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INDY Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON INDUSTRY

COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 1er décembre 1998

• 1531

[Traduction]

La présidente (Mme Susan Whelan (Essex, Lib.)): La séance est ouverte. Conformément à un ordre de renvoi de la Chambre en date du mardi 3 novembre 1998, nous faisons l'examen du projet de loi C-54, Loi visant à faciliter et promouvoir le commerce électronique en protégeant les renseignements personnels recueillis, utilisés ou communiqués dans certaines circonstances, en prévoyant l'utilisation de moyens électroniques pour communiquer ou enregistrer de l'information et des transactions et en modifiant la Loi sur la preuve au Canada, la preuve sur les textes réglementaire et la Loi sur la révision des lois.

Nous avons aujourd'hui le plaisir d'accueillir le ministre de l'Industrie, l'honorable John Manley.

Je vais mettre l'article 2 aux voix.

Le ministre nous présentera d'abord un exposé sur le projet de loi, puis il est prêt à rester avec nous pour répondre aux questions. Il m'a informée que son exposé est un peu long et s'est dit prêt à rester plus longtemps que l'heure qui lui avait été initialement attribuée. Il restera donc 45 minutes de plus, après son exposé, pour répondre aux questions, si c'est nécessaire.

Cela dit, je laisserai l'honorable ministre présenter son exposé.

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie): Merci beaucoup, madame la présidente.

Permettez-moi d'abord de vous présenter Michelle d'Auray, directrice exécutive du groupe de travail sur le commerce électronique. Elle restera ici, accompagnée d'autres fonctionnaires, pour répondre à vos autres questions après mon départ.

[Français]

Madame la présidente, mesdames et messieurs, je suis heureux de vous parler aujourd'hui du projet de loi C-54, qui porte sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques.

Avant que nous examinions les différents éléments du projet de loi, j'aimerais parler de son contexte afin qu'il soit plus facile d'en comprendre la nature et la portée.

[Traduction]

Le projet de loi C-54 est une des clés de la stratégie générale du Canada en matière de commerce électronique. Il s'agit, en fait, d'un des six volets du programme du gouvernement intitulé «Un Canada branché».

«Un Canada branché» est une stratégie globale qui vise à donner aux Canadiens les outils et les possibilités nécessaires pour tirer avantage de la société mondiale du savoir et pour y réussir. «Un Canada branché» signifie faire en sorte que les Canadiens aient accès à Internet, par le biais de Rescol et du programme d'accès communautaire. Il signifie aussi former des collectivités ingénieuses où toutes les organisations économiques et sociales sont reliées afin de stimuler la croissance et la création d'emplois. Il signifie également que l'on augmentera le contenu canadien en ligne, y compris dans le domaine de la télémédecine et dans celui de l'enseignement à distance. Il signifie que les gouvernements canadiens fassent en sorte que les citoyens aient accès 24 heures sur 24 à des services intégrés en ligne. Il signifie promouvoir l'investissement dans un Canada branché. Enfin, il signifie créer un environnement où le commerce électronique puisse prendre son essor.

Notre objectif en ce qui concerne le commerce électronique est de faire du Canada un chef de file mondial d'ici l'an 2000. J'aimerais penser que d'ici l'an 2000, les entreprises du monde entier qui envisagent une nouvelle application du commerce électronique pensent tout naturellement à vérifier si elles n'existent pas déjà au Canada et constatent qu'elles existent dans la plupart des cas.

• 1535

Pourquoi nous concentrer sur le commerce électronique? Parce qu'il est à l'avant-garde de l'économie mondiale du savoir. Le commerce électronique est mondial, axé sur l'information et efficace sur le plan technologique.

Cette diapositive vous donnera une idée de l'importance qu'aura ce changement. Elle montre qu'il est 720 fois plus rapide et 260 fois moins cher d'envoyer un document de 42 pages d'Ottawa à Tokyo par Internet que par un service de messageries en 24 heures.

J'ai pensé qu'un document de 42 pages était un bon exemple de ce que des bureaucrates d'Ottawa peuvent envoyer à Tokyo.

Le commerce électronique prend rapidement de l'expansion. Par exemple, en 1994, 3 millions de personnes seulement étaient raccordées à Internet. Aujourd'hui, elles sont plus de 100 millions. Le trafic sur Internet double tous les 100 jours. Le commerce électronique sur Internet révolutionne les modes de transaction et il permet aux consommateurs d'avoir accès en permanence à un choix illimité de produits, de services et de fournisseurs.

Le potentiel de croissance du commerce électronique sur Internet est, à tous égards, énorme. Il devrait représenter 653 milliards de dollars canadiens à l'échelle mondiale d'ici 2002, comparé à 50 milliards de dollars aujourd'hui.

Si le Canada fait aussi bien dans le commerce sur Internet que dans d'autres milieux d'échanges, il devrait se tailler une part du marché d'environ 13 milliards de dollars d'ici 2002. Si nous définissons le bon cadre, nous pourrions porter notre part du marché à 33 milliards de dollars canadiens, ce qui créera de nouveaux débouchés et de nouveaux emplois.

[Français]

Pour atteindre notre objectif, nous devons avoir une vision nationale; autrement dit, nous devons ne pas quitter des yeux notre but ultime. Nous devons aussi travailler de concert avec le secteur privé, les consommateurs et tous les paliers de gouvernement. Et comme nous ne sommes pas le seul pays à y penser, nous devons agir rapidement.

Je crois que notre base de départ est solide. Pour que le Canada relève le défi du commerce électronique, il faut agir à l'échelle internationale et internationale. À l'échelle nationale, le secteur privé et les consommateurs seront des moteurs du développement et de la croissance du commerce électronique au Canada, mais les gouvernements ont aussi un rôle clé à jouer. En effet, ils doivent encourager la concurrence, éliminer les obstacles, réduire l'incertitude, favoriser l'innovation et combler les lacunes en matière d'accès et de compétence. C'est pourquoi le premier ministre a annoncé la stratégie canadienne du commerce électronique le 22 septembre 1998. Le commerce électronique ne connaît pas de frontières. Les politiques nationales ne réussissent que dans un cadre international. C'est pourquoi le Canada a accueilli, en octobre, la première conférence ministérielle de l'OCDE sur le commerce électronique.

[Traduction]

Sur le front intérieur, nous avons un programme ambitieux axé sur quatre domaines d'action: instaurer la confiance dans le marché numérique, clarifier les règles du marché, garantir l'accès à une infrastructure de l'information de premier ordre et faire en sorte que les Canadiens profitent des avantages économiques et sociaux que présente le commerce électronique.

Pour instaurer la confiance dans le marché numérique, nous devons nous assurer que les entreprises et les particuliers peuvent réaliser des transactions en toute sécurité. C'est pourquoi nous avons publié, le 1er octobre dernier, notre politique en matière de cryptographie, qui concilie sécurité des transactions, application de la loi et respect des obligations internationales.

Les citoyens doivent savoir que les renseignements personnels qui les concernent sont protégés. C'est pourquoi nous avons déposé, le 1er octobre, le projet de loi C-54, dont nous verrons les dispositions précises dans quelques instants.

• 1540

Enfin, les consommateurs veulent avoir l'assurance que les opérations en ligne bénéficient d'une couverture équivalente aux activités commerciales hors ligne. C'est pourquoi tous les ministres du pays responsables de la consommation définiront un cadre de protection des consommateurs qui établira une norme qui s'appliquera, croyons-nous, à l'échelle mondiale.

En ce qui concerne la fiscalité, les entreprises doivent savoir que les opérations électroniques ne seront pas traitées inéquitablement, ou doublement imposées. Nous nous sommes engagés à appliquer une imposition neutre des opérations électroniques et sur papier. Et nous avons clairement indiqué que les lois et les traitements fiscaux existants s'appliquent, afin de garantir aux entreprises un environnement stable.

Pour clarifier les règles du jeu, nous avons fait en sorte, avec le projet de loi C-54, que les transactions électroniques aient une légalité équivalente à celle des transactions sur papier et que les tribunaux puissent avoir accès à des documents et à des signatures électroniques.

Nous savons que l'économie numérique requiert également des règles pour la protection de la propriété intellectuelle. À cet égard, le Canada a signé les deux derniers traités de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle et il prépare actuellement son calendrier de mise en oeuvre.

À une époque où nous utilisons de plus en plus les transactions électroniques au Canada, nous devons nous assurer que notre infrastructure de l'information est au niveau voulu. C'est pourquoi j'ai annoncé en août dernier que, grâce à CANARIE, le Canada met en place le premier réseau Internet du monde reposant sur la fibre optique, ce qui en fait aussi le plus rapide. Nous élaborons également une carte des normes pour le commerce électronique sur les réseaux ouverts.

Enfin, nous devons faire en sorte que tous les Canadiens puissent profiter de ce nouvel environnement numérique. Par le biais du programme d'accès communautaire, nous fournissons aux petites entreprises les outils dont elles ont besoin pour communiquer avec leurs clients par Internet.

En utilisant son pouvoir d'achat, le gouvernement peut aider à créer un marché des transactions électroniques. Avec le Conseil du Trésor et d'autres ministères, nous mettons en oeuvre une infrastructure à clé publique pangouvernementale. Cela nous permettra d'effectuer des transactions électroniques efficacement et en toute sécurité, au sein du gouvernement et avec nos clients. De plus, nous travaillerons en collaboration avec les entreprises pour accélérer l'adoption d'applications et de solutions relatives au commerce électronique, afin que le Canada puisse devenir un chef de file mondial dans ce domaine.

L'utilisation mondiale du commerce électronique dépendra de la capacité et de la volonté de collaboration des gouvernements nationaux. La coopération est nécessaire pour que les Canadiens aient accès aux marchés internationaux. Je suis donc ravi que le Canada ait accueilli la Conférence ministérielle de l'OCDE sur le commerce électronique, qui a eu lieu à Ottawa, du 7 au 9 octobre 1998. Cette conférence a été une première en ceci qu'elle a réuni trois acteurs clés du commerce électronique mondial, à savoir les gouvernements, les entreprises et les organisations internationales.

Les avantages de cette conférence sont considérables. Nous y avons défini un plan de travail dynamique et nous nous y sommes entendus sur un cadre d'imposition, sur l'élaboration de lignes directrices relativement aux consommateurs, sur des principes qui régiront les signatures électroniques et l'authentification, et sur l'application à Internet des lignes directrices de l'OCDE concernant la protection de la vie privée. La conférence a permis de promouvoir notre stratégie nationale. Nous avons profité de l'occasion pour annoncer des mesures concrètes que nous prenons dans des domaines clés et pour nous positionner en tant que chef de file.

