INDY Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON INDUSTRY
COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 27 mai 1999
La présidente (Mme Susan Whelan (Essex, Lib.)): La séance est ouverte. Il s'agit, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, d'une étude sur un document intitulé Pour un Canada innovateur: cadre d'action.
Je suis très heureuse d'accueillir parmi nous aujourd'hui M. Arthur Carty, président du Conseil national de recherches du Canada.
Nous avons proposé deux séances pour ce matin. Au cours de la première, nous continuerons l'examen du document intitulé Pour un Canada innovateur. Au cours de la deuxième, nous étudierons la productivité. Il y a deux déclarations. Nous allons donc entendre la première, poser quelques questions, puis entendre la seconde. Je pense que c'est ce que nous avions décidé de faire.
Monsieur Carty, vous avez la parole.
[Français]
M. Arthur J. Carty (président, Conseil national de recherches du Canada): Madame la présidente et membres du comité, bonjour. Je tiens d'abord à vous remercier de m'avoir invité à prendre la parole devant vous ce matin.
[Traduction]
Je tiens d'abord à remercier le comité de l'industrie du soutien qu'il nous a accordé depuis un an. Je peux certes dire qu'il nous a été extrêmement utile.
Ainsi que demandé, mon allocution portera sur deux sujets. Dans la première partie de mon exposé, je vous ferai part de quelques observations sur les progrès que nous avons collectivement accomplis, en tant que gouvernement et en tant que nation, dans notre démarche en vue de faire du Canada une société innovatrice et, évidemment, une économie innovatrice. Je m'intéresserai d'abord brièvement aux aspects clés de l'innovation et de la croissance économique et je tenterai d'établir si nous tirons vraiment le meilleur parti possible de nos connaissances et de nos ressources commerciales.
[Français]
Dans la deuxième partie de ma présentation, je me pencherai plus attentivement sur les liens qui existent entre la productivité, l'innovation et la compétitivité et j'identifierai l'un des principaux obstacles à notre succès.
[Traduction]
Le message que je suis venu vous livrer aujourd'hui est essentiellement que le gouvernement a effectué plusieurs pas dans la bonne direction dans ses efforts en vue de satisfaire nombre des besoins du Canada. Le récent budget fédéral prévoit en effet de nouveaux investissements appréciables dans des programmes ayant pour objet d'appuyer la recherche dans les milieux universitaires et au sein de l'industrie canadienne. Toutefois, entre ces deux pôles, il existe une zone grise d'une importance cruciale, où se situe ce qu'on appelle parfois le «déficit d'innovation», qui nuit à la transformation du nouveau savoir en applications concrètes. C'est là que le besoin d'un soutien financier est, selon moi, le plus durement ressenti.
J'estime personnellement que la seule organisation au Canada actuellement capable de combler ce «déficit d'innovation» est le Conseil national de recherches du Canada. En termes clairs, le CNRC est le centre d'innovation le plus dynamique et le plus polyvalent au Canada. Si je suis ici devant vous ce matin, c'est pour vous décrire l'impact que nous pouvons avoir et, évidemment, pour solliciter votre appui soutenu.
Aussi bien dans le milieu de la recherche que dans celui des affaires, tous les intervenants s'entendent pour affirmer que l'innovation—et je vais me concentrer sur ce mot—est le fondement indispensable de notre prospérité économique et sociale et de notre capacité de livrer concurrence sur le marché mondial. Et il ne faut pas oublier que nous évoluons actuellement dans une économie mondiale.
• 0915
Je pense que le cadre d'action dont vous avez discuté exprime
très bien cette réalité: «Nous avons besoin d'un flot constant de
nouvelles idées, d'une main-d'oeuvre bien formée capable de prendre
en main l'économie du savoir et»—permettez-moi d'insister sur cet
aspect—de mécanismes pour que les idées puissent efficacement
franchir les étapes qui les amèneront des laboratoires au marché.
Je pense que tout le monde s'entend aussi pour dire que la R-D est
l'ingrédient essentiel de l'innovation. Alors, passons brièvement
en revue, si vous le voulez bien, le rendement relatif du Canada en
R-D, comme le révèlent les rapports entre les DBRD et le PIB dans
divers pays.
L'acétate affichée sur l'écran montre de quoi il retourne. Il s'agit en réalité du pourcentage du produit intérieur brut consacré aux investissements en R-D. Sur la ligne du bas, vous avez les pays. Malheureusement, avec les statistiques, on n'obtient jamais tout en même temps et dans la même forme, de sorte que certaines des années diffèrent. Quoi qu'il en soit, on peut quand même établir une comparaison utile. Il s'agit du rapport entre les DBRD et le PIB, et ce rapport varie d'environ 3,5 p. 100 en Suède jusqu'à entre 1 et 1,5 p. 100 pour l'Italie.
Cela révèle certaines choses très intéressantes. Tout d'abord, le rapport DBRD-PIB du Canada, qui est indiqué en rouge, se situe à environ 1,6 p. 100. Ce chiffre n'a pas tellement varié depuis 10 à 15 ans. Il a toujours été à peu près le même. Évidemment, les trois derniers budgets, par particulièrement les deux derniers, l'auront modifié assez sensiblement. Et je dois admettre que ces chiffres ne reflètent pas les récents réinvestissements.
Mais il y a d'autres points intéressants, par exemple le fait que de nouveaux pays se sont ajoutés à la liste comparativement à celle d'il y a cinq ou dix ans. La Corée, par exemple, s'est approchée très près du sommet de cette liste en 1996. Les États-Unis ont continué d'investir énormément en R-D. Vous pouvez aussi voir un certain nombre des autres pays du G-7. Il y a aussi quelques petits pays. La Suède se situe au sommet de l'échelle, et elle investit énormément en R-D depuis longtemps. La Finlande a fait de même, ce qui peut surprendre quelque peu.
Parmi les nouveaux pays, mentionnons Taïwan, qui a connu une énorme croissance depuis 10 ans. Ses investissement ont même dépassé ceux du Canada. Singapour, qui ne figure pas sur cette liste, a aussi dépassé le Canada. Nous voyons donc que nous avons du rattrapage à faire et qu'il s'agit réellement d'une compétition d'ordre mondial. La R-D est à la source de l'innovation, et l'innovation est le moteur de la nouvelle économie.
Au cours des trois derniers budgets, le gouvernement a adopté un certain nombre de mesures qui aideront à améliorer la situation du Canada au chapitre de la compétitivité. Par exemple, dans son budget de 1997, le gouvernement a fait certains investissements clés afin d'appuyer le processus d'innovation sur une base saine et solide. Parmi les mesures clés qui y étaient annoncées, mentionnons le renforcement du Programme des Réseaux de centres d'excellence, la création de la Fondation canadienne pour l'innovation dotée d'une enveloppe budgétaire de 800 millions de dollars et le renouvellement du financement du programme d'aide à la recherche industrielle du CNRC.
Puis, en 1998, le budget fédéral rétablissait une nouvelle fois le financement des conseils subventionnaires—CRSNG, CRM et CRSH—à ce qu'il était en 1994-1995, annulant les restrictions budgétaires dont avaient fait l'objet les programmes. Il a aussi établi un budget de base permanent pour les réseaux de centres d'excellence. Et puis, en février dernier, le gouvernement est allé un peu plus loin. En effet, il a affecté plus de 1,8 milliard de dollars à la création, à la diffusion et à la commercialisation de connaissances ainsi qu'à l'aide à la création d'emplois.
Examinons quelques-uns des éléments qui ont été inclus dans le récent budget. Deux mesures ont été prévues pour favoriser la création d'emplois. L'une est l'octroi de 465 millions de dollars sur trois ans à la Stratégie emploi jeunesse, soit une augmentation de 50 p. 100 par rapport à la période de trois ans précédente. C'est ce qu'on peut appeler une forte augmentation. Il y a aussi un octroi de 110 millions de dollars par année à la création d'emplois durables dans les régions durement touchées par le chômage, par l'entremise du Fonds canadien pour la création d'emplois. Au total, ces investissements représentent près de 600 millions de dollars.
• 0920
Plusieurs initiatives ont été conçues précisément pour
accroître notre capacité de générer des connaissances. Par exemple,
le financement accordé à la Fondation canadienne pour l'innovation
et qui est destiné à améliorer l'infrastructure de recherche dans
le domaine de la santé, de l'environnement, des sciences et du
génie. Dans le budget de février dernier, on avait également prévu
75 millions de dollars sur trois ans pour le Conseil de recherche
en sciences naturelles et en génie, 15 millions de dollars au
Conseil de recherche en sciences humaines du Canada et 90 millions
de dollars sur trois ans aux réseaux de centres d'excellence. À eux
seuls, ces quatre exemples totalisent des investissements de près
de 400 millions de dollars.
Selon moi, on peut dire que, collectivement, les nouveaux crédits représentent un investissement considérable et appréciable dans le secteur universitaire et dans la création de savoir.
C'est là, pour ainsi dire, l'aspect «connaissances» de ce dossier, la création de savoir. Prenons maintenant un moment pour nous pencher sur l'autre aspect de ce dossier: l'investissement de nouvelles ressources dans le secteur industriel ainsi que dans la mise en valeur et la commercialisation du savoir et des idées. Entre autres initiatives notables, on peut citer ce qui suit: 150 millions de dollars sur trois ans à Partenariat technologique Canada, 50 millions de dollars de capitaux propres pour aider la Banque de développement du Canada (BDC) à accroître l'appui financier qu'elle consent aux petites et moyennes entreprises axées sur le savoir et donnant la priorité aux exportations. Il y a avait aussi 60 millions de dollars sur cinq ans pour rendre accessible—par le truchement de l'autoroute de l'information—un ensemble complet et bien intégré de données sur la géographie, l'environnement, la population et les ressources du Canada. Il y avait ensuite 60 millions de dollars sur trois ans pour les «collectivités ingénieuses», ainsi que pour le recours efficace à la technologie de l'information. Là encore, ces seuls exemples se chiffrent à plus de 300 millions de dollars.
Vous pouvez voir, là encore, que le gouvernement avait fait un investissement ciblé, mais cette fois-ci du côté de l'industrie.
Cela m'amène à mon argument principal. Vous vous rappellerez que j'ai indiqué il y a quelques minutes qu'il existe une importante zone grise entre les résultats de la recherche et leur transformation en produits commerciaux—où se situe ce qu'on est convenu d'appeler le «déficit d'innovation» qui sépare les nouvelles connaissances et leur mise en application. Nous savons que tant que nous n'aurons pas comblé ce déficit, nous aurons beaucoup de difficulté à transformer les résultats de la recherche en produits commerciaux. C'est donc à cet égard qu'il faut nous attacher. Tant que nous ne comprendrons pas et que nous n'investirons pas fortement dans la phase qui consiste à transformer le savoir en produits commerciaux, notre système d'innovation ne sera pas aussi efficace qu'il devrait l'être. Et c'est précisément là que le CNRC intervient. Je suis persuadé qu'il est le seul organisme au Canada qui soit en mesure de combler efficacement et dès maintenant le déficit d'innovation et de réunir comme il se doit les deux côtés de l'équation, pour ainsi dire.
Alors, que peut-on retenir du dernier budget fédéral à ce propos? Malheureusement, les investissements dans ce domaine sont bien inférieurs à ceux qu'on a consentis à l'appui du secteur universitaire et de l'industrie. Le CNRC a reçu 15 millions de dollars de nouveaux crédits sur trois ans, soit environ 20 p. 100 de ce que nous pensions être le minimum nécessaire.
On ne peut que faire la comparaison entre cette augmentation très modeste et les compressions de 76 millions de dollars imposées dans la première phase d'examen du programme et celles de 13,1 millions de dollars imposées l'année dernière dans le cadre de la deuxième phase de l'examen du programme. Et, évidemment, contrairement aux conseils subventionnaires que sont le CRSNG, le CRM et le CRSH, le CNRC n'a pas vu ses crédits en R-D restaurés au niveau de 1994-1995 dans le Budget fédéral de 1998. De fait, seule notre capacité de générer des recettes nous a permis de conserver un grand nombre de nos programmes de recherche. Il s'agit de la capacité qu'a le CNRC de travailler avec des partenaires et de générer des revenus découlant de programmes de recherche concertée, d'activités rémunérées, etc.
Mais nous croyons avoir maintenant atteint la limite. Je ne vois vraiment pas comment nous pourrions faire davantage sur ce plan sans compromettre la base de recherche qui sous-tend tous nos programmes et nos services. Nous sommes donc confrontés à d'importants défis—nous n'avons pu saisir les occasions qui s'offraient à nous d'investir dans de nouveaux secteurs de R-D d'une importance stratégique pour le Canada—et j'y reviendrai dans quelques minutes. Ce sont les débouchés dont le Canada doit profiter pour devenir compétitif sur le plan industriel au XXIe siècle.
• 0925
De même, notre équipement, nos installations et notre
infrastructure se dégradent, nous perdons un personnel hautement
qualifié et nous sommes de moins en moins en mesure de permettre
aux jeunes chercheurs d'acquérir de la formation pratique.
