de ce genre? Face à ces questions, nous avons dit qu'il fallait étudier le problème de plus près. Le travail a déjà commencé. Le Bureau a publié un rapport préliminaire pour solliciter des commentaires et je suis sûr que vous entendrez reparler de cette question. Je suis sûr qu'elle reviendra sur le tapis, mais pas cette fois-ci.
La présidente: Monsieur Woolford, nous ne voudrions pas vous faire rater votre avion. Comme il y a beaucoup de construction dans le centre-ville, n'hésitez pas à partir dès que vous le voudrez.
M. Peter Woolford: Y a-t-il d'autres questions particulières à mon intention?
La présidente: Je suis sûre que cela pourrait durer des heures.
Madame Lalonde.
[Français]
Mme Francine Lalonde: Pendant deux jours.
Je comprends vos derniers commentaires, mais il reste que la garantie, c'est une garantie de confiance. Lorsqu'on formule une loi, on y prévoit normalement des garanties qui ne sont pas nécessairement établies en fonction de la confiance qu'on accorde à un titulaire ou à un autre qui sera appelé à changer. C'est pour cela que j'ai dit «indépendamment du ministre, des personnes ou du directeur». Nous vivons dans un monde de fusions extrêmement rapides où la concurrence, qui était le maître-mot du capitalisme, est recherchée parce qu'on se trouve dans une période qui ressemble à celle de la fin de la Révolution industrielle. Il me semble qu'il faut savoir, avec l'AMI qui est à nos portes, que le travail à faire sera énorme. Il faut garder la confiance des consommateurs et des petites et moyennes entreprises dont on n'a pas parlé, mais qui se font évincer du marché par toutes sortes de pratiques.
Alors moi, je continue à dire que c'est loin d'être satisfaisant. Mes réticences n'ont rien à voir avec les personnes. Ma responsabilité ne consiste pas à tenir compte des personnes, mais à voir ce que la loi donne comme droits.
[Traduction]
La présidente: Quelqu'un veut-il répondre? Professeur Stanbury.
M. William Stanbury: Je vais faire quelques remarques d'ordre factuel. Le ministre joue un rôle très limité pour ce qui est de l'application de la Loi sur la concurrence. Il peut formuler une plainte ou demander une enquête. Il ne peut pas bloquer une enquête lancée par le directeur. Si le directeur veut arrêter une procédure, le ministre peut lui demander de reprendre le dossier, d'y repenser et, éventuellement, de reprendre l'enquête. N'oubliez pas que le directeur est un agent d'exécution de la loi et que nous ne souhaitons pas que les politiciens participent directement à ses décisions. Leur rôle est d'établir le cadre général mais pas de s'occuper de l'application de la loi.
Il faut souligner aussi que, si l'on décide d'intenter des poursuites pénales, puisque le système offre les deux possibilités, civile et pénale, c'est le ministère de la Justice qui décidera d'aller de l'avant ou non. Les études que j'ai faites m'ont montré que la recommandation du directeur aboutit à des poursuites dans environ 85 p. 100 des cas. Autrement dit, dans environ 15 p. 100, le ministère de la Justice ne pense pas que les preuves sont assez solides et il ne va pas de l'avant. Si tel était le cas dans une affaire de publicité trompeuse, le directeur ne pourrait pas alors intenter une procédure civile. Une fois qu'il s'engage dans la voie pénale, il va jusqu'au bout, il ne peut pas changer en cours de route.
Revenons à la procédure civile. Même s'il choisit la procédure civile, il doit toujours donner des instructions à l'avocat, généralement fourni par le ministère de la Justice, pour soumettre la demande à une cour ou au tribunal. Il y a donc un deuxième examen de tous ces dossiers. De fait, la loi est un peu trompeuse, pour parler honnêtement, puis qu'on y dit que le directeur présente la demande. C'est peut-être le cas sur le plan formel mais il n'agit en fait que sur l'avis du ministère de la Justice ou d'une personne désignée par lui.
Il y a donc une procédure d'examen à deux paliers dans chaque cas, civil ou pénal, et cela ne changera pas. Je voulais simplement le préciser.
