INDY Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON INDUSTRY
COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 11 décembre 1997
[Traduction]
La présidente (Mme Susan Whelan (Essex, Lib.)): La séance est ouverte. Cette réunion tenue conformément au paragraphe 108(2) du Règlement est consacrée à l'étude d'un document intitulé «Pour un Canada innovateur: Cadre d'action».
Avant de demander aux témoins de la matinée de se présenter, je vous signale que nous avons aujourd'hui notre deuxième table ronde dans le cadre de notre étude de l'appui à la recherche fondamentale au Canada. Après l'audition des témoins de la journée, j'aimerais que les membres du Comité s'attardent quelques minutes, s'ils le peuvent, afin que nous discutions brièvement des activités du comité en matière de sciences et de technologie aux mois de février et de mars.
Là-dessus, j'invite M. Brzustowski, président du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, à commencer.
M. Tom Brzustowski (président, Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada): Je vous remercie, madame la présidente.
[Français]
Merci beaucoup de nous avoir invités. Si vous me le permettez, je ferai ma présentation en anglais.
[Traduction]
J'ai une très courte déclaration liminaire à faire au comité. Je suis très heureux de votre invitation et je vais me limiter à faire une ou deux choses. Si vous le permettez, je n'entrerai pas dans les détails.
À la première page de notre exposé, nous nous présentons nous- mêmes. Le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada est un organisme fédéral dont le nom n'est pas toujours correctement cité, même dans cette ville. On nous connaît mieux sous le sigle CRSNG. Dans le texte, nous donnons quelques renseignements sur le Conseil et nous vous remettons également une brochure qui contient tous les renseignements sur l'organisme.
Pour l'heure, je voudrais juste attirer votre attention sur la page 2, sur les deux paragraphes en italique. Ils précisent que l'aide à la recherche fournit par le CRSNG aux universités ne couvre que les coûts directs. Cela signifie la rémunération des chargés de recherche et du personnel, les fournitures, l'appareillage, les frais d'ordinateurs et les frais de déplacement sur le terrain. Nous ne prenons en charge aucun des frais indirects tels que chauffage et électricité dans les laboratoires universitaires, salaires des professeurs dirigeant les recherches, frais administratifs, etc.
• 0910
Pour vous donner une idée de l'ampleur de notre activité, que
nous menons depuis une vingtaine d'années sous notre nom actuel et
avons menée depuis une autre vingtaine d'années auparavant sous le
nom de CNR, les travaux de recherche financés par le CRSNG occupent
des milliers de personnes.
Passant à la page suivante, j'attire votre attention sur le fait qu'il y a quatre conseils de recherche au Canada. À nous tous—et tous les quatre sont représentés à cette table ce matin—nous investissons dans des recherches couvrant tout l'éventail de l'activité humaine, depuis les plus techniques jusqu'aux plus humanistes. Sphère sociale, environnement, médecine, toute la gamme est là. De même, collectivement, nous aidons de jeunes chercheurs, spécialement formés et en formation, à faire toutes sortes de choses autres que la seule recherche. Nous faisons cela à tous les niveaux, depuis le premier cycle universitaire jusqu'au niveau postdoctoral, dans les laboratoires du CNR.
Ce que nous voulons faire ressortir—et j'en suis à l'avant- dernier paragraphe de la page 3—c'est notre ferme conviction que nous représentons une ressource stratégique pour le pays et l'économie du savoir. Nous formons la main-d'oeuvre de pointe du pays, les jeunes créateurs d'emplois de ce pays, ceux qui créent les emplois pour les autres en se tenant à la pointe des connaissances actuelles. Nous offrons au Canada l'accès à la quasi- totalité de la recherche mondiale—97 p. 100, peut-être même 98 p. 100—, une recherche que nous ne finançons pas. Aujourd'hui, avoir accès à la connaissance ne signifie pas simplement de la télécharger à partir d'Internet, mais suppose aussi la comprendre et savoir s'en servir.
Enfin, il convient de signaler que nous sommes un élément clé du système d'innovation national et de la capacité du Canada de mettre en marché de nouveaux biens et services et de créer de nouvelles institutions, de faire toutes ces choses. Si nous sommes une ressource stratégique, nous estimons qu'il faut nous donner les moyens de faire ce que l'on attend de nous, particulièrement par comparaison avec nos concurrents, les pays avec lesquels nous commerçons.
Les quatre dernières pages de mon mémoire présentent un certain nombre d'indicateurs du financement. Je vais simplement passer au bas de la page 4 pour signaler qu'un projet de loi récemment introduit au Sénat américain nous paraît présenter un intérêt immense, en raison des chiffres et de l'engagement à long terme, et aussi des termes qu'il renferme. Le projet de loi vise à investir—je souligne le mot «investir»—dans l'avenir des États- Unis en doublant le montant affecté à la recherche fondamentale et préconcurrentielle en sciences, en médecine et en génie. Les termes employés sont parlants.
À la page suivante, j'ai placé en exergue ma conclusion. Elle est en italique dans la version anglaise mais non pas dans la version française.
[Français]
Je m'excuse, madame. C'est une petite faute.
[Traduction]
Le point à retenir est qu'il s'agit là d'un engagement sur 10 ans pour un taux de croissance de 7 p. 100 par an, composé annuellement. Il s'agit là des crédits de recherche fondamentale et préconcurrentielle. La recherche industrielle n'y est pas englobée. Ce n'est pas pour l'élément D de la R-D. C'est pour la recherche fondamentale. Il est difficile de chiffrer, par manque de définitions précises, le financement canadien correspondant, mais nous pensons qu'il est considérablement moindre que même le dixième traditionnel des 34 milliards de dollars alloués aux États-Unis.