En raison de notre manque de ressources financières, il nous est de plus en plus difficile de nous engager dans de nouveaux partenariats. Je pense que tout le monde sait que, de nos jours, l'établissement de nouveaux partenariats est un élément crucial de l'innovation; c'est ainsi que les choses fonctionnent. C'est le manque de ressources qui en est à l'origine. Avec les moyens dont il dispose, le CNRC joue pourtant déjà un rôle important au chapitre de l'innovation locale et régionale. Nous avons travaillé avec les localités—notre programme d'aide à la recherche industrielle est présent partout au pays.
Nous savons ce qu'il faut comme personnel et comme programmes pour produire de l'innovation. Nous croyons que nous pouvons avoir un impact encore plus grand, mais pour cela, nous avons absolument besoin d'un accroissement de notre budget de base en vue d'être mieux à même d'aider les collectivités à être présentes dans les régions et à accroître la productivité du Canada. Nous devons identifier dès maintenant les secteurs où nous pouvons consentir des investissements stratégiques pour l'avenir. Il est urgent et essentiel de faire de tels investissements dans l'innovation.
Je sais que nombre d'entre vous connaissez bien le CNRC, mais j'aimerais prendre un moment pour vous montrer exactement où nous en sommes. Sous forme abrégée, évidemment. Nous sommes une organisation nationale, ce qui veut dire que nous sommes présents partout au pays. Nous sommes un organisme gouvernemental, mais un organisme de l'annexe II, à deux pas, pour ainsi dire, d'être une société d'État.
Pour ce qui touche l'emploi, nous comptons environ 3 000 équivalents à temps plein. Une de nos particularités, c'est que notre effectif compte un très grand nombre de travailleurs invités. Ce sont des gens de l'industrie, des universités et d'autres laboratoires gouvernementaux qui travaillent dans nos installations dans le cadre de projets, de recherches conjointes et de partenariats.
Nous avons des laboratoires et des installations partout au Canada. Comme vous le savez, le programme d'aide à la recherche industrielle et le Réseau canadien de technologie possèdent un réseau de conseillers technologiques qui s'étend dans l'ensemble du pays. Nous avons des CTI dans presque toutes les régions et toutes les localités. Leur rôle est d'aider les petites et moyennes entreprises à accéder à la technologie, à en faire l'acquisition et le développement ainsi qu'à la mettre en marché.
Nous comptons aussi parmi les principales sources d'information scientifique, technologique et médicale au Canada. L'information doit être accessible à ceux qui en ont besoin: les chercheurs et les organisations. L'Institut canadien de l'information scientifique et technique est par conséquent une composante critique de l'infrastructure nationale, puisqu'il fournit des informations partout au pays, en grande partie par voie électronique, comme il est de mise aujourd'hui.
Si vous additionnez tous les éléments de notre budget, vous arrivez à une somme d'environ 456 millions, contre environ 78 millions qui proviennent de nos activités. C'est donc dire qu'en cherchant à augmenter nos revenus par nos propres moyens, nous avons fait beaucoup pour nous sortir des difficultés que nous ont causées les restrictions budgétaires, mais il y a des limites à ce que nous pouvons faire sur ce plan.
Le budget de R-D a diminué nettement, c'est-à-dire d'au moins 80 millions de dollars par rapport à ce qu'il était en 1994-1995. Notre budget n'a pas été rétabli, et il se situe à environ 317 millions de dollars cette année.
Le PARI s'est bien débrouillé parce que son budget de base a été rétabli en 1997-1998. Il a reçu un nouveau financement dans le budget de février 1998, et cela nous a permis de lancer un nouveau programme d'aide avant la commercialisation, en collaboration avec Partenariats technologiques Canada. Le budget de l'ICIST est de 34 millions de dollars, dont 18 millions proviennent de nos propres fonds.
Nous avons aussi un autre rôle: fournir des parties essentielles de l'infrastructure nationale. Par exemple, nous sommes responsables de la Tri-University Meson Facility en Colombie-Britannique. Il s'agit d'une coentreprise de quatre universités qui doit être financée l'an prochain. Nous exploitons et entretenons aussi les télescopes de la communauté universitaire canadienne ici au pays et à l'étranger, par l'entremise d'ententes internationales de collaboration. Nous sommes l'organisation qui offre les liens avec les sociétés professionnelles et le secteur universitaire du Canada par l'entremise du CIUS, le Conseil international des unions scientifiques, dont le CNRC est l'organisme d'affiliation au Canada. Cela totalise 41 millions de dollars. Les taxes municipales, que nous devons maintenant payer, sont de 10,6 millions de dollars. Si ce montant est si élevé, c'est évidemment parce que nous avons des installations et des propriétés partout au pays. Alors cela vous donne une brève indication.
• 0930
La diapositive suivante est une carte du Canada qui indique
les endroits où nous sommes situés. Vous trouvez un carré vert
partout où nous avons des installations. Nous avons des instituts
ou des centres d'innovation à St. John's, Halifax, Montréal,
Ottawa, London, Winnipeg, Saskatoon, Penticton, Vancouver et
Victoria. Les cercles rouges indiquent les endroits où nous avons
des bureaux du PARI, et vous pouvez voir que nous en avons dans
chaque province et même dans chaque territoire. C'est donc dire que
nous sommes une organisation vraiment nationale, très présente dans
toutes les provinces du Canada.
Nous avons expérimenté des centres d'innovation virtuels, et nous en avons deux en Alberta. Il y en a un à Edmonton et un à Calgary. Nous n'avons pas d'installations physiques à cet endroit, mais nous y avons innové en réunissant tous les partenaires grâce à une très petite structure. Nous n'avons pas à faire appel à beaucoup d'employés; en fait, nous avons essentiellement une personne et une secrétaire. Mais elles ont pour rôle, dans ces centres d'innovation virtuels, de réunir tous les intervenants du réseau d'innovation pour déterminer comment il est possible d'aller de l'avant sans que cela coûte trop cher. C'est une nouvelle initiative d'une grande importance.
Je vais maintenant prendre quelques minutes pour vous montrer en quoi nous sommes ce que j'appelle une organisation axée sur l'innovation. C'est ce que nous appelons innover par la science et la technologie. La carte illustre le spectre de l'innovation, c'est-à-dire la plupart des choses qui contribuent d'une façon ou d'une autre à l'innovation. Dans le haut, vous avez les endroits où nous avons les instituts. Si on va de haut en bas, la première est l'infrastructure nationale de R-D, pour laquelle nous fournissons des composantes de la base nationale de R-D. À St. John's, par exemple, notre institut comporte des installations de génie maritime de classe mondiale. À Saskatoon, nous avons un centre de plantes transgéniques, où la collectivité peut faire de la biotechnologie agricole. À Ottawa, nous avons des souffleries, composantes critiques de notre industrie aérospatiale. Vous pouvez les trouver à l'aéroport.
Vous voyez ensuite les endroits où nous avons des activités très spécifiques de formation en R-D. La ligne indique les endroits du pays où nous procédons à cette activité. Les cylindres indiquent les endroits où une activité spéciale est en cours. À Montréal, nous avons un programme spécial associé à notre usine pilote de biotechnologie. On y offre la formation des bio-ingénieurs, c'est-à-dire des personnes qui sauront comment fonctionne l'équipement de biologie de filamentation, comment le faire fonctionner et ce qu'il faut pour être dans ce secteur technologique. C'est pourquoi nous offrons une formation spécialisée aux technologues de notre installation pilote. Cela a connu beaucoup de succès. Les gens qui y sont formés, d'une bonne vingtaine à une bonne trentaine par année, sont immédiatement engagés par l'industrie parce que leurs services sont précieux.
À Winnipeg, nous avons un programme offert conjointement avec le Red River College pour la formation de techniciens qui font fonctionner des appareils d'imagerie par résonance magnétique. Là encore, il s'agit d'une formation si spécialisée que ces gens n'ont absolument aucune difficulté à se trouver un emploi; en fait, il existe à leur endroit une très forte demande.
• 0935
Vous avez peut-être entendu parler à Ottawa d'une initiative
innovatrice appelée Ovitesse, qui consiste à recycler des
scientifiques et des ingénieurs en ingénieurs logiciels. Il s'agit
d'un programme très innovateur.
Nous avons évidemment des programmes de recherche partout au pays, et je ne vous décrirai pas toutes les choses que nous y faisons. Le développement technologique est l'un des principaux aspects de ce que nous faisons. Le développement technologique est l'un des principaux aspects de ce que nous faisons. Là encore, nous en faisons partout au pays. Nous faisons de la diffusion et de la commercialisation technologique, et les outils qui sont accessibles dans ce cas sont le PARI et le programme d'aide à la commercialisation du PARI/PTC. La semaine dernière, j'ai eu le plaisir de rencontrer M. Lastewka dans sa circonscription, où nous remettions une subvention du PARI/PTC à une société de haute technologie innovatrice de St. Catharines, Biomedical Implant Technology.
Nous nous sommes aussi attachés à assurer le démarrage et l'incubation de petites entreprises. C'est à Montréal qu'on en trouve le meilleur exemple, puisque nous y avons bâti un incubateur en septembre dernier. Il a été inauguré par le ministre Cauchon. Cet incubateur ne fonctionne pas seulement à pleine capacité, il déborde. Nous y avons vingt entreprises, et le nombre d'emplois créés et de personnes associées à ces entreprises est réellement très important. Nous avons aussi un incubateur à Ottawa, qui est étroitement associé à nos instituts de technologie de l'information de Winnipeg et de Saskatoon.
Nous avons aussi été étroitement liés à l'innovation régionale communautaire partout au Canada, mais certaines initiatives ont été centrées sur des secteurs clés. Par exemple, Winnipeg a beaucoup de petites entreprises qui oeuvrent dans un secteur clé de la R-D: les appareils médicaux. Nous avons donc mis sur pied une initiative axée sur l'innovation baptisée Stratégie de la technologie médicale de l'Ouest. Elle rayonne depuis Winnipeg, mais elle s'attache au développement d'entreprises du secteur des technologies médicales de l'Ouest. Évidemment, vous savez également que nous sommes responsables partout au pays des codes et des normes, partie très importante de l'économie de l'innovation.
Ainsi donc, le CNRC participe, d'une façon ou d'une autre, à la plupart des éléments de l'innovation: nous faisons de la R-D; nous contribuons à la commercialisation et au transfert de la technologie; nous obtenons les outils qu'il faut pour ce faire; nous participons directement à l'innovation à l'échelle locale; et nous fournissons aussi l'infrastructure nationale.
L'an dernier, nous avons jeté un coup d'oeil sur l'avenir du CNRC. Le résultat est venu de la base et a été raffiné en cinq grandes initiatives stratégiques, c'est-à-dire les orientations que le Canada devrait, à notre avis, prendre au cours du prochain siècle. Il y a des choses que nous ne pouvons laisser de côté.
La science du génome est l'une de ces activités. Heureusement, dans le dernier budget, l'investissement gouvernemental consenti pour la technologie nous a permis de mettre sur pied une activité concernant la science du génome, à partir de Montréal, mais tout en faisant appel à d'autres instituts de biotechnologie. Tout cela a été mis sur pied par une organisation appelée Genome Canada, qui est le fruit d'une initiative du Conseil de recherches médicales et du Conseil national de recherches du Canada.
Nous avons un projet national de pile à combustion, qui constitue selon nous une occasion importante pour le Canada de se placer à l'avant-garde du monde pour la fabrication des piles à combustion. Nous jugeons cela important, parce que l'intégration d'une entreprise comme Ballard dans des activités de R-D et dans une infrastructure est d'une importance critique si l'on veut préserver ce potentiel. Les piles à combustion vont être une grosse affaire au cours des dix prochaines années, et il est essentiel que le Canada tire profit de l'avantage qu'il a déjà en intégrant des entreprises à ses activités de R-D et à son infrastructure.
Nous croyons que la prochaine génération d'instruments comptera des instruments opto-électroniques pour l'industrie des télécommunications et de la technologie de l'information. L'opto-électronique est le mariage de l'optique—la lumière—et de la micro-électronique. Il s'agit de créer un nouveau genre d'instrument qui maximisera la capacité de la lumière de transmettre des informations plus rapidement que par le simple passage d'électrons dans un fil électrique. C'est vrai, des instruments opto-électroniques sont déjà utilisés, mais ils vont énormément gagner en popularité. Nous avons proposé l'établissement d'une installation de mise au point de prototype opto-électroniques, qui donnera à nos PME de meilleurs débouchés en prototypage.
• 0940
Nous avons proposé deux initiatives en aérospatiale: une usine
de fabrication de pièces aérospatiales dans la région de Montréal
et une usine de turbine à gaz environnementale ici à Ottawa, pour
servir l'industrie de l'aérospatiale.
Ensuite, pour ce qui touche l'infrastructure nationale en information, on a le réseau des connaissances scientifiques.
Ainsi donc, madame la présidente, ce sont là certaines des choses que nous aimerions faire. Nous sommes très heureux que le gouvernement reconnaisse l'importance pour le Canada de la R-D et de l'innovation, puisque nous dépendons de plus en plus d'une économie du savoir.
