INDY Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
STANDING COMMITTEE ON INDUSTRY
COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 25 mars 1999
La présidente (Mme Susan Whelan (Essex, Lib)): La séance est ouverte. Conformément à l'ordre de renvoi de la Chambre en date du mardi 20 octobre 1998, nous étudions le projet de loi C-235, Loi modifiant la Loi sur la concurrence (protection des acquéreurs de produits de fournisseurs intégrés qui leur font concurrence sur le marché de détail).
Nous sommes très heureux d'accueillir ce matin plusieurs témoins. Nous avons devant nous, de l'Association québécoise des indépendants du pétrole, M. René Blouin, et de l'Ontario Fuel Dealers Association, M. Randy Turner. Nous accueillons aussi, de l'Association des distributeurs indépendants de gazoline du Canada, M. Dave Collins, directeur, est du Canada; M. André Gagnon, président; M. Chuck Husel, membre de l'ouest du Canada; et M. Don Green, vice-président.
Chacun de nos témoins a une déclaration préliminaire à faire. J'espère qu'elle ne durera pas plus de cinq minutes. Nous commencerons par M. Blouin.
[Français]
Monsieur Blouin, s'il vous plaît.
M. René Blouin (président-directeur général, Association québécoise des indépendants du pétrole): Merci, madame la présidente. Je m'appelle René Blouin et je suis président-directeur général de l'Association québécoise des indépendants du pétrole. Au Québec, les indépendants détiennent une part du marché d'environ 25 p. 100 des produits pétroliers vendus dans cette province. Les membres que représente notre association distribuent 80 p. 100 de cette part de marché.
• 0905
Je suis accompagné de M. Pierre Crevier,
président des Pétroles Crevier et
président du Comité des affaires
économiques de notre association. Il vous livrera
la première partie de notre présentation qui, comme vous le
constaterez, est très brève et je la terminerai.
M. Pierre Crevier (président, Comité des affaires économiques, Association québécoise des indépendants du pétrole): Le marché pétrolier québécois a été marqué, au cours des dernières années, par des guerres de prix ruineuses qui ont connu leur paroxysme au cours de l'été 1996. Ces guerres de prix ont été initiées par les compagnies majeures en 1992 et sont caractérisées par des ventes à perte. Les compagnies majeures réagissent ainsi parce que les indépendants ont réussi à faire passer leur part de marché de 15 à 31 p. 100 entre 1985 et 1992, en raison notamment de la plus grande efficacité de leurs opérations. L'effet de ces pratiques déloyales est de provoquer l'essoufflement financier d'entreprises québécoises efficaces...
[Traduction]
La présidente: Excusez-moi. Vous ne pouvez pas lire à cette vitesse, car nous avons un service d'interprétation. Vous devrez ralentir un petit peu.
M. Pierre Crevier: D'accord, je ralentirai un petit peu.
M. René Blouin: Nous voulons nous en tenir aux cinq minutes qui nous ont été alloués.
La présidente: Vous devrez alors choisir ce dont vous voulez nous parler dans ces cinq minutes. Vous ne pouvez pas lire à cent milles à l'heure, pour que personne ne comprenne ce que vous dites.
M. René Blouin: D'accord.
M. Pierre Crevier: Voulez-vous que je reprenne du début?
La présidente: Non, continuez simplement, mais ralentissez un petit peu.
[Français]
M. Pierre Crevier: L'effet de ces pratiques déloyales est de provoquer l'essoufflement financier d'entreprises québécoises efficaces et de créer un oligopole pétrolier contrôlé par les raffineurs. Ainsi, pour l'ensemble du Québec, les indépendants voient leur part de marché diminuer sans arrêt. Elle se situe actuellement à 25 p. 100, soit une perte de six points en six ans. Si cette tendance se maintient, on assistera à la disparition des indépendants. Dans ces conditions, les consommateurs seront captifs d'un marché sans concurrence, puisque rien ne peut remplacer le pétrole pour faire fonctionner leurs véhicules. Une substantielle augmentation des prix des carburants ne manquera par d'accompagner la création de ce quasi-monopole pétrolier.
Ces tactiques déloyales de ventes à perte ont donc porté un dur coup aux entreprises à intérêt québécois qui s'étaient pourtant taillé une place significative dans ce marché fortement dominé par les compagnies multinationales, dont on a démontré que les profits réalisés au Québec et au Canada sont massivement déplacés à l'étranger, à raison de 5,3 milliards de dollars depuis quatre ans. En moins de cinq ans, la part de marché des entreprises indépendantes dans les agglomérations urbaines a chuté du quart, passant de 25,1 p. 100 en 1992 à 18,9 p. 100 en 1997. Ce glissement est attribuable aux stratégies déloyales d'élimination de la concurrence découlant des pratiques commerciales utilisées par les grandes pétrolières, comme le démontre notre annexe 1.
L'Assemblée nationale a adopté, en décembre 1996, une loi qui vise à interdire les ventes à perte qui mettent en faillite des entreprises québécoises efficaces. Cette loi a été adoptée à l'unanimité par les partis politiques représentés à l'Assemblée nationale dans le but de laisser jouer le jeu de la libre concurrence dans l'établissement du prix des carburants. Les compagnies majeures peuvent en effet utiliser les profits des activités de raffinage et de l'exploitation de champs pétrolifères pour provoquer l'effondrement temporaire du prix de détail et déstabiliser les entreprises indépendantes. Celles-ci sont pourtant les seules à maintenir un marché pétrolier vraiment concurrentiel à l'avantage des consommateurs.
La Régie de l'énergie s'est vu confier par l'Assemblée nationale un rôle central en vue de maintenir un marché pétrolier avantageux pour les consommateurs québécois. Elle doit en effet fixer annuellement un montant, par litre, au titre des coûts d'exploitation que doit supporter un détaillant en essence ou en carburant diesel. En d'autres termes, elle établira les conditions en vertu desquelles les ventes à perte pourront dorénavant être interdites.
• 0910
La loi précise que la régie doit établir la valeur des
coûts d'exploitation en considérant les coûts
nécessaires et raisonnables pour faire le commerce au
détail d'essence ou de carburant diesel de façon
efficace, tout en assurant la protection des intérêts des
consommateurs.
Or, il est démontré que les entreprises indépendantes
du Québec ont des coûts d'exploitation inférieurs à
ceux des compagnies majeures, dont les structures de
fonctionnement sont plus lourdes et plus coûteuses.
Quant au secteur de l'huile à chauffage, nous tenons à ce qu'il ne sombre pas dans une crise aussi grave que celle qui accable le secteur des carburants.
Les indépendants sont les seuls à garantir un marché pétrolier diversifié où un grand nombre d'entreprises efficaces se livrent une concurrence vigoureuse. La menace de disparition dont ils sont victimes découle de manoeuvres déloyales d'élimination de la concurrence. Cela nie les principes de fonctionnement d'un marché sain et concurrentiel qui soit avantageux pour les consommateurs.
M. René Blouin: L'exemple américain est, à cet égard, particulièrement éclairant. Vingt-sept États ont en effet adopté des lois qui visent notamment à maintenir la nécessaire concurrence des entreprises indépendantes dans le secteur pétrolier. L'objectif avoué de ces lois est de conserver un marché libre et concurrentiel à l'avantage des consommateurs. Au-delà de 118 millions de consommateurs américains sont protégés par ces lois. À titre d'exemple, le Wisconsin, voisin de l'Ontario, a adopté en décembre 1997 une loi comparable à celle du Québec. Cette loi interdit de vendre l'essence à un prix à la pompe inférieur au montant accumulé des coûts d'acquisition du produit, plus le coût de transport, plus les taxes, plus 9,18 p. 100 du total de ces montants, ce qui représente la valeur des coûts d'exploitation fixée par le législateur du Wisconsin. Tout comme au Québec, le but de cette loi est d'éviter les ventes à perte qui menacent la survie d'entreprises efficaces nécessaires au maintien de la concurrence, seule garantie de bons prix à long terme pour les consommateurs.
Pour jeter un regard objectif sur le fonctionnement du marché pétrolier au Canada, il convient d'analyser brièvement les marges attribuées soit au raffinage, soit à la vente au détail. Comme l'illustrent les tableaux que vous retrouverez à l'annexe 4, les marges combinées du raffinage et du détail procurent des revenus plus élevés au Canada qu'aux États-Unis. Or, malgré les volumes par poste d'essence plus importants aux États-Unis, on observe que dans l'année 1998, les marges de détail étaient plus importantes chez nos voisins du Sud, alors que les marges de raffinage, accessibles exclusivement aux compagnies intégrées canadiennes, étaient plus fortes au Canada. Cela illustre clairement que les raffineurs s'octroient des marges de raffinage importantes en raison de la faible concurrence dans ce secteur et rétrécissent les marges de détail, sachant que la concurrence des indépendants ne pourra s'y exercer longtemps dans ces conditions, comme l'illustrent les diminutions de la part du marché des indépendants au cours des dernières années.
D'ailleurs, une comparaison des marges de raffinage entre Montréal, Toronto et Halifax, que vous retrouverez aussi à l'annexe 4, démontre que c'est à Montréal que les marges de raffinage sont les plus faibles, en raison de la présence d'importateurs indépendants qui livrent une saine concurrence aux raffineurs. Il est aisément démontrable que la disparition des indépendants fera automatiquement bondir le coût du litre du produit pétrolier de 2,5¢ le litre pour les consommateurs en raison de la disparition des importateurs indépendants, qui maintiennent actuellement un prix de gros correspondant au prix du marché international aux rampes de Montréal. Cela aura pour effet d'augmenter directement de 325 millions de dollars les prix que paient les consommateurs du Québec pour se procurer les produits pétroliers dont ils ont besoin.
Une comparaison des marges de détail entre Montréal et Toronto illustre que, contrairement aux prétentions des raffineurs, les consommateurs de Toronto n'ont nullement bénéficié de l'augmentation de productivité liée au plus fort volume moyen vendu par porte d'essence dans la capitale ontarienne.
Nous croyons que l'initiative du député McTeague de présenter un projet de loi privé, le projet de loi C-235 qui vise le maintien de la véritable concurrence, notamment dans le secteur pétrolier au Canada, doit être vigoureusement appuyée. Il est stimulant de constater que lors du vote en deuxième lecture, 158 députés ont appuyé ce projet de loi, tandis que 74 s'y sont opposés.
• 0915
Cette importante majorité illustre les inquiétudes
légitimes des parlementaires de toutes les régions du
Canada. Elle souligne aussi leur volonté de voir
des mesures législatives garantir le maintien de la
concurrence dans le marché pétrolier canadien.
Comme on peut le constater à la lumière des présents débats, il n'est pas facile d'intervenir efficacement dans le secteur pétrolier en vertu de la Loi canadienne sur la concurrence. Cette difficulté n'est pas propre à la loi canadienne. La loi américaine, dont elle est inspirée, a les mêmes difficultés d'efficacité. Sa nature criminelle exige notamment des preuves quasi impossibles à constituer. D'ailleurs, nous n'avons jamais prétendu que les entreprises pétrolières majeures étaient des criminelles. En effet, on n'a pas besoin de violer la Loi sur la concurrence au Canada pour prendre le contrôle du marché pétrolier. La seule force dominante des raffineurs dans le marché, liée à l'intégration de leurs activités, suffit. Quant aux ententes sur les prix à la pompe, elles n'exigent pas de collusion secrète puisque les messages se passent publiquement, au coin des rues, avec des affiches d'un mètre sur deux.
Dans ces conditions, on comprend mieux qu'aux États-Unis, ce sont principalement les États qui interviennent pour maintenir efficacement la concurrence dans le secteur pétrolier. De même, au Canada, ce sont les provinces qui adoptent des lois pour maintenir et favoriser le jeu de la concurrence dans le marché des carburants.
La version initiale du projet de loi C-235 doit, à notre avis, être modifiée pour préciser la valeur des notions de coût de mise en marché et de rendement raisonnable sur la vente au détail afin de faciliter l'application de la loi. Laisser aux tribunaux le soin d'apprécier ces notions risque de nous entraîner dans des débats interminables et coûteux qui pourraient même ne pas être accessibles aux indépendants, dont les capacités financières sont limitées. On peut éviter pareille situation en fixant un pourcentage permettant de déterminer la valeur des notions de coût de mise en marché et de rendement raisonnable sur la vente au détail. L'exemple du Wisconsin fournit une illustration de ce type de choix législatif. On pourrait aussi s'inspirer du modèle québécois et confier cette tâche à un organisme indépendant.
Signalons enfin que les particularités du marché pétrolier en font un secteur unique qu'il faut traiter de façon spécifique. Ce marché, en plus d'offrir aux consommateurs un produit auquel on ne connaît pas de substitut, est en effet caractérisé par une intégration des activités des entreprises dominantes inégalée dans les autres secteurs de l'économie. Voilà pourquoi le projet de loi doit toucher spécifiquement le secteur pétrolier.
Il appartient aux légistes de dire si ces précisions peuvent se retrouver dans la Loi canadiennes sur la concurrence. S'il était démontré que la Loi sur la concurrence ne pouvait encadrer spécifiquement le secteur pétrolier, le rôle central des provinces s'en trouverait une fois de plus confirmé, tout comme les États prennent à cet égard le relais du gouvernement central chez nos voisins du Sud.
Les indépendants du Québec accueillent donc avec intérêt le projet de loi C-235, dans la mesure où il contribuera au maintien de la concurrence dans le secteur pétrolier au Canada.
D'autre part, le débat auquel nous assistons réaffirme une fois de plus le rôle irremplaçable des provinces pour encadrer efficacement le secteur pétrolier, de sorte que la concurrence puisse vraiment s'y exercer à l'avantage des consommateurs. Merci.
La présidente: Merci, monsieur Blouin.
[Traduction]
Je cède maintenant la parole à M. Turner, président de l'Ontario Fuel Dealers Association.
Monsieur Turner, avez-vous des remarques préliminaires à nous faire si vous n'avez pas d'exposé comme tel?
M. Randy Turner (président, Ontario Fuel Dealers Association): Je n'ai pas d'exposé comme tel, mais j'aurais quand même quelques remarques à faire. Nous ne sommes peut-être pas aussi sophistiqués que les autres témoins qui sont ici aujourd'hui, et je n'ai pas beaucoup de recherche pour appuyer nos remarques.
Au nom de l'association, je tiens à vous remercier de l'occasion qui nous est faite de venir témoigner devant vous aujourd'hui.
L'Ontario Fuel Dealers Association regroupe des indépendants affiliés et non affiliés. On n'a parlé essentiellement que des indépendants, mais il n'a pas été question des indépendants affiliés qui sont désignés comme des «personnes affiliées» dans la Loi sur la concurrence.
Chacun de nos membres est propriétaire de son emplacement. Ils ont tous une entente quelconque avec les principaux fournisseurs intégrés. La majorité de nos membres se trouvent dans le centre de l'Ontario, à l'est de Toronto. Ensemble, nous vendons plus de 100 millions de litres d'essence par an et nous employons directement entre 150 et 200 personnes. Nous appuyons le projet de loi C-235.
• 0920
Hier, le Bureau de la concurrence a présenté un document signé
par Loretta Mahoney, du CNRC. Tout ce qu'on a tenu à souligner dans
ce document, c'était la déclaration, à la page 3, selon laquelle il
y a trop de stations-service au Canada. C'est cette déclaration qui
explique en grande partie notre présence ici aujourd'hui.
Il y a dix ans, la personne responsable du secteur du détail chez Petro-Canada m'a dit qu'il y avait trop de stations-service au Canada et qu'on allait s'en débarrasser. C'est à ce moment-là que le marché de l'essence a changé et a cessé d'être rentable pour presque tout le monde.
À cause de la position dominante que leur vaut leur emprise sur toutes les raffineries, les pétrolières intégrées déterminent le prix de gros de l'essence et son prix à la rampe de chargement, et, partant, son prix de détail. Elles contrôlent le réseau de distribution et, sur la plupart des marchés, notamment dans les grands centres urbains, elles déterminent le prix de détail. Elles ne dictent pas ce prix, mais leurs moyens financiers sont tels qu'elles ont les meilleurs emplacements, les plus beaux, les plus attrayants, les plus visibles, quel que soit le marché où elles choisissent d'exercer leur activité. Leur présence à elle seule leur permet de dicter les prix de détail.
Souvent, le prix de détail des grandes compagnies intégrées est égal ou inférieur au prix de gros qu'elles demandent à leurs filiales. Cela ne s'est pas vu souvent ces derniers mois dans notre région géographique, mais c'est une pratique courante et qu'on continue d'appliquer, j'en suis sûr.
Ces dernières années, les grandes pétrolières intégrées ont réduit le nombre de postes de détail en Ontario. Elles y sont arrivées en fermant des emplacements qui leur appartenaient et en refusant de renouveler les contrats qu'elles avaient avec leurs filiales. Dans bien des endroits où elles ont refusé de renouveler leurs contrats avec leurs filiales, elles ont acheté ou bien elles possédaient déjà des emplacements clés où elles ont construit des stations valant plusieurs millions de dollars. Bien souvent, ces stations, de par leur taille et leur emplacement, dominaient le marché local. Entre-temps, les pétrolières ont également réduit considérablement les marges des détaillants, si bien que les détaillants sont beaucoup moins nombreux. Le problème est d'ailleurs toujours présent.
Tout le monde y va de son interprétation très large de ce qui se passe. À Belleville, en Ontario, par exemple, il y avait huit stations qui affichaient le logo d'une marque, et il y en avait sept autres qui appartenaient à des indépendants. C'était il y a environ dix ans. Aujourd'hui, il y a deux stations dans cette ville, et les deux appartiennent à la grande pétrolière concernée qui les exploite. Avec ces deux stations valant des millions de dollars, la pétrolière en question a effectivement fermé le marché à tous les indépendants, et elle a également fermé toutes les autres stations qui affichaient sa marque.
À ces mesures prises par les grandes pétrolières viennent s'ajouter les préoccupations environnementales. La disparition, la fusion et l'aliénation des stations, de même que l'affaiblissement des marges, sont autant de facteurs qui, avec les préoccupations environnementales en Ontario, ont mené à la perte de centaines de petits postes d'essence indépendants. Bien entendu, les grandes pétrolières disent qu'elles n'ont rien eu à voir là-dedans, mais à cause de leur prévoyance et de leur planification, elles ont réussi à accroître le chiffre d'affaires de leurs stations, qui sont devenues bien plus rentables. Certains diront que cette réussite est simplement le fruit de leur sens des affaires, mais c'est plutôt, selon nous, le résultat d'une planification et d'une concertation.
Ces dernières années, j'ai participé à plusieurs rencontres avec les grandes pétrolières où on leur a demandé pourquoi les marges étaient si faibles sur le marché ontarien. Elles répondent systématiquement que c'est à cause de l'essence bon marché qui est importée des États—Unis, mais personne n'a pu indiquer qui importait cette essence bon marché dans des quantités telles que c'est tout le marché ontarien qui en est déprimé. Nous ne croyons tout simplement pas à cette explication.
J'ai récemment eu l'occasion d'être présenté à quelqu'un qui occupait un poste de cadre à la société Imperial Oil en Ontario. Il s'en est aussitôt pris à notre groupe, nous traitant d'emmerdeurs, et il a même refusé de s'entretenir avec moi, prétextant que nous n'avions rien en commun. Quand je lui ai demandé des explications, il a dit qu'il savait que nous allions aborder la question des prix de l'essence et qu'il ne pouvait absolument pas discuter avec moi de prix, puisque cela irait à l'encontre de la Loi sur la concurrence.
• 0925
Les membres de notre association m'ont demandé de communiquer
avec les grandes pétrolières en novembre dernier au sujet de
quelque chose qui venait de faire la manchette des journaux:
l'écart de prix entre l'essence ordinaire et super. J'allais
communiquer avec elles, mais on m'a conseillé de ne pas le faire
parce que je risquais d'être en contravention de la Loi sur la
concurrence. J'ai appelé le Bureau de la concurrence, et on m'a dit
que si je parlais de prix avec les grandes pétrolières, je ferais
sans doute l'objet d'une enquête. On pourrait m'accuser d'avoir
contrevenu à la politique des prix parce que, malgré sa très petite
taille, notre association aurait pu être perçue comme tentant
d'influencer les politiques de prix des pétrolières.
