INDY Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
STANDING COMMITTEE ON INDUSTRY
COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 2 avril 1998
[Traduction]
La présidente (Mme Susan Whelan (Essex, Lib.)): La séance est ouverte. Le comité se réunit conformément à son ordre de renvoi de la Chambre en date du mardi 17 mars 1998, examen du projet de loi C-20, Loi modifiant la Loi sur la concurrence et d'autres lois en conséquence.
Nous poursuivons donc la séance de mardi dernier, quand les témoins étaient le ministre de l'Industrie, M. Manley, et le directeur des enquêtes et recherches du Bureau de la concurrence, M. von Finckenstein. M. von Finckenstein commencera aujourd'hui par une déclaration d'ouverture.
Bienvenue et merci d'être revenus devant notre comité.
M. Konrad von Finckenstein (directeur des enquêtes et recherches, Bureau de la concurrence): Merci, madame la présidente. Je suis heureux de comparaître devant votre comité.
J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les questions qui ont été posées mardi et j'aimerais profiter de l'occasion pour répondre à vos préoccupations concernant les fusionnements, la publicité trompeuse et l'écoute électronique.
[Français]
Avant de traiter de ces points précis, j'aimerais répéter ce que le ministre m'a dit. La Loi sur la concurrence a bien servi les Canadiens et les Canadiennes. Il y a sans doute peu de pays dans le monde où le consommateur dispose d'une aussi grande liberté de choix quant aux produits qu'il achète, quant aux prix qu'il paie, et où les entreprises canadiennes et étrangères ont le privilège d'avoir accès à un marché aussi stable et équitable.
Cependant, l'économie canadienne a changé et la loi a besoin d'être mise à jour afin de faire face aux nouvelles réalités, incluant le télémarketing trompeur, l'utilisation exponentielle de la publicité et la vague des mégafusionnements. Ces modifications continueront de nous permettre d'avoir un régime de droit sur la concurrence des plus efficaces au prochain siècle.
• 0910
Notre système est composé de dispositions criminelles
et civiles, que nous appelons une loi-cadre. En
d'autres mots, elle peut s'appliquer équitablement à
tous les secteurs de l'économie, sauf les secteurs
encore régis par des lois et des règlements.
[Traduction]
Comme je l'ai mentionné, nous connaissons maintenant une vague de fusionnements qui a projeté la question des fusionnements en première page des journaux du pays. Nous avons conscience que les modifications proposées à la loi consolideront la capacité du directeur d'évaluer si les fusionnements proposés sont anticoncurrentiels et de protéger les Canadiennes et les Canadiens.
Actuellement, nous devons nous fier en grande partie à la bonne volonté de ceux qui désirent se fusionner pour qu'ils travaillent avec nous, nous fournissent les renseignements pertinents et attendent jusqu'à la fin de notre examen avant de conclure le fusionnement. Les modifications proposées et le règlement qui suivra assureront que les renseignements fournis au Bureau seront plus pertinents et que les périodes d'attente seront plus réalistes.
Le directeur obtiendra plus facilement des ordonnances intérimaires du Tribunal de la concurrence pour différer des fusionnements proposés. Cela permettra au Bureau de continuer son examen lorsque des entreprises refuseront de coopérer.
Même si les propositions renforcent le processus d'examen des fusionnements, elles réduisent d'environ 15 p. 100 le nombre de transactions dont nous nous occuperons.
Nous sommes également convaincus que le projet de loi C-20 réduira la paperasserie des gens d'affaires concernant des cas routiniers.
[Français]
La deuxième question soulevée mardi concernait les changements aux dispositions sur la publicité trompeuse. La création de deux voies, l'une criminelle et l'autre civile, donnera au Bureau plus de flexibilité pour traiter les cas d'une manière plus rapide. En vertu du régime civil, nous pourrons arrêter rapidement la publicité trompeuse sans avoir à nous embarquer dans de longues procédures judiciaires. Cependant, nous n'hésiterons pas à utiliser la voie criminelle pour les cas plus graves.
Les raisons qui motivent ces changements sont que le recours civil ne nécessite pas un fardeau de la preuve aussi élevé que le recours au criminel et qu'il est moins coûteux et plus rapide. Il permettra au Bureau d'obtenir plus facilement des ordonnances temporaires afin d'arrêter tout particulièrement la publicité blessante.
Ces modifications n'affaibliront pas notre capacité de faire face à la publicité trompeuse. Elles continueront plutôt à assurer la diffusion de l'information la plus pertinente sur les marchés, nous donneront les instruments nécessaires pour réagir immédiatement et nous permettront d'être plus efficaces en donnant à la cour un plus large choix d'ordonnances correctives.
Des sanctions pécuniaires administratives pourront être imposées en vertu du projet de loi C-20, avec des montants plus élevés pour les récidivistes. Nous conservons des sanctions criminelles dans la loi et nous...
[Note de la rédaction: Inaudible] ...des violations potentielles. Nous n'hésiterons pas à transmettre les cas au procureur général si les faits justifient une poursuite criminelle.
[Traduction]
Mardi, le ministre a parlé des changements proposés qui nous aideront à nous occuper des fraudeurs qui utilisent le télémarketing. Nous avons besoin d'améliorer nos outils pour recueillir la preuve de ces activités qui dérobent à certaines des personnes les plus vulnérables de notre société leurs économies pour un montant évalué annuellement à 4 milliards de dollars. Il y a quelques situations où les instruments traditionnels existant déjà dans les dispositions actuelles de la loi ne fonctionnent pas. Nous avons donc besoin d'un nouvel outil pour lutter contre la fraude par télémarketing.
Le projet de loi C-20 donnerait au Bureau la capacité d'utiliser l'écoute électronique pour recueillir des renseignements importants dans les cas de télémarketing trompeur et d'autres infractions criminelles sérieuses de complot et de truquage d'offre.
Afin d'utiliser cette méthode de cueillette de preuves, nous devrons convaincre un juge que c'est absolument nécessaire et que les autres pouvoirs accordés en vertu de la loi sont insuffisants pour obtenir de telles preuves. Nous ne pourrons pas intercepter de communication sans le consentement d'un juge. Soyez assurés que le projet de loi C-20 ne nous permettra pas d'intercepter des communications par caprice.
Plus de détails sur l'utilisation restreinte de l'écoute électronique sont contenus dans le projet de lignes directrices sur l'écoute électronique que je distribuerai aux membres du comité.
[Français]
En résumé, les modifications contenues dans le projet de loi C-20 nous feront entamer le prochain siècle avec une Loi sur la concurrence solide, avec des lois qui favorisent la conformité, qui ouvrent la voie à la négociation et qui permettent encore de traduire en justice ceux qui feront fi de la loi.
[Traduction]
Les changements que le ministre et moi avons décrits sont le résultat de vastes consultations. Les recommandations nous sont venues de dirigeants de grandes sociétés, de propriétaires de petites entreprises, d'acheteurs, de groupes de consommateurs et de particuliers de toutes les régions du pays. Si ces derniers étaient parmi nous aujourd'hui, ils nous diraient que l'actualisation de la Loi sur la concurrence se faisait attendre depuis longtemps.
Merci, madame la présidente. C'est tout ce que je voulais vous dire. Nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.
La présidente: Je vous remercie beaucoup de votre déclaration d'ouverture. Vous avez répondu à certaines des préoccupations soulevées mardi dernier.
Nous commencerons par M. Schmidt, à qui j'ai coupé la parole mardi.
M. Werner Schmidt (Kelowna, Réf.): Merci beaucoup, madame la présidente. Je vous remercie, monsieur von Finckenstein, et je remercie vos adjoints qui vous accompagnent ce matin.
J'ai un certain nombre de questions à poser, madame la présidente. J'ai l'impression qu'il faudra plusieurs tours de table avant que je puisse les poser toutes aux fonctionnaires.
Je voudrais commencer par la disposition relative à l'écoute électronique. Depuis hier, ou depuis notre dernière réunion, on m'a signalé qu'il y avait eu de longues consultations à propos de toutes les dispositions du projet de loi C-20, sauf pour celle qui porte sur l'écoute électronique. Apparemment, cette disposition en a étonné certains. Ils ne s'attendaient pas à voir quelque chose de ce genre dans ce projet de loi. Ce commentaire est-il justifié? Comment avez-vous mené vos consultations, surtout pour la disposition relative à l'écoute électronique?
M. Konrad von Finckenstein: Nous avons consulté longuement. Nous avons d'abord publié un livre blanc. Ensuite, nous avons formé un comité consultatif que nous avons rencontré pour examiner une à une toutes les propositions formulées dans le livre blanc. Le comité consultatif a ensuite présenté un rapport au gouvernement pour dire quels changements devraient être adoptés. Dans l'ensemble, le gouvernement a donné suite à ces recommandations, qui sont reflétées dans les dispositions du projet de loi C-20.
Pendant ce premier travail de consultation, nous n'avons pas abordé la question de l'écoute électronique. Cependant, comme vous le savez, l'écoute électronique est devenue de plus en plus courante, et nos deux pays ont décidé de créer un groupe d'étude binational pour examiner la question. Cela a donné lieu à un rapport qui a été publié le jour même où le projet de loi a été présenté. On a constaté à la lumière de ces discussions qu'il était nécessaire d'avoir une disposition relative à l'écoute électronique. Cette disposition existe déjà aux États-Unis. Lorsqu'il y a une fraude postale ou téléphonique, les Américains peuvent se servir de l'écoute électronique. Il n'existe pas de disposition équivalente au Canada.
Nous avons donc décidé à ce moment-là de présenter un nouveau projet de loi. Le premier ne contenait pas de disposition sur l'écoute électronique. Nous avons consulté les membres du comité consultatif et certains membres du Barreau, mais très rapidement, vu le peu de temps à notre disposition. Nous voulions cependant savoir ce qu'ils en pensaient et quelles étaient leurs préoccupations à ce sujet. Par suite de cette consultation, nous avons décidé de vous présenter en même temps que le projet de loi l'ébauche des lignes directrices que je vous ai remise ce matin.
La ligne directrice proposée no 4 porte sur l'interception de l'écoute électronique pour répondre à certaines des inquiétudes et préciser qu'il s'agit... Pour ce qui est de savoir comment le processus fonctionne, je signale que c'est un moyen de dernier recours que l'on utilisera si les pouvoirs prévus par la loi ne nous permettent pas d'obtenir des preuves autrement, mais cela s'applique uniquement à trois situations: le télémarketing trompeur, le truquage d'offres et le complot, mais uniquement le complot pour la fixation des prix ou le partage des marchés.
M. Werner Schmidt: On ne pourra donc avoir recours à l'écoute électronique que dans de tels cas, et je pense que les précautions dont vous avez parlé ce matin permettront de le garantir dans une certaine mesure.
Nous entendrons peut-être des gens nous dire que la consultation n'a pas été aussi complète qu'elle aurait dû l'être. Cependant, je pense que ce que vous nous dites, c'est que la loi ne contient pas de dispositions qui permettent d'obtenir des preuves aux besoins pour savoir ce qui se passe. Bien entendu, ceux qui s'opposent à la mesure diront que cela constitue une intrusion dans la vie privée et viole le secret de certaines transactions commerciales. Je pense que c'est là-dessus que porteront les critiques. Quant aux sauvegardes, et nous n'avons certainement pas eu le temps de tout lire ce matin, vous pourriez peut-être nous donner un peu plus de détails sur certaines de ces précautions pour que nous puissions répondre aux critiques qui seront certainement formulées à ce sujet.
M. Konrad von Finckenstein: Oui, volontiers.
• 0920
Comme vous le savez, le Code criminel contient maintenant une
disposition qui permet l'écoute électronique dans le cas de
certaines infractions particulières. Parmi ces infractions, il y a
beaucoup de crimes économiques, comme les faillites frauduleuses,
les permis frauduleux d'exportation et d'importation, etc. Nous
ajoutons dans le cadre de cette mesure une autre sorte de crime
économique à la liste que contient déjà le Code criminel.
Le Code criminel contient aussi une disposition précisant que l'on ne peut pas faire de l'écoute électronique sans le consentement d'un juge. Il faut prouver à un juge que c'est la seule façon d'obtenir des preuves, c'est-à-dire qu'on ne peut pas obtenir ces preuves grâce aux autres pouvoirs conférés par la loi. Comme je vous l'ai dit mardi, la Loi sur la concurrence nous donne déjà beaucoup de pouvoirs. Surtout dans le cas des enquêtes officielles, nous pouvons effectuer des perquisitions, nous pouvons exiger la présentation de documents, nous pouvons assermenter des gens et les obliger à témoigner, etc.
Comme nous avons déjà tous ces pouvoirs, nous devrons prouver que cela ne suffit pas et que l'écoute électronique est le seul moyen d'obtenir des preuves dans un cas particulier, que nous pourrons probablement les obtenir de cette façon et intenter des poursuites.
Si je ne m'abuse, on s'inquiète surtout au sujet de l'article 45. De façon générale, les gens acceptent les dispositions relatives au télémarketing et au trucage des offres. Il s'agit d'activités criminelles tout à fait délibérées. L'article 45 porte sur le complot pour réduire indûment la concurrence. Cela s'applique à une multitude d'activités, et nous n'avons certainement pas l'intention que la disposition s'applique à toutes ces activités. Cela vient de la façon dont la loi est rédigée; l'article 45 ne précise pas divers genres de complots. Il est rédigé en termes très généraux.
Les complots auxquels nous voulons nous attaquer, les seuls auxquels nous voulons nous attaquer, sont les complots pour la fixation des prix et le partage du marché, c'est-à-dire les cas où des gens diraient: «Nous allons tous faire payer 50c. le dollar pour telle chose», ou bien «Nous vous laisserons servir B et C et nous servirons tous les autres pour éviter de nous faire concurrence.» Il s'agit d'activités de ce genre.
Je pense que la principale disposition à ce sujet figure à l'alinéa 2c) des lignes directrices qui vous ont été distribuées, où l'on montre clairement que ce sera notre décision et que nous n'aurons recours aux dispositions relatives au complot contenues dans l'article 45 que dans la mesure où elles portent sur la fixation des prix et le partage du marché. C'est la seule activité à laquelle nous voulons nous attaquer.
M. Werner Schmidt: Est-ce que ce devrait être précisé dans la loi?
M. Konrad von Finckenstein: Comme je vous l'ai dit, il y aurait un problème de rédaction à cause du libellé de l'article 45. Cet article s'applique à la réduction indue de la concurrence, ce qui comprend la fixation des prix et le partage du marché, mais bien d'autres choses aussi.
On laisse d'habitude pas mal de marge de manoeuvre au procureur pour les poursuites, mais on lui demande aussi de se servir de son jugement pour appliquer la loi de façon efficace et équitable. Aux yeux de la loi, traverser la rue au feu rouge est un crime pour un piéton, mais personne n'est accusé de l'avoir fait. Cependant, on portera une accusation contre un automobiliste qui brûle un feu rouge. C'est la même chose ici.
J'ai publié ces lignes directrices en pensant que le comité et le Parlement appliqueraient ces changements. Cela reflète le principe que nous comptons appliquer. De toute façon, on se reportera souvent à ces lignes directrices et on pourra les améliorer au besoin.
M. Werner Schmidt: J'allais changer de sujet, mais c'est quelque chose de tout à fait... Si ce n'est pas dans la loi, est-ce que ce devrait être précisé dans le règlement?
M. Konrad von Finckenstein: À l'heure actuelle, la loi ne prévoit pas l'établissement de règlements. Il faudrait ajouter...
M. Werner Schmidt: On devrait peut-être modifier la loi en ce sens pour préciser que le Conseil privé a le pouvoir d'établir un règlement relativement à ces deux activités. Est-ce que cela répondrait à vos préoccupations?
M. Konrad von Finckenstein: Ce serait sans nul doute une façon de régler le problème, et je n'y vois aucune objection. Selon moi, nous ne devons pas essayer de l'utiliser à des fins autres que le partage des marchés ou la fixation des prix. Il appartient évidemment au comité de décider des amendements à proposer.
M. Werner Schmidt: Je comprends bien et je vous félicite de votre ouverture. Parallèlement, je vous dirais que les lois ne sont pas adoptées que pour vous et moi. Elles sont là pour les générations et les législatures futures, et il faut préciser clairement l'objet et l'esprit des mesures que nous adoptons. C'est pour cela.