La présidente: Merci. Merci, madame Lalonde.
Monsieur Lastewka.
M. Walt Lastewka: Merci, madame la présidente.
Comme le professeur Stanbury, j'allais dire que le ministre ne doit pas entraver l'action du directeur. Le projet de loi C-20 est déposé par le ministre et c'est le Parlement qui l'approuve. Ensuite, le directeur joue son rôle et il fait rapport au Parlement. Les discussions qu'il peut y avoir entre le directeur et le ministre sont très limitées et portent surtout sur les grandes politiques, comme nous le faisons aujourd'hui au sujet du projet de loi.
J'ai entendu dire que le ministre donnait au directeur l'instruction de faire certaines choses. Ce n'est pas juste. Ce n'est pas vrai. Son seul rôle est d'être un intermédiaire pour l'application de la législation, comme nous le faisons aujourd'hui. Le professeur Stanbury vient de le préciser.
La présidente: Voulez-vous ajouter quelque chose, professeur?
M. William Stanbury: Oui. Le ministre détient deux pouvoirs officiels. Le premier est de demander au directeur d'entreprendre une enquête. Si le directeur dit qu'il n'y a aucune preuve, l'enquête peut se terminer le jour suivant. Il peut aussi conclure que la loi ne s'applique pas au type de comportement qui préoccupe le ministre.
Deuxièmement, si le directeur veut cesser une enquête, le ministre peut lui demander de la reprendre ou de la poursuivre. Si le directeur lui dit, au bout d'une journée, d'une semaine ou de n'importe quel moment: «J'y ai repensé, j'ai réexaminé le dossier et je veux arrêter», l'enquête doit arrêter et c'est tout.
Il y a cependant une troisième élément qui ne découle pas de la loi elle-même. Il s'agit du fait que le ministre exerce une influence considérable sur le budget étant donné que le Bureau de la concurrence fait partie d'Industrie Canada. Évidemment, le processus d'établissement du budget est complexe mais le ministre y occupe une place très importante et j'estime qu'il devrait se battre plus fort pour consacrer plus d'argent à cette fonction.
Je dois dire que c'est un problème que connaissent généralement toutes les agences d'exécution des lois dans ce pays, au palier provincial aussi. Cela m'inquiète beaucoup et je remettrai d'ailleurs au comité un exemplaire de mon étude détaillée à ce sujet.
En règle générale, je suis tout à fait partisan des coupures budgétaires dans le secteur public, de la privatisation et de la réglementation mais, dans le cas présent, je pense que l'on a coupé plus que de raison et c'est pourquoi je recommande que l'on augmente le budget, d'autant plus que les responsabilités augmentent. On déréglemente beaucoup au CRTC, par exemple, et bon nombre de tâches sont transférées du CRTC au Bureau de la concurrence, mais sans argent ni personnel.
• 1715
En fait, je crains que nous ne soyons déjà plus capables
d'appliquer suffisamment la loi. Comme je vous l'ai dit, vous
trouverez des détails très clairs à ce sujet dans mon étude.
M. Walt Lastewka: Très bonne remarque. Je vous en remercie.
La présidente: Merci, monsieur Lastewka.
Monsieur Schmidt, pour une dernière question.
M. Werner Schmidt: Merci, madame la présidente.
Ma question sera brève. Elle concerne la réponse que l'on nous a donnée au sujet du courrier électronique et de ce qui constitue une relation interpersonnelle dans ce contexte.
J'avais cru comprendre que vous vouliez que l'on change la définition du télémarketing en indiquant qu'il s'agissait de communication «de vive voix». En quoi cela changerait-il la définition?
Mme Marnie McCall: C'était M. Woolford.
M. Werner Schmidt: Je croyais que vous aviez dit la même chose. Veuillez m'excuser, je me trompe peut-être.
Mme Marnie McCall: J'ai peut-être dit cela dans une réponse ultérieure. Il y a une différence entre traiter avec quelqu'un face-à-face ou de vive voix, par téléphone, et traiter avec quelqu'un par la poste ou devant un écran d'ordinateur.