À mon avis, les grandes pétrolières s'abritent derrière une loi qui aurait dû être conçue pour protéger le consommateur et le petit indépendant. Elles s'en servent comme d'un bouclier pour ne pas avoir à donner quelque explication que ce soit au sujet de leurs activités.
Les compagnies intégrées se servent donc de la loi, telle qu'elle est formulée à l'heure actuelle, pour se protéger, comme je viens de le dire. Selon nous, le projet de loi à l'étude, malgré sa portée très restreinte, fera beaucoup pour ce qui est d'accroître la reddition de comptes des grandes pétrolières intégrées à la population canadienne, à leurs filiales et aux autres entreprises qui exercent leurs activités dans le secteur de l'essence.
Voilà les remarques que j'avais à présenter, madame la présidente.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Turner.
Je cède maintenant la parole à l'Association des distributeurs indépendants de gazoline du Canada. Monsieur Green.
M. Don Green (vice-président, Association des distributeurs indépendants de gazoline du Canada): Bonjour, et merci beaucoup.
Nous avons remis à tout le monde le texte d'un mémoire que nous pensons assez complet sur les distributeurs indépendants de gazoline du Canada. Je me contente de déposer le mémoire, et je m'en inspirerai, mais je ne le lirai pas.
Par ailleurs, nous tenons également à réagir à certaines des observations qui ont été faites hier par le Bureau de la concurrence, notamment en ce qui a trait aux critiques que nous avons faites à l'endroit d'une de ses études.
Permettez-moi tout d'abord de vous remercier tous et chacun de cette occasion qui nous est faite de vous présenter le point de vue des distributeurs indépendants de gazoline du Canada. Nous tenons à remercier tout particulièrement Dan McTeague et le comité libéral sur les prix de l'essence pour les efforts qu'ils déploient depuis un certain temps.
Notre association est une association nationale. Nous avons une association soeur au Québec qui s'occupe uniquement de ce marché, mais nous avons aussi des exploitants de terminaux du Québec qui font partie de notre association.
Notre association a été fondée il y a environ trois ans à la demande de certains indépendants qui voulaient disposer d'un véhicule qui pourrait, à tout le moins, communiquer officiellement notre position à tous les paliers de gouvernement et au grand public et qui pourrait aider les indépendants efficients qui méritent de pouvoir continuer d'exercer leur activité à avoir un accès convenable à des approvisionnements économiques pour qu'ils puissent soutenir de façon efficace la concurrence avec les multinationales qui représentent les raffineurs intégrés.
Hier, j'ai pu constater qu'on faisait des lectures différentes de ce qui avait conduit à la situation que nous connaissons aujourd'hui. J'ai été dans le secteur pendant 37 ans au service d'une grande pétrolière, et je travaille à mon compte comme expert-conseil depuis sept ans. Permettez-moi de vous donner un aperçu rapide de ce dont j'ai été témoin au cours des dernières années.
Vers le milieu et la fin des années 70, et au début des années 80, les grandes pétrolières ont entrepris de maximiser l'utilisation de leurs raffineries. BP, Fina, Texaco, Shell et Esso avaient toutes le même objectif en tête. Pour l'atteindre, le plus simple était de partir à la conquête du tout nouveau marché des indépendants ou du marché des exportations. Les indépendants n'ont pas tardé à se présenter pour demander une part du marché, parce que, à l'époque, les marges de 14 cents le litre étaient monnaie courante. On achetait à la rampe de chargement et on revendait l'essence au détail à 14 cents de plus. Même les moins efficaces pouvaient réaliser des marges appréciables.
Avec la disparition de BP, de Fina et de Texaco et avec la rationalisation des raffineries des pétrolières restantes, nous sommes entrés dans une nouvelle ère, à partir du milieu des années 80 jusqu'à aujourd'hui, où on avait changé de cap et décidé de ne plus miser sur le marché des indépendants. Le marché ne s'accroissait pas comme il l'avait fait dans les années 60 et 70; il ne pouvait plus grossir. On se trouvait donc à chercher à attirer les indépendants qui passaient leur temps à passer d'un fournisseur à l'autre. On s'est dit qu'il fallait repenser la façon de faire. Il fallait plutôt rationaliser les raffineries, mais pour cela il fallait que les pétrolières aient leurs propres postes de détail et que le principe de l'utilisation maximale s'applique, non plus aux raffineries, mais au marché. C'est à partir de ce moment-là nous avons vu apparaître ces méga-emplacements de deux millions de dollars où on vendait de tout pour assurer une bonne utilisation.
• 0930
Nous, les indépendants, nous n'avons pas les moyens d'aller
emprunter deux millions de dollars pour aménager des emplacements
pareils; la marge n'est pas suffisante pour nous. Nous sommes
toutefois d'avis que les pétrolières intégrées ont choisi les
emplacements en question et déterminé quelle était la marge dont
elles auraient besoin quand le volume aurait atteint son rythme de
croisière—quand il serait rendu à 10 millions, 12 millions ou
15 millions de litres, même si, à l'occasion, il pourrait n'être
que de 2 millions ou de 3 millions de litres un jour donné—, parce
qu'elles exercent toutes, comme nous l'avons entendu dire hier, une
influence sur les prix à la rampe de chargement du fait qu'elles
les affichent chaque jour. À cause de leur position dominante sur
le marché des grands centres et à cause de leur influence, ou peut-être de
leur mainmise, sur le prix de détail, il est évident que si
elles fixent le prix auquel l'indépendant achète son essence et
influencent le prix auquel il la revend, elles peuvent pratiquement
faire baisser ou monter sa marge.
La pétrolière qui veut gérer le volume à sa station et se déclarer la station la plus efficace en ville n'a qu'à fixer son prix de détail comme si la station avait atteint son rythme de croisière et fixer le prix à la rampe de chargement à un niveau tel que le prix de transfert empêche presque inévitablement l'indépendant, qui est entièrement dépendant de sa marge, d'être très efficace.
Il y a aussi une autre chose qui s'est produite à la fin des années 80 et au début des années 90: c'est que le traitement des indépendants—les conditions qu'on leur offrait—a changé. Au tout début des années 90, les conditions de vente dont bénéficiaient les indépendants, qui, à l'origine, avaient des marges de 16 cents... ils avaient un délai de paiement de 30 jours. Chacun sait que, dans une station-service, on récupère généralement le prix du produit qu'on a acheté en l'espace de 10, 12 ou 15 jours. Les indépendants avaient donc le loisir de se servir de cet argent pour étendre leur activité, pour créer de nouvelles entreprises ou pour faire des percées sur de nouveaux marchés.
Très rapidement, le mouvement amorcé par une pétrolière s'étant vite répandu aux autres, les conditions de vente ont été ramenées de 30 jours à moins de 10 jours pour tout le monde. Les indépendants ont donc perdu du jour au lendemain le fond de caisse dont ils pouvaient se servir pour étendre leur activité, et la plupart d'entre eux n'avaient pas les moyens à l'époque de se conformer à un délai de paiement de 10 jours. Ils ont survécu tant bien que mal pendant un certain temps, ou bien ils ont dû emprunter sur les marchés de capitaux ou aux pétrolières.
À l'époque, les marges étaient minimes ou inexistantes, en raison principalement de l'emprise des pétrolières sur le prix à la rampe de chargement et le prix de détail. Les grandes pétrolières influençaient le marché par la construction de leurs mégastations et, en outre, l'approvisionnement en provenance des raffineries se resserrait très rapidement en raison de la fermeture de beaucoup d'entre elles et de la disparition de Texaco, de Fina et de BP.
Dans le contexte actuel, les marges sont donc très faibles. Le nombre de ceux qu'on appelait des indépendants a chuté. Cependant, Canadian Tire accroît son volume, et tout va très bien, merci. Costco, en Colombie-Britannique, accroît son volume et se porte très bien, merci. Il y a les grandes surfaces. Il y a les chaînes alimentaires de l'Alberta qui se portent très bien, merci. Il y a ceux qui vendent des produits associés. L'indépendant classique, celui qui a peut-être été le premier à aménager un lave-auto ou un comptoir de beignes, se voit maintenant obligé de se contenter d'une très petite marge.
Ceux qui n'étaient pas efficients sont pour la plupart disparus de la carte. Ceux qui restent sont moyennement efficients, et nous estimons qu'ils sont très efficients. Le projet de loi à l'étude permettra de protéger à long terme ceux qui sont efficients.
Je ne connais personne qui peut, en achetant à 50 cents et en vendant à 40 cents, recouvrer ses frais ou réaliser un bénéfice. Vous n'avez qu'à écouter Chuck Husel, de Vancouver, ville où le prix du marché est inférieur de 15 cents à celui qu'on a payé. Il vous donnera des exemples.
Par ailleurs, nous avons au Canada un système d'approvisionnement presque ininterrompu depuis la tête de puits jusqu'à la pompe. L'infrastructure au Canada est sous l'emprise des compagnies intégrées. Aux États-Unis, je peux acheter une cargaison d'essence à l'étranger, la mettre dans un terminal public sur la côte du golfe, aux États-Unis, et l'acheminer ensuite par un transporteur public à un autre terminal public à Chicago, où je peux la vendre.
Nous n'avons pas cette possibilité au Canada. Ce sont les compagnies intégrées qui possèdent l'infrastructure, si bien que l'activité des indépendants se trouve limitée. Nous sommes une association qui regroupe uniquement des détaillants.
• 0935
Quand on parle de la mainmise des grandes sociétés ou de
l'opportunité d'imposer une certaine discipline, il ne sert à rien
de vouloir imposer quelque discipline que ce soit, si ce n'est à la
caisse, c'est-à-dire au détail. Nous espérons en arriver au Canada
à une situation où les compagnies ne pourront pas vendre leurs
produits aux indépendants qui sont leurs concurrents à un prix
supérieur à celui qu'elles demandent aux clients qui se présentent
à leurs stations à elles. Chuck vous donnera des exemples de cas
semblables.
Nos cinq minutes sont écoulées.
La présidente: L'idée, c'était que votre groupe aurait cinq minutes. J'ai donné dix minutes à tout le monde, alors je vous en donne dix aussi. Monsieur Green, vous avez parlé pendant presque sept minutes; alors il ne reste que trois minutes pour celui qui vous suivra.
M. Chuck Husel (président, Ultra Commercial Fuels; membre de l'Ouest du Canada, Association des distributeurs indépendants de gazoline du Canada): Merci, Don. Je crois bien qu'il vaut mieux aller droit au but.
Mon cas montre bien que le système est un échec complet sur le marché vancouverois des basses terres du Fraser. Naturellement, au début, tous les acheteurs—et je veux parler ici de Thrifty Gas, Super Save, Ultra Fuels, Domo, Canadian Tire, Sears, Mohawk Oil—négociaient le prix à la rampe de chargement. En 1989, le prix à la rampe de chargement a commencé à baisser.
L'argument invoqué pour appliquer aux indépendants le prix à la rampe de chargement était le suivant: les grandes pétrolières ont dit: «Le prix à la rampe de chargement permet d'apporter une certaine équité sur le marché de l'essence. C'est notre façon de soustraire les pauvres indépendants à l'imprévisibilité des marges, qui varient selon le prix du brut. Grâce à cette formule, notre service du marketing peut déterminer quel est le prix du brut et fixer un écart de mise en marché raisonnable pour que vous ayez ainsi une marge et un écart raisonnables. Mais, attention, vous devrez être aussi efficients que nous.» À l'époque, le niveau d'efficience était de 5c. à 6c. le litre. Elles nous ont dit que, si nous devenions plus efficients, le prix à la rampe de chargement baisserait évidement.
Nous n'étions pas vraiment convaincus, mais nous n'avions pas d'autre choix, puisque tous les indépendants ont été soumis à cette formule du prix à la rampe de chargement. La première année, je crois que la formule a permis de maintenir la marge entre 4c. et 5c., puis elle a commencé à baisser rapidement. Les indépendants étaient déjà en difficulté quand, tout d'un coup, un nouvel arrivant est entré sur le marché, prenant en quelque sorte les grandes pétrolières au dépourvu. C'est ARCO, des États-Unis, qui avait décidé de faire son entrée sur le marché canadien.
Tout d'abord, en sa qualité de fournisseur, ARCO a construit une rampe de chargement à Blaine, dans l'État de Washington, ce qui donnait un trajet de quatre heures, aller-retour, pour aller y prendre l'essence et la ramener au Canada. La compagnie a cherché à s'attirer des clients en offrant un prix plus avantageux, de sorte que son prix était inférieur de 3c. à 4c. le litre au prix à la rampe de chargement au Canada. Bien souvent, l'écart était de 5c. Très vite, cependant, la compagnie s'est ravisée: «Pourquoi perdre ainsi de l'argent? Nous allons offrir un prix semblable au prix à la rampe de chargement au Canada et réaliser un profit plus grand.» Elle a donc décidé de vendre à un prix inférieur d'environ 1c. à 1,5c. au prix canadien. Puis elle a fait son entrée sur le marché canadien, et c'est là que nous en sommes aujourd'hui.
Les prix à la rampe de chargement étaient alors devenus erratiques car les grandes pétrolières ne savaient pas comment réagir à une concurrence étrangère, parce qu'il s'agissait d'une menace à l'emprise qu'elles avaient sur l'industrie au Canada. Elles ont donc abaissé aussitôt leur prix pour s'approcher de celui de leur concurrent. ARCO a ensuite acheté une petite chaîne appelée Super Save et a accaparé quelque 3 p. 100 du marché. Elle a publié une annonce dans le Globe and Mail où elle disait vouloir prendre 15 p. 100 du marché et être décidée à abaisser constamment les prix jusqu'à ce qu'elle obtienne cette part du marché.
Au début, elle y est allée très doucement, parce que je crois qu'elle ne se rendait pas compte qu'il n'y avait absolument aucun effort au Canada pour faire respecter les règles contre les prix déloyaux ou le dumping. Une fois qu'elle s'en est rendu compte, elle y est allée à pleins gaz.
J'ai ici des exemples de tarification au Canada—et je vous en ferai remettre copie—où, en allouant aux détaillants une marge bénéficiaire de 3c., le distributeur se retrouve avec une marge négative. Je crois qu'en novembre, en décembre et en janvier, il y a eu seulement trois jours où la marge était positive—et elle était de 1c. à 1,8c. le litre. Les marges négatives se situaient entre 10c. et 12c. le litre. J'ai acheté de l'essence à moins de 30c. à Vancouver avant mon départ. C'est comme cela depuis six mois. Les taxes à elles seules représentent 25c., sans compter la TPS.
Pourtant, il semble que nos organismes de réglementation n'arrivent pas à déterminer ce que c'est que de vendre à perte, car j'ai soulevé la question à maintes reprises. ARCO déclare par ailleurs son coût à la frontière, si bien que, pour déterminer si elle vend à perte, il suffit de prendre ce coût déclaré à la frontière et de déterminer quel est le prix du marché.
• 0940
En tout cas, il y a six mois que cela dure, et ce n'est pas
fini. Les indépendants sont disparus des basses terres du Fraser,
à l'exception des grandes surfaces. Costco est toujours active sur
le marché—je suppose qu'elle se demande pourquoi—et Canadian Tire
survit, mais les autres acheteurs à la rampe de chargement sont
disparus. Je vous nomme quelques-uns de ceux qui sont disparus:
Thrifty Gas est partie. Super Save a vendu à ARCO. Elle était déjà
coincée à cause de la marge. Elle ne voulait pas vendre, mais elle
savait ce qui l'attendait si elle ne vendait pas. Ultra Fuels est
parti. Domo a fermé 11 de ses emplacements. Quant à moi, la
compagnie a fermé 15 emplacements. Canadian Tire et Sears ont fermé
leurs postes d'essence. Mohawk Oil a été rachetée par Husky, et je
suppose que Husky se demande pourquoi elle a fait cela, étant donné
les conditions du marché. Chevron perd un million de dollars par
semaine sur notre marché. Il semble qu'elle s'apprête à fermer sa
raffinerie.
La présidente: Je dois vous arrêter là. Je suis désolée.
M. John Solomon (Regina—Lumsden—Lake Centre, NPD): Donnez-lui quelques minutes encore.
La présidente: Très bien, mais c'est votre temps de parole qui sera écourté d'autant.
M. Chuck Husel: Il semble que Chevron... Les raffineries sont acculées au pied du mur. Il s'agit d'un prix de vente de 10c. à 15c. le litre inférieur au prix d'achat, si bien que le prix à la rampe de chargement n'entre même plus en ligne de compte. C'est une attaque directe contre les raffineries. Certaines des petites raffineries pourraient disparaître. Je crois que Husky Oil pourra survivre. Chevron se retirera peut-être du marché. Elle ne représente qu'elle-même en Colombie-Britannique, et, à raison d'un million de dollars par semaine, je ne pense pas que ses actionnaires vont vouloir continuer à jouer le jeu pendant très longtemps.
Je le répète, j'en ai parlé à des comités, j'en ai parlé au bureau, et tout ce que je reçois comme réponse, c'est qu'il semble que les prix soient une question de compétence provinciale ou de compétence partagée entre le gouvernement fédéral et la province. Je ne suis arrivé à rien de concret. Je n'ai même pas réussi à obtenir que quelqu'un vienne me rencontrer ou examiner le marché. Quand les personnes concernées tentent de faire des recommandations, il me semble... Et il se trouve que je connais la taille de l'effectif; l'effectif autorisé est de 353, et le budget s'élève à 26,5 millions de dollars. La situation en Colombie-Britannique est des plus graves, et je ne crois pas que nous ayons reçu d'appel d'un seul des organismes de réglementation—j'en ai parlé aux autres acheteurs à la rampe de chargement.
Quand j'étais là, en 1985, je recevais un appel tous les mois: «Ça va? Que se passe-t-il dans votre secteur? Comment votre fournisseur vous traite-t-il?»—des questions de ce genre. Je n'ai pas eu d'appels comme celui-là depuis trois ans. J'ai contacté des gens, et on m'a quasiment... Je ne sais pas s'il s'agit d'une question de compétence provinciale ou fédérale; tout ce que je sais, c'est qu'on n'a rien fait du tout.
La situation est telle que nous sommes sortis du marché. Je ne pense pas qu'il y aura d'autres grandes pétrolières ni d'autres indépendants sur ce marché-là. ARCO parle d'acheter des stations dans l'intérieur. Elle a déjà contacté... si elle s'installe là-bas, ce sera la fin du marché des indépendants et peut-être aussi de certaines des autres compagnies, peut-être Husky et des petits raffineurs indépendants qui ne peuvent pas soutenir la concurrence avec les grandes sociétés.
Merci.
La présidente: Merci beaucoup.
Nous allons maintenant passer aux questions. Nous avons une demi-heure pour les questions. Madame Lalonde.
[Français]
Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Merci à vous tous. Il aurait été intéressant que les gens du Bureau de la concurrence soient présents.
Que changerait le projet de loi de M. McTeague, tel qu'il est maintenant libellé avec son amendement, que ce soit au Québec ou ailleurs? Permettrait-il à l'industrie des détaillants non affiliés de se maintenir, sans augmentation des prix pour le consommateur?
M. René Blouin: Vous savez qu'actuellement, au Québec, la Loi sur la Régie de l'énergie interdit de vendre de l'essence en bas du prix de rampe, c'est-à-dire le prix de gros plus les taxes, plus le transport. C'est essentiellement ce que propose actuellement M. McTeague. Qu'est-ce que cela changerait pour les distributeurs québécois? Avec la loi du Québec, nous avons déjà la ceinture. Si on veut aussi nous fournir les bretelles, on ne va pas les refuser.
• 0945
Cependant, nous sommes très sensibles à la situation des
détaillants indépendants hors Québec. Ils font affaire avec
les mêmes compagnies et les mêmes fournisseurs
que nous, et nous savons que la situation qu'ils
vivent aura tôt ou tard des effets sur notre
marché. Tout ce qui peut être fait pour
que ce marché fonctionne plus normalement, selon les
règles qui régissent généralement les marchés de
la concurrence au Canada et aux États-Unis, sera un pas
dans la bonne direction et, à notre point de vue, doit
être soutenu.
