INDY Réunion de comité
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STANDING COMMITTEE ON INDUSTRY
COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mercredi 3 février 1999
La présidente (Mme Susan Whelan (Essex, Lib.)): Conformément à un ordre de renvoi de la Chambre en date du mardi 3 novembre 1998, nous faisons l'examen du projet de loi C-54, Loi visant à faciliter et à promouvoir le commerce électronique en protégeant les renseignements personnels, utilisés ou communiqués dans certaines circonstances, en prévoyant l'utilisation de moyens électroniques pour communiquer ou enregistrer de l'information et des transactions et en modifiant la Loi sur la preuve au Canada, la Loi sur les textes réglementaires et la Loi sur la révision des lois.
En attendant que la ministre arrive, nous pourrions peut-être passer au point 7 de notre ordre du jour, c'est-à-dire la motion de M. Jones. Nous pouvons traiter votre motion maintenant, si cela vous va, monsieur Jones.
M. Jim Jones (Markham, PC): D'accord.
La présidente: Voulez-vous proposer la motion?
M. Jim Jones: Oui. Je propose que M. Howard Wilson, conseiller en éthique, soit sommé de comparaître devant le comité pour répondre à des questions sur l'examen qu'il a fait des relations d'affaires du premier ministre.
Cette motion est très claire. Si le comité l'adopte, Howard Wilson comparaîtra devant notre comité, en sa qualité de conseiller en éthique, pour répondre aux questions des députés sur la façon dont il a appliqué les règles de divulgation applicables au premier ministre.
En 1993, le premier ministre a convenu de vendre ses actions du club de golf de Grand-Mère. Il possédait 25 p. 100 des actions, ce qui représentait plus de 200 000 $.
La présidente: Monsieur Jones, votre motion me pose deux problèmes dont nous devrions d'abord discuter. En fait, M. Wilson n'a de rapport à nous faire que sous le régime de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes. Il n'a pas à répondre à nos questions sur ce que fait le premier ministre ou sur les transactions commerciales ou autres du premier ministre. Donc,...
M. Jim Jones: Le conseiller en éthique relève du ministre de l'Industrie et donc de notre comité. Son bureau est dans l'immeuble du ministère de l'Industrie.
La présidente: Il en va peut-être autrement dans les faits, toutefois. Tout ce qui relève du ministère de l'Industrie n'a pas toujours été, par le passé, inscrit au mandat de notre comité. Le récent rapport du Bureau de la concurrence en est un bon exemple. Ce rapport a été renvoyé devant le Comité des finances. Le fait que certains postes relèvent du ministère de l'Industrie ne signifie pas que nous avons automatiquement le droit d'examiner les actes de leurs titulaires.
J'estime que la motion est irrecevable compte tenu du mandat de notre comité. Dans sa forme actuelle, elle est irrecevable, à moins que vous puissiez nous présenter plus tard des preuves qu'elle l'est.
M. Jim Jones: Je le ferai avec grand plaisir.
Permettez-moi de déposer également avis d'une motion pour que M. François Beaudoin, président de la Banque de développement du Canada, soit sommé de comparaître devant le comité le plus tôt possible pour expliquer les exigences en matière d'octroi de prêts, de mesures de conformité et de remboursement des prêts, plus précisément dans le cas d'Yvon Duhaime.
La présidente: Merci beaucoup. Nous en prenons bonne note, monsieur Jones.
Nous avons le grand plaisir d'avoir avec nous aujourd'hui la ministre. Vous avez, je crois, une déclaration liminaire pour nous, n'est-ce pas exact?
L'hon. Anne McLellan (ministre de la Justice et procureure générale du Canada): Oui.
La présidente: Veuillez commencer quand vous serez prête.
[Français]
Mme Anne McLellan: Merci beaucoup, madame la présidente. Bonjour à vous, ainsi qu'aux membres du comité.
[Traduction]
J'ai le plaisir de vous rencontrer aujourd'hui pour parler du projet de loi C-54, Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques. Veuillez m'excuser d'être arrivée quelques minutes en retard.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, je raconterai, si vous me le permettez, une anecdote qui illustre les raisons pour lesquelles nous traitons maintenant de ce projet de loi. À une certaine époque, le gouvernement du Canada traitait avec ses citoyens au moyen d'une certaine technologie. Il a ensuite décidé d'utiliser une technologie nouvelle et plus avantageuse. Toutefois, certains s'inquiétaient de l'à-propos d'utiliser cette deuxième technologie. Le Parlement a réagi en adoptant la Loi sur les documents publics. Permettez-moi de vous lire un extrait de l'article 2 de cette loi:
-
Il n'est pas nécessaire de grossoyer sur parchemin aucune
commission ni aucun autre document public [...] mais ces documents,
s'ils sont écrits ou imprimés en totalité ou en partie sur papier,
sont aussi valides sous tous les rapports que s'ils eussent été
écrits ou imprimés sur parchemin.
Voilà en résumé ce sur quoi portent les parties 2 et 5 du projet de loi C-54. Ses dispositions facilitent l'utilisation des nouvelles technologies, tout comme le papier était considéré comme un nouveau support ou une nouvelle technologie et remplaçait le parchemin il y a une centaine d'années. De nos jours, il ne s'agit plus de remplacer le papier, mais d'adopter une nouvelle technologie. Nous sommes passés du parchemin au papier, et nous passerons maintenant aux moyens électroniques.
Le gouvernement doit être en mesure de servir les Canadiens et les Canadiennes de façon à la fois rentable et efficace.
[Traduction]
Il est essentiel d'offrir à tous les Canadiens des moyens de communication et de prestation des services modernes. Le projet de loi C-54 permettra au gouvernement du Canada d'offrir ses services aux Canadiens de façon sûre et efficace par des moyens électroniques. Ce projet de loi permettra également à notre système judiciaire de reconnaître et d'accepter les preuves électroniques.
Madame la présidente, en octobre dernier, à la réunion des ministres de l'Organisation de coopération et de développement économiques, l'OCDE, qui a eu lieu à Ottawa, le Canada s'est engagé à adapter notre infrastructure judiciaire à tous les médias. En d'autres mots, du point de vue juridique, le projet de loi C-54 placera les transactions électroniques sur le même pied que les transactions sur papier. Il garantira aux particuliers et aux entreprises que les documents et les signatures électroniques sont valides du point de vue juridique. Le projet de loi C-54 ne remplacera ni n'éliminera la communication sur support papier; il fera de la transmission de renseignements électroniques par ordinateur une option réaliste, pratique et légitime. En adoptant le projet de loi C-54, le Canada fera un grand pas vers la réalisation des engagements internationaux qu'il a contractés en octobre auprès de l'OCDE.
À l'échelle nationale, le projet de loi rapprochera le gouvernement de son objectif de faire du Canada la nation la plus branchée au monde et un leader international en matière de commerce électronique. Je crois savoir, chers collègues, que lorsque John Manley a comparu devant vous, il vous a montré une vidéo et fait connaître son opinion sur les progrès qui ont été réalisés pour ce qui est de faire du Canada le pays le plus branché au monde.
[Français]
Le projet de loi C-54 s'attaque à un certain nombre d'obstacles qui nuisent à la croissance du commerce électronique au Canada. Les entreprises et les citoyens nous ont répété à maintes reprises que nous devions les rassurer en ce qui concerne la protection de la vie privée et la sécurité avant qu'ils transigent au moyen de l'Internet. Le projet de loi C-54 vise à donner confiance dans le commerce électronique.
[Traduction]
Le projet de loi a quatre effets: il garantit la protection de la vie privée des personnes qui communiquent par des moyens électroniques; il adapte le cadre juridique afin que nos lois soient compatibles avec un environnement électronique; il précise comment est évaluée la fiabilité des documents électroniques présentés en preuve devant les tribunaux, et il confère un caractère officiel aux versions électroniques de la codification des lois et règlements fédéraux.
La partie 1 du projet de loi porte sur la protection des renseignements personnels. Le ministère de la Justice appuie Industrie Canada dans ses efforts pour établir une politique canadienne de la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. En décembre dernier, lorsque le ministre Manley et ses fonctionnaires ont expliqué à votre comité les dispositions de ce projet de loi dans ce domaine, certains députés ont exprimé certaines réserves quant au rôle du gouvernement fédéral à cet égard. À titre de conseillère judiciaire du gouvernement, je tiens à assurer au comité et à déclarer officiellement que cette mesure législative est constitutionnelle et que le gouvernement fédéral est dans son droit de présenter une mesure législative à cette fin.
• 1550
Comme vous le savez, les pouvoirs constitutionnels du
gouvernement fédéral en matière de protection des renseignements
personnels viennent de sa compétence en matière de réglementation
du commerce, alors que les pouvoirs constitutionnels des provinces
viennent de leur compétence en matière de droit de la propriété de
droits civils. Ce projet de loi propose un ensemble uniforme de
règles régissant la collecte, l'utilisation et la divulgation de
renseignements personnels dans le commerce, dans le secteur privé.
Toutefois, compte tenu de leurs pouvoirs constitutionnels, les
provinces devraient avoir suffisamment de marge de manoeuvre pour
adopter des mesures législatives semblables dans les domaines qui
relèvent de leur compétence.
Mon collègue le ministre Manley et moi-même, ainsi que les fonctionnaires de nos ministères respectifs, avons hâte de continuer à travailler en étroite collaboration avec nos collègues des provinces et des territoires pour offrir aux Canadiens des mesures complètes de protection de la vie privée, et ce, dans tous les aspects de leur vie.
Permettez-moi de discuter maintenant des dispositions de ce projet de loi qui relèvent de ma compétence, en qualité de ministre de la Justice.
La partie 2 du projet de loi constitue un outil législatif pouvant servir à modifier les lois fédérales actuelles pour les rendre compatibles avec l'environnement électronique. Cette section du projet de loi permettra aux ministères, commissions et organismes fédéraux de communiquer avec les Canadiens et de leur fournir des services par l'entremise de médias électroniques. Le gouvernement et les Canadiens auront ainsi la possibilité d'envoyer et de recevoir de l'information sous forme numérique.
À l'heure actuelle, plus de la moitié des 600 lois fédérales mentionnent l'obtention ou l'envoi d'informations que l'on pourrait interpréter comme étant uniquement sur support papier. Vu le nombre de lois fédérales à modifier pour tenir compte des formats électroniques, nous devons trouver pour ce faire une méthode économique et rapide. L'approche que je propose est à la fois générale et exhaustive.
La partie 2 renferme des dispositions interprétatives et habilitantes qui établissent un degré d'équivalence entre le support papier et le format électronique. On aura le choix d'ajouter ces dispositions aux lois et règlements actuels. En bout de ligne, le projet de loi proposé permettra aux ministères fédéraux de reconnaître et d'accepter les documents électroniques et, par conséquent, de satisfaire aux exigences relatives aux originaux, aux signatures et aux formulaires imprimés. Les ministères pourront se servir de la loi lorsque leurs clients, à savoir les entreprises et les particuliers partout au Canada, seront prêts et disposés à effectuer des transactions électroniques.
Au cours des consultations, j'ai garanti à un certain nombre de ministères que chacun d'eux aurait la possibilité et la marge de manoeuvre voulues pour adhérer à la loi uniquement lorsqu'ils estimeront que les circonstances le justifient et lorsqu'ils seront prêts à utiliser la technologie. Ainsi, les ministères et organismes disposeront du temps nécessaire pour mettre à niveau et modifier leurs fonctions de gestion afin de pouvoir fonctionner dans un environnement électronique.
Lorsque nous avons préparé des propositions pour favoriser l'utilisation des moyens électroniques dans la communication et la conduite des affaires publiques, nous avons envisagé des questions très élémentaires au sujet de la nature de l'information échangée sous forme électronique. Par exemple, comment satisfaire par des moyens électroniques des exigences particulières comme celles relatives aux originaux, aux signatures et aux déclarations assermentées ou attestées.
Bien sûr, les avocats parmi vous connaissent bien ces concepts et leurs répercussions sur nos vies, qu'il s'agisse de mesures sur les fraudes ou d'autres genres d'instruments, comme les lois sur la preuve, etc., par lesquels nous attestons l'authenticité des documents.
[Français]
Pour aborder cette question, nous avons dû choisir une méthode tenant compte des différences entre la communication par voie électronique et la communication sur papier.