Après quatre ans de diminution des budgets de base au CNRC, nous avons été très heureux de voir cette année un revirement à ce chapitre. Si l'augmentation a été modeste, elle était tout à fait bienvenue. Nous étions déçus qu'aucune des initiatives stratégiques n'obtienne un financement propre, mais nous considérons avec beaucoup d'optimisme l'augmentation que nous avons obtenue comme un acompte pour l'avenir. Nous aimerions certes voir avancer ces choses, et cette injection de fonds ne nous nuit certainement pas.
Nous espérons ardemment que le budget de cette année procurera au CNRC les ressources dont il a besoin pour concrétiser ses initiatives communautaires et régionales d'innovation partout au pays, et particulièrement pour combler un retard au chapitre de l'innovation, dans lequel nous n'avons pas encore investi tellement.
Je terminerai ici mes commentaires pour la première partie de l'exposé. Merci beaucoup.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Carty. Je propose que nous posions des questions sur la première partie de l'exposé durant environ 25 ou 30 minutes, après quoi nous passerons à la deuxième partie, si vous n'avez pas trop de questions à poser.
Je vais commencer par Mme Lalonde.
[Français]
Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur Carty, je vous remercie de votre exposé qui m'apparaît admirablement direct de la part du responsable de la société d'État que vous êtes. Cependant, certaines de vos réactions m'apparaissent contenues. Il y a certains mots qui ne trompent pas. On trouve le premier constat troublant à la page 7, où vous nous rappelez que 44 p. 100 des dépenses canadiennes en matière de recherche et développement sont engagées par quelques très grandes entreprises multinationales.
M. Arthur Carty: Je crois que cette affirmation fait partie de la deuxième partie de ma présentation. Je peux toutefois vous répondre maintenant.
Mme Francine Lalonde: Non...
Une voix: On nous a remis deux textes.
Mme Francine Lalonde: Je le sais puisque je me suis penchée sur les deux. Puis-je quand même continuer?
[Traduction]
La présidente: Au cours de la première partie de la réunion, nous sommes censés parler de croissance durable. Nous aurons ensuite un exposé sur la productivité, qui sera suivi par des questions. Avez-vous des questions sur le premier exposé, qui portait sur la croissance durable?
[Français]
M. Arthur Carty: Cette présentation est un peu plus courte que l'autre.
[Traduction]
La présidente: Je pourrais peut-être passer à M. Bellemare pour ensuite revenir à vous.
[Français]
Mme Francine Lalonde: J'ai préparé des questions qui portent sur les deux documents. Me dites-vous que je ne devrais pas faire allusion au document intitulé «Pour un Canada innovateur»?
[Traduction]
La présidente: Il y a deux séances distinctes.
[Français]
Mme Francine Lalonde: Je comprends très bien cela, mais je veux savoir sur quel sujet porte la première partie de la séance.
[Traduction]
La présidente: Le premier portait sur la croissance durable.
[Français]
Mme Francine Lalonde: Vous me dites que c'est celle qu'il vient de présenter et qui se termine par des tableaux. D'accord. Alors, on commence à l'envers. Selon moi, c'est l'envers de la logique.
M. Arthur Carty: Je m'excuse, mais j'aurais dû préciser le titre.
Mme Francine Lalonde: De toute façon, j'ai devant moi votre budget, où vous dites que «le CNRC a reçu 15 millions de dollars de nouveaux crédits sur trois ans».
M. Arthur Carty: Oui.
Mme Francine Lalonde: Contrairement à ceux des conseils subventionnaires, vos crédits n'ont pas été restaurés au niveau de 1994-1995.
M. Arthur Carty: Oui.
Mme Francine Lalonde: Vous continuez en disant que vous avez été capables de maintenir un grand nombre de vos programmes de recherche à cause de votre capacité de générer des recettes, mais que vous avez atteint la limite.
M. Arthur Carty: Oui. Souhaitez-vous que je réponde maintenant à cette question?
Mme Francine Lalonde: Vous pourriez la développer. Dans le fond, vous nous dites que vous pourriez en faire beaucoup plus, mais qu'il vous faudrait davantage d'argent.
M. Arthur Carty: Oui. Je peux vous donner l'exemple de notre Institut de recherche aérospatiale. En raison des réductions prévues dans le budget de 1995, nous avons dû réduire l'enveloppe budgétaire de cet institut d'environ 6 millions de dollars, soit de presque la moitié. Cependant, à cause de l'effort que l'institut a déployé en vue d'établir des partenariats avec les compagnies aérospatiales canadienne, il a réussi à améliorer sa situation financière et à aller chercher 8 millions de dollars. Il a reçu des fonds du secteur privé et d'autres ministères, lesquels sont venus remplacer les fonds qu'il avait perdus. Je dois toutefois souligner que les fonds que nous avons reçus de cette façon visent des projets spécifiques à court terme que nous réalisons de concert avec l'industrie. Nous n'avons pas la base nécessaire pour investir dans les nouvelles technologies et pour développer les technologies de l'avenir. Nous avons réparé d'une certaine façon le dommage fait, mais nous ne sommes pas en mesure d'investir dans la base de cet institut, et cela représente un problème. On peut toujours obtenir des fonds pour réaliser des projets à court terme avec des partenaires, mais il ne faut pas oublier qu'il est important de rétablir la base. Dans ce cas précis, nous avons réussi à obtenir beaucoup plus de fonds pour remplacer les fonds qui avaient été réduits, mais cette façon de procéder n'est pas un gage d'excellence future dans cette industrie et dans cet institut.
Mme Francine Lalonde: Le rapport que vous nous avez présenté porte sur l'exercice financier 1999-2000?
M. Arthur Carty: Oui.
Mme Francine Lalonde: Prévoyez-vous que vos dépenses vont encore diminuer?
M. Arthur Carty: Faites-vous allusion à cette année ou à l'an dernier?
Mme Francine Lalonde: Je parle de l'exercice financier 1999-2000. On lit qu'en 1998-1999, les dépenses étaient de 489 millions de dollars; cette année, elles s'élèvent 480 millions de dollars; on prévoit qu'elles s'élèveront l'année prochaine à 464 millions de dollars et l'année suivante, à 447 millions de dollars.
Je suis portée à vouloir aller plus loin et à vous demander si, tout comme M. Brzustowski, du Conseil...
M. Arthur Carty: Oui, M. Thomas Brzustowski du CRSNG.
Mme Francine Lalonde: Il nous disait que la faiblesse du dollar canadien et le sous-financement des universités, des partenaires qui assumaient auparavant les coûts indirects, posaient des problèmes relativement importants. Êtes-vous également affectés par ces facteurs?
M. Arthur Carty: Oui, cela a beaucoup affecté le Conseil national de recherches, cela de deux façons.
Bien que nous achetions certains produits chimiques, matériaux et équipements au Canada, nous sommes parfois obligés d'acheter des produits très sophistiqués aux États-Unis. Il est presque impossible de trouver au Canada des produits de remplacement. La chute du dollar nous a donc beaucoup affectés.
De plus, notre institut d'astronomie à Victoria doit débourser des frais internationaux lorsqu'il collabore à la réalisation de projets avec d'autres pays. En raison de la baisse du dollar, nous avons dû débourser une somme supplémentaire de 1,5 million de dollars parce que les sommes sont établies en dollars américains et non pas en dollars canadiens.
• 0950
Ce sont deux
exemples qui démontrent bien comment le déclin
de la valeur du dollar nous a affectés.
La présidente: Est-ce que vous avez une autre question?
Mme Francine Lalonde: Oui, une dernière. Compte tenu de la baisse du dollar et des nouveaux coûts, combien d'argent vous faudrait-il pour revenir à un niveau équivalent à celui de 1994?
M. Arthur Carty: Pour remplacer les fonds affectés à la base de recherche et aux programmes qui ont subi des compressions budgétaires, et pour remédier aux dommages qui en ont découlé, nous avions demandé qu'on nous verse 75 millions de dollars au cours des trois prochaines années, à raison de 25 millions de dollars par année.
Mme Francine Lalonde: Cela vous servirait juste à remplacer ces fonds?
M. Arthur Carty: Oui.
Mme Francine Lalonde: Mais si on parlait de développement, ce serait tout un autre sujet.
La présidente: Merci, madame Lalonde.
Monsieur Bellemare, s'il vous plaît.
M. Eugène Bellemare (Carleton—Gloucester, Lib.): Merci, madame la présidente.
[Traduction]
Monsieur Carty, j'ai toujours été un grand admirateur du CNRC, et je le suis toujours. Je vous appuie énormément, et je veux savoir comment je pourrais vous aider d'une façon plus efficace.
Lorsque j'étais jeune, il y a bien longtemps, vous ne vous occupiez que de recherche fondamentale, et vous faites maintenant de la science appliquée, et un brin très judicieux de commercialisation, n'est-ce pas?
M. Arthur Carty: Vous avez raison quand vous dites que le CNRC a changé, puisqu'il a changé de façon plutôt spectaculaire. S'il a changé, c'est parce que le pays avait besoin qu'il change. Il fut un temps, dans les années 50, 60 et au début des années 70, où le CNRC était assez semblable à une université. Le travail qu'on y faisait, à tout le moins dans le domaine scientifique, était de la recherche fondamentale. La raison en était qu'il fallait à l'époque établir la capacité des universités de produire des diplômés de grande qualité et de mettre au point des programmes d'études supérieures et des programmes de recherche de leur cru. Voilà à peu près ce que le CNRC faisait dans les années 60.
À présent, au moment où je vous parle, la situation a changé. Le CNRC se considère comme au centre du spectre de la R-D. Nous faisons de la recherche fondamentale dans certains secteurs ciblés qui revêtent une importance particulière pour le Canada, mais nous faisons aussi en sorte que cette connaissance se retrouve dans des applications bien réelles en travaillant en partenariat avec d'autres, par l'entremise de la recherche stratégique ou de transferts technologiques. Alors, le rôle du CNRC a changé, et de façon spectaculaire. Je pense que nous avons noué des liens beaucoup plus solides avec l'industrie, les universités et les autres laboratoires du gouvernement que ce n'était le cas dans le passé. C'est donc dire que le Canada vit une époque critique. Nous investissons principalement dans le secteur où il y a des lacunes au chapitre de l'innovation. Nous fournissons la colle qui contribue à faire le lien entre la recherche pure et les produits commercialisés en assurant les activités stratégiques de R-D et en veillant au transfert technologique.
M. Eugène Bellemare: Votre organisation aurait-elle besoin d'une division de la mise en marché? Cette mise en marché pourrait-elle se faire en association avec un autre ministère, par exemple de l'Industrie, ou la confieriez-vous à une entreprise commerciale, une entreprise privée?
M. Arthur Carty: En fait, chacun de nos instituts possède un bureau de développement commercial. Il y a habituellement plusieurs bureaux de développement commercial, dont le rôle principal est celui que vous venez de décrire, c'est-à-dire mettre en marché ce que nous faisons afin d'établir des partenariats avec des sociétés innovatrices, de travailler avec elles et de nouer ces relations.
M. Eugène Bellemare: C'est une activité proactive?
M. Arthur Carty: C'est une activité extrêmement proactive. Nous comptons actuellement quelque 1 650 collaborations actives en R-D qui ont été en général établies au moyen des relations que les bureaux de développement commerciaux ont nouées avec nos clients.
M. Eugène Bellemare: À la page 1, on retrouve un graphique qui montre ce que la Suède, l'Italie, etc. donnent, et nous sommes au bas. Nous sommes toujours près de l'Italie. On dirait que, dans tous les rapports que je vois, nous sommes toujours...
M. Arthur Carty: Il y a pire que l'Italie. L'Union soviétique est bien pire que l'Italie, et il y a encore d'autres pays qui sont encore bien pire...
M. Eugène Bellemare: Je sais bien, mais chaque fois que je consulte un rapport, je constate que le Canada est soit devant, soit derrière l'Italie. Je ne sais pas pourquoi. Il doit y avoir une forme de relation.
La présidente: Dernière question, monsieur Bellemare.
M. Eugène Bellemare: Il doit y avoir une contrepartie, et il doit y avoir des indicateurs qui montrent quelles contreparties retirent ces pays lorsqu'ils investissent.
M. Arthur Carty: Puis-je vous donner un exemple...
M. Eugène Bellemare: Ma question est tout à fait pratique, et vous allez l'adorer. Est-ce que vous présentez simplement votre budget au Conseil du Trésor en disant que c'est ce dont vous avez besoin, tandis qu'un groupe de personnes au Conseil du Trésor n'ont pour d'autre mandat que de voir où ils pourraient rogner sur les fonds qu'ils vous accordent, sans s'occuper de promouvoir les développements au pays? Est-ce ainsi que cela fonctionne? Comment notre comité peut-il améliorer votre sort, lorsque vous dites que vous avez reçu à peu près 20 p. 100 du minimum dont vous pensiez avoir besoin et que vous voulez améliorer l'industrialisation de notre pays? Nous siégeons au comité et nous nous demandons qui contrôle la situation. Vous entendez-vous bien avec ces gens du Conseil du Trésor? Comment pouvons-nous vous être utile?