Merci, madame la présidente.
La présidente: Merci, monsieur Schmidt.
Monsieur Peric.
M. Janko Peric (Cambridge, Lib.): Madame la présidente, ma question s'adresse à M. von Finckenstein.
• 0925
Une fois que le projet de loi sera adopté, vous aurez en main
les instruments que vous demandez. Quand allez-vous agir?
Allez-vous attendre de recevoir des plaintes, ou y a-t-il dans ce
projet de loi des dispositions qui vous permettent d'agir de votre
propre chef?
M. Konrad von Finckenstein: La Loi sur la concurrence nous permet de faire enquête de notre propre chef ou après avoir reçu des plaintes. Sur le plan pratique, nous nous contentons d'enquêter sur les plaintes en raison de la charge de travail, des ressources, des limites, etc.
M. Janko Peric: Combien de Canadiens savent que le Bureau de la concurrence détient ce pourvoir d'intervenir?
M. Konrad von Finckenstein: Nous menons une campagne intensive de sensibilisation du public en vue d'informer les gens que le Bureau de la concurrence est là, de leur dire quel est son rôle et quelles sont ses limites. Nous avons publié bon nombre de brochures d'information par le passé. Nous avons également un réseau de conférenciers qui prennent la parole devant des associations cadres pour les renseigner au sujet du bureau.
Jusqu'ici, nous avons abordé d'autres secteurs de la loi, mais nous n'avons pas parlé du télémarketing, pour la simple raison que nous n'avons pas les moyens voulus pour le faire. Lorsque nous les aurons, nous informerons la collectivité, les organismes cadres, les associations, nos partenaires au niveau provincial et les corps policiers, bien entendu, et d'autres encore, que le bureau a ce pouvoir. Ils nous transmettront les plaintes.
Il existe actuellement un projet appelé «Operation Phonebuster», lancé conjointement par la Police provinciale de l'Ontario, notre bureau, la GRC et divers autres organismes. Les gens peuvent téléphoner pour se plaindre au sujet d'activités frauduleuses lors desquelles ils se font blouser, etc. Nos partenaires nous communiqueront l'information—cela se fait déjà—et nous l'examinerons en vertu de nos pouvoirs restreints. Il va sans dire que si nous détenons ces nouveaux pouvoirs, nous les utiliserons.
M. Janko Peric: Au deuxième paragraphe de la page 6 de votre allocution d'ouverture, vous parlez des «autres infractions criminelles sérieuses de complot»... Pourriez-vous être un peu plus précis?
M. Konrad von Finckenstein: C'est ce dont je viens de parler avec M. Schmidt. Il s'agit des...
M. Janko Peric: Pourriez-vous nous expliquer de quoi il retourne?
M. Konrad von Finckenstein: Les complots qui nous préoccupent sont de deux ordres: le complot pour la fixation des prix ou le complot pour le partage des marchés. Les gens s'entendent et décident de façon systématique d'organiser le marché. C'est comme cela que cela se passe.
Par exemple, il y a eu par le passé des cas où nous étions au courant d'un complot. Il est arrivé qu'une personne vienne nous trouver en disant qu'elle ne voulait pas faire partie du cartel, mais qu'elle n'avait pas d'autre choix si elle voulait rester en affaires, car on l'y obligeait. Cette personne nous «lâche le morceau», si je peux dire, c'est-à-dire qu'elle nous informe à ce sujet et nous dit, par exemple, qu'une autre rencontre doit avoir lieu à Calgary deux mois plus tard. Ce serait merveilleux si nous pouvions obtenir les preuves de ce qui se passe lors de cette réunion où les intervenants décident de la distribution des parts du marché.
Toutefois, à moins que cette personne n'accepte de porter un micro-émetteur de poche, il nous est impossible de faire de l'écoute électronique et d'enregistrer les participants lorsqu'ils établissent leur plan. Bien souvent, la personne nous dit: «Écoutez, je vous ai fourni des preuves, mais ne me demandez pas de faire le mouchard. Je ne veux pas participer à la réunion avec un micro-émetteur de poche, et rester assis là en incitant les autres à commettre une infraction criminelle.»
Nous savons donc que ce genre de choses se passe, mais nous ne pouvons pas obtenir de preuves. Dans ce cas-là, nous présentons une requête au tribunal, en disant au juge: «Voilà ce qui se passe. Nos pouvoirs ne sont pas suffisants. Voici les preuves dont nous disposons qui nous portent à croire, avec de bonnes raisons, que ce complot va avoir lieu, et nous voulons poser une table d'écoute.» Nous espérons obtenir l'autorisation dans ces cas-là.
M. Janko Peric: Considérez-vous la fixation du prix de l'essence comme un complot?
M. Konrad von Finckenstein: Si les détaillants d'essence se réunissent, disons, ou les grossistes ou les producteurs, pour fixer le prix de l'essence, je dirais que oui.
M. Janko Peric: Merci.
[Français]
La présidente: Madame Lalonde, s'il vous plaît.
Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Je vous remercie d'être là. J'aurais aimé consulter votre dernier rapport annuel, mais je dois commencer par vous dire que j'ai appris qu'il était en retard.
J'ai une question que je dois vous adresser parce que le ministre n'est plus là. Elle a peut-être trait à l'ensemble de la pratique de cette loi. Comment se fait-il que le Bureau ne soit pas un organisme indépendant, qui reste à distance, même du ministre? J'ai lu attentivement la Loi sur la concurrence et j'ai vu que, finalement, vous étiez un haut fonctionnaire tout-puissant. Vous seul décidez de faire des enquêtes. Personne d'autre n'a le droit de prendre des initiatives. Et quand vous décidez de ne pas poursuivre le travail sur un dossier, vous faites rapport directement au ministre, et seul ce dernier peut vous dire de continuer, par exemple.
• 0930
En cette période que nous vivons, où il y a une
transformation et une globalisation du marché
et où on vit une sorte de révolution sur le plan
commercial à tous les points de vue, tout est
concentré entre vos mains et personne n'a même la
possibilité de vous questionner,
sauf si vous le voulez bien.
Est-ce que ce n'est pas un pouvoir exorbitant, dont la
concentration entre les mains
d'un seul homme est dangereuse? Je vous pose la
question à vous. Cela m'inquiète.
[Traduction]
M. Konrad von Finckenstein: Ce n'est pas aussi concentré que vous le pensez.
Permettez-moi de vous expliquer comment les choses se passent. Je suis un responsable indépendant pour ce qui est de l'application de la loi, comme vous l'avez signalé à juste titre. Le ministre peut me demander de lancer une enquête, ou si j'ai clos une enquête, il peut me demander de revoir un dossier. Il ne peut pas me dire ce que je dois trouver et comment m'y prendre, et comme vous le signalez avec raison, c'est la loi qui me confère ce pouvoir décisionnel. Quelle que soit ma décision, en conséquence, que nous décidions de poursuivre quelqu'un au pénal ou au civil... Par exemple, s'il s'agit d'une fusion et que nous décidons qu'il doit se faire certains dessaisissements, etc., mes décisions doivent être approuvées par un tribunal.
Pour ce qui est des poursuites au pénal, nous nous adressons à un tribunal, et c'est lui qui, en fait, doit établir s'il y a activité criminelle. C'est une poursuite normale. Nous devons prouver qu'il y a eu complot, etc.
Quant aux poursuites au civil, si nous disons que telle fusion constitue une atteinte à la concurrence et causera une réduction considérable de celle-ci, et que l'entreprise X doit donc se dessaisir de telle usine au Québec ou de telle usine en Alberta, ou autres, le tribunal doit l'approuver, s'il s'agit d'une ordonnance par consentement. Si l'ordonnance est contestée, nous devons présenter nos arguments au tribunal, et la partie adverse présente évidemment un contre-argument; il incombe alors au tribunal de décider si nous avons tort ou raison et si le recours que nous demandons est excessif ou approprié.
Par conséquent, même si j'ai le pouvoir d'engager des poursuites ou d'intenter une procédure, ce pouvoir est assujetti à une surveillance judiciaire, qu'il s'agisse d'un tribunal ou du Tribunal de la concurrence. Nous avons opté pour cette façon de procéder parce que le genre de poursuites que nous engageons, surtout au civil, peut également être utilisé à des fins stratégiques par une société à l'égard d'une autre pour lui faire du tort sur le plan économique, ou gagner un avantage concurrentiel. Par conséquent, ce quasi-monopole pour lancer des enquêtes ou intenter une procédure au civil ou au criminel m'est conféré afin de ne pas pouvoir être utilisé par les parties concurrentes à des fins stratégiques.
Je signale également qu'il existe une double disposition pour ce qui est des poursuites au pénal. Nous prenons la décision d'engager des poursuites, mais nous saisissons ensuite le procureur général, et c'est lui qui lance les poursuites au pénal. Le procureur général peut aussi être en désaccord avec moi et ne rien faire. Il vous faut donc d'abord me convaincre moi, et ensuite le procureur général.
[Français]
Mme Francine Lalonde: Oui, mais c'est vous qui avez le pouvoir unique de poursuivre ou de ne pas poursuivre, et c'est un pouvoir exorbitant. C'est pour cela que des voix se sont élevées, qui voulaient qu'il y ait ailleurs un autre pouvoir d'initiative.
[Traduction]
M. Konrad von Finckenstein: C'est la même chose pour les autres procureurs de la Couronne. Aux termes du Code criminel, par exemple, c'est au procureur de la Couronne qu'il revient d'engager des poursuites ou de ne pas le faire. C'est ainsi que fonctionne notre système de poursuites au pénal. Nous avons des responsables chargés d'appliquer la loi, de l'examiner et d'établir en fonction des preuves dont ils disposent si ces cas justifient ou non des poursuites.
N'oubliez pas qu'il y a dans la loi deux sortes de dispositions qui limitent ce que vous considérez comme des pouvoirs exorbitants. D'une part, six citoyens peuvent déposer une plainte officielle, et je suis tenu de faire une enquête, que je le veuille ou non. Par exemple, je viens d'en recevoir une signée par tous les députés du NPD, qui me demandent de me pencher sur le projet de fusion des banques.
• 0935
Deuxièmement, l'article 36 de la loi permet à d'autres
personnes d'engager des poursuites au civil. Si une personne estime
que son entreprise a été l'objet de pratiques anticoncurrentielles
de la part d'une autre personne, ce qui est une infraction à la
disposition criminelle de la loi, elle peut intenter des poursuites
en dommages-intérêts pour cette raison, même s'il s'agit d'un cas
à l'égard duquel nous avons décidé de ne pas intenter de
poursuites.
Il y a donc bien un complot en vue de fixer les prix, de façon purement hypothétique, et pour une raison quelconque nous décidons de ne pas engager de poursuites, car nous ne disposons pas de preuves suffisantes. Si l'un des concurrents estime avoir subi un préjudice et qu'il n'est pas d'accord, car il pense qu'il existe des preuves suffisantes, il peut engager des poursuites au civil pour obtenir des dommages et intérêts en invoquant les mêmes faits.
[Français]
Mme Francine Lalonde: J'espère que vous pourrez rester ici encore longtemps parce que nos questions sont nombreuses. On ne peut pas interpréter les modifications à la loi sans interpréter en même temps l'application de la Loi sur la concurrence. C'est une loi importante.
Quand vous modifiez profondément la loi en vous donnant la capacité d'aller au civil au lieu d'aller au criminel, vous défendez votre rôle de procureur, mais vous vous donnez aussi un autre rôle, soit celui de choisir si vous porterez la cause au criminel ou si vous intenterez une poursuite au civil. Disons que j'admets qu'il n'y a pas de problème quant à cette sanction pécuniaire administrative. J'ai fait mes tests, moi aussi, et plusieurs avocats m'ont dit que ce serait immédiatement testé constitutionnellement. Mais qu'est-ce qui déterminera si vous porterez une cause au civil ou au criminel? Si vous décidez de porter la cause au civil, la personne sera avertie 48 heures avant l'ordonnance et tout pourra finalement se régler dans votre bureau.
Il me semble que c'est vous qui déciderez si la cause sera portée au civil ou au criminel, tandis que, finalement, ça peut se régler par une ordonnance convenue.
[Traduction]
M. Konrad von Finckenstein: Tout d'abord, le choix entre les poursuites au civil ou au pénal est déjà prévu dans la loi. Pour de nombreuses activités, on peut régler la question en vertu de l'article 45, grâce aux dispositions relatives au complot, ou aux termes d'une des dispositions concernant les affaires civiles, comme l'abus de positions dominantes, etc. En fonction des faits, nous pouvons opter pour l'une ou l'autre des procédures.
En second lieu, en principe, je ne peux pas souscrire à l'idée que lorsqu'il s'agit de publicité trompeuse... La plupart du temps, il ne s'agit pas d'activités criminelles; il s'agit simplement de pratiques commerciales qui sont à la limite, voire excessives, voire inadmissibles, mais il ne s'agit pas d'activités criminelles. Nous essayons d'engager des poursuites au civil de façon à obtenir une injonction pour mettre un terme à de tels comportements. Il ne s'agit pas d'activités qui exigent une sanction pénale et qui fassent l'objet d'un casier judiciaire.
Troisièmement, cette question est de toute évidence d'actualité. Nous comprenons que la deuxième ligne directrice, que vous avez sous les yeux, porte justement sur la question de savoir dans quels cas il faut intervenir au pénal, car nous voulons agir au grand jour, pour que tout le monde sache ce qu'il en est. Nous opterons pour la procédure pénale dans les cas les plus évidents, où il est manifeste qu'une personne enfreint délibérément la loi.
Les affaires civiles, qui constituent 90 p. 100 de nos interventions, portent sur les cas où il y a eu recours à des pratiques commerciales déloyales, mais qui ne sont pas des activités criminelles.
Mon collègue, M. Tom Wright, sera chargé de l'application de cette partie de la loi. Il pourra peut-être vous expliquer les lignes directrices si cela vous intéresse.
Tom.
[Français]
M. Tom Wright (sous-directeur, Enquêtes et recherches, ministère de l'Industrie): Il est important de souligner que notre objectif est d'avoir un effet sur le marché. En ayant la possibilité de porter une cause au civil, nous serons en mesure d'avoir agir sur le marché très efficacement et très vite, plutôt que d'être retenus devant les tribunaux criminels. En termes d'efficacité, nous jugeons cela très important.
Comme notre directeur le mentionnait, nous essaierons de commencer ainsi. Nous irons devant les tribunaux criminels seulement dans les causes vraiment uniques,
[Traduction]
lorsqu'une personne a sciemment, ou sans se soucier des conséquences, donné des indications fausses ou trompeuses. Nous décidons dans ces cas-là d'intenter des poursuites au pénal.
• 0940
Dans les lignes directrices nous avons essayé de préciser les
considérations que nous prendrons en ligne de compte pour en
arriver à cette décision; là encore, toutefois, c'est au procureur
général qu'il revient de donner suite à notre décision.
[Français]
La possibilité d'avoir recours à ces deux options nous permettra d'être très efficaces. Nous ne perdrons pas la possibilité de traiter les causes très sérieuses, mais conserverons quand même une efficacité au niveau du marché, ce qui nous manque présentement. C'est pourquoi nous proposons ces deux options. Malgré les problèmes auxquels nous avons dû faire face, nous nous proposons de mettre ces règles en vigueur.
[Traduction]
La présidente: Merci, madame Lalonde.
Je rappelle aux membres du comité que nous essayons d'examiner toutes les dispositions de la loi avec tous les fonctionnaires présents aujourd'hui. Vers 10 heures, je vais interrompre la période des questions et redonner la parole aux représentants du Bureau de la concurrence pour qu'ils nous expliquent les diverses parties de la loi, après quoi nous reprendrons les questions.
Monsieur Bellemare.
[Français]
M. Eugène Bellemare (Carleton—Gloucester, Lib.): Est-ce que la loi proposée touche les problèmes relatifs à l'Internet?
[Traduction]
M. Konrad von Finckenstein: Non. La loi porte sur le télémarketing téléphonique en direct, où il y a une personne en ligne, à laquelle on parle et qu'on essaie de convaincre, en s'efforçant d'établir un rapport personnel dont on profitera ensuite.