[Traduction]
Habituellement, il nous faut la preuve d'une entente sous la forme d'un document original afin que le tribunal soit convaincu que les dispositions et modalités de l'entente n'ont pas été modifiées depuis la signature de ladite entente. Il s'agit de la «règle de la meilleure preuve».
• 1555
Dans un monde fondé sur le papier, la règle de la meilleure
preuve est habituellement respectée lorsque l'on produit un
document original sur support papier, qu'il s'agisse d'un contrat,
d'un testament, d'un bail, ou d'un autre type de document.
Cependant, il est difficile de satisfaire à cette règle dans un
monde électronique parce qu'il est difficile de trouver un document
électronique original. Contrairement au document sur support
papier, il n'y a rien à la surface d'un document électronique qui
distingue l'original d'une copie. Contrairement au document sur
support papier, il n'y a pas de signature manuscrite qui peut être
authentifiée au moyen d'une comparaison visuelle avec d'autres
échantillons.
Dans un monde électronique, lorsque nous voulons vérifier l'intégrité d'un document électronique—c'est-à-dire, lorsque nous voulons nous assurer que le contenu du document électronique n'a pas été modifié depuis qu'il a été créé et enregistré—nous devons examiner la fiabilité du système électronique sur lequel le document a été créé. Pour ce faire, nous devons disposer d'une loi qui établit un lien entre la fiabilité du système servant à rédiger le document et la fiabilité du document électronique. Ce concept constitue la pierre angulaire de toute proposition relative à la preuve électronique, non seulement ici, mais partout dans le monde.
À titre d'information, en août dernier, après une période de consultation intensive, et en collaboration avec les provinces et les territoires ainsi qu'avec le secteur privé par l'entremise de la Conférence sur l'uniformisation des lois du Canada, toutes les parties intéressées se sont rencontrées et ont approuvé une ébauche de loi sur la preuve électronique.
La partie 3 du projet de loi C-54 propose de modifier la Loi sur la preuve au Canada afin d'y intégrer les principes énoncés dans l'ébauche de la Conférence sur l'uniformisation des lois du Canada.
Les modifications à la Loi sur la preuve au Canada proposées par la Conférence comportent de nombreux avantages.
Premièrement, les modifications portent sur des points souvent confus au sujet de la preuve électronique que l'on trouve actuellement dans la jurisprudence. Grâce aux modifications apportées à la Loi sur la preuve au Canada, les lois régissant la preuve électronique seront beaucoup plus faciles à comprendre pour les avocats et leurs clients. Les modifications proposées encourageront les gens à créer et à utiliser des documents électroniques sans craindre que les tribunaux rejettent leurs dossiers électroniques et s'engagent dans une recherche infructueuse—et, si j'ose dire, coûteuse—afin de retrouver un document original pour satisfaire à la règle de la meilleure preuve.
Deuxièmement, afin qu'une preuve électronique puisse être admissible dans des poursuites en justice, les modifications à la Loi sur la preuve au Canada énonceront clairement ce qu'un témoin devra présenter pour prouver la fiabilité du système de conservation des dossiers. Par conséquent, nous allons veiller à ce que les personnes chargées de la tenue des dossiers demeurent responsables de la fiabilité de leurs documents électroniques et de leurs systèmes de conservation des dossiers.
Troisièmement, les modifications ne créeront pas un fardeau indu pour les parties à une poursuite parce que les propositions préciseront ce qui doit être prouvé.
Les modifications établissent un équilibre entre divers intérêts et préoccupations. Parallèlement, les nouvelles dispositions établissent des différences de procédure pour ceux qui cherchent à faire admettre en preuve des documents électroniques créés à partir de leurs propres systèmes de conservation des dossiers et pour ceux qui s'appuient sur des documents électroniques provenant de systèmes de conservation des dossiers d'autres parties, et c'est une distinction importante.
Je propose également des modifications à la Loi sur la preuve au Canada afin de permettre l'établissement par règlement de présomptions particulières pour ce qui est des signatures électroniques sécurisées liées à l'infrastructure à clé publique du gouvernement fédéral.
Comme vous le savez, l'infrastructure à clé publique renvoie à un système de technologie et de procédures qui nous permet de déterminer qui a signé un document électronique. Ces présomptions vont aider les tribunaux qui examinent des documents électroniques ayant été signés au moyen de la technologie de la signature numérique ou d'autres techniques de cryptographie. Les changements proposés à la Loi sur la preuve au Canada vont aider les tribunaux à déterminer l'identité de la personne qui a signé le document électronique et contribueront à confirmer l'intégrité de ce document.
• 1600
Le projet de loi C-54 fera du gouvernement un utilisateur
modèle de la technologie électronique et établira des normes de
pratique à la fois élevées et raisonnables. Le gouvernement fédéral
exigera l'utilisation de signatures électroniques sécurisées
utilisant la technologie de la signature numérique lorsque la loi
exige des attestations ou des documents originaux.
La partie 3 propose aussi des modifications à la Loi sur la preuve au Canada qui confère aux avis et aux lois publiés électroniquement par l'imprimeur de la Reine la même valeur juridique que ceux publiés sur support papier.
De plus, la partie 4 du projet de loi C-54 modifiera la Loi sur les textes réglementaires afin de permettre au gouverneur en conseil d'exiger la publication d'une version électronique de la Gazette du Canada, que nous connaissons tous sous sa forme imprimée, qui sera considérée officielle.
Enfin, la partie 5 du projet de loi autorise le ministre de la Justice à publier les modifications aux lois et règlements du Canada, ainsi qu'une version remaniée des lois et règlements, sous forme imprimée ou électronique. Même si on peut actuellement avoir accès à la version électronique des lois et règlements sur Internet et sur CD-ROM, cette version n'a pas de caractère officiel.
Les modifications proposées dans les parties 4 et 5 entreront en vigueur lorsque la technologie adéquate sera déployée pour assurer l'intégrité des versions électroniques des lois et règlements. Dès que la partie 5 entrera en vigueur, les versions imprimées et électroniques seront toutes deux officielles et admissibles en preuve aux termes de la Loi sur la preuve au Canada.
En terminant, madame la présidente et membres du comité, le gouvernement du Canada cherche à assurer la prospérité des Canadiens dans une économie de plus en plus concurrentielle et branchée. Je suis convaincue que lorsque M. Manley a comparu devant ce comité, il a parlé abondamment de cet important défi ainsi que de notre capacité, en tant que pays, de le relever.
L'environnement électronique évolue rapidement et devient de plus en plus perfectionné. Nous devons continuer de surveiller de près les questions et les répercussions juridiques qui découlent de ces progrès technologiques et prendre les mesures qui s'imposent à l'échelle fédérale et internationale.
Au Canada, nous allons continuer de déployer des efforts soutenus pour trouver des solutions pratiques et efficaces par l'intermédiaire d'organismes comme la Conférence sur l'uniformisation des lois du Canada. À l'étranger, nous allons continuer de collaborer avec la Commission des Nations unies sur le droit commercial et international (CNUDCI) et la Conférence de La Haye pour détecter et atténuer les obstacles inhérents aux différents systèmes juridiques afin de pouvoir arriver à un cadre juridique qui favorisera harmonieusement l'élimination des frontières dans le secteur du commerce et des communications électroniques.
Le projet de loi C-54 modifie le cadre juridique du gouvernement fédéral ainsi que les lois et règlements afin d'assurer leur pertinence à l'ère du numérique.
[Français]
Madame la présidente, je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de faire cette présentation au comité. Je vous remercie également pour votre examen attentif de cet important projet de loi et pour l'appui que vous lui accordez.
[Traduction]
Madame la présidente, chers collègues, je vous remercie de votre attention. Je me rends compte que certaines parties du projet de loi dont je suis responsable sont assez techniques, mais elles sont aussi très importantes. Elles établissent l'infrastructure juridique dont nous avons besoin pour aider les Canadiens et les gouvernements à utiliser les médias électroniques pour effectuer des opérations commerciales, que ce soit avec nous, entre eux ou avec d'autres partenaires dans le monde.
Je serai heureuse de répondre à vos questions. Je suis accompagnée de mes savants fonctionnaires qui sauront répondre aux questions techniques que vous pourriez avoir au sujet de la technologie et des autres aspects de notre proposition qui s'y rapportent.
Merci, madame.
La présidente: Merci beaucoup, madame la ministre.
Nous allons maintenant passer aux questions. Auparavant, je dois vous dire que lorsque nous avons parlé du projet de loi C-54 pour la première fois et que j'ai expliqué les champs de compétence, je l'ai fait avec le sourire. On a pensé que je blaguais lorsque j'ai dit que le ministre de l'Industrie était responsable de la partie 1, à savoir la Loi sur la protection des renseignements personnels, et que le ministre de la Justice était responsable des parties 2 à 5, qui portent sur les questions électroniques.
Mme Anne McLellan: C'est exact. Cela peut paraître étonnant, mais c'est bien le cas. Vous avez bien décrit la situation.
La présidente: Peut-être que vous pourriez nous expliquer la situation avant de commencer.
Mme Anne McLellan: Je suis responsable des parties 2 à 5 parce qu'elles portent sur l'infrastructure juridique. En fait, il s'agit de modifier des lois comme la Loi sur la preuve au Canada—dont je suis directement responsable—et d'apporter des amendements portant sur la façon de présenter la preuve—par exemple, les documents d'authentification et ce genre de choses. C'est technique, ce n'est pas très prestigieux, mais c'est un élément important de notre infrastructure juridique, et j'en suis responsable.
De toute évidence, les mesures comme celles visant à s'assurer que la version électronique de la Gazette du Canada et les révisions s'y rapportant soient considérées comme des documents officiels admissibles en vertu de la Loi sur la preuve au Canada, je le répète, constituent des questions très techniques. Ceux d'entre vous qui sont avocats savent que ces questions peuvent facilement accaparer beaucoup de notre temps. Vous pouvez vous faire expulser du tribunal. Vous risquez de gaspiller le temps et l'argent de vos clients à moins de vous attarder aux détails qui vous permettent de répondre aux critères fondamentaux de la charge de présentation et des hypothèses. Voilà ce dont je suis responsable.
Mon collègue, le ministre de l'Industrie, est responsable des propositions qui permettent de veiller à ce que les Canadiens aient l'assurance, lorsqu'ils utilisent les médias électroniques, que leurs communications sont protégées et traitées conformément au plan établi. Bien entendu, M. Manley a la responsabilité—ce n'est pas la mienne—de collaborer avec l'OCDE, la CNUDCI et ses homologues provinciaux, pour veiller à ce que nous ayons un système qui protège la vie privée, si chère aux Canadiens, et qui, à mon humble avis, tient compte des pouvoirs constitutionnels des provinces.
La présidente: Merci.
Nous allons maintenant commencer par les questions de M. Pankiw.
M. Jim Pankiw (Saskatoon—Humboldt, Réf.): Merci, madame la présidente.
À propos des préoccupations des provinces, que prévoyez-vous et dans quel délai pensez-vous pouvoir y remédier?
Mme Anne McLellan: Est-ce que vous parlez de la protection des renseignements personnels? Ce sont les seuls problèmes dont j'ai entendu parler.
M. Jim Pankiw: Oui, c'est ce que je dis.
Mme Anne McLellan: Je crois que vous avez eu une longue discussion avec M. Manley à ce sujet. Je sais qu'il a rencontré ses homologues provinciaux, les ministres responsables de la consommation et des opérations des compagnies, depuis sa comparution ici. Dans certains cas, celui de la Saskatchewan notamment, les ministres de la Justice sont également concernés. Il y a donc, du moins dans certaines provinces, un point de convergence entre les deux dossiers. La rencontre de M. Manley s'est très bien passée, ce qui ne veut pas dire que certaines provinces ne continuent pas à exprimer certaines préoccupations.
Pour paraphraser M. Manley, quand on a su ce que pouvait représenter pour le commerce électronique au Canada la récente directive de l'OCDE, par exemple, beaucoup de ministres provinciaux ont compris que cela n'était pas un problème strictement provincial. En fait, cela dépasse non seulement les frontières provinciales mais aussi les frontières nationales. Je parle, évidemment, de transactions internationales par voie électronique. Cela va exiger un effort constant menant à de plus en plus d'ententes multilatérales—du moins bilatérales, mais de préférence multilatérales—avec d'autres pays afin que nos citoyens puissent non seulement faire des transactions commerciales mais être assurés que leurs droits seront protégés.