M. Arthur Carty: Je pense que la réponse à cette question est que le comité proprement dit peut exercer beaucoup d'influence. Manifestement, les budgets sont établis et fixés par le ministre des Finances, avec l'aide des intervenants clés du gouvernement. Le ministre de l'Industrie est manifestement important, tout comme d'autres ministres clés, et il est difficile pour le CNRC de les influencer. Nous avons besoin de l'aide du comité de l'industrie et d'autres comités parlementaires ainsi que des parlementaires en général pour convaincre le ministre des Finances, celui de l'Industrie et d'autres intervenants au cabinet, pour les convaincre qu'un investissement dans le CNRC est non seulement justifié, mais aussi vital pour notre pays. C'est à cet égard que vous avez un rôle à jouer et que vous pouvez exercer une influence.
M. Eugène Bellemare: Merci.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Bellemare.
Aviez-vous des questions, monsieur Jaffer?
M. Rahim Jaffer: La plupart de mes questions ont trait à la deuxième partie. Je vais donc attendre.
La présidente: D'accord.
[Français]
Monsieur Dubé.
M. Antoine Dubé (Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière, BQ): J'aimerais revenir à la somme de 75 millions de dollars sur trois ans dont parlait Mme Lalonde, somme qui vous permettrait de remédier aux dommages qui ont découlé des réductions budgétaires. Mais vous nous avez aussi parlé d'autre chose, notamment du fait qu'il serait important de tenir compte de l'aspect du développement. Un investissement gouvernemental a un impact sur les partenaires qui, à leur tour, investissent. C'est un cercle sans fin. Avez-vous estimé combien d'argent de plus il vous faudrait investir pour atteindre ce niveau optimal?
M. Arthur Carty: Nous avions demandé qu'on nous accorde 75 millions de dollars de plus sur trois ans pour la base. Je dois admettre que nous ne nous proposions pas d'utiliser ces 75 millions de dollars de la même façon que nous le faisions en 1994-1995 parce nous avons apporté certains changements à la suite des réductions. Nous avons fait du progrès, l'environnement a changé et il y a de nouveaux développements et de nouvelles technologies. Nous n'investirions pas nécessairement dans les mêmes domaines qu'auparavant.
• 1000
Je vous ai déjà parlé de nos cinq initiatives
stratégiques, dont la science du génome et l'infrastructure
en recherche aérospatiale, qui exigent des
efforts concentrés. Dans ces domaines,
nous bénéficiions d'une
masse critique qui nous avait permis d'avancer dans
ce secteur de l'économie et
au niveau des technologies qui y sont reliées.
Chacune de ces cinq initiatives stratégiques exigera
des fonds supplémentaires.
M. Antoine Dubé: De quel ordre?
M. Arthur Carty: Par exemple, au niveau des technologies environnementales, qui comprennent entre autres les piles à combustible, nous avions proposé un programme prévoyant l'injection de 30 millions de dollars supplémentaires pendant cinq ans.
Dans le cas de l'infrastructure aérospatiale, deux initiatives qui consistent en grande partie en équipements exigeraient un investissement de 45 millions de dollars, tandis que la création d'un centre aérospatial de fabrication de matériaux nécessiterait d'autres fonds supplémentaires. La mise en oeuvre de cette stratégie coûterait 60 millions de dollars, dont la moitié proviendrait de l'industrie et l'autre moitié, de chez nous.
M. Antoine Dubé: Pendant combien d'années?
M. Arthur Carty: Pendant cinq ans.
M. Antoine Dubé: Vous reprenez toujours ce modèle d'une période de cinq ans. Avez-vous calculé la somme supplémentaire totale qu'exigerait la réalisation de ces cinq initiatives stratégiques au cours des cinq prochaines années?
M. Arthur Carty: Oui, nous avons évalué que l'ensemble de ces initiatives exigerait un investissement de l'ordre de 300 millions de dollars pendant cinq ans.
M. Antoine Dubé: Donc, 60 millions de dollars par année?
M. Arthur Carty: Oui.
M. Antoine Dubé: Il y a quelques semaines, nous sommes allés visiter le centre de l'Agence spatiale canadienne à Saint-Hubert. Son président et ceux qui l'accompagnaient nous disaient qu'ils avaient été obligés de faire des réductions et des ajustements, et qu'ils avaient décidé de se tailler une place dans le monde en ciblant les initiatives où nous excellons. Il est très opportun de soulever ce point puisque ce matin, Mme Payette et ses coéquipiers sont dans l'espace. Le fameux bras canadien est une de nos spécialités.
Lorsque vous avez identifié ces cinq initiatives stratégiques, avez-vous adopté la même optique et choisi des cibles dans des domaines où nous avons des chances, non pas nécessairement d'être les meilleurs au monde, mais d'être parmi les bons premiers? Avez-vous procédé au même genre d'analyse?
M. Arthur Carty: Oui, absolument. Ce sont des domaines de recherche et de technologie où le Canada a besoin d'investissements pour être le meilleur au monde, pour être un chef de file. Par exemple, il n'existe nulle part au monde un centre d'optoélectronique semblable à celui que nous avons proposé. Sa réalisation représenterait un avantage énorme pour nos petites et moyennes entreprises. Cet exemple peut être repris dans chaque cas.
Si nous faisons les investissements nécessaires, le Canada pourra être le leader dans ces domaines.
M. Antoine Dubé: Non seulement avons-nous de la difficulté à garder nos meilleurs chercheurs dans ces domaines-là, mais nous semblons incapables d'en attirer de nouveaux. Pourrait-on corriger cette lacune si le Canada faisait ces investissements?
M. Arthur Carty: Oui. Si nous avions l'équipement et les laboratoires que nous souhaitons, nous réussirions non seulement à convaincre nos meilleurs chercheurs de rester au Canada, mais aussi à convaincre ceux qui sont partis aux États-Unis de revenir ici. Ce serait entre autres le cas si nous établissions notre centre d'optoélectronique au profit des chercheurs et des PME. Ceux qui sont partis étudier aux États-Unis reviendraient ici.
La présidente: Merci, monsieur Dubé.
[Traduction]
Nous allons entendre M. Lastewka et M. Shepherd, après quoi nous passerons à la deuxième partie. Monsieur Lastewka, je vous en prie.
M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.): D'accord, je serai bref. Je n'ai que deux ou trois questions.
La période que nous venons de vivre, au cours de laquelle nous avons dû effectuer des compressions, nous a obligés, je crois, à étudier notre situation, à établir un ordre de priorité et à cerner tous les dédoublements. Elle nous a aussi contraints à conclure davantage de partenariats.
Maintenant que nous avons tourné la page, j'ai toujours eu pour préoccupation—j'en ai parlé auparavant et je tiens simplement à ce que vous me rassuriez—que nous établissions au Canada, dans le domaine des sciences et de la technologie ainsi que de la R-D, un régime qui soit de nature à réduire au minimum—je dis bien «réduire au minimum», le nombre de dédoublements qui pourraient très bien réapparaître dès que plus d'argent sera disponible. Pouvez-vous me donner l'assurance que nous mettons en place un système qui réduira au minimum les dédoublements et que, dans l'ensemble du pays et dans chacune des provinces, nous disposerons d'une recherche technologique et scientifique de qualité qui soit davantage en prise sur la réalité, qui soit mieux intégrée et qui s'inscrive davantage dans le cadre de partenariats?
M. Arthur Carty: Au cours des cinq ou sept dernières années, je crois que le Canada a franchi des pas de géant au chapitre de la conclusion de partenariats. À certains égards, le phénomène est imputable aux prises de conscience suivantes: premièrement, nous ne disposons pas des ressources nécessaires pour tout faire; deuxièmement, nous ne disposons peut-être pas des ressources nécessaires pour faire quoi que ce soit, à moins que nous ne mettions nos ressources en commun avec celles de partenaires pour nous attaquer à un problème.
Du point de vue de la culture de la communauté scientifique, la situation, me semble-t-il, a beaucoup changé. Il y a davantage de collaboration. Il y a davantage de coopération. On déploie davantage d'efforts pour constituer une masse critique plutôt que pour constituer des entités distinctes qui n'apportent pas aux programmes une contribution optimale.
Au CNRC, il est certain que la notion de partenariat et de collaboration est aujourd'hui la règle d'or, et pas seulement dans le cadre de projets menés en collaboration avec l'industrie. La collaboration s'étend à la collectivité et à l'innovation régionale, où l'accent est mis non pas sur l'imposition d'idées par le CNRC, mais bien plutôt sur la collaboration effective avec les divers intervenants du système local d'innovation. La démarche a pour but d'unir les efforts de chacun de façon à optimiser les avantages de ce que nous faisons. Dans de nombreux cas, nous ne pouvons investir que des ressources relativement limitées. Forts des ressources d'autres parties et de la synergie qui se dégage de l'interaction, nous pouvons mettre sur pied une initiative novatrice beaucoup plus efficace que si nous nous contentions d'investir en masse, au petit bonheur la chance. Je crois donc que cette prise de conscience revêt une grande importance, et on en note l'esprit dans un certain nombre de collectivités.
Je pense que vous savez tous que Saskatoon est devenu un centre spécialisé dans l'agriculture, l'un des principaux centres mondiaux du domaine de la biotechnologie agricole. Cette situation s'explique par la participation de la collectivité, qui a compris qu'elle pouvait stimuler son économie en consentant un investissement très spécifique de concert avec toutes les parties concernées.
Je pense que nous pouvons faire la même chose dans l'ensemble du pays. C'est ce qui se produit à Winnipeg. C'est ce qui se produit à Vancouver. À Montréal, nous avons lancé, en ce qui concerne l'innovation, des initiatives d'un genre tout à fait différent. Agissant à la façon d'un aimant, notre institut spécialisé dans la biotechnologie a attiré des sociétés, et chacune des parties, une fois de plus, s'alimente à même les ressources du milieu. Il s'agit d'une nouvelle façon de faire, à laquelle le CNRC est intimement mêlé.
M. Walt Lastewka: En ce qui concerne la deuxième...
La présidente: Est-ce votre dernière question?
M. Walt Lastewka: ... et dernière question, vous avez fait allusion aux divers grands centres, par exemple Saskatoon, Winnipeg, etc. Au cours des deux dernières années, j'ai parcouru le pays, et j'ai eu affaire à de petites collectivités ainsi qu'à des collectivités rurales. À mes yeux, le PARI est le lien qui unit ces centres entre eux. Nous avons rencontré des propriétaires de petites entreprises. Dans de nombreux cas, c'est le représentant du PARI qui avait produit des résultats et fait le lien.
M. Arthur Carty: Le PARI revêt une très grande importance pour nous. Avec l'ajout du Réseau canadien de technologie, le PARI bénéficie maintenant, bien entendu, d'un réseau électronique national grâce auquel les entreprises peuvent profiter du soutien et des conseils technologiques du PARI.
Les conseillers en technologie industrielle du PARI jouent un rôle tout à fait critique au pays. Les PME sont le moteur de la croissance de l'économie, et le PARI est considéré comme le meilleur du genre au monde. Lorsque, sur la scène internationale, j'affirme que le PARI est un chef de file mondial de l'aide aux PME, personne ne soulève d'opposition. C'est une vérité connue de tous. Chacun s'efforce d'imiter le programme.
Nous entendons cloner le PARI en Thaïlande et en Indonésie. Nous étudions la possibilité de le faire à Taïwan. Chacun veut savoir comment nous nous y prenons. Le PARI est la clé de la croissance de nos PME.
M. Walt Lastewka: Je me contenterai de dire que les ressources du PARI, dans les secteurs auxquels il s'intéresse, sont axées au maximum...
M. Arthur Carty: Oui.
M. Walt Lastewka: ... parce que, au moment où nous passons des grandes sociétés à de petites entreprises de plus en plus nombreuses, ce sont les conseillers en technologie industrielle qui servent de trait d'union. Ils sont la clé; ils peuvent être causes de la réussite ou de l'échec d'une petite entreprise en raison du lien qu'ils entretiennent avec d'autres chercheurs.
Merci.
La présidente: Je vous remercie.
Monsieur Shepherd, une dernière question.
M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): J'ai une série de questions à poser, mais on ne me donnera probablement pas la possibilité de le faire. Je vais donc en risquer quelques-unes.
J'ai une question à poser à propos des calculs. Je n'ai pas bien compris votre exposé. Vous semblez dire que votre organisation a besoin de 75 millions de dollars simplement pour reprendre sa vitesse de croisière.
M. Arthur Carty: Je dois peut-être expliquer que la somme de 75 millions de dollars ne vise pas uniquement à remplacer ce que nous faisions auparavant. Elle nous permettra par exemple d'investir dans de nouvelles innovations communautaires et régionales, lesquelles, croyons-nous, sont essentielles à la croissance du Canada. La somme en question nous permettra donc d'agir dans ce domaine. Elle nous permettra aussi de remplacer le matériel qui n'est plus à la fine pointe de la technologie. Elle nous permettra de continuer d'exécuter des programmes comme le Programme d'ingénieures et de chercheuses, programme d'études postdoctorales si essentiel au remplacement de nos ressources humaines.