M. Werner Schmidt: Je suis bien d'accord.
Mme Marnie McCall: Il serait donc logique de traiter ces deux types de relations de manière un peu différente. Je crois que les dispositions relatives au télémarketing trompeur portent sur le problème de la facilité avec laquelle on peut établir un rapport en parlant à certaines personnes, notamment à celles qui sont vulnérables. Les dispositions générales relatives à la publicité trompeuse s'appliquent dans tous les cas, quel que soit le mode de communication.
M. Werner Schmidt: C'est de cela que nous parlons. Je parle en particulier de la définition du télémarketing, que l'on trouve à l'article 13 du projet de loi, qui ajoute l'article 52.1 à la loi actuelle. C'est la définition du télémarketing.
Je crois que Peter et le professeur Stanbury ont dit que l'on devrait dire qu'il s'agit de communications de vive voix. J'aimerais savoir quel serait l'effet de ce changement.
M. William Stanbury: En fait, je suis intervenu sur cette question. Il s'agissait de préciser ce qui est proposé dans les lignes directrices du directeur, comme je les appelle, lorsqu'il dit que, selon son interprétation, cette disposition toucherait les appels téléphoniques de vive voix et non pas les messages télécopiés, par Internet, les messages automatisés pré- enregistrés ou les appels dont le consommateur prend l'initiative. Autrement dit, bien que cela ne soit pas indiqué dans la loi, c'est comme cela qu'il se propose d'interpréter cette clause.
M. Werner Schmidt: Bien. C'est très bien s'il l'interprète comme cela mais j'aurais de sérieuses réserves à ce qu'on ajoute ce genre de chose à la loi, et je vais vous dire pourquoi. Les gens changent et, à mesure que la technologie s'améliore et que l'on se familiarise avec le courrier électronique, en particulier, cette relation personnelle, même si on ne l'a pas étudiée en profondeur... Je ne vois pas comment on aurait pu le faire car cela n'existe pas depuis assez longtemps. Si on mettait cela ici, on exclurait automatiquement ça et je pense que ce serait une restriction que l'on ne souhaite pas.
Je pense que la définition qui est ici est bonne et je dois dire que j'ai été surpris d'entendre cette suggestion.
M. William Stanbury: J'essayais simplement de préciser comment cela serait interprété. Je ne recommande pas qu'on mette cela dans la loi.
M. Werner Schmidt: Mais je pense que quelqu'un l'a fait.
Mme Marnie McCall: M. Woolford.
M. Werner Schmidt: Je sais que l'Association du Barreau canadien a fait exactement la même chose. C'est ce qu'elle veut. Nous avons eu le même problème avec elle.
C'est tout, merci.
La présidente: Merci, monsieur Schmidt.
Pour compléter ce débat, je crois que Mme McCall avait dit un peu plus tôt que l'on ne peut avoir de relations interactives par Internet. Je conteste vigoureusement cette affirmation...
M. Werner Schmidt: Moi aussi.
La présidente: ... étant donné les nombreux services de discussion qui existent et, aussi, parce qu'on a vu des gens se marier simplement après avoir discuté par Internet et par courrier électronique.
Je crois que le courrier électronique non sollicité est manifestement un problème. Je pense aussi que les lignes de discussion, même si la relation peut être tout à fait régulière au début, peuvent déboucher sur de la publicité ou de la vente non sollicitée. Or, même si le client a pris l'initiative du premier appel, cela ne veut pas dire qu'il voulait établir une relation de vente.
Je ne suis donc pas très heureuse de voir que l'on parle toujours de communications de vive voix. Je ne pense pas qu'il faut limiter nos lois à ce qui existe en 1998, étant donné qu'il existe déjà des communications interactives par ordinateur et que les gens pourront d'ailleurs très bientôt se parler de vive voix par Internet. Cela existe déjà dans certaines régions par satellite.
Je suis donc inquiet de voir que l'on parle toujours de communications de vive voix et je crains que cela ne débouche sur toute une nouvelle série de problèmes.