À la page 6, il est à signaler que cette multiplication par deux des crédits aux États-Unis vise à mener des recherches fondamentales soumises à l'évaluation par les pairs et dont les résultats sont mis à la disposition du public, et ce sous la forme de subventions à 100 p. 100. Il n'y a pas de contrepartie privée. C'est le gouvernement fédéral américain qui prend l'engagement à long terme de doubler son investissement pour créer l'ensemble des idées à la base de l'innovation future et, ce faisant, former des chercheurs hautement qualifiés.
• 0915
Enfin, madame la présidente, à la dernière page, je fais
valoir que cet engagement américain commence à un niveau de
dépenses publiques pour la recherche-développement qui est déjà le
double du nôtre en pourcentage du PIB. Je souligne également que
nous avons pleinement conscience que la raison de cet écart est la
capacité financière du pays et les difficultés financières qui
confrontent les pouvoirs publics, mais ce n'est pas la seule
explication. C'est aussi une question d'attitudes et de priorités.
À moins que les Canadiens ne voient prochainement une modification de ces attitudes et priorités, nous risquons deux choses. Nous risquons de détourner nos jeunes les plus talentueux, les créateurs d'emplois, de la formation qui nous permettra d'être compétitifs dans le monde grâce à l'acquisition et à l'utilisation des connaissances les plus avancées et, deuxièmement, nous risquerons de perdre ceux dans lesquels nous avons déjà beaucoup investi, non seulement sur le plan de leur éducation, mais aussi en leur donnant la capacité de mener des recherches, de faire du travail de développement, de travailler à la pointe du savoir; nous risquons de les perdre au profit d'autres pays, où ils trouveront de meilleures perspectives. En les perdant, nous perdons leur capacité à contribuer à notre économie, à promouvoir la prospérité et le bien-être chez nous.
Voilà qui conclut mon exposé, madame la présidente. Je répondrai volontiers à vos questions. J'espère que vous trouverez intéressants tant l'exposé du CRSNG et des quatre conseils que l'exemple du projet de loi américain. Merci de votre attention.
La présidente: Merci beaucoup.
M. Werner Schmidt (Kelowna, Réf.): Madame la présidente, allons-nous écouter d'abord les exposés des quatre conseils?
La présidente: Oui. Nous allons donner la parole à tous, ensuite de quoi nous aurons la période des questions. Désolée, j'aurais dû vous en informer au début.
M. Werner Schmidt: Merci.
La présidente: Là-dessus, nous passons à M. Carty, du Conseil national de recherches.
[Français]
M. Arthur J. Carty (président, Conseil national de recherches du Canada): Madame la présidente, membres du comité, je vous remercie de nous avoir invités à vous parler ce matin et de me donner personnellement l'occasion de vous présenter quelques renseignements sur le Conseil national de recherches du Canada.
[Traduction]
Comme M. Brzustowski, je vais faire mon exposé en anglais, dans l'intérêt de la rapidité et du temps.
Tout d'abord, je signale que nous avons distribué une brochure d'information. Nous sommes également impatients de vous accueillir au Conseil national de recherches début février et je ne doute pas que ce sera une occasion pour nous de vous renseigner beaucoup plus avant.
Permettez-moi d'abord de préciser ce qu'est le CNR. Il est un organisme à vocation véritablement nationale ayant une présence partout dans le pays. Sa mission est d'entreprendre, aider ou promouvoir des recherches scientifiques et industrielles dans l'intérêt national. C'est là son mandat depuis sa création en 1916. De fait, l'une des forces du CNR au fil des ans a été sa capacité de considérer l'intérêt national et sa faculté d'évolution en fonction de ces intérêts.
Que sommes-nous? Eh bien, le CNR possède 20 instituts et centres de recherches disséminés dans tout le pays. Nous avons un programme d'aide à la recherche industrielle et des conseillers en technologie industrielle dans 90 localités, dans toutes les provinces et tous les territoires. Cela vous donnera une idée de notre envergure et de notre stature nationale.
Nous faisons trois choses. Tout d'abord, nous faisons de la recherche-développement dans nos instituts, dans nos centres de technologie et nos centres d'innovation. Nous mettons des installations nationales à la disposition de nos partenaires et clients. Nous exploitons l'Institut canadien de l'information scientifique et technique, qui est l'une des grandes sources mondiales d'information scientifique, technique et médicale. Si vous avez lu l'Ottawa Citizen d'hier, vous aurez noté le rôle que joue l'ICST, par exemple, en aidant les universités à s'adapter au déluge d'information dont elles sont inondées et à absorber le coût de la dissémination de cette information à leurs étudiants et chercheurs.
• 0920
Troisièmement, nous gérons le Programme d'aide à la recherche
industrielle du CNR, qui offre une assistance technologique aux
petites et moyennes entreprises et qui est reconnu comme le
meilleur programme du genre, non seulement dÂAmérique du Nord mais
du monde. Je peux certainement vous donner davantage de
renseignements là-dessus.