Il s'agit donc d'un investissement de base de 75 millions de dollars qui contribuera à la restauration de notre infrastructure, au rétablissement et au maintien de nos programmes de ressources humaines, à notre participation à des initiatives locales et régionales et à l'investissement dans de nouveaux secteurs de recherche, ce que nous n'avons pas été en mesure de faire et...
M. Alex Shepherd: La somme de 300 millions de dollars s'y ajoute-t-elle?
M. Arthur Carty: Oui. La somme de 300 millions de dollars vise essentiellement la mise en place des initiatives stratégiques, ainsi que nous les appelons, dont le Canada aura tant besoin au siècle prochain.
M. Alex Shepherd: Plus j'approfondis toute la question de la productivité, plus je remarque que le véritable problème a trait à ce qui semble être la difficulté qu'éprouve le Canada à adopter de nouvelles technologies. À mon avis, notre secteur des petites entreprises est l'un des pires qui soient. Nous l'avons vu, franchement, dans le dossier du bogue de l'an 2000; nous faisons le même constat dans toutes sortes de domaines. En tant que politiciens, nous éprouvons beaucoup de difficultés à faire passer le message dans le public. Pensez-vous que le CNRC pourrait nous venir en aide dans cette tâche? Comment pouvons-nous établir un lien entre l'innovation et le niveau de vie et montrer que ces investissements entraîneront une amélioration de la qualité de vie des citoyens?
Franchement, c'est ce dont il est question aujourd'hui parce que, en vérité, tout à été dit: c'est ce qu'on peut défendre sur le plan politique. Nous devons pouvoir affirmer qu'il s'agit d'un investissement de choix dans la mesure où il habilitera les citoyens, leurs enfants et les enfants de leurs enfants. Comment pouvons-nous bonifier ces messages?
M. Arthur Carty: À mon avis, la meilleure façon de convaincre les gens consiste à leur communiquer des réussites et des histoires de réussite d'entreprises qui croissent grâce à la technologie, créent des emplois grâce à la technologie et contribuent à la prospérité d'une collectivité, d'une région ou d'une ville. Rien de tel que les histoires de réussite pour convaincre les gens. En principe, c'est plus difficile, mais dès lors qu'on a des résultats concrets à leur montrer, une entreprise qui a bénéficié de la technologie du CNRC et qui l'a assimilée avec l'aide du PARI pour devenir une société viable qui emploie des personnes... dans mon prochain exposé, je donnerai certains exemples de cas où cela s'est bel et bien produit.
• 1015
Voilà la meilleure façon de convaincre les gens. Ils
considèrent l'exemple de Saskatoon comme très persuasif parce que,
à l'intérieur d'un seul et même parc de recherche, ils voient une
centaine d'entreprises, la plupart d'entre elles associées à
l'agriculture ou à la biotechnologie. Incrédules, ils secouent la
tête. Pourquoi cela s'est-il produit à Saskatoon? Pourquoi
Saskatoon? Où auriez-vous imaginé que cela puisse se produire? Pas
à Saskatoon. Or, cela s'est produit grâce à l'innovation et à la
coopération de personnes qui se sont unies pour faire bouger les
choses.
La présidente: C'est le seul endroit dont le financement n'a pas été réduit. Au moment des compressions, le centre a même vu son financement augmenter. Il y a des raisons suffisantes.
M. Arthur Carty: Il y a de nombreuses raisons. Je tiens à souligner qu'il existe d'autres collectivités qui réussissent, des collectivités qui sont parvenues à faire des choses.
M. Alex Shepherd: Je suis d'accord avec vous, mais sur une échelle plus grande—je fais ici référence à la population dans son ensemble—, je pense que vous faites allusion à un petit groupe de personnes capables d'apprécier l'expérience de Saskatoon. Je suis l'une d'entre elles. Il suffit que je descende de l'avion à Taïwan pour qu'on se mette à me parler de l'expérience de Saskatoon. C'est fantastique. Pour une raison que j'ignore, nous semblons incapables, au sein de notre pays, de véhiculer ces messages auprès du grand public. Si, pour dire la vérité, j'évoquais le CNRC dans ma circonscription, on ne saurait pas de quoi je parle. Quand il s'agit de présenter toute cette question comme une allocation de ressources, il s'agit d'un problème de taille pour les politiciens. Nous allons prendre une somme x et nous allons l'utiliser pour faire ceci ou cela. Pourquoi donc dépenser tout cet argent dans le secteur de la recherche? En quoi les résidents de ma circonscription seront-ils avantagés? Voilà le message que je dois faire passer.
M. Arthur Carty: Il ne s'agit pas d'une mince tâche, et, en ma qualité de président du CNRC, je m'efforce d'aller dans les collectivités pour dire aux gens que nous vivons dans un monde différent.
Nous vivons dans un monde où la connaissance, la R-D ainsi que l'innovation sont en réalité les vecteurs de la croissance économique. Il ne s'agit plus que des seules ressources naturelles. Il s'agit de la valeur qu'on ajoute aux ressources naturelles grâce à la technologie mise au service de la R-D, sans parler de la création de nouvelles technologies et de la capacité de soutenir la concurrence mondiale.
On le voit très bien dans cette ville. Il y a 20 ans, Ottawa fabriquait essentiellement des montres et des produits en bois. Regardez de quoi la ville a l'air aujourd'hui. Cette croissance s'explique par la technologie, et l'assise technologique se diversifie, de sorte que la ville est dotée d'un secteur de la biotechnologie en pleine croissance. De plus, cette croissance ne se confine pas au seul secteur de la technologie de l'information et des télécommunications.
On peut citer un autre exemple, et je crois qu'il existe d'autres collectivités où un tel phénomène s'est produit. La région de la Beauce, au Québec, illustre la très grande réussite d'une toute petite collectivité. Nous devons nous saisir des histoires de réussite d'entreprises et de collectivités particulières, les faire connaître et faire en sorte que d'autres se matérialisent. Je crois que c'est ce qui se produit.
Walt vous a parlé de l'évolution qu'on connaît dans le sud-ouest de l'Ontario, dans la région du Niagara. Le mouvement est enclenché. Il fait sentir ses effets dans toutes les régions du pays. Nous devons poursuivre sur notre lancée et aller aussi loin que nous le pouvons.
La présidente: Je vous remercie, monsieur Shepherd.
Merci beaucoup, monsieur Carty. Je suis certaine que nous pourrions poursuivre la présente séance encore longtemps, mais j'aimerais que nous passions à la seconde, soit l'examen de l'étude sur la productivité, l'innovation et la compétitivité. Je vous demande donc de bien vouloir présenter votre deuxième mémoire, après quoi nous passerons aux questions. Je vous remercie.
M. Arthur Carty: Madame la présidente, nous en avons déjà abordé quelques aspects, d'un certain nombre de points de vue.
Vous me donnez quelques instants?
Je vais commencer par citer Michael Porter. C'est un homme d'influence qui, avec un peu de chance, pourra influencer des personnes. Récemment, il a déclaré ce qui suit: «L'innovation est la condition centrale de la prospérité économique.» Traduire cette déclaration à l'intention du public ne va pas sans mal, mais je vais maintenant m'intéresser à certains des premiers aspects que j'entendais aborder pour ensuite en venir directement à la question de la croissance économique grâce à l'innovation.
• 1020
Permettez-moi d'abord de prendre quelques minutes pour montrer
comment l'innovation fonctionne au Canada parce que, sur ce plan,
nous sommes à mon avis très différents d'autres pays du monde. Or,
je crois que c'est une compréhension de ce phénomène qui est
essentielle à nos besoins en investissements.
D'abord et avant tout, je vais donner une définition. Nous percevons et définissons l'innovation comme suit: la création d'idées nouvelles et l'application de ces idées dans des produits et services nouveaux offerts sur le marché. C'est là notre définition. Il s'agit, si vous voulez, d'une définition holistique: la création de nouvelles connaissances et de nouvelles idées et leur concrétisation au sein du marché.
Il convient de noter que l'innovation n'est pas linéaire. Il ne s'agit pas d'une chaîne le long de laquelle on retrouverait d'abord la recherche fondamentale, puis la recherche appliquée et enfin le développement; ce n'est plus ainsi que les choses se passent. En fait, la situation est aujourd'hui toute différente. L'époque de la chaîne de l'innovation est bel et bien révolue. Il faut désormais que les personnes à l'origine des connaissances et celles qui ont pour mission de les appliquer interagissent. L'innovation consiste donc en une série de boucles de rétroaction continue entre les divers composants du système d'innovation. Les créateurs de connaissances doivent parler aux créateurs des produits et les faire intervenir au sein du marché. Et c'est ce qui résulte en ce que nous appelons un système dynamique de l'innovation.
Je vous montre maintenant le tableau suivant. On dirait un diagramme compliqué. En réalité, il s'agit d'un système d'innovation qui, à mon avis, explique très bien ce dont nous avons besoin. Vous constaterez qu'il comporte un certain nombre de composants. En haut, on retrouve la R-D. Il y a aussi l'infrastructure des sciences et de la technologie, le système d'éducation, les systèmes d'apprentissage et, ici, en bas, les apprentissages et la formation en technologie. Ensuite, vous avez les finances. Il y a aussi les entreprises et le gouvernement. Au milieu du système d'innovation, on retrouve les sociétés innovatrices parce que, en dernière analyse, ce sont elles qui introduisent les produits innovateurs au sein du marché.
Il importe de comprendre que ces divers éléments ne fonctionnent pas de façon isolée. Seule, la R-D ne peut rien pour vous. Il faut que tous ces composants soient intégrés et fonctionnent en interaction. Les organisations qui oeuvrent dans le domaine de la R-D doivent disposer de l'infrastructure de recherche nécessaire; elles doivent aussi entretenir des liens avec les sociétés innovatrices. Nous devons produire des personnes hautement qualifiées, qu'elles soient issues des universités ou des collèges axés sur la technologie, afin d'assurer le fonctionnement du système d'innovation. Pour introduire des produits sur le marché, les sociétés innovatrices doivent disposer de financement et d'un capital de risque; on doit pouvoir compter sur les capitaux des banques.
Le gouvernement a un rôle clé à jouer en fournissant des fonds, mais aussi en établissant le cadre, la réglementation et la politique nécessaires. Bien entendu, les associations de gens d'affaires ont aussi un rôle à jouer. Un véritable système d'innovation fonctionnel, qu'il soit national ou tout à fait local, doit comporter l'ensemble de ces éléments, lesquels doivent interagir. Il s'agit en quelque sorte, si vous voulez, d'un système d'innovation communautaire régional.
Nous devons aussi comprendre que nous vivons dans une économie mondiale. L'innovation doit donc être enchâssée dans le contexte mondial; de plus, elle doit être, d'une façon ou d'une autre, viable. C'est ce que nous pourrions appeler un système d'innovation dynamique fonctionnel.
Pour ajouter de la valeur à nos produits, nous devons de plus avoir accès aux connaissances. Nous avons besoin de recherche scientifique. Pour que le système d'innovation fonctionne, nous devons aussi pouvoir compter sur l'ensemble de l'infrastructure et des éléments.
Permettez-moi maintenant de passer au transparent suivant. J'ai déjà fait allusion au déficit d'innovation du Canada. À partir de ce système d'innovation, vous vous demanderez peut-être ce dont un pays a besoin pour innover grâce aux sciences et à la technologie. Voici certains de ces éléments, et je vais les passer en revue parce qu'il m'apparaît important de faire ressortir ceux qui, à l'heure actuelle, font défaut.
• 1025
Premièrement, il y a l'assise de recherche. Au cours des trois
dernières années, nous l'avons constaté, de nouveaux
investissements majeurs ont été faits dans cette assise, et nous
avons en partie réparé—ce n'est pas terminé—certains des dommages
causés plus tôt au cours de la décennie. Nous devons cibler la
recherche stratégique dans des domaines qui génèrent de la
recherche. Nous n'y sommes pas encore—la recherche stratégique et
le déficit d'innovation, la recherche stratégique est suffisante;
on doit toujours consentir des investissements majeurs dans des
recherches ciblées portant sur des domaines qui génèrent de la
richesse.
On en vient ensuite à la question des ressources humaines qualifiées. À ce chapitre, nous avons réalisé des progrès par l'intermédiaire des universités. Certaines ont une longueur d'avance par rapport à d'autres, mais des progrès ont été réalisés.
Au chapitre de l'infrastructure et des installations nationales, la FCI apporte une contribution. On a créé des partenariats. J'en ai parlé plus tôt. Les liens entre l'université, l'industrie et le gouvernement se sont resserrés de façon considérable et constituent aujourd'hui un élément clé du système d'innovation.
Quant aux réseaux, les réseaux des centres d'excellence, les réseaux locaux, les réseaux régionaux, ils introduisent le volet international. Ils sont importants, et nous en avons mis en place. Voilà pourquoi, au cours des trois dernières années, le CNRC a noué de nombreux liens internationaux.