[Français]

À la fin du mois de décembre 1998, le Canada sera un des premiers pays membres du G-7 à avoir énoncé tous les éléments clés de son programme en matière de commerce électronique: nous avons déjà une politique en matière de cryptographie; nous allons publier les lignes directrices relatives aux consommateurs; nous nous sommes engagés à appliquer une imposition neutre; nous avons déposé un projet de loi sur la protection des renseignements personnels; nous avons déposé un projet de loi sur les signatures électroniques; nous avons tracé une carte de normes; et nous aurons une politique relative à l'infrastructure...

[Note de la rédaction: Mot inaudible] ...publique du gouvernement.

Nous serons bien placés pour faire du Canada un chef de file mondial dans le domaine du commerce électronique.

Permettez-moi de passer maintenant au projet de loi que ce comité examine à l'heure actuelle, le projet de loi C-54.

• 1545

[Traduction]

J'espère que vous comprenez maintenant pourquoi ce projet de loi est un élément essentiel de notre programme national et international en matière de commerce électronique. À l'échelle internationale, il permettra au Canada de protéger ses citoyens et les intérêts de ses entreprises dans un contexte mondial, à une époque où les lois des pays européens relatives à la protection de la vie privée pourraient déterminer nos possibilités de transactions commerciales avec ces pays. La directive de l'Union européenne sur la protection de la vie privée, qui est entrée en vigueur le 25 octobre 1998, peut bloquer la circulation de données en provenance du Canada et vers le Canada, si nous ne garantissons pas une protection suffisante des renseignements personnels.

À l'échelle nationale, le projet de loi C-54 permettra aux Canadiens d'utiliser en toute confiance Internet comme moyen d'information et de transactions commerciales. Il ressort de nos différents sondages et consultations que les Canadiens n'ont pas encore ce degré de confiance. Un sondage réalisé en 1998 montre que 63 p. 100 de nos concitoyens utiliseraient Internet s'ils savaient ce que vont devenir les renseignements personnels qui les concernent.

Le projet de loi C-54 couvre tous les types de collecte de renseignements, non seulement les renseignements électroniques, mais aussi les renseignements sur papier, par téléphone et sur Internet. Mais les Canadiens savent que les menaces contre la vie privée sont amplifiées dans un monde électronique. Chaque fois que nous utilisons nos cartes de crédit, de débit ou de fidélité, chaque fois que nous naviguons sur Internet et que nous sommes repérés par des logiciels de suivi, nous laissons une piste de données à partir de laquelle il est possible de constituer un dossier détaillé de nos préférences et de nos antécédents personnels.

Il existe un risque que ces dossiers soient envoyés d'une province à l'autre ou d'un pays à l'autre, qu'ils soient vendus, réutilisés ou intégrés à d'autres bases de données, à notre insu ou sans notre consentement. En tant que consommateurs et en tant que citoyens, nous devons pouvoir exercer un certain contrôle sur les renseignements personnels qui nous concernent, et nous devons avoir l'assurance de bénéficier d'une protection élémentaire.

Le projet de loi C-54 établit un droit à la protection des renseignements personnels. Il érige en loi dix principes clairs qui régissent la collecte, l'utilisation et la divulgation de renseignements dans le cadre d'activités commerciales. Grâce à ces principes, les Canadiens devront consentir à fournir les renseignements qui leur sont demandés. Les entreprises devront préciser pourquoi elles demandent ces renseignements et ne recueillir que ceux qui leur sont nécessaires. Elles devront obtenir le consentement des Canadiens avant d'utiliser des renseignements les concernant à d'autres fins que celles de leur collecte originale. Ces mêmes entreprises devront traiter ces renseignements de façon sûre, et elles en seront responsables.

Ces dix règles reposent sur les dix principes d'équité en matière d'information contenues dans le Code type sur la protection des renseignements personnels de l'Association canadienne de normalisation, (CSA). Le code type de la CSA a été élaboré au début des années 90, au terme de consultations avec le secteur public, le monde des affaires, des groupes de défense des consommateurs et des syndicats, entre autres. Il ressort de nos consultations que beaucoup appuient ce code. Les Canadiens nous ont dit souhaiter une supervision indépendante du commerce électronique, autrement dit, que quelqu'un étudie les plaintes et veille au respect de la loi. Ils souhaitent aussi disposer de moyens de recours valables.

Aux termes du projet de loi, le Commissaire à la protection de la vie privée du Canada sera chargé de superviser le respect de la loi. Il aura pour mandat de recevoir et d'examiner les plaintes et de jouer un rôle de médiateur en cas de différend. Les différends non réglés seront déférés à la Cour fédérale.

[Français]

En 1994, le Québec a été la première administration en Amérique du Nord à adopter une loi sur la protection des renseignements personnels applicable au secteur privé. Aucune province ni territoire ne l'a imité. Il existe bien certaines réglementations sectorielles, mais dans l'ensemble, les mesures de protection sont hétéroclites et elles présentent des lacunes importantes. Cette situation n'est plus acceptable.

Au cours de nos consultations, les Canadiens nous ont dit à maintes reprises qu'ils tenaient à ce que la protection des renseignements personnels les concernant soit uniforme et nationale. Les entreprises canadiennes ont exprimé des préoccupations similaires au sujet de la cohérence des mesures et de la nécessité d'un ensemble de règles uniques afin que les conditions soient les mêmes pour tout le monde.

Afin d'apaiser ces préoccupations, la loi s'appliquera d'abord au secteur privé assujetti à la réglementation fédérale, plus précisément aux entreprises fédérales telles que les banques à charte, les entreprises de télécommunications et de radiodiffusion, les lignes aériennes et les sociétés de transport interprovinciales. Elle s'appliquera aussi immédiatement aux échanges interprovinciaux et internationaux de renseignements personnels, si ces renseignements sont vendus.

• 1550

Trois ans après son entrée en vigueur, la loi s'appliquera de manière plus générale et elle visera toutes les activités commerciales menées par le secteur privé, sauf si une province ou un territoire a adopté une loi de ce type. Si des organisations sont assujetties à une telle loi provinciale ou territoriale, elles seront exemptées de l'application de la loi fédérale par décret du gouverneur en conseil. Par exemple, comme le Québec a déjà une loi sur la protection des renseignements personnels, dans cette province, le secteur privé qui est assujetti à la réglementation provinciale sera exempté de la loi fédérale.

La loi fédérale continuera de s'appliquer aux entreprises fédérales. Elle s'appliquera aussi, de façon plus générale, à tous les transferts interprovinciaux et internationaux de renseignements personnels à des fins commerciales, y compris aux transferts à l'intérieur d'une même entreprise.

[Traduction]

Nous visons à encourager les provinces et les territoires à adopter des lois semblables. Idéalement, ils promulgueraient des lois qui ne s'appliqueraient pas uniquement au secteur privé relevant d'eux, mais aussi aux renseignements personnels recueillis en dehors du domaine commercial. Je mentionne, par exemple, les données médicales, les dossiers scolaires et municipaux et les activités des organismes de bienfaisance. La plupart de ces organismes ne relèvent pas de la compétence fédérale.

Cependant, si les provinces et les territoires décident de ne pas légiférer en la matière, ou s'ils préfèrent le régime fédéral, comme certains d'entre eux l'ont déjà fait savoir, le projet de loi C-54 établit un échéancier et un processus en vertu duquel les renseignements personnels de tous les Canadiens seront protégés, à tout le moins dans le contexte des transactions commerciales.

Au Québec, le projet de loi C-54 fera complément à la loi provinciale dans les domaines relevant de la compétence fédérale. Par exemple, quand des Québécois commandent quelque chose chez une entreprise albertaine par téléphone, ou qu'ils achètent à une société néo-brunswickoise un article sur Internet, le Commissaire à la protection de la vie privée du Québec n'a pas compétence pour les aider si des problèmes surgissent. Le projet de loi C-54 protégera les renseignements personnels peu importe où ils seront utilisés, au Canada et à l'étranger.

Le projet de loi C-54 contribuera aussi à protéger le commerce des données personnelles. Un mouvement international se dessine en faveur de la protection des renseignements personnels, et le Canada ne doit pas être laissé pour compte. Par exemple, comme je l'ai mentionné tantôt, la directive de la Commission européenne sur la protection des données, qui est entrée en vigueur le 25 octobre dernier, interdit la transmission de données personnelles à des pays n'offrant pas une protection suffisante. Le projet de loi C-54 satisfait aux exigences de cette directive au chapitre des activités commerciales et procure ainsi aux entreprises canadiennes l'accès aux marchés européens.

Le projet de loi C-54 aiderait aussi l'industrie et, en particulier, les petites et moyennes entreprises. Il établit un régime axé sur les plaintes et il n'exige ni l'enregistrement des bases de données, ni la preuve que les pratiques des entreprises satisfont aux exigences de la norme. Nous voulons que les entreprises se conforment à la loi et non qu'elles passent leur temps à la combattre ou, pire encore, qu'elles déménagent dans des pays dépourvus de loi en la matière.

Le projet de loi C-54 établit aussi des règles sur les documents électroniques. Le gouvernement fédéral a fait oeuvre de pionnier en recourant à Internet pour améliorer les services fournis à la population canadienne, en accroître l'efficacité et en réduire le coût. Cependant, de nombreux règlements et lois fédéraux précisent que ces renseignements doivent être fournis «par écrit» ou «signés». Pareilles mentions peuvent être interprétées comme signifiant que seules les transactions sur papier sont valides, ce qui empêcherait le gouvernement de communiquer des renseignements et d'assurer des services par la voie électronique.

Le projet de loi C-54 nous permet d'adapter les lois et règlements existants à l'ère électronique. Il procure aux ministères, organismes et conseils fédéraux les pouvoirs voulus pour décider quand il convient d'offrir les services au public par la voie électronique. Il précise aussi comment répondre aux exigences de ces mêmes lois et règlements par des moyens électroniques, plutôt qu'avec des documents imprimés.

Et, comme il faut garantir l'intégrité et la fiabilité des transmissions électroniques, le projet de loi vise en priorité à encourager la mise au point et l'application pratiques des signatures électroniques protégées.

• 1555

La technologie électronique influe de plus en plus sur les éléments de preuve présentés aux tribunaux canadiens. Le projet de loi C-54 clarifiera la façon dont ceux-ci évaluent les documents électroniques, reconnaissent les signatures électroniques ainsi que les avis et les actes publiés par des moyens électroniques par l'Imprimeur de la Reine, et accordent un statut officiel à la version électronique des Lois et Règlements refondus du Canada.

La création d'une solution électronique ne signifie pas que le gouvernement fédéral abandonne les méthodes qu'il emploie depuis toujours dans ses communications. Avec le projet de loi C-54, nous rendons plutôt le gouvernement fédéral capable de faire des transactions d'une manière qui acquiert une popularité grandissante auprès des Canadiennes et des Canadiens. Le projet de loi C-54 procure aux parlementaires que nous sommes la chance de fixer au Canada une norme élevée en matière de protection des renseignements personnels, norme qui nous permettra d'instaurer la confiance dans le marché numérique.