Je pense pouvoir dire que le CNR joue un rôle très particulier dans le cadre des efforts de mise en place d'une économie novatrice, axée sur le savoir, au Canada. Comme M. Brzustowski l'a mentionné, les conseils de recherches tels que le CRM, le CNR, le CRSNG et le CRSH ont des programmes qui se complètent tout à fait les uns les autres et dont chacun apporte un élément vital au système national d'innovation du Canada. À nous tous, bien entendu, nous représentons une très large portion de l'investissement public dans la recherche-développement du pays.
Le CNR s'inscrit dans le milieu de l'éventail de la R-D. Nous transformons les connaissances fondamentales en applications concrètes qui peuvent être exploitées commercialement. Nous aidons donc à combler ce que je qualifierai de fossé en recherche stratégique, qui résulte de la structure particulière des secteurs industriel et public du Canada. Ce fossé est illustré à la page 3 de mon mémoire par le diagramme intitulé «Combler les lacunes du spectre de la recherche».
Il y a une structure industrielle très particulière au Canada en ce sens que notre économie était axée par le passé sur l'exploitation des richesses naturelles. Nous avons ici beaucoup de filiales de sociétés étrangères qui n'effectuent pas de R-D, et de ce fait très peu de grandes sociétés investissant lourdement dans la recherche-développement stratégique à moyen et long terme. Cela impose un très lourd fardeau à des laboratoires tels que ceux du Conseil national de recherches et aux programmes industrie- université comme ceux que les conseils subventionnaires administrent dans le but de combler ce fossé.
C'est une structure très particulière et nous pensons être particulièrement bien placés au CNR pour combler le fossé entre la recherche fondamentale et le développement, au moyen d'une R-D stratégique à moyen et long terme en collaboration avec des partenaires. Le PARI, bien entendu, joue le même rôle aux côtés des petites et moyennes entreprises.
Au CNR, nous ne suivons pas l'approche de l'arrosage diffus. Nous nous concentrons plutôt sur des domaines d'importance économique offrant un potentiel de création de richesse au Canada, tels que l'informatique, les télécommunications, la biotechnologie, la fabrication et la construction aérospatiale. Nous aidons à combler le fossé entre la recherche fondamentale et les applications concrètes dans ces domaines.
Nous avons conscience que si nous voulons forger des liens entre l'industrie et les universités, nous devons jouir d'une haute crédibilité et rechercher résolument l'excellence et la pertinence dans les domaines où nous choisissons d'investir. C'est donc une recherche très ciblée. Nous travaillons en collaboration très étroite avec le secteur privé. Je précise que si nous voulons réellement susciter l'intérêt de partenaires, nous devons être à la pointe des connaissances dans ces domaines. Je souligne donc que nous faisons des recherches ciblées dans des secteurs clés de la production de richesse au Canada et prétendons rivaliser avec les meilleurs du monde dans ces domaines.
Nous avons une nouvelle vision, une vision jusqu'en 2001, que je peux énoncer en termes très simples. À titre de principal organisme public de R-D au Canada, nous sommes résolus, par nos travaux scientifiques et techniques, à jouer un rôle de chef de file dans le développement d'une économie basée sur l'innovation et les connaissances. Je ne lirai pas tous les éléments de la vision, et signalerai simplement que le premier est l'excellence et la pertinence, le deuxième le partenariat en vue de mettre au point et d'exploiter des technologies clés, le troisième le rôle de chef de file en vue de la mise en place du système d'innovation du Canada et, enfin, un programme d'entrepreneurship pour faciliter le transfert technologique et la création de nouvelles entreprises.
Je vais sauter la partie sur le partenariat, en précisant simplement que nous travaillons en collaboration avec les universités, l'industrie et les autres ministères et organismes à vocation scientifique. Le partenariat est un principe fondamental de notre action.
• 0925
Je vais passer maintenant à la création d'une économie
novatrice.
Notre vision est pleinement axée sur l'innovation et la connaissance et la mise en place au Canada d'un système national d'innovation. Nous faisons cela de différentes façons, tout d'abord en mettant l'accent sur l'innovation à l'échelle locale et régionale, en créant à travers le pays des centres d'innovation locaux, en regroupant les divers intervenants, soit les universités, l'industrie, les pouvoirs publics, les milieux financiers, de façon à forger des systèmes d'innovation locaux dans les domaines technologiques déjà existants dans les localités ou auxquels elles aspirent.
Nos laboratoires font office d'aimants pour attirer des entreprises et des investissements. Saskatoon, par exemple, est devenue l'un des centres de biotechnologie agricole les plus éminents d'Amérique du Nord, en grande partie grâce à l'Institut de biotechnologie des plantes du Conseil national de recherches et à ses interactions avec la collectivité locale. Notre institut de Montréal, l'Institut de recherches en biotechnologie, a attiré de grandes sociétés multinationales, telles que Bio-Intermédiaire, grâce à son savoir-faire, à ses installations et à l'effet d'attraction que peut exercer l'un de nos laboratoires de pointe sur une grande société. Cela stimule la croissance et l'emploi au Canada.
Nous offrons évidemment un appui à l'innovation aux petites et moyennes entreprises par le biais de notre Programme d'aide à la recherche industrielle et de notre nouveau programme d'entrepreneurship, qui stimule la création de sociétés dérivées du CNR, offre une formation aux membres de notre personnel qui souhaitent transférer la technologie et devenir entrepreneurs. Ce programme établit également des liens avec les investisseurs pour faciliter la commercialisation de technologies mises au point dans les laboratoires du CNR.
J'ai déjà mentionné l'ICIST.