[Traduction]
M. Don Green: En ce qui a trait aux autres régions du Canada, toutes ces mesures législatives devraient faire en sorte que les compagnies qui vendent au détail à leurs stations, à des stations qui affichent leur marque, vendent l'essence à tout le moins au même prix que celui qu'elles demandent aux indépendants.
En Colombie-Britannique, toutes les grandes pétrolières ayant leur siège au Canada ont à affronter cette concurrence saine et robuste des États-Unis, qui pratiquent des prix qui ne dépassent presque pas la part que représentent les taxes et qui n'ont rien à voir avec le coût du produit brut, mais qui n'offrent pas le même type de subventions aux indépendants qui sont sur le marché. Ils offrent peut-être ces prix aux stations qui affichent leur marque, mais les détaillants non affiliés qui doivent acheter à la rampe de chargement et qui veulent rester compétitifs doivent en quelque sorte subventionner leur prix de 13c. à 14c. Le projet de loi à l'étude permettrait à tout le moins de nous mettre sur un pied d'égalité.
La présidente: Monsieur Collins.
M. Dave Collins (vice-président, Wilson Fuel Company; directeur, Canada Est, Association des distributeurs indépendants de gazoline du Canada): Je pense qu'il faut également ajouter une chose, en l'occurrence que vers le milieu des années 80 le Code national de prévention des incendies a été modifié pour empêcher le remplissage par le haut. Vous vous souviendrez que chaque fois qu'il y avait une guerre des prix, et elles ont été nombreuses, le détaillant indépendant allait s'approvisionner à meilleur compte dans une station-service de son fournisseur dont les prix de vente étaient inférieurs aux prix à la rampe que lui facturait ce même fournisseur, de sorte qu'il pouvait aller s'y approvisionner avec sa carte de crédit. Moi je suis indépendant, et peu importe où je vais m'approvisionner, à la rampe ou dans une station-service.
Et c'est précisément cela que le projet de loi C-235 va permettre: le rétablissement de la situation antérieure. Lorsque les grandes pétrolières ont fait front commun pour faire changer le Code national de prévention des incendies et éliminer ainsi toute possibilité de remplissage par le haut, elles ont isolé les détaillants indépendants des forces normales du marché en les empêchant d'aller s'approvisionner là où les prix étaient les moins élevés. En l'occurrence, c'était souvent dans des stations-service que les prix étaient les plus intéressants.
Voilà donc le seul effet du projet de loi C-235. C'est une chose que je constate chaque mois lorsque je passe près de chez mon fournisseur, qui est prêt à vendre son essence aux automobilistes à un prix inférieur à celui qu'il me propose à moi si je lui prends tout un camion-citerne. C'est quelque chose qui se produit très souvent. Notre argument est que si vous êtes prêt à vendre votre essence à tel prix à Mme Whelan, pourquoi ne pas me la vendre au même prix à moi? Nous sommes souvent considérés comme une catégorie particulière, et ces gens nous disent: non, nous ne pouvons pas le faire. De sorte que nous finissons par payer plus que vous. Est-ce donc étonnant que nous mettions la clé sous le paillasson?
La présidente: Merci, monsieur Collins.
Madame Lalonde, ce sera votre dernière question.
[Français]
Mme Francine Lalonde: Dans son exposé, hier, M. Chandler, du Bureau de la concurrence, affirmait que le comité devait considérer un fait important selon lui.
-
Les renseignements émanant des experts
indépendants laissent croire en fait que ce genre de
texte législatif...
Il fait allusion aux textes des États américains qui ont légiféré.
-
...est susceptible de faire
monter les prix pour le consommateur et que, d'après
les données historiques, il est peu probable que ces
lois permettent d'atteindre l'objectif du législateur,
c'est-à-dire protéger les détaillants de petite
taille.
Qu'avez-vous à répondre là-dessus?
M. René Blouin: Vous noterez que, dans le document produit par le Bureau de la concurrence, nulle part on ne cite quelque étude que ce soit pour appuyer cette affirmation. La raison en est simple: aux États-Unis, les seules études qui appuient ce genre de thèse sont financées par l'American Petroleum Institute, qui est le pendant de l'ICPP au Canada. D'autre part, des études faites par les États qui ont adopté ces lois disent exactement le contraire. Des études faites par des associations américaines de consommateurs disent également le contraire.
• 0950
Le Bureau de la concurrence a oublié de mentionner, et c'était un
point central des documents qu'il avait déposés, ce que l'on retrouve
dans l'étude intitulée «La concurrence dans les secteurs de gros et de
détail de l'industrie pétrolière canadienne: Analyse économétrique».
Il est très étonnant qu'on en ait pas entendu parler hier. On retrouve
la principale conclusion de cette étude à la page 14:
-
Comme l'indique la théorie économique, nous constatons
que les prix de détail moyens de l'essence sont plus
élevés sur des marchés où les ventes de l'essence sont
concentrées parmi un petit nombre d'entreprises ou parmi
de grosses entreprises exclusivement. Autrement dit,
les prix de détail moyens de l'essence augmentent avec la
concentration globale du marché, c'est-à-dire lorsque
les ventes sont concentrées entre les mains d'un petit
nombre d'entreprises.
Le Bureau de la concurrence, dans cette étude, a essayé de démontrer que sur ces marchés, les indépendants n'avaient pas d'incidence sur la baisse les prix. L'erreur commise est d'avoir pris la période 1991-1998, qui en a été une de guerres de prix, comme c'est d'ailleurs démontré dans leur document. S'ils avaient plutôt pris la période 1985-1991, ils auraient été obligés d'admettre que les indépendants ont fait diminuer de façon signification les marges totales au Canada grâce à leur efficacité et au rôle de concurrence qu'ils jouent dans le marché.
[Traduction]
La présidente: Merci beaucoup, et merci aussi à vous, madame Lalonde.
M. Don Green: J'aurais encore quelque chose à dire à ce sujet.
La présidente: Monsieur Green.
M. Don Green: La même personne qui représentait hier le Bureau de la concurrence a dit que par rapport aux prix pratiqués en Europe et en Amérique du Nord en général, le Canada est en deuxième position. Nos partenaires du Sud, les États-Unis, affichent les prix les plus bas. Il est évident que si c'est sur ces marchés que les prix sont les plus bas et que s'il y a une loi qui permet d'empêcher ce que nous proposons, cela ne leur a donc pas fait suffisamment de tort pour leur poser de véritable problème et les obliger à relever leurs prix. D'après ce que cette personne a dit hier, il est manifeste que le marché américain offre au consommateur les prix les plus bas en général.
La présidente: Merci.
Madame Jennings, je vous prie.
[Français]
Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Merci pour vos présentations.
Monsieur Blouin, j'ai quelques questions à vous poser. J'ai bien écouté hier la présentation des représentants du Bureau de la concurrence et quelque chose m'a vraiment frappée. Leur thèse semble être qu'il n'existe pas ou presque pas de preuves de prix prédatoires au Canada et aux États-Unis. La thèse de prix prédatoires a déjà été écartée par la jurisprudence.
Ce que vous venez de nous dire au sujet des études, tant au Canada qu'aux États-Unis, est très intéressant. Est-ce vrai que vous n'adhérez pas à cette thèse niant l'existence des prix prédatoires?
M. René Blouin: Devant les députés qui s'intéressent à ces questions, on peut bien avancer toutes sortes de théories, mais après avoir entendu ce qui se passe à Vancouver, je ne comprends pas comment un responsable du Bureau de la concurrence puisse venir dire sérieusement de telles choses.
Mme Marlene Jennings: Merci. Dernièrement, les médias ont rapporté le fait que Couche-Tard se propose d'acheter Silcorp, mieux connu sous le nom de Mac's Milk. J'aimerais avoir votre avis, ainsi que celui des autres témoins, sur l'impact que pourrait avoir ce type d'achat sur les indépendants dans ce marché.
M. René Blouin: Votre question est très intéressante parce que Couche-Tard est un de nos membres et a décidé de faire du développement hors Québec. Il a décidé d'axer son développement dans le secteur pétrolier sur des affiliations avec les compagnies majeures et non pas sur une marque indépendante. Les dirigeant ont pris cette décision parce qu'ils ont simplement constaté qu'au Québec et au Canada, les compagnies majeures offraient généralement à leurs détaillants des soutiens leur permettant de faire face aux guerres de prix, si bien qu'ils sont presque assurés de ne jamais perdre d'argent.
Cela veut dire que lorsqu'une entreprise comme Couche-Tard décide d'ouvrir son marché, elle le fait en s'associant à des compagnies majeures lui donnant un soutien financier garanti. On peut en conclure que ce n'est pas le fait d'être bon qui explique que vous demeurez dans le marché, mais bien le fait d'être appuyé financièrement par des raffineurs.
• 0955
Il y a un système généralisé de protection financière dans ce marché,
et nous l'avons démontré, au Québec, devant la Régie de l'énergie. La
concurrence doit vous permettre de rester dans le marché non pas parce
que vous êtes riche mais plutôt parce que vous êtes le meilleur et que
vous faites profiter les consommateurs de votre excellence.
Ce mécanisme-là ne peut pas s'exercer actuellement au Canada, et c'est pour cela qu'ici, comme aux États-Unis... Quoi qu'en dise le Bureau de la concurrence, les États continuent d'intervenir. Il y a un an et demi, l'État du Wisconsin n'a certainement pas écouté les conseils du Bureau de la concurrence puisqu'il a décidé de maintenir la concurrence dans son marché. Cet État, voisin de l'Ontario, est intervenu dans le même sens que le Québec.
Mme Marlene Jennings: J'ai une autre question...
[Traduction]
La présidente: Madame Jennings, vous avez demandé la même chose aux autres témoins.
[Français]
Mme Marlene Jennings: Je m'excuse. Vous avez raison.
[Traduction]
La présidente: Monsieur Green, auriez-vous quelque chose à répondre à cela au nom de votre association?
M. Don Green: Non.
La présidente: Monsieur Collins.
M. Dave Collins: Merci. Je pense que ce qui se passe, c'est que, précisément parce que nous sommes des gens d'affaires—et moi je ne suis qu'ingénieur—nous utilisons le terme «abusif» dans une acception large alors que le gouvernement le considère sous un angle juridique beaucoup plus étroit.
Le projet de loi C-235 a effectivement pour effet d'éliminer la discrimination en matière de prix. Il ne va toutefois pas aussi loin que la loi Clayton de 1934. Les façons abusives de s'en prendre à un client ou à une compagnie pour lui faire faire faillite ne manquent pas. Le projet de loi C-235 n'impose aucune marge à l'entreprise. Il essaye simplement de nous permettre d'acheter au même prix que le consommateur. C'est tout ce que nous voulons. Les Américains ont une loi qui interdit de façon beaucoup plus rigoureuse la discrimination en matière de prix, et cette loi est en vigueur depuis 1934.
La présidente: Monsieur Turner, avez-vous quelque chose à ajouter?
M. Randy Turner: J'aimerais simplement signaler une chose qui n'a pas encore été dite aujourd'hui, peut-être parce qu'elle est tellement évidente, en l'occurrence l'envergure du marché américain. Personne n'a une part de marché équivalente à celle de nos principales compagnies intégrées. Aux États-Unis, le marché est beaucoup plus ouvert. Il est très facile de s'y implanter. Toutes les infrastructures du marché ne sont pas comme ici contrôlées par un très petit groupe. Ainsi, la loi américaine donne de bons résultats, mais elle n'est pas nécessairement applicable ici, au Canada, dans la mesure où l'industrie est structurée de façon tout à fait différente.
La présidente: Je vous remercie. Très rapidement, madame Jennings.
[Français]
Mme Marlene Jennings: La thèse du Bureau de la concurrence quant à l'inexistence des prix prédatoires serait fondée sur le fait qu'on a très peu de poursuites criminelles fondées sur des accusations de prix prédatoires et que, dans les cas de telles poursuites, le taux de réussite est très faible.
N'hésitez pas à me le dire si on vous a déjà posé cette question. On a demandé hier au Bureau de la concurrence de nous fournir le nombre de plaintes. Êtes-vous en mesure de nous indiquer le nombre de plaintes de prix prédatoires déposées par vos membres dans les cinq dernières années et de nous dire combien de ces plaintes ont été étudiées par le Bureau de la concurrence? Parmi les enquêtes entreprises par le Bureau, combien ont conclu à la nécessité de poursuites criminelles ou civiles et quels ont été les résultats de ces poursuites?
[Traduction]
La présidente: Pourriez-vous répondre rapidement à cette question, ou devrez-vous plutôt nous remettre quelque chose par écrit?
[Français]
Mme Marlene Jennings: Pourriez-vous nous faire parvenir ces renseignements?
[Traduction]
La présidente: Vous devrez peut-être nous faire parvenir cela par écrit, n'est-ce pas?
Monsieur Green.
M. Don Green: Le Bureau de la concurrence nous a fait parvenir quelques données qui catégorisent effectivement ce que vous voulez savoir. Je pense que nous avons ce renseignement ici. Je n'ai pas de copies pour tout le monde, mais je pourrais en faire tirer. Il s'agit, je crois, de la période allant de 1995 à 1998.
La présidente: On pourrait peut-être transmettre cela à M. Green plutôt qu'à Mme Jennings.
M. Dan McTeague (Pickering—Ajax—Uxbridge, Lib.): Voulez-vous en faire le dépôt?
M. Don Green: D'accord, ce serait une bonne chose. Ce que nous avons ici, c'est une lettre du Bureau de la concurrence qui porte sur la période de 1994-1995 à 1997-1998. Cette lettre parle de toutes les industries, des plaintes, des enquêtes en cours, etc. Elle parle également des questions pénales et des questions civiles dans le secteur des carburants, ainsi que des plaintes dont le bureau a été saisi. Et cela couvre toute la période de 1994 à 1998. Au lieu de passer tout cela en revue pour essayer de catégoriser les choses, je voudrais simplement déposer...
La présidente: La greffière est à vos côtés, et si vous voulez prendre la peine de lui remettre ce document, elle va en faire tirer des copies pour tous les membres. Merci beaucoup.
Mme Marlene Jennings: Merci beaucoup.
La présidente: Madame Jennings.
M. Stan Keyes (Hamilton-Ouest, Lib.): Madame la présidente, pour que la réponse donnée puisse être complète, je suis disposé à céder mes cinq minutes...
La présidente: Monsieur Keyes, nous avons déjà dépassé ces cinq minutes, et de beaucoup. Tout le monde a eu plus de cinq minutes. Je dois donc revenir à l'ordre normal et passer à l'opposition.
M. Stan Keyes: D'accord, mais inscrivez-moi pour cinq minutes.
La présidente: Vous n'avez plus de temps.
Monsieur Solomon.
M. Stan Keyes: M'empêcheriez-vous de poser des questions?
La présidente: Vous n'étiez pas sur la liste, monsieur Keyes. Nous avons une demi-heure pour les questions, et j'ai déjà suffisamment de gens qui ont demandé à intervenir.
Monsieur Solomon.
M. John Solomon: Merci, madame la présidente.
Ce que vous venez de nous dire, messieurs, est extrêmement intéressant, et je vous remercie d'avoir bien voulu déposer ce document.
Mme Marlene Jennings: Je voudrais invoquer le Règlement, madame la présidente. Je pensais que nous allions consacrer une heure de notre temps...
M. Stan Keyes: À chaque organisme.
Mme Marlene Jennings: ... ce matin à l'Institut canadien des produits pétroliers. Si mes collègues y consentent, je proposerais que nous écourtions la période que nous avions prévue consacrer à cet institut pour allonger en conséquence celle que nous pourrons consacrer à ces témoins-ci.
La présidente: Madame Jennings, j'ai déjà fait ce que vous demandez. J'ai déjà écourté à 45 minutes la période de comparution de ce témoin en accordant une période de questions d'une demi-heure pour ces témoins-ci.
Mme Marlene Jennings: Eh bien, je propose à ce moment-là que nous écourtions encore cette période de dix minutes.
La présidente: Sans vouloir vous manquer de respect, madame Jennings, nous devons entendre les deux versions de l'histoire et respecter un juste milieu.
Mme Marlene Jennings: Je demande simplement si mes collègues seraient d'accord.
M. Stan Keyes: Elle a posé une question. Vous pouvez demander le consentement unanime...
La présidente: Y a-t-il consentement unanime?
Des voix: D'accord.
La présidente: Y a-t-il également consentement unanime dans les rangs de l'opposition?
Des voix: D'accord.
La présidente: Fort bien. Nous allons poursuivre jusqu'à 10 h 30.
Mme Marlene Jennings: Je vous remercie, madame la présidente.
La présidente: Monsieur Solomon.
M. John Solomon: Je vous remercie.
Le Bureau de la concurrence semble avoir beaucoup de problèmes. Vous nous avez dit dans votre exposé que le fait pour vous d'avoir essayé d'aller parler des prix à la rampe de chargement aux grandes pétrolières constituerait une violation de la Loi sur la concurrence.
Il y a environ un an, j'ai rencontré les agents de voyage et leurs représentants. À l'époque, les deux compagnies aériennes canadiennes essayaient de leur dicter—et c'est ce qu'elles ont fait—le prix qu'elles allaient les payer pour la vente des billets d'avion. Les agents de voyage voulaient en parler aux compagnies aériennes et négocier la chose. Ils voulaient un dialogue sur cette question. Mais le Bureau de la concurrence leur a dit: non, vous ne pouvez pas aller parler aux compagnies aériennes, vous allez faire exactement ce que ces deux oligopoles vous disent de faire, et aucune négociation n'est possible.
Dans le cas de votre industrie, c'est la seconde fois en un an qu'on appelle mon attention sur le fait que le Bureau de la concurrence semble vouloir éliminer la concurrence au lieu de la favoriser.
Ainsi donc, le bureau protège les grandes compagnies contre les petites. Il protège les prix forts, mais ne protège pas les consommateurs. Le résultat net est que, manifestement, les grandes compagnies, qui sont pour l'essentiel dominées par des intérêts étrangers—sauf pour l'industrie aéronautique, qui est à capitaux canadiens—semblent en tirer tout le parti.
Ma question concerne ce que nous a dit hier le Bureau de la concurrence. Ses représentants nous ont indiqué qu'il était possible d'avoir «un pouvoir de marché sans avoir une dominance sur le marché» et que le bureau avait pour rôle de promouvoir la concurrence sans favoriser les concurrents. Qu'avez-vous à répondre à cela? Qu'est-ce que cela vous donne comme impression?
M. Stan Keyes: En un seul mot.
M. John Solomon: En un seul mot.
M. Don Green: Certaines des choses que les gens du Bureau de la concurrence ont dites ici hier n'ont pas laissé de m'inquiéter. Ils ont par exemple parlé de la notion du prix à valeur ajoutée chez Ultramar qui a fait qu'à plusieurs reprises le prix de détail à la pompe était inférieur aux prix offerts à nos membres. Les gens du bureau n'ont pas appelé cela des prix abusifs; ils ont parlé plutôt d'une inversion des prix. Manifestement, il n'y a pas de mal à inverser les prix; ce sont les prix abusifs qui sont critiquables. Mais si vous donnez une autre appellation à la chose, à ce moment-là cela ne pose pas de problème.
Pour en venir à ce que vous disiez à propos de la dominance, il y a une autre chose que j'ai trouvée encore plus inquiétante, lorsque ce monsieur a dit qu'il craignait pour les indépendants parce que si la loi était promulguée, les compagnies intégrées risquaient de refuser d'approvisionner les indépendants par peur des conséquences. Si le policier, si le chien de garde est lui-même inquiet, c'est qu'il est manifestement influencé par la dominance des protagonistes en question.
Qu'est-ce que tout cela nous donne? Nous espérons que quelqu'un puisse se porter à notre défense. Tout ce qu'il dit, c'est: n'adoptez pas cette loi parce qu'ils risquent de s'en prendre à vous et de vous contraindre à la faillite parce qu'ils ne voudront pas continuer à vous approvisionner dans ces circonstances. Cela ne laisse pas de m'inquiéter.
La présidente: Monsieur Collins.