J'attends vos délibérations avec impatience et je suis sûr que vous appuierez le projet de loi C-54. Celui-ci aidera le Canada à figurer parmi les chefs de file mondiaux dans le domaine du commerce électronique et dans l'économie mondiale du savoir. J'insiste de nouveau sur le fait que ce projet de loi fait partie intégrante de notre stratégie générale en matière de commerce électronique, stratégie qui fera de nous des leaders mondiaux.

J'aimerais vous présenter une courte vidéo que nous avons préparée pour la conférence de l'OCDE.

[Note de la rédaction: Présentation d'une vidéo]

La présidente: Merci beaucoup de votre déclaration, monsieur le ministre. La greffière distribuera des exemplaires des diapositives, au cas où les gens voudraient s'y référer.

Je vais maintenant ouvrir la période de questions, en commençant avec M. Jaffer.

M. Rahim Jaffer (Edmonton—Strathcona, Réf.): Merci, madame la présidente.

Je remercie le ministre de cet exposé très numérique et très impressionnant.

• 1600

Ma question porte sur certaines des observations qu'a faites aujourd'hui le vérificateur général dans son rapport. J'aimerais que le ministre me donne certaines précisions.

D'une façon générale, il semble que le vérificateur général trouve positive l'orientation de cette mesure législative. Il a toutefois critiqué le fait que la mesure législative ne contient pas de stratégie générale en matière de commerce électronique et, plus particulièrement, ne renferme pas de plan pour rendre disponibles en direct les services du gouvernement.

J'aimerais savoir si le ministre est d'accord avec ces observations et avec la recommandation du vérificateur général pour qu'un cadre supérieur soit chargé d'orienter les efforts du gouvernement en matière de commerce électronique.

J'aimerais que le ministre me donne des précisions à ce sujet ou commente ses observations.

M. John Manley: D'après ce que j'ai compris, les observations du vérificateur général portaient davantage sur l'initiative d'infrastructure clé publique, qui est l'un des éléments de ce programme. Je suis pas mal convaincu qu'avec la stratégie du commerce électronique que nous avons élaborée et, après l'avoir fait connaître à l'OCDE, très peu d'autres pays ont une stratégie de commerce électronique comprenant autant d'éléments que la nôtre.

Hier, à Washington, le président Clinton et le vice-président Gore ont convoqué une réunion pour discuter un bon nombre de mesures que nous avons déjà prises, bien que je ne crois pas qu'ils nous en attribuent le mérite. Ils envisagent essentiellement de faire ce que nous avons fait au cours des deux dernières années dans le cadre d'une démarche qui abouti à la stratégie en matière de commerce électronique que nous avons annoncée en septembre et à notre politique subséquente en matière de cryptographie et de protection de la vie privée.

Pour ce qui est de l'infrastructure à clé publique, nous sommes en train de mettre en place le mécanisme, c'est exact, mais nous ne sommes pas encore prêts à annoncer quelles en seront toutes les applications. L'infrastructure à clé publique vise en fait à créer un milieu sécuritaire dans lequel les citoyens puissent traiter avec le gouvernement. Par exemple, bon nombre de citoyens pourraient vouloir utiliser la clé publique pour envoyer leurs formulaires d'impôt sur le revenu. La clé publique pourra être utilisée à bon nombre d'autres transactions ordinaires.

Je crois donc que le vérificateur général parlait de cette stratégie plus générale d'utilisation entre les ministères, et je crois que cette stratégie pourra être appliquée au fur et à mesure que nous résoudrons les problèmes techniques qui existent encore.

M. Rahim Jaffer: Je croyais entre autres qu'il estimait que le processus était devenu un peu trop éparpillé et qu'il souhaitait une orientation plus centralisée. C'est du moins ce que j'avais compris de ses propos.

Vous pourriez peut-être me dire plus exactement ce qu'il en est, car ce que j'ai compris est à peu près à l'opposé de ce que vous venez de dire, monsieur le ministre.

M. John Manley: Je suis d'accord dans la mesure où je souhaite que soit mise en place une ICP qui puisse être utilisée par le plus grand nombre possible de Canadiens. De ce point de vue- là, je suis satisfait que l'orientation soit plus centralisée. Mais les applications, pour les gens, dépendront du mandat de chaque ministère, qu'il s'agisse de l'impôt sur le revenu ou des autres relations que le gouvernement entretient avec les citoyens, les entreprises ou les autres entités du pays. C'est ce qui régit la dynamique de la stratégie.

Mais toutefois, je suis d'accord avec l'idée que pour élaborer une stratégie, il faut d'abord avoir une vision commune, et il faut parfois pour cela un leadership particulier.

M. Rahim Jaffer: Mon autre question porte sur certaines préoccupations exprimées par les ministres de la Justice des provinces quant aux effets des mesures sur la protection de la vie privée sur les compétences provinciales. Je sais que ma collègue du Bloc a déjà posé cette question à la Chambre des communes. Les ministres disent entres autres qu'ils voudraient de plus amples consultations publiques, ou simplement davantage de consultations, avant que cette mesure législative soit adoptée.

J'aimerais bien savoir ce que vous avez fait pour collaborer avec les provinces dans le domaine de la protection de la vie privée et ce qui se fait à l'heure actuelle pour discuter de ces mesures avec vos divers homologues des provinces.

M. John Manley: C'est une entreprise qui n'a rien de neuf. En 1996, à la réunion des ministres chargés de l'autoroute de l'information, à Winnipeg, nous avons discuté de la protection de la vie privée. Nous avons discuté du code type de la CSA. À cette réunion, j'avais fait savoir que nous voulions faire adopter une mesure législative d'ici 1998. Je croyais à cette époque que ce n'était pas suffisamment rapide, mais il faut parfois beaucoup de temps pour faire bouger les choses. Nous avions tous alors convenu que toutes les provinces devraient agir dans ce domaine.

• 1605

À cette époque, le Québec était la seule province qui avait adopté une mesure législative pour protéger la vie privée. Depuis lors, aucune autre province n'a pris de mesures dans ce domaine.

J'estime donc que cette mesure législative n'a rien de soudain. Il s'agit à mon avis de la suite de ce qui se fait depuis que l'OCDE a produit ses lignes directrices, dans les années 80. Le code type de la CSA a été rédigé au début des années 90 et a été discuté par les ministres chargés de l'autoroute de l'information en 1996.

Pour réussir à nous doter d'un avantage dans le commerce électronique, il faut avant tout gagner la confiance du public dans ce type de commerce. C'est pourquoi nous avons décidé de répondre aux besoins que les Canadiens avaient exprimés. Plus de 80 p. 100 des gens ont déclaré souhaiter que les renseignements personnels soient protégés, et de toute évidence, les provinces ne sauraient garantir une protection absolue. Il faut une compétence fédérale. Certains renseignements traversent les frontières du pays et des provinces. Nous devons respecter les critères de la directive de l'Union européenne si nous voulons éviter d'être en butte à des difficultés commerciales avec celle-ci. Cette directive est entrée en vigueur en octobre dernier.

Tout cela pris en compte, j'en conclus que nous n'agissons pas trop rapidement. Ce sont peut-être des mesures de dernière minute, et il était temps que nous agissions.

M. Rahim Jaffer: Je suis d'accord avec la démarche. Ma préoccupation remonte à peine à la fin octobre. Bon nombre des ministres de la Justice ont demandé que ce projet de loi soit abrogé car ils estiment que les provinces n'ont pas été suffisamment consultées.

J'aimerais donc savoir précisément quelles initiatives sont prises pour amener les ministres des provinces à accepter ces mesures. Je suis d'accord avec les objectifs que vous mentionnez, j'aimerais simplement savoir ce que vous faites, en fait, pour les rallier à la cause.

M. John Manley: Le fait est que certaines ministres de la Justice sont également ministres des affaires des consommateurs. Lorsque je les ai rencontrés à Charlottetown, j'ai discuté de ces mesures avec eux. Dans certains cas, les provinces ont dit qu'elles avaient accepté ces mesures parce qu'elles ne savaient pas de quoi il était question. Mais dans certaines provinces des Maritimes, en fait, le gouvernement souhaite une loi fédérale. Ces provinces n'ont pas l'intention d'adopter une loi provinciale. Elles veulent que la loi fédérale s'applique à leur province. Elles ne veulent pas avoir à payer les coûts de l'application de cette loi.

Pour ce qui est des autres gouvernements, ils ne comprenaient pas, de toute évidence, que la directive de l'Union européenne allait entrer en vigueur et que le problème n'était pas d'ordre intérieur.

Le commerce électronique ne touche pas seulement... Ce n'est pas une réalité limitée à la Municipalité régionale d'Ottawa- Carleton. C'est un phénomène mondial. Il faut donc pour cela prendre des mesures qui dépassent les préoccupations locales. Il faut qu'elles s'appliquent à une plus grande échelle.

J'estime en toute franchise que les mesures que nous avons proposées permettent d'offrir la plus grande protection possible et d'éviter que cette protection ne dépende de mesures hétéroclites. Le Canada veut se doter d'un avantage dans ce domaine, et le pire que l'on puisse faire, ce serait d'avoir une protection hétéroclite, selon que les provinces ont ou non des mesures dans ce domaine.

Ce projet de loi nous permet donc d'établir un minimum de protection—grâce au code type de la CSA—qui puisse s'appliquer à toutes les provinces et territoires. Cette façon de procéder respecte en fait, et assez bien à mon avis, les champs de compétence provinciale, tout en permettant aux provinces qui le souhaitent de protéger leurs citoyens sous le régime des pouvoirs fédéraux en matière de commerce.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Jaffer.

Monsieur Murray.

M. Ian Murray (Lanark—Carleton, Lib.): Merci, madame la présidente.

Monsieur le ministre, pourriez-vous nous en dire davantage sur ce concept de la neutralité fiscale? Vous dites que le commerce électronique est un phénomène mondial, mais je ne comprends pas très bien ce que vous entendez par neutralité fiscale.

M. John Manley: Notre objectif, et nous l'avons exprimé de plusieurs façons—est de garantir que le régime fiscal ne décourage pas les transactions en matière de commerce électronique en entraînant une augmentation des taxes ou de taxes spéciales. Le commerce électronique ne devrait toutefois pas être non plus un moyen d'éviter les taxes qui seraient payées autrement. En fait, nous aimerions mettre en place un régime qui n'a pas d'effet sur les taxes.