Quant aux problèmes d'Internet, je suppose que vous parlez du télémarketing qui se fait au moyen d'une ligne interactive, avec échange de messages en direct. Tout d'abord, la situation est un peu différente. On n'essaie pas d'exploiter un rapport personnel et la solitude d'une personne désireuse de parler avec une autre. Dans ce cas, il s'agit d'une personne qui allume son ordinateur et se branche, sans y être obligée. Il m'est donc impossible de vous appeler si vous n'avez pas branché votre ordinateur. Il m'est impossible de vous joindre.
En second lieu, lorsqu'on utilise l'Internet, cela laisse des traces. Il y aura les messages enregistrés sur votre disque dur et sur celui de l'interlocuteur, les échanges entre vous deux, les arguments que vous avez avancés, s'il y a eu des indications trompeuses, si vous avez promis quelque chose, etc. Nous pouvons donc poursuivre à l'heure actuelle les cas d'abus sur l'Internet grâce aux pouvoirs qui nous sont conférés, car il y a des preuves concrètes.
Pour le télémarketing, le problème, c'est qu'il n'y a pas de preuve. La plupart des échanges se font verbalement. La majorité des gens qui se font exploiter sont des personnes âgées qui ont une mauvaise mémoire. Il y aura des problèmes, car ces gens-là parfois ne veulent pas témoigner, et même s'ils le font, ils ne se souviennent pas des détails exacts de leur conversation, et, qui plus est, il est possible qu'ils ne puissent pas faire face au contre-interrogatoire. Il s'agit là d'une situation tout à fait différente.
M. Eugène Bellemare: Revenons au télémarketing. Vous avez parlé des personnes âgées. Cela peut également toucher les très jeunes personnes; il pourrait s'agir de personnes ayant un handicap mental... Il peut exister diverses raisons pour lesquelles les gens acceptent certaines choses qu'ils refuseraient s'ils étaient sains d'esprit. Par exemple, un parent vous dit: «Ma grand-mère a acheté tel objet, je viens de le découvrir, et je pense qu'elle devrait annuler cet achat, parce qu'elle est âgée et qu'elle souffre de la maladie d'Alzheimer.» Il existe de nombreux cas, et nous le savons, où les gens profitent de la faiblesse des autres. Existe-t-il un projet de loi ou une disposition susceptible de provoquer l'annulation d'un contrat si une tierce partie responsable estime qu'il y a de bonnes raisons de le faire?
M. Konrad von Finckenstein: Monsieur Bellemare, je ne m'occupe pas de la protection des consommateurs, car c'est cela qui est en cause en l'occurrence. Mon rôle, c'est de m'assurer qu'il y a suffisamment d'informations précises concernant le marché, que le consommateur a sous les yeux tous les renseignements voulus pour faire un choix éclairé. Qu'il veuille ou non acheter un produit, c'est son choix. Il veut peut-être faire un achat insensé; je ne suis pas là pour le protéger. Je tiens simplement à m'assurer que, lorsqu'il le fait, il a en main tous les faits pertinents, et que c'est un consommateur informé qui fait ce choix. Si l'information lui est fournie, alors il est en mesure de prendre une décision éclairée. Je ne suis pas là pour protéger les consommateurs contre leur bêtise ou leur cupidité, ou autre. Ce n'est pas le rôle du Bureau de la concurrence.
M. Eugène Bellemare: Ma dernière question concerne l'utilisation des réseaux téléphoniques d'une province à l'autre, ou même d'un pays à l'autre. En Amérique du Nord, il est possible à des gens de faire du télémarketing à partir de n'importe quel point situé aux États-Unis, ou même dans des pays étrangers. Avez-vous examiné cette question, et dans quelle mesure le système américain et le nôtre sont-ils harmonisés? Je voudrais savoir notamment si les règles en vigueur sont différentes; par exemple, si l'on est pris la main dans le sac aux États-Unis, risque-t-on un an de prison, tandis que si l'on est pris au Canada, on n'aura qu'un mois à purger? Vous occupez-vous de ce genre de choses?
M. Konrad von Finckenstein: Une chose à la fois, si vous le voulez bien.
Tout d'abord, vous serez poursuivi par les autorités du pays d'où provient l'appel, où vous menez vos activités. Si vous vous trouvez au Canada et que vous faites du télémarketing aux États-Unis ou dans d'autres provinces, des poursuites auront lieu là où se trouve votre entreprise. Si vous vous trouvez à Winnipeg et que vous téléphonez à Minneapolis, c'est nous qui intenterons des poursuites contre vous. Si une personne de Minneapolis téléphone à Winnipeg, ce seront les Américains qui s'en chargeront.
Nous échangeons de l'information. Nous échangeons des plaintes. Dans la mesure du possible, nous échangeons des pièces à conviction pour pouvoir intenter des poursuites. Dans chaque pays, cette question relève du processus judiciaire, et les responsables appliqueront les sanctions prévues dans leur loi et qui leur semblent appropriées.
De toute évidence, nos problèmes et nos normes ne sont pas les mêmes sur le plan juridique, de sorte que le traitement des contrevenants pourra varier. Toutefois, grosso modo, nos voisins du Sud et nous-mêmes considérons ces problèmes graves comme des infractions punissables au moyen de sanctions suffisamment sévères pour dissuader les autres d'agir ainsi. Et nous verrons comment les juges canadiens appliqueront ces dispositions si le Parlement les adopte, si la peine qu'ils infligent sera plus dure qu'aux États-Unis ou non. Dans l'ensemble, jusqu'ici, nous n'en savons rien. Dans d'autres domaines, comme le complot entourant les prix, les Américains sont un peu plus sévères que nous, mais ils ont aussi de plus gros joueurs et un plus gros marché, etc.; les mesures que prennent les intervenants sur ce marché touchent donc plus de gens qu'au Canada.
La présidente: Merci, monsieur Bellemare. Monsieur Schmidt.
M. Werner Schmidt: Merci, madame la présidente.
J'ai deux séries de questions, madame la présidente. La première porte sur les ventes liées et l'autre, sur les fusions.
Le Comité des finances examine actuellement la question des ventes liées dans les institutions financières. Dans votre mémoire, vous parlez du groupe de travail sur l'avenir du secteur canadien des services financiers et, à l'annexe 1, vous définissez les ventes liées et vous expliquez dans quelle mesure celles-ci peuvent être favorables à la concurrence ou porter atteinte à celle-ci. J'aimerais que vous apportiez quelques précisions, car dans le mémoire, sauf erreur, vous parlez de «forclusion». Par exemple, vous dites que les ventes liées peuvent être favorables ou contraires à la concurrence, auquel cas elles coupent l'herbe sous le pied des concurrents.
C'est le terme «forclusion» qui me préoccupe, car cela correspond à quelque chose de bien précis. C'est presque comme une fin de non-recevoir. C'est une exclusion, dans la mesure où cela empêche tout accès futur à un marché donné, si on peut dire. C'est une façon d'envisager la forclusion. En tout cas, lorsqu'on saisit un bien hypothécaire en cas de défaut de paiement, c'est ce que cela veut dire. Cela veut dire que les rapports entre les parties sont terminés, un point, c'est tout.
Donnez-vous au terme «forclusion» le même sens ici? Si c'est le cas, j'ai un peu de mal à comprendre le reste. J'aimerais que vous apportiez des éclaircissements.
M. Konrad von Finckenstein: Nous parlons de forclusion à l'égard d'une vente précise remise en cause. Vous allez acheter un produit, et on vous dit que vous ne pourrez l'obtenir que si vous achetez un autre produit.
Prenons votre exemple de l'hypothèque et de l'assurance hypothécaire. L'une est liée à l'autre, et on vous dit qu'il est impossible d'obtenir l'hypothèque si vous n'achetez pas également l'assurance maison ou un autre produit semblable. Ainsi, quelqu'un d'autre qui offre de l'assurance maison se fait exclure du marché, puisqu'il ne peut plus vendre son assurance à ce client, étant donné que la banque exige que le client achète l'assurance pour obtenir son prêt hypothécaire. L'autre personne est donc exclue. Il lui est impossible d'avoir la possibilité de desservir ce marché. C'est dans ce sens que j'utilise le terme «forclusion» dans ce contexte.
M. Werner Schmidt: C'est un terme et une définition également. C'est la vente conditionnelle qui est à l'origine de cette forclusion. J'ai compris, merci beaucoup.
Mon autre question porte sur les fusions, notamment sur les mégafusions, même s'il en existe de moindre envergure, cela va de soi. Les fusions peuvent également être concurrentielles, favorables ou contraires à la concurrence, et il se pose donc ici le même problème que pour les ventes liées. Comment définissez-vous une fusion favorable à la concurrence, et comment faites-vous la distinction avec celle qui porte atteinte à la concurrence?
M. Konrad von Finckenstein: La loi stipule clairement qu'il faut examiner les fusions et établir si elles ont pour effet de diminuer sensiblement la concurrence. C'est l'épreuve décisive. On examine la situation sur le marché après que la fusion a eu lieu. Celle-ci a-t-elle pour effet de réduire sensiblement la concurrence et de créer un marché moins concurrentiel qu'avant? Dans ce cas-là, nous intervenons. Dans le cas contraire, nous ne faisons rien.
Il va sans dire qu'une fusion contraire à la concurrence est celle qui entraîne une réduction sensible de la concurrence. Une fusion favorable à la concurrence n'a pas cet effet-là, et se solde même par un accroissement d'efficacité. C'est pour cette raison que les entreprises fusionnent, pour être mieux à même de mener leurs activités, pour accroître leurs bénéfices.
M. Werner Schmidt: Il y a deux façons de voir les choses. Premièrement, cela va-t-il réduire ou accroître la concurrence aujourd'hui, ou à compter de la date d'entrée en vigueur de la fusion? C'est un critère. L'autre, c'est l'influence que cela aurait sur la réduction ou l'augmentation de la concurrence. Quel critère appliquez-vous: la mesure actuelle ou le résultat escompté?
M. Konrad von Finckenstein: Tous les examens portant sur des fusions tiennent compte du futur; il s'agit en fait de se concentrer... C'est pour cela que c'est si difficile. Il faut examiner les résultats que cette fusion aura dans l'avenir. Quel sera le marché? Comment va-t-il évoluer? Qui pourra y accéder et qui en sera exclu? Quelle incidence cette nouvelle entité fusionnée aura-t-elle sur le marché, tant aujourd'hui que dans l'avenir? Il faut prévoir l'avenir. Il faut par définition faire des hypothèses et des prévisions.
Mon collègue, Raymond Pierce, est directeur d'un de nos groupes qui se penchent sur les fusions. Voulez-vous ajouter quelque chose à cela, Ray?
M. Raymond Pierce (sous-directeur adjoint, Direction des fusionnements, ministère de l'Industrie): La loi nous autorise à contester des transactions qui ont pour effet d'empêcher ou de réduire sensiblement la concurrence.
Comme l'a dit Konrad, notre tâche est très délicate, car elle est de nature prévisionnelle. Nous devons envisager ce qui se passera dans l'avenir, et quelle incidence cette transaction aura sur la concurrence sur le marché au cours des deux ou trois prochaines années.
Il peut paraître évident dans certains cas qu'une transaction réduit la concurrence au moment même où nous recevons le dossier, ou il est possible qu'en raison d'autres événements sur le marché—d'autres regroupements qui ont lieu, par exemple, ou des concurrents qui arrivent sur le marché ou qui en sortent—nos conclusions ne soient pas les mêmes.
M. Werner Schmidt: C'est exact.
J'ai une autre question. Vous nous avez présenté une très bonne série de lignes directrices relatives aux mesures que prend votre bureau en cas de complot, et précisent dans quels cas il vous est possible de poser des tables d'écoute ou il vous est interdit de le faire. Ne serait-il pas essentiel pour nous de savoir sur quelles hypothèses et perspectives vous vous fondez pour prendre une décision à l'égard d'une fusion? À mon sens, à moins que les choses ne soient très claires, les hypothèses autant que les perspectives risquent d'être très floues.
Je vais vous citer trois exemples. Le premier est la fusion ou l'autorisation accordée à la Banque Royale d'acheter le Trust Royal. C'est une question extrêmement importante. Il y a eu ensuite un autre exemple lié à la fusion de certaines compagnies d'assurance-vie. Le troisième cas, bien sûr, c'est le projet de fusion entre la Banque Royale et la Banque de Montréal. Il s'agit là de mégafusions. Il va sans dire qu'il s'en produit également dans le commerce de détail.
Les hypothèses sous-jacentes à ce projet sont très importantes. Je voudrais revenir au cas de la Banque de Montréal et au projet de fusion avec la Banque Royale. Il faudra peut-être modifier la loi pour permettre à toutes ces institutions financières d'avoir accès à ce marché, mais l'hypothèse sur laquelle il vous faudra alors vous fonder—et je vais vous demander de nous le préciser—c'est qu'il y aura alors en fait beaucoup plus d'intervenants sur le marché. Que ce soit des entreprises canadiennes ou étrangères, c'est peut-être secondaire, mais il faudra néanmoins établir dans quelle mesure les hypothèses et les perspectives sont susceptibles de se concrétiser.
M. Konrad von Finckenstein: Je vais commencer par le commencement. Nous avons ce que nous appelons des lignes directrices pour l'application de la loi, que nous avons émises il y a plusieurs années. Elles énoncent les hypothèses et les méthodes que nous utilisons pour évaluer les fusions.
Un groupe de travail sur les institutions financières a été mis sur pied l'année dernière. Nous avons présenté un mémoire, que vous avez sous les yeux. Nous y avons joint une annexe énonçant les lignes directrices pour l'application de la loi telles qu'elles ont été appliquées aux banques. Comme vous pouvez le constater, si vous appliquez aux banques les lignes directrices existantes, en voici le résultat. Nous les croyons valides, et elles se sont effectivement révélées valides dans d'autres secteurs. Mais c'est là quelque chose de crucial. Le secteur bancaire joue un rôle clé dans notre économie. Nous voulons être certains de bien faire les choses, et c'est pourquoi nous tenons ces consultations. Voilà où nous en sommes.
Nous avons entamé le processus de consultation, mais un mois plus tard la Banque Royale et la Banque de Montréal ont décidé de se fusionner. Nos consultations se poursuivent. Nous allons continuer. Nous avons écrit à environ six autres personnes. Nous avons publié l'avant-projet dans la Gazette du Canada. Nous allons tenir plusieurs réunions avec des gens de l'extérieur, et vers le mois de juillet nous dirons si c'est cet avant-projet qui s'appliquera à la Banque Royale ou une version modifiée. Nous voulons obtenir le maximum d'opinions afin d'avoir le meilleur cadre conceptuel à appliquer à une fusion bancaire, surtout aussi importante et aussi cruciale que celle dont nous sommes saisis.
Entre-temps la loi exige, bien entendu, que nous examinions les fusions dont nous sommes avertis à l'avance. Nous en sommes à l'étape de la collecte de renseignements. Nous obtenons d'énormes quantités de données qui sont très difficiles à absorber. Nous devrons peut-être en modifier certaines qui ne sont pas sous la forme dont nous avons besoin. Une fois que le cadre conceptuel sera en place—ce qui devrait être vers le mois de juillet—nous l'appliquerons à la fusion de la Banque Royale pour l'examiner.
Si la question à laquelle vous avez fait allusion, à savoir celle de la réglementation, se pose, le groupe de travail formulera peut-être une série de recommandations qui modifieront totalement le contexte ou qui changeront certainement la dynamique du marché bancaire sur le plan de la concurrence. Nous attendrons le rapport du groupe de travail, et nos recommandations porteront alors sur deux principaux plans. Nous devrons examiner les probabilités et, si ces changements sont apportés, quelles seront leurs répercussions sur cette fusion. Si rien n'est modifié, quelles seront les conséquences de la fusion en l'absence d'une réforme de la réglementation qu'aura suggérée le groupe de travail?
Comme vous le savez, c'est au ministre des Finances qu'il revient de prendre la décision définitive, étant donné qu'il doit donner son approbation. Nous allons examiner uniquement la question de la concurrence, mais il doit tenir compte de l'intérêt national. Il tiendra certainement compte de nos opinions, mais il se peut qu'il dise que, si un problème se pose, la question devrait être portée devant les tribunaux. Nous ne le savons pas encore. Tout cela arrivera en temps voulu.