M. Dave Collins: J'aimerais faire valoir un ou deux commentaires, si c'est possible.
Il nous est à quelques reprises arrivé de nous plaindre officiellement auprès du bureau, et celui-ci a été parfaitement offusqué. Pour vous donner un exemple—ce ne sera pas long—pendant l'automne 1995, Petro-Canada nous avait imposé de conserver une différence de 8c. le litre entre l'essence ordinaire et la super. Les prix ont commencé à chuter. En fin de compte, nous avons ramené les prix de l'essence ordinaire et de la super au niveau de notre prix coûtant, et à l'époque cette différence au niveau de notre prix coûtant était de 2c. le litre. Petro-Canada, en réaction à cela, a fait chuter le prix de l'essence ordinaire sans plomb de 6c. le litre en deçà de notre prix coûtant pour conserver l'écart. Et cela, nous l'avons prouvé.
Notre détaillant a reçu un coup de téléphone «anonyme»—nous pensons qu'il s'agissait du détaillant de Petro-Canada de l'autre côté de la rue—et son interlocuteur lui a dit que, peu importe le prix que nous fixerions, lui allait faire diminuer le prix de l'essence ordinaire pour conserver cette différence de 8c., et que les prix ne recommenceraient pas à augmenter tant que nous ne respecterions pas cette différence de 8c.
Ils ont fait venir leur camion-citerne aux couleurs de Petro-Canada et l'ont installé dans le stationnement du centre commercial dans lequel nous travaillions afin de bien montrer qu'ils étaient prêts à continuer à approvisionner la station-service en question. En deux jours, nous avons perdu 15 000 $, et nous avons présenté toutes les preuves de cela.
J'ai dû me rendre à Ottawa pour montrer le dossier au Bureau de la concurrence. J'y suis allé et j'ai vu John Bean, qui est l'un des chefs de service. La seule chose qu'il m'a dite fut: «Eh bien, monsieur Collins, la concurrence n'est pas toujours facile, n'est-ce pas?» Bonjour et merci. De la part d'un fonctionnaire qui n'a jamais été chef d'entreprise, merci beaucoup. Ma réaction a été de rétablir la différence de 8c. Et les prix ont recommencé à augmenter. Le consommateur a-t-il gagné quelque chose? Le Bureau de la concurrence protège-t-il le consommateur? Nous n'avons même pas pu le faire intervenir.
Le second cas remonte à février 1996. À l'époque, Irving Oil avait ciblé... Nous avons la chance de pouvoir compter sur un certain nombre de stations-service à grand débit, mais le problème est que lorsque les marges deviennent négatives, les pertes, elles, deviennent astronomiques. Non seulement il faut couvrir les frais fixes, mais chaque litre vendu à la pompe fait perdre de l'argent. Dans le cas d'une station-service extrêmement efficace—il y en a qui débitent neuf millions de litres—les pertes deviennent astronomiques pour une entreprise de notre envergure. C'est quelque chose qui devient intenable.
Irving Oil nous a donc mis dans le collimateur. Ils ont commencé par notre première grosse station à Truro en baissant le prix à 39,3c. le litre, un prix bien inférieur au coût du brut importé dans la région de l'Atlantique. À Stewiacke, ils ont laissé le prix à 50c. environ, mais à Elmsdale, ils l'ont baissé à 39,3c. le litre. Ils ont passé outre Enfield-Fall River pour s'attaquer à notre station-service de Lower Sackville, où ils ont fait exactement la même chose. Tout cela, nous en avons la preuve.
La guerre s'est poursuivie pendant six semaines. Nous avons perdu des sommes colossales, et, après six semaines, je peux vous dire très franchement que notre situation financière était extrêmement précaire.
La réponse du Bureau de la concurrence fut: «Cela n'a pas duré assez longtemps. Ce serait plus utile pour nous s'il y avait eu une faillite ou une fermeture d'entreprise qui nous permettrait d'intervenir.» Nous avons donc répondu: mais que faites-vous? Nous avons cessé de nous aligner sur le prix d'Irving, et nous avons vendu à un prix supérieur au prix du marché au détriment de notre débit parce que cela devenait intenable. Il nous a fallu plus de trois ans pour revenir à notre débit antérieur. À Halifax, nous sommes contraints de suivre les prix. Nous avons dû abandonner toute stratégie de prix indépendants et, au Nouveau-Brunswick, nous avons augmenté nos prix. Et, le croirez-vous? Une fois que nous avons eu augmenté nos prix au Nouveau-Brunswick, les prix ont augmenté à Halifax.
Et malgré tout cela, il n'y a pas eu un fonctionnaire qui ait pris la peine de quitter son bureau pour prendre l'avion afin d'aller se rendre compte de la situation. Ces gens sont-ils là pour défendre les consommateurs? Je ne le pense pas.
La présidente: Merci, monsieur Collins.
Monsieur Solomon, votre dernière question.
M. John Solomon: Je vous remercie. J'avais simplement une observation ainsi qu'une question concernant quelque chose qui a été dit à propos des importations de carburant en provenance des États-Unis, ce qui expliquerait en partie pourquoi certains prix et certaines marges sont inférieurs.
Par exemple, en Saskatchewan, nous avons à Regina une raffinerie coopérative, et cette raffinerie est la seule de la province. La seconde a fermé ses portes il y a déjà quelques années. On a prétendu que le carburant qui est raffiné à Regina est expédié aux États-Unis, à 150 kilomètres de là, où il est acheté à bien meilleur compte par des producteurs agricoles de la Saskatchewan. Il y a toutes sortes d'exemples de ce genre, et on appelle cela la concurrence. Mais à mon avis, c'est plutôt un problème de prix à la rampe, ou plutôt de prix de monopole. À mon sens, la coopérative suit les niveaux de prix des grandes pétrolières au lieu d'avoir une politique indépendante, et elle ne peut agir que selon les besoins de Shell ou de la pétrolière Imperial.
Voici ma question, madame la présidente. Pour ce qui est des prix à la rampe, quelle est la solution que vous préconiseriez? Une solution qui a été proposée ferait que les compagnies intégrées verticalement seraient démantelées dans la mesure où elles devraient se départir de certaines de leurs composantes pour qu'il n'y ait plus d'intégration verticale. Auriez-vous des suggestions à ce sujet?
M. Don Green: J'ai déjà dit un peu plus tôt qu'au Canada le système d'approvisionnement est parfaitement lisse, sans aucun hiatus entre le puits et la pompe.
Je ne suis pas un tenant de la réglementation, mais je préconiserais par contre une structure au niveau du tiroir-caisse, c'est-à-dire au niveau du détail, de manière à ce que ce contrôle, ce pouvoir et cette influence qui permettent de contraindre les gens à fermer leurs portes n'existent plus. Je ne vois pas par contre l'intérêt qu'il y aurait à morceler toute la chaîne d'approvisionnement. Je pense que le système est relativement efficace et qu'ainsi, à long terme, le consommateur pourra profiter de cette efficacité.
Le danger en l'occurrence, c'est cette concentration du pouvoir et de l'influence qui se manifeste au niveau de la station-service. C'est là-dessus qu'à mon avis nous devrions travailler au lieu d'essayer de morceler tout le système d'approvisionnement au niveau de la raffinerie.
Les grandes pétrolières ont fort bien réussi à réduire leurs frais généraux. À Montréal, Shell et Imperial utilisent le même réseau de distribution. Esso a vendu le sien et a fermé sa raffinerie il y a quelques années déjà. Il n'est donc plus vraiment possible de morceler le système, parce qu'il est devenu relativement homogène. Par contre, s'il y a des leviers de contrôle au niveau du détail, à ce moment-là on pourrait selon moi protéger de façon relativement simple les distributeurs indépendants qui travaillent efficacement, et donc, à long terme, protéger également le consommateur.
Dave, vous avez sans doute quelque chose à ajouter à cela.
M. Dave Collins: Il est parfaitement incroyable que nous ayons permis aux grandes compagnies pétrolières d'intégrer à un point tel leurs systèmes d'approvisionnement. À l'heure actuelle, les grandes pétrolières ont exactement le même système d'information sur l'approvisionnement, à tel point que, diable, chacune connaît le chiffre d'affaires des autres. Écoutez, cela n'existe nulle part ailleurs. Nous avons quatre compagnies qui représentent 85 p. 100 du marché, et notre propre Bureau de la concurrence leur a permis d'intégrer à 100 p. 100 leurs réseaux de raffinage et de distribution dans tout le Canada. Si vous y regardez bien, même les grandes pétrolières sont prêtes à vous le montrer. Si vous vous demandez pourquoi les marges bénéficiaires sont tellement élevées au Canada par rapport à ce qu'elles sont aux États-Unis à l'étape du raffinage, eh bien, il ne faut pas chercher plus loin, c'est parce que nous leur avons permis de le faire par ces accords de réciprocité.
La présidente: Monsieur Blouin, très rapidement, je vous prie.
[Français]
M. René Blouin: Je veux ajouter un bref complément de réponse.
Il est intéressant de regarder ce qui se passe au Québec. Les raffineurs doivent vendre leur essence à la rampe de chargement, c'est-à-dire établir leur prix de gros en tenant compte de la présence d'importateurs indépendants. Que font les importateurs indépendants? Ils achètent des cargos sur le marché international et les amènent à Montréal. Pour les concurrencer, les compagnies majeures sont obligées de s'aligner sur ce prix international.
Si la part de marché des indépendants continue à descendre, comme c'est le cas actuellement au Québec, et qu'il n'y en a plus assez pour soutenir ce terminal d'importation indépendant à Montréal, que va-t-il se passer? C'est très simple. Il va se passer la même chose qu'à Toronto. Si vous avez une station-service et que vous avez besoin de produits, vous allez avoir deux choix: ou bien vous irez aux rampes de chargement des raffineurs à Montréal, ou bien vous prendrez votre camion et irez à Albany, dans l'État de New York, qui est le point d'approvisionnement le plus près, et vous reviendrez à Montréal. Quel est le prix du transport pour vous rendre jusque-là avec votre camion et en revenir? C'est 2,5 ¢ le litre.
Les compagnies majeures, qui ne sont pas plus bêtes que les autres, vont dorénavant établir leurs prix en fonction de ce coût de remplacement en sachant que vous êtes tenus d'aller chez eux, sinon cela vous coûtera 2,5 ¢ de plus. Il en coûtera donc 2,5 ¢ de plus pour s'approvisionner à Montréal en produits pétroliers, non seulement pour l'essence, mais aussi pour le diesel et l'huile à chauffage, qu'il n'en coûte maintenant. C'est comme cela que les raffineurs fonctionnent. Ils fonctionnent non seulement par rapport au prix du brut, comme on le voit dans l'étude du Bureau de la concurrence, mais aussi en fonction du coût de remplacement du produit. Et il est normal qu'il en soit ainsi.
[Traduction]
La présidente: Merci, monsieur Blouin.
Monsieur Lastewka.
M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.): Merci, madame la présidente.
Je voulais simplement faire une demande. Hier, le Bureau de la concurrence a déposé un certain nombre de rapports, et je voudrais demander à M. Collins, et peut-être finalement à tout le monde, de jeter un coup d'oeil sur ces rapports pour nous donner rapidement leur point de vue, si c'est possible.
M. Dave Collins: Certainement, je peux d'ores et déjà dire quelques mots à propos de certains d'entre eux.
M. Walt Lastewka: Non, pas aujourd'hui, je vous demande d'en prendre connaissance personnellement.
M. Dave Collins: L'un d'entre eux est d'ailleurs assez amusant. C'est celui qui...
La présidente: Monsieur Collins, M. Lastewka n'a pas terminé.
M. Walt Lastewka: C'est à dessein que je vous ai demandé de nous faire parvenir cela plus tard, faute de quoi nous risquons d'avoir un long dialogue qui ne serait peut-être pas utile.
M. Don Green: Pourrions-nous faire parvenir nos réponses par écrit et les déposer?
La présidente: Monsieur Green, laissez M. Lastewka conclure.
M. Walt Lastewka: J'ai fait une demande. Vous pouvez le faire si vous le voulez.
M. Dave Collins: Nous allons le faire.
M. Walt Lastewka: Je vous ai simplement demandé si vous alliez le faire.
J'en arrive ainsi à ma question. L'un des problèmes qui se posent aux législateurs tient au fait que nous prenons connaissance de certains rapports et qu'ensuite l'autre camp vient nous dire que les données ne sont pas valables, que les périodes de référence ne sont pas bonnes. Il arrive ainsi, lorsque nous faisons la comparaison avec la loi américaine, que des gens nous disent que cette loi est bonne et devrait également s'appliquer au Canada, alors que d'autres nous disent: pas du tout, la situation n'est pas du tout la même au Canada, comme l'a d'ailleurs dit M. Turner. Vous pouvez donc facilement comprendre une partie de notre problème.
J'aurais une question pour l'ADIGC, l'association québécoise et les marchands. Si j'ai bien compris, vous avez fait partie d'un comité; directeur avec les représentants d'Industrie Canada. Avez-vous oui ou non participé, au sein de ce comité, à la rédaction d'un projet de mandat en vue d'une étude au Canada? J'aimerais que vous me répondiez tous les trois.
La présidente: Monsieur Green.
M. Don Green: L'ADIGC a effectivement fait partie de ce comité, vous avez raison.
M. Walt Lastewka: Oui?
M. Don Green: Oui.
La présidente: Monsieur Turner.
M. Walt Lastewka: L'association des marchands?
M. Randy Turner: Oui.
La présidente: Monsieur Blouin?
M. René Blouin: Oui.
M. Walt Lastewka: Vous en avez donc tous fait partie.
Je pense que la création du comité et l'étude qui devait se dérouler avaient précisément pour but de réunir tous les intervenants afin que grâce à une étude ils puissent parvenir à une série de données représentatives de la situation au Canada et sur laquelle ils pourraient pour l'essentiel s'entendre. Est-ce bien cela?
M. Don Green: Oui.
M. Walt Lastewka: Avez-vous quelque chose à dire sur la façon de procéder jusqu'à présent?
M. Don Green: Je pourrais peut-être dire quelques mots.
Lorsque l'ADIGC est née, nous avions vu l'étude qui avait précédé celle-ci, une étude réalisée par M.J. Ervin qui était censée donner une image du marché de détail. À l'époque, l'étude en question n'avait pas été publiée, mais on nous avait dit qu'elle allait l'être. L'association a demandé à y participer, et on nous avait répondu qu'elle était déjà tellement avancée qu'il nous serait impossible d'embarquer en tant que représentants du marché indépendant.
Cette étude d'Ervin n'a aucunement porté sur des données de source indépendante. Elle a donc omis un volet très important du marché. C'est ainsi grâce aux efforts de l'association et de certains de nos membres que nous avions effectivement demandé que l'étude en question soit conduite. Si l'association n'avait pas pris l'initiative, je ne suis pas convaincu qu'il eût ainsi été possible d'étudier le marché indépendant, son évolution et sa progression.
M. Walt Lastewka: Je ne veux pas trop mêler... Il s'agissait donc d'une étude préalable à celle que nous conduisons actuellement?
M. Don Green: Oui. Il s'agit ici d'une étude sur le marché de détail qui fait suite à celle de M.J. Ervin, qui était censée porter sur le marché de détail dans tout le Canada. La seule absence en l'occurrence était celle des détaillants indépendants, qui, selon certaines sources, représentent de 15 à 20 p. 100 du marché. Nous n'avions pas été pris en compte dans cette étude. L'association a mis le holà en disant qu'elle voulait être représentée. Il est ridicule de parler de 80 p. 100 environ du marché et de tirer des conclusions à partir de là alors même qu'on n'a pas tenu compte d'une fraction importante.
L'étude qui est donc conduite actuellement et qui va commencer d'ici un ou deux mois fait suite à celle qui avait porté sur les compagnies intégrées. Nous espérons qu'elle produira des données à partir desquelles tout un chacun aura une idée de ce qui se passe sur le marché de détail tant du point de vue des compagnies intégrées que de celui des détaillants indépendants.
M. Walt Lastewka: Mais le comité directeur qui a été constitué pour faire en sorte précisément que cette fois-ci l'étude se fasse dans les formes et réunisse les points de vue de tous les intervenants a été la résultante du rapport de M. McTeague et de la réponse du ministre, du moins c'est mon impression. Je pense que c'est ainsi que la genèse s'est faite.
M. Don Green: Il est certain que ce qu'ont fait Dan ainsi que le comité libéral sur les prix de l'essence a mis la question en tête de liste, mais il y avait eu d'autres initiatives au préalable dans le même sens.
M. Walt Lastewka: Je pense que ce que je voulais entendre de votre part, c'était une opinion sur la façon de procéder qui a été suivie jusqu'à présent par rapport à l'objectif recherché.
[Français]
M. René Blouin: Avant d'en arriver là, je vous dirai que la première étude qui a porté uniquement sur le marché contrôlé par les compagnies majeures était quand même intéressante. Bien sûr, elle était incomplète et devrait être complétée pour donner une juste image du marché canadien.
Cependant, cette étude, qui a été réalisée en collaboration avec l'ICPP et le gouvernement canadien, était intéressante dans la mesure où elle indiquait que pour l'année étudiée, soit 1995, les compagnies majeures à Montréal perdaient en moyenne 16 000 $ par année sur chacun de leurs sites—on se comprend bien—et ce, même en considérant les profits faits avec les dépanneurs.
• 1020
Si ce n'est pas une situation de crise qui était déjà évoquée dans
cette étude de l'ICPP et du gouvernement canadien, je me demande bien
ce que c'est.
[Traduction]
La présidente: Ce sera votre dernière question, monsieur Lastewka.
M. Walt Lastewka: J'essaie de faire avancer les choses, étant donné la multitude de rapports qui existent. Le comité directeur et la réalisation de l'étude proprement dite avaient pour but de faire participer d'entrée de jeu tous les intervenants. Je voudrais simplement avoir l'assurance que le comité directeur est sur la bonne voie et que vous êtes partie prenante, de manière à ce que le législateur soit convaincu qu'on essaie de mener cette étude avec la participation de tout le monde.
M. Don Green: Pour ma part, je crois sincèrement que le comité directeur est composé des gens qu'il faut pour produire une bonne image de la situation de l'industrie dans son ensemble.
M. Walt Lastewka: Je vous remercie, madame la présidente.
La présidente: Merci, monsieur Lastewka.
Monsieur Jones, je vous prie.
M. Jim Jones (Markham, PC): Il y a une chose que j'aimerais comprendre. Vous parlez d'un prix de détail inférieur au prix de revient. Je vais vous donner un exemple, et puis vous me direz à quel moment le prix de vente est inférieur au prix de revient.
Mettons que les frais de raffinage soient de 20c. le litre, les frais de transport de 10c. et les taxes de 30c. Tous les frais administratifs, tout compris, représentent donc 60c. le litre pour la pétrolière. Cette dernière vend le produit à la station-service ou au détaillant indépendant au prix de 80c. le litre, de sorte que le détaillant vend l'essence à la pompe 90c. le litre. Admettons que j'exploite une station-service Esso. Mon prix de détail est de 90c. Jusqu'où puis-je descendre avant de vendre en deçà du prix de revient?
M. Dave Collins: Le projet de loi C-235 ne parle pas du tout du prix de revient.
M. Jim Jones: Mais vous n'arrêtez pas de dire que ces compagnies vendent à un prix inférieur à leur prix de revient.
M. Dave Collins: Pas du tout.
M. Don Green: Non, elles vendent à un prix inférieur à notre prix d'achat.
M. Jim Jones: Supposez que je sois une pétrolière et que tout m'appartienne. Mon prix de revient est de 60c. le litre. Je vous vends le produit à 80c. le litre, et ma propre station-service vend au détail à 80c. le litre. À quel moment peut-on dire que je vends à un prix inférieur au prix de revient? Ces 80c. le litre constituent-ils le prix à la rampe?
M. Dave Collins: Non, le prix de revient dans votre cas serait de 60c.
M. Jim Jones: Par conséquent, si j'interprète bien la loi, je ne fais rien tant que je ne vends pas à un prix inférieur à 60c. le litre, et à partir de ce niveau-là mon prix de vente est inférieur à mon prix de revient.