• 1610

Nous avions créé un groupe de travail du commerce électronique sur la fiscalité, qui relevait du ministre du Revenu. Ce groupe de travail a présenté son rapport le printemps dernier. Récemment, à peu près au moment où a été tenue la conférence de l'OCDE, le gouvernement a répondu au rapport du groupe de travail.

En outre, M. Dhaliwal a présidé notre réunion des ministres du Revenu de l'OCDE, au moment de la conférence de l'OCDE, ici à Ottawa—la veille du début de la conférence, en fait—de façon à pouvoir faire avancer les dossiers internationaux.

Cette question présente des aspects assez délicats, mais qui ne sont pas entièrement nouveaux non plus.

M. Ian Murray: Croyez-vous que des traités seront signés pour résoudre ce problème? Devrons-nous aller jusque-là?

M. John Manley: L'OCDE examine, entre autres, les traités fiscaux actuels pour voir s'ils sont suffisants, en matière de fiscalité, dans le domaine du commerce électronique. Ils le seront dans une certaine mesure. Il faudra toutefois préciser certaines règles.

Par exemple, à la réunion les ministres ont adopté un document dans lequel on disait, par exemple, que lorsqu'il y a une transaction, c'est l'endroit où réside le consommateur qui détermine la taxe de vente ou la taxe de consommation à payer. Il y aurait eu une incertitude: s'agit-il du pays où habite le vendeur ou du pays où habite l'acheteur? Les pays sont convenus que ce serait le pays où habite l'acheteur. Est-ce qu'il faut incorporer cela à des traités supplémentaires? Nous n'en sommes pas encore certains, et l'OCDE examine la question.

M. Ian Murray: La seule autre question que je voudrais poser concerne les achats du gouvernement. Vous avez parlé d'utiliser cela comme modèle pour essayer d'encourager les gens à s'orienter vers le commerce électronique. Prévoyez-vous qu'il sera nécessaire de mettre en place des mesures d'encouragement ou est-ce que vous estimez que les avantages seront évidents?

Comme question supplémentaire, j'aimerais savoir si vous êtes d'avis qu'avec le temps, le gouvernement épargnera ainsi de l'argent? Je n'ai pas vraiment réfléchi aux raisons pour lesquelles le gouvernement épargnerait nécessairement ainsi de l'argent, mais vous pouvez peut-être nous dire ce que vous en pensez.

M. John Manley: Je pense que le gouvernement épargnera de l'argent. L'un des avantages qui a joué en faveur des progrès que nous tentons d'accomplir dans le cadre de l'Accord sur le commerce intérieur, afin d'ouvrir les approvisionnements non seulement au gouvernement fédéral mais à d'autres paliers de gouvernement également, est l'utilisation du réseau électronique pour donner accès à des possibilités d'approvisionnement.

Par exemple, il peut s'agir d'un achat de fournitures dont a besoin un ministère du gouvernement, un ministère qui se trouve à Ottawa. Si quelqu'un se trouve à Moose Creek, il est possible d'obtenir ces renseignements en direct. Il est possible de présenter une soumission et d'avoir une soumission gagnante. Il n'est plus nécessaire de traîner dans les couloirs pour savoir ce qui se passe. Il n'est pas nécessaire de lire régulièrement la Gazette du Canada. La plupart des petites entreprises n'ont pas le temps de faire ce genre de choses. On peut tout lire cela à l'écran.

S'il y a quelque chose dans votre domaine de spécialisation, ou parmi les produits dont vous êtes le fournisseur, vous avez la possibilité de soumissionner. Cela se traduira par des économies pour les gouvernements, non pas seulement le gouvernement fédéral, mais tous les paliers de gouvernement, car il y aura une diminution de la publicité juridique dans les publications nationales et une distribution plus efficace de l'information qui se traduiront par un plus grand nombre de soumissions et de meilleurs prix payés par les gouvernements. Tout le monde est donc gagnant.

Dans mon propre ministère, nous avons récemment pu offrir l'enregistrement électronique aux termes de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes. L'enregistrement électronique se traduit par des économies totales d'environ 150 $ par enregistrement. Les études d'avocats peuvent maintenant présenter des demandes en direct aux termes de la Loi sur Investissement Canada. Cela permettra de faire des économies de papier, de photocopies et cela réduira les coûts de prestation de services.

Donc, je pense que cela présente d'énormes avantages pour les Canadiens, et que cela permettra au gouvernement de réduire ses coûts, cela c'est certain.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Murray.

[Français]

Madame Lalonde, s'il vous plaît.

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le ministre, les objectifs que vous poursuivez sont louables. Cependant, pour le Québec, il est parfaitement inacceptable que vous les poursuiviez en affaiblissant la loi québécoise actuelle sur la protection des renseignements personnels.

Vous avez souligné que depuis 1994, le Québec a une loi qui fonctionne bien. Elle avait été adoptée à l'unanimité et révisée, également à l'unanimité, au cours de la dernière session. Cette loi protège les droits des citoyens et prévoit un recours gratuit, efficace et rapide. De plus, cette loi s'applique actuellement aux entreprises qui, dans le projet de loi C-54, sont dites de juridiction fédérale. Elle régit aussi les entreprises à l'extérieur du Québec qui reçoivent des données qui émanent du Québec.

• 1615

M. Owens a rédigé un rapport dans le cadre de l'étude sur les services financiers dans lequel il disait clairement que la loi québécoise protège les Québécois bien au-delà du territoire québécois. Il disait:

    En outre, cette loi a des conséquences qui ne se limitent pas qu'au territoire québécois. Les institutions nationales établies un peu partout au pays devront composer avec ces dispositions en matière de transmission de renseignements personnels à l'extérieur du Québec. En termes pratiques, cela signifie qu'elles pourront être tenues d'éviter de transmettre des renseignements personnels au sujet de personnes qui habitent au Québec, à moins de mettre en oeuvre des mesures qui satisferont aux exigences de la loi partout au Canada.

Il y a donc actuellement une loi dont la portée dépasse les frontières du Québec. Un juriste que citait le rapport Owens paru récemment, Me Dubreuil, disait même que cette loi québécoise subirait le test du recours constitutionnel aussi longtemps qu'il n'y aurait pas de loi fédérale.

Les dispositions du projet de loi C-54, qui est plus faible—je pense que personne ne va contester cela—, s'appliqueraient aux entreprises de juridiction fédérale et elles s'appliqueraient également immédiatement aux renseignements qui seraient transmis à l'extérieur du Québec. Cela veut dire que les entreprises, y compris les banques, qui ont accepté de se soumettre aux ensembles de règles et à la loi devront se soumettre à un nouvel ensemble de règlements. Tout le monde convient, y compris les avocats de l'entreprise privée que j'ai consultés, que ce n'est pas acceptable et qu'à l'évidence, la loi la plus faible va l'emporter rapidement sur la loi qui comporte un esprit différent. Cela veut donc dire qu'en bout de ligne, il y a des droits qu'ont les Québécoises et Québécois en ce moment qu'ils n'auront plus si les dispositions du projet de loi C-54 s'appliquent.

Je pourrais vous donner l'exemple de Marie Laperrière, qui est en conflit avec Air Canada et qui tente depuis trois ans d'avoir accès à la copie intégrale de son dossier médical. Air Canada a contesté et, finalement, on a rendu au mois de mai une décision disant qu'aussi longtemps qu'il n'y aura pas de loi fédérale, la loi québécoise s'appliquera à Air Canada.

Selon les ministres Beaudoin et Boisclair, qui ont signé la lettre qui vous est adressée, qui a été rendue publique et dont j'ai transmis copie à la greffière pour qu'elle soit transmise à tous les membres du comité, le projet de loi C-54 affaiblit la loi québécoise dans les champs où elle s'applique actuellement. Les dispositions de ce projet de loi vont mettre en place un double système de règles qui vont rendre la situation pour le moins confuse, sinon extrêmement compliquée. Elles vont diminuer les droits des Québécoises et des Québécois.

Finalement, monsieur le ministre...

[Traduction]

La présidente: Je vous demanderais de conclure, madame Lalonde.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Madame la présidente, vous comprendrez que c'est important. Finalement, je suis certaine que si vous êtes, comme vous le dites, en faveur de la protection des renseignements personnels, vous ne pouvez pas souhaiter l'affaiblissement de la loi québécoise.

Or, je sais qu'on avait entrepris une démarche avec les autres provinces, bien qu'elle ait pris un certain temps, afin qu'elles deviennent les principales responsables de l'application de mesures visant la protection des renseignements personnels, le gouvernement fédéral ayant alors un rôle résiduaire, comme je l'ai lu dans certains documents.

Alors, pourquoi n'avez-vous pas poursuivi cette approche de collaboration et de coopération essentielle au lieu d'arriver avec les gros sabots fédéraux et de proposer une loi qui ne protège pas bien? Ce n'est pas une loi qui protège les droits des citoyens, mais plutôt une loi qui vise à faire d'une norme une obligation pour les entreprises.

• 1620

La présidente: Merci, madame Lalonde.

[Traduction]

Avant que le ministre ne réponde, il devrait savoir...

[Français]

Mme Francine Lalonde: Mais j'ai quelque chose à dire.

[Traduction]

La présidente: ...excusez-moi—cette lettre qui a été remise à la greffière n'a pas encore été distribuée aux membres du comité. Elle ne peut être distribuée tant qu'elle n'est pas dans les deux langues officielles. Elle est à la traduction. Nous ne l'avons donc pas.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Avez-vous distribué l'avis de M. Paul-André Comeau, qui était en anglais?

[Traduction]

La présidente: Non, elle attend la traduction.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Je vous en ai donné une copie en anglais.

[Traduction]

La présidente: Non, elle attend la traduction de la lettre avant de pouvoir la distribuer. Elle n'a donc pas été distribuée.

Monsieur le ministre, voulez-vous répondre à cette question?

M. John Manley: À quelle partie de la question?

[Français]

Des voix: Ah, ah!

M. John Manley: C'était un bon discours, mais il renfermait des inexactitudes. D'abord, ce projet de loi n'affaiblira pas la loi québécoise. Ses dispositions sont un peu différentes, mais ce projet de loi et la loi québécoise poursuivent les mêmes objectifs et prévoient presque les mêmes normes. Ce n'est pas du tout un affaiblissement.

Deuxièmement, que pourrait faire le commissaire de l'accès à l'information du Québec face à une entreprise du Nouveau-Brunswick qui aurait déjà reçu des informations personnelles au sujet d'un Québécois? Il ne peut rien faire. Il n'a pas le pouvoir de s'ingérer dans les affaires de la province du Nouveau-Brunswick pour y faire appliquer la loi québécoise. Il est au moins nécessaire...

Excusez-moi. Je vous écoutais lorsque vous parliez.

Mme Francine Lalonde: J'écoute. Je suis suspendue à vos lèvres.