En ce qui concerne l'infrastructure du savoir, nous avons parlé de l'ICIST ainsi que du réseau de la connaissance scientifique. Au chapitre de la diffusion de connaissances et d'informations par la voie électronique, d'un bout à l'autre du pays, nous sommes l'un des chefs de file. On a de plus un programme visant l'établissement de bibliothèques numériques à partir du concept de l'ICIST.
Nous disposons de plus d'un certain mécanisme de soutien des entreprises innovatrices. Le PARI fait beaucoup dans ce domaine. PTC, Partenariat technologique Canada, est également présent dans ce domaine. On doit faire davantage. Au fur et à mesure que l'économie croît, cet aspect, de toute évidence, revêtira une importance de plus en plus grande. Le PARI est à court de fonds, et les demandes auxquelles il est incapable de satisfaire sont de plus en plus nombreuses. Je puis vous donner l'assurance qu'il va manquer de fonds avant la fin de l'année civile, sans parler de l'exercice.
J'ai fait état du transfert technologique et de l'entrepreneurship. Nous accusons toujours un déficit d'innovation, et ces deux composants, le transfert technologique et l'entrepreneurship, sont importants. Sur le front du capital de risque et du financement, la situation s'est améliorée. Nous comptons aujourd'hui bon nombre de sociétés de capital de risque. Ce qui fait défaut, c'est donc le transfert technologique et l'entrepreneurship, la recherche stratégique ciblée dans les domaines qui génèrent de la richesse—le déficit d'innovation.
Bref, nous avons, d'une part, assez bien réussi à créer des idées et à établir la base de connaissances, et nous semblons, d'autre part, miser sur certains programmes destinés aux industries capables de transformer ces idées et connaissances en réussites commerciales. Il nous reste maintenant à combler l'écart entre les deux. On pourrait dire que les informations que nous avons obtenues de haute lutte ne se convertissent pas facilement en produits ou en applications, à moins que l'ensemble des autres éléments du système d'innovation ne soient en place.
On peut se représenter le déficit d'innovation du Canada comme deux sommets distincts, situés de part et d'autre d'une vallée alpine. On est confronté à ces deux masses, et il importe d'établir un lien entre les deux pour permettre la libre circulation des idées et de la technologie.
J'ai tenté de faire ressortir ce que le CNRC tente de faire pour combler ce déficit en amont, en mettant l'accent non pas seulement sur la création et l'application, mais aussi en particulier sur le transfert de technologie. Nous sommes parvenus, je crois, à traduire le langage de la science dans le langage des affaires—et j'ai répondu plus tôt à une question portant sur nos efforts de marketing et nos activités à caractère commercial. Nous avons donc le sentiment d'occuper un créneau très particulier au Canada. Au fil des ans, nous avons appris, je crois, à stimuler l'innovation. J'ai déjà fait allusion à cet élément: composition d'équipes ciblées avec des partenaires industriels, collaboration avec des partenaires dès le coup d'envoi d'un projet, collaboration, financement précoce et soutenu de recherche stratégique, normes et prototypage, gestion de la propriété intellectuelle, réflexion prospective à propos des technologies de la prochaine génération—je vous ai fait part de nos initiatives stratégiques dans ce domaine—, soutien d'initiatives locales et régionales, ce qui est très important, étant donné que le système national d'innovation cumule, si vous voulez, l'ensemble des systèmes locaux, et, enfin, collaboration avec des champions locaux pour favoriser la création de grappes d'entreprises, selon le modèle de Saskatoon ou de Montréal.
Je tiens à dire un mot de la nature particulière de la base industrielle et de la base de R-D du Canada, telles qu'elles apparaissent ici. C'est ce que j'entends par l'élimination du retard que nous accusons au chapitre de la recherche stratégique. En réalité, on a ici une carte du spectre de la recherche, où figure la répartition des ressources allouées. Ici, du côté gauche, on aperçoit la recherche fondamentale, avec un «R» majuscule et un «d» minuscule—recherche abondante, développement limité. De l'autre côté on a affaire à une recherche limitée et à un développement abondant.
• 1030
La partie rouge correspond en réalité à l'industrie. Pour
l'essentiel, le développement est le but des entreprises
innovatrices de l'industrie. Par ailleurs, les universités
s'acquittent d'une bonne part des tâches illustrées ici en bleu. Le
CNRC joue un rôle, et les réseaux de centres d'excellence et les
partenariats contribuent à une forme de recoupement limitée.
Le rôle unique du CNRC s'étend sur l'ensemble du spectre, mais pour une bonne part au milieu. Nous contribuons à combler l'écart entre la connaissance et les applications en travaillant en partenariat, en investissant dans des domaines stratégiques qui créent de la richesse et en comblant cette lacune. Il s'agit d'un rôle crucial que nous jouons par l'intermédiaire de nos instituts et du PARI, et il s'agit d'un rôle unique.
Vous savez que le Canada compte peu d'importantes industries tributaires de la recherche, où on consent d'importants réinvestissements dans la R-D. Après Nortel, on arrive à Pratt & Whitney, ce qui représente un saut considérable. Nortel investit 2,1 milliards de dollars U.S., contre environ 400 millions de dollars canadiens pour Pratt & Whitney. À partir des chiffres du CNRC, on constate, fait étrange, que le CNRC compte parmi les principaux investisseurs dans la R-D en raison du petit nombre de grandes sociétés qui investissent de façon massive, et c'est ce qui entrave l'innovation.
Étant donné le très petit nombre de grandes entreprises qui investissent dans la R-D à moyen et à long terme et qui, ce faisant, stimulent l'innovation, les laboratoires gouvernementaux ont un rôle tout à fait particulier à jouer dans ce domaine. En raison de cette situation unique, le gouvernement du Canada doit investir au milieu du spectre, et c'est sur ce point que je souhaite insister. Notre situation ne s'apparente pas à celle des États-Unis, où on retrouve de grandes sociétés, ni à celle de la France ou de l'Allemagne, où on investit massivement dans la R-D à moyen et à long terme. La structure de notre industrie est plutôt unique, et il est très important que nous investissions au milieu.
Je tiens donc à dire que les instituts du CNRC ont été en position idéale pour donner suite à l'objectif qui consiste à combler le déficit d'innovation, à rattraper le retard au chapitre de la recherche stratégique et à rapprocher les deux extrémités du spectre de façon à stimuler l'innovation. J'ai déjà dit un mot de certains de ces aspects. Il y a là en puissance une structure d'innovation de catégorie mondiale dotée de certains de ces éléments essentiels, et j'ai fait état de ce dont nous avons besoin. Nous avons investi dans le savoir. Du côté de l'industrie, il y a le PARI et PTC, mais nous n'établissons pas toujours de lien entre les deux. La thèse que je soutiens est donc que le CNRC est la pierre d'angle de l'infrastructure de l'innovation. Nous administrons des installations nationales, nous faisons de la R-D, et nous contribuons à stimuler la croissance économique.
Je pense que nous sommes particulièrement bien placés pour contribuer à traduire les idées issues de la recherche en produits pratiques. Notre point fort a trait à l'établissement de partenariats, et je vais maintenant vous donner deux ou trois exemples des formes que ce type de collaboration a prises.
Le premier exemple a trait à une petite entreprises des Maritimes appelée Acadian Sea Plants. La société est établie à Dartmouth, en Nouvelle-Écosse. Misant sur l'expertise du CNRC dans le domaine de la technique privative, elle a mis au point des algues comestibles de toute première qualité pour le marché du Japon et de l'Asie du Sud-Est. Au cours des dernières années, elle est devenue l'un des principaux fournisseurs mondiaux de ce produit, qu'on retrouve aujourd'hui dans 35 pays. La société emploie 50 personnes à titre permanent et des centaines à titre saisonnier, ce qui montre bien comment l'innovation communautaire favorise la croissance.
La technologie et l'expertise sont issues de notre institut. En collaborant avec cette petite entreprise, nous l'avons aidée à prendre son élan, et il s'agit aujourd'hui d'une société prospère essentiellement tournée vers l'exportation. C'est donc de cette façon que nous avons influé sur l'innovation, dans un sens local et régional.
• 1035
L'un des rôles de notre institut, tout comme en ce qui
concerne Acadian Sea Plants, consiste à réunir des PME et à mettre
à leur disposition l'expertise qui leur permettra de constituer une
masse critique et d'accéder à l'autonomie. Par l'entremise des
instituts et du PARI, nous pensons donc avoir un impact marqué sur
la compétitivité technologique de milliers de petites entreprises
des collectivités du Canada.
Au CNRC, nous croyons avoir pour mission d'agir comme chef de file dans l'économie du savoir en misant sur les ressources intellectuelles et commerciales de l'ensemble des secteurs. La R-D elle-même favorise l'augmentation de la productivité dans le secteur de la haute technologie, nous le savons, et on a tendance à associer l'innovation uniquement au secteur de la haute technologie. Cependant, l'innovation pourrait prendre racine dans la solide base de ressources dont nous disposons au Canada. Nos industries axées sur les ressources pourront devenir concurrentielles en ajoutant de la valeur grâce à la technologie, et nos instituts tout comme le PARI peuvent le faire aussi. Nous apportons, je crois, d'importantes contributions à la productivité et au développement durable de même qu'à la viabilité des industries du secteur des ressources.
Comment la recherche, le développement et l'innovation favorisent-ils la productivité et la création d'emplois? Eh bien, je pourrais passer le reste de la journée à vous citer des exemples récents, mais nous n'en avons pas le temps, et j'ai ici en main des documents qui renferment des histoires de réussite qui démontrent clairement le fonctionnement de cette dynamique.
Permettez-moi de vous donner un autre exemple. Il y a 20 ans, le laser n'était qu'un outil de recherche, tout juste en voie d'émergence. Précieux dans les laboratoires, il constituait une curiosité, pourrait-on dire, au sein du marché. Où en est le laser aujourd'hui? Eh bien, il est partout. Il est présent dans notre vie de tous les jours. C'est le composant le plus commun des lecteurs de disques compacts. On le retrouve dans le matériel de bureau. On le retrouve tous les jours au supermarché. Les gens ne comprennent pas toujours l'impact qu'une technologie comme le laser a eu sur leur vie. Sur le plan technologique et commercial, l'impact a été phénoménal.
Vous ne serez probablement pas surpris d'apprendre que le CNRC a été l'un des précurseurs du développement du laser, et nous sommes toujours à la fine pointe de la recherche dans ce domaine. Nous comptons l'un des groupes d'étude du laser les plus compétents du monde, à la fine pointe des percées technologiques les plus récentes.
De la même façon, nous pensons que les secteurs technologiques que j'ai définis, c'est-à-dire les initiatives stratégiques, se révéleront rentables et que les possibilités offertes se révéleront rentables d'ici 10 ans. À moins que, en tant que pays, nous ne nous montrions disposé à investir dans les fondations, d'autres réagiront avec célérité et se saisiront des occasions. Je pense donc que nous devons examiner les champs de recherche dans lesquels nous souhaitons faire des investissements stratégiques. J'ai dit qu'il fallait investir au milieu du spectre de la R-D. Nous croyons avoir un rôle unique à jouer à servant de trait d'union entre les connaissances et les applications dans le monde réel et nous devons pouvoir donner aux entreprises canadiennes la possibilité de tirer pleinement avantage des investissements qui ont été consentis dans la création de connaissances et dans l'introduction de produits dans le marché.
En conclusion, je tiens à préciser que l'investissement et l'innovation sont toujours nécessaires. En fait, le Canada, au cours des trois dernières années, a consenti certains investissements critiques aux deux extrémités du spectre de l'innovation. Nous devons mettre l'accent sur le déficit d'innovation de même que sur le transfert technologique et le mariage de ces deux éléments.
Voilà le message que je voulais vous communiquer aujourd'hui.
La présidente: Je vous remercie beaucoup, monsieur Carty.
Je rappelle aux membres que, à partir de 11 heures, le comité doit se réunir à huis clos pour étudier le rapport sur le bogue de l'an 2000. Nous pouvons dépasser la limite prévue d'environ 10 minutes. Nous verrons comment les choses se passent.
Monsieur Jaffer.
M. Rahim Jaffer (Edmonton—Strathcona, Réf.): Dans mes questions, je serai bref.
L'un des défis, ainsi que vous l'avez mentionné, consiste à prendre des idées au stade fondamental et, à supposer qu'on dispose d'un financement suffisant, à les faire passer dans le marché—et le secteur du développement à l'intérieur de l'industrie et d'autres formes de mise en valeur—recueillir de bonnes idées pour le marché. À votre avis, quels sont certains des obstacles qui, à l'heure actuelle, nuisent à l'investissement dans la R-D du point de vue, disons, de l'industrie? Comment peut-on favoriser l'émergence de tels partenariats, à supposer que le gouvernement continue d'investir dans des organisations comme la vôtre?
D'après ce que je crois comprendre, nous disposons d'une forme attrayante de crédit d'impôt pour la R-D applicables à l'investissement dans la recherche fondamentale. Pourtant, nous comptons parmi les pays où l'investissement est le plus faible par rapport aux pays du G-7. J'ai peut-être tort, mais c'est ce que je crois comprendre.