Mme Marnie McCall: Je ne voulais certainement pas dire que des relations par ordinateur ou par téléphone ne peuvent pas être interactives. Je disais simplement qu'il s'agit d'une interaction différente de l'interaction orale.
• 1720
Notre dernière recommandation était que les outils de mise
en oeuvre et d'exécution de la loi devraient faire l'objet d'une
révision pour garantir qu'ils s'appliquent à tout ce qui peut se
faire par Internet, de façon à ce qu'il n'y ait pas
d'échappatoires, et qu'ils soient assez souples pour pouvoir
s'adapter aux nouvelles méthodes de commerce.
Nous partageons donc complètement votre préoccupation et je suis d'accord avec vous quand vous dites que nous risquons de nous lier les mains si nous indiquons dans la loi qu'il doit s'agir de communications de vive voix, au lieu de laisser cela dans les lignes directrices d'interprétation. Nous sommes complètement d'accord avec vous là-dessus. Nous pensons qu'une loi-cadre doit être assez souple pour régir les nouvelles méthodes d'opération.
La présidente: Je dois cependant vous dire que j'ai aussi des difficultés à parler de cela dans les lignes directrices d'interprétation. En effet, cela reviendrait à permettre aux lignes directrices de circonscrire le choix de la méthode d'application de la Loi, alors que certains d'entre nous affirment qu'il est nécessaire de prévoir l'interprétation la plus large possible au sujet de ce qu'on peut faire sur le plan des télécommunications et de la vente.
Il y avait la semaine dernière sur la colline une entreprise qui disait que l'on pourra bientôt acheter toutes sortes de choses par la télévision ou l'ordinateur. On pourra mettre sa carte de crédit dans une petite machine que l'on aura chez soi et on n'aura plus à parler à personne. Dans ce cas, comment pourra- t-on réprimer les abus? Cela m'inquiète vraiment.
Je m'inquiète aussi du problème de juridiction et du fait qu'il n'y ait pas beaucoup de lois qui peuvent s'appliquer actuellement à Internet. Le champ d'application des lois est une question très importante à l'époque actuelle. Nous savons, après la Loi sur le droit d'auteur adoptée lors de la dernière législature, qu'il nous faut maintenant passer à l'étape suivante, et sans retard, au sujet d'Internet.
Mme Marnie McCall: Je crois que les problèmes touchant le réseau Internet—et je tiens à le répéter parce que j'ai l'impression que beaucoup de gens pense que l'Internet est quelque chose de différent—sont des questions de mise en oeuvre. C'est un moyen de communication. C'est un moyen pour acheminer de l'information d'un point A à un point B, tout comme la poste, et les problèmes sont les mêmes. Je crois que l'on a tendance à vouloir les traiter différemment et à réglementer le système différemment, alors que nous devrions surtout trouver le moyen d'appliquer adéquatement la législation qui existe déjà et qui est de portée générale.
Certes, je ne prétendrais pas, loin de là, que ce sera facile à faire, mais je sais que ce sera encore plus compliqué si l'on établit une série de règles pour Internet, une autre pour les commandes postales, une autre pour quelque chose comme la télévision Internet, qui est une sorte de système hybride. Il nous appartient d'établir une structure qui s'appliquera quelles que soient les nouvelles méthodes magiques que des gens pourront inventer.
Je répète au demeurant que mon organisation ne s'est pas penchée sur ce problème mais, si l'on veut établir des catégories, l'une des solutions consisterait à faire une distinction entre l'interaction en temps réel et l'interaction passive. Voilà une solution pour ne pas rester bloqué par la méthode. Est-ce que quelqu'un vous répond quand vous parlez ou est-ce que vous devez simplement pousser des boutons ou remplir un formulaire? Par contre, cela ne règle pas nécessairement le problème de l'insertion de ma carte de crédit dans mon appareil de télévision pour acheter quelque chose au Home Shopping Network. Ça, je ne sais pas ce que c'est. Dans un sens, c'est passif, mais mon argent sort de mon compte en temps réel. Ces questions sont vraiment très complexes et nous devrons veiller à avoir des outils assez souples pour pouvoir tenir compte des nouvelles inventions.