M. John Manley: Il est au moins nécessaire de protéger les renseignements transmis entre les provinces et au niveau international.

Deuxièmement, je n'accepte pas, bien que nous ayons des points de vue divergents, que le gouvernement du Canada n'ait qu'un rôle résiduel en ce qui concerne la protection de la vie privée des citoyens canadiens. J'ai une responsabilité envers eux tous.

Je suis certain qu'un tel projet de loi respecterait le droit d'un gouvernement provincial de légiférer en vue de régir les entreprises qui relèvent de sa juridiction. Comme je le disais, le Québec l'a fait. Les entreprises relevant de la juridiction québécoise seraient exemptes de l'application des dispositions de notre projet de loi.

Il faut que nous comblions les lacunes qui existent actuellement et que, même si certaines provinces ont déjà adopté des lois à cet effet, nous légiférions pour, d'une part, protéger les intérêts des citoyens des provinces qui ne veulent pas elles-mêmes créer une loi régissant les renseignements personnels qui traverseront les frontières et, d'autre part, pour finalement protéger les intérêts des citoyens dans les entreprises de juridiction fédérale. C'est tout simplement cela que nous cherchons à accomplir. Je ne crois toutefois pas que les normes soient plus faibles. Elles sont un peu différentes, c'est tout.

La présidente: Merci beaucoup.

Monsieur Bellemare, s'il vous plaît.

M. Eugène Bellemare (Carleton—Gloucester, Lib.): Monsieur le ministre de la haute technologie, qui avez à coeur l'intérêt de tous les Canadiens, incluant les Ontariens et les Ontariennes, les Québécois et les Québécoises, ça me fait plaisir de vous rencontrer aujourd'hui.

J'aimerais poser une question concernant

[Traduction]

l'exécution. L'agent chargé de faire respecter la loi serait le Commissaire à la protection de la vie privée, exclusivement?

• 1625

M. John Manley: Essentiellement, le Commissaire à la protection de la vie privée aurait pour mandat d'examiner les plaintes et mettre en place un système axé sur les plaintes qui lui permette d'obtenir des renseignements, d'assigner le dépôt de documents, d'exiger des preuves et de contraindre les témoins à comparaître, essentiellement, et c'est le modèle que nous avons choisi. Si le Commissaire à la protection de la vie privée a des problèmes, alors il a la possibilité de s'adresser à la Cour fédérale qui peut émettre des ordonnances obligeant les sociétés à se conformer aux exigences de la loi.

M. Eugène Bellemare: Dans le projet de loi qui est proposé, je retrouve souvent les mots «devrait» et «peut». Le libellé n'est pas dogmatique, faute d'un meilleur terme, puisqu'on ne dit pas «doit».

Comment pouvez-vous poursuivre des gens si on dit que vous «devriez» faire ceci ou «pouvez» faire cela?

M. John Manley: Eh bien, il y a «doit» et il y a «devrait». Si vous lisez le projet de loi, vous verrez qu'il y a des distinctions. Lorsqu'on parle d'obligations, le verbe est au présent de l'indicatif. En d'autres termes, c'est obligatoire. Les sociétés peuvent choisir la façon dont elles vont s'acquitter de ces obligations.

En d'autres termes, nous ne tentons pas de tuer ici le commerce électronique mais plutôt de le promouvoir. Il est nécessaire que nous trouvions un juste équilibre. Nous voulons un système capable de fonctionner, que nous pourrons faire respecter facilement et qui sera respecté.

Cela signifie que dans une certaine mesure nous devons respecter les besoins qu'ont les entreprises individuelles de gérer leurs systèmes d'une façon plus ou moins normative. Donc, je pense que nous avons prévu les obligations que l'on retrouve dans les dix principes énoncés dans l'annexe du projet de loi, tout en prévoyant une certaine souplesse dans la façon de faire respecter ces obligations.

M. Eugène Bellemare: Au cours de votre exposé, je vous ai entendu mentionner le terme «code volontaire».

M. John Manley: Initialement, l'application de ce code était volontaire. Le code type de l'Association canadienne de normalisation est volontaire. Lorsque nous aurons adopté le projet de loi C-54, il deviendra obligatoire.

M. Eugène Bellemare: Il y aura des amendes et des peines d'emprisonnement?

M. John Manley: Il peut y avoir des amendes et des poursuites.

M. Eugène Bellemare: Ou juste des réprimandes?

M. John Manley: Non, il peut y avoir des amendes. Je ne suis pas certain si nous avons déjà emprisonné quelqu'un pour cela, mais il faut pour ça que la Cour fédérale intervienne, impose une amende.

M. Eugène Bellemare: Merci beaucoup.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Bellemare.

Monsieur Jones.

M. Jim Jones (Markham, PC): Oui, monsieur le ministre. Dans votre exposé, vous avez dit que vous étiez en train de mettre en place une stratégie en matière de commerce électronique pour le Canada et que vous espérez que le Canada en retirera un avantage. Comment allez-vous faire cela? Comment allez-vous vous assurer que le Canada est un chef de file dans ce domaine et a un avantage dans ce secteur qui connaît une croissance rapide?

M. John Manley: La principale façon pour nous de nous en assurer c'est de tenter de mettre en place le bon cadre de travail. Le rôle que joue le gouvernement est tout d'abord un rôle d'encadrement. C'est là où la protection de la vie privée, les signatures digitales et la cryptographie entrent vraiment en ligne de compte. Ce sont ces choses qui autrement seraient incertaines. Nous tentons de les éclaircir, d'établir des normes, et cela sera utile.

En ce qui concerne les achats, l'utilisation, avec les institutions financières nous serons le plus gros utilisateur du commerce électronique en accélérant l'utilisation et l'acquisition de la technologie. Cela peut contribuer à mettre en place une industrie canadienne.

Nous faisons appel à divers programmes, notamment le Programme d'accès aux collectivités, pour aider les petites entreprises à découvrir comment elles peuvent utiliser le commerce électronique dans leur communauté. Les comptoirs communautaires commerciaux sont un exemple de projet pilote que nous avons mis sur pied pour faire en sorte que les petites entreprises utilisent l'Internet comme outil de commercialisation, pour leur permettre de découvrir comment elles peuvent l'utiliser.

Je pense qu'en général, avec des choses comme Strategis, avec le Programme d'accès aux collectivités, avec notre programme de connectivité, nous tentons vraiment de donner aux petites et moyennes entreprises certains des avantages que les grandes entreprises adopteront plus rapidement, l'utilisation des moyens électroniques pour faire des affaires, afin de réaliser certaines économies de coûts qui peuvent être importantes même pour les petites et moyennes entreprises.

M. Jim Jones: Très bien.

QQue font les États-Unis relativement au commerce électronique, particulièrement en ce qui concerne la loi sur la protection de la vie privée? L'an dernier, je crois que 85 p. 100 de tous les produits canadiens qui ont été achetés par l'Internet, des transactions de type de commerce électronique, ont été faites avec les États-Unis à partir du Canada. Comment allons-nous nous assurer que nous serons harmonisés avec les États-Unis? C'est bien de s'harmoniser avec l'Europe, qui représente environ 5 p. 100 de nos transactions ou moins, mais 80-85 p. 100 de toutes nos transactions commerciales se font avec les États-Unis.

• 1630

M. John Manley: Tout d'abord, dans le cadre de la stratégie plus large sur le commerce électronique, comme je le dis, aussi récemment qu'hier la Maison Blanche s'est penchée sur la question. J'oserais même dire qu'à mon avis ils essaient un peu de nous rattraper. Notre politique en matière de cryptographie est en place depuis quelques mois. Nous avons une certaine avance par rapport à certaines de ces choses.

Cela ne veut pas dire que nous ne pouvons pas prendre du retard, car lorsqu'ils décident de faire quelque chose, ils le font vite et bien.

La question de la protection de la vie privée est très controversée. L'administration américaine continue de croire qu'ils n'ont pas besoin de loi. Elle préconise un mécanisme d'exécution entièrement volontaire.

À la réunion de l'OCDE, le secrétaire Daley et M. Magaziner de la Maison Blanche ont fait savoir qu'ils envisageaient un système qui utiliserait un sceau d'approbation comme celui du Bureau d'éthique commerciale de telle sorte que l'on saurait, lorsqu'on traite avec une société, en voyant l'insigne sur son site ou dans sa trousse d'information, que cette société respecte certains niveaux d'éthique en ce qui concerne la protection de l'information.

Personne ne conteste vraiment les objectifs ou les normes. Il n'y a guère de différence entre la directive européenne, ce que nous proposons dans le cadre de la norme de l'ACN et ce que les États-Unis s'attendent à ce que les entreprises fassent volontairement. Cela devient vraiment une question d'application.

L'été dernier, la Federal Trade Commission aux États-Unis a publié quelques rapports dans lesquels elle disait qu'elle ne croyait pas que l'application volontaire des normes allait fonctionner, et que le Congrès devrait sans doute légiférer. L'administration est d'avis en ce moment qu'il faut attendre. Il y a des entretiens avec l'Europe. On attend la fin de décembre pour appliquer le code aux États-Unis, pour voir s'il est possible d'en arriver à une entente.

En fin de compte, à mon avis, nous avons adopté une norme qui est assez souple de façon à ne pas décourager l'investissement, par exemple, au Canada, mais une norme qui a) inspire confiance aux consommateurs et b) permet aux entreprises qui appliquent déjà cette norme de dire que maintenant tout le monde devra la respecter. Les entreprises les plus réputées au Canada appliquent déjà la norme de l'Association canadienne de normalisation, de telle sorte que cela ne représentera pas pour elles un fardeau plus lourd, contrairement à certaines autres entreprises qui ne l'appliquent pas encore.

Je pense qu'à tout prendre, cela marche assez bien.

M. Jim Jones: J'aimerais revenir sur la question de M. Murray concernant la neutralité fiscale. À l'heure actuelle, le CRTC tient des audiences. Pourquoi le CRTC veut-il contrôler l'Internet? Pourquoi est-ce qu'il tient de telles audiences? Croyez-vous qu'il va contrôler l'Internet?

M. John Manley: Je ne pense pas que qui que ce soit va contrôler l'Internet.

M. Jim Jones: Mais pourquoi est-ce que le CRTC tient des audiences? Tente-t-il d'imposer un genre de taxe sur l'Internet?

M. John Manley: Le CRTC n'aura pas compétence pour imposer lui-même une taxe. Il pourrait y avoir des recommandations à cet effet. Il faudra attendre de voir ce qu'il proposera.