Je crois que les délais sont indiqués dans la loi. Cela s'applique au secteur privé sous réglementation fédérale, sur lequel nous avons compétence exclusive. D'après ce que j'ai compris, si les provinces n'ont pas adopté leurs propres dispositions législatives à la fin de ces trois ans, notre proposition s'appliquera. Il est impossible de laisser un hiatus dans l'infrastructure législative car, sinon, il y a des gens qui ne sont pas protégés.
• 1610
Je demanderais à mes collaborateurs s'il y a autre chose à
dire pour mieux expliquer le problème? J'insiste sur le fait que
cela relève de M. Manley. Peut-être que le fonctionnaire de son
ministère devrait s'asseoir ici puisque je parle tellement de lui.
M. Jim Pankiw: Je comprends bien que cela intéresse davantage le ministre Manley et peut-être ne devrais-je pas...
Mme Anne McLellan: Je ne vois pas d'inconvénient à ce que nous poursuivions.
M. Jim Pankiw: Si je vous comprends bien, vous n'y voyez pas vraiment de problème. Vous dites que si les provinces n'ont pas leurs propres lois au bout de cette période de trois ans, c'est la loi fédérale qui s'appliquera, un point c'est tout.
Mme Anne McLellan: Non, la loi s'applique au secteur privé sous réglementation fédérale. Cela relève de notre compétence exclusive, c'est évident. Les tribunaux l'ont toujours dit. Cela ne pose pas de problème. Nous avons aussi notre propre loi sur la protection des renseignements personnels qui s'applique au secteur public, si bien que celui-ci est évidemment couvert.
Pour ce qui est des pouvoirs en matière de commerce, je suis sûre que certains députés du Bloc interpréteront les choses différemment et c'est tout à fait légitime. C'est la raison pour laquelle nous avons des tribunaux. Notre point de vue pour ce qui est du pouvoir en matière de commerce à ce sujet est que lorsqu'il s'agit de transactions commerciales qui ne sont pas limitées à une province, on va au-delà des droits civils et des droits de propriété. Lorsque je suis à Ottawa et que je fais une transaction avec quelqu'un en Colombie-Britannique ou à Genève, cela dépasse le domaine des droits civils et de propriété. Nous estimons que c'est un aspect qui relève du commerce.
Je n'ai pas l'intention de vous faire un cours—on m'accuse parfois de le faire—sur la jurisprudence entourant la question du commerce dans notre pays. Toutefois, nous savons que le Québec a sa propre législation. Celle-ci s'applique, c'est normal, et continuera de s'appliquer aux transactions à l'intérieur de la province. Personne ne le conteste. En fait, nous aimerions que d'autres provinces fassent ce qu'a fait le Québec. Nous aimerions qu'elles adoptent leurs propres lois afin que les Canadiens, où qu'ils vivent, sachent que les renseignements personnels qu'ils communiquent bénéficient de cette protection lorsqu'ils se livrent à des transactions commerciales par des moyens technologiques, c'est-à-dire au commerce électronique.
La présidente: Dernière question, monsieur Pankiw.
M. Jim Pankiw: Pourquoi votre ministère et le ministère de l'Industrie ont-ils estimé nécessaire de combiner les aspects séparés que sont la protection des renseignements personnels et l'infrastructure juridique dans le même projet de loi? C'est probablement lié, mais pourquoi ne pas avoir deux projets de loi?
Mme Anne McLellan: J'espère ne pas révéler de confidences ni de secrets ici, mais M. Manley et moi aurions beaucoup aimé que les deux parties du projet de loi soient présentées séparément. Nous reconnaissons les problèmes que vous rencontrez pour ce qui est de la protection des renseignements personnels car cela revêt énormément de dimensions différentes sans compter que vous devez ensuite vous pencher sur les parties 2 à 5, terriblement techniques et juridiques à propos de l'infrastructure. Cela a toutefois été décidé ainsi pour faciliter les choses à la Chambre. Cela se comprend. Il s'agit de commerce électronique et quand on m'a expliqué la chose, j'ai été tout à fait d'accord. La protection des renseignements personnels est un élément important du commerce électronique.
Je suis certaine que lorsqu'il a comparu, M. Manley vous a dit que les Canadiens étaient tout à fait favorables au commerce électronique, avec une petite réserve: la protection des renseignements personnels ou l'utilisation que l'on fera des renseignements qu'ils donneront. Il n'est donc pas possible de discuter d'un côté de la protection des renseignements personnels et de l'autre de créer une infrastructure juridique visant à faciliter le commerce électronique.
C'est pourquoi j'ai finalement acquiescé car c'est tout à fait logique. Ce sont les deux moitiés d'un même ensemble, et c'est la raison pour laquelle nous comparaissons tous les deux devant votre comité au sujet de ce projet de loi.
M. Jim Pankiw: Vous auriez toutefois préféré qu'il y ait deux projets de loi distincts.
Mme Anne McLellan: Non, je suis tout à fait satisfaite que cela soit groupé. Je répète que je considère maintenant qu'il s'agit des deux moitiés d'un ensemble. Sans les garanties concernant la protection des renseignements personnels, les Canadiens n'utiliseront pas le commerce électronique comme ils le souhaitent et nous perdrons notre première place dans le monde. Nous prendrons du retard.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Pankiw.
[Français]
Monsieur Bellemare, avez-vous des questions?
M. Eugène Bellemare (Carleton—Gloucester, Lib.): Madame la ministre, je vous remercie de votre historique sur la question des parchemins, du papier et du système électronique d'aujourd'hui. Votre explication était très rassurante et très intéressante.
Une chose m'inquiète dans le projet de loi. C'est qu'il semble que les journalistes aient des droits extraordinaires et qu'il pourrait y avoir des abus. C'est ce qui m'inquiète. Les médias révèlent des renseignements confidentiels sur le consommateur, l'individu, le Canadien ou la Canadienne, par exemple. Pourquoi les médias ont-ils été protégés de cette façon, d'une part? D'autre part, pourquoi le citoyen n'est-il pas protégé contre des abus possibles?
[Traduction]
Mme Anne McLellan: Pour la gouverne de nos collègues, monsieur, je crois que le paragraphe dont vous parlez est le paragraphe (1) de l'article 4 qui stipule que: «La présente partie s'applique à toute organisation à l'égard des renseignements personnels». L'alinéa c) du paragraphe (2) de l'article 4 stipule plus loin que cette partie ne s'applique pas
-
à une organisation à l'égard des renseignements personnels qu'elle
recueille, utilise ou communique à des fins journalistiques,
artistiques ou littéraires et à aucune autre fin.
Je suis sûre, monsieur, qu'étant donné vos intérêts, vous comprendrez l'importance de la licence artistique.
M. Eugène Bellemare: En effet.
Mme Anne McLellan: Cette clause reconnaît que la Charte des droits et libertés protège la liberté d'expression. C'est l'une des libertés fondamentales que tous les Canadiens considèrent comme sacrée. Il est important de trouver un juste équilibre entre le droit des particuliers à la protection des renseignements personnels, qui est aussi sacré, et la liberté d'expression. Aussi, dans des régimes législatifs tels que celui-ci, le gouvernement est amené à reconnaître les deux droits tout en essayant de trouver un juste équilibre. Ce que nous avons ici est, à notre avis, la preuve que nous reconnaissons qu'il faut trouver un juste milieu entre le droit des particuliers à la protection des renseignements personnels et le droit des journalistes, et de ceux qui sont artistes ou auteurs, d'exercer une profession juste et raisonnable.
Quelqu'un voudrait-il ajouter quelque chose à ce sujet?
Ne pensez pas que cela leur donne un droit illimité de publier des renseignements personnels ou confidentiels. Non. C'est aux fins journalistiques, artistiques ou littéraires, sinon on ne peut pas recueillir, utiliser ou dévoiler ces renseignements à d'autres fins.
M. Eugène Bellemare: Madame la ministre, les médias ont de vastes pouvoirs lorsqu'il s'agit d'accéder à n'importe quoi. Avec leurs systèmes de regroupement qui leur permettent de contrôler tout un éventail d'organisations, d'entreprises, etc., un seul journaliste a certainement accès à des tas de renseignements qu'il n'utilisera pas forcément à bonne fin. Par exemple, en période électorale, on peut réellement démolir un candidat qui vous déplaît. Si l'usage à mauvais escient de renseignements personnels permet de démolir un candidat, celui-ci n'a aucun recours parce que le temps ne lui permet pas d'agir en période électorale. S'il s'agit d'une mère célibataire assistée sociale, elle n'est pas en mesure d'avoir recours à la justice comme pourrait le faire une grosse société. Comment peut-on protéger ces gens contre le mauvais usage de renseignements?
Mme Anne McLellan: Permettez-moi de souligner, encore une fois, que cette partie de la loi relève de M. Manley. Bien que je sois tout à fait prête à lui transmettre vos préoccupations et à tenter d'y répondre de mon mieux, je tiens à vous le rappeler.
Il ne faut pas oublier une chose. Nous avons tenté de trouver un équilibre entre la protection de la vie privée et la liberté d'expression, mais personne ne doit penser que les lois habituelles ne s'appliquent pas, en l'occurrence. Par exemple, les lois habituelles sur la diffamation s'appliquent. Dans certains cas, que nous connaissons tous, parce que nous menons une vie publique, quelqu'un qui divulgue quelque chose à notre sujet dans un journal, version copie, aujourd'hui, pourrait être passible de poursuites civiles. Si nous pensons que ce qui a été publié est diffamatoire ou empiète sur nos droits, nous pouvons en appeler aux tribunaux. Ce recours existe dans certains cas depuis des siècles et sera maintenu. Rien dans ce projet de loi ne modifie la common law ou les lois qui nous offrent une protection de base en matière de diffamation, etc.
Vous soulevez une question tout à fait légitime en ce qui concerne l'équilibre à trouver et la question de savoir si nous y sommes parvenus dans ce projet de loi. Si le comité estime que la définition est trop large ou que l'équilibre est faussé dans ce projet de loi, je suis tout à fait ouverte à vos suggestions comme le sera, je le sais, M. Manley.
Toutefois, je reviens au fait qu'il faut trouver un équilibre entre les différents droits. Par conséquent, il nous faut reconnaître qu'il existe un droit important de liberté d'expression, du moins pour certains, que les tribunaux ont déjà défini dans le contexte des autres médias tels que les journaux, la radio, la télévision, et Internet.
La présidente: Merci, madame la ministre.
[Français]
Merci, monsieur Bellemare.
Madame Lalonde, s'il vous plaît.
Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Bonjour, madame la ministre de la Justice. Je voudrais d'abord vous dire que vous me surprenez parce que vous êtes toujours ministre de la Justice même si vous nous dites que vous êtes responsable des parties 2 et suivantes de ce projet de loi.
M. Owens, qui a fait une recherche exhaustive sur les renseignements personnels pour le compte du Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien, dit tout au long de son livre, mais plus particulièrement à la page 152:
-
Si la protection de la vie privée
doit, de manière générale, être assurée, cela se fera
dans le cadre d'une collaboration entre les instances
fédérales et provinciales, étant donné que les deux
échelons de gouvernement ont des préoccupations
légitimes en la matière, et compte tenu du fait que le
flux des données confidentielles ne respecte pas les
frontières et qu'il nécessite par conséquent une
démarche de collégialité.
Or, le ministre Manley a interrompu la démarche de collégialité, ce que les 12 ministres de la Justice qui se sont réunis avec vous les 29 et 30 octobre ont déploré. Cela a donné un projet de loi... Cela doit être important pour vous en tant que ministre de la Justice, vous qui avez dit à Montréal, le 24 novembre:
-
Mais rehausser la
confiance du public comporte un aspect plus
subtil. Il faut pour cela rendre l'administration
de la justice
plus accessible, plus compréhensible et plus efficace;
il faut un système de justice homogène et cohérent.
Or, ce projet de loi, dans sa première partie—et je vais parler de la deuxième partie—est confus. Aucune des nombreuses personnes que j'ai consultées et qui vont venir s'exprimer, y compris du monde des affaires, ne dit qu'il n'est pas confus.