Pour le moment, je sais seulement que nous devons mettre en place notre cadre conceptuel, analyser cette fusion, et ensuite examiner ses conséquences pour le marché dans le cadre de la réglementation existante ou au cas où celle-ci serait modifiée pour tenir compte des recommandations du groupe de travail.
La présidente: Monsieur Bryden.
M. John Bryden (Wentworth—Burlington, Lib.): J'ai deux questions à poser. Je suis très inquiet devant la pléthore d'organismes qui s'adressent aux membres les plus vulnérables de la société pour recueillir des fonds prétendument destinés à des activités charitables et sans but lucratif alors qu'en réalité une très faible partie de cet argent va à ses destinataires. Êtes-vous d'accord pour dire que le fait d'obtenir des fonds ou des dons en faisant des déclarations trompeuses revient au même que d'obtenir de l'argent pour un produit en faisant de la fausse publicité? Sous sa forme actuelle, le projet de loi C-20 s'attaque-t-il à ce problème?
M. Konrad von Finckenstein: Je crois que vous en avez parlé avec mon collègue.
M. John Bryden: En effet.
M. Konrad von Finckenstein: Tout d'abord, oui, si vous demandez des fonds dans un but précis, que ce soit à but lucratif ou sans but lucratif, peu importe: vous faites de fausses déclarations, vous présentez les faits de façon erronée et vous induisez les gens à prendre une décision sur la foi de ces renseignements erronés.
Comme je l'ai déjà mentionné en répondant à M. Bellemare, mon rôle est de veiller à ce que le consommateur fasse un choix éclairé, en toute connaissance de cause. Par conséquent, si quelqu'un recueille de l'argent dans un but quelconque en faisant de fausses déclarations, les dispositions de cette loi concernant le télémarketing s'appliqueront.
M. John Bryden: Cela s'applique.
Pensez-vous que ce soit suffisamment clair ou qu'il faudrait proposer un amendement précisant clairement que la loi couvre les indications fausses ou trompeuses en cas de collecte de fonds?
M. Konrad von Finckenstein: Selon nous, c'est déjà clair. Mais si vous croyez qu'il reste un doute, je vous suggère de proposer un amendement, car tel est le but recherché.
M. John Bryden: Si telle est votre intention, je suis d'accord avec votre intention.
J'ai une autre question. Mes propres recherches m'ont révélé, à mon grand étonnement, que c'est à partir des États-Unis que se fait une bonne partie de la collecte de fonds et de la sollicitation de dons au Canada, par l'entremise d'agences de télémarketing et de publicité postale américaine. J'ai bien peur, en examinant le projet de loi C-20 et la Loi sur la concurrence, qu'il n'y ait pas vraiment de moyens de s'attaquer à cette publicité trompeuse si elle émane des États-Unis.
Par conséquent, en ce qui concerne le nouvel article 52.1, que vous connaissez bien—c'est celui qui porte sur les déclarations fausses ou trompeuses en général—pensez-vous que nous pourrions plus facilement nous attaquer à des organismes qui engagent des agences de télémarketing ou de publicité postale étrangères pour faire des déclarations trompeuses en leur nom en disant: «Nul ne peut [...] aux fins de promouvoir [...] des intérêts commerciaux quelconques, donner au public, sciemment ou sans se soucier des conséquences, des indications fausses ou trompeuses sur un point important?»
Et si nous ajoutions les deux mots «ou approuver», nous imposerions à l'organisme qui achète ce service aux États-Unis la responsabilité d'ordonner que l'agence américaine ne fasse pas de déclarations trompeuses au Canada. Je ne sais pas si vous pouvez vraiment me répondre tout de suite, mais c'est...
M. Konrad von Finckenstein: Si je le faisais, mon avocat n'aimerait pas du tout cela.
M. John Bryden: J'en suis sûr. Pourrais-je vous demander d'examiner cette idée?
M. Konrad von Finckenstein: Certainement, mais je souligne que pour les questions transfrontalières la seule façon de les résoudre efficacement est d'obtenir la coopération des autres pays.
Ma collègue, Nicole Ladouceur, qui est ici, se charge de presque toute la coopération avec les Américains à ce sujet. Nicole pourrait peut-être vous dire ce que nous avons fait et ce que nous comptons faire, afin que vous sachiez comment nous essayons de résoudre ce problème.
Mme Nicole Ladouceur (chef, Division B, Direction des pratiques commerciales, ministère de l'Industrie): Merci, monsieur von Finckenstein.
Effectivement, l'année dernière, mais déjà depuis plusieurs années, nous avons accru notre coopération avec les Américains. Ces derniers ont également des problèmes en ce qui concerne des entreprises ou des organismes du Canada. La publicité trompeuse semble malheureusement se pratiquer des deux côtés de la frontière.
Certains problèmes ont été mis en lumière dans le cadre du groupe de travail Canada-États-Unis qui s'est réuni en juin dernier, de même qu'en septembre. Il a publié son rapport en novembre. Il y a eu un suivi, et nous nous réunissons régulièrement pour veiller à adopter une approche nationale à l'égard de cette publicité trompeuse. Elle a parfois un caractère régional, et nous voulons être certains qu'en ce qui concerne les Américains nous examinons le problème dans une optique globale.
Nous nous réunissons donc régulièrement au Canada. Nous échangeons également des renseignements avec les Américains, dans la mesure où nos dispositions nous permettent de le faire. Nous échangeons des listes au sujet des dix principales sociétés à propos desquelles nous avons des plaintes, par exemple, en voyant comment nous entendre pour faire appliquer nos lois respectives tout en respectant les frontières et la souveraineté de l'autre pays.
M. John Bryden: Madame la présidente, puis-je simplement demander aux fonctionnaires qu'ils chargent les conseillers juridiques d'examiner ma suggestion quant à l'ajout des mots «ou approuver» à cet article?
• 1005
Si cela pose un problème—ce qui ne m'étonnerait pas du
tout—je vous demanderais au moins d'étudier cette possibilité.
Merci.
Mme Konrad von Finckenstein: Nous examinerons cela avec plaisir et nous communiquerons avec vous lorsque nous l'aurons fait.
La présidente: Merci.
Je voudrais en revenir à vous, monsieur von Finckenstein, et à vos fonctionnaires pour examiner le projet de loi article par article et ensuite continuer à poser nos questions.
[Français]
Mme Francine Lalonde: J'aimerais poser une deuxième série de questions.
[Traduction]
La présidente: Non, madame Lalonde, j'ai expliqué que nous nous arrêterions vers 10 heures pour entreprendre l'étude article par article. Nous reprendrons nos questions lorsque nous recommencerons.
Mme Francine Lalonde: D'accord.
La présidente: Nous allons continuer dans le même ordre.
M. Konrad von Finckenstein: D'accord, nous avons accepté d'examiner cela en trois groupes portant sur les questions principales. Il y a d'abord les dispositions concernant le télémarketing.
Don, voulez-vous vous en charger? Est-ce-vous ou Tom? D'accord, Tom, pourquoi ne pas expliquer au comité les dispositions sur le télémarketing et leur rôle?
La présidente: Il faudrait que les membres du comité aient sous les yeux la liste des sujets de chaque article afin qu'ils puissent suivre plus facilement ce que vous faites.
M. Tom Wright: Merci, madame la présidente.
Les articles que je propose de passer en revue—pour une question de temps, je vais essayer de faire un examen global assez rapide pour que vous puissiez poser des questions—sont les articles 13, 10, 21 et 47, qui traitent tous, d'une façon ou d'une autre, du télémarketing trompeur.
Je vous rappelle qu'il y a une industrie du télémarketing tout à fait légitime au Canada. Nous avons reçu, en fait, des commentaires positifs de ce secteur au sujet de ce que nous proposons ici.
L'une des principales dispositions est que le télémarketing trompeur est considéré comme une infraction criminelle. Il est donc essentiel de modifier le Code criminel, comme nous le proposons, pour installer des tables d'écoute sans consentement. C'est à l'article 47. Je crois que le directeur vous en a parlé en détail. Cela nous paraît essentiel pour réunir les preuves requises de façon à pouvoir lutter efficacement sur ce front.
Pour contrer efficacement le télémarketing trompeur et faire en sorte que les consommateurs puissent se protéger et déceler rapidement un appel trompeur, il faut qu'un certain nombre de divulgations soient faites pendant l'appel. Au départ, nous nous attendons à ce que l'identité du promoteur, la nature du produit et le but de l'appel soient indiqués. Cela fait l'objet de l'article 13.
Il faut également que tout renseignement supplémentaire concernant le prix du produit, les restrictions matérielles et les modalités générales applicables à sa livraison soit divulgué au cours de cet appel téléphonique. Encore une fois, il s'agit d'aider le consommateur à déceler un appel trompeur. Cela nous aiderait également à recueillir les preuves nécessaires pour intervenir.
Dans la mesure où nous connaissons assez bien la nature du télémarketing trompeur, nous avons établi certaines interdictions précises. Encore là, cela figure à l'article 13. Une interdiction générale est prononcée contre les déclarations trompeuses, mais nous faisons également allusion aux concours et au fait qu'aucun paiement ne peut être exigé avant la livraison d'un prix.
Vous avez entendu le ministre décrire une pratique couramment répandue à l'heure actuelle dans le secteur du télémarketing trompeur en ce qui concerne les concours et les prix.
Il y a également deux autres dispositions qui s'appliquent aux circonstances dans lesquelles des sociétés et leurs dirigeants cherchent à se protéger contre des poursuites. Nous tiendrons les sociétés responsables de leurs employés et de leurs mandataires et nous tiendrons également responsables les dirigeants qui sont en mesure d'exercer une influence dans une société. Je crois que cela devrait contribuer à remédier à certaines préoccupations.
• 1010
Afin que tous ces efforts ne soient pas perdus en cas de
poursuites, nous allons même jusqu'à énoncer certaines
circonstances aggravantes dont il faudra tenir compte pour la
détermination de la peine. Cela fait suite à ce que nous savons des
pratiques de télémarketing trompeur. Certains organismes se servent
de listes de citoyens vulnérables. Ils ont déjà fait l'objet
d'accusations. Nous recommandons que leurs antécédents entrent en
ligne de compte pour la détermination de la peine.
Pour passer à l'article 10, les infractions ayant été énoncées à l'article 13, nous établissons un moyen d'action supplémentaire sous la forme d'une injonction provisoire. La loi actuelle prévoit des pouvoirs d'injonction, mais vous constaterez que l'article 33 de la loi actuellement en vigueur est modifié pour permettre d'obtenir une injonction provisoire dans le cas du télémarketing. De plus, il sera possible d'obtenir une injonction contre un tiers en cas de récidive. En cas de récidive, nous serons donc en mesure d'aller devant les tribunaux et d'intervenir rapidement.
Il ne faut pas oublier que ce sont là des chevaliers d'industrie qui se livrent à leurs activités pendant quelques semaines ou quelques mois et qui vont recommencer ailleurs. Pour être efficaces, nous devons pouvoir intervenir rapidement. Dans certains cas, il sera nécessaire d'avoir recours à ces moyens supplémentaires.
L'article 21 porte sur le champ de compétence du tribunal. J'ai parlé de l'article 47; nous avons eu toute une discussion au sujet de l'écoute électronique.
Madame la présidente, c'est tout ce que j'ai à dire à propos du télémarketing, et Nicole Ladouceur et moi-même sommes prêts à répondre à vos questions si vous le désirez.
La présidente: Je préférerais que tout le monde nous explique les diverses dispositions de la loi, après quoi nous pourrons poser des questions. Autrement cela va...
M. Konrad von Finckenstein: Tom, c'est encore à vous de parler de la publicité trompeuse et des pratiques commerciales trompeuses.
M. Tom Wright: Madame la présidente, je suppose que tout le monde a la liste dont vous avez parlé. Je vais passer toute une série d'articles en revue. Au lieu de m'attarder sur chacun d'eux, je pourrais peut-être vous exposer, dans les grandes lignes, ce que nous cherchons à faire ici; autrement, nous allons manquer de temps.
Je crois essentiel de reconnaître, dès le départ, que nous essayons d'accroître les instruments à notre disposition pour nous attaquer à ce problème. Nous avons parlé de la nécessité de pouvoir intenter des poursuites au civil, et nous estimons que c'est ainsi que nous devons améliorer les instruments à notre disposition pour relever le défi. Nous n'avons pas autant d'influence qu'il le faudrait sur le marché, et nous espérons pouvoir agir efficacement. Cela devrait nous fournir davantage de certitude pour l'application de la loi.
Au civil, on peut mettre un terme à la publicité trompeuse au moyen d'ordonnances d'interdiction ou, dans des cas urgents, au moyen d'ordonnances provisoires. Lorsque les tribunaux civils estiment qu'un annonceur a fait de la publicité trompeuse et que celui-ci ne peut prouver qu'il a fait suffisamment d'efforts pour l'éviter, ils peuvent prononcer des ordonnances l'obligeant à publier des avis, ou même à payer une amende. Des ententes volontaires ont été conclues dans plusieurs cas de ce genre, et, au cours de nos consultations, ce genre de solution a reçu certains appuis.
Les modifications clarifient également la loi en ce qui concerne le prix courant des produits. Un certain nombre de personnes voyaient une lacune sur ce plan dans la loi en vigueur. Les détaillants et les groupes de consommateurs ont convenu que la loi devrait permettre aux commerçants de comparer leurs prix aux prix courants si un produit avait été vendu au prix courant en grande quantité ou pendant une période de temps suffisante. Autrement dit, il s'agit d'appliquer deux critères dont le détaillant peut tenir compte pour établir son prix courant.
• 1015
La poursuite au criminel, dont nous avons déjà parlé,
resterait à notre disposition pour les situations vraiment graves.
Lorsqu'un annonceur n'a pas enfreint la loi par inadvertance, mais
sciemment, nous aurons alors plein recours à la justice pénale pour
le poursuivre. Nous avons donc une série d'instruments pour faire
face à la situation et cela devrait nous permettre d'être beaucoup
plus efficaces sur le marché que nous ne le sommes actuellement.
[Français]
Je vais m'arrêter là.
[Traduction]
M. Konrad von Finckenstein: Ray, pourriez-vous expliquer au comité les dispositions concernant les fusions? N'oubliez pas de faire mention de la réglementation.
M. Ray Pierce: Oui, certainement.
Au lieu de procéder article par article, je voudrais donner aux membres du comité un aperçu général de ces modifications. Certaines de ces dispositions sont de nature administrative tandis que d'autres sont plus importantes.
Comme nous l'avons déjà dit, l'examen des fusions est difficile en raison de sa nature. C'est devenu encore plus compliqué ces dernières années compte tenu du rythme des regroupements. Le nombre d'avis que nous recevons a augmenté de près de 100 p. 100 depuis quatre ans et nous ne constatons aucun signe de ralentissement.
Lorsque nous nous livrons à un examen très détaillé d'une transaction, ce qui n'est pas si fréquent compte tenu du nombre de transactions qui nous sont signalées, nous faisons une analyse économique intensive du secteur et des marchés en question. Notre capacité de tirer de justes conclusions dépend surtout de deux choses, le temps et les renseignements dont nous disposons. C'est là que le processus de notification intervient et revêt tellement d'importance.
Le but de la notification préalable est de permettre au bureau de se faire une opinion quant aux conséquences de la transaction avant qu'elle ne soit effectuée. En effet, après coup, il est très difficile de remédier à la situation. Il est très difficile de faire marche arrière une fois qu'une entité a commencé à s'intégrer.
Les dispositions actuelles concernant la notification sont inadéquates pour nous permettre de remplir cette fonction aussi efficacement que nous le souhaiterions. La période d'attente maximum que la loi impose aux parties est actuellement de trois semaines. Ce n'est pas suffisant pour nous permettre d'effectuer un examen détaillé d'une transaction comme une transaction bancaire, par exemple, ou dans un secteur complexe.
De plus, les parties ne sont pas vraiment tenues de fournir des renseignements nous permettant d'entamer une analyse détaillée de la concurrence dans le secteur en question. Nous dépendons donc de la bonne volonté des parties pour obtenir ces renseignements. Pour de très grandes transactions qui suscitent des inquiétudes, il est déjà arrivé que les parties refusent de fournir ces renseignements ou que nous constations ultérieurement que les données fournies volontairement étaient insuffisantes. Il n'y a donc pas eu observation pleine et entière de la loi sur ce plan.