Je pense que ce qui l'intéresse—et les audiences portent réellement sur les nouveaux médias—étant donné l'évolution très rapide dans le domaine des communications, l'Internet étant ici le phénomène, c'est qu'à mesure que la largeur de bande sera de plus en plus disponible, les communications à partir de l'Internet pourront avoir un impact très important sur le secteur traditionnel de la radiodiffusion. Y a-t-il une façon pour nous de nous positionner afin de nous assurer que les producteurs canadiens des nouveaux médias auront accès à ces nouvelles sources de communication?

Écoutez, je pense que c'est un secteur problématique pour nous. Essentiellement, les anciennes règles de radiotélédiffusion fonctionnaient bien dans un monde où on avait un spectre limité, mais sur l'Internet, la largeur de bande est insuffisante, mais c'est temporaire. Il n'y aura pas de pénurie de spectre. Tout ce que l'on peut produire pourra s'y retrouver. Comment pouvons-nous nous assurer que le contenu canadien y a en fait une place?

Je pense que c'est une série de questions qu'il vaut la peine de poser. J'aurai peut-être votre point de vue lorsque vous répondrez à ces questions, mais à l'heure actuelle je pense qu'il vaut la peine d'obtenir ces renseignements.

• 1635

M. Jim Jones: Une dernière question. Le Québec a ses propres lois concernant la protection de la vie privée, et je suppose que les provinces maritimes ont dit qu'elles allaient seulement utiliser...

M. John Manley: Certaines des provinces ont leurs propres lois; je ne voulais pas parler de toutes les provinces.

M. Jim Jones: Je crois cependant que c'est une bonne idée que nous tentions d'avoir un seul type de loi sur la protection de la vie privée pour toutes les provinces car en réalité, ce n'est pas entre les provinces du Canada mais avec tous les pays avec lesquels nous transigeons qu'il y aura divergence de vues. Par conséquent, nous ne pouvons pas nous permettre que 10 provinces différentes aient leurs propres mesures législatives, en plus de la loi fédérale, et de celles de 200 pays. Il sera déjà assez difficile de se conformer aux lois des autres pays.

Quelles mesures prenez-vous pour voir s'il est possible d'uniformiser les lois de toutes les provinces afin d'avoir une seule Loi sur la protection de la vie privée?

M. John Manley: Nous continuons à travailler avec la Conférence sur l'uniformisation des lois du Canada afin d'essayer d'adopter une approche commune. Franchement, cela aurait été bien si nous avions pu attendre. D'un autre côté, le temps passe et, comme je l'ai mentionné en réponse à la question de M. Jaffer, nous en avons parlé il y a plus de deux ans, et la Conférence sur l'uniformisation des lois du Canada n'a toujours pas adopté une approche générale. Aucune province n'a légiféré en la matière et, il est clair, d'après nos consultations auprès des Canadiens et les sondages que nous avons effectués, que c'est une question qui préoccupe réellement les gens.

Or, il n'y a pas vraiment moyen d'avoir une seule loi pour couvrir tout le secteur. Pour avoir une couverture la plus complète possible, il faut avoir à la fois des lois fédérale et provinciales.

Personnellement, je suis toujours déconcerté par les commentaires du Bloc et du Québec, car en fait nous avons un système qui sera complémentaire. Les Québécois auront la protection la plus complète en ce qui concerne la vie privée par rapport aux autres citoyens canadiens tant qu'aucune autre province n'aura agi. Plutôt que d'être contradictoires, elles sont complémentaires. Pour moi, c'est ainsi que les choses devraient fonctionner, et c'est réalisable.

J'aimerais que d'autres provinces comblent tout au moins les lacunes. Certaines se contentent de laisser quelques lacunes et permettent tout simplement que la loi fédérale s'applique dans leur cas.

Je voudrais souligner que lorsque cette loi aura été proclamée, elle n'entrera pas en vigueur avant un an. Ensuite, elle n'entrera pas en vigueur avant trois ans dans les provinces qui n'ont pas agi. Donc, il faudra réellement attendre quatre ans avant que cette loi entre en vigueur dans les provinces qui choisissent de ne pas agir. On peut dire sans crainte que ce sera lent.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Jones.

Monsieur Shepherd.

M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): J'aimerais aborder la question de la technologie du cryptage. Ce projet de loi dépend en quelque sorte de la capacité des gens d'avoir accès à cette technologie.

Je sais que le Canada est signataire ou d'un traité ou d'une convention—je ne le sais plus très bien—dont l'objectif consiste essentiellement, avec certains de nos intervenants internationaux, de restreindre l'importation de cette technologie pour faire face au revers de la médaille—c'est-à-dire le crime organisé, la sécurité, etc.

Est-ce un obstacle à la protection de la vie privée qu'on tente d'assurer dans le cadre de ce projet de loi?

M. John Manley: Pas vraiment. Il s'agit vraiment de deux questions distinctes, d'une certaine façon.

Le projet de loi C-54 porte sur la protection des renseignements, quels qu'ils soient. Cela n'est donc pas strictement limité aux renseignements qui pourraient être transmis par Internet de votre ordinateur à un autre.

Lorsqu'on parle d'un cryptage, on veut parler en fait d'un moyen d'empêcher que les communications électroniques soient par exemple surveillées ou que des pirates informatiques viennent chercher des renseignements et en fassent un usage abusif.

Donc, même si dans l'esprit d'un consommateur ces choses sont étroitement liées... Écoutez, on ne veut pas donner à n'importe qui son numéro de carte de crédit, n'est-ce pas? Donc, la façon dont on donne son numéro de crédit est importante. Eh bien, le cryptage, lorsqu'on entre son numéro de carte de crédit dans l'ordinateur, est une façon de se protéger.

• 1640

Le projet de loi C-54 permet de s'assurer que lorsqu'on fait un achat sur le Web, personne ne peut prendre les renseignements fournis et les vendre à quelqu'un d'autre qui est en train de monter une base de données, parce que cette personne a maintenant appris certaines de vos caractéristiques. Exemple, lorsqu'une personne fait des achats avec sa carte Visa, après un certain temps, il est possible de déduire si cette personne aime voyager ou quel genre de restaurant elle aime fréquenter. Tous ces renseignements pourraient être très utiles.

Eh bien, le projet de loi C-54 nous permet de dire que ce genre de renseignements ne peut être vendu. La banque qui administre la carte Visa ne peut la vendre à l'association locale des restaurateurs pour qu'ils sachent quels coupons vous envoyer, à moins que vous ne donniez votre consentement, tandis que la cryptographie vous protège lorsque vous faites une transaction.

M. Alex Shepherd: Mais encore une fois, pour atteindre les objectifs de la loi, qui, je présume, visent à donner confiance aux consommateurs pour qu'ils utilisent sans crainte ce genre de technologie, de la même façon que les pirates informatiques ne pourront s'introduire dans le réseau et avoir accès directement à ces renseignements personnels.

M. John Manley: C'est exact. Vous savez, la politique de cryptographie que nous avons publiée en octobre permet une cryptographie très forte au Canada, et nous avons d'assez bons producteurs, notamment ici même dans le sud d'Ottawa, où une des entreprises chefs de file est située. Il y en a d'autres également. Mais je ne leur ferai pas de publicité.

Donc, je pense que la politique rend cette technologie disponible. Lorsqu'on parle aux banques, par exemple, sur la façon dont elles installent leurs réseaux pour les transactions bancaires sur Internet, elles utilisent la cryptographie et en tant qu'utilisateurs vous y avez accès afin de protéger vos transactions avec la banque.

Lorsque nous avons lancé ChaptersGLOBE.com, l'équivalent canadien de Amazon.com, encore une fois, ils utilisent une cryptographie assez solide pour protéger ces transactions. Vous le saurez, car vous devez suivre certaines étapes à l'ordinateur lorsque vous entrez dans un mode d'informations cryptées.

La présidente: Merci, monsieur Shepherd.

Je rappelle aux membres du comité que le ministre ne nous ménage pas son temps, qu'il a accepté de rester un peu plus longtemps que prévu. Je vais donc vous limiter à cinq minutes du côté de l'opposition. J'ai été très généreuse et j'ai permis aux députés de l'opposition de continuer pendant environ 10 minutes chacun.

Cela étant dit, si vous décidez de parler et de ne pas poser une question, après deux minutes et demie, je vais vous interrompre. Je vais vous avertir afin qu'au cours des cinq minutes, le ministre ait autant de temps pour vous répondre.

Monsieur Jaffer.

M. Rahim Jaffer: Merci, madame la présidente.

Je n'ai qu'une toute petite question. Je sais que nous en avons parlé et le ministre en a parlé—je pense que c'est le point de vue de l'industrie—du fait qu'il s'agit d'un bon projet de loi pour commencer, d'un cadre de travail qui permettra de réglementer ce secteur et qui assurera la protection de la vie privée, mais on m'a signalé le fait que l'Association médicale canadienne et l'un des organismes qui ont en fait critiqué ce projet de loi.

Aux dires de l'association, par rapport au code de l'AMC, le projet de loi C-54 n'offre pas une protection adéquate et suffisante de la vie privée et du caractère confidentiel du dossier médical des patients.

Naturellement, le ministre reconnaîtra que le secret professionnel du médecin est quelque chose de très important, j'en suis certain, mais je serais curieux de savoir comment il répondrait aux préoccupations de l'AMC.

M. John Manley: Nous sommes d'avis que cette question relève de toute évidence de la compétence provinciale, et c'est l'une des raisons pour lesquelles je disais que si les provinces n'introduisent pas de mesure législative complémentaire, il y aura des lacunes.

M. Rahim Jaffer: Je vois. Alors dans une certaine mesure, cela s'applique également à la question de la protection du consommateur que j'ai remarquée dans l'exposé, car dans une certaine mesure, cette question relève également de la compétence provinciale.

M. John Manley: Presque entièrement, en fait.

M. Rahim Jaffer: Essentiellement, donc, vous êtes en train de mettre en place un cadre de travail, mais vous vous attendez à ce que les provinces comblent les lacunes. Est-ce ce qui sera fait à ce niveau, en ce qui concerne ces questions en particulier?

• 1645

M. John Manley: En un sens, dans le domaine du commerce, la Constitution nous donne la compétence pour élargir notre pouvoir aux entreprises qui font du commerce, même si elles sont entièrement de type provincial. Mais le pouvoir commercial ne s'applique pas aux médecins et aux patients. Cela est très clair.

Même une province qui dit qu'elle préfère compter sur la compétence fédérale voudra peut-être envisager un genre de mesure législative complémentaire pour combler ces lacunes là où nous ne pensons pas avoir le pouvoir constitutionnel pour le faire.

Donc, s'il y a commerce de données médicales, et si quelqu'un vend ces renseignements, ce genre de situation est déjà visée par le projet de loi C-54. Je ne pense pas que cela soit exclu du projet de loi C-54 s'il s'agit en fait de commerce.