• 1625
Ce n'est pas un projet de loi efficace pour ce qui est
des recours, et c'est un projet de loi qui, au Québec,
outre les chicanes
constitutionnelles—chicane au sens juridique du mot,
ce qui ne veut pas dire que ce sont de petites
affaires—, a l'énorme désavantage de créer deux
ensembles de règles qui vont s'appliquer aux mêmes
entreprises. Les entreprises ne savent pas à
quoi s'attendre et quelles sont leurs obligations. Les
citoyens ne savent pas quels sont leurs droits.
Madame la ministre de la Justice, comment pouvez-vous nous assurer que ce projet de loi va favoriser la protection des renseignements personnels et même faciliter le commerce électronique? Vous cherchez à valider la signature, avec raison, mais la signature ne peut pas être différente au fédéral et au provincial. Quand je signe quelque part, je ne peux pas avoir deux signatures; je n'en ai qu'une. Des règles de signature existent depuis longtemps en vertu du droit civil et en vertu de la common law:
-
2827. La signature
consiste dans l'apposition qu'une personne fait sur un
acte de son nom ou d'une marque qui lui est
personnelle et qu'elle utilise de façon courante pour
manifester son consentement.
Dans le définition de «signature électronique», on ne parle pas de consentement. Dans celle de «signature électronique sécurisée», on renvoie à des règlements qu'on ne connaît pas.
Merci, madame la présidente.
[Traduction]
Mme Anne McLellan: Je vous remercie de votre question et de vos commentaires. J'aimerais revenir à la question de la collaboration parce que, dans ce contexte, c'est très important. Il existe des questions de compétence importantes et il faut que comme gouvernement, nous respections la compétence constitutionnelle des provinces et que nous consacrions les efforts voulus pour collaborer avec les provinces lorsque la compétence est partagée afin d'éviter, par exemple, les problèmes de double emploi.
Je n'ai pas participé aux discussions avec les provinces sur les dispositions sur la protection de la vie privée. Ces négociations et ces consultations ont été menées par mon collègue et le ministère de l'Industrie avec ses homologues provinciaux. Je sais que le processus favorisait largement la collaboration. Cela dit, je ne nie pas que quelques provinces considèrent qu'il faudrait procéder différemment que ce qui est prévu dans ce projet de loi. Je respecte ce point de vue, mais le défi pour moi consiste à m'assurer que ce que nous proposons relève de la compétence constitutionnelle du gouvernement fédéral. Si j'y parviens, il y aura peut-être ceux qui seront en désaccord avec ce que nous faisons, mais cela devient alors une question de choix de politique, d'instruments. Nous ne proposons pas alors quelque chose qui va au-delà des pouvoirs du gouvernement du Canada, sur le plan constitutionnel.
Je respecte donc les arguments que vous invoquez et j'ai certainement noté les questions que vous nous avez posées à M. Manley et à moi-même à la Chambre des communes pendant la Période des questions sur ce sujet. Je transmettrai à M. Manley ces préoccupations que vous avez réitérées. Toutefois, en ma qualité de ministre de la Justice, je ne peux que vous répéter que je pense que ce que nous proposons dans ce projet de loi est constitutionnel et conforme au pouvoir du gouvernement fédéral. Cela dit, je reconnais qu'il est absolument essentiel que nous travaillions, chaque fois que nous pouvons le faire, en collaboration afin d'éviter dans toute la mesure du possible le double emploi et de s'assurer que nous facilitons le commerce électronique et renforçons la confiance du public dans son utilisation.
Je pense que c'est tout ce que je peux faire aujourd'hui pour vous rassurer sur ce point.
La présidente: Merci.
[Français]
Merci, madame Lalonde.
[Traduction]
Monsieur Keyes.
M. Stan Keyes (Hamilton-Ouest, Lib.): Merci, madame la présidente.
Merci, madame la ministre, pour l'information que vous nous avez fournie et d'avoir répondu à nos questions. Je vais entrer maintenant dans les détails techniques et vous allez donc peut-être pouvoir souffler un peu.
Du point de vue technique, je ne pense pas que les Canadiens contestent que d'être passé du parchemin au papier et maintenant du papier à l'espace cybernétique, constitue un pas important et qu'il nous faut suivre cette technologie et la mettre à la disposition de nos électeurs. Je suis persuadé que les 20 p. 100 d'électeurs dans ma circonscription qui possèdent des ordinateurs seraient enchantés de pouvoir envoyer leur déclaration d'impôt sur le revenu par exemple, de leur foyer à Revenu Canada. Ce sera un jour le cas, lorsque nous pourrons résoudre les problèmes de la protection de la vie privée.
Un électeur de ma circonscription—afin de protéger sa vie privée, je vais l'appeler simplement Bill sur la rue Caroline- Sud—m'a écrit au sujet d'un problème technique qui découle du lancement récent par Intel de son processeur Pentium 3. Il me dit que ce produit, dans sa forme actuelle, a de graves répercussions sur la vie privée des Canadiens.
Encore hier dans le Globe and Mail, il y avait un article, je ne sais pas si vos collaborateurs l'ont vu, au sujet de ce processeur Pentium 3 d'Intel et de l'enthousiasme qu'il suscite parce qu'il est plus puissant, etc. Toutefois, on a intégré à ce processeur un contrôle électronique de surveillance qui risque de transformer d'Internet en un exercice extrêmement public. On explique dans cet article comment ce contrôle peut déceler ce que l'utilisateur tente de consulter sur Internet et même, éventuellement, constituer un dossier sur cette personne—sans doute, un profil du consommateur.
Ce contrôle électronique de surveillance s'appelle un NSP ou numéro de série du processeur. Ce contrôle finit par monter un profil de consommateur au fur et à mesure que le consommateur consulte divers sujets sur Internet de façon régulière. Les groupes de protection de la vie privée sont très inquiets. J'ai entendu ce que vous avez dit au sujet de la vie privée et que cela relève du ministre Manley, mais je pense que nous allons éprouver de la difficulté à séparer la vie privée de la technologie parce que les deux sont presque entrelacées. Toutefois, essayons de le faire dans ce cas-ci. On reproche à la loi d'être trop restrictive à l'heure actuelle pour tenir compte des technologies en pleine évolution, qui se généralisent comme le NSP.
L'un de vos collaborateurs pourrait-il m'expliquer ce que fait le gouvernement dans les domaines dont votre ministère est responsable en ce qui concerne la technologie d'Internet et plus particulièrement le NSP et cette haute technologie qu'on accuse de plus en plus d'être en mesure un jour de remplacer le droit traditionnel grâce à ces activités en direct?
Mme Anne McLellan: Merci, Stan. Je pense que M. Power va répondre à cette question.
M. Michael Power (directeur adjoint, Politiques, Groupe de travail interministériel de mise en oeuvre de l'ICP, Secrétariat du Conseil du Trésor): C'est le genre de situation où l'on souhaite avoir fait des études d'ingénieur plutôt que des études de droit.
M. Stan Keys: Quelqu'un a intérêt à s'y connaître dans ce domaine.
M. Michael Power: Oui, monsieur.
Je dois commencer par dire que la possibilité de déceler de la puce a surpris le monde. Cette capacité a produit énormément de préoccupations à l'échelle internationale. Je pense que même Intel, d'après ce que j'ai lu dans les journaux, repense cette question.
Toutefois, permettez-moi de vous dire que le projet de loi C-54 n'a peut-être pas une portée étroite. En fait, nous avons tenté de le rédiger de cette façon, il est neutre sur le plan de la technologie en ce sens que sa partie 1 vise la collecte d'informations par ces puces. Je ne me prétends pas expert en ce qui concerne la partie 1, mais j'essaye de faire le lien entre ce que je sais de la partie 1 et ce que j'ai vu dans les journaux sur le Pentium 3.
• 1635
Ce contrôle n'est pas illégal, mais tout usage abusif de
l'information ainsi recueillie serait assujetti à la partie 1 qui
offre également un recours.
M. Stan Keyes: Sauf votre respect, monsieur Power, évitons de nous bercer d'illusions. S'il existe une technologie capable, comme on le prétend, d'établir un profil et de le vérifier, et que ce profil est ensuite distribué au fabricant de gadgets, il va voir que vous, monsieur Power, vous intéressez vivement aux gadgets, étant donné que vous avez appelé toutes les compagnies qui en fabriquent au cours des six derniers mois et on va venir livrer des magazines chez vous; le consommateur aura bien du mal à prouver qu'on fait une utilisation abusive de l'information le concernant, et qu'il n'a fournie à personne.
Je visite des sites Internet, et cela suffit à tracer mon profil. Je suis un joueur tout à fait innocent dans ce jeu. Mais on établit ce genre de profil, et M. Power va recevoir les magazines de nombreux fabricants de gadgets qui sont en concurrence, parce qu'ils savent tous que M. Power s'intéresse à leurs produits sur Internet.
Le particulier n'a pratiquement aucun recours pour trouver celui qui a constitué son profil et qui l'a fait circuler, sans doute contre rémunération, sans qu'il en sache rien. C'est très difficile de remonter à la source, pour déterminer qui a dressé le profil et pour savoir si ce profil n'est pas utilisé par de nombreux intervenants.
M. Michael Power: Je voudrais répondre à cela par les éléments suivants.
Tout d'abord, je le répète, je n'ai pas vu le livre blanc sur la puce du Pentium 3 et je ne connais donc pas les particularités de cette technologie, mais je crois savoir, d'après les articles que j'ai lus—nous débattons sur des éléments d'information que nous tenons de deuxième ou de troisième main—que la possibilité de remonter à la source peut être supprimée à partir de l'ordinateur personnel. C'est donc une question d'information du public; il faut faire en sorte que les utilisateurs d'ordinateurs Pentium 3 connaissent cette possibilité de débrancher le mécanisme de pistage avant de se servir de l'ordinateur.
Par ailleurs, cette question de pistage s'est posée l'année dernière à propos des timbres (cookies). La question est la même et sauf votre respect, elle appelle la même réponse. Il s'agit du consentement éclairé qu'il faut obtenir.
Franchement, et sauf erreur de ma part que mes collègues de l'industrie, qui sont plus experts que moi en matière de protection de la vie privée, pourront toujours corriger, je crois savoir qu'aux termes de la législation actuelle, n'importe quel usage peut faire l'objet d'une enquête de la part du commissaire à la protection de la vie privée, qui n'a pas à attendre que quelqu'un porte plainte. Si l'on constate de nombreux cas d'utilisation abusive de l'information, comme vous le prétendez, le commissaire à la protection de la vie privée peut intervenir même si personne n'a porté plainte et appliquer les mécanismes de recours prévus dans la partie 1.
M. Stan Keyes: Un dernier commentaire très important, mais pour dire la vérité et sauf son respect, M. Power n'est manifestement pas au courant de cet aspect de la technologie.
Je m'intéresse beaucoup aux ordinateurs, je les aime et ils me permettent de me tenir au courant, mais en ce qui concerne cette puce du Pentium 3, monsieur Power, vous devez comprendre qu'elle peut être fournie avec Intel et si on veut la désactiver, il faut acheter un logiciel spécial. Mais pour installer ce logiciel, qu'il a fallu acheter en plus du Pentium 3, il faut recourir aux services d'un agent certifié de Microsoft.
La présidente: C'est de la facturation à option négative.
M. Stan Keyes: C'est de la facturation à option négative, et tout ce genre de choses.
Monsieur Power, j'ai apprécié votre réponse, mais vous avez du rattrapage à faire.
Mme Anne McLellan: Mais Stan, en définitive, expliquez-moi ce qui vous préoccupe en ce qui concerne...
M. Stan Keyes: Madame la ministre, c'est parce que la technologie dont il est question dans cette partie du projet de loi doit être surveillée plus étroitement, de façon que le consommateur ne soit pas soumis à une facturation à option négative et qu'il n'ait pas à acheter...
Mme Anne McLellan: D'accord, c'est donc une question tout à fait différente.
M. Stan Keyes: Non, c'est toujours...
La présidente: C'est une question de consentement. Vous parlez de l'obligation de modifier un certain nombre de lois, de signatures et de conséquences juridiques.
L'histoire des timbres (cookies) est un peu différente, car on peut cliquer sur oui ou sur non. Avec ce processus, le consommateur n'a pas le choix.
Vous obligez le consommateur moyen à devenir expert en informatique pour savoir ce qu'il achète, et la loi ne semble offrir aucune protection. Je pense que c'est cela que M. Keyes veut dire.