La loi prévoit une formule abrégée et une formule détaillée en ce qui concerne la période d'attente. Les parties peuvent produire une formule détaillée ou abrégée, mais c'est généralement la formule abrégée qui, pour le moment, les oblige à attendre sept jours. Comme je l'ai déjà mentionné, le délai est de 21 jours pour la formule détaillée. Nous nous proposons de doubler ces deux périodes de façon à équilibrer davantage la gestion du processus et à rendre ces périodes d'attente plus réalistes.
L'autre changement important se rapporte aux ordonnances provisoires. Le but de l'ordonnance provisoire est de nous permettre d'empêcher qu'une transaction ne soit un fait accompli avant que nous ayons pu nous faire une opinion. Nous ne nous attendons pas à exercer très souvent ce pouvoir étant donné que l'observation volontaire restera la pierre angulaire du processus d'examen des fusions. Dans les domaines où nous devons imposer notre autorité, nous avons besoin des dispositions législatives voulues pour le faire, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle.
• 1020
Les modifications dont vous êtes saisies vont donc modifier
les circonstances et les critères en vertu desquels nous pourrons
demander ce genre d'ordonnance au tribunal de la concurrence pour
empêcher une transaction qui nous paraît problématique. En fait,
une fois que le directeur confirme au tribunal qu'il a entamé une
enquête et qu'il a besoin de plus de temps pour la terminer et que
la fusion risque de causer des torts irréparables si elle a lieu,
le tribunal peut émettre une ordonnance pour arrêter la transaction
ou la différer.
L'autre modification importante qui est proposée ici a pour effet d'inclure dans la réglementation les exigences quant aux renseignements qui doivent être fournis dans l'avis tant dans la déclaration abrégée que dans la déclaration détaillée. Comme je l'ai mentionné plus tôt, les exigences quant aux renseignements à fournir, surtout dans la déclaration détaillée où nous avons constaté un sérieux problème qu'il faut examiner, deviendront plus précises.
Ces exigences portent surtout sur les renseignements que doivent contenir les documents que nous demandons aux entreprises. Il s'agit notamment de voir comment les entreprises considèrent la transaction. Quelle est la raison d'être de cette dernière? Quelles conséquences pense-t-on que la transaction aura pour le marché? Ce sont des renseignements essentiels pour nous permettre de tirer rapidement des conclusions quant aux répercussions de la transaction sur la concurrence et les consommateurs.
M. Konrad von Finckenstein: Madame la présidente, une des dispositions concernant les fusions porte sur le pouvoir de prendre des règlements au sujet des renseignements à fournir.
Vous entendrez d'autres témoins qui diront que nos exigences à cet égard manquent de réalisme. En fait, nous avons rédigé le règlement en prévision de l'adoption de cette loi. Si vous le permettez, je voudrais le distribuer aux membres du comité afin que vous puissiez vous y reporter lorsque vous entendrez d'autres témoins à l'avenir. Vous pourrez juger vous-mêmes que si ce que nous proposons d'exiger au cas où la loi serait adoptée est vraiment excessif ou est raisonnable compte tenu de certaines transactions qui seront proposées. J'ai ce document sous la main et, si vous le permettez, je vais le remettre à la greffière afin qu'elle puisse vous le distribuer.
La présidente: Certainement.
M. Konrad von Finckenstein: La dernière partie porte sur d'autres modifications. Il s'agit de diverses dispositions destinées à mettre la loi à jour. Mon collègue, Don Mercer, va vous les expliquer.
M. Don Mercer (chef, Unité des modifications, ministère de l'Industrie): Merci, monsieur von Finckenstein.
Il y a plusieurs dispositions qui, comme le dit Konrad, font un peu de ménage à plusieurs égards dans la loi. Dans le premier cas, il y a les ordonnances d'interdiction que vous trouverez aux articles 11, 39 et 40. Une ordonnance d'interdiction est un outil grâce auquel, lorsque nous obtenons une condamnation, dans le cours normal des choses et dans certaines circonstances particulières, un juge peut ordonner une interdiction de toute récidive. S'il y a effectivement récidive, il y a automatiquement outrage au tribunal. Lorsqu'il s'agit donc de faire respecter la loi, ces ordonnances représentent un outil très précieux.
Par contre, elles posent surtout problème en ce sens que jusqu'à présent, elles nous permettaient uniquement d'obtenir une ordonnance interdisant la poursuite de l'activité délictueuse. Il s'agissait donc d'un instrument très prohibitif. À la longue, nous nous sommes dit qu'il fallait être plus créatif que cela et pouvoir par exemple ordonner la mise en place de choses comme un programme de conformité ou de vulgarisation.
Un autre élément qu'il fallait régler dans le projet de loi était le fait que ces ordonnances étaient impossibles à modifier, à abroger ou à interpréter. Une fois l'ordonnance émise, nous étions coincés.
Les articles 11, 39 et 40 remédient donc à cela et prévoient pour ces ordonnances une durée de validité de 10 ans.
Puis nous abordons certaines questions de définition. Vous constaterez qu'à partir des articles 1, 3, 4, 5 et ainsi de suite jusqu'aux articles 37, 38 et 54, nous changeons en fait la définition du titre du directeur pour le rebaptiser commissaire, ce qui va évidemment dans le profil du rôle de celui-ci à la tête du Bureau de la concurrence.
• 1025
Plusieurs autres titres sèment la confusion à cet égard. Il y
a, dans la fonction publique, un certain nombre de directeurs qui
n'étaient pas à la tête d'organismes, et nous avons jugé qu'il
fallait être plus précis et aligner ce titre sur d'autres titres
équivalents, comme ceux qu'on trouve à la GRC.
Il y a d'autres éléments encore—ainsi, le mandat d'entrée. Lorsque nous avons élaboré la nouvelle disposition concernant les pratiques de télémarketing abusives, le futur article 52.1, nous avons bien entendu dû ajouter cela et prévoir les pouvoirs de perquisition nécessaires comme cela existait pour toutes les autres dispositions de la loi.
Il y a également un élément que nous avons intégré à l'ensemble du projet de loi: il s'agit de l'activité concernant les produits de consommation, en d'autres termes, toute la législation concernant l'étiquetage comme la Loi sur l'étiquetage des textiles, la Loi sur le poinçonnage des métaux précieux et la Loi sur l'emballage et l'étiquetage des produits de consommation. Toutes ces lois relèvent actuellement du directeur des enquêtes plutôt que du commissaire. En fait, ces dispositions ne font que confirmer son rôle. Ces pouvoirs étaient auparavant délégués au directeur et ce sera donc l'effet de ces dispositions qui confirmeront son rôle particulier.
Il y a quelques modifications qui concernent le rapport annuel, l'article 36, qui rendent également le directeur responsable des rapports d'activité en vertu de ces lois tout comme c'est le cas pour la Loi sur la concurrence.
Il y a aussi un article qui, je le sais, a attiré votre attention, l'article 23, qui concerne les transactions exclusives et les ventes conditionnées. Il s'agit d'un petit changement de termes qui, nous le savons d'expérience, est extrêmement important pour nous. Nous avons en effet remplacé «le» marché par «un» marché, ce qui va nous permettre de nous saisir de certains cas qui ne relèvent pas nécessairement du même marché et pour lesquels le contrôle d'un marché produit automatiquement le contrôle d'une autre activité sur un autre marché. Cela n'était pas très clair avant que nous décidions de remplacer l'article défini par l'article indéfini.
Voilà donc essentiellement ce qu'il en est de l'ensemble de ces changements. Les autres changements ont pour effet de modifier d'autres lois, par exemple pour les aligner sur le nouveau titre du commissaire.
Je vous remercie.
M. Konrad von Finckenstein: Merci, Don.
Merci, madame la présidente. Voilà donc un rapide survol des résultats que devra produire cette loi dans les quatre catégories que vous avez signalées. Nous pouvons si vous le souhaitez entrer dans les détails de chacune de ces catégories, ou alors répondre à des questions plus générales. Ce sera comme vous le souhaitez.
La présidente: Je préférerais probablement, comme d'ailleurs les membres du comité je crois, pouvoir vous poser des questions. Cela fait déjà deux semaines que nous avons toute la documentation dans nos bureaux, ce qui nous a permis d'étudier le détail de chacun des articles. Cette documentation d'ailleurs est extrêmement détaillée et expose parfaitement toutes les explications et l'argumentation.
Cela étant, je vais maintenant donner la parole à Mme Lalonde.
[Français]
Mme Francine Lalonde: Je vais essayer de reprendre là où j'en étais tout à l'heure. Une question importante qui se pose pour moi et pour d'autres, je crois, c'est celle du dédoublement que va provoquer la décriminalisation, en tout cas avec la loi du Québec. Je ne connais pas la loi de l'Ontario ni celle des autres provinces, mais je sais que dans le rapport du groupe de travail Canada—États-Unis sur le télémarketing frauduleux, on souligne que le partage des pouvoirs fait qu'au Canada, ce sont les provinces qui possèdent le champ de compétence principal en matière d'activités commerciales, de propriété et de droit civil.
Les dix provinces et les deux territoires canadiens ont tous, sous une forme ou une autre, des lois visant à protéger le consommateur. Et la plupart d'entre elles renferment des dispositions similaires à celles de leurs pendants des États-Unis. Je pourrais continuer ainsi longtemps. On dit cependant que les provinces ne possèdent pas le pouvoir d'adopter des lois pénales, mais qu'elles peuvent adopter des dispositions créatrices d'infractions sur la propriété et les droits civils, ce qui comprend de nombreuses activités commerciales.
En regardant la loi du Québec, celle sur l'Office de la protection du consommateur, et en regardant la définition des infractions, on retrouve parallèlement des infractions qui se trouvent aux articles 45, 47, 51 et également des amendes. Mais il y a des différences importantes par rapport à ce qu'on veut implanter ici.
• 1030
Je crois franchement qu'il y a
un dédoublement là-dedans, mais aussi des divergences
qui, à certains égards, créent problème. J'aimerais donc que
l'on regarde ce qu'il en est par rapport aux autres
provinces également.
Par exemple, on dit dans la loi du Québec:
-
261. On ne peut déroger à la présente loi par une convention
particulière.
-
262. À moins qu'il n'en soit prévu autrement dans la présente loi, le
consommateur ne peut renoncer à un droit que lui confère la présente loi.
Votre pouvoir de demander une ordonnance, qui est l'équivalent de l'injonction que l'on trouve dans la loi du Québec, prévoit aussi que dans les 48 heures, la personne est avisée de l'ordonnance et que l'ordonnance peut être convenue. Je n'ai pas les mots exacts de la loi, mais je crois qu'elle peut même contenir des choses qui n'auraient pas pu être dans l'ordonnance.
Par conséquent, je dirais donc que je m'inquiète de ce qu'il advient des droits des citoyens. Je m'inquiète d'une façon générale du dédoublement et des contradictions qui peuvent survenir. Je m'inquiète aussi de ce que veut dire cette sanction pénale administrative qui est, pour moi, une autre façon d'exprimer le mot «amende». Si vous ne voulez pas l'utiliser, c'est peut-être parce que des problèmes «constitutionnels» auraient pu se poser.
Je vais donc vous poser carrément la question. Avez-vous envisagé la possibilité d'une contestation constitutionnelle de tout ce pan de la loi? Si vous l'avez fait, j'aimerais connaître les réponses que vous avez eues et, si vous ne l'avez pas fait, n'est-il pas dangereux de transformer une loi qui pourrait ne pas être habilitante pour vous?
[Traduction]
M. Konrad von Finckenstein: À la toute fin, effectivement, nous avons étudié la chose sous l'angle constitutionnel. Comme c'est le cas pour toutes les lois soumises au Parlement par le gouvernement fédéral, nous l'avons étudiée par rapport à la Constitution et à la Charte pour vérifier si elle était bien conforme, et à notre avis elle l'est.
Pour ce qui est des chevauchements et des dédoublements, je suis absolument d'accord avec vous. Je tiens à éviter cela dans toute la mesure du possible. Nous n'avons nullement l'intention ici de parler deux fois de la même chose. Un bon nombre de ces domaines sont de nature interprovinciale et intéressent donc plus d'une seule province.
En second lieu, il ne s'agit pas d'une loi destinée à protéger le consommateur. Elle a pour but de promouvoir la concurrence, de sorte que notre intervention à ce sujet est très différente. Comme je le mentionnais en répondant à la question de M. Bellemare, nous essayons de faire en sorte qu'il y ait sur le marché suffisamment de renseignements, des renseignements neutres et objectifs qui permettent au consommateur de choisir en toute connaissance de cause. Nous abordons les choses sous un angle légèrement différent de la protection du consommateur.
Nous travaillons en étroite concertation avec les provinces et il n'y a aucun chevauchement. Je ne pense pas qu'il y en ait en tout cas, mais je vais demander à mon collègue M. Wright, qui va se charger de l'administration courante de la chose, de vous donner plus de détails à ce sujet.
M. Tom Wright: Selon ma perspective, comme vient de vous le dire le directeur, cette mesure législative va permettre au gouvernement fédéral de se saisir de certains cas qui transcendent plusieurs juridictions.
La faculté que nous avons de nous en prendre aux entreprises qui nuisent à d'autres compagnies dans tel ou tel domaine est quelque chose qui, à mon avis, ne se retrouve dans aucune loi provinciale. Il me semble que plusieurs interventions de ce genre ne peuvent être prises en charge que par le palier fédéral, selon les optiques que nous avons ici.
Cela fait d'ailleurs très longtemps que nous travaillons en coopération avec les agences du Québec et d'autres provinces aussi. En fin de compte, pour arriver à faire respecter les lois dans les dossiers de ce genre, il va falloir coopérer, échanger des renseignements et assurer une bonne liaison. C'est seulement ainsi que nous allons pouvoir réussir. Dans la même veine, les services provinciaux, dont ceux du Québec, nous ont déjà saisis de certains cas en nous demandant de donner suite, ce qui a produit des interventions complémentaires de notre part.
[Français]
Mme Francine Lalonde: Excusez-moi, mais je pense qu'il y avait une différence avant. En effet, les provinces ne pouvaient pas agir au criminel, mais maintenant, c'est vous qui intervenez dans leur propre champ. Alors, comment la différence va-t-elle se faire? Je dois dire que j'ai testé cela. Plusieurs de vos plaintes portaient sur des activités dans une seule province, que ce soit au Québec ou ailleurs.
Considérons par exemple la fameuse condamnation à la prison d'un propriétaire d'une entreprises de cours de conduite automobile qui s'est produite à Sherbrooke. Si la loi était modifiée, est-ce que les choses se passeraient de la même manière ou si vous pourriez procéder par ordonnance?
[Traduction]
M. Konrad von Finckenstein: En fait, ce dont vous parlez n'était pas un cas de publicité trompeuse, il s'agissait d'un complot.
[Français]
Mme Francine Lalonde: Oui, c'est vrai.
[Traduction]
M. Konrad von Finckenstein: La coopération avec les provinces produit vraiment d'excellents résultats, mais nous n'avons pas pour autant l'intention de nous substituer à elles. Si quelque chose survient dans une province et si le gouvernement provincial a les moyens de donner suite et s'il le fait, cela nous est manifestement utile et nous n'avons nullement l'intention de refaire la même chose de notre côté.
Nous échangeons constamment des renseignements. Nos lois sont différentes et nos perspectives le sont également.
Essentiellement, les provinces s'occupent des dossiers qu'elles ont les moyens de suivre et nous nous occupons de ceux dont nous avons les moyens de suivre contrairement aux provinces.
[Français]
M. Tom Wright: Souvent, c'est la province de Québec qui va nous renvoyer les causes dans lesquelles les citoyens du Québec sont affectés par les activités d'autres personnes dans d'autres provinces. C'est ce genre de coopération qui fait que l'on doit continuer comme cela. Comme je l'ai expliqué tantôt, la possibilité d'utiliser l'approche civile est une question d'efficacité pour nous. Cette efficacité sera à l'avantage des Canadiens, partout au Canada. Comme le directeur l'a mentionné, nous voulons coopérer avec toutes les agences des provinces. En tout cas, on ne vise pas les dédoublements dans nos opérations.
Mme Francine Lalonde: Je voudrais vous faire remarquer que même si ce n'est pas le but visé, c'est tout de même à cela que l'on arrive. Je ne parle pas seulement pour vous.