M. Don Green: Peut-être. Nous avons entendu Chuck nous parler de l'essence qu'on pouvait acheter à Vancouver à 30c. le litre au détail. Les taxes à elles seules représentent au minimum 25c. le litre.
M. Chuck Husel: Elles représentent 25c. le litre, à quoi il faut ajouter la TPS, ce qui donne à peu près 28c.
M. Don Green: Il y a donc une différence de 2c. entre ce que vous payez au quotidien, taxes incluses, et votre prix de vente au détail.
Le pétrole brut n'est pas gratuit. Il représente probablement de nos jours environ 14c. le litre, ou 12c. le litre, je ne sais trop au juste.
M. Jim Jones: Restons-en à mon prix de revient...
M. Don Green: Nous ignorons quel est le prix de revient de la pétrolière.
M. Dave Collins: C'est un peu comme si vous me demandiez si une pomme ressemble à un oeuf: c'est cela que vous me demandez de faire. Et moi je vous dis qu'il m'est impossible de faire en sorte que la pomme ressemble à l'oeuf, monsieur.
M. Jim Jones: Prenons un scénario différent. Dans la compagnie pour laquelle je travaille, si nous achetons des produits aux États-Unis et s'il s'agit d'un excédent invendu, admettons que nous ne pourrions pas vendre à un prix inférieur à notre prix de revient. Nous devrions plutôt mettre tout au rebut avant même de pouvoir inonder le marché à un prix inférieur à notre prix de revient.
M. Don Green: Comment qualifieriez-vous donc la situation à Vancouver, où ces gens doivent vendre à un prix inférieur au prix coûtant?
M. Jim Jones: Comment le savez-vous?
M. Don Green: Parce que ces gens doivent verser au fisc 28c. le litre, alors qu'ils vendent au détail à 30c. Je ne pense pas que la différence de 2c. leur permette de payer la matière première, le brut. Le pétrole est raffiné à Edmonton, le produit est acheminé par oléoduc jusqu'à Vancouver, où il est stocké, puis il est expédié par camion-citerne jusqu'aux stations-service; tout cela est impossible à faire pour 2c. le litre, et ce n'est même pas une question d'efficacité.
M. Dave Collins: Sans même parler des salaires...
M. Don Green: Nous ne voulons pas ici étudier la question du prix de revient de la compagnie pétrolière. Peu importe. Tout ce que nous disons, c'est que nous, qui achetons le produit, nous voulons avoir la garantie de pouvoir l'acheter à un prix qui n'est pas supérieur à celui auquel la compagnie est prête à vendre à la station-service dont elle est propriétaire.
M. Dave Collins: Pourquoi acheter à un prix inférieur au nôtre?
M. Jim Jones: Je suis donc l'exploitant d'une station-service de l'Impériale, et vous me dites que le prix de gros est de 80c. le litre.
M. Dave Collins: Et nous ne parlons même pas de prix de revient.
M. Jim Jones: Non, mais cela veut dire...
M. Dave Collins: Le projet de loi C-235 ne parle même pas du prix de revient, monsieur Jones; il parle simplement d'un prix d'achat égal au prix que paye l'automobiliste. C'est tout ce qu'il vous demande de faire.
M. Jim Jones: Pourquoi?
M. Dave Collins: Excusez-moi, monsieur Jones, mais cela n'a rien à voir avec le prix de revient. Cela ne se trouve nullement dans le texte. Tout ce que le texte dit, c'est que si Jim Jones peut aller acheter son essence à 40c. le litre dans une station-service—peu importe le prix de revient—moi, je devrais pouvoir également me procurer le même produit à 40c. le litre. Mais lorsque je vais à la rampe de chargement, c'est-à-dire en amont de la chaîne de distribution, où le prix de revient est plus bas, le grossiste me demande 60c. le litre. Je veux simplement dire que si ce grossiste est prêt à vous vendre ce produit pour 40c. le litre, il devrait être également prêt à me le vendre au même prix. Le projet de loi C-235 ne dit rien de plus. Il ne parle pas du prix de revient, cet élément a disparu. Il dit simplement que le grossiste ne peut pas faire de discrimination en disant qu'un client grossiste doit payer plus cher qu'un détaillant.
La présidente: Monsieur Jones, je vous signale simplement pour mémoire que cela se trouve dans les propositions d'amendements. M. Collins parle des propositions d'amendements, à supposer toutefois que ces derniers soient adoptés.
M. Jim Jones: Mais cela ne se trouvait pas dans le texte initial du projet de loi.
La présidente: Non, pas du tout.
M. Don Green: Nous sommes là pour parler des amendements.
M. Jim Jones: Mais qu'est-ce qui vous empêcherait de prendre vos camions et d'aller les remplir à la station-service...
M. Dave Collins: C'est ce qu'on appelle le remplissage par le haut. Citant le Code national de prévention des incendies, ils nous ont dit que cette pratique présentait un risque d'incendie et qu'il fallait l'interdire. Et ils ont eu gain de cause.
M. Jim Jones: Qui a dit cela?
M. Dave Collins: L'ICPP, au milieu des années 80. L'industrie était intervenue alors pour renforcer la sécurité à la plate-forme de chargement. Ainsi, le remplissage par le haut a-t-il été interdit, de sorte qu'on ne fait plus de chargement en source, et que nous ne pouvons même plus aller remplir nos camions-citernes à leurs stations-service. Elle nous en refuse l'accès parce que ce serait du remplissage par le haut, ce qui est interdit par le Code national de prévention des incendies.
Tout ce que nous vous demandons donc de faire avec le projet de loi C-235, c'est de rétablir ce que nous avions au milieu des années 80, avant les changements apportés au Code national de prévention des incendies, c'est-à-dire nous permettre d'aller remplir nos camions-citernes à leurs stations-service. Comme je le disais, peu importe où je vais m'approvisionner.
La présidente: Votre dernière question, je vous prie, monsieur Jones.
M. Jim Jones: D'où vient cette règle concernant le remplissage par le haut?
M. Dave Collins: Du Code national de prévention des incendies, des commissaires aux incendies.
La présidente: Monsieur Keyes, je vous prie.
M. Stan Keyes: Merci beaucoup, madame la présidente.
Messieurs, merci pour les exposés que vous nous avez présentés aujourd'hui. Je considère tout cela comme une référence extrêmement précieuse pour notre discussion dans ce dossier.
À l'intention de ceux qui nous écouteraient et de certains observateurs, c'est un peu comme si vous étiez ici à la table pour nous demander de l'argent; le principe de la chose ne vous intéresse pas vraiment. Je soutiens personnellement qu'à mon avis le principe doit au moins vous intéresser autant que l'argent.
Qu'arriverait-il si, tout d'un coup, les détaillants indépendants commençaient à vous téléphoner pour vous apprendre qu'ils viennent de se faire dire qu'ils peuvent payer tant du litre au lieu de ce qu'ils payent actuellement?
M. Dave Collins: Il faudrait acheter à ce prix-là. C'est ce que je fais.
M. Stan Keyes: Non, ce que je veux dire, c'est que tout d'un coup les gros bonnets diraient cela à leurs détaillants indépendants et que les vôtres vous téléphoneraient pour vous dire que tout d'un coup leur prix d'achat au litre est inférieur de 5c. au prix de vente au détail.
M. Dave Collins: Ce que nous demandons, c'est de pouvoir acheter aux mêmes conditions que le client au détail. En d'autres termes, selon le libellé actuel du projet de loi C-235, si je vois qu'une station-service vend à 40c. alors qu'à la rampe on me demande 60c., je pourrais téléphoner à la compagnie pour lui dire que mon concurrent vend au détail à 40c. le litre et que je devrais donc pouvoir m'approvisionner au même prix.
M. Stan Keyes: Et s'ils répondent qu'ils sont d'accord, soudain, à la suite de toute cette discussion...
M. Dave Collins: Alors nos objections tomberaient, n'est-ce pas? Il n'y aurait plus de problème pour nous.
M. Stan Keyes: Ce n'est pas ce que je voulais vous entendre dire, mais ça va.
Des voix: Oh, oh!
M. Stan Keyes: Eh bien non car ce projet de loi porte sur bien d'autres choses que l'essence. Il se rapporte aux magasins d'alimentation et il devrait porter sur toutes sortes d'autres secteurs aussi.
M. Dave Collins: Nous avons constaté que...
M. Stan Keyes: De toute façon, je ne veux pas me lancer dans des considérations théoriques là-dessus.
Au sujet des indépendants, ma question s'adresse à M. Green: d'aucuns diront que les grosses pétrolières n'ont qu'à vous dire que si c'est cela que vous voulez, si c'est dans le projet de loi, si c'est ainsi que vont les choses, elles ne vous vendront plus d'essence et tant pis pour vous. Vous ne pourrez plus acheter d'essence pour la revendre.
Au cours des dernières années, ce genre de choses s'est-il produit? A-t-on dit aux grandes pétrolières qu'elles ne pouvaient pas jouer à ce petit jeu-là, et qu'elles devaient vendre de l'essence aux indépendants?
M. Dave Collins: Oui, je crois qu'il est arrivé qu'on refuse d'approvisionner une région, n'est-ce pas? Je crois que le Bureau de la concurrence, sous l'ancienne version de la loi, a intenté des poursuites contre le fournisseur de la laiterie Perrette, pour avoir refusé de l'approvisionner.
M. Stan Keyes: Quand ces mesures ont-elles été prises?
M. Dave Collins: Je crois que les amendements ont été faits en 1985 ou 1986.
M. Don Green: Vous trouverez des renseignements là-dessus à la page 17.
M. Stan Keyes: Non, mais je crois que dès 1989, le Bureau de la concurrence a pris des décisions contre les grandes pétrolières. M. Green me reprendra si je me trompe, je ne me souviens pas exactement de qui il s'agissait. Je crois que c'était Esso ou l'une de ces grandes entreprises. On leur a dit qu'elles ne pouvaient pas jouer ce jeu-là, qu'elles devaient approvisionner en essence ces indépendants pendant 10 ans, sans... bla bla. Est-ce bien cela, pour commencer? Ai-je bien compris?
La présidente: Monsieur Husel.
M. Chuck Husel: Je n'ai pas vu cela. J'ai traité avec Petro-Canada pendant quatre ans et j'avais de très bonnes relations avec cette entreprise. Un gros indépendant lui a causé de gros problèmes. Il y a eu un procès, que la compagnie a perdu, à la suite de quoi elle a décidé de ne plus faire de ventes à contrat aux indépendants. Nous ne pourrions plus que faire des achats au comptant.
Si 45 commerçants s'attendent à acheter de l'essence chez vous, manifestement, vous perdez votre part de marché. On ne peut pas se fier aux achats au comptant. La transaction peut se faire ou non. C'est ce qu'ils disent. De temps en temps, ils m'appellent et me demandent si je veux acheter trois millions de litres, comme ça. Ils ont pourtant déclaré qu'ils ne le feraient pas. Et Chevron ne vend pas non plus directement aux indépendants.
M. Stan Keyes: Ah non?
M. Chuck Husel: Non.
M. Don Green: Ce n'est vraiment rien de nouveau. À la page 17 de notre mémoire, nous présentons les conclusions tirées par la Commission sur les pratiques restrictives du commerce en 1986. Certaines des conclusions, comme la deuxième, parlent de la concentration élevée dans le secteur du raffinage des produits pétroliers et de l'intégration verticale: il est très important de s'assurer que des mesures seront prises pour garantir l'approvisionnement des indépendants non intégrés. C'est la conclusion qu'on a tirée il y a 13 ans.
M. Stan Keyes: Je pense que nous pourrions obtenir des éclaircissements à ce sujet, madame la présidente—peut-être que vous pourriez les fournir—mais je crois que si une grande pétrolière menace de ne pas approvisionner un indépendant, le Bureau de la concurrence a le pouvoir de lui dire qu'elle doit fournir de l'essence à l'indépendant.
M. Don Green: C'est un refus d'approvisionner.
La présidente: Oui.
M. Stan Keyes: Ah bon, ils font ça?
La présidente: Oui.
M. Stan Keyes: Eh bien!
Merci, messieurs.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Keyes.
J'ai deux courtes questions, l'une de M. Dubé et une autre, de M. Bellemare.
[Français]
M. Antoine Dubé (Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière, BQ): J'ai une question à adresser à M. Blouin.
Dans votre mémoire, vous mentionnez qu'il existe au Québec une loi qui traite du même sujet. J'ai relu à cet égard l'article 45.1. À mon avis, ce serait plus clair ou plus complet que l'amendement suggéré hier par M. McTeague, qui fait allusion notamment au prix de détail exigé par le fournisseur intégré verticalement dans le même secteur du marché. Je sais que cela veut dire la même chose mais, dans la loi québécoise, c'est plus complet.
-
45.1 Lorsque, dans une zone, une entreprise
vend au détail de l'essence ou du carburant diesel à
un prix inférieur...
Cela vise plus spécifiquement l'essence.
-
...à ce qu'il en coûte à un
détaillant de cette zone pour acquérir et revendre
ces produits...
De façon à éviter que les bretelles aient des effets différents de ceux de la ceinture, et compte tenu que cela est de compétence provinciale, n'y aurait-il pas lieu que l'amendement ressemble à ce qu'on retrouve dans l'article que j'ai mentionné?
M. René Blouin: Je vous dirai qu'il n'y a pas de contradiction, en ce sens que la loi qui est actuellement à l'étude devant vous touche la première partie de la loi québécoise, qui est en vigueur actuellement. Ce à quoi vous faites allusion principalement est la deuxième partie de la loi, qui est actuellement à l'étude devant la Régie de l'énergie. Cette dernière va rendre une décision au sujet de cette partie de la loi.
En terminant, madame la présidente, dans notre présentation, nous faisions allusion à une étude réalisée par l'Université du Québec à Montréal. Je vais, si vous me le permettez, vous en remettre une copie ainsi qu'une copie du mémoire que nous avons déposé à la Régie de l'énergie.
[Traduction]
La présidente: Merci.
Monsieur Bellemare, rapidement, s'il vous plaît.
[Français]
M. Eugène Bellemare (Carleton—Gloucester, Lib.): Ma question s'adresse à M. Gagnon, qui se préoccupe beaucoup des régions de l'est et du nord de l'Ontario.
Croyez-vous que la loi que nous étudions aujourd'hui devrait plutôt être appliquée par les provinces?
• 1035
Dans votre expérience au niveau de la petite entreprise indépendante,
est-ce qu'on vous a déjà refusé l'achat de pétrole à un prix au moins
semblable à celui auquel j'achète ailleurs, dans les plus grands
centres, en tant que consommateur ou client?
M. André Gagnon (président, Association des distributeurs indépendants de gazoline du Canada): Monsieur Bellemare, je vais vous répondre en anglais si vous êtes d'accord.
[Traduction]
Pour répondre à votre dernière question, il est certain qu'actuellement, dans notre secteur du marché, il arrive que nous vendions de l'essence à un prix inférieur à celui que nous avons payé. Ainsi, cette semaine, à Sudbury, nous la vendons 2c. moins cher que nous l'avons achetée. Autrement dit, les consommateurs à Sudbury achètent ce produit à un prix inférieur à celui que nous avons payé. Nous fixons ce prix pour demeurer concurrentiels, pour conserver notre part du marché, parce que c'est la règle du jeu.
En tant que commerçants, il est important de garder des règles du jeu équitables; ainsi, nos associés, comme nos rivaux, ne devraient pas pouvoir vendre un produit à un prix inférieur au coût d'acquisition. Si cela se produit, nous perdrons tout espoir. Et c'est ce qui se produit depuis quelques années.
Nos marges de profit ont baissé depuis 1991, passant de 9c. à 5c. le litre. Nous avions 73 points de vente, nous n'en avons plus que 55 et nous prévoyons en fermer encore 35 d'ici cinq ans, parce qu'ils ne sont pas rentables.
La présidente: Merci, monsieur Gagnon. Merci, monsieur Bellemare.
Je remercie nos témoins d'être venus ce matin. Ils céderont maintenant leurs places au prochain groupe de témoins. À l'intention des députés, je vais presser les témoins de sortir, si vous voulez leur parler, allez à l'extérieur parce que le comité lui continue son travail. Essayons de le faire dans l'ordre, si c'est possible.
Je vous remercie tous, encore une fois. Nous apprécions vos mémoires. Ceux qui n'ont pas été traduits le seront, puis seront distribués aux membres du comité, afin que tous puissent lire tout ce dont nous disposions aujourd'hui. Si vous avez d'autres commentaires, veuillez nous les transmettre, de même que votre réponse aux commentaires de M. Lastewka. Nous vous en remercions.
Je vais vous demander maintenant de céder la place au prochain groupe de témoins. Pour faire respecter l'ordre dans la salle, j'apprécierais que vous poursuiviez vos conversations à l'extérieur, et je m'adresse particulièrement aux députés.
Nous passons maintenant au prochain groupe de témoins. Pour que nous ayons suffisamment de temps, nous leur permettrons de présenter un exposé, puis nous aurons une ronde complète de questions et commentaires.
Est-ce que vous écoutez? Est-ce que tout le monde a entendu?
M. Stan Keyes: Vous avez toujours toute notre attention.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Keyes.
Nous accueillons maintenant l'Institut canadien des produits pétroliers. Nous sommes ravis de pouvoir vous souhaiter la bienvenue. Nous nous excusons du retard à vous faire comparaître, ce matin.
Voici M. Alain Perez, le président, M. Yves Bériault, un associé chez McCarthy-Tetrault; et M. Alain Lapointe, un professeur d'économie à l'Université de Montréal.
Nous vous demandons de présenter d'abord votre exposé, puis nous passerons aux questions. Nous espérons que votre exposé ne prendra pas plus de cinq ou dix minutes.
Monsieur Perez.
M. Alain Perez (président, Institut canadien des produits pétroliers): Bonjour, madame la présidente et bonjour aux membres du comité. Nous allons vous remettre des copies de nos notes en anglais et en français. Pour tout dire, il nous aurait fallu plus de cinq ou dix minutes, c'est pourquoi je vais résumer les points essentiels de l'exposé et je vous laisserai ce document.
• 1040
Merci d'avoir présenté M. Bériault. M. Bériault est l'associé
responsable de la Loi sur la concurrence chez McCarthy-Tetrault, et
conseiller juridique de l'ICPP. M. Lapointe collabore aussi avec
nous sur diverses questions économiques, et il l'a fait
particulièrement pendant les audiences au Québec sur le projet de
loi 50.
J'ai cinq arguments à présenter au comité. Le premier, c'est qu'il est démontré qu'il existe dans notre industrie une concurrence très intense. Deuxièmement, il existe au Canada un segment puissant d'indépendants. Ce segment augmente et se modifie. Troisièmement, les consommateurs, depuis dix ans profitent de prix très bas, d'un service constamment amélioré et d'un prix (sans taxe) depuis 1995 qui est le prix de détail le plus bas, en moyenne, de tous les pays du G-7.
Je parlerai ensuite du projet de loi C-235 et de la façon dont il modifiera la situation, puisqu'à notre avis ce projet de loi est une mesure de réglementation des prix qui nuira aux mécanismes du marché international et provoquera une augmentation des prix, pénalisant ainsi un grand nombre de consommateurs pour protéger un très petit nombre d'intervenants sur ce marché.
Pour ce qui est de la question des prix de détail, vous pouvez voir sur le tableau derrière vous, l'évaluation faite par Ressources naturelles Canada des prix entre 1986 et 1995, en dollars constants au prix nominal. Ces prix ont diminué. Ce fait a également été souligné dans des études du Bureau de la concurrence, du gouvernement de la Colombie-Britannique, du NewFoundland consumers' advocate, du gouvernement du Nouveau-Brunswick, au cours des trois dernières semaines, et du ministère de la Consommation de l'Ontario. Toutes les études et toutes les enquêtes montrent que les consommateurs ont profité de prix très bas en raison de la concurrence intense.
Mon deuxième argument porte sur les indépendants. Ce tableau vous montre l'évolution de 1981 à 1997. Ces chiffres viennent de la firme Kent Marketing, qui est la principale source de toutes les évaluations de parts du marché au Canada et aux États-Unis. On peut y voir que la part du marché de détail des sociétés intégrées est passée de 86 à 77 p. 100, alors que la part des non-raffineurs, soit les indépendants, est passée de 14 à 23 p. 100.