En ce qui concerne la protection des consommateurs—rapidement, madame la présidente—au fédéral nous n'avons pas vraiment de compétence dans ce domaine. Un parallèle intéressant à la protection de la vie privée serait la publicité trompeuse où les lois fédérales et provinciales sont complémentaires. Cela fonctionne bien. Les plaintes sont déposées, et le Bureau de la concurrence et les organismes provinciaux de réglementation s'en occupent. Habituellement, l'organisme qui a compétence en la matière obtient le résultat recherché par le consommateur. C'est ce qui arrivera dans le cas de la protection de la vie privée également.

En ce qui concerne la protection des consommateurs, nous tentons de travailler en coopération. Si nous pouvons obtenir un cadre de travail commun pour tout le Canada en ce qui concerne les transactions en matière de commerce électronique, nous pensons en fait que les pays du monde entier vont chercher à obtenir un cadre et que nous pourrons peut-être en fait établir une norme qui sera adoptée ailleurs également. Il faut cependant que les provinces y travaillent vraiment également.

M. Rahim Jaffer: Merci.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Jaffer.

Madame Jennings, s'il vous plaît.

Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Cette question est plutôt d'ordre technique. J'ai de la difficulté avec le libellé de la section 2, «Recours—dépôt des plaintes», avec une bonne partie de cet article. Vous pouvez peut-être éclaircir cette question pour moi.

Par exemple, le paragraphe 11(4) dit:

    Le commissaire donne avis de la plainte à l'organisation visée par celle-ci.

Le paragraphe 12(1) dit:

    Le commissaire procède à l'examen de toute plainte et, à cette fin, a le pouvoir [...]

on décrit ensuite tous ces pouvoirs.

Ensuite on en arrive au paragraphe 13(2), qui dit:

    Le commissaire n'est toutefois pas tenu de dresser un rapport s'il est convaincu que, selon le cas

on énumère ensuite toute une série de motifs pour lesquels le commissaire peut décider de ne pas préparer un rapport.

Dans la dernière partie de ce paragraphe, on dit:

    Le cas échéant, il en informe le plaignant, motifs à l'appui.

On ne dit cependant rien pour ce qui est d'informer l'organisation, qui est l'objet de la plainte, que le commissaire a décidé que la plainte est frivole, ou sans objet, ou vexatoire ou faite de mauvaise foi. Aucun avis n'est envoyé à l'organisation. Or, l'organisation est avisée qu'une plainte a été déposée concernant sa conduite mais elle n'est pas avisée de la façon dont on a disposé de cette plainte si le commissaire décide de ne pas préparer un rapport pour l'un des motifs énumérés au paragraphe 13(2).

Voilà pour ma première question.

M. John Manley: Je ne sais pas pourquoi nous l'aurions omis.

Mme Marlene Jennings: C'est pourquoi j'ai dit que c'était peut-être une question d'ordre technique.

M. John Manley: Vous voudrez peut-être envisager un amendement pour ajouter à la fin du paragraphe 2 que le commissaire doit informer le plaignant et l'organisation.

Mme Marlene Jennings: Très bien. Et je suppose qu'il devrait le faire par écrit.

M. John Manley: J'imagine qu'il les informera par écrit.

Mme Marlene Jennings: Très bien.

L'autre question porte sur les méthodes de recours et l'examen des plaintes.

Dans l'article français, on dit «examen des plaintes», qui, si je ne me trompe pas, ne veut pas nécessairement dire investigations of complaints.

[Français]

Il se peut que je me trompe, parce que je connais mieux la loi du Québec, mais normalement, quand on parle de l'examen d'une plainte, cela veut dire qu'on prend note de la plainte, qu'on l'examine et qu'on décide ensuite si on va faire enquête ou non, selon la nature de la plainte.

• 1650

Lorsqu'on parle, par exemple, du pouvoir d'assigner, de contraindre des témoins, etc., d'ordonner le dépôt de documents et de perquisitionner, on parle d'une enquête proprement dite.

C'est pourquoi j'ai dit hier que, selon moi, il y avait un problème sur le plan linguistique entre les versions française et anglaise. Il se peut qu'ailleurs au Canada, cela convienne, mais je me pose des questions là-dessus.

M. John Manley: C'est pourquoi je devrai en référer au ministère de la Justice, qui déterminera si la traduction est correcte.

Mme Marlene Jennings: Au ministère de la Justice? Bon. Alors, je poserai mes questions aux fonctionnaires du ministère de la Justice.

Je vous remercie et je vous félicite d'avoir pris action en déposant ce projet de loi. Contrairement à ma collègue, je comprends très bien, et je m'en réjouis, que le fédéral ait décidé d'occuper un champ de compétence qui lui est propre et aussi de se tenir à l'avant-garde dans toutes les questions relatives à la protection des renseignements personnels et au commerce électronique.

[Traduction]

Je crois que nous avons pris de l'avance. Je crois que vous l'avez décrit très clairement—chapeau!

[Français]

M. John Manley: Merci.

[Traduction]

La présidente: Madame Jennings, vous devez savoir que nous entendons inviter la ministre de la Justice à comparaître devant le comité lorsque nous commencerons à étudier la partie 2.

Mme Marlene Jennings: Je préparerai d'autres questions à son intention.

La présidente: Pour le moment, nous sommes en train d'examiner la partie 1. Nous allons cependant rencontrer également les fonctionnaires avec le ministre une fois que nous en aurons terminé sinon aujourd'hui, alors demain après-midi.

Mme Marlene Jennings: Très bien.

[Français]

La présidente: Madame Lalonde, s'il vous plaît.

Mme Francine Lalonde: Madame Jennings, je suis certaine de parler au nom du Québec en disant que, si la loi était autant d'avant-garde que vous le dites, le Québec en serait tout à fait satisfait. C'est pour obtenir la meilleure loi possible pour le Québec et pour l'ensemble du Canada, parce que ce qui se passe ailleurs a des répercussions au Québec, que le Québec en a demandé le retrait. Ce n'est pas pour que le gouvernement fédéral ne joue pas son rôle, mais pour que sa présence soit coordonnée.

Voici ma question, monsieur le ministre. Vous savez que la loi québécoise est en accord avec la directive européenne. Or, le projet de loi C-54 prévoit, à l'article 3, que la protection doit être donnée aux Canadiens.

    3. La présente partie a pour objet de donner aux Canadiens le droit à la vie privée à l'égard des renseignements personnels...

C'est un peu bizarre, d'autant plus qu'on vise—au Québec, la loi est ainsi faite—à protéger au Québec les renseignements provenant d'autres pays, disons de l'Union européenne, comme les renseignements provenant de Québécois.

Pour moi, ce n'est pas le seul problème que causera à l'Union européenne le projet de loi C-54 s'il est adopté, parce qu'elle est extrêmement exigeante pour ce qui est de la protection des données qui viendraient de chez elle, au Québec et au Canada. La loi doit donc viser à protéger l'ensemble des données qui transitent par le Québec et le Canada.

De plus, ne trouvez-vous pas que le recours—et Mme Jennings aurait pu continuer—est inefficace parce que le commissaire ne peut qu'enquêter et faire des recommandations? C'est ensuite à la personne de se présenter en cour fédérale. C'est d'abord elle qui doit chercher à obtenir justice. La loi québécoise, quant à elle, prévoit qu'on aille chez le commissaire lui demander d'exercer sa médiation et de trancher, si la médiation n'est pas couronnée de succès.

M. John Manley: Ce n'est pas vrai. Le commissaire peut aller en cour.

Mme Francine Lalonde: Le commissaire? C'est pourtant ce qui est écrit dans votre loi. Le commissaire peut y aller s'il en a vent, lorsque c'est un événement public, mais autrement, la petite personne qui a un problème avec une petite entreprise doit chercher à régler son problème avec l'entreprise. C'est ce qui est prévu. Quand elle ne peut le régler, elle va soumettre sa plainte au commissaire. Le commissaire peut tenter une médiation, il fait un rapport et il fait ensuite une recommandation à l'entreprise. Et si l'entreprise n'accepte pas sa recommandation, il faut s'adresser à la Cour fédérale. Cela va décourager plein de monde.

Mme Marlene Jennings: Lisez l'article 15.

• 1655

Mme Francine Lalonde: Je l'ai lu. Je connais bien le projet de loi, madame. C'est seulement quand cela vient à l'oreille du commissaire.

Mme Marlene Jennings: Il a qualité pour demander lui-même...

La présidente: Madame Jennings, please.

M. John Manley: D'abord, cela débute par l'action du plaignant, qui peut s'adresser au commissaire et porter plainte. D'habitude, comme on l'a expérimenté au Québec, où ce système existe, le plaignant s'adresse au commissaire. Si le plaignant n'est pas satisfait, il peut aller directement à la cour. Mais aussi, selon l'article 15, le commissaire peut s'adresser directement à la cour. Selon l'expérience qui dure depuis trois ans au Québec, il n'est pas nécessaire d'imposer des amendes.

Mme Francine Lalonde: On ne parle pas d'amendes.

M. John Manley: C'est tout réglé.

Mme Francine Lalonde: Mais il y a une décision de droit... Vous ne m'avez pas répondu à propos de l'Union européenne.

M. John Manley: On me dit que nous avons déjà commencé à discuter avec l'Union européenne. Je ne pense pas qu'il y ait de problèmes.

La présidente: Merci, madame Lalonde.

[Traduction]

Monsieur Murray, s'il vous plaît.

M. Ian Murray: Merci.

Monsieur le ministre, pendant des années nous avons eu des problèmes avec l'emploi du numéro d'assurance sociale comme identificateur personnel lors des transactions commerciales. Bien que les gens ne soient pas tenus—et je crois que de plus en plus se rendent compte que c'est le cas—de donner leur numéro pour des raisons non gouvernementales, on le demande bien souvent encore.

Ce projet de loi prévoit l'emploi d'une signature électronique sécurisée. Je ne sais pas si ma proposition a du sens, mais je me demandais s'il n'y aurait pas moyen le cas échéant d'éliminer l'utilisation des numéros d'assurance sociale. Par exemple, certains de ces numéros sont faux ou appartiennent à quelqu'un d'autre. Est-ce que cette signature électronique pourrait peut-être remplacer le numéro d'assurance sociale et, de cette façon, résoudre certains problèmes qui sont apparus au cours des ans?

M. John Manley: Cela ne relève pas de ma compétence.

M. Ian Murray: C'est ce que je craignais. Je ne voulais pas être injuste.

M. John Manley: La question des numéros d'assurance sociale relève du ministre du Développement des ressources humaines.

La signature électronique n'est pas, contrairement au numéro d'assurance sociale, un point de référence de dépôt pour recueillir des renseignements. La signature numérique est vraiment votre identificateur personnel qui permettra à la personne avec laquelle vous faites des transactions commerciales électroniques de savoir que c'est bel et bien Ian Murray qui passe la commande ou qui accepte de vendre le produit et non pas quelqu'un d'autre.