Mme Nicole Ladouceur: Je voudrais compléter cette réponse. Nous travaillons de très près avec les provinces. D'ailleurs, nous avons un comité fédéral-provincial qui se réunit tous les mois par appel-conférence et physiquement environ deux ou trois fois par année. Nous discutons des problèmes de consommation au niveau des provinces mais aussi au niveau du marché, donc au niveau de l'intervention possible par le gouvernement fédéral.
En ce qui concerne le Québec, nous nous travaillons régulièrement avec Mme Nicole Fontaine, qui est à l'Office, et nous avons travaillé avec son prédécesseur également, qui était Marie Bédard.
Lorsque nous recevons des plaintes, notre première analyse a pour but justement de déterminer la question de juridiction. Si c'est vraiment une question de droit purement contractuel entre un consommateur québécois et une compagnie québécoise, ou même une compagnie à l'extérieur, si c'est vraiment du droit contractuel pur et simple, nous envoyons alors le dossier à l'OPC. Par contre, s'il s'agit vraiment d'un problème de marché...
Mme Francine Lalonde: C'est au niveau commercial. Vous avez là un champ qui est plutôt mince.
Mme Nicole Ladouceur: Il est certain que dans la Constitution fédérale, telle qu'elle est écrite présentement, au niveau commercial, l'autorité fédérale a aussi une possibilité d'intervention. On s'en sert surtout pour les problèmes interprovinciaux.
Il y a aussi une question de ressources. Je pense que toutes les autorités concernées tentent d'utiliser le plus efficacement possible les ressources qui sont à leur disposition. C'est pour cette raison qu'il y a vraiment une coopération avec toutes les provinces pour tenter de régler les problèmes le plus efficacement possible. On essaie d'utiliser les outils qui sont à notre disposition pour ce faire.
Mme Francine Lalonde: Vous m'avez parlé de votre intention, mais pas de cet outil qui vous donne le moyen d'intervenir dans l'autre champ. J'y reviendrai. On va se reparler d'ici les prochaines semaines.
[Traduction]
La présidente: Merci, madame Lalonde.
Monsieur Shepherd.
M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): Merci, madame la présidente.
Nous avons déjà parlé ici de l'écoute électronique, mais en réalité, la loi n'en fait pas mention, n'est-ce pas? Elle parle plutôt de l'interception ou du captage de communications privées. Est-ce que je me trompe?
M. Konrad von Finckenstein: C'est un terme technique. Il s'agit de l'interception des communications privées. L'écoute électronique, c'est le terme usuel.
M. Alex Shepherd: Je veux bien, mais il doit y avoir d'autres types d'interception ou de captage de communications, des micros cachés par exemple ou des dispositifs d'écoute quelconques. Y a-t-il d'autres formes d'interception.
M. Konrad von Finckenstein: J'ai à mes côtés un collègue du ministère de la Justice qui est notre expert en matière d'écoute électronique et si vous le voulez bien, je vais donc demander à Yvan Roy de répondre à cette question.
Venez donc vous asseoir ici Yvan pour répondre à cette question.
M. Yvan Roy (avocat-conseil général, Section de la politique du droit en matière pénale, ministère de la Justice): Ce que nous proposons dans le projet de loi C-20, c'est d'élargir la portée de la définition de la communication privée afin de pouvoir invoquer la partie IV du Code criminel pour enquêter sur certains délits et infractions qui ont été créés par la Loi sur la concurrence ou qui y sont déjà prévus.
L'expression «écoute électronique» est une façon simple de décrire la chose mais, pour être très franc avec vous, quelqu'un porterait sur lui ce qu'on appelle dans le jargon policier un micro-émetteur de poche, c'est-à-dire un appareil qui sert à enregistrer une conversation, et bien cette personne ferait de l'écoute électronique. C'est donc un terme général qui couvre toute une série de moyens possibles.
M. Alex Shepherd: En d'autres termes, la loi couvrirait également les micros clandestins ou tout autre dispositif d'écoute qu'on installerait chez quelqu'un.
M. Yvan Roy: Tout à fait.
M. Alex Shepherd: Il s'agit donc d'un élargissement de cette définition qui fait donc intervenir la notion de complot ou de collusion qui, selon l'article 45, semble avoir une définition extrêmement large.
M. Yvan Roy: En effet.
M. Alex Shepherd: On y parle de fabrication, de production, d'achats et de fournitures. L'article se poursuit en disant qu'il n'est pas nécessaire de prouver que le complot serait susceptible ou aurait pour effet d'éliminer pratiquement toute concurrence sur le marché. En d'autres termes, c'est une définition assez générale qui fait que vous ne devez même pas prouver qu'en réalité, le complot aboutirait éventuellement à un acte criminel.
Cela ne s'applique pas simplement au télémarketing, cela vaut pour tous les autres articles de la loi, n'est-ce pas? Vous donnez donc en réalité au Bureau de la concurrence de nouveaux pouvoirs d'enquête, pas simplement dans le cas de l'écoute électronique ou du télémarketing, mais dans tous les autres cas également. Est-ce que je me trompe?
M. Konrad von Finckenstein: Oui car malheureusement, cela se limite à trois dispositions: le trucage des offres, le complot et le télémarketing trompeur.
Pour ce qui est du complot, comme je le disais, nous vous avons remis les directives. Nous voulons simplement intervenir en cas de complot visant à fixer les prix ou à partager un marché, et rien d'autre.
Et cela pour la raison même que vous avez mentionnée. Un complot c'est quelque chose d'assez vaste. Il peut s'agir de tout autre acte relevant de la Loi sur la concurrence. N'importe quelle infraction peut être commise par voie de complot. Mais cela ne nous intéresse pas, la seule chose qui nous intéresse, c'est le complot visant à fixer les prix ou à partager un marché.
M. Alex Shepherd: On dit ici que ces dispositions comprendront les éléments qui relèvent de l'article 45, c'est-à-dire également le complot.
M. Konrad von Finckenstein: Vous avez parfaitement raison et j'ai d'ailleurs essayé d'expliquer la même chose un peu plus tôt à M. Schmidt.
Sous sa forme actuelle, la loi ne ventile pas l'article 45 en toute une série de types de complots. Elle couvre tout. C'est toute la palette des complots visant à limiter abusivement la concurrence.
Pour ce qui est de l'écoute électronique, nous n'entendons recourir à cette disposition que lorsqu'il y a fixation des prix ou partage d'un marché, et dans aucun autre cas. C'est la raison pour laquelle j'ai émis ces directives pour bien préciser que si le Parlement venait à adopter cette loi, le directeur n'aura recours à ce pouvoir qu'en en faisant la demande à un tribunal, et ce lorsqu'il y a complot visant à fixer des prix ou à partager un marché.
M. Alex Shepherd: Pourquoi ne pas le dire plutôt dans la loi au lieu de procéder par voie de directive?
M. Konrad von Finckenstein: Parce qu'en fait, le problème qui se poserait ici découle du libellé actuel de l'article 45. Comment parvenir à limiter la portée de cette disposition étant donné que l'article 45... Si vous lisez l'article 45 dans la loi initiale, vous n'y trouverez nulle part de mention de fixation de prix ou de partage du marché. C'est donc essentiellement un problème de libellé et c'est la raison pour laquelle nous nous y sommes pris de cette manière.
• 1045
M. Schmidt a déjà dit que nous devrions essayer d'apporter des
amendements afin de limiter la portée de cette disposition aux cas
de fixation des prix et de partage du marché. Je lui ai répondu
comme je vous réponds à vous: nous n'avons pas l'intention d'aller
plus loin que cela. Si c'est possible, bien sûr nous le ferons.
C'est ce que nous essayons surtout de combattre, la fixation des
prix et le partage des marchés.
M. Alex Shepherd: Je vais essayer de tirer les choses au clair. Si vous avez le sentiment qu'il y a, dans le secteur bancaire, un genre de complot qui revêtirait par exemple la forme d'une des fusions dont on parle et qui aurait pour but d'une façon ou d'une autre de limiter un peu abusivement la concurrence sur ce marché, auriez-vous le droit d'installer un micro clandestin dans la salle du conseil d'administration de la Banque Royale?
M. Konrad von Finckenstein: Pas du tout, puisque ce n'est pas cela que nous voulons utiliser et nous n'avons nullement l'intention de procéder ainsi. J'aurais plutôt recours aux autres pouvoirs que me donne la loi. Ce que nous essayons de faire ici, c'est d'intervenir lorsque des gens se réunissent pour essayer de propos délibéré de s'entendre sur tel ou tel prix ou de s'entendre sur un partage du marché... Cela ne m'intéresse absolument pas de mettre un conseil d'administration sur écoute électronique ou d'obtenir des renseignements sur un autre genre d'activité commerciale. Pour cela, nous pouvons invoquer les dispositions actuelles, et c'est ce que nous faisons. Pour ce qui est de nos rapports avec l'industrie, il s'agit pour l'essentiel de relations consensuelles et de rapports de coopération, comme le disait d'ailleurs mon collègue. Dans le cas des fusions etc, ces entreprises ont un travail à faire, moi aussi d'ailleurs, et nous devons le faire ensemble.
Bien sûr, il y a dans l'industrie des protagonistes qui se livrent délibérément à des actes criminels, qui enfreignent la loi en toute connaissance de cause. Ce sont ces gens-là que j'essaye de combattre. Ils s'y prennent généralement de l'une de deux façons: ils essayent de monopoliser un marché ou alors d'imposer leur prix.
M. Alex Shepherd: Donc le télémarketing n'est certainement pas le seul élément.
M. Konrad von Finckenstein: Il y a dans la loi trois dispositions qui concernent le télémarketing, le complot et le trucage des offres, c'est-à-dire ce qui se produit lorsque les soumissionnaires se rencontrent en privé pour décider, avant l'ouverture des offres, de celui qui va obtenir le marché.
M. Alex Shepherd: Pour en revenir à la question des fusions, je comprends bien ce que vous dites lorsque vous parlez d'étudier les transactions et ainsi de suite. Quelles sont les autres conditions dont vous tenez compte? Par exemple, tenez-vous compte de la façon dont évolue un secteur, en ce sens qu'il pourrait donner lieu à de nouveaux regroupements, tenez-vous compte également de la façon dont les choses se sont passées dans d'autres administrations, à l'étranger?
M. Konrad von Finckenstein: Certainement.
Ray, vous pourriez peut-être expliquer à M. Shepherd comment vous vous y prenez.
M. Raymond Pierce: Mais bien sûr. Nous tenons compte de toutes les circonstances et de tous les facteurs économiques qui intéressent l'industrie en question, de sorte que nous étudions également d'autres regroupements. Ce que nous faisons par exemple à l'occasion de ces analyses détaillées, c'est que nous allons trouver les autres protagonistes comme les principaux concurrents et nous leur demandons s'ils ont, mettons, de nouveaux produits en projet, s'ils entendent concurrencer les entreprises qui sont en train de fusionner, si vous voyez ce que je veux dire. C'est vraiment une analyse extrêmement poussée que nous conduisons.
La présidente: Monsieur Pankiw.
M. Jim Pankiw (Saskatoon—Humboldt, Réf.): Merci, madame la présidente. J'aurais une question pour M. Wright.
Je pense que la meilleure façon de poser cette question est de vous décrire une situation. Monsieur Wright, supposons que vous soyez administrateur dans plusieurs compagnies, vous êtes donc quelqu'un de très occupé, et que l'une de ces compagnies que vous possédez est un magasin de détail dont je suis le gérant. Comme vous êtes très occupé, vous ne me voyez qu'une fois par semaine pendant une heure environ, vous devez me faire confiance et c'est ainsi que les choses se passent. Moi, je décide de me livrer à des activités de télémarketing trompeur pour accroître mon chiffre d'affaires et mes bénéfices, peu importent d'ailleurs mes motifs. Peut-être ma rémunération dépend-elle des bénéfices de la compagnie, peut-être voudrais-je obtenir une promotion ou je ne sais trop quoi. Je suis peut-être aussi un type foncièrement malhonnête. Quoi qu'il en soit, c'est ce que je fais, et cela finit par être découvert. Aux termes de la disposition 52.1(8) du projet de loi, je suis présumé coupable et je dois prouver mon innocence.
Je ne pense pas que ce soit juste. Cela ne devrait pas être à moi à prouver mon innocence, il faudrait plutôt qu'on fasse la preuve qu'on m'a ordonné de le faire ou qu'on savait ce que je faisais.
M. Tom Wright: Vous constaterez, je crois, que la loi prévoit précisément comme mode de défense dans les cas de ce genre la diligence raisonnable. Ce dont vous me parlez serait donc...
M. Jim Pankiw: Je comprends bien, mais c'est une défense possible. Il n'empêche qu'il y a toujours présomption de culpabilité, n'est-ce pas?
M. Konrad von Finkenstein: Non, ce n'est pas une présomption de culpabilité car n'oubliez pas qu'avant de vous inculper, nous allons étudier tout le dossier. Nous allons étudier comment les choses se sont passées dans l'entreprise et ainsi de suite. Nous allons étudier vos relations, dans le cas hypothétique que vous présentez, entre votre patron et vous. Quelles sont les règles internes de la compagnie? Quelles sont les instructions que vous avez données, etc.? Nous n'allons vous inculper que si nous considérons qu'effectivement l'acte en question a bien eu lieu et que rien n'a été fait pour que les gens qui travaillent dans la compagnie agissent dans le respect de la loi.
À ce moment-là, une fois qu'il y a eu inculpation, vous pouvez nier en disant, désolé, mais vous vous trompez. Nous avons tous les livres qu'il faut et nous avons fait preuve de diligence raisonnable. Mais nous, nous n'inculperions pas. Pour commencer, ce n'est pas nous qui inculpons, c'est le procureur général qui le fait, mais seulement après étude du dossier et uniquement s'il est clair que dans ce cas-là, l'acte a bien été commis et que rien n'a été fait pour que la loi soit respectée. Il n'y a pas eu d'instruction. Il n'y a pas eu d'explication et ainsi de suite. À l'inverse, vous pouvez interpréter cela comme voulant dire qu'il y a eu aval implicite.
M. Jim Pankiw: Pour préciser un peu les choses, mettons que les circonstances ne soient pas très claires, que M. Wright étant un de ces gérants un peu évaporés, il n'y avait pas d'intention criminelle, même s'il avait du mal à le prouver. Pensez-vous que cet article lui impute le blâme ou le contraigne à prouver le contraire? Vous voyez ce que je veux dire?
M. Konrad von Finkenstein: En fait, vous posez ici une question théorique. La réalité, c'est que si vous êtes en affaires, vous vous livrez à certaines activités, vous engagez des gens pour le faire et dès lors il vous appartient de faire en sorte que cette activité, pour laquelle vous avez à votre service d'autres personnes, est bien conforme à la loi. Après tout, c'est cela le monde des affaires. C'est vous l'employeur. Vous payez ces gens et vous leur dites ce qu'ils doivent faire. Mais vous devez également leur dire ce qu'ils peuvent faire et ce qu'ils ne peuvent pas faire. C'est tout à fait normal. Vous dites que s'ils n'ont pas enfreint la loi... S'ils ont enfreint la loi et si nous les inculpons, si nous vous inculpons également, la loi prescrit ici que vous avez un moyen de défense. Vous pouvez prouver que vous leur avez dit et que malgré cela vos employés n'ont pas suivi vos instructions.
La présidente: Merci, monsieur Pankiw.
Monsieur Lastewka, avez-vous des questions?
M. Walt Lastewka (St. Catherines, Lib.): Oui, madame la présidente.
Monsieur von Finkenstein, vous avez pu constater que la question de l'écoute électronique intéressait beaucoup le comité. J'aimerais que vous y reveniez et que vous nous expliquiez ce qui se passe lorsque vous décidez d'effectuer une écoute électronique et dans quel genre de situations vous intervenez.
M. Konrad von Finkenstein: Vous devez partir du principe qu'il faut que nous ayons reçu une plainte ou entamé une enquête parce que nous avons eu vent de pratiques douteuses. Nous examinons la situation, nous montons un dossier, nous essayons d'obtenir les preuves nécessaires en invoquant les pouvoirs que nous avons dès lors qu'il y a enquête, ce qui veut dire que nous pouvons exiger la production de certains documents. Nous pouvons demander qu'il y ait perquisition et saisie de documents. Nous pouvons demander aux gens de prêter serment et les interroger. Nous avons donc fait tout cela. Peut-être aussi avons-nous quelqu'un qui soit venu nous informer et nous donner des preuves en nous disant ce qui se passe et en quoi il est en cause, que ce soit de son libre arbitre ou contre sa volonté. Voilà donc les éléments du dossier.