Nous sommes en présence d'un projet de loi où il est question de protection de la vie privée et vous parlez d'apporter des changements juridiques aux parties 1 à 5 du projet de loi. Peut-être faudrait-il chercher dans une autre loi des dispositions qui protègent ceux dont on n'a pas demandé le consentement contre une telle éventualité.
En tout cas, il faut passer à la suite. La ministre n'a plus grand temps.
Mme Anne McLellan: Je tiens à revenir un instant sur ce sujet. C'est une question importante et je veux parler des recours éventuels ou ce qu'il convient de faire dans une telle situation; lorsqu'on décide d'utiliser une certaine technologie, il faut en connaître le potentiel et les limites.
Avant que vous n'ayez terminé vos délibérations, nous vous ferons savoir, par l'intermédiaire de mes fonctionnaires, ce que nous pensons sur la question que vous venez de soulever. Je suis heureuse de m'engager à le faire.
La présidente: Merci.
La ministre est pressée par le temps, mais les fonctionnaires vont rester avec nous et continueront à répondre à nos questions.
Monsieur Jones.
M. Jim Jones: L'intervention de M. Keyes m'a paru très intéressante et j'aimerais obtenir des renseignements supplémentaires. Je suppose qu'Intel s'est efforcée d'éliminer certaines tâches répétitives et qu'on peut l'activer ou le désactiver chaque fois que la carte de crédit... toute l'information. Je suppose que c'est comme cela. Je ne sais pas non plus, mais j'aimerais bien le savoir.
Sur le dernier élément, l'ancien Comité des droits de la personne a recommandé que l'on dégage des crédits suffisants pour permettre au commissaire à la protection de la vie privée de s'acquitter de ses obligations. Ce comité a signalé en particulier qu'à défaut de ressources budgétaires et de personnel supplémentaires, les pouvoirs et responsabilités confiés au commissaire à la protection de la vie privée n'auraient aucun sens.
Est-ce que vous veillez à accompagner cette mesure législative de fonds suffisants pour permettre au commissaire de s'acquitter de ses fonctions?
Mme Anne McLellan: C'est encore une question qui concerne la première partie de la loi, mais je sais que certains s'inquiètent des moyens dont dispose le commissaire pour s'acquitter de sa tâche.
Vous avez entendu son point de vue, puisqu'il a comparu devant le comité. Je ne sais pas s'il en a parlé, ni ce qu'il a pu en dire. Un représentant d'Industrie pourrait peut-être nous renseigner. Mais ce que je peux dire, c'est que tout le monde, dans le secteur public, est censé faire son travail à partir des ressources disponibles. Il est entendu que lorsque nous imposons à quelqu'un des tâches supplémentaires importantes, nous devons nous préoccuper des ressources dont cette personne dispose. Je suis prête à le faire à propos de ce projet de loi si l'on constate qu'il impose au commissaire à la protection de la vie privée de nouvelles obligations importantes, que ces ressources ne lui permettent pas...
La présidente: Madame la ministre, permettez-moi de vous dire que le commissaire à la protection de la vie privée nous a dit très clairement qu'il ne pourrait pas remplir le mandat que lui confie cette loi avec le budget dont il dispose.
Mme Anne McLellan: C'est censé nous surprendre?
La présidente: Eh bien, je croyais qu'on devait vous éclairer là-dessus.
Mme Anne McLellan: Mais je suis tout à fait prête à examiner toute demande de fonds de la part du commissaire, avec pièces justificatives, suite à l'adoption d'une nouvelle loi qui lui imposerait, ainsi qu'à son bureau et à son personnel, d'importantes responsabilités additionnelles. Ce n'est qu'un exemple, mais c'est celui que nous étudions aujourd'hui. Il est évident que si le commissaire n'a pas les ressources nécessaires pour faire son travail, nous pourrons adopter toutes les lois que nous voulons, il ne pourra pas enquêter sur les plaintes ni entreprendre des enquêtes de son propre chef.
Je comprends ce que vous voulez dire. Vous avez raison, et j'ai hâte d'entendre les arguments que fera valoir le commissaire à la protection de la vie privée pour obtenir une augmentation de son budget.
M. Jim Jones: Donc, lorsqu'il vous présentera son budget, puisque vous devrez l'approuver, vous lui poserez la question, n'est-ce pas?
Mme Anne McLellan: Oui.
M. Jim Jones: Et qui va choisir la technologie de codage et celle de la signature électronique? Est-ce que ce sera quelqu'un du grand public? Le public aura-t-il accès à cette technologie?
M. Michael Power: Le ministre Manley a annoncé, le 1er octobre dernier, la politique du gouvernement en matière de cryptographie. Cela n'avait aucun rapport avec les parties 2 à 5. La politique du gouvernement veut qu'il n'y ait aucune restriction, au Canada, sur l'utilisation de la technologie de cryptographie. Les seules restrictions s'appliquent à l'exportation de cette technologie, et ce, en vertu de l'entente de Wassenaar.
M. Jim Jones: Bien. Les gouvernements provinciaux font-ils beaucoup appel aux documents électroniques? Les efforts des gouvernements provinciaux et fédéral sont-ils coordonnés en la matière? Par exemple, les consommateurs canadiens seront-ils en mesure de traiter avec les deux paliers de gouvernement en se servant du même logiciel?
M. Michael Power: Cela dépend de ce qu'on veut faire. Je sais, par exemple, qu'il existe un projet pilote permettant aux contribuables de transmettre leurs déclarations électroniquement aux deux niveaux de gouvernement. Je crois qu'Industrie Canada travaille non seulement avec l'Ontario mais aussi avec la ville de Mississauga à cette fin.
Je sais que le gouvernement du Canada utilise, si possible, des logiciels prêts à utiliser. Par exemple, nous achetons d'un vendeur en particulier pour développer l'infrastructure publique du gouvernement du Canada. Certains ministères en Ontario, et je crois aussi au Québec, se servent de ce même logiciel, de cette même technologie. Il se dessine donc un certain degré d'harmonisation. Mais c'est certain que les trois niveaux de gouvernement se consultent sur la meilleure façon de fournir des services électroniques aux Canadiens.
La présidente: Ce sera votre dernière question, monsieur Jones.
M. Jim Jones: Quel ministère fédéral se sert le plus du commerce électronique? Quand le gouvernement va-t-il fonctionner entièrement sur ordinateur et qui s'assure que chaque ministère fait des progrès dans ce domaine?
Mme Anne McLellan: Je peux essayer de répondre à cette dernière question. Comme je l'ai indiqué dans mes commentaires concernant les dispositions de la partie 2 qui s'appliquent au gouvernement fédéral, les ministères fédéraux peuvent y participer. Nous ne les obligeons pas à être tous au même point en même temps. On reconnaît le fait—votre question était excellente—que les ministères ne fonctionnent pas tous de la même façon; ils fournissent des services différents aux Canadiens et certains sont plus avancés électroniquement que d'autres.
Personne ne sera surpris d'apprendre que ce sont nos amis de Revenu Canada qui travaillent le plus sur support électronique. Mais j'ignore si d'autres ministères—je présume qu'Industrie Canada en fait presque autant en raison de ses relations avec le secteur privé et avec le public canadien en vertu de son mandat.
Mais nous reconnaissons le fait que les ministères n'en sont pas tous au même point et qu'ils sont soumis à divers types de pressions. Certains ministères doivent réagir plus rapidement à cause du type de relations qu'ils entretiennent avec le monde des affaires. C'est une stratégie de participation volontaire, mais je tiens à vous assurer que mes collègues sont pleinement d'accord avec l'approche préconisée dans le projet de loi. Ils font leur possible compte tenu des ressources.
Certains ministères, tels que Revenu Canada et Industrie Canada, prennent les devants. D'autres ministères réagissent plutôt aux événements. Mon but est d'encourager mes collègues à aller de l'avant. Mais, oui, certains ministères sont plus avancés que d'autres.
La présidente: Merci.
Madame la ministre, nous savons que vous avez un autre rendez-vous et que vous devez partir. Mais je crois que vos fonctionnaires resteront ici pour répondre à nos questions.
Mme Anne McLellan: Oui, c'est exact. Je m'excuse de devoir partir, mais j'avais prévu quelque chose à 17 heures et je dois y être. Mais j'aurais été ravie de rester avec vous pour parler davantage du monde fascinant de l'authentification électronique des signatures et d'autres sujets.
Oui, ces questions peuvent paraître arides, mais elles sont essentielles à l'établissement d'une infrastructure juridique, et nous devons y travailler si le Canada veut rester un chef de file mondial du commerce électronique. Nous ne voulons pas perdre l'avantage stratégique et concurrentiel dont nous disposons dans ce domaine.
Les Canadiens sont prêts à accepter le commerce électronique, mais nous devons les rassurer, surtout en ce qui concerne la protection des renseignements personnels. C'est très important pour le Canada et pour son avantage concurrentiel. Je sais que vous prenez votre travail très au sérieux, parce que cela a été reflété dans vos questions aujourd'hui. Vous êtes au courant des défis présentés par certains types de technologie, et je l'apprécie.
Mais votre perspicacité, votre expertise et vos conseils contribueront à améliorer le projet de loi. M. Manley et moi le jugerons dans cet esprit-là.
Merci beaucoup.
La présidente: Merci à vous. Au nom des membres du comité, madame la ministre, nous vous remercions d'être venue aujourd'hui. Nous sommes reconnaissants du temps que vous nous avez consacré.
Mme Anne McLellan: Je serai heureuse de revenir devant le comité pour discuter de tout autre projet de loi qui relève de vous.
La présidente: Dans le monde de l'industrie. Merci beaucoup.
Nous allons poursuivre nos questions en continuant avec M. Shepherd.
M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): Ma question s'adresse à un des fonctionnaires et relève de la partie 2 et du concept des signatures électroniques.
D'abord, l'article 43 fait référence aux dispositions contenues dans l'annexe 2 ou 3. Je n'ai ni l'une ni l'autre devant moi—quelqu'un d'autre les a peut-être. Mais d'après ce que je comprends, il s'agit d'une technologie de codage qui établirait l'authenticité des signatures électroniques.
M. Michael Power: À part deux exceptions, la partie 2 vise à donner aux gens le choix d'utiliser l'ordinateur au lieu du papier lorsqu'ils traitent avec le gouvernement. Mais dans certains cas, à cause d'un passage précis contenu dans une loi fédérale, ou en raison de la nature d'un document, nous avons conclu qu'un document électronique ordinaire ne ferait pas l'affaire, car, en fin de compte, il ne s'agit que d'un groupement d'électrons sur un écran. Il faudrait quelque chose de plus sûr.
Dans certains passages de la partie 2—où il est question des documents originaux, des sceaux, des déclarations sous serment, des signatures devant témoins, des états certifiés conformes—nous disons que les supports de substitution sont acceptables s'ils portent ce que l'on appelle une signature électronique sécurisée.
L'article 48 prescrit les critères de sécurisation. Nous énumérons la liste des technologies ou procédés en fonction des critères énumérés au paragraphe 48(2).
• 1655
En 1999, l'unique technologie qui, à notre connaissance,
répond à ces critères est celle de la cryptographie à clé publique
même si se profile à l'horizon la technologie de la cryptographie
quantique. La cryptographie à clé publique manipule des chiffres
tandis que la cryptographie quantique—cela ressemble à de la
science-fiction—manipule des photons pour chiffrer l'information.
On entrevoit déjà aussi des technologies qui incorporeront des
éléments de biométrie.
La partie 2 est donc aussi neutre que possible du point de vue technologique. Nous ignorons de quoi demain sera fait, mais nous en avons une idée. Nous savons ce que nous voulons de ces technologies, par contre. Elles doivent garantir l'intégrité du document. Nous voulons donc que les documents envoyés au gouvernement du Canada ou reçus par lui soient authentiques; nous voulons aussi établir l'identité de son auteur.
M. Alex Shepherd: Serait-il illégal de pénétrer les secrets de cette technologie de chiffrement? Est-ce une infraction?
M. Michael Power: Le Code criminel tel qu'il est aujourd'hui—et je m'en remets à l'avis de mon collègue, M. Piragoff, le spécialiste de la politique en matière de droit pénal—ne parle pas de technologie mais renferme des dispositions anti-piratage et prévoit des infractions de nature informatique. Cela existe. Celui qui essaie de décoder un document chiffré commet une infraction.