Qui sont ces indépendants? Certains d'entre eux sont membres de l'ICPP, comme FasGas, Canadian Tire et Mohawk. D'autres ne sont membres d'aucune association. Les principaux sont des entreprises comme Pioneer, UCO en Ontario, Cango Co-op en Alberta, UFA dans la même province, CTC, Couche-Tard au Québec, ARCO, Loblaws Superstores et le Club Price. Cette liste représente à peu près les deux tiers de tous les indépendants. Qui les représente? Se plaignent-ils?
C'est la question que je pose au comité, mais ce qu'il faut surtout remarquer, c'est que leur part du marché a augmenté.
Je veux maintenant parler brièvement des prix de gros, car c'est un des sujets qu'étudie votre comité et que c'est la principale cible de ce projet de loi. D'après ce projet de loi, si le prix au détail est modifié, il faut vendre au prix de gros.
Le prix de gros est établi en Amérique du Nord, à New York, en fait. Il est établi à New York en raison des importations en provenance de l'Europe. Ces importations arrivent ensuite au Canada. Au Canada, ces importations servent à établir le prix à Montréal. Le prix à Montréal et celui à New York se suivent toujours d'un demi-cent à un cent et demi pour tenir compte du transport. Ce prix de gros constitue le prix à la rampe à Montréal et sert à déterminer à son tour les prix à la rampe au Québec et dans tout l'est canadien.
La présidente: Je suis désolée de vous interrompre. Je dois informer les députés que le timbre sonne maintenant. Il va y avoir un vote sur les affaires des députés; il s'agit d'une motion de M. White proposant l'ajournement du débat. Nous devrons nos rendre à la Chambre pour voter dans environ 22 minutes.
Je propose que le témoin termine son exposé, puis nous reviendrons pour la période de questions et de réponses après le vote. Si cela vous va, je laisserai encore quelques minutes aux témoins, puis nous devrons partir voter pour revenir ensuite.
M. Alain Perez: D'accord. Merci.
Le prix de gros en Amérique du Nord est donc établi à l'échelle internationale. Nous ne pouvons pas influer sur ces prix, simplement les appliquer. Nous voyons ce qui se fait sur le marché de New York, et nous établissons à Montréal, dans les autres villes canadiennes et dans les autres raffineries des prix qui sont déterminés à l'échelle internationale...
Le tableau suivant montre la relation entre les prix de gros et de détail au Canada. Dans ce cas-ci, j'ai choisi l'exemple de Toronto, car c'est dans cette ville que se trouve le marché de détail le plus important et le plus compétitif au Canada. La ligne du bas représente le prix de gros. La ligne au-dessus représente le prix à la pompe, sans taxe. Vous pouvez d'abord constater que le prix à la pompe a toujours été supérieur au prix de gros depuis janvier 1986, et même avant. Deuxièmement, le prix de détail fluctue de 10 à 20 fois par an. L'application du projet de loi C-235 nous obligerait donc à modifier le prix de gros de 15 à 25 fois par an dans un marché comme Toronto, et il en serait de même dans des marchés comme ceux de Montréal et de Vancouver. Nous devrions modifier un prix qui est établi, comme je vous l'ai expliqué, à l'extérieur du pays.
Que se produirait-il, si l'on adaptait le prix de gros au prix de détail? Prenons un exemple simple: supposons qu'il y ait une réduction du prix à Montréal et à Toronto, une réduction de 5c. Il faudrait réduire par conséquent le prix de gros de 5c. Ce faisant, nous établirions ce prix à un niveau inférieur à celui de New York. Les entreprises qui ont importé de l'essence—et un tiers des indépendants sont approvisionnés au moyen d'importations, des entreprises comme OLCO et NORCAN—se retrouveraient avec des millions de gallons d'un produit qu'ils ont acheté en Europe le mois précédent en fonction d'un prix établi à New York qui serait supérieur de 3 à 4c au prix canadien. Un événement de ce genre suffirait à acculer un importateur à la faillite. Les importateurs devraient cesser de vendre en attendant que les prix remontent, mais la situation se reproduira de nouveau, puisqu'il y a des fluctuations de 15 à 20 fois par année.
Quant aux raffineurs, ils auraient deux options. Ils pourraient vendre à perte ou modifier leurs contrats afin de pouvoir interrompre l'approvisionnement lorsque les prix descendent en deçà du seuil international.
L'approvisionnement des indépendants s'en trouvera réduit, il y aura moins de concurrence et il ne fait aucun doute que tous les prix au détail finiront par augmenter. Pour que le projet de loi C-235 puisse fonctionner, il faudrait que les prix au détail demeurent toujours élevés et toujours plus élevés que le prix de gros auxquels s'ajouterait le coût du transport, un rendement raisonnable, tel que définit dans le projet de loi, et ce pour les indépendants les moins efficaces, puisque tous les intervenants peuvent influer sur les prix. D'après mon estimation, le prix dans ces villes pourrait être de 2 à 4c supérieurs à la moyenne actuelle. Chaque cent représente 400 millions de dollars de plus que les consommateurs devraient payer.
[Français]
Je vais terminer en français cette partie de ma présentation.
Je voudrais maintenant attirer l'attention du comité, outre les points techniques que j'ai soulevés, sur un point que j'estime crucial pour vos débats.
• 1050
Le projet de loi C-235 prend la Loi
sur la concurrence et la transforme en une loi qui est
en fait une réglementation des prix. Il prendrait donc
le Bureau de la concurrence et le transformerait en une
agence de règlements. Cette agence aurait à définir
dans ses règlements tous les termes et toutes les
définitions. C'est aujourd'hui un rôle qui est dévolu
aux provinces.
Au cours des deux dernières années, cinq provinces ont choisi de ne pas réglementer. La dernière en date a été le Nouveau-Brunswick. Elle a décidé de ne pas réglementer parce que c'était désavantageux pour le consommateurs et elle a annoncé sa décision dans un communiqué public, il y a deux semaines. D'autres provinces ont toutefois réglementé. Le Québec a réglementé et il...
[Traduction]
La présidente: Excusez-moi, monsieur Perez, mais je vais devoir vous interrompre. Il ne nous reste que 15 minutes et nous devons prendre le temps de nous rendre à la Chambre. Je vais donc devoir suspendre la séance jusqu'à notre retour.
Je demande aux membres du comité d'amener avec eux le texte de M. Perez. Vous aurez peut-être l'occasion de le lire en route vers la Chambre.
Nous allons revenir, vous permettre de terminer puis passer aux questions. Veuillez nous excuser.
La séance est suspendue.
La présidente: Nous allons reprendre notre audience. Je prie nos témoins de nous excuser de nouveau de ces interruptions—il pourrait y en avoir une autre. Nous allons poursuivre la séance.
Monsieur Perez, je vais vous permettre de terminer vos observations, mais veuillez être bref. Nous pourrons ensuite passer aux questions.
M. Alain Perez: Merci, madame la présidente. Vous êtes tout excusée. La démocratie est plus importante que notre exposé.
Je vais résumer mes arguments et vous présenter le dernier, puis nous serons prêts à répondre à vos questions.
J'ai dit que la concurrence avait été très intense et que le groupe des indépendants a connu une bonne croissance depuis 1981 ou 1985, selon la date à laquelle on commence à mesurer. Qui sont les indépendants? À notre avis, il s'agit des non-raffineurs.
Troisièmement, le prix du gros, qui ne serait pas touché par le projet de loi, n'est pas établi par nous mais au niveau international. Nous pouvons vous montrer des tableaux portant sur de nombreuses années. Il y a toujours une corrélation entre le prix à Montréal, soit le prix du gros pour l'est du Canada et le prix à New York. Nous n'y pouvons rien changer.
Quatrièmement, si le projet de loi était mis en oeuvre, il forcerait les prix du gros à changer à chaque fois que le prix au détail change. Si les prix du gros changent, particulièrement à la baisse, les premiers pénalisés seraient les importateurs. Ils seraient pénalisés au point de risquer la faillite, au premier changement du genre des prix du gros. Ces importateurs sont aussi membres de l'association qui a comparu avant nous.
[Français]
En dernier lieu, nous croyons que, puisque ce projet de loi est de fait une réglementation sur l'essence, il faudra premièrement transformer le Bureau de la concurrence en une agence de réglementation. Cette agence devra répondre à toutes les questions et toutes les définitions qui sont dans ce projet de loi.
• 1140
Mais le point le plus important, c'est que nous soutenons que la
réglementation des prix est du domaine provincial. La preuve, c'est
que certaines provinces ont déjà réglementé les prix. Jusqu'en 1991,
la Nouvelle-Écosse réglementait les prix, bien qu'elle ne le fasse
plus. Au cours des 12 derniers mois, l'Ontario, la
Colombie-Britannique, Terre-Neuve et le Nouveau-Brunswick ont étudié
les prix et décidé de ne pas les réglementer, comme l'ont annoncé
leurs ministres responsables. Par contre, le Québec a décidé de se
doter d'une réglementation qui, dans sa forme actuelle, laisse le
marché de gros agir à l'échelle internationale, permet la concurrence
au niveau du détail et fixe une référence. Des audiences se
poursuivent aujourd'hui même sur l'inclusion ou la non-inclusion d'une
marge. Ce que j'essaie de faire valoir ici, c'est que certaines
provinces ont décidé de réglementer les prix, tandis que d'autres ne
l'ont pas fait.
En conclusion, nous croyons qu'en plus de pénaliser les consommateurs, le projet de loi C-235 imposerait des règlements aux provinces, dont la majorité n'en veulent certainement pas. Le projet de loi est discriminatoire. Pourquoi s'appliquerait-il à l'industrie intégrée et non pas à toutes les industries? Par exemple, si vous me permettez de faire allusion à une situation qui se passe au moment où on se parle en Colombie-Britannique, pourquoi la chaîne Loblaws Superstores pourrait-elle jouer avec ses prix au détail et offrir des prix inférieurs à son prix d'achat sans que nous puissions y répondre? Comment va-t-on répondre à la concurrence qui sera faite par les indépendants?
Comme dernier élément de conclusion, j'ai souvent entendu dire que la Loi sur la concurrence n'avait aucune force ou, comme on le dit en anglais,
[Traduction]
la Loi sur la concurrence est impuissante.
[Français]
Je vous soumettrai respectueusement que si aucun crime n'est commis, il n'y a rien à trouver. Si les enquêtes qu'ont menées le bureau et les provinces n'ont rien trouvé ou si, au contraire, elles ont démontré que la concurrence existait mais qu'il n'y avait pas collusion ou conspiration, c'est que le marché fonctionne bien pour les consommateurs. Merci.
[Traduction]
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Perez. Nous passons maintenant aux questions.
[Français]
Madame Lalonde, est-ce que vous avez des questions?
Mme Francine Lalonde: Je vous ai écouté attentivement, monsieur Perez, et je n'ai pas vraiment saisi le fond de votre argumentation. Je comprends que vous avez soulevé l'aspect constitutionnel, ce qui, soyez-en très certain, préoccupe beaucoup le Bloc québécois. Cet aspect inquiète également M. Blouin. Je sais par ailleurs qu'avec le projet de loi C-54, dont on discutera plus tard, le gouvernement fédéral n'a pas nécessairement de réticence à maintenir des vues divergentes de celles des provinces. Mais il est important de bien comprendre l'objectif du projet de loi de M. McTeague et quelles en sont les conséquences pour vous.
À la lecture de ce projet de loi, il m'apparaît normal et souhaitable que les détaillants indépendants puissent avoir au moins accès au même prix de pétrole que celui que j'obtiens lorsque j'en achète à une station-service qui s'approvisionne auprès d'un fournisseur intégré.
M. Alain Perez: Je n'ai pas soulevé de question constitutionnelle. J'ai plutôt dit que la réglementation des prix était du domaine des provinces puisqu'elles exercent ou n'exercent pas aujourd'hui cette prérogative.
Quant à la question de fond, voici les répercussions des dispositions actuelles du projet de loi C-235. Il prévoit que...
Mme Francine Lalonde: Je vous demandais quelles seront les répercussions de ce projet de loi après qu'on l'aura amendé.
M. Alain Perez: À quel amendement faites-vous allusion?
Mme Francine Lalonde: L'amendement qui est devant nous. Tout le reste est frivole.
M. Alain Perez: Est-ce l'amendement qu'on a vu hier?
Mme Francine Lalonde: Oui.
M. Alain Perez: Ce nouvel amendement ressemble exactement à la loi québécoise, selon laquelle le prix de détail ne peut pas être plus bas que le prix du gros. L'amendement propose, grosso modo, que le prix de gros ne puisse pas être plus élevé que le prix de détail, bien que cette condition ne s'applique qu'aux compagnies intégrées, donc aux raffineurs.
Comme première solution, nous pourrions décider d'arrêter de raffiner, mais cela n'arrivera pas.
Mme Francine Lalonde: Je ne suis pas vraiment d'accord. Il y a deux raffineries dans ma circonscription...
M. Alain Perez: Ce serait possible, mais je vous dis que cela n'arrivera pas.
Comme deuxième possibilité, nous pourrions continuer de raffiner, mais nous arrêterions de conclure des contrats à long terme avec les indépendants. Nous signerions des contrats qui pourraient être interrompus si le prix de détail changeait. Cela provoquerait des réactions.
Notre troisième argument est peut-être le plus important, madame Lalonde. On est en concurrence non seulement avec les indépendants qui sont ici, mais aussi avec ceux que j'ai cités, dont Loblaws, Price Costco, ARCO. C'est un membre de l'Institut, mais les raffineurs sont en concurrence avec lui. On est en concurrence avec Cango et les dépanneurs Couche-Tard, qui comptent actuellement plus de gas bars qu'Imperial Oil.
Comment peut-on leur faire concurrence alors qu'ils sont en mesure d'offrir un prix inférieur à un certain niveau et que nous ne pouvons pas le faire? Par exemple, la chaîne Loblaws pourrait offrir un prix de détail égal au prix du gros qu'elle débourse. Donc, rien ne change. Elle pourrait commencer à donner des coupons-rabais sur des aliments pour vous inciter à entrer dans ses magasins, ce qui pourrait représenter pour elle 5 $ ou 10 $. On n'a aucune réponse à cela. Quand nos concurrents agissent ainsi, on continue à baisser les prix de l'essence pour pouvoir offrir un prix équivalent aux consommateurs. Ils reviennent ensuite et remettent les prix là où ils peuvent eux-mêmes vivre et survivre.
Ce projet de loi donnerait à certains indépendants le pouvoir de nous égorger. On devrait probablement alors changer les termes de nos contrats avec les indépendants et stipuler que si le prix devient inférieur à celui de New York, on devra interrompre nos contrats. Ce seront des contrats au jour le jour. Cela existe et c'est légal. Mais ceux qui en subiront les conséquences, ce sont probablement les gens qui étaient à cette table avant moi.
Si vous vouliez étendre l'amendement à tout le monde, sans discrimination, la loi fédérale ferait exactement ce que fait la loi québécoise. Je vous demande alors pourquoi le Parlement fédéral utiliserait la Loi sur la concurrence pour faire ce que des provinces peuvent faire ou peuvent ne pas faire si elles le décident.
La présidente: Madame Lalonde, une dernière question, s'il vous plaît.
Mme Francine Lalonde: Oui. J'aimerais bien entendre la réaction des indépendants à ces propos.
Tout à l'heure, ils nous ont dit qu'au Canada, les marges de bénéfice étaient plus élevées qu'aux États-Unis. Vous semblez soutenir le contraire.
M. Alain Perez: J'étais dans le couloir, mais j'ai cru entendre comprendre qu'ils faisaient allusion aux marges de bénéfice de raffinage. Est-ce exact? Les marges de bénéfice au détail sont inférieures à celles des États-Unis puisqu'en moyenne, depuis 1995, le prix est inférieur. Cela varie de marché en marché.
Nous avons souvent entendu cet argument. M. McTeague nous a souvent dit que la marge de bénéfice au niveau du raffinage servait de subside caché ou déguisé à la marge au détail, qui était pour sa part trop petite. Je vais essayer de vous expliquer le plus clairement possible ce qu'est cette marge puisque c'est une question absolument cruciale. C'est la différence entre le prix du brut et le prix du gros. Le raffineur débourse une somme, il fait ce qu'il a à faire et il peut revendre au prix du gros.
• 1150
Comme vous le savez, nous ne fixons pas le prix du brut; il est fixé
par l'OPEP et les marchés internationaux. Le prix de base nous est
donc donné. Nous fixons le prix du gros à partir du prix de New York.
Si vous pouvez nous démontrer que nous abusons en prenant le prix de
New York et en l'abaissant plus qu'il ne devrait l'être, à ce
moment-là, vous pourrez dire qu'on joue avec ce prix, bien que si nous
le fixions plus haut, vous pourriez dire la même chose. Mais si notre
prix de gros à Montréal, Toronto et Halifax est toujours parallèle au
prix de New York, cela veut dire que la marge de raffinage est définie
par le brut, par l'OPEP, par le prix de gros de New York, et c'est ce
qu'il y a entre les deux. On subit la marge de raffinage; on ne la
détermine pas.
Mme Francine Lalonde: J'aurai besoin de plus amples renseignements, madame la présidente.
Merci beaucoup.
[Traduction]
La présidente: Merci.
Monsieur Bellemare.
[Français]
M. Eugène Bellemare: Nonobstant le coût du pétrole des compagnies majeures, les coûts de production et les prix fixés par le marché de New York dont vous venez de nous parler, est-ce que les compagnies majeures vendent le pétrole au même prix à tout le monde, que ce soit à leurs propres détaillants, aux détaillants du coin, aux indépendants de la trempe d'Olco, de Suny's ou de Mr. Gas, ou à d'autres petits détaillants indépendants?
M. Alain Perez: Non.
M. Eugène Bellemare: Si la réponse est non, n'est-ce pas un peu injuste? Non?
M. Alain Perez: Permettez-moi d'expliquer ces deux réponses négatives.
J'ai répondu un premier non, parce que le prix affiché est le prix à la raffinerie. Si un client vient acheter une certaine quantité, c'est le prix à partir duquel il commencera à négocier avec le raffineur l'ensemble des conditions de l'achat.
Je prendrai l'exemple d'un de nos membres. Si Canadian Tire achète 1,5 milliard de litres par année, il pourra négocier un prix qui est toujours rattaché au rack, mais il bénéficiera d'un petit escompte. Par contre, si un détaillant n'achète que trois camions par année, il obtiendra probablement le prix du rack. Il peut donc y avoir une différence, mais tous ces prix sont basés sur le rack, le prix de gros. Les différences sont attribuables aux escomptes consentis aux très, très gros acheteurs.
M. Eugène Bellemare: Mais ne risquez-vous pas de ruiner le petit indépendant, le détaillant du coin, s'il paie plus qu'Esso ou Shell? Ne l'égorgez-vous pas? Il ne pourra jamais faire concurrence à votre propre détaillant.
M. Alain Perez: Monsieur Bellemare, le vrai petit indépendant, qui exploite une station-service ou deux, n'achète pas chez nous. Il achète chez les membres d'IRGMA, soit chez Olco, MacEwan ou Drummond. Il achète chez des gens qui s'approvisionnent chez nous.
Nos clients servent de fournisseurs à une deuxième série d'indépendants qui sont les tout petits indépendants. Certains d'eux ont leur marque et d'autres pas. Il y a deux niveaux de distribution. Les indépendants qui achètent chez nous revendent très souvent à d'autres indépendants, qui sont leurs détaillants ou qui portent d'autres marques. Ceux qui n'ont qu'une seule station-service ne viennent pas acheter chez nous.
M. Eugène Bellemare: Madame la présidente, si j'ai droit à une dernière question, j'aimerais la céder à mon collègue McTeague.
La présidente: Oui.