La présidente: Monsieur Jones.
M. Jim Jones: Je voudrais revenir sur ce que nous disions plus tôt. Le commerce électronique passera de 200 à 400 millions de dollars en quelques années et nous aurions intérêt à ce que notre législation s'y applique. Sinon, quand nous nous réveillerons, nous ne parlerons plus de 4 milliards de fraude par an mais de 50 milliards.
La présidente: Nous savons que les criminels ont toujours un pas d'avance sur la loi, et ils sont aussi en avance sur la technologie.
Madame McCall.
Mme Marnie McCall: Il ne faut pas oublier que les consommateurs non seulement ont des droits qu'il faut respecter et pour lesquels nous devons établir un cadre adéquat, mais aussi des responsabilités. On vous a remis aujourd'hui une brochure intitulée «Be a Wise Consumer» où l'on explique à la fois les droits et les responsabilités du consommateur. Lorsque nous voulons réprimer la publicité trompeuse, sous toutes ses formes, il nous appartient de nous demander aussi comment les consommateurs peuvent se défendre contre les fraudeurs. Comment pourrions-nous éduquer les consommateurs pour qu'ils apprennent à utiliser les nouvelles méthodes sans s'exposer à des risques de fraude? Je pense que c'est très important.
• 1725
Nous sommes loin de consacrer assez de temps et d'attention
à la communication au consommateur des outils nécessaires pour se
protéger, alors que ce serait à l'évidence la meilleure défense.
Si les gens ne participent pas à des activités dans lesquelles
ils s'exposent à la fraude, on aura réglé une grosse partie du
problème. Il faut cependant qu'ils sachent comment se protéger.
[Français]
Mme Francine Lalonde: C'est pourquoi les associations de consommateurs doivent être mieux appuyées qu'elles le sont présentement.
[Traduction]
Mme Marnie McCall: J'espère que tout le monde ici en est membre.
La présidente: Nous vous remercions tous d'être venus témoigner aujourd'hui. Nous tenons à vous remercier aussi pour le travail que vous avez fait au cours des années au sein du groupe de travail et pour avoir suivi attentivement l'évolution de ce dossier. Nous ferons tout notre possible pour que le projet de loi soit adopté en Chambre avant la pause de juin.
J'ajoute toutefois que nous nous méfions de la précipitation car certaines réserves ont été formulées au sujet de l'écoute électronique et sur d'autres questions, par certains témoins qui vous ont précédés, et je suis sûre que les témoins que nous entendrons la semaine prochaine nous en parleront aussi. Nous essayons d'en tenir compte, tout comme nous essayons de voir s'il serait possible d'ajouter à la loi un amendement sur la dénonciation.
Nous vous remercions d'avoir pris la peine de venir devant notre comité. Je termine en disant aux membres du comité que nous n'aurons pas de réunion à 17 h 30. Si vous n'avez pas reçu l'avis modifié, la prochaine réunion se tiendra demain à 15 h 30, pour discuter du rapport. À 9 heures demain matin, nous tiendrons une réunion au sujet des statistiques sur le crédit bancaire.
Comme nous n'avons pas encore de version traduite, nous ne distribuerons pas le rapport. C'est cela que vous vouliez savoir?
[Français]
Mme Francine Lalonde: Non. Ma question est de savoir si demain après-midi nous aurons au préalable un texte sur lequel nous pourrons travailler. Ce serait bien mieux parce que...
[Traduction]
La présidente: Nous n'avons pas encore de texte traduit à distribuer. Tant que nous n'avons pas la traduction, nous ne distribuons rien. Nous espérons être en mesure de vous le distribuer à la fin de la séance du matin, pour que tout le monde le reçoive en même temps. Nous ferons de notre mieux demain après-midi. Si ce n'est pas réglé demain après-midi, je comprendrai. Nous n'avons pas eu la possibilité de l'examiner.
Je remercie à nouveau les témoins. La séance est levée.