Pour ce qui est de notre contribution à la création d'une main-d'oeuvre hautement spécialisée, que M. Brzustowski a déjà mentionnée, nous avons là quelques programmes très ciblés, tels que notre programme d'ingénieures et chercheuses par lequel nous faisons venir au CNR pour trois années consécutives certaines des meilleures étudiantes de premier cycle du pays en vue d'acquérir une expérience directe dans des laboratoires de pointe.
Nous administrons quelques programmes pour les collèges qui n'ont pas d'équivalent ailleurs. Par exemple, avec le Collège Red River, à Winnipeg, nous avons un programme axé sur le développement de technologies médicales utilisant l'imagerie par résonnance magnétique. À Montréal, nous avons un programme de formation de biotechnologistes ou de techniciens en bio-procédés, partiellement par le biais de notre usine pilote et de nos laboratoires de Montréal.
La semaine prochaine, nous annoncerons la phase II d'un programme novateur appelé Ovitesse, ici, dans la région de la Capitale nationale. C'est un programme mené en collaboration avec sept sociétés, dont Nortel, Mitel, Cognos, Newbridge, ObjecTime, Computing Devices Canada et les universités, l'Université Carleton et l'Université d'Ottawa, le tout étant coordonné par le CNR. Son but est de recycler des scientifiques et des ingénieurs pour en faire des ingénieurs en logiciels. Dix étudiants ont déjà suivi la phase I et la prochaine visera 50 étudiants et je vous invite certainement à assister la semaine prochaine à l'inauguration de la phase II d'Ovitesse.
Sur la dernière page du mémoire, je mentionne quelques-unes des nombreuses contributions du CNR au Canada, au fil des ans.
Certaines des organisations présentes ici, le CRSNG, le CRM, Énergie atomique du Canada Limitée, sont issues du CNR, de même que l'Agence spatiale canadienne—ce sont tous là des organismes dérivés du CNR.
Certaines des autres contributions sont le canola, l'éradication de la rouille du blé... Nous avons mis au point les blés transgéniques, qui seront bientôt commercialisés.
Dans le domaine de la sécurité, le rectangle anti-contrefaçon sur vos billets de 20 $ et 50 $ a été mis au point au Conseil national de recherches, et vous avez cette invention dans votre poche chaque jour.
Le CNR a inventé le stimulateur cardiaque. Nous avons mis au point un vaccin contre la méningite chez les enfants, qui fera son apparition sur le marché dans un an environ.
La technologie de l'animation par ordinateur a été inventée au Conseil national de recherches et deux de nos chercheurs ont été récompensés au début de l'année par un oscar à ce titre. Bien entendu, cette invention a donné naissance à tout un secteur d'activité dans le domaine du spectacle.
• 0930
Le CNR a mis au point le système de vision du bras spatial
canadien. Nous sommes responsables du Code national du bâtiment, un
important élément intégrateur de l'infrastructure canadienne, et
bien entendu du signal horaire.
Au fil des ans, nous avons créé par essaimage plus de 70 sociétés, rien que dans la région d'Ottawa-Carleton, comptant aujourd'hui 7 000 employés. Au cours des 10 derniers mois, nous avons engendré par essaimage 10 compagnies, qui toutes créent des emplois et contribuent à la croissance économique.
Voilà un bref tour d'horizon du CNR. Merci beaucoup.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Carty.
Nous allons maintenant passer à M. Renaud, du Conseil de recherches en sciences humaines.
[Français]
M. Marc Renaud (président, Conseil de recherches en sciences humaines): Madame la présidente, mesdames et messieurs, bonjour. Merci beaucoup de nous recevoir ce matin.
J'aimerais vous parler essentiellement de deux choses ce matin: d'abord, du rôle et de la contribution des sciences humaines au Canada; deuxièmement, de l'avenir et de ce qu'on faire de ces sciences humaines pour aider notre pays à se développer encore mieux.
On vous a distribué un texte.
[Traduction]
On m'a dit que je ne pourrais pas parler pendant plus de cinq ou 10 minutes, alors je ne vais donc pas vous lire le texte, mais j'ose espérer que vous aurez l'occasion de le faire vous-même plus tard. Je ne vais utiliser que les différents graphiques qui se trouvent à la fin de l'exposé.
[Français]
Quand on regarde le travail qui s'est fait dans le domaine des sciences humaines au cours des dernières années, on est obligé de constater que ces disciplines ont engendré un très grand nombre de découvertes, des découvertes, cependant, qu'on a tous tendance à oublier. Qu'on pense aux théories de John Maynard Keynes en économique, à l'impact de la philosophie existentialiste sur le développement de nos vies, à l'impact de la psychanalyse, à la théorie des jeux, aux travaux sur les déterminants de la santé. Ce sont tous des secteurs où des découvertes extrêmement importantes ont été faites et qui ont amené des changements extrêmement profonds dans nos vies. Mais on a tendance à oublier que ces découvertes ont conduit à des changements et que ces découvertes ont leur origine dans des travaux dans le domaine des sciences humaines.
[Traduction]
S'il me fallait caractériser, en quelques phrases, ce sur quoi travaillent mes collègues, je dirais que tous, soit les 20 000 qui sont répartis un petit peu partout au Canada, se consacrent à ce que je décrirais comme étant la grande transformation que nous vivons à l'heure actuelle. Les gens ne cessent de répéter que nous sommes en train de vivre le troisième plus important changement du millénaire, et je dis bien du millénaire, et non pas du siècle. Le premier changement a résulté de l'invention de l'imprimerie, le deuxième de l'invention de la machine à vapeur. Aujourd'hui, c'est au tour de la révolution des communications et de l'information.