[Traduction]
M. Dan McTeague: Monsieur Perez, vous venez de dire que vous ne vendiez pas directement aux petits indépendants. Pourriez-vous alors m'expliquer pourquoi nous voyons des camions de Sunoco dans les stations d'essence Pioneer; pourquoi, par exemple, nous voyons des indépendants recevoir de l'essence directement d'entreprises comme Ultramar, au Québec? Déclarez-vous au comité que parce qu'une personne n'a qu'une ou deux stations-service, aucune grande pétrolière ne lui vendra d'essence, sinon par un intermédiaire? Dites-vous que c'est comme ça, quelles que soient les circonstances?
M. Alain Perez: Non, je dis que pour les toutes petites entreprises, qui ne comptent habituellement qu'une station-service, l'approvisionnement se fait habituellement par un intermédiaire.
M. Dan McTeague: Vous parlez de leur approvisionnement normal, mais ce genre de chose se produit.
M. Alain Perez: Vous avez parlé du cas de Pioneer, qui a un volume de vente de plus d'un demi-milliard de litres.
M. Don McTeague: Je m'excuse, mais qui est propriétaire de Pioneer?
M. Alain Perez: C'est Pioneer, mais Sunoco a une participation dans Pioneer.
M. Don McTeague: Et dans Beaver? Est-ce que Pioneer ou Beaver appartiennent à une grande pétrolière?
M. Alain Perez: Appartiennent? Non.
M. Dan McTeague: Permettez-moi une question plus précise, parce que vous avez fait diverses déclarations.
La présidente: Votre dernière question, monsieur McTeague.
M. Dan McTeague: Vous avez mentionné qu'il y avait beaucoup de concurrence, malgré le fait, comme je le disais hier, que le Comité spécial sur les prix de l'essence, de l'Assemblée législative du Nouveau-Brunswick, a constaté qu'il y avait un problème qu'il n'y avait pas de concurrence. J'aimerais certainement qu'on aille au fond des choses, au sujet de ce qu'a dit ce Comité spécial, puisqu'il est clair que vous avez déformé sa position.
Une chose plus importante: les membres de l'ICP sont dans des villes comme Montréal, Toronto et d'autres grands centres et j'aimerais que vous me disiez quel volume ou quel pourcentage du volume de vente vos membres contrôlent dans ces villes, si vous le voulez bien.
M. Alain Perez: Vous voulez dire dans les grandes villes?
M. Dan McTeague: Je parle de Toronto et de Montréal.
M. Alain Perez: Donnez-moi 10 secondes pour vous offrir une approximation. Au sujet du Nouveau-Brunswick, je ne pense pas avoir déformé les faits. Ma citation est tirée du communiqué de presse du 25 février 1999 du vice-premier ministre, M. Doug Tyler: «nous en sommes arrivés à la conclusion que les consommateurs du Nouveau-Brunswick sont mieux servis par des prix plus transparents que par une réglementation gouvernementale accrue.» Il a dit ensuite: «nous avons examiné plusieurs types de réglementation des prix présentement en place «...» et nous en sommes venus à la conclusion qu'ils ne procurent pas des prix plus bas aux consommateurs.»
M. Dan McTeague: C'est comparer des choses incomparables.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur McTeague.
M. Dan McTeague: Pouvez-vous répondre à ma question au sujet du volume, s'il vous plaît?
M. Alain Perez: Je dirais que dans ces villes, approximativement, les grandes pétrolières contrôlent, avec leurs points de vente, la moitié du volume des ventes.
La présidente: Merci.
M. Alain Perez: Je parle de leurs propres points de vente. Pour ce qui est de leurs produits, leur part du marché peut atteindre 75 p. 100 ou 80 p. 100, même plus.
M. Dan McTeague: Des affiliés. Bien.
La présidente: Merci à vous deux.
M. Yves Bériault (associé, McCarthy-Tetrault): Il n'a pas parlé des affiliés, je m'excuse; il a parlé de leurs marques de commerce. Il s'agit de stations indépendantes qui ont une marque.
M. Dan McTeague: Il vient de dire que Beaver et Pioneer sont en fait contrôlés par les grandes pétrolières...
La présidente: Monsieur McTeague.
M. Dan McTeague: ... et qu'elles sont par conséquent des sociétés affiliées, monsieur Bériault.
La présidente: Monsieur McTeague.
M. Dan McTeague: Merci, madame la présidente.
La présidente: Vous avez droit à votre propre interprétation. Mais ne faites pas dire à nos témoins ce qu'ils n'ont pas dit.
[Français]
Monsieur Dubé, s'il vous plaît.
M. Antoine Dubé: Je suis particulièrement intéressé par ce projet de loi. Il y a une grande raffinerie dans mon comté, Ultramar, qui semble être l'une des plus performantes en Amérique du Nord. En même temps, beaucoup d'indépendants existent aussi chez nous et, dans mon esprit, ils ont le droit de vivre. Vous dites d'ailleurs dans votre mémoire qu'il est bon qu'il y ait une concurrence et que ces compagnies jouent un bon rôle. Une loi québécoise a été adoptée en 1996 et sa deuxième partie fait l'objet actuellement de discussions à la régie. En vertu des critères que vous définissez, nonobstant l'aspect constitutionnel ou juridictionnel, seulement du point de vue du contenu, êtes-vous mal à l'aise devant l'article 45.1 de la loi québécoise, et pourquoi?
M. Alain Perez: Oui, et ce sont des points que nous avons développés devant la Régie de l'énergie au Québec, au cours des 15 mois qu'ont duré les audiences, qui ne sont toujours pas terminées. Nous avons basé notre argumentation sur deux choses. D'abord, il y a l'impact sur les consommateurs si on ajoute une marge au prix de base. Notre position était appuyées par le Club automobile du Québec, les chambres de commerce, l'Association des hôteliers du Québec, l'Association des camionneurs du Québec, enfin tous les utilisateurs d'essence, et par tous les médias, y compris Le Devoir et La Presse.
• 1200
Je reviens à l'exemple de Loblaws. Il y a une nouvelle catégorie
d'indépendants qui sont en train de prendre la plus grande partie du
segment de marché des indépendants. Ce sont nos concurrents
d'aujourd'hui et surtout ceux de demain dans le cas du Québec. Ils
sont là, ils s'installent. Quand vous établissez une marge, vous leur
donnez la possibilité de rester toujours à ce prix-là parce que leurs
coûts sont plus bas que la marge que vous leur donnez. Là où le
gouvernement pense instaurer un prix minimum, il instaure en réalité
un prix maximum. Quand ce prix sera en vigueur, tout le monde en
souffrira. Le jeu de la concurrence, qui irrite tellement les
consommateurs parce que les prix montent et descendent constamment,
est que si un concurrent a des pratiques déraisonnables, il en subit
les conséquences sur le marché et le marché s'adapte. Si vous enlevez
la soupape de sécurité et qu'il n'y a plus de conséquences
déraisonnables sur le marché pour ces gens-là, ils vont faire ce
qu'ils voudront parce qu'ils le feront par le biais du cross
merchandising d'autres magasins et ainsi de suite.
Je voudrais aborder un point un peu philosophique. Le grand débat que nous avons avec M. McTeague, avec IRGMA et avec vous aujourd'hui, c'est que vous voyez le problème comme étant celui des grosses compagnies contre de petits indépendants. En réalité, le débat, tel que nous nous le voyons, est celui de la concurrence entre nous. Nous avons beaucoup d'investissements, beaucoup de capitaux et nous devons obtenir un retour sur l'investissement pour demeurer sur le marché contre une nouvelle catégorie d'indépendants. Cette situation est également survenue dans le secteur de l'électronique, comme elle est survenue dans le secteur des fruits et légumes. Ces personnes sont meilleures que nous au niveau du marketing et ont des coûts plus bas que les nôtres. Si nous ne sommes pas aussi bons qu'eux, c'est nous qui allons disparaître.
Dans cette bataille, il y a des gens qui sont au milieu et qui sont mal pris. Cela, je le reconnais. Ce n'est toutefois pas en changeant la Loi sur la concurrence que l'on va régler leurs problèmes. Il y a d'autres façons de les régler.
La présidente: Une dernière question, s'il vous plaît, monsieur Dubé.
M. Antoine Dubé: Il existe d'autres provinces qui ont décidé de réglementer à cet égard. Dans quelle mesure êtes-vous capables de vivre avec de tels règlements qui, je présume, existent ailleurs?
M. Alain Perez: Il n'y a qu'une seule province qui a, à l'heure actuelle, une réglementation sur l'essence, et c'est l'Île-du-Prince-Édouard. Celle-ci a été établie avant la Loi 50 au Québec. Pour ce qui est de l'Île-du-Prince-Édouard, je vais reprendre ce que disait M. Doug Tyler, du Nouveau-Brunswick: les prix comparables sont 2,5 ¢ plus élevés qu'ils le seraient ailleurs. C'est la seule province. Toutes les autres ont décidé, en 1998 et 1999, de ne pas réglementer.
[Traduction]
La présidente: Bien. Merci beaucoup, monsieur Dubé.
Monsieur Peric, s'il vous plaît.
M. Janko Peric (Cambridge, Lib.): Merci, madame la présidente.
Monsieur Perez, si je résume vos déclarations d'aujourd'hui et celles que vous avez faites il y a environ un an et demi, puis celles des groupes qui vous ont précédé, outre ce que je vois dans ma propre collectivité, j'ai l'impression que vous induisez le comité en erreur.
Comme vous, je dirais que vous modernisez les stations service. Les quatre grandes pétrolières sont en croissance, toujours et plus. En revanche, il y a de moins en moins d'indépendants dans ma collectivité. Vous avez dit que le secteur des indépendants était en croissance. Je peux présumer qu'il y a de plus en plus de stations-service indépendantes, mais je n'en suis pas sûr. Parlez-vous du Canada ou des États-Unis? Si vous parlez des États-Unis, alors je suis d'accord avec vous.
Voici ma question: les raffineurs canadiens sont-ils en concurrence les uns avec les autres au niveau du gros, oui ou non?
M. Alain Perez: Je m'excuse: vous demandez si les raffineurs canadiens sont en concurrence pour le prix du gros?
M. Janko Peric: Oui.
M. Alain Perez: Oui, ils le sont.
M. Janko Peric: Entre eux?
M. Alain Perez: Oh, oui.
M. Janko Peric: Vraiment?
M. Alain Perez: Vraiment.
M. Janko Peric: Bien. Alors dites-moi comment il se fait que le prix du brut est passé de 26 $ à 11 $ au cours des 30 dernières années...
M. Alain Perez: Il est passé de 25 $ à 9,50 $...
M. Janko Peric: Bien, à 9,50 $.
M. Alain Perez: ... et il est maintenant de retour à 15 $.
M. Janko Peric: Alors je me suis trompé, je le regrette. Mais que veut dire 50 p. 100? Je n'ai pas vu le prix à la pompe baisser de 50 p. 100.
M. Alain Perez: Oui, 50 p. 100. Bien sûr. C'est parce que les taxes représentent 50 p. 100 du prix. Si vous achetez de l'essence à 55c., vous payez aux deux paliers de gouvernement 28,5c. de taxes. Notre part de ce prix n'est que de 22 ou 23c. Cette part a baissé de moitié, comme vous le disiez.
M. Janko Peric: Cette partie du prix a baissé de 50 p. 100?
M. Alain Perez: En fait, elle a baissé encore davantage. Prenons un prix simple. Disons 50c. De cette somme, il y a 25c. de taxes. Il reste donc 25c. De ce 25c., le prix du brut était de 20c., et il est revenu à 15c. L'incidence du prix du brut n'était donc que de 5 ou 6c., par rapport au prix à la pompe, pour cette période.
M. Janko Peric: C'est très intéressant.
L'automne dernier, je crois qu'on m'a dit que les profits de Petro-Canada s'élevaient à 360 millions de dollars. Laissez-moi vous dire une chose. Sur un coin de rue, à Cambridge, il y avait trois stations-service: une indépendante, une de Petro-Canada et une d'Esso, je crois. Il y a maintenant deux Petro-Canada, et la station indépendante a disparu. Avez-vous un commentaire à ce sujet? C'est ma dernière question.
M. Alain Perez: Je peux vous dire que nous avons fermé 4 000 stations-service, et qu'on pourrait dire que 4 000 stations d'essence affiliées ont disparu. Beaucoup de celles qui ont disparu appartenaient à des détaillants. La demande a baissé de 30 p. 100 depuis les années 80. Des stations-service ont disparu, mais pour chaque station qui disparaît, il semble en naître une autre. La part totale des indépendants, qui sont tous des non-raffineurs, est passée à 23 p. 100, alors qu'elle était de 15 p. 100 ou de 16 p. 100. Ce sont les chiffres de Ressources naturelles Canada et non les miens.
M. Janko Peric: Ce que je vois, monsieur, ce sont les chiffres dans ma circonscription.
M. Alain Perez: Je comprends l'importance pour vous de votre circonscription et je suis convaincu qu'il y a des différences importantes, d'une circonscription à l'autre. Si vous étiez à Toronto, vous verriez que la concurrence là se fait en fonction d'une marge de profit de 3c.; les prix sont donc faibles. Si votre circonscription est Sioux Lookout ou Sault Ste. Marie, les marges de profit sont de 8c., parce que vous avez davantage de petites stations-service qui ont besoin de cette marge de profit pour survivre. Les choses diffèrent, d'une circonscription à l'autre. Je suis convaincu que des détaillants ont dû fermer leurs portes dans votre circonscription, il fallait s'y attendre, avec une baisse de 30 p. 100 de la demande.
M. Janko Peric: Merci, madame la présidente.
La présidente: Merci beaucoup.
Madame Lalonde, s'il vous plaît, puis M. Keyes.
[Français]
Mme Francine Lalonde: J'aimerais avoir vos commentaires sur une question qui a été soulevée par les détaillants indépendants.
Même si dans les stations-services de Toronto, le volume moyen est le double de celui de la région de Montréal, il reste que la marge au détail est la même, à 10 ¢ près. À Montréal, elle est un peu inférieure, se situant à 3,50 $, alors qu'à Toronto elle est à 3,60 $.
J'ai entendu les détaillants indépendants de Montréal dire que ceci était lié au fait que les détaillants indépendants au Québec pouvaient importer et que cela contribuait à une concurrence qui vous aidait à maintenir des prix du gros plus près des prix internationaux.
M. Alain Perez: Est-ce que vous me permettez de vous montrer un tableau?
Mme Francine Lalonde: Oui, je veux comprendre.
[Traduction]
M. Alain Perez: Bill peut vous montrer le tableau des marges de profit dans chaque ville au Canada.
Ce tableau va vous montrer que la marge à Toronto est de 2 ¢ plus basse qu'à Montréal.
Mme Francine Lalonde: Mais les chiffres que j'ai viennent d'Ervin and Associates.
M. Alain Perez: Ce sont les mêmes que j'ai.
Mme Francine Lalonde: Donc, à Toronto, c'était 3,60 $ en 1998 par rapport à 3,50 $ à Montréal, même si le volume est le double à Toronto. Cela irait à l'encontre de l'argument que vous donnez, à savoir que si le volume était plus grand, ce serait préférable pour les consommateurs.
M. Alain Perez: Oui, c'est cela.
Mme Francine Lalonde: Mais ce n'est pas le cas maintenant.
M. Alain Perez: Je comprends, mais c'est peut-être février 1998 ou le 15 mars 1998. Ervin a fait l'étude dont vous parlez, madame Lalonde, sur une période de 10 ans. Les chiffres qu'elle a produits démontrent qu'à Toronto, les marges sont 2 ¢ plus basses qu'à Montréal. La raison en est très simple.
[Traduction]
Vous savez de quel tableau je parle. L'avez-vous?
M. Brendan Hawley (Institut canadien des produits pétroliers): Oui.
[Français]
M. Alain Perez: Ce graphique va répondre à votre question pour Montréal, Toronto, Gaspé et toutes les villes canadiennes. Plus le marché est petit ou plus il y a de participants dans ce marché, plus la marge augmente. La raison en est qu'il faut...
Mme Francine Lalonde: C'est cela qu'on pourrait penser, mais les chiffres disent le contraire.
M. Alain Perez: Mais vous pouvez lire ce qu'il y a là.
Mme Francine Lalonde: Malgré mes lentilles cornéennes, je ne vois pas.
[Traduction]
M. Alain Perez: Pouvez-vous faire la mise au point, s'il vous plaît?
La présidente: Ce n'est pas dans le mémoire?
M. Alain Perez: Non, ce n'est pas dans le mémoire.
La présidente: Ah non? Désolée.
M. Alain Perez: Voici Toronto, puis Montréal. C'est une étude sur dix ans. Voici les chiffres pour Gaspé. On voit que les détaillants à Gaspé ont besoin de cette marge de manoeuvre pour survivre, puisqu'ils vendent en moyenne 1,5 million de litres.
[Français]
La réponse, madame Lalonde, est qu'à Toronto, la station moyenne vend cinq millions de litres. À Montréal, elle en vend trois millions.
[Traduction]
La présidente: Madame Lalonde, les attachés de recherche me disent que cette étude est peut-être disponible sur le site Web d'Industrie Canada. Si vous le voulez, nous pourrons faire la recherche plus tard.
[Français]
Mme Francine Lalonde: Je suis enchantée de savoir cela, mais il y a tellement de documents sur le site d'Industrie Canada.
Quel est le chiffre en haut? Je ne vois pas très bien. Est-ce 1985 ou 1995?
M. Alain Perez: Ce que vous avez, madame...
Mme Francine Lalonde: C'est 1995.
M. Alain Perez: Non. C'est toute l'étude qui s'est terminée en 1995. Il me fera plaisir de vous envoyer un document relatant 20 ans d'histoire des prix à Montréal et à Toronto.
Mme Francine Lalonde: Oui, mais on peut faire dire ce qu'on veut aux chiffres et aux analyses. On dit en français: garbage in, garbage out. Donc, ce chiffre-ci est pour 1998 et pour toute l'année.
M. Alain Perez: Je suis d'accord avec vos interlocuteurs. Les importateurs sont un maillon important de la chaîne concurrentielle. Ce que j'ai dit au début de ma présentation, c'est que si le projet de loi C-235 reste dans sa version originale, les importateurs ne survivront pas un mois. Comme ils sont représentés ici, j'aimerais entendre...
Mme Francine Lalonde: Mais ce qui est devant nous n'est pas la version originale; c'est la version anglaise.
M. Alain Perez: Oui.
Mme Francine Lalonde: C'est pour cela que je voulais avoir votre avis.
M. Alain Perez: Six mois.
Mme Francine Lalonde: Qu'est-ce que vous dites à propos de six mois?
M. Alain Perez: La version amendée met tous les indépendants à la merci des merchandisers à grande échelle. Le défi que je lancerais à mes amis indépendants serait de m'expliquer comment ils vont survivre avec une loi qui donne une marge garantie à Loblaws et aux autres, aux Américains ou à ARCO, qui leur permet donc de jouer à ce niveau et qui nous empêche de leur répondre au niveau concurrentiel.
Mme Francine Lalonde: Juste une petite question.
[Traduction]
La présidente: Madame Lalonde, je suis désolée, mais il faut passer au suivant.
Monsieur Perez, si vous décidez de nous envoyer quelque chose, vous pouvez l'envoyer à la greffière qui en distribuera des copies à tous les membres du comité.
M. Alain Perez: Volontiers.
La présidente: En dernier, monsieur Keyes.
M. Stan Keyes: Le dernier, mais non le moindre. Merci, madame la présidente.
La présidente: Je n'ai pas dit le moindre, j'ai dit le dernier.
M. Stan Keyes: Je me demande, monsieur, si vous êtes au courant des conclusions du comité spécial du Nouveau-Brunswick, selon lequel les prix discriminatoires pratiqués par des entreprises de raffinage risquent d'éliminer du marché les quelques entreprises indépendantes qui existent effectivement; qu'un climat favorable à la présence d'entreprises indépendantes et à la concurrence sur le marché du gros et du détail serait souhaitable pour les consommateurs et les consommatrices; que le maintien de la concurrence à tous les niveaux de l'industrie est la clé pour protéger les consommateurs et les consommatrices; et qu'un modèle de cadre législatif offrant un recours civil offrirait davantage de protection aux consommateurs et consommatrices.