M. Arthur Carty: Il s'agit d'une bonne question et d'une question importante. Pour comprendre, vous dites comprendre la structure de l'industrie canadienne. Elle renferme un grand nombre de succursales de multinationales qui sont présentes au Canada, mais qui n'investissent pas dans la R-D ici parce qu'elles le font dans leur pays d'attache. C'est là un des problèmes qui se posent.
Il est vrai que l'investissement industriel dans la R-D augmente. Il augmente depuis un certain nombre d'années. On l'observe au sein des petites entreprises aussi bien que des grandes. À mes yeux, la clé est toutefois que nous allons devoir croître au Canada. Pour nous doter d'une base industrielle solide et faire en sorte que des entreprises investissent de façon très massive dans la recherche à moyen et à long terme dans le cadre de leurs investissements, nous allons devoir faire «pousser» les entreprises, faire «pousser» les petites entreprises. Nous allons devoir faire «pousser» les Microsoft.
Il existe un certain nombre d'exemples valables. En 1983, vous vous le rappellerez, le Canada ne comptait pas une seule industrie dans le secteur de la biotechnologie. Grâce à des investissements gouvernementaux ciblés au milieu des années 80, un certain nombre de grandes sociétés comme BioChem Pharma, important intervenant sur le plan international, se sont établies ici. Quadralogic Technologies est un autre intervenant majeur qui mettra sous peu de nouveaux produits en marché. On note ainsi un certain nombre d'entreprises que nous avons fait «pousser», d'entreprises que nous avons fait «pousser» au pays et qui sont concurrentielles. Je pense donc que la clé de la réussite consiste à nous doter d'un climat qui permette aux PME de devenir de grandes entreprises. Magna est aujourd'hui une grande société qui a connu des débuts modestes. Nous devons faire «pousser» des entreprises du genre, et mettre en place un climat propice à une telle croissance.
M. Rahim Jaffer: Je pense que c'est la clé, l'environnement aussi, parce que la R-D est manifestement importante; mais si vous n'avez pas le bon environnement—je pense que Mme Lalonde en a déjà parlé, la simple question du dollar et la façon dont d'autres entreprises, américaines par exemple, entreraient sur scène et viendraient chercher certains de nos...
M. Arthur Carty: Il y a une histoire au sujet de Silicon Valley que j'aimerais vous raconter, parce que je pense qu'elle est révélatrice sur bien des plans. Les gens croient que la réussite de Silicon Valley est attribuable en partie au fait qu'on y trouve un regroupement d'entreprises et qu'il s'y fait un échange fantastique de gens et d'idées. La synergie qui s'est établie grâce à l'interaction des entreprises et des gens a contribué à cette croissance des affaires. On ne trouve pas la même chose dans la région de Boston. Le succès n'est pas aussi éclatant.
Ainsi, l'idée d'une innovation communautaire et régionale au Canada, où des entreprises qui ont un intérêt commun se regroupent et s'alimentent les unes les autres de façon à réellement faire avancer l'économie locale ou régionale est selon moi la clé. Si vous avez l'environnement, les instruments en place dans les localités, cela peut vraiment se produire. Je le répète, pour en revenir à Saskatoon, Ottawa, Montréal, Winnipeg et, dans une certaine mesure, Vancouver, ça se produit dans ces villes. Ça commence à se produire.
M. Rahim Jaffer: Ma dernière question porte précisément sur ce point. Évidemment, vous avez parlé de Saskatoon et des réussites qui s'y sont produites, et je crois que vous avez mentionné à un certain moment que le CNRC était intéressé à établir des partenariats locaux et régionaux et ainsi de suite. Cela semble bien, et je sais qu'il y a manifestement des initiatives à l'échelle provinciale et dans différentes régions visant le développement et l'innovation. En ce qui concerne votre approche, j'aimerais que vous nous en disiez plus sur le sujet, surtout pour ce qui concerne les partenariats locaux et régionaux; je ne crains qu'une chose: le CNRC ne risque-t-il pas d'empiéter sur certains secteurs de compétence provinciale?
• 1045
Je sais que, dans une grande mesure, une bonne part de cette
question est mondiale, mais pourriez-vous me dire ce qu'on fait
pour éviter tout dédoublement, quel genre d'innovations se
préparent ou ce que vous pensez des orientations futures de tout
cela.
M. Arthur Carty: Tout d'abord, je dirai que nos initiatives régionales et communautaires concernant l'innovation visent à réunir les gens. C'est donc dire qu'il n'y a pas de conflit entre les souhaits des provinces et ce que le gouvernement fédéral est capable de faire, de l'avis du CNRC et, peut-être dans certains cas, de l'organisme de développement régional et de l'industrie locale. Ainsi donc, tout cela ne vise globalement qu'une chose: travailler ensemble vers un but commun.
Nous ne voulons faire pas double emploi des ressources ni être en conflit avec ce qu'une province considère comme prioritaire. C'est très important.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Jaffer.
Monsieur Lastewka.
M. Walt Lastewka: Merci, madame la présidente.
Ma première question était semblable à celle de M. Jaffer. Nous avons encore cette mentalité de succursale. Je suis heureux que vous ayez dit, comme je l'ai entendu de la bouche d'autres personnes, que nous devons faire en sorte que nos petites entreprises grandissent, qu'elles soient canadiennes, qu'elles aillent de l'avant. Vous avez parlé de nouveaux produits, d'innovation et ainsi de suite, mais je ne vous ai pas entendu beaucoup parler du travail que vous pouvez faire dans votre secteur au sujet des systèmes de l'industrie. Beaucoup de travail se fait au CNRC pour développer et perfectionner les systèmes. Vous avez parlé un peu du laser. Pourriez-vous nous en dire plus au sujet de la nouvelle technologie et des améliorations de productivité dans les domaines autres que le bras canadien et ainsi de suite?
M. Arthur Carty: Oui. Je pense qu'il y a dans mon texte un exemple au sujet d'Air Canada. Je n'en ai pas parlé en détail.
M. Walt Lastewka: Ce sont les avions de surveillance A-320, à la page 3?
M. Arthur Carty: Oui, le système diagnostique. C'est un exemple des systèmes qui ont pour origine l'expertise que nous avions acquise sur une certaine période en ce qui concerne les systèmes logiciels et les systèmes experts à notre Institut de technologie de l'information.
Nous avons travaillé avec Air Canada et General Electric Aircraft Engines pour mettre au point un système diagnostique intégré qui fournit essentiellement des informations diagnostiques à partir de l'avion où il est installé jusqu'à un récepteur situé au sol de façon que l'information puisse être analysée et traitée et que le personnel au sol d'Air Canada puisse en être informé. Le système peut fournir des informations qui permettront à l'entreprise de mieux planifier ses activités, d'établir un calendrier d'entretien et de voir venir les problèmes avant qu'ils ne se produisent.
Il s'agit donc d'un système expert qui recueille des données sur le mouvement des avions, les analyse sur place, les rend tout de suite disponibles, mais peut aussi les recueillir sur une période qui permet une meilleure planification. Le système est maintenant mis en service par Air Canada, et la société croit que, pour sa seule flotte de A-320—elle possède environ 30 ou 40 A-320—, elle réalisera des millions de dollars en économies chaque année en raison d'une meilleure planification, d'une meilleure organisation et un meilleur entretien de sa flotte. De plus, elle pourra éviter des accidents grâce à ce système intelligent qui a été élaboré et mis en service, là encore après plusieurs années de collaboration entre le CNRC et Air Canada. Et Aérospatiale et d'autres fabricants d'avion se sont dits intéressés.
M. Walt Lastewka: Ainsi, je constate qu'il s'agit d'un projet qui concerne la sécurité et le temps réel de fonctionnement. L'amélioration du temps réel augmente la productivité de l'équipement, c'est-à-dire des avions, dans le cas qui nous occupe.
Lorsque vous examinez de nouveaux produits et systèmes, avez-vous constaté qu'il y a une priorité?
M. Arthur Carty: Vous voulez dire au chapitre de nos investissements en R-D? Je suppose qu'on pourrait dire que les investissements qui sont faits dans les ordinateurs avec les logiciels et l'informatique en général sont habilitants et qu'ils ont une influence sur la productivité. En fait, je pense que les gains en productivité que nous commençons à observer au Canada sont attribuables au fait qu'il y avait un retard dans la réaction à la nouvelle génération de technologie de l'information qui a vu le jour et a été mise en service. Je pense que les gains de productivité découlent de cela. La nouvelle technologie a de réelles répercussions sur l'innovation et a réellement beaucoup d'effet sur la productivité. Je ne tenterais pas de séparer les deux. Les deux ont leur rôle.
La présidente: Dernière question, je vous prie, monsieur Lastewka.
M. Walt Lastewka: Quelle serait la meilleure façon d'expliquer la productivité à une personne ordinaire comme Stan Keyes? Comment la lui expliqueriez-vous?
M. Arthur Carty: Comment j'expliquerais la productivité? Je pense que la meilleure façon de le faire est peut-être de demander, au cours d'une conversation, ce qui, dans votre milieu de travail, vous permettrait de mieux accomplir vos tâches. C'est à ce niveau qu'on voit les progrès de la productivité, c'est-à-dire lorsqu'une personne peut vraiment, à l'aide des outils technologiques dont elle dispose, améliorer sa production et sa productivité. Je pense qu'on en a un très bon exemple avec l'utilisation des ordinateurs en milieu de travail.
Les gens ont tendance à penser que la technologie élimine les emplois. En fait, ce n'est pas le cas. Elle crée des emplois. Ça s'apparente plutôt à l'histoire que les gens racontaient au sujet des ordinateurs, de l'informatique et de la mesure dans laquelle la technologie nous permettrait de travailler sans papier. Ce n'est pas le cas. La technologie n'élimine pas d'emplois; en fait, elle en augmente le nombre. Elle ouvre des débouchés tout à fait nouveaux. C'est donc un non-sens que de dire que la technologie fonctionne élimine les emplois.
La présidente: Merci.
[Français]
Madame Lalonde, s'il vous plaît.
Mme Francine Lalonde: J'aimerais poursuivre sur la question de la productivité. Nous savons que l'introduction de la technologie dans une entreprise n'améliore pas nécessairement la productivité si la main-d'oeuvre et la gestion ne sont pas préparées.
Quand j'étais à l'université, j'avais enseigné ce qui s'était passé chez GM quand on avait implanté le plan Saturn. On avait eu beaucoup de mal à obtenir une productivité aussi élevée qu'auparavant, quand l'organisation du travail était différente. Vous en parlerez peut-être plus tard.
L'organisation du travail est une façon d'augmenter la productivité. Rien qu'en diminuant le nombre de contremaîtres, on augmente la productivité. On n'en parle pas assez.
M. Arthur Carty: La gestion et l'organisation du milieu de travail sont très importantes.
Mme Francine Lalonde: Oui. Voici une autre chose. Il y a longtemps qu'on sait que les grandes entreprises multinationales investissent rarement ailleurs que dans le pays de leur maison-mère. Pratt & Whitney est une exception.
Or, le Canada a un problème structurel important, et il me semble qu'il faut que tout le monde le sache. Je parle du Canada et du Québec. Le Canada est un petit pays.
M. Arthur Carty: En effet.
Mme Francine Lalonde: Dans le cadre du G-7, il tire de l'arrière sur le plan de l'investissement, et c'est bien documenté, parce qu'il y a plusieurs multinationales qui ne font pas de recherche ici. À ce moment-là, ou bien on accepte cette situation, ou bien les gouvernements sont obligés de prendre la place. Au Québec, un effort très important a été fait, notamment par le gouvernement dont faisait partie Bernard Landry, qui a fait le plan Bâtir le Québec, un plan très axé sur le développement de la technologie. À l'époque, des gens trouvaient même qu'il exagérait.
Il faut prendre connaissance de cela. Il me semble que les parlementaires doivent être les premiers à savoir que telle est la situation au Canada, mais cela ne veut pas dire qu'il ne faille pas essayer de faire en sorte que les entreprises investissent en recherche et développement.
C'est comme pour la main-d'oeuvre. Au Québec, on a essayé d'inciter les entreprises à investir dans la formation de la main-d'oeuvre, mais on a finalement fait une loi, comme dans bien d'autres pays, pour les obliger à investir dans la main-d'oeuvre.
Qu'est-ce que le Conseil national de recherches fait pour aider les provinces, par exemple le Québec, qui se donne sa propre stratégie de développement et d'innovation? Quelle est votre stratégie de partenariat? On ne voit cela nulle part. Je sais par ailleurs que le programme PARI, par exemple, se fait avec le CRIQ au Québec.
M. Arthur Carty: Le PARI joue un rôle très important dans la croissance des petites et moyennes entreprises au Québec, mais nous avons aussi deux des plus importants instituts du CRNC au Québec. Il y a l'Institut de recherche en biotechnologie, qui compte maintenant presque 500 personnes. Sa taille a doublé en six ans à cause des partenariats et à cause des compagnies qui sont dans l'incubateur à Montréal. L'interaction entre l'IRB et les compagnies biopharmaceutiques et bioenvironnementales de Montréal est très intense. Il y a aussi l'Institut des matériaux industriels à Boucherville, qui est lui-même important et qui a des relations avec les universités, l'Université de Montréal, l'Université du Québec et l'Université McGill, ainsi qu'avec les compagnies du Québec qui sont impliquées dans les matériaux industriels, soit les plastiques, les polymères et les métaux.