Les conséquences de ces transformations dépassent l'entendement. L'on ne parle pas tout simplement de la mondialisation des marchés mondiaux. L'on parle du changement de l'identité des gens, de la transformation des structures sociales, de tout un phénomène. Ce que s'efforcent de faire ceux et celles qui oeuvrent dans le domaine des sciences sociales et des humanités c'est d'essayer de comprendre cela ainsi que de voir comment nous pouvons nous adapter à ces changements énormes auxquels nous nous trouvons confrontés.
C'est ce dont nous discutons dans les deux premières pages du texte. Nous passons ensuite au CRSH et à ce qu'il fait. Le CRSH, c'est le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, ou Social Sciences and Humanities Research Council, SSHRC, en anglais.
[Français]
Le CRSH est une organisation, comme les autres conseils subventionnaires, qui finance de la recherche universitaire dans une panoplie de disciplines.
Le CRSH représente
[Traduction]
55 p. cent des professeurs d'université du Canada et 55 p. 100 des étudiants des cycles supérieurs. En d'autres termes, nous sommes en gros assis sur la mine d'or des universités canadiennes. Or, nous ne recevons que 12 p. 100 des fonds octroyés par le gouvernement fédéral aux conseils subventionnaires. Cela signifie, concrètement, que 95 p. 100 de tous nos étudiants des cycles supérieurs au Canada ne peuvent entretenir aucun espoir d'obtenir de l'aide pour faire leur travail auprès de notre Conseil. Cela signifie également que 85 p. 100 des professeurs d'université oeuvrant dans ces domaines n'ont aucun espoir d'accéder aux budgets de recherche que nous distribuons.
Voilà le gros tableau dans lequel nous nous situons. Ce que je fais depuis trois mois—je suis à Ottawa depuis trois mois—c'est demander au personnel du CRSH de réunir toutes les idées qu'ils ont relativement à leur secteur d'activité pour tenter d'en tirer un plan. C'est ce dont j'aimerais vous entretenir.
La façon la plus simple de vous présenter cela est d'utiliser ces tableaux. J'ignore si vous les avez.
La présidente: Ce n'est pas tout le monde qui les a. M. Schmidt ne les a pas. Voilà, c'est cela.
M. Marc Renaud: C'est cela.
Ces pyramides sont ce que d'aucuns qualifieraient de simplistes, mais c'est une bonne façon d'expliquer quel est l'effort de recherche. Chaque pyramide correspond en un sens à un domaine de recherche. Disons qu'il s'agit ici de la santé, de l'immigration et de la violence familiale. Tout à fait en haut de la pyramide, là où il y a le gros rond, il y a soit une politique, soit une réorganisation de services, soit un produit.
L'idée de ces pyramides est de montrer que la boîte de recherche présente quantité d'aspects. En bas de la pyramide se trouve ce que l'on appelle la recherche dérivée de la curiosité. C'est la recherche faite par les gens dans les universités—mais ce pourrait être à l'extérieur—dans le contexte des problèmes clés qu'ils ont à résoudre relativement à des méthodologies précises, etc. Ce genre de travail constitue un investissement à grand risque. L'on n'obtient pas toujours de résultats, et le meilleur endroit pour faire cette recherche c'est l'université.
Au palier suivant de la pyramide se trouve ce que l'on appelle, dans notre jargon, la recherche stratégique ou la recherche à long terme, préconcurrentielle, appliquée. Il y a toutes sortes d'appellations qui peuvent être employées.
La troisième couche est très différente. Elle correspond davantage à la R-D dans le sens plus limité de l'expression «recherche et développement». Il s'agit ici de recherches plus directement ciblées et se rapportant à des politiques bien précises.
Enfin, en haut de la pyramide, il y a un petit triangle qui indique, en fait, que les gouvernements doivent établir une capacité de récepteur de façon à pouvoir faire en sorte que ces connaissances soient utilisées dans l'élaboration de politiques. De la même façon, les organisations de services humains doivent se doter d'une capacité de récepteur pour pouvoir saisir et utiliser les différents résultats des travaux de recherche.
Je vous présente tout ceci parce que, par le passé, le CRSH a principalement investi dans le bas de la pyramide. Il s'est efforcé d'investir dans le deuxième palier; environ 10 p. 100 de notre budget y est consacré. Nous venons tout juste d'investir dans l'établissement de partenariats, qui est le troisième palier de la pyramide.
Ce dont nous discutons entre nous dans le nouveau contexte dans lequel nous vivons à l'heure actuelle est le fait qu'il nous faut vraiment nous efforcer de faire davantage de développement que par le passé, avec davantage de partenariats et davantage de recherche ciblée. Notre mission prévoit par ailleurs que l'on aide le gouvernement à structurer sa propre capacité de récepteur, sa propre boîte d'entrée, si vous voulez, son propre groupe de recherche, pour saisir ces connaissances.
Je vais vous donner un petit exemple pour vous aider à mieux comprendre. Il y a quelques années, le ministère de l'Immigration s'est rendu compte qu'au Canada on ne comprenait rien de l'immigration. On savait qu'il y avait de l'immigration, mais
[Français]
on n'avait pas idée du nombre, de ce qu'il fallait faire, des problèmes et ainsi de suite.