M. Alex Shepherd: Cela relèverait du Code criminel, et non de cette loi.
M. Michael Power: C'est juste.
Don, est-ce...?
M. Donald K. Piragoff (avocat général, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice): Je vais répondre à la question.
Il existe dans le Code criminel des dispositions qui interdisent l'interception de communications ou de fonctions d'un système informatique. Si l'une de ces fonctions est le chiffrement, le citoyen a droit à la protection de sa vie privée; il a le droit de se servir de son système en privé et personne ne peut intercepter les fonctions de son ordinateur.
Le Code criminel interdit également la modification ou la destruction des données. Évidemment, le chiffrement est une forme de données transformées par un algorithme mathématique dans un but donné. C'est essentiellement un programme. Or, le Code criminel interdit également de gêner le fonctionnement d'un programme d'ordinateur ou de le détruire. Gêner un programme de chiffrement ou intercepter les systèmes de quelqu'un pour savoir ce qui se passe à l'intérieur de la machine est actuellement interdit par le Code criminel.
M. Alex Shepherd: L'autre côté de la médaille, c'est ceci. Quelle garantie les gens ont-ils qu'ils auront accès à cette technologie de chiffrement? Est-ce que seules les grandes entreprises auront les moyens de s'en servir ou est-ce que ce sera largement diffusé de manière à ce que les PME pourront aussi se servir d'une technologie du chiffrement acceptable en vertu de cette loi?
M. Michael Power: Bien, je ne sais pas exactement ce que vous voulez dire par acceptable en vertu de la loi. En réponse à la première partie de votre question, oui, la technologie de chiffrement est facile à obtenir. La technologie comme PGP est gratuite sur Internet. Des sociétés comme Entrust peuvent... Vous pouvez acheter le produit dans le commerce mais les citoyens peuvent aussi trouver de la technologie de chiffrement sur le Web.
M. Alex Shepherd: J'imagine que ces technologies ne cesseront de s'améliorer. Nous ignorons si ces technologies perfectionnées coûteront cher ou pas. Bien sûr, les banques disposent toutes de technologies de chiffrement de qualité pour effectuer du commerce électronique, mais est-ce qu'une petite entreprise pourra elle aussi...? Quelles garanties avons-nous que les petites entreprises auront accès à quelque chose d'acceptable en vertu de la loi sur la preuve, etc.?
M. Donald Piragoff: Vu les progrès rapides de la technologie et la situation du marché, celui-ci répond déjà beaucoup à ces préoccupations.
Actuellement, on peut acheter un logiciel de chiffrement de série. De la même façon qu'on peut trouver dans le commerce WordPerfect ou Microsoft Word, on peut trouver un logiciel de chiffrement de série. On peut aussi en trouver gratuitement sur Internet: PGP. Il est trop tôt pour dire si ce sera suffisant.
À l'heure actuelle, nous ne proposons pas que le gouvernement réglemente la qualité des produits de chiffrement, pas plus qu'il ne réglemente la qualité de la serrure sur votre porte d'entrée. On trouve sur le marché diverses qualités de serrures. Vous avez le choix d'en acheter une à un prix donné chez Canadian Tire ou d'en acheter une autre qui coûtera deux fois plus cher chez un serrurier. C'est donc le marché qui décide dans une certaine mesure. S'il y a un besoin à combler, le marché s'en occupera.
Ce secteur en est à ses tout débuts et le gouvernement estime qu'il vaut mieux laisser le marché créer la technologie. Si des problèmes apparaissent, il pourra intervenir. Comme M. Manley l'a dit, la politique du gouvernement est qu'il s'agit là d'une nouvelle forme de commerce. Laissons-le aller et l'État interviendra au besoin.
Actuellement, le gouvernement ne croit pas qu'il y a lieu de réglementer les produits de chiffrement. Le gouvernement a pour politique de laisser les Canadiens libres d'acheter ou d'employer le produit qu'ils veulent, quelle que soit sa qualité, à leur gré. Cela dépend du degré de protection que vous voulez chez vous ou ailleurs. Voulez-vous une serrure sur votre porte ou cinq; un système de surveillance électronique ou un avertisseur antivol? Encore une fois, c'est au consommateur de décider. Voici ce que le gouvernement offre au marché: la possibilité de créer la technologie, de repérer les besoins des consommateurs et d'y répondre. Au besoin, s'il y a des problèmes, l'État interviendra, comme il l'a fait par le passé.
Le président: Merci.
Merci, monsieur Shepherd.
[Français]
Madame Lalonde, avez-vous d'autres questions?
Mme Francine Lalonde: Oui. Je vais reposer ma question. Dans le Code civil et dans le common law, même si ce n'est pas codifié, la signature est définie. C'est à l'article 2827 du Code civil:
-
2827. La signature consiste
dans l'apposition qu'une personne fait sur un
acte de son nom ou d'une marque qui lui est personnelle
et qu'elle utilise de façon courante pour manifester
son consentement.
La signature suppose cela. Quand j'appose ma signature à un texte, cela suppose ces diverses caractéristiques.
Dans les définitions que vous donnez, «signature électronique» ne renvoie pas au consentement. Est-ce qu'il n'y a pas un problème là? «Signature électronique sécurisée» renvoie à un règlement qu'on n'a pas. Et je ne parle pas de l'annexe, qu'on n'a pas non plus. On dit:
-
48. (1) Sous réserve du paragraphe (2), le
gouverneur en conseil peut, sur recommandation du
Conseil du Trésor, prendre des règlements pour prévoir
des technologies ou des procédés pour l'application de
la définition de «signature électronique sécurisée» au
paragraphe 31(1).
Au paragraphe (2), on donne quelques éléments, mais tout cela renvoie au gouverneur en conseil et à un règlement qu'on n'a pas. Cela contrevient à ce qui est en train de se faire au Québec, c'est-à-dire s'assurer que la signature soit valide, quel que soit le support, afin qu'on n'ait pas de graves problèmes. Si le fédéral adopte une définition de «signature» qui ne coïncide pas avec celle du Québec, est-ce que cela veut dire que les textes signés au Québec ne seront plus valides? Il y a là un problème. Je ne dis pas que ce n'est pas un problème qui se pose de toute manière, mais il y a très certainement un problème, et c'est pour cela que je parlais d'une concertation nécessaire. C'est pour cela que le gouvernement du Québec demande le retrait du projet de loi. On doit travailler ensemble pour que tout ça s'ajuste bien. L'objectif qu'on vise est le même, mais ça ne peut pas être fait comme ça.
La présidente: Monsieur Power ou madame Remsu.
M. Michael Power: Tout d'abord, je précise que la partie 2 n'aborde pas la question de savoir ce qui constitue une signature pour les besoins du secteur privé ou entre les citoyens du Québec et d'autres provinces. On dit seulement que lorsqu'une loi fédérale exige quelque chose à propos d'une signature, cette exigence peut être satisfaite de façon électronique et que dans certains autres cas, il doit s'agir d'une signature électronique sécurisée.
J'attire l'attention du comité sur l'article 38. Dans certaines lois fédérales, il est fait allusion à un acte notarié aux termes du droit du Québec. Lorsqu'il est fait mention dans une loi fédérale d'un document reconnu comme un acte notarié dans la province de Québec, une version électronique de ce document répond à l'exigence légale aux termes de la loi fédérale si cette version électronique est reconnue comme un acte notarié aux termes des lois du Québec. Ce que nous disons tout simplement, c'est que si le Québec considère une version électronique d'un acte notarié comme acceptable en vertu du droit québécois, nous l'acceptons également.
Nous ne nous occupons pas de la question de la signature aux fins des transactions entre citoyens ou entre des particuliers et des entreprises. Tout ce que nous disons, c'est que si une signature est requise dans une loi fédérale, une demande doit être signée. Vous le verrez dans les règlements.
Il faut comprendre que la partie 2 se rapporte non seulement aux lois, mais également aux règlements. Ainsi, s'il existe une condition relative à la signature d'un document, ou d'une demande, nous disons tout simplement que si l'on transforme cette demande en version électronique, une signature par la voie électronique est suffisante. Il est inutile d'avoir une signature originale à la plume. C'est tout ce que nous disons.
[Français]
La présidente: Madame Lalonde.
Mme Francine Lalonde: La définition de l'objet semble plus large. D'ailleurs, dans son exposé—j'ai hâte de voir les bleus—, la ministre voyait aussi l'utilisation de cette signature électronique pour des transactions. Vous dites: «pour enregistrer ou communiquer de l'information ou des transactions», mais vous ne répondez pas complètement à ma question, parce que cela voudrait dire qu'il y a deux types de signature.
[Traduction]
M. Michael Power: Il existe diverses sortes de signatures électroniques. Cela peut être une signature numérique. Une signature par télécopieur est considérée aussi comme une signature électronique.
[Français]
Mme Francine Lalonde: Oui.
[Traduction]
M. Michael Power: Cela peut être tout simplement taper un nom sur un courrier électronique.
En fait, lorsque vous traitez avec le gouvernement fédéral, nous acceptons la plupart du temps une signature électronique. Dans certains cas, lorsqu'une loi fédérale stipule que la personne A qui traite avec la personne B peut utiliser une signature électronique, nous disons en fait que nous laissons aux deux personnes le soir de décider de ce qu'elles jugent acceptable, sous réserve de certaines conditions, sur lesquelles elles s'entendent au préalable.
[Français]
La présidente: Merci, madame Lalonde.
[Traduction]
Madame Barnes.
Mme Sue Barnes (London-Ouest, Lib.): Merci.
En examinant ce projet de loi, je dois admettre que j'approuve davantage les dispositions concernant le ministère de la Justice que celles qui touchent l'industrie.
Lorsqu'on parle de commerce électronique, on pense toujours à des gens, et bon nombre des dispositions de ce projet de loi vont influer sur la vie quotidienne des gens, par exemple, ceux qui font des lois, ceux qui achètent des propriétés ou ceux qui sont en procès. Des milliers de gens participent tous les jours à ce genre d'activités. C'est donc plus concret que lorsqu'on parle de commerce électronique, un domaine par lequel bien des gens ne se sentent pas encore concernés. Je pense parfois que certains de nos exemples ne sont pas faciles à comprendre, et lorsqu'on parle de cette loi, nous devrions essayer de la rendre logique aux yeux des gens. Cela est facile à faire.
• 1710
Deux questions ont porté sur les champs de compétence. Je
tiens à vous citer quelques exemples précis de la confusion qui
règne au sujet des différents types de signatures et des moyens
utilisés à titre de preuve.
Prenons par exemple le cas d'un procès au civil devant un tribunal fédéral. Il s'agit des droits de propriété et vous utilisez en preuve un document qui est un acte, ce qui va constituer un droit de propriété du gouvernement provincial. Est-il possible d'élaborer un système par le biais de cette loi en vertu duquel la province, disons l'Ontario, d'où je viens, déclare que c'est nécessaire comme question probante dans un tribunal de l'Ontario au niveau fédéral, et qu'il soit différent de ce que nous établissons aux termes de cette loi?
On peut parler de collaboration, mais il y a deux niveaux de preuve et c'est ce qui est source de confusion. C'est l'exemple le plus simple auquel je puisse penser.
Sommes-nous en train de déclarer que, pour les tribunaux fédéraux, par exemple, pour la règle de preuve relative au document signé, scellé et délivré, peu importe que ce document relève de la compétence du tribunal provincial, c'est encore à ce niveau pour la signature? Vous avez l'air perplexe, comme si vous ne savez pas de quoi je parle.
M. Donald Piragoff: Je vais essayer de répondre à la question.
Le problème que vous soulevez se pose à l'heure actuelle parce que nous sommes une fédération. Même dans la Loi sur la preuve, il y a des différences entre la compétence fédérale et celle des provinces. Il y a des différences quant à l'admissibilité des dossiers commerciaux aux termes de l'exception visant les documents commerciaux.
Sauf erreur, la disposition relative à l'admissibilité des documents commerciaux est beaucoup plus restreinte dans la loi de l'Ontario que dans la loi fédérale, soit l'article 30 de la Loi sur la preuve au Canada. Il est beaucoup plus facile de faire admettre des documents lors de procédures fédérales qu'au niveau provincial. Ces différences continuent donc d'exister.