• 1055
Voilà donc la situation, voilà ce que nous faisons, mais nous
n'avons pas suffisamment de preuves à notre avis pour obtenir une
condamnation. Nous savons que la situation n'a pas changé et c'est
à ce moment-là que nous demandons une écoute électronique. Nous
nous adressons à un juge et nous lui demandons de pouvoir faire une
écoute électronique à tel ou tel endroit, à tel ou tel moment pour
écouter telle ou telle chose, parce que nous pensons que cela nous
donnera la preuve qu'il y a complot criminel. C'est donc ce qui se
passerait dans un cas de complot, ce qui semble intéresser surtout
le comité.
J'imagine en revanche que dans la majorité des cas pour lesquels nous allons invoquer ces pouvoirs, ce seront des cas de télémarketing, qui ont donné lieu à des plaintes de la part de personnes âgées qui se sont fait escroquer de leurs petites économies. Mettons que nous avons étudié la situation et que nous en sommes arrivés à la conclusion que la personne âgée en question ne sera probablement pas un très bon témoin étant donné que sa mémoire est défaillante. Et il s'agit aussi d'une firme dont c'est la seule activité. Vous savez, une de ces boîtes où il y a des gens qui multiplient les coups de téléphone pour essayer de rejoindre des gens chez eux l'après-midi, parce que ceux qui sont là à ce moment-là sont souvent des pensionnés, et qui essaient d'établir un contact personnel.
La question qui se pose alors est de savoir comment obtenir des preuves concrètes. Nous n'avons en fait de preuves que l'effet, le témoignage de la victime et ainsi de suite. Mais lorsqu'on s'attaque aux compagnies de ce genre, elles nous disent immanquablement: «Excusez-moi, mais nous avons tout parfaitement expliqué. J'ai expliqué à la personne en question ce qu'il en était et il y a eu malentendu de sa part». Il n'y a pas de perquisition à faire, il n'y a rien à confisquer puisque tout est en mode électronique et tout se fait au téléphone. Dans un cas de ce genre, la meilleure preuve serait d'enregistrer la conversation téléphonique. Nous enregistrons donc et nous savons immédiatement ceci de façon très précise: la personne a-t-elle fait des représentations trompeuses? S'est-elle identifiée? A-t-elle demandé de l'argent pour un prix avant la livraison de celui-ci? A-t-elle indiqué la juste valeur du produit qu'elle vendait? Ces éléments de preuve vont alors nous permettre de poursuivre ces gens et de les mettre hors d'état de nuire.
M. Walt Lastewka: Lorsque vous recevez une plainte concernant du télémarketing, attendez-vous d'en avoir cinq autres? À quel moment intervenez-vous?
M. Konrad von Finckenstein: Dès que nous recevons une plainte, nous ouvrons un dossier. Il ne doit pas y en avoir six. Il suffit qu'une seule personne se plaigne à nous. Nous ouvrons un dossier et, d'après ce que nous avons en main, nous décidons si une enquête se justifie. Si oui, nous ouvrons une enquête. Si nous pensons que c'est un incident isolé, s'il n'y a pas de preuves suffisantes, si les choses ne sont pas claires et s'il peut y avoir eu malentendu, à ce moment-là de toute évidence nous ne faisons pas enquête.
M. Walt Lastewka: Madame la présidente, je vais partager mon temps de parole avec M. Ianno.
M. Tony Ianno (Trinity—Spadina, Lib.): Je vous remercie.
S'agissant cette fois-ci du seuil de 35 p. 100, lorsqu'il s'agit de déterminer quel genre de concurrence est acceptable, comment déterminez-vous qui en bénéficie le plus lorsque la question vient à se poser—en d'autres termes, la population canadienne en général, la compagnie, l'industrie, sur le plan international ou sur le plan intérieur?
M. Konrad von Finckenstein: Pour commencer, cette règle des 35 p. 100 est empirique, vous le savez. Ce n'est pas un chiffre absolu, c'est un genre de seuil que nous avons établi.
En second lieu, nous sommes là pour faire en sorte que la concurrence existe, et non pas pour protéger les protagonistes. Je n'étudie pas les conséquences pour telle ou telle compagnie. Je veux avoir la certitude que la concurrence existe et qu'après la fusion, si elle aboutit—et il devrait ici y avoir une part de marché représentant environ 35 p. 100—, il y aura toujours un niveau de concurrence suffisant sur le marché. Y aura-t-il suffisamment de concurrents? La personne qui détient les 35 p. 100 ou plus encore pourrait-elle ainsi contrôler le marché, influencer le comportement des autres? Y aura-t-il d'autres voies d'accès à ce marché afin que de nouveaux protagonistes puissent s'établir si la personne qui a les 35 p. 100 essaie d'augmenter les prix? Ou encore le niveau de concurrence qui existe sur ce marché est-il tel qu'il y aura immanquablement des nouveaux venus et que la personne en question ne sera pas capable de conserver ces niveaux de prix-là?
Le but est donc de s'assurer que le marché est concurrentiel, car par définition, un marché concurrentiel est avantageux pour les consommateurs.
M. Tony Ianno: Lorsque vous examinez toute la question, comment faites-vous la comparaison entre une communauté rurale et une communauté urbaine? Tenez-vous compte de cette distinction lorsque quelqu'un quitte une certaine communauté, une banque par exemple? Vous demandez-vous si quelqu'un d'autre peut prendre la relève, combler le vide, et donc stimuler la concurrence... Comment tenez-vous compte de ces facteurs-là?
M. Konrad von Finckenstein: Nous étudions les marchés. Nous les étudions en termes de produit ainsi qu'en termes de géographie. Quel est le marché pour un produit donné? Je présume que vous songez aux banques. Quels sont les marchés en termes de produits offerts par les banques? Les hypothèques constituent-elles un marché? Les cartes de crédit constituent-elles un marché? Qu'en est-il des institutions de dépôt? Et ainsi de suite. Nous tenons également compte des facteurs géographiques.
Si vous voulez des détails sur la procédure, je pense que Ray peut l'expliquer mieux que moi.
Ray, pourriez-vous répondre à la question de M. Ianno?
M. Raymond Pierce: Eh bien, je crois que vous avez donné une assez bonne explication.
Dans le cas de la fusion de banques, nous examinerons l'impact de la fusion sur les marchés locaux. Certains seront des marchés ruraux, bien sûr, et nous étudierons l'impact. Nous essayons de déterminer s'il restera une concurrence efficace—si d'autres sociétés vont viser ces marchés, par exemple. Y aura-t-il une perte de concurrents importants? Ce sont le genre de choses que la loi nous oblige à examiner.
M. Tony Ianno: Que faites-vous si la réponse est non, il n'y a pas suffisamment de concurrence dans un marché donné, mais qu'à d'autres égards il y en a? Que faites-vous dans ce cas-là? Faites-vous des recommandations sur chaque marché, ou donnez-vous une réponse générale: non, nous ne pouvons pas permettre cette initiative à cause de telle ou telle raison? Comment procédez-vous?
M. Raymond Pierce: Il faut d'abord déterminer si la fusion réduit considérablement la concurrence dans un marché donné. Le cas échéant, nous examinons les remèdes tels que la cession d'une succursale ou d'un réseau de succursales à un autre groupe qui pourrait se charger de ces réseaux et maintenir la viabilité de la concurrence dans ces marchés.
M. Tony Ianno: Je présume que ce serait semblable à ce qui s'est passé aux États-Unis lorsque AT&T voulait concurrencer avec les compagnies Bell?
M. Raymond Pierce: Je ne crois pas que j'utiliserais un exemple de cette ampleur.
M. Tony Ianno: Non, pas de cette ampleur-là, mais le concept est le même—vendre pour maintenir l'intégrité.
M. Raymond Pierce: C'est le même concept.
M. Konrad von Finckenstein: Nous avons dernièrement examiné un cas dans le secteur des minoteries, qui illustrera bien ce que Ray veut dire. Ray, pourriez-vous expliquer ce que nous avons fait?
M. Raymond Pierce: Il s'agissait d'une fusion récente de sociétés de minoterie, et puisque cette fusion avait un impact sur le marché québécois, les marchés de l'Est, le tribunal a ordonné la cession d'une des usines pour essayer de régler ce problème. Il y a donc eu la cession d'actions, et un nouveau concurrent oeuvrera dans ce marché pour ainsi maintenir le même niveau de concurrence qu'avant la fusion, ce qui remédiera à tout effet anticoncurrentiel éventuel.
M. Tony Ianno: Sur un autre sujet, si une société réussit, grâce à la croissance et l'expansion, à s'accaparer de 40 p. 100 du marché, comment le Bureau de la concurrence en est-il saisi? Comment peut-il suivre l'évolution du marché lorsqu'il ne semble y avoir aucun changement, mais que tout d'un coup le marché a dépassé la règle générale des 35 p. 100?
M. Raymond Pierce: Rien n'empêche une société de grandir. Si cette croissance est due à une fusion et la société a respecté les exigences en matière de notification, nous en serions avisés. Nous serions au courant de ce genre de transaction.
M. Konrad von Finckenstein: Il faut noter que ce serait moins une question de fusion dans ce cas-là. Je présume que vous parlez d'une société qui a grandi et s'est accaparé 40 ou 45 p. 100 du marché et qui utilise ce pouvoir sans entrave. Dans ce cas-là, on examine la situation en termes d'abus de position dominante et nous essayons de voir si cela est vrai, et nous prenons les mesures nécessaires, non pas en nous appuyant sur les dispositions sur les fusions mais plutôt sur une autre disposition de la loi.
M. Tony Ianno: Mais comment pouvez-vous entamer le processus? Que se passe-t-il?
M. Konrad von Finckenstein: Normalement, il s'agit de plaintes de la part de concurrents ou de clients qui nous disent qu'ils n'ont aucun choix—qu'une société donnée est si dominante qu'elle a le contrôle du marché. Peu importe où ils aillent, ils payent le même prix.
M. Tony Ianno: Dans le secteur de la distribution alimentaire, beaucoup de petits entrepreneurs qui fournissent des produits aux grands épiciers indépendants craignent que ce ne soit ce qui se passe dans leur réseau. Nous comprenons tous le concept de prix de rayon et tous les autres enjeux. Ça me fait penser aux ventes liées dans le domaine bancaire, où—on ne peut pas utiliser le terme «extorsion», car c'est inacceptable—quelque chose force les gens à payer pour s'assurer qu'aucun produit du concurrent ne se trouve sur les rayons, seulement le leur. Comment réglons-nous ce problème-là au Canada?
M. Konrad von Finckenstein: Je connais bien ce scénario. J'ai même discuté de la question avec l'Association canadienne des manufacturiers de produits alimentaires. Il s'agit d'une question de preuve. Un grand nombre de personnes font des allégations. Personne n'a présenté de preuve et dit être victime, que cela se produisait, et ainsi de suite, et personne ne nous a demandé d'examiner la question.
Je ne peux pas faire grand-chose avant d'avoir de preuves concrètes pour déclencher l'enquête. Le problème est qu'il y a beaucoup d'allégations, mais jusqu'à présent on n'a vu aucune preuve concrète.
M. Tony Ianno: Une société peut difficilement dire qu'elle a dû payer 250 000 $ pour mettre ses produits sur les rayons, dans un cas isolé, surtout si l'un des épiciers détient 30 p. 100, 40 p. 100 ou 50 p. 100 du réseau de distribution, si on sait qui s'est plaint, car à ce moment-là l'entreprise est finie, surtout au Canada, à moins qu'elle puisse exporter.
Avez-vous déjà songé à une approche à multiples volets qui n'isolerait aucune société particulière, mais qui vous donnerait la chance de présenter des preuves qui ne leur nuiraient pas à tel point, pour voir si la plainte est bien fondée ou s'il y en a plus qu'une?
M. Konrad von Finckenstein: Je ne dis pas qu'une seule plainte suffit, et tout le reste, mais il faut des preuves. Personne n'a présenté de preuves au bureau. Je n'ai entendu que des allégations. Je ne peux pas me fier là-dessus. Il doit y avoir des preuves, un comportement, une tendance quelconque, des symptômes du marché qui nous portent à croire que ce genre de chose se produit.
Je ne peux pas intervenir à partir de soupçons ou d'allégations, et ce serait un abus de mes pouvoirs si j'agissais ainsi. Comme l'a signalé Mme Lalonde, j'ai beaucoup de pouvoirs, mais je dois les exercer avec extrêmement de soin et de prudence. Je ne veux pas perturber l'économie. Je ne veux pas perturber le fonctionnement normal du marché. Alors à moins d'avoir des preuves concrètes d'une imperfection du marché qui n'est pas causée par les forces concurrentielles mais plutôt par un abus, je ne peux pas et je ne devrais pas intervenir.
M. Tony Ianno: Si vous receviez plusieurs plaintes, seriez-vous disposé à examiner cette possibilité?
M. Konrad von Finckenstein: J'étudierais tout élément de preuve qui m'est présenté pour déterminer s'il y a eu concurrence déloyale.
M. Tony Ianno: Merci.
La présidente: Merci, monsieur Ianno.
[Français]
Madame Lalonde, est-ce que vous avez une autre question?
Mme Francine Lalonde: Oui, j'en ai une. Tout d'abord, monsieur von Finckenstein, vous m'avez reprise quand j'ai fait le signe «six» pour dire qu'il fallait être six pour faire une demande. C'est que j'ai étudié la loi, et on dit dans la loi que six personnes résidant au Canada et âgées de 18 ans ou moins peuvent demander au directeur de procéder à une enquête. C'est pour cela que j'ai dit «six». Vous avez dit «une» parce que vous considérez qu'une voix suffit, mais la loi dit «six».
[Traduction]
M. Konrad von Finckenstein: Une précision: je peux examiner toute plainte. Lorsque six personnes déposent une plainte, je dois examiner chacune.
[Français]
Mme Francine Lalonde: C'est ça. Et vous pouvez regarder de vous-même aussi. J'ai encore quelques petites questions dans différents domaines et je vais revenir ensuite sur la question du dédoublement.
J'ai été surprise qu'il y ait, dans la loi, une disposition sur l'utilisation de l'écoute électronique, parce que le comité Canada—États-Unis recommandait, au mois de novembre, de pousser plus loin l'étude avant d'utiliser cela dans la loi. Pourtant, le projet de loi, qui date de novembre aussi, y va d'emblée et demande l'utilisation de l'écoute électronique. Vous avez déjà donné des raisons, mais je voudrais savoir pourquoi vous avez choisi de le faire tout de suite au lieu d'attendre que l'étude ait été poussée un peu pus loin, comme cela avait été recommandé.
[Traduction]
M. Konrad von Finckenstein: Le groupe de travail binational a bien indiqué qu'il s'agissait là d'une question qui méritait une étude plus approfondie. Puisqu'on ne peut pas dire aux gouvernements quoi faire, le groupe les a juste mis en garde.
Si le gouvernement constate des abus dans le domaine du télémarketing ou autre, s'il veut adopter une approche globale, il peut décider que le télémarketing constitue un nouveau genre de crime. Il incombe aux télévendeurs de décider quoi faire. Le gouvernement prévoit des dispositions régissant ce genre d'activités. Toutefois, pour les raisons que j'ai déjà mentionnées à plusieurs reprises aujourd'hui, il est difficile d'obtenir des preuves concrètes. Comme vous le savez, le domaine est assez restrictif. Il ne représente que trois articles de la loi, et les directives le limitent davantage, puisque ce sont les seules questions qui nous préoccupent vraiment.
• 1110
Le groupe de travail a dit de façon euphémique et diplomatique
qu'il faudrait examiner cette question; c'est ainsi que procèdent
les groupes de travail internationaux, plutôt que de faire des
suggestions directes sur ce que le gouvernement devrait faire. Il
incombe maintenant au gouvernement et aux parlementaires de chaque
pays de trouver une solution convenable.