On a donc décidé de créer au Canada des centres d'excellence. Ces centres sont en partenariat localement avec des groupes communautaires et avec les gouvernements provinciaux, le cas échéant. Ces groupes sont unis entre eux. Il y en a quatre ou cinq au Canada. En même temps, le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration a développé ce qu'on appelle le secrétariat de Métropolis pour puiser dans tout cela et guider les politiques du gouvernement fédéral, tout comme les gouvernements provinciaux utilisent leurs propres centres, dans les différentes régions, pour développer leurs politiques.
Pour l'avenir, on souhaite que pour chaque dollar qu'on investira en haut de la pyramide, on en investisse un autre dans le bas de la pyramide, parce que la recherche de base est fondamentale. On n'y échappe pas.
Pour arriver à développer le milieu supérieur de la pyramide, si vous regardez dans l'annexe 2,
[Traduction]
nous énumérons les différentes organisations avec lesquelles nous avons établi des partenariats au cours des dernières années. Je peux vous dire que 25 autres sont venues frapper à notre porte depuis pour nous demander de travailler avec elles. Elles nous disent qu'il y a des choses qu'elles aimeraient comprendre et que c'est pourquoi elles veulent qu'on se tienne par la main pour mener des travaux de recherche, établir des chaires dans des universités, créer des centres de recherche et des réseaux, et toutes sortes d'autres choses, ce dans le but de résoudre les problèmes qui existent.
Prenez la transparence suivante. Il s'agit de l'annexe 3. On y présente le scénario d'innovation du Conseil pour l'année à venir. Il y a là trois volets, et je vais vous les présenter rapidement, mais vous comprendrez mieux si vous lisez le texte. Si vous voulez en savoir plus sur la méthodologie suivie pour obtenir ces chiffres, nous pourrions vous l'expliquer de façon extrêmement précise.
[Français]
Donc, on serait heureux de vous fournir les renseignements si c'était nécessaire
Dans la première colonne, celle de gauche, on dit qu'il existe des lacunes dans les connaissances.
[Traduction]
Il existe du côté de nos connaissances des lacunes qui ont été assez bien cernées.
Nous avons vécu quelque chose d'extraordinaire au cours des derniers mois. Le CRSH a mené une consultation à l'échelle du Canada pour savoir dans quels domaines les gens pensent qu'il y aura à l'avenir d'importantes lacunes sur le plan des connaissances. En même temps, Jocelyne Bourgon, du Conseil privé, a mené une expérience semblable ici à Ottawa, et cela a débouché sur un document intitulé «Croissance, développement humain et cohésion sociale», qui est tout à fait remarquable. Il est assez étonnant que des bureaucrates aient pu produire un aussi bon travail de recherche. J'ai été très impressionné par ce document.
Les résultats de notre consultation et ce rapport disent exactement la même chose.
• 0940
Il y a cinq secteurs dans lesquels il nous faut consentir des
investissements considérables si nous voulons nous assurer un
meilleur avenir. Il y a la croissance économique. Il y a également
le développement humain. Un autre domaine qui est clé est la
cohésion sociale, car la cohésion sociale se trouve confrontée à
d'énormes défis du fait de la mondialisation. Il y a également la
conduite des affaires publiques et, enfin, et c'est le cinquième
domaine, il y a la mondialisation elle-même et la façon dont nous
allons nous positionner.
Étant donné cette homogénéité dans les opinions relatives aux priorités, ce que nous proposons pour l'an prochain—et nous sommes prêts à nous lancer si nous obtenons l'argent nécessaire et si nous pouvons compter sur tous ces partenaires—ce sont de nouvelles initiatives de recherche ciblée, qui cadreraient très bien dans le programme de recherche sociale du gouvernement.
Deuxièmement, dans le même esprit, nous avons constaté qu'il y a un problème avec l'échange de connaissances dans ce pays. Les gens parlent beaucoup du transfert des connaissances. C'est difficile, mais le transfert de personnes est sacrément efficace. Pourquoi ne fait-on pas venir ici davantage de professeurs en année sabbatique? Pourquoi nos départements ne proposent-ils pas des programmes de stages pour les étudiants plus jeunes, les étudiants en cycle postdoctoral, afin qu'ils puissent venir ici? Nous pensons qu'il importe d'assurer un meilleur jumelage entre les besoins et les connaissances et, encore une fois, nous sommes prêts à aller de l'avant, à condition d'obtenir l'argent nécessaire.
Un troisième domaine dans lequel il nous faut beaucoup investir est celui de l'analyse de bases de données et le développement de compétences connexes. Statistique Canada est sans doute l'un des meilleurs—voire le meilleur—bureaux statistiques au monde. Statistique Canada a réalisé trois importantes études cohortes au cours des dernières années, et ces bases de données, si je puis dire, nous renseignent sur
[Français]
les entrées et les sorties du marché du travail, la santé et le développement des enfants. Ces trois cohortes-là, ce sont des données extraordinaires. On a une réputation internationale pour la qualité des données, mais il n'y a personne qui les analyse. Il n'y a personne. Parmi nos 20 000 chercheurs, il y en a 15 ou 20 qui analysent ces données-là. C'est inacceptable. On a un outil de recherche extraordinaire, d'une part, et, d'autre part, la capacité de recherche là-dessus n'est pas développée. On s'est donc dit que notre devoir, notre mission au CRSH était d'investir pour que cela se développe. Mais cela prend de l'argent neuf.
Finalement, toujours dans la même colonne, il y a la fameuse idée des community research information crossroads, cette idée voulant qu'il faille se doter de structures par lesquelles on va être capables de transmettre des connaissances, non pas au gouvernement, mais aux communautés, là aussi en partenariat. Voilà donc pour la première colonne.