C'est pourquoi ce n'est pas uniquement sur l'initiative du gouvernement fédéral qu'on a proposé d'adopter ce projet de loi. Le gouvernement fédéral a collaboré avec les provinces par le biais de la Conférence sur l'uniformisation des lois.
La Conférence sur l'uniformisation des lois est un organisme qui existe depuis les années 20. Au départ, c'est l'Association du Barreau canadien qui s'en occupait. Il s'agit maintenant de représentants du gouvernement au niveau fédéral et provincial, ainsi que de représentants du secteur privé. Ensemble, ces personnes s'efforcent d'élaborer et d'harmoniser une législation uniforme qui sera ensuite adoptée par chacune des provinces, de sorte qu'il existe une application cohérente et une harmonisation entre les diverses juridictions.
Les dispositions concernant l'admissibilité de la preuve à la partie 3, et dans une certaine mesure la discussion de la signature numérique, ont été abordées par la Conférence sur l'uniformisation des lois en vue de résoudre ce problème précis.
Le gouvernement assume la responsabilité qui lui incombe en vertu de son mandat, mais il s'efforce également de s'assurer que dans tout le pays, au niveau provincial et fédéral, il y ait interopérabilité des lois, tout comme dans le domaine technologique, Industrie Canada s'efforce de faire en sorte qu'il existe une interopérabilité entre deux différents langages de signature et deux codages, de sorte que si une personne utilise une signature ou un langage particulier, le gouvernement fédéral sera en mesure de communiquer avec elle. Nous cherchons donc une solution à ce problème.
Les dispositions de la partie 3 relatives à l'admissibilité de la preuve correspondent presque textuellement, à quelques changements de libellé près, à celles de la Conférence sur l'uniformisation des lois. Nous allons demander à toutes les provinces d'adopter une loi en vue de mettre en vigueur ces principes. C'est ainsi que nous essayons de résoudre le problème dont vous avez parlé.
La présidente: Très bien. Une dernière question, je vous prie, madame Barnes.
Mme Sue Barnes: Qui a profité le plus—les particuliers, les gouvernements ou les entreprises—des économies réalisées grâce au commerce électronique? Qui est le plus prêt à l'heure actuelle pour en profiter?
M. Michael Power: Vous savez, c'est une question à laquelle il nous est très difficile de répondre. C'est une question qu'il conviendrait peut-être de poser—je sais que j'essaie de me défiler—aux responsables d'Industrie Canada, mais aussi à ceux du Conseil du Trésor car nous parlons fondamentalement de prestation de services électroniques. En toute honnêteté, il m'est impossible de répondre à cette question. On peut dire que tout le monde en profitera.
Mme Sue Barnes: Je vous remercie.
La présidente: Merci, madame Barnes.
Monsieur Jones, avez-vous d'autres questions?
M. Jim Jones: J'ai une question qui m'intrigue. Le commerce électronique et toute la révolution en cours n'ont rien de nouveau. Cela dure depuis déjà un certain temps. Bon nombre d'entreprises font déjà des transactions par la voie électronique avec leurs vendeurs depuis longtemps. Quels obstacles empêchent toutes les provinces d'être prêtes à adopter le même genre de loi, ou une loi qui s'ajoute à celle-ci? Le Québec applique une loi qui, je suppose, est complémentaire. Je ne comprends pas le problème. Quel est le véritable obstacle qui empêche les provinces d'être prêtes à adopter des lois semblables pour s'ajouter à la loi fédérale?
La présidente: Madame Remsu.
Mme Joan Remsu (avocate-conseil, Section des politiques en matière de droit public, ministère de la Justice): Merci beaucoup.
Sauf erreur, deux provinces ont apporté des modifications à leur infrastructure, pas comme nous l'avons fait, mais elles ont néanmoins modifié leur législation en invoquant des pouvoirs réglementaires également.
Outre ce qu'a dit M. Piragoff plus tôt au sujet de notre collaboration avec la Conférence sur l'uniformisation des lois au Canada, nous avons ensemble préparé une ébauche de loi très semblable à la partie 2, laquelle a été approuvée en principe en août dernier. Dans un an environ, les provinces auront peut-être un instrument semblable à ce qui se trouve dans la partie 2 à appliquer à leur infrastructure. D'une certaine façon donc, la Conférence sur l'uniformisation des lois au Canada répond aux préoccupations que vous avez soulevées.
M. Jim Jones: Mais les responsables ont-ils commencé en même temps que le gouvernement fédéral? Pourquoi la province de l'Ontario n'est-elle pas prête à adopter une loi semblable à la nôtre presque en même temps que nous?
M. Donald Piragoff: Il vous faudra poser cette question à vos collègues au niveau provincial.
Il faut que quelqu'un donne l'exemple. Nous ne pouvons pas tous être coordonnés et adopter en même temps la même loi dans toutes les assemblées législatives. Quelqu'un doit prendre les devants, et je pense qu'en l'occurrence c'est nous qui l'avons fait. En ce qui a trait à la protection de la vie privée, le Québec a pris les devants. Comme pour tout, il y a quelqu'un qui commence, un autre qui suit et un autre encore qui viendra en dixième position.
M. Jim Jones: Personne n'essaie d'y échapper? Tout le monde poursuit le même objectif?
M. Donald Piragoff: C'est exact.
M. Jim Jones: Voilà une bonne nouvelle.
La présidente: Merci, monsieur Jones.
Madame Finestone.
L'hon. Sheila Finestone (Mont-Royal, Lib.): Merci beaucoup, madame la présidente.
J'ai un grave problème et ma question porte sur le but de toute cette entreprise. L'objectif poursuivi est de protéger la vie privée des particuliers au Canada, et tout ce dont nous parlons, c'est de commerce électronique et de signature pour le commerce électronique. J'aimerais savoir ce que nous faisons pour protéger les renseignements recueillis par les caméras de surveillance, les photos qui se trouvent dans ces caméras et pour savoir qui en a la propriété, et comment on contrôle la vie personnelle et privée des gens. Que fait-on au sujet de l'information génétique que l'on recueille et de la façon dont elle est communiquée et protégée—autant de formes de surveillance, qu'elle soit biométrique, géométrique ou génétique? Je ne vois rien dans la définition de l'objet de ce projet de loi qui me saute aux yeux si ce n'est le commerce électronique.
Ce projet de loi porte-t-il uniquement sur le commerce électronique, ou aussi sur la protection? L'objet du projet de loi est le suivant:
-
donner aux Canadiens le droit à la vie privée à l'égard des
renseignements personnels qui les concernent et qui sont
recueillis, utilisés ou communiqués par une organisation dans une
ère où la technologie facilite de plus en plus la collecte et la
libre circulation des renseignements.
Eh bien, si je me trouve au coin des rues Sainte-Catherine et Peel et qu'un vol est commis et que ma photo est prise alors que je me trouve à côté du guichet, il est fort possible que les renseignements que vous avez transmis me désignent comme coupable. Quelle protection ce projet de loi pourra-t-il m'offrir dans ces cas-là? Ce n'est pas ce que j'appelle une loi sur la protection de la vie privée pour un particulier. Ce n'est pas décrit dans les dispositions réglementaires et il n'est pas dit qu'il faut envisager une autre forme de loi sur la protection de la vie privée des particuliers.
• 1720
Je n'ai peut-être rien compris à tout cela, mais j'ai entendu
la ministre dire au début que ce sont les deux moitiés d'un tout,
que l'électronique est là pour protéger la vie privée et que la vie
privée va se refléter dans le commerce électronique. Eh bien, en
cette ère de l'électronique, il ne suffit pas de s'en tenir à une
signature.
Toute cette conversation me déprime. C'est la première fois que je participe à ces audiences. À mes yeux, la communication des renseignements que vous avez recueillis, des données que vous avez saisies et la divulgation de ces documents constituent une question très grave. Cela va bien au-delà de ce que vendent les magasins, de ce qui constitue le meilleur produit sur le marché, de savoir à qui j'aimerais vendre le prochain groupe de revues ou quel est le calendrier des vacances.
Madame la présidente, je suis un peu perdue. Peut-être me suis-je engagée dans la mauvaise direction. Il aurait peut-être fallu s'adresser à M. Manley plutôt qu'à la ministre de la Justice.
La présidente: Madame Finestone, nous avons ici des fonctionnaires du ministère de l'Industrie et du ministère de la Justice.
Mme Sheila Finestone: Eh bien, je me trouve véritablement dans un dilemme. Tout ce que j'ai entendu ici aujourd'hui concerne les signatures et leur authentification. Tout cela est très important, pertinent et a fait l'objet d'une réflexion minutieuse, mais cela n'a rien à avoir avec ce que je considère comme étant une loi sur la protection de la vie privée.
La présidente: Écoutons les fonctionnaires. Leur réponse vous apportera peut-être les précisions nécessaires.
Mme Stephanie Perrin (directrice, Politique sur la protection de la vie privée, Groupe de travail sur le commerce électronique, ministère de l'Industrie): Merci.
Sur la question des deux moitiés réunies, je confirme ce que vient de dire la ministre McLellan. Comme nous l'avons indiqué, il y avait au départ deux projets de loi, un qui protège les renseignements personnels et l'autre présentant une série de modifications juridiques d'infrastructure. Les deux ont été fusionnés parce qu'ils sont tous deux essentiels au commerce électronique. Les parties dont nous discutons aujourd'hui sont essentielles pour faciliter le commerce électronique, pour en engranger les bénéfices, pour économiser, pour rendre le gouvernement plus efficace, pour permettre aux citoyens de faire des achats et de participer au village électronique mondial, si vous voulez, pour aider les entreprises à faire des affaires et pour progresser rapidement, de façon que nous puissions devancer nos concurrents.
La protection de la vie privée est considérée comme un élément fondamental, et non pas uniquement comme un droit fondamental de la personne. Nous le savons depuis un certain temps, et vous avez étudié la question au sein de votre comité. On reconnaît également qu'il sera impossible de progresser en matière de commerce électronique si l'on ne protège pas la vie privée, car les Canadiens s'en inquiètent vivement. Ils risquent de ne pas utiliser le système, de ne pas aller de l'avant. Ils se méfient des nouvelles technologies, de même que nous nous méfions tous, à juste titre, des nouveautés comme cette nouvelle puce Intel. C'est pourquoi on a réuni les deux projets de loi en un seul.
Les dispositions qui mettent l'accent sur le commerce énoncent nos responsabilités en matière commerciale, comme l'a expliqué la ministre McLellan. Ce n'est pas parce qu'on parle de commerce qu'il faut oublier de protéger un droit fondamental de la personne. Et c'est là la limite de la portée de ce que l'on peut faire au niveau du gouvernement fédéral. Nous avons déjà une loi fédérale de protection de la vie privée qui couvre les renseignements recueillis, utilisés et divulgués au sein des institutions et des ministères fédéraux. Nous abordons maintenant les domaines les plus vastes possible au sein du secteur privé, et il est également essentiel que les provinces progressent de leur côté, puisqu'elles ont compétence en matière de propriété et de droits civils.
Les termes utilisés dans ce projet de loi ne font pas partie du vocabulaire des droits de la personne, mais cela ne signifie pas que les exigences du projet de loi sont différentes de celles qu'on trouverait dans un projet de loi consacré aux droits de la personne. C'est au fruit qu'on juge l'arbre. En l'occurrence, ce qui importe, ce sont les exigences transférées de part et d'autre. L'annexe présente les normes de l'Association canadienne de normalisation, reconnues comme étant un excellent ensemble de pratiques équitables en matière d'information. Cette annexe énonce des obligations et des droits.
En ce qui concerne la technologie dont vous parlez, c'est la collecte des renseignements qui pose problème. Si l'on consacrait un projet de loi à une méthode particulière de surveillance, comme le disait Michael Power, on ne pourrait pas mentionner de technique cryptographique particulière, puisque cette technique est désuète au bout de deux ans. On va ensuite passer aux lasers, aux photons, ou à autre chose. Il en va de même pour les techniques de surveillance. Il existe des systèmes de positionnement par satellite et de radar ouvert. Si on commençait à nommer les dispositifs autorisés, le projet de loi serait trop limitatif.