M. Tom Wright: Je tiens à signaler que certains membres de notre organisme faisaient partie du comité de rédaction du rapport. La recommandation et l'orientation adoptées ont été connues en juin, lors des premières réunions. On voulait publier le rapport final en septembre, alors nous avons pu faire du travail parallèle.
M. Konrad von Finckenstein: Je vous remercie de cette précision.
[Français]
Mme Francine Lalonde: Corrigez-moi si je me trompe, mais il me semble que c'est la première fois que l'on trouve une telle disposition législative dans le droit commercial au Canada.
[Traduction]
M. Konrad von Finckenstein: Voulez-vous dire l'écoute électronique?
[Français]
Mme Francine Lalonde: Oui.
[Traduction]
M. Konrad von Finckenstein: Nous avons actuellement le Code criminel, dont l'article 183 énumère les infractions pour lesquelles l'écoute électronique est permise. Il y a toute une liste; elle fait plus d'une page...
[Français]
Mme Francine Lalonde: Je sais, car j'ai regardé.
[Traduction]
M. Konrad von Finckenstein: ... et elle porte sur le Code criminel et toutes sortes d'autres lois. Elle ne porte pas uniquement sur le Code criminel.
[Français]
Mme Francine Lalonde: Il y a d'autres lois, mais pas d'autres lois ayant trait au commerce.
[Traduction]
M. Konrad von Finckenstein: Oui, en effet. Je crois que les faillites font partie de la vie d'une entreprise; il y est question des faillites. Il y est question de la Loi sur les licences d'exportation et d'importation et de la Loi sur les douanes. Ce sont toutes des lois qui touchent les entreprises, et on peut faire de l'écoute électronique s'il y a une infraction en vertu de ces lois. À mon avis, sur le plan théorique, il n'y a aucune différence entre une faillite frauduleuse et un complot pour fixer les prix du marché. Dans les deux cas, il s'agit d'un crime d'ordre économique.
[Français]
Mme Francine Lalonde: Parlons de la décriminalisation. J'ai plusieurs craintes concernant l'ensemble de ces dispositions. J'en ai exprimé quelques-unes, dont celle portant sur le dédoublement, et je n'ai pas été convaincue parce qu'il me semble qu'il va y avoir deux droits civils qui ne comporteront pas les mêmes dispositions et qui vont couvrir le même territoire. Il me semble que cela n'a pas de sens, à sa face même, comme diraient les avocats.
Mais j'ai aussi une autre crainte que j'ai exprimée au ministre. C'est l'affaiblissement de la loi, le signal donné. J'ai lu le jugement qui avait mené à l'emprisonnement dans le cas du complot pour les cours de conduite automobile. Le juge avait dit justement que les entrepreneurs n'étaient pas nécessairement... Je vais le lire.
-
La difficulté à détecter les crimes dont l'accusé a été
reconnu coupable justifie l'imposition de sanctions
plus sévères que de simples amendes. En effet, ces
amendes sont souvent acquittées par l'entité
corporative, ce qui diminue
le respect nécessaire au bon fonctionnement et à
l'efficacité de la Loi sur la concurrence. La Cour
suprême a d'ailleurs recommandé l'imposition de
sanctions qui obligeront les gens d'affaires canadiens
à comprendre que la réduction indue de la concurrence
et l'utilisation de menaces pour élever ou réduire
déraisonnablement les prix sont des actes prohibés.
L'intérêt de la société canadienne exige l'imposition
d'une peine exemplaire et adéquate...
Il me semble que c'était un signal important dans une société où il y a un accroissement des écarts et où il y a du petit monde qui peut recevoir des peines importantes d'emprisonnement pour des délits qui apparaissent bien moindres que les complots de fixation de prix ou de truquage.
• 1115
Est-ce que la
décriminalisation ne risque pas de
transformer ce rapport-là? Au moment où vous vous
donnez des moyens d'obtenir des preuves par l'écoute
électronique, vous décriminalisez. Est-ce qu'il n'y a
pas là un mouvement contradictoire?
[Traduction]
M. Konrad von Finckenstein: Non, sauf votre respect, je ne le crois pas. Nous essayons de cibler nos efforts. Nous voulons décourager toute activité criminelle de façon efficace. En ce moment, certaines activités qui sont considérées comme étant criminelles et qu'on veut décriminaliser ne sont pas découragées, comme vous le dites. C'est parce que ce n'est pas essentiellement une activité criminelle. Nous avons deux façons de traiter la publicité trompeuse. On peut y voir un geste criminel délibéré, une conduite insouciante, bien sûr, mais dans la grande majorité des cas de publicité trompeuse, il ne s'agit pas d'une activité criminelle.
[Français]
Mme Francine Lalonde: C'est bien beau. Sciemment et indépendamment du tort causé, vous l'ajoutez dans cette loi-ci. Ce n'était pas cela auparavant.
[Traduction]
M. Konrad von Finckenstein: Oui, c'est exact. Je fais la différence entre les deux, délibérément. Dans le premier cas, la personne a l'intention de perpétrer un acte criminel; elle a l'intention d'induire en erreur. Dans l'autre cas, le commerçant publie une annonce qui peut être trompeuse, mais il fait de la publicité dans l'intention de vendre son produit. Peut-être a-t-il agi d'une manière inappropriée et peut-être devra-t-on l'en empêcher. Dans certains cas, s'il est récidiviste, par exemple, on devrait lui imposer une amende. Je pense que c'est tout à fait différent du cas de celui qui enfreint la loi de propos délibéré et qui commet une infraction criminelle. Il s'agit de deux domaines distincts.
Nous essayons de viser les criminels et de les poursuivre vigoureusement. Ceux qui pratiquent réellement une activité économique et dont le comportement est anticoncurrentiel, qui dépassent les bornes à un moment donné... peut-être font-ils preuve d'un excès de zèle, si vous voulez, ou ont-ils recours à des méthodes commerciales trop futées, appeler cela comme vous voulez. Ce n'est pas un crime. Ils ne devraient pas être traités comme des criminels. Nous essayons de faire cette distinction au moyen de ce projet de loi.
[Français]
Mme Francine Lalonde: Si vous me laissez plus de temps, je poserai d'autres questions, mais je peux aussi m'arrêter.
[Traduction]
La présidente: M. Shepherd voudrait poser une autre question. Les témoins sont déjà restés plus longtemps qu'ils ne l'avaient prévu. Donc, avec votre permission, madame Lalonde, nous allons continuer.
M. Konrad von Finckenstein: Peut-être devrais-je ajouter une dernière chose; ce n'est pas nous qui avons pris cette décision. Elle a été prise après des consultations approfondies. Un groupe consultatif a été constitué, représentant tous les secteurs de l'industrie: les publicitaires, les acheteurs, les producteurs, les fabricants. Ils pensaient tous que c'était la bonne voie à suivre, en l'occurrence.
[Français]
La présidente: Merci, Madame Lalonde.
[Traduction]
Monsieur Shepherd, vous aviez une question.
M. Alex Shepherd: Pour en revenir à l'écoute électronique, vous avez dit que vous alliez limiter votre pouvoir de lutte contre les complots à la fixation des prix et au partage du marché. Ces deux termes ne sont pas définis dans le projet de loi. Sont-ils définis quelque part?
M. Konrad von Finckenstein: C'est l'un des problèmes. Comment définir ces termes sans se limiter de façon qu'au moment venu de poursuivre quelqu'un, on puisse prétendre qu'il ne s'agit pas d'une conspiration pour se partager le marché? Voilà pourquoi nous avons choisi de procéder par le biais de directives. Si vous définissez ce que vous entendez par partage du marché, car ce genre de partage peut se manifester sous diverses formes, vous courez le risque de voir l'accusé échapper aux limites de la définition précise et exacte que vous aurez rédigée, de le voir contourner la disposition.
M. Alex Shepherd: En réalité, cela vous donne une grande latitude car la disposition vous permet d'avoir recours à l'écoute électronique au gré de la définition que vous jugerez opportune dans tel ou tel cas.
M. Konrad von Finckenstein: Comme pour tout pouvoir discrétionnaire, il faut en user judicieusement, sagement. Il y a discrétion parce que la définition est difficile à arrêter. Si vous vous inquiétez d'abus de pouvoir de notre part, l'article 45 tel qu'il existe à l'heure actuelle nous donne la vaste autorité de nous pencher sur toutes sortes d'activités, de juger qu'il existe conspiration et de traduire les gens devant les tribunaux. Nous n'agissons pas de cette façon. Nous exerçons les pouvoirs que nous confère l'article 45 de façon très judicieuse; nous en faisons un usage très limité; nous essayons de viser les conduites qui sont vraiment délictueuses et anticoncurrentielles.
• 1120
Si vous regardez le libellé de l'article 45, vous verrez qu'il
a une vaste portée et qu'il pourrait englober un grand nombre
d'activités si l'on veut abuser du pouvoir discrétionnaire.
M. Alex Shepherd: Selon moi, le problème c'est que cela dépend de vos bonnes intentions plutôt que de ce qu'on trouve réellement dans la loi.
M. Konrad von Finckenstein: Mais cela dépend aussi des tribunaux. N'oubliez pas que les tribunaux sont là pour prendre des mesures disciplinaires face à tout abus de pouvoir.
M. Alex Shepherd: Mais vous augmentez ainsi vos pouvoirs existants. Quelle preuve y a-t-il que vous n'avez pas pu obtenir des inculpations ou que vous n'avez pas pu mettre fin à des activités de fixation des prix ou de partage du marché et qu'il vous faille vous présenter maintenant devant le Parlement pour demander des pouvoirs accrus?
M. Konrad von Finckenstein: Comme je l'ai dit auparavant, nous avons été aux prises avec des cas où des gens sont venus nous voir pour nous signaler un complot dont, en fait, ils faisaient partie. Dans l'espoir d'obtenir une peine plus légère, ils ont offert leur collaboration comme témoin et nous ont fait part d'autres complots en cours, nous signalant la date et le lieu. Mais nous ne pouvons pas enregistrer ces rencontres, qu'elles aient lieu par le biais de conférences téléphoniques ou qu'il s'agisse de rencontres en bonne et due forme, si la personne en question ne consent pas à nous laisser faire des enregistrements. Pour de nombreux témoins il y a là un genre de barrière psychologique; ils ne veulent pas faire ce dernier pas et participer activement à la chute de leurs coconspirateurs.
M. Alex Shepherd: Et dans combien de cas diriez-vous que vous n'avez pu obtenir d'inculpations pour ces raisons? Quel est le problème que nous tentons de régler ici?
M. Konrad von Finckenstein: Je ne peux pas vous donner de chiffres précis aujourd'hui. Tout ce que je peux vous dire comme je l'ai dit à plusieurs reprises c'est que ces nouvelles mesures visent surtout le télémarketing. À l'occasion pour certains cas relevant des articles 45 et 47, nous nous présenterons devant les tribunaux pour demander la permission d'utiliser ce pouvoir, dans l'espoir de convaincre le juge que nos pouvoirs actuels sont insuffisants. Par définition, si nos pouvoirs actuels étaient suffisants, on ne nous accorderait pas cette ordonnance. Même si on nous l'accordait, les tribunaux récuseraient la preuve au moment d'entendre la cause, car la défense essaie généralement en premier lieu de trouver un vice de forme et prétendrait que l'ordonnance a été obtenue sans autorité suffisante.
La présidente: Merci, monsieur Shepherd.
Madame Lalonde, vous m'assurez qu'il s'agit d'une seule courte question.
[Français]
Mme Francine Lalonde: Vous n'avez pas répondu à la partie de ma question sur la décriminalisation et les deux lois civiles qui visent un certain nombre de points qui sont les mêmes et qui seraient donc concurrentes. Cela n'existe pas autrement et il me semble que cela n'a pas de bon sens non plus. La loi du Québec est très claire à l'égard de la fausse représentation, mais quand vous quittez le terrain criminel, les dispositions ne sont plus les mêmes. Ainsi, les entreprises ou les citoyens auraient le choix entre les deux. Cela n'a pas de bon sens.
[Traduction]
M. Konrad von Finckenstein: Je vous réponds d'abord d'une manière générale, puis je demanderai à Nicole de vous fournir de plus amples détails sur nos activités quotidiennes.
Notre perspective est différente. Comme je l'ai dit plusieurs fois, notre objectif a été de nous assurer que le marché fonctionne selon les lois de la concurrence. Les lois provinciales visent à protéger le consommateur.
Deuxièmement, nous nous sommes penchés surtout, bien sûr, sur des questions qui dépassent les limites provinciales et dépassent par la même occasion les limites juridictionnelles d'un seul gouvernement. Mais nous travaillons certainement d'une manière intense, en étroite collaboration avec les gouvernements provinciaux afin de concerter nos activités pour éviter le dédoublement ou les situations où nous travaillerions à l'encontre les uns des autres.
Nicole, voulez-vous élaborer, s'il vous plaît?
Mme Nicole Ladouceur: Je vous remercie.
[Français]
Madame Lalonde, c'est un problème ou un avantage qui existe à l'heure actuelle. C'est souvent à l'avantage des agences de mise en application.
Je vais vous donner un exemple au niveau du télémarketing. Au niveau des fausses représentations, la ligne entre ce qui constitue une fausse représentation et ce qui constitue de la fraude est souvent très mince. Nous allons donc travailler de près avec la GRC et, dans le cas du Québec, avec la Sûreté du Québec, qui est responsable de la mise en application du Code criminel.
Dans le cas où la preuve recueillie ne permet pas une sanction au niveau du Code criminel, nous poursuivons souvent le travail en vertu de la Loi sur la concurrence. Je vois un peu le même scénario au niveau des pénalités administratives en matière civile. Je pense qu'il faut d'abord voir où se produit le délit ou l'infraction à la loi et se pencher sur les sanctions.
Nous travaillons avec les provinces, et ce sont souvent elles qui nous disent qu'elles ont tout essayé avec telle entreprise et que leurs sanctions ou pénalités administratives ne sont pas suffisantes, ou que les décisions qu'ont rendues leurs cours sont contradictoires. Elle nous demandent, en notre qualité d'agence fédérale, de faire quelque chose.
Mme Francine Lalonde: Oui.
Mme Nicole Ladouceur: Il y a également de plus en plus de pratiques commerciales qui s'étendent à la grandeur de tout le pays. Si on considère l'importance de la constance au niveau de l'action des agences de mise en application, je pense encore une fois qu'il y a un avantage.
Vous soulevez quelque chose qui existe dans bien des domaines, à savoir qu'il y a une possibilité. Souvent, cette possibilité naît du fait que nous avons des lois dont les objectifs sont différents. La Loi sur la concurrence régit principalement les lois au niveau du marché, alors que la Loi sur la protection du consommateur adopte un angle tout à fait différent. Bien qu'il existe à l'occasion un chevauchement, les objectifs sont bien différents.
Mme Francine Lalonde: Mais jusqu'à présent, vous n'aviez pas cette loi-là...
Une voix: Oh!
Mme Francine Lalonde: Je m'arrête, mais soyez certains que je continuerai. Merci beaucoup.
La présidente: Merci, madame Lalonde.
[Traduction]
Je tiens à remercier M. von Finckenstein et tous les hauts fonctionnaires du bureau qui ont été présents ici aujourd'hui, ainsi que ceux qui sont derrière eux et qui sont ici aussi pour répondre à nos questions. Comme vous pouvez le constater, nous pourrions continuer cette séance pendant des heures.
Je pense qu'après avoir entendu d'autres témoins nous aurons de nombreuses autres questions à poser. Il faudra voir, à la lumière du nombre de témoins que nous allons entendre, si nous voulons vous demander de comparaître à nouveau pendant cette procédure ou à la toute fin. Si vous voulez bien, nous allons voir, selon le déroulement des événements.
Nous vous remercions. Aimeriez-vous faire quelques observations pour clore la séance?
M. Konrad von Finckenstein: Merci beaucoup, nous sommes à votre disposition au moment qui vous convient pour vous aider dans votre tâche difficile, l'examen de ce projet de loi.
La présidente: Merci beaucoup.
Je tiens à remercier tous les membres du comité. Je sais que le greffier vous a parlé de la visite prévue du ministre norvégien, les 23 et 24 avril.
Je vous rappelle que si vous voulez proposer les noms de témoins qui comparaîtraient en rapport avec le projet de loi C-20, faites-le savoir au greffier, si vous voulez bien.
La séance est levée.