[Traduction]
La deuxième colonne porte sur ce que l'on appelle La Relève, c'est-à-dire la génération à venir. Il nous faut consentir d'importants efforts dans ce domaine. Le Canada est en train de faire toutes sortes d'efforts pour pénétrer les marchés mondiaux; or, on se rend compte qu'on ne dispose pas forcément des connaissances requises. Il nous faut des connaissances culturelles—on pourrait presque parler de connaissances philosophiques—pour pouvoir pénétrer certains marchés comme ceux de l'Europe de l'Est, de l'Asie, etc. Par ailleurs, les universités ne sont pas bien structurées pour affronter cela.
Nous recommandons la création de programmes de maîtrise—qu'on lancerait au tout début—destinés à des personnes qui, par exemple, travailleraient en Chine, comprenant Confucius, comprenant la langue ou comprenant la structure économique et physique de la Chine. On est en train de se dire que si l'on veut réellement pénétrer ces marchés mondiaux, on doit dès aujourd'hui commencer à construire une partie de la capacité de la génération de demain de comprendre comment pénétrer ces marchés et comment aider les gens d'affaires à le faire.
On parle également de la formation mixte université- entreprise. Il s'agit de quelque chose qui a connu un succès retentissant en Australie et en Grande-Bretagne. De jeunes diplômés sont amenés à travailler main dans la main avec des entreprises, avec un surveillant à l'université et un cosurveillant dans l'entreprise. Cela n'est pas applicable dans tous les domaines que nous couvrons, mais cela fonctionne pour l'administration, les affaires et les relations industrielles et tous les domaines axés sur la gestion d'entreprise.
Enfin, sous la même rubrique, on aimerait qu'il y ait des bourses de début de carrière en sciences humaines. Savez-vous à combien d'étudiants de niveau postdoctoral on offre une aide financière chaque année? Au CRSH, le total est de 100. C'est ridicule. Il y a chaque année 2 000 étudiants au niveau postdoctoral et on n'aide qu'une centaine d'entre eux à pénétrer le marché.
• 0945
Le Québec a fait dans ce domaine un bien plus gros effort que
les autres provinces. Je suis depuis six ans président du conseil
de recherches sociales du Québec. Ce que nous avons pu réaliser
avec les étudiants de niveau postdoctoral et ce que nous appelons
les chercheurs-boursiers est absolument remarquable. Ces personnes
ont littéralement transformé l'université. Elles ont créé leurs
propres emplois en créant des niches et des marchés pour elles-
mêmes. Il est très important pour nous, au CRSH, d'y investir
maintenant.
Enfin, il y a une troisième composante qui est elle aussi très importante: c'est le maintien d'une forte capacité d'innovation grâce à la recherche fondamentale et à la formation. Ce que nous disons, en gros, c'est qu'il est absurde que le taux de réussite dans le cadre de notre concours soit de 24 p. 100. Il nous faut multiplier le nombre de personnes auxquelles on verse une aide financière. Chaque année, après le concours, on se rend compte que moins de la moitié des projets recommandés ne peuvent pas être financés et on perd donc là énormément de matériel.
Il nous faut également accorder de meilleures bourses aux étudiants, bon sang. Les bourses de niveau doctoral que l'on donne sont de 5 000 $ inférieures au seuil de la pauvreté. On est à 3 000 $ en dessous de ce que donne le CRSNG. On demande donc davantage d'argent. On demande 21 millions de dollars pour le premier volet, 11 millions de dollars pour le deuxième et 33 millions de dollars pour le troisième.
Pour conclure, je vais vous lire le texte de notre conclusion, car il est assez clair.
La note pour les trois volets de notre scénario d'innovation s'élève donc à 65 millions de dollars. Il faut voir cette somme comme un bon investissement stratégique, non seulement pour le CRSH, mais aussi pour le Canada, puisque notre pays profite bien et plus souvent qu'il ne le soupçonne du fort calibre de son réseau universitaire et de ses chercheurs en sciences humaines.
Alors que nous nous avançons toujours davantage vers une économie fondée sur les connaissances et que nous consacrons une part toujours plus grande de nos ressources au progrès technologique et à l'innovation, nous devons nous rappeler que ce n'est pas uniquement en appuyant sur un ou plusieurs boutons que nous deviendrons un pays plus intelligent. Il faut nous pencher aussi sur les gens qui entourent nos nouvelles machines et sur les institutions qui meublent leur vie, pour voir de quelle façon ils réussissent à s'adapter au nouveau milieu que nous sommes en train de façonner. Nous devons nous rappeler que la technologie, l'innovation et la croissance économique sont de bons serviteurs, mais de bien mauvais maîtres, qu'ils sont essentiels, mais seulement en tant que moyens pour parvenir à une fin, et que cette fin est d'assurer le mieux-être des Canadiens et des Canadiennes, c'est-à-dire leur santé, leur épanouissement au sein de leur famille et de leur collectivité et le sentiment d'avoir, en tant qu'individus, une place et une importance qui leur sont propres dans le monde. Voilà pourquoi nous devons investir davantage dans la recherche en sciences humaines, davantage que jamais auparavant dans notre histoire.
En d'autres termes, il nous faut monter presque un effort de guerre pour que les citoyens de ce pays puissent s'adapter au changement et apporter l'innovation à nos institutions. Dans cette guerre, les armes clés, ce sont les idées.