• 1725
Ce que je veux dire, c'est que la collecte de l'information
n'est possible qu'avec le consentement de la personne concernée, et
c'est là l'élément essentiel du projet de loi. Peu importe la façon
dont les renseignements sont recueillis. Il faut obtenir le
consentement de la personne concernée, et c'est essentiel. Peu
importe que l'on recueille des données génétiques, il faut le faire
aux fins pour lesquelles le prélèvement est autorisé. Il faut
obtenir le consentement. Il en va de même pour le radar ou pour
toute autre technologie. Voilà la réponse.
Mme Sheila Finestone: Excusez-moi, mais je ne suis pas rassurée par la définition qui figure dans ce projet de loi, ni par son objet même. C'est peut-être dû à mon ignorance. Je connais toutes les statistiques concernant la protection de la vie privée et les différents intérêts des Canadiens, mais Big Brother nous regarde de bien des façons. Cet objectif, tel qu'il est défini ici en quelques mots, ne me rassure guère et la nécessité d'une loi sur la protection de la vie privée qui permette au commissaire à la protection de la vie privée de faire son travail dans l'intérêt des particuliers n'est pas véritablement prise en compte par la définition qui figure dans cet article exposant l'objet de la mesure. Je pense qu'il y a bien des façons de contourner la loi.
En outre, je dois dire qu'il est un peu déconcertant de voir qu'aucun crédit supplémentaire n'a été prévu pour augmenter le personnel du commissaire à la protection de la vie privée. Il ne devrait pas avoir à faire la preuve de ses besoins dans le cadre d'un projet de loi de cette nature.
Ma dernière question concerne l'annexe. Vous avez inclus à la loi une annexe qui vise à assurer certaines protections. Comme vous l'avez dit, vous considérez cette annexe comme la forme la plus raffinée de protection de la vie privée dans la mesure où elle sera respectée. Mais cette annexe ne vise pas à nous permettre d'apporter des modifications ou de réviser des amendements qui seront proposés. Il n'appartient pas aux parlementaires de réviser les modifications apportées à l'annexe. À mon avis, cela montre bien le manque de respect pour le rôle que peuvent jouer les citoyens en matière de révision des changements proposés. D'après la formulation actuelle de la loi, les entreprises pourraient proposer toutes sortes de changements qui n'iraient pas nécessairement dans le sens des intérêts des citoyens, et tous ces changements seraient apportés par le gouverneur en conseil. Est-ce que vous pourriez nous expliquer ce processus?
Mme Stephanie Perrin: En ce qui concerne les changements apportés à la norme, il existe au sein de l'organisme de normalisation une matrice de défense des intérêts des entreprises, du gouvernement et des consommateurs. Il existe un comité technique des normes. Toutes les modifications à la norme sont soumises au vote de ce comité. Il y aura toujours des groupes de défense des consommateurs, des experts du milieu universitaire, des gens représentant le gouvernement et des gens d'affaires. Il est faux de prétendre que les entreprises vont pouvoir faire adopter ce projet de loi puis le modifier et l'édulcorer à leur guise. C'est beaucoup plus difficile que cela. Il n'est pas facile de modifier une norme; chaque changement est soumis à un vote. On a fait figurer cette disposition dans la loi de façon que la norme reste viable et qu'elle puisse être invoquée dans les contrats internationaux.
Mme Sheila Finestone: Cela ne me pose pas de problème. Ce que je conteste, c'est la procédure de modification.
La présidente: Madame Finestone, nous devons passer à la suite, et je vous prie de m'en excuser.
[Français]
Madame Lalonde, avez-vous d'autres questions?
Mme Francine Lalonde: Oui. Je vais continuer. C'est une question que j'ai posée au ministre et j'aimerais entendre la réponse de la ministre de la Justice. Comment accepter que le gouverneur en conseil puisse changer la loi en suivant les changements faits à la norme, au standard? C'est le Parlement qui doit se prononcer sur tout changement à une loi, surtout quand elle touche d'aussi près la vie des citoyens.
[Traduction]
M. Michael Power: C'est une question concernant la protection de la vie privée.
Mme Stephanie Perrin: Oui, c'est une question de protection de la vie privée. La réponse, c'est qu'on a ajouté cette disposition de façon que les changements mineurs apportés à la norme puissent apparaître rapidement et facilement dans la loi. Les deux textes doivent rester en parallèle. On a parlé de soumettre le règlement au comité s'il est indispensable de corriger ce genre de lacune. Il ne s'agit certainement pas d'une tentative de modifier la loi, et la démarche est entièrement volontaire. Il n'est pas nécessaire de modifier la loi si la norme est modifiée. La finalité de cette disposition est strictement pratique. S'il advenait que la norme évolue dans un sens qui n'est pas favorable à la protection de la vie privée, il n'y aurait pas besoin de modifier la loi. Mais nous nous en remettons à votre avis en ce qui concerne la procédure à suivre.
La présidente: Madame Lalonde, avez-vous vous d'autres questions?
Mme Francine Lalonde: Oui, il y en a tellement. M. Raymond Doray, un avocat qui pratique avec les gens d'affaires au Québec, dit:
-
De même, ayant été conçue comme une norme
volontaire de protection des renseignements personnels,
le Code utilise des termes souvent imprécis, fournit
des exemples plutôt que de libeller des exceptions,
établit des principes plutôt que des règles, etc.
J'ajoute qu'elle contient aussi plusieurs
conditionnels. Il donne des exemples extrêmement
précis du fait qu'il va y avoir vraiment deux ensembles
de règles pour un certain nombre d'entreprises au
Québec et que le résultat ne pourra pas être
une meilleure protection des
renseignements personnels.
Si on a deux ensembles de règles, les citoyens
ne sauront pas à quelle porte frapper.
Ce n'est pas de nature à protéger les
renseignements personnels. Je n'ai
pas parlé de la Constitution, mais ce projet de
loi inquiète énormément les gens au Québec.
[Traduction]
La présidente: Madame Lalonde, je vous demande de poser votre question tout de suite.
[Français]
Mme Francine Lalonde: Oui. Comment peuvent-ils dire que cela va accroître la protection des renseignements personnels quand, en réalité, cela crée des empêchements majeurs pour les entreprises et les citoyens, du moins au Québec?
[Traduction]
Mme Stephanie Perrin: Je crois que c'est inévitable, si nous voulons protéger la vie privée au Canada, qu'il y ait une certaine concurrence dans la réglementation entre ce qui relève de la compétence des provinces et ce qui relève de celle du fédéral. À notre avis, il ne doit pas y avoir de règles distinctes, car la norme de la CSA et le projet de loi du Québec sont conformes aux lignes directrices de l'OCDE, ou du moins ne s'en écartent que très légèrement. Une société qui se conforme à une norme plus élevée n'a rien à craindre. Nous pensons que c'est ainsi que procèdent les entreprises dans ce genre de situation. Ce n'est pas le seul cas de mesures législatives concurrentes dans ce pays. Les milieux d'affaires trouvent une norme qui s'applique dans l'ensemble du pays et ils s'y conforment.
Si vous pensez qu'il y a des normes supérieures dans certaines régions du Québec, je suppose que l'entreprise les respectera. Et cela devrait suffire du point de vue de la loi fédérale.
[Français]
Mme Francine Lalonde: La question du consentement...
[Traduction]
La présidente: Non, madame Lalonde. Nous allons permettre une dernière question à Mme Barnes. Les fonctionnaires sont disponibles jusqu'à 17 h 30; nous allons donc entendre Mme Barnes et M. Jones, puis nous aurons terminé.
Mme Sue Barnes: Ma question sera courte.
Si j'ai une signature numérique, disons un simple NIP, et que quelqu'un me le vole, sans toutefois l'utiliser pour commettre un acte illégal, le Code criminel prévoit-il actuellement une responsabilité pénale dans le cas d'une personne qui s'arroge mon identité numérique, ou faut-il que la personne se serve de cette identité avant que la loi ne s'applique?
M. Donald Piragoff: Tout dépend de la façon dont elle s'est procuré le NIP. Si vous l'avez laissé traîner et que quelqu'un a pu le lire, il n'y a pas de responsabilité pour cela.
Mme Sue Barnes: Il n'y a pas de mens rea.
M. Donald Piragoff: C'est exact. Tout dépend de la manière. Si on a piraté votre ordinateur pour y chercher vos données personnelles, comme votre NIP et vos cartes de crédit, on a commis une infraction criminelle. Si on intercepte des communications entre vous et votre banque ou un commerçant, si vous transmettez votre NIP ou votre numéro de carte de crédit sur Internet, par exemple, et qu'on intercepte la communication pour obtenir votre NIP ou votre numéro de carte de crédit, cela constitue une infraction.
• 1735
Il y a également une disposition du Code criminel qui interdit
le trafic de mots de passe d'ordinateurs. Un mot de passe
d'ordinateur est défini comme un ensemble de données qui permet
d'accéder à un ordinateur. Le fait de se procurer le NIP de
quelqu'un d'autre peut constituer une infraction, puisque c'est le
cas en ce qui concerne les mots de passe. Certains se livrent
effectivement au trafic des mots de passe et des numéros des cartes
de crédit, qui peuvent être utilisés par d'autres. Tout dépend de
la façon dont on acquiert ces données; il faut savoir si on le fait
dans une intention malhonnête, si on enfreint le système de
sécurité de l'ordinateur—c'est généralement difficile à
déterminer. Mais la sécurité de vos mots de passe et de votre NIP
est protégée par un certain nombre de dispositions prévoyant des
infractions.
La présidente: Merci, monsieur Power.
Monsieur Jones.
M. Jim Jones: Lorsque vous avez parlé de signatures, vous avez dit qu'on peut valablement transmettre une signature par télécopieur ou sous forme informatique et numérique. Mais vous avez également parlé du courrier électronique; si j'indique mon nom à l'écran, la signature est-elle valide?
M. Michael Power: Aux termes de la common law, une signature est essentiellement une marque d'identification et si vous choisissez de vous identifier de cette façon, si j'accepte que votre nom sur un courrier électronique en tant que marque d'identification, c'est une signature valide aux termes de la common law. Je ne peux pas me prononcer en ce qui concerne le droit applicable au Québec, mais en common law, n'importe quel signe peut constituer une signature.
Si nous avons convenu que j'accepte votre nom au bas d'un courrier électronique en tant que signature, la liberté contractuelle nous permet de considérer entre nous qu'il s'agit bien d'une signature. Ce ne sera pas nécessairement une signature valide auprès d'une tierce partie, mais entre nous, comme nous en avons convenu, c'est effectivement une signature.
M. Jim Jones: Compte tenu de l'importance de la sécurité et des multiples façons de pirater l'information, avez-vous pris en considération les empreintes digitales, manuelles ou vocales—puisque la technologie tend vers cela, ou permet même déjà de s'en servir—pour valider l'identité du requérant?
M. Michael Power: Nous avons dit que dans certaines circonstances, compte tenu de la nature des documents, on ne pouvait se contenter d'une signature électronique, car n'importe qui peut écrire votre nom à la fin d'un courrier électronique ou la communication peut tomber entre les mains d'un pirate. Nous disons donc que dans certaines circonstances, compte tenu de la nature du document, la signature électronique ne suffit pas. Nous voulons une signature électronique sécurisée, qui est définie en fonction de certains critères, énumérés au paragraphe 48(2). Vous verrez dans cette disposition que nous envisageons un moyen ferme permettant d'établir le lien entre la personne et la signature électronique pour assurer l'intégrité du document. Sans entrer dans les détails technologiques, disons qu'une signature numérique peut garantir l'intégrité du document, grâce à la nature de cette technologie et à l'utilisation de certains algorithmes.
La présidente: Merci, monsieur Power.
Avant d'ajourner, je voudrais rappeler aux membres du comité que nous reprenons demain matin à 9 heures et que la séance doit durer jusqu'à 13 heures. Nous avons prévu d'entendre des témoins de 9 heures jusqu'à environ 10 heures ou 10 h 30, puis nous passerons au rapport. La salle est réservée jusqu'à 13 heures, mais je pense que nous aurons terminé avant. Cependant, tout dépend du nombre de changements que vous voudrez apporter à l'ébauche de rapport.
Je tiens à remercier nos témoins d'avoir été des nôtres aujourd'hui. Nous avons apprécié vos commentaires et vos réponses. Nous aurons sans doute bien d'autres questions à vous poser au cours de nos auditions des prochaines semaines.
Merci beaucoup. La séance est levée.