M. Alain Perez: Je suis parfaitement au courant et...
M. Stan Keyes: Si vous êtes au courant, et si vous savez que le gouvernement du Nouveau-Brunswick est à préparer une loi pour interdire la vente à un prix inférieur au coût d'approvisionnement dans cette province, pourquoi diriez-vous...
M. Alain Perez: Ce n'est pas le cas. Le gouvernement du Nouveau-Brunswick a répondu au comité spécial en février 1999. Le premier ministre, le vice-premier ministre et tout le Cabinet ont rendu une décision, que je connais si bien que je peux citer le communiqué de presse.
M. Stan Keyes: Très bien, vous parlez du ministre et du gouvernement, mais vous avez dit dans votre exposé—et M. Bériault peut bien rire, mais c'était dans l'exposé de votre associé qu'on l'a dit—que le comité spécial du premier ministre—non pas le ministre ni le gouvernement, mais le comité spécial—disait que le marché de l'essence fonctionnait à l'avantage des consommateurs. C'est ce qu'aurait dit son rapport; ce n'est pas vrai. Le comité spécial du Nouveau-Brunswick a dit ces autres choses, que je viens de vous citer, et je propose que notre comité reçoive copie du rapport du Comité spécial, afin que nous le comprenions mieux.
Ne nous mêlons pas. Le gouvernement peut avoir dit une chose, mais le comité dit quelque chose de bien différent. Vous dites que le comité affirmait que les marchés avantageaient... ce n'est pas tout à fait cela. Il ne l'a pas affirmé.
M. Alain Perez: Nous pourrions considérer l'ensemble du texte et en tirer les extraits qui nous plaisent et dont nous avons besoin, mais je vous dirai...
M. Stan Keyes: En effet, ce qui vous plaît et ce dont vous avez besoin. Je comprends bien ce que vous dites.
M. Alain Perez: Non, je vous dirai que ce que le gouvernement libéral du Nouveau-Brunswick a...
M. Stan Keyes: Bon, ne nous lançons pas dans cette discussion, puisque j'ai lu votre rapport.
M. Alain Perez: Eh bien, c'est le gouvernement qui fait les lois.
M. Stan Keyes: Vous me l'avez lu, en disant que c'était le comité et non le gouvernement. Ce n'est pourtant pas la conclusion du comité, monsieur.
M. Alain Perez: Je peux me tromper au sujet des détails, mais pas dans les fondements de ma réflexion.
M. Stan Keyes: Malheureusement, les fondements sont erronés, et ici, nous devons nous fonder sur ce que nous avons et non sur des interprétations ou des affirmations choisies.
De toute façon, j'aimerais vous poser encore quelques questions, si j'ai assez de temps. Madame la présidente, vous pouvez m'interrompre quand j'aurai épuisé le temps qui m'est imparti.
Dans la préparation de votre rapport, parmi les affiliés, vous citez Pioneer, Beaver, Tempo et UPI, comme des indépendants, n'est-ce pas?
M. Alain Perez: Eh bien, nous avons certainement dit que Pioneer était un indépendant, en effet.
M. Stan Keyes: Et Tempo, et Mohawk?
M. Alain Perez: Je ne sais pas de qui il s'agit.
Une voix: Vous les mentionnez pourtant.
M. Stan Keyes: C'est ce que vous avez dit plus tôt. Nous les avons écrits, mais...
M. Alain Perez: Je ne connais pas Tempo.
La présidente: Dernière question, s'il vous plaît, monsieur Keyes.
Une voix: [Note de la rédaction: Inaudible]... quand le comité spécial du Nouveau-Brunswick a déposé cette position.
M. Stan Keyes: Oui, je sais. Je vais me procurer le rapport intégral.
Je vais immédiatement revenir au commun dénominateur de nos témoins précédents, madame la présidente. Ils affirmaient être des détaillants d'essence indépendants. Ils achètent une citerne d'essence pour... disons 45c., par exemple. Sur la même rue, l'entreprise à laquelle ils l'ont achetée vend son essence à 42c. Comprenez-vous qu'il y a là un problème?
M. Alain Perez: Si c'était le cas, il y aurait un problème que ce projet de loi sur la concurrence chercherait à résoudre.
Vous allez me citer...
M. Stan Keyes: Eh bien, c'est justement ce dont nous parlons aujourd'hui: ce projet de loi sur la concurrence ne réglera pas le problème. Voilà pourquoi nous sommes saisis de ce projet de loi d'initiative parlementaire: il nous faut déterminer si le Bureau de la concurrence a ou non les outils nécessaires. Jusqu'ici, vous comme les autres témoins, avez prouvé que le Bureau n'avait pas les outils nécessaires.
Merci, madame la présidente.
M. Alain Perez: Le gouvernement et le Parlement ont certainement le pouvoir de réglementer sur les prix. Tout ce que je peux vous dire, c'est que le prix pour les consommateurs augmenteront. Sept provinces ont tiré la même conclusion. Ce ne serait pas une bonne chose, économiquement. Ni politiquement, à mon avis. Mais c'est au comité de décider.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Perez. Je vous remercie d'être venu comme témoin. Je sais que vous...
M. Stan Keyes: J'invoque le Règlement, madame la présidente.
La présidente: Dans une seconde, je parlerai du projet de loi. Vous invoquez le Règlement, monsieur Keyes.
M. Stan Keyes: Je veux simplement présenter au comité le rapport final du comité spécial du Nouveau-Brunswick, dont nous devrions tous avoir copie. Il serait utile parce que...
La présidente: Si vous le remettez à la greffière, nous nous en occuperons. Est-il complètement bilingue, monsieur Keyes?
M. Stan Keyes: Non, je n'ai pas d'exemplaire bilingue.
La présidente: Voulez-vous remettre la version bilingue à la greffière, s'il vous plaît?
M. Stan Keyes: Peut-être que la greffière pourrait s'en procurer une pour nous à l'Assemblée législative du Nouveau-Brunswick.
La présidente: Elle peut essayer de le faire mais il serait peut-être plus facile que vous vous en occupiez vous-même. Cela dit, vous déposez le rapport.
Je tiens à remercier M. Perez et ses collaborateurs d'être venus témoigner aujourd'hui.
Il faut dire que les amendements n'ont été déposés qu'hier. Je sais donc que vous n'avez pu les parcourir que depuis hier. Je vous saurais gré de bien vouloir me faire parvenir vos commentaires sur les amendements proposés, par écrit, d'ici le lundi 12 avril si cela vous convient.
Je voudrais aussi que les membres du comité sachent que nous allons devoir voter sur une motion pour revenir à l'ordre du jour. Le vote aura lieu dans une vingtaine de minutes—et c'est une sonnerie de 30 minutes—après quoi nous reviendrons ici pour faire l'étude article par article.
Nous allons donc suspendre nos travaux de nouveau et nous les reprendrons après le vote. Je remercie encore nos témoins.
La présidente: Nous allons reprendre nos délibérations.
Monsieur Lastewka.
M. Walt Lastewka: Je voulais tout simplement signaler que j'avais cru comprendre que M. Dubé serait ici aujourd'hui après l'interrogation des témoins. Je constate qu'il n'est pas ici quoique les adjointes des bloquistes sont présents. La greffière pourrait-elle nous dire ce que dit le Règlement à ce sujet?
La présidente: Le paragraphe 118(1) du Règlement prévoit que la majorité des membres d'un comité permanent constitue le quorum.
M. Walt Lastewka: Et je souhaite la bienvenue à M. Jones.
La présidente: En effet, nous souhaitons la bienvenue à M. Jones. Je dois vous dire que j'ai parlé aux représentants de chacun des partis pendant le vote et que je leur ai signalé que nous avions prévu revenir immédiatement après le vote. Vers 13 h 10, nous étions tous ici et nous sommes donc prêts à commencer.
La présidente: Nous en sommes à l'amendement G-27. C'est un amendement de Mme Jennings. La discussion est-elle terminée?
(L'amendement est adopté—Voir Procès-verbaux)
(L'article 28—Infraction et peine)
La présidente: Monsieur Jones, vous voulez présenter l'amendement PC-14 n'est-ce pas?
M. Jim Jones: Je le retire.
La présidente: Monsieur Lastewka, proposez-vous l'amendement G-28?
M. Walt Lastewka: Oui.
La présidente: Veut-on en parler?
M. Stan Keyes: Non.
(L'amendement est adopté—Voir Procès-verbaux)
(L'article 28 modifié est adopté)
La présidente: Je pense que l'amendement LIB-4 est celui de M. Shepherd.
Mme Marlene Jennings: Non, c'est le mien et je le retire.
La présidente: Vous retirez celui-là.
(L'article 29—Examen par un comité parlementaire)
La présidente: Monsieur Lastewka, sur l'amendement G-29.
M. Walt Lastewka: Madame la présidente, je propose cet amendement.
(L'amendement est adopté—Voir Procès-verbaux)
La présidente: Monsieur Jones, l'amendement PC-15.
M. Jim Jones: Oui, je propose cet amendement.
La présidente: Excusez-moi monsieur Jones. Nous venons de modifier l'article 29, de telle sorte que vous ne pouvez pas proposer votre amendement. Le greffier à la procédure vient de m'en informer.
M. Jim Jones: Quelle ligne a-t-on changé à l'article 29?
La présidente: Il s'agissait de l'amendement G-29. Nous venons de l'adopter.
Monsieur Lastewka, pouvez-vous donner des explications?
M. Walt Lastewka: Monsieur Jones, cet amendement porte sur un examen quinquennal automatique. Je pense que votre amendement prévoyait que cet examen se fasse à intervalle plus court mais il faut bien dire que nombre de parties de ce projet de loi n'entreront pas en vigueur avant trois ans. Il s'agit ici de voir comment les choses se déroulent et de revoir la situation automatiquement tous les cinq ans.
M. Jim Jones: Mon amendement portait surtout sur les éventuels changements technologiques, et il visait à synchroniser l'examen avec celui des provinces.
M. Walt Lastewka: Mais cela signifierait aussi un examen au bout de trois ans d'application. Dans l'état actuel des choses, l'examen aura lieu au bout de cinq ans, c'est-à-dire après la date-butoir de trois ans. Alors, lors de cet examen quinquennal, nous pourrons déterminer si l'écart devrait être ramené à trois ans.
M. Jim Jones: Autrement dit, le premier examen qu'on fera de cette loi aura lieu dans huit ans?
M. Walt Lastewka: Non, dans cinq ans.
M. Jim Jones: Quoi qu'il arrive?
M. Walt Lastewka: C'est cela, cela nous donnera deux ans d'expérience...
La présidente: Une précision, monsieur Lastewka. Nous avons changé les choses de telle sorte que si l'on modifie l'annexe 1, il faudra que le Parlement adopte une loi. Ainsi, nous pourrons reprendre la discussion avant que cinq années ne se soient écoulées si pour une raison quelconque, le code CSA est modifié et que cela s'impose. Nous en avons parlé au moment où nous avons rédigé cet amendement.
M. Walt Lastewka: C'est juste.
(L'article 29 modifié est adopté)
(L'article 30—Application)
La présidente: Monsieur Lastewka, l'amendement G-30.
M. Walt Lastewka: Madame la présidente, je propose l'amendement G-30.
(L'amendement est adopté—Voir Procès-verbaux)
(L'article 30 modifié est adopté)
(L'article 31—Définitions)
La présidente: Monsieur Lastewka, l'amendement G-30.1.
M. Walt Lastewka: Je propose cet amendement, madame la présidente.
(L'amendement est adopté—Voir Procès-verbaux)
La présidente: Nous passons maintenant à l'amendement G-30.2. Monsieur Lastewka.
M. Walt Lastewka: Je propose cet amendement, madame la présidente.
(L'amendement est adopté—Voir Procès-verbaux)
(L'article 31 modifié est adopté)
La présidente: Je propose que nous votions sur les articles 32 à 55 inclusivement. Personne n'a proposé d'amendement à ces articles.
(Les articles 32 à 55 inclusivement sont adoptés)
(L'article 56)
La présidente: Nous passons à l'amendement G-31. Monsieur Lastewka.
M. Walt Lastewka: Je propose cet amendement, madame la présidente.
La présidente: Y a-t-il lieu d'en discuter?
(L'amendement est adopté—Voir Procès-verbaux)
La présidente: Monsieur Lastewka, l'amendement G-32.
M. Walt Lastewka: Je propose cet amendement, madame la présidente.
(L'amendement est adopté—Voir Procès-verbaux)
La présidente: Monsieur Lastewka, l'amendement G-32.1.
M. Walt Lastewka: Je propose cet amendement, madame la présidente.
(L'amendement est adopté—Voir Procès-verbaux)
La présidente: L'amendement G-32.2., monsieur Lastewka.
M. Walt Lastewka: Je propose cet amendement, madame la présidente.
La présidente: Veut-on en discuter?
(L'amendement est adopté—Voir Procès-verbaux)
La présidente: L'amendement G-33, monsieur Lastewka.
M. Walt Lastewka: Je propose cet amendement, madame la présidente.
(L'amendement est adopté—Voir Procès-verbaux)
(L'article 56 modifié est adopté)
(Les articles 57 à 67 inclusivement sont adoptés)
(L'article 68)
La présidente: Monsieur Lastewka, l'amendement G-34.
M. Walt Lastewka: Je propose cet amendement, madame la présidente.
(L'amendement est adopté—Voir Procès-verbaux)
(L'article 68 modifié est adopté)
(Les articles 69 à 71 inclusivement sont adoptés)
(L'article 7231—Entrée en vigueur)
La présidente: Nous en sommes à l'amendement PC-16. Monsieur Jones.
M. Jim Jones: Je propose cet amendement.
La présidente: Monsieur Jones, voulez-vous parler?
M. Jim Jones: Oui. Il s'agit ici de prévoir une période d'adaptation d'au moins trois ans à l'intention de toutes les organisations canadiennes. En effet, les dispositions du projet de loi C-54 forceront les organismes canadiens à changer la méthode dont ils se servent pour recueillir et utiliser les renseignements personnels. Les organismes doivent donc disposer d'un temps d'adaptation suffisant pour comprendre et mettre en application les nouvelles exigences législatives. La directive de l'Union européenne, dont s'inspire nombre des dispositions législatives que nous adoptons, prévoit une période d'adaptation de trois ans. Nous devrions donc faire preuve de la même courtoisie à l'égard des organisations canadiennes à qui nous demandons de respecter cette nouvelle loi.
La présidente: Monsieur Lastewka.
M. Walt Lastewka: Merci, madame la présidente. Je comprends bien le point de vue de M. Jones. Si nous avons décidé d'avoir recours au code CSA, dont le respect est facultatif, c'était pour parer au plus pressé. Nous constatons que l'amendement de M. Jones retarderait les choses. Nous cherchons à ce que l'entrée en vigueur se fasse dans les plus brefs délais.
La présidente: Monsieur Jones.
M. Jim Jones: Pourquoi ne souhaiterions-nous pas synchroniser nos mesures avec celles de l'Union européenne? Pourquoi imposerions-nous des règles différentes à nos organisations alors que le modèle dont nous nous inspirons en prévoit d'autres?
M. Stan Keyes: Nous sommes au Canada.
La présidente: Madame d'Auray.
Mme Michelle D'Auray (directrice exécutive, groupe de travail sur le commerce électronique, ministère de l'Industrie): Tout d'abord, je tiens à signaler que le code CSA a été adopté et est entré en vigueur en 1996. Ainsi, les sociétés canadiennes en connaissent l'existence et le respectent, de façon facultative depuis un certain temps. Si nos sociétés voulaient respecter volontairement ce code, elles auraient pu commencer dès 1996. Dans la plupart des cas, il ne s'agit pas d'un élément surprise.
Deuxièmement, la directive de l'Union européenne est votée par l'union et ensuite, chaque pays doit adopter sa propre législation. Cela ne se fait pas de façon fédérative. Chaque pays doit prendre ses propres mesures législatives. Voilà pourquoi on a prévu cette période d'adaptation.
Dans ce cas-ci, les dispositions législatives s'appliquent à notre pays, et non pas à plusieurs. Étant donné que le code est en vigueur depuis 1996 et que le projet de loi prévoit une période d'adaptation d'un an, cela devrait suffire, du moins à notre avis, pour que les sociétés et les organisations qui seront régies par ce code puissent faire le nécessaire au cours d'une période de trois ans.
La présidente: Madame Lalonde, vous voulez ajouter quelque chose?
[Français]
Mme Francine Lalonde: J'ai une question. Est-ce que vous avez eu quelque assurance que ce soit que ce projet de loi était conforme aux exigences de la Communauté européenne?
Mme Michelle d'Auray: Nous avons appris de façon officieuse que la loi était conforme. Par contre, la commission ne peut nous donner une réponse officielle avant que ce projet de loi ne devienne effectivement une loi du Canada.
Mme Francine Lalonde: Telle est la connaissance que j'en ai. La loi du Québec donnait cette garantie.
[Traduction]
La présidente: Monsieur Jones.
M. Jim Jones: Vous présumez que tout le monde connaissait l'existence du code dès 1996. Je vous répondrai qu'il y a peut-être beaucoup d'organisations et de sociétés pour lesquelles il n'en était rien. Je voudrais retirer ma motion afin de pouvoir présenter un amendement dans ce sens en troisième lecture, une fois que j'aurai vérifié vos affirmations.
La présidente: Il faut le consentement unanime pour permettre à M. Jones de retirer son amendement.
(L'amendement est retiré)
La présidente: L'article 72 est-il adopté?
[Français]
Mme Francine Lalonde: Un instant. Est-ce qu'on peut le lire?
La présidente: Madame Lalonde.
Mme Francine Lalonde: Avec dissidence, s'il vous plaît. Je n'ai pas eu le temps de le lire.
[Traduction]
(L'article 72 est adopté avec dissidence)
(L'annexe 1 est adopté avec dissidence)
(L'annexe 2 est adopté avec dissidence)
La présidente: L'annexe 3 est-elle adoptée avec dissidence? Madame Lalonde.
[Français]
Mme Francine Lalonde: Pour l'ensemble du projet, madame, je demande tout de suite qu'il y ait un vote par appel nominal.
[Traduction]
La présidente: À l'annexe 3?
[Français]
Mme Francine Lalonde: Non, sur l'ensemble du projet.
[Traduction]
La présidente: D'accord. Vous parlez de l'article 1. Quand je mettrai l'article 1 aux voix, vous voulez un vote par appel nominal, n'est-ce pas?
M. Stan Keyes: C'est cela.
[Français]
Mme Francine Lalonde: C'est ça.
[Traduction]
La présidente: D'accord. Voulez-vous un vote par appel nominal quand je vais demander si le projet de loi est adopté?
[Français]
Mme Francine Lalonde: Oui.
[Traduction]
La présidente: Je n'en suis pas encore là. Soyons patients.
Une voix: D'accord.
(L'article 1 est adopté avec dissidence)
La présidente: Le titre est-il adopté?
Des voix: Adopté.
Une voix: Avec dissidence.
La présidente: Et maintenant vous voulez un vote par appel nominal sur tout le projet de loi, n'est-ce pas?
[Français]
Mme Francine Lalonde: Un vote par appel nominal à la fin. Tout le reste est adopté avec dissidence. Je n'aurai pas besoin de le dire chaque fois.
[Traduction]
La présidente: D'accord.
(Le projet de loi C-235 est adopté par 8 voix contre 2)
La présidente: Puis-je faire rapport du projet de loi modifié à la Chambre?
Des voix: D'accord.
Une voix: Avec dissidence.
La présidente: Le comité doit-il demander la réimpression du projet de loi pour usage à l'étape du rapport?
[Français]
Mme Francine Lalonde: Pardon?
[Traduction]
La présidente: Je demande aux membres du comité s'ils souhaitent que le projet de loi soit réimprimé pour usage à l'étape du rapport. Nous sommes tous d'accord là-dessus, n'est-ce pas?
Mme Francine Lalonde: Avec dissidence.
M. Stan Keyes: Si elle n'aime pas le projet de loi, pourquoi voudrait-elle qu'il soit réimprimé?
Des voix: D'accord.
La présidente: Je tiens à vous remercier tous de votre collaboration. Je tiens à remercier les fonctionnaires de leur présence. Y a-t-il d'autres questions, d'autres remarques?
La séance est levée.