Ce sont des modèles de partenariat de par leur interaction et leur intégration dans la province de Québec et dans l'industrie du Québec, dans la culture de l'innovation au Québec.
Le gouvernement du Québec a publié récemment un document intitulé Innovation au Québec, dans lequel les deux instituts du CNRC sont très bien cotés. Ce sont des modèles.
Mme Francine Lalonde: En ce qui concerne le partenariat, vous avez parlé de BioChem Pharma. BioChem Pharma a commencé par des recherches faites à l'Institut de microbiologie, un institut qui avait de la difficulté à vivre avec des chercheurs...
Les recherches qu'on faisait là, au début, étaient appuyées par le Fonds de solidarité et la Caisse de dépôt. Il y a eu un soutien local et c'est devenu une très grande entreprise, dont vous avez dit qu'elle était importante sur le plan national. Ces partenariats existent quand il y a une réelle solidarité.
M. Arthur Carty: Oui. Il est important que les petites et moyennes compagnies soient dans un milieu qui favorise l'innovation. Pour croître, elles ont besoin non seulement de soutien pour la recherche et le développement, mais aussi d'être dans un milieu où il y a d'autres compagnies qui oeuvrent dans le même domaine. On peut appeler cela du clustering.
• 1100
Pour pouvoir grandir, elles ont aussi besoin de l'appui du
gouvernement au plan de la réglementation
et des
politiques. Enfin,
elles ont besoin de gestionnaires qui connaissent
bien le domaine de l'innovation.
Mme Francine Lalonde: Merci.
La présidente: Merci, madame Lalonde.
[Traduction]
Vous aurez la parole, monsieur Shepherd, ensuite ce sera M. Keyes, après quoi nous devrons nous arrêter. Monsieur Shepherd, s'il vous plaît.
M. Alex Shepherd: Pour revenir à cette histoire d'économie de succursale, je ne sais pas à quel point nous en sommes rendus. Il me semble que nous disons que la propriété étrangère inhibe la recherche au pays, ce qui finit par réduire le niveau de vie. Est-ce exact?
M. Arthur Carty: Je pense qu'il s'agit d'une équation difficile à équilibrer. Après tout, si vous amenez une multinationale au Canada, elle créera des emplois et versera des impôts. La création d'emplois et le paiement des impôts est important. Alors, nous n'allons pas dire qu'une entreprise qui arrive au Canada pour créer des emplois et de la richesse n'est pas la bienvenue parce qu'elle ne fait pas de R-D. Je ne pense pas que ce soit le cas.
M. Alex Shepherd: Non, mais nous parlons du retard au chapitre de l'innovation, et on peut présumer, lorsqu'on y pense bien, que ce retard, c'est par rapport aux Américains que nous l'avons.
Lorsque vous parlez de transferts technologiques, dans quelle mesure ce transfert sort-il directement du pays?
M. Arthur Carty: Eh bien, vous savez, nous vivons dans un marché mondial, et les choses évoluent rapidement. Il n'est pas très logique de penser que nous pouvons nous isoler du reste du monde. Par exemple, dans l'approche que préconise le CNRC face au transfert technologique, lorsque nous mettons au point une technologie que nous jugeons utile, nous le faisons en général dès le départ en collaboration avec une entreprise.
Admettons qu'il se passe quelque chose en R-D qui fait sortir une nouveauté pour laquelle nous n'avons pas de partenaire au début. Quels sont nos choix? Eh bien, nous cherchons une entreprise canadienne qui possède de l'expertise sur la question et qui pourrait accepter la technologie, l'adopter et l'utiliser—en vertu d'un permis par exemple. C'est une option. Si aucune entreprise canadienne n'a la capacité et les moyens techniques voulus, que faut-il faire? Eh bien, vous avez deux choix. Vous lancez une entreprise. En d'autres termes, vous créez une entreprise à partir de rien. C'est, de plus en plus, un mode de transfert technologique très précieux. Le CNRC s'occupe beaucoup des retombées et du lancement d'entreprises lorsqu'il n'y en a pas une au Canada qui peut saisir la balle au bond.
Dans le passé, il a pu y avoir eu des situations où, s'il n'existait pas déjà une entreprise canadienne et que vous vouliez faire utiliser votre technologie, vous transfériez celle-ci hors du pays. On parle beaucoup plus de nos jours du lancement de nouvelles entreprises, de leur incubation, de leur croissance, de la vie qu'il faut leur insuffler au départ pour les lancer et les amener à travailler d'une certaine façon.
Alors cela me préoccupe moins. Je serais plus préoccupé si les petites et moyennes entreprises étaient centrées sur elles-mêmes et qu'elles ne cherchaient pas à profiter des marchés et des débouchés mondiaux, parce que cela va réellement être selon moi l'un des critères de réussite de l'avenir: la mesure dans laquelle une entreprise ne peut s'attaquer à divers marchés dans le monde et au marché mondial.
Notre pays est petit, vous savez. C'est un petit marché.
M. Alex Shepherd: Je comprends cela, et je ne vous parle pas de fermer nos frontières ni d'autres choses du genre, mais...
La présidente: Dernière question, monsieur Shepherd.
M. Alex Shepherd: Vous avez parlé d'un processus de collaboration avec General Electric. On peut présumer que, quand la poussière retombe, c'est General Electric qui possède la technologie.
M. Arthur Carty: Non, elle ne possède pas la technologie. Air Canada est la principale collaboratrice sur cette question. General Electric y travaille aussi. Le mieux qu'elle puisse faire est de faire accréditer la technologie du CNRC et de l'utiliser au Canada. C'est Air Canada qui serait le principal titulaire de permis.
M. Alex Shepherd: Mais dans un cas comme celui-là, General Electric pourrait prendre la technologie et la mettre en marché aux États-Unis.
M. Arthur Carty: Son intérêt concerne évidemment le moteur. Et oui, nous nous attendrions à ce que, s'il s'agit d'une multinationale... il y a bien des entreprises étrangères établies ici à qui nous accorderions un permis pour l'utilisation de technologies, comme Merckk Frosst par exemple. Vous savez, nous faisons des affaires avec Merck Frosst. C'est une grande entreprise. Elle compte parmi les principaux investisseurs en R-D. Nous n'avons pas de problème à investir dans Merck Frosst, même si ses produits se retrouveront sur le marché mondial, parce qu'elle est très présente au Canada. Elle emploie beaucoup de monde et fait aussi de la R-D. Nous n'avons aucune hésitation à ce sujet.
Il en irait de même pour Pratt & Whitney. Nous avons de solides relations avec Pratt & Whitney à Montréal et à Toronto. Il s'agit d'une multinationale, mais elle crée des emplois et de la richesse au Canada. L'industrie aérospatiale au Canada a connu une énorme croissance—en partie au Canada et en partie ailleurs dans le monde. Ce sont toutes des multinationales. Aujourd'hui, Bombardier est une multinationale.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Shepherd.
Monsieur Keyes, à vous la parole.
M. Stan Keyes (Hamilton-Ouest, Lib.): Merci. Je n'ai que quelques brèves questions, madame la présidente.
Merci beaucoup, monsieur Carty, de vos exposés d'aujourd'hui.
Lorsque vous parlez de GE, de Pratt & Whitney, de Frosst, de l'industrie aérospatiale et ainsi de suite, il s'agit de grandes entreprises. Vous pouvez voir qu'elles comprennent des choses comme le CNRC, le PARI et ICAST, et ainsi de suite. Mais avez-vous déjà entendu quelqu'un déplorer que, compte tenu de sa taille et de tous ces grands secteurs d'activité, le CNRC pouvait sembler intimidant pour une petite entreprise qui tente de percer le marché? Devant le monolithe qu'est le CNRC, ne peut-elle pas être intimidée par ce qu'elle doit faire pour avancer dans le système?
M. Arthur Carty: Je dirais que, oui, c'est une possibilité. Nous sommes une organisation vouée à la technologie et à la R-D, de sorte que nous n'avons peut-être pas vraiment le moyen d'aider une entreprise qui ne participe pas à la R-D.
Je pense que nous avons tenté de contourner le problème des petites entreprises qui ne peuvent accéder à nos ressources. C'est une question à laquelle nous nous sommes attachés. De nos jours, la relation entre le PARI, les CTI du PARI et nos instituts est beaucoup plus étroite. Je suis sûr que certaines entreprises éprouveront des difficultés à ce sujet, mais nous avons tenté d'y remédier le plus possible. Je pense que le CNRC est plus ouvert que jamais.
M. Stan Keyes: Oh, je ne remets pas en doute votre ouverture ni même vos capacités. Je suis tout à fait d'accord pour dire que le CNRC fait un travail fantastique. Je compte parmi ceux qui ont recommandé que vous ayez le financement nécessaire pour poursuivre votre travail. C'est simplement que... si nous prenons, par exemple, un genre d'organigramme et qu'au bas on trouve les PME et que celles-ci doivent remonter tout le système par l'entremise des CTI, puis remonter toutes les strates du CNRC pour tenter d'obtenir du financement et autre chose du genre, vous pouvez imaginer à quel point cela peut représenter une tâche intimidante.
M. Arthur Carty: Mais je pense que, de l'avis des CTI, ce n'est pas vraiment intimidant. Statistiquement, 80 p. 100 des entreprises avec lesquelles le PARI travaille compte moins de 50 employés.
M. Stan Keyes: Bien. Je suis heureux de l'entendre.
M. Arthur Carty: Il s'agit essentiellement de petites entreprises.
M. Stan Keyes: Je suis d'accord avec votre message selon lequel le CNRC est le meilleur agent d'innovation du gouvernement. Travaillons-nous avec des usines de sidérurgie?
M. Arthur Carty: Oui. Au cours des ans, nous avons beaucoup travaillé avec des entreprises comme Dofasco.
M. Stan Keyes: Oui, c'est exactement l'exemple dont je vais me servir, puisque, évidemment, je viens de Hamilton.
M. Arthur Carty: En fait, nous avons eu un grand projet appelé Bessemer, qui consistait à développer...
M. Stan Keyes: Dofasco en particulier—attachons-nous à cette entreprise. Elle a fait un excellent travail concernant l'innovation et les changements technologiques, etc., pour arriver à produire ce qu'elle produit actuellement. Elle ne semble pas s'être heurtée à cet écart d'innovation. D'après ce que je peux voir, il n'y a pas d'écart d'innovation chez Dofasco.
S'il y a une préoccupation concernant un écart d'innovation, les fonctionnaires du CNRC se rendent-ils à des endroits comme aux usines de Dofasco pour dire: «Comment Dofasco a-t-elle comblé l'écart d'innovation et comment pouvons appliquer ces principes ou ces techniques pour faire de même de notre côté?»
M. Arthur Carty: Il y a une chose dont je ne vous ai pas parlé, mais qui est une partie très importante de ce que nous faisons au CNRC: nous prenons très au sérieux les conseils que nous recevons des entreprises. Chacun de nos instituts a un conseil consultatif qui provient en grande partie des industries et des clients que sert l'institut en question. Ainsi, tous ces conseils sont présidés par des gens du secteur privé, de l'extérieur du CNRC, évidemment, et les membres sont tous de l'extérieur. Nous prenons très au sérieux leurs conseils. Nous menons de vastes consultations au moyen d'ateliers et de tables rondes toutes les fois où nous modifions un programme, où nous examinons quelque chose de nouveau, pour nous faire une idée des orientations que nous prenons.
Par exemple, prenons les techniques de fabrication dans un secteur auquel participeraient Dofasco, Stelco et aussi General Motors et d'autres entreprises, grandes et petites. Nous avons un conseil consultatif qui est chargé d'examiner l'avenir de la fabrication au Canada. Il nous dira quelles orientations prendre. Nous obtenons son avis.
Alors, nous écoutons beaucoup. Nos clients sont extrêmement importants. Chaque année, chacun de nos instituts doit faire rapport sur ses interactions avec les clients. Nous avons un cadre de rendement pour établir tout ça.
M. Stan Keyes: Merci.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Keyes.
Monsieur Carty, je tiens à vous remercier beaucoup d'être venu nous parler. Je m'excuse d'avoir commencé en retard et de vous avoir gardé plus longtemps que prévu, mais nous avons des règles qui nous obligent à attendre les membres de l'opposition avant de commencer. Alors veuillez accepter mes excuses. Nous avons beaucoup apprécié vos deux exposés et la discussion intéressante qui a suivi. Nous espérons vous revoir très bientôt.
Nous allons maintenant suspendre la séance pour environ trois minutes. Nous allons ensuite procéder à huis clos à l'examen du rapport sur l'an 2000. Tous les membres doivent être ici, parce que nous devrons voter.
[La séance se poursuit à huit clos]