Comme vous le savez, le numéro d'assurance sociale constitue un point de référence pour le gouvernement pour recueillir toutes sortes de renseignements et entre autres choses, les primes que vous versez au RPC et vos déclarations d'impôt. Le gouvernement a besoin de ce numéro pour suivre toutes vos transactions, peu importe si vous participez à un régime donné. Par conséquent, ce numéro sert à des fins différentes.

J'avais pensé que vous alliez me demander pourquoi nous n'avons rien prévu dans ce projet de loi au sujet des numéros d'assurance sociale. J'allais vous répondre que la loi actuellement en vigueur permet aux personnes de refuser de donner leur numéro d'assurance sociale si cela n'est pas nécessaire.

M. Ian Murray: J'ai simplement pensé que ce projet de loi nous permettra peut-être de rectifier certains problèmes qui pourraient exister.

Quant à cette signature électronique, de quoi aura-t-elle l'air? Est-ce que cette signature serait semblable au numéro d'identification personnel qu'on obtient à la banque, ce qui est grosso modo un identificateur numérique?

M. John Manley: Cette signature pourrait être sous forme d'un numéro d'identification personnel ou sous forme d'un code personnalisé. Il pourrait s'agir également d'une puce intégrée à votre ordinateur qui, lorsque cette puce est jointe à un code, vous donnerait essentiellement une empreinte numérique. En d'autres mots, sans le code numérique, je ne pourrais pas ouvrir votre ordinateur et m'en servir en faisant croire à quelqu'un d'autre que c'est vous.

La technologie est en pleine évolution, ainsi on compare la signature numérique à la signature suivie d'un sceau de cire apposé sur un bout de papier du temps où on faisait nos études de droit, on peut déterminer que la signature électronique constituera une façon assez certaine de savoir avec qui vous faites affaire.

M. Ian Murray: D'accord. Merci.

La présidente: Merci, monsieur Murray.

Monsieur Jones, avez-vous d'autres questions?

• 1700

Monsieur le ministre, nous sommes heureux de vous accueillir ici aujourd'hui. En tant que présidente du comité, je tiens à vous informer que j'ai reçu de nombreuses lettres de différentes associations exprimant certaines préoccupations en ce qui concerne le projet de loi C-54, surtout au sujet des exceptions proposées.

Si j'ai bien compris, le projet de loi C-54 tel qu'il est rédigé, ne vous permettrait pas d'utiliser le bottin téléphonique pour faire des ventes directes. J'ai cru comprendre que le ministère envisage certaines exceptions dans ce domaine.

J'aimerais vous avertir que notre comité tient à discuter de cette politique ici au comité. On ne veut pas que le débat ait lieu au moment de rédiger les règlements. Je soulève cette question parce que je ne sais pas si vous savez—sans doute vous le savez déjà—que ce débat est déjà entamé et que je reçois des lettres quotidiennement de divers organismes qui cherchent à obtenir le même genre d'exceptions.

M. John Manley: Je crois que vous allez entendre de nombreux témoignages et mon ministère va vouloir les évaluer. On va demander diverses exceptions, et, dans certains cas, vous voudrez peut-être en tenir compte.

Personnellement, je crois qu'une personne devrait pouvoir donner son consentement quant à l'emploi de renseignements personnels. En toute honnêteté, il est regrettable que, de nos jours, si quelqu'un ne veut pas avoir son nom, son adresse et son numéro de téléphonique publiés dans l'annuaire téléphonique, il doit payer un certain montant d'argent. Une telle pratique m'apparaît contraire aux principes de la vie privée, et j'aimerais qu'on respecte ces principes. Par conséquent, je crois que si on veut se servir de ces renseignements, il faut d'abord obtenir le consentement de l'intéressé.

Vous allez peut-être vouloir déterminer si oui ou non ce consentement est implicite du fait que les gens ont le droit de ne pas faire publier ces renseignements dans l'annuaire téléphonique. Mais déjà on commence à compiler des répertoires d'adresses de courrier électronique, de numéros de téléphone cellulaire. Cette multiplication de renseignements de référence va nous poser de véritables défis si nous croyons que chaque personne qui publie un répertoire de ce genre obtient d'abord le consentement de la personne qu'on appelle sollicite ou contacte pour quoi que ce soit.

Il existe, bien entendu, d'autres renseignements disponibles au grand public mais ces renseignements ne sont pas sous format électronique. Toutefois, je crois que ces sources de renseignements pourraient également violer le droit à la vie privée du citoyen ordinaire.

Madame la présidente, vous êtes avocate et donc vous savez qu'on n'a qu'à s'adresser au bureau d'enregistrement pour obtenir des renseignements sur les achats de maison et les hypothèques. Je ne suis pas convaincu que l'idée qu'on pourra obtenir ces renseignements et ensuite s'en servir, quoique de tels renseignements sont disponibles au grand public plaise à tout le monde.

Par conséquent, c'est un sujet très intéressant qui va sans doute faire l'objet de beaucoup de discussions et de débats au sein de votre comité. J'ai bien hâte de connaître votre point de vue. J'aurai mes propres opinions également.

La présidente: Je tiens à vous dire que, lors de mes entretiens avec votre ministère, on m'a informée, puisque je n'exerce pas la profession d'avocat depuis cinq ans, qu'on peut obtenir de tels renseignements non seulement au bureau d'enregistrement mais également sous forme électronique et que la province d'Ontario les vend aux banques et à d'autres organismes qui désirent être au courant de la date de renouvellement de votre hypothèque.

Je vais permettre à M. Jones de poser la dernière question.

M. Jim Jones: Toujours sur le même sujet, je crois qu'on recommande, entre autres choses, aux États-Unis une certaine déontologie de l'Internet; lorsque vous ouvrez un site qui appartient à une société comme IBM, par exemple, la première page de leur site explique toutes les règles et les règlements en ce qui concerne les renseignements personnels.

Est-ce qu'on pourrait exiger que chaque société ayant un site Web soit tenue de préciser leurs conditions et leur déontologie Internet quant au traitement des renseignements?

M. John Manley: À l'heure actuelle, un bon nombre de sites Web importants, y compris des sites Web uniquement canadiens, précisent ces principes que ne se trouvent pas nécessairement sur la première page, mais vous pouvez cliquer sur la page contenant leur code d'éthique.

• 1705

Je ne sais pas s'il faut légiférer à cet égard. Vous pourrez peut-être en discuter.

Ce projet de loi stipule que les normes, que les 10 principes décrits à l'annexe doivent être respectés. Je suppose qu'il n'est pas nécessaire de préciser davantage, à moins que certaines compagnies tiennent à faire des déclarations supplémentaires quant à leur code d'éthique. Une telle mesure pourrait constituer un avantage de marketing pour certaines sociétés.

M. Jim Jones: C'est plutôt rassurant.

M. John Manley: C'est vrai. Cependant, les sociétés vont peut-être vouloir élaborer une norme qui pourrait s'ajouter à ce que nous avons déjà. Il m'incomberait sans doute de créer un cadre juridique précisant les recours juridiques qui s'offrent au consommateur qui craint une violation de sa vie privée.

Le projet de loi C-54 exige qu'on se conforme à l'annexe 1, qui contient des principes qu'un bon nombre d'entreprises canadiennes publieraient si jamais elles publiaient leur code d'éthique en ce qui concerne leur vie privée. Par conséquent, le projet de loi en tient déjà compte.

Je vous pose la question suivante: Est-ce qu'il faut légiférer à l'égard des sites Web et obliger les entreprises à dire, a) bien sûr nous nous conformons aux dispositions fédérales et provinciales sur la protection de la vie privée mais, de plus, b) voici notre du code d'éthique?

M. Jim Jones: Étant donné que nos transactions avec les États- Unis comptent pour 85 p. 100 de notre commerce, il serait bon de connaître leur code d'éthique et de savoir que vous, monsieur le ministre, pouvez obliger ce pays, puisqu'il n'a pas de Loi sur la protection de la vie privée, d'au moins prévoir une loi du code d'éthique comme celui-ci—on pourrait dire qu'il s'agit d'une courtoisie d'Internet. D'après moi, ce genre de politique pourrait augmenter le commerce électronique qui se fait sur Internet.

M. John Manley: Certaines entreprises qui envisagent une telle politique le font déjà au Canada. Elles appliquent leurs codes de façon très rigoureuse et, de cette façon, elles suscitent la confiance.

Au fur et à mesure que les consommateurs s'y habituent, et au fur à mesure que ce genre de commerce devient moins inhabituel et peut se comparer au commerce ordinaire, ils vont commencer à reconnaître certaines caractéristiques. Ils vont se dire, eh bien, lorsque j'ouvre ce site Web en particulier, je sais ce que l'entreprise compte faire de mes renseignements puisqu'elle l'a déjà expliqué au départ, il s'agit d'une entreprise approuvée et tout—par contre, si j'ouvre un autre site Web et je vois que la compagnie n'explique pas ses principes, eh bien, même si le prix me semble intéressant, est-ce que cela vaut le risque.

Le simple fait que les consommateurs veulent et cherchent une telle politique va obliger le marché à s'y conformer. Vous allez peut-être songer si oui ou non cela doit relever de la compétence fédérale, parce que c'est une question qui est un peu compliquée à moins de pouvoir conclure que le commerce électronique constitue une question interprovinciale et donc doit relever entièrement du gouvernement fédéral.

Mme Lalonde pourrait bien réfléchir à cette question.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur le ministre.

Je tiens à vous remercier beaucoup de vos observations et de votre comparution ici aujourd'hui. Vous avez fait preuve de beaucoup de générosité.

Je tiens à signaler aux députés que les fonctionnaires sont ici. Cependant, ils sont d'accord pour revenir demain et je tiens à les remercier. La séance avec les fonctionnaires va commencer à 15 h 30, et ensuite c'est le Commissaire à la protection de la vie privée du Canada qui va témoigner. La séance de demain va se prolonger jusqu'à 18 heures, parce que nous avons des votes ce soir et le timbre va commencer à sonner à 17 h 15.

Mme Francine Lalonde: Qui comparaît demain?

• 1710

La présidente: Demain nous accueillons le Commissaire à la protection de la vie privée du Canada, mais nous allons d'abord entendre les témoignages des représentants du ministère. Vous pourrez poser des questions techniques, comme Mme Jennings l'a déjà fait, aux fonctionnaires pendant environ 30 minutes avant d'entendre le Commissaire à la protection de la vie privée du Canada. Nous accueillons les commissaires provinciaux jeudi.

Encore une fois, merci beaucoup, monsieur le ministre.

La séance est levée.