[Français]
Dans ce contexte-là, le CRSH peut faire la différence. Je vous remercie.
[Traduction]
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Renaud.
J'aimerais maintenant que nous passions au Conseil de recherches médicales du Canada. Nous avons parmi nous aujourd'hui le Dr Henry Friesen et M. Marc LePage.
Docteur Friesen.
Le docteur Henry Friesen (président, Conseil de recherches médicales du Canada): Merci beaucoup, madame la présidente.
M'a accompagné aujourd'hui mon collègue, M. Marc LePage, qui est directeur du Développement d'affaires.
J'ai, dans le domaine de la recherche médicale, des antécédents et une expérience couvrant une période de 30 ans, au cours desquels j'ai été médecin, chercheur et professeur. Les idées que je vais donc vous soumettre ici aujourd'hui s'appuient sur une vaste expérience et, je pense, une connaissance éclairée du domaine.
J'aimerais commencer par dire que je suis d'accord avec nombre de mes collègues sur les propos qu'ils vous ont tenus, qui positionnent réellement l'activité que nous nous sommes engagés à appuyer—soit, la science—comme étant internationale. Il s'agit d'une entreprise internationale. La science canadienne ne produit après tout chaque année qu'entre 2 et 3 p. 100 de la base de connaissances mondiale; 97 p. 100 proviennent d'ailleurs.
M. Brzustowski a déclaré qu'accéder à cela c'est plus qu'accéder tout simplement à des renseignements; c'est interpréter, choisir, exploiter et développer ces derniers.
Si le Canada et les chercheurs canadiens veulent être compétitifs au niveau international, je pense que les chercheurs canadiens méritent de recevoir un niveau de soutien qui soit compétitif à l'échelle internationale, et je pense qu'eux-mêmes et que les Canadiens s'y attendent.
Le CRM, tout comme le CRSNG et le CRSH, oeuvre dans les universités, assure un soutien direct destiné à couvrir les coûts de projets et la formation des gens, c'est-à-dire des chercheurs professionnels, à leurs débuts.
Il y a une dimension importante qui différencie le Conseil de recherches médicales des autres conseils subventionnaires. Moins de la moitié de nos activités de recherche sont menées à l'intérieur de structures universitaires. Les autres 60 p. 100 se font dans le secteur hospitalier, dans les instituts de recherche qui sont souvent affiliés aux hôpitaux, comme l'Institut de cardiologie, l'Institut neurologique de Montréal ou l'Hôpital pour enfants. Il s'agit là d'environnements très dynamiques et concurrentiels chez qui se font et la recherche-développement et l'application de ces connaissances aux patients.
• 0950
Il y a en fait trois points que j'aimerais porter à votre
attention. J'aimerais vous expliquer certains aspects de ma vision
pour le secteur de la recherche en matière de santé et des
industries axées sur la santé. Deuxièmement, je tiens à souligner
qu'il y a tout un nouveau dynamisme dans notre domaine, soit celui
de la recherche sur la santé, qui a évolué très rapidement, et
j'aimerais disséquer et porter à votre attention certains des
ingrédients de ce nouveau dynamisme. Troisièmement, j'aimerais
faire ressortir que la recherche médicale dans ce pays est en train
de souffrir à l'heure actuelle—et à mon sens, elle souffre
sérieusement—et si nous ne reconnaissons pas ces signes
avertisseurs, nous risquons fort de perdre ce qui a été bâti
soigneusement et ce qui a été, selon moi, géré avec des efforts
considérables pour nous porter au niveau de développement élevé que
nous connaissons à l'heure actuelle.
Dans le document intitulé «La recherche, la croissance et l'emploi», j'attire votre attention sur la taille de l'entreprise. Étant donné que nous comparaissons aujourd'hui devant le Comité de l'industrie, je tiens tout particulièrement à souligner qu'il y a un lien important entre l'investissement dans la science fondamentale et son application et le potentiel de croissance. Soixante-dix mille personnes travaillent dans ce secteur. Celui-ci est plus gros que l'industrie aérospatiale, et son potentiel de croissance pour les années à venir est considérable.
La nouvelle réalité, le nouveau dynamisme, est de reconnaître que le transfert de la chaîne de découverte, des nouvelles connaissances qui ont été produites, vers le marché a atteint un rythme et un degré d'activité et de sophistication qui auraient été inimaginables il y a cinq ans. Ces efforts sont appuyés par de très importants nouveaux capitaux de risque, qui ont été multipliés par cinq au cours des trois dernières années.
Il y a moins de trois semaines, j'ai rencontré un groupe d'investisseurs québécois désireux d'investir un milliard de dollars dans le secteur des sciences de la vie au Québec. Selon leurs estimations, ce secteur absorberait un quart à un tiers de tous les diplômés dans le domaine, mais ils sont inquiets. Ils ont quelques craintes quant à l'idée de choisir le Québec pour faire leur investissement. Y aura-t-il suffisamment de jeunes gens? Il s'agit là de toute une nouvelle réalité à laquelle nous nous trouvons confrontés, et qui ne se limite pas au Québec. Le même phénomène est en train de se produire partout au pays, et je pense qu'il est important de reconnaître qu'un certain nombre de très importants instruments gouvernementaux ont façonné cette nouvelle réalité. Le programme des réseaux de centres d'excellence a amené un énorme changement d'attitude culturelle dans ce pays. Ce programme s'est soldé par la création de nombreuses entreprises dérivées partout au pays.
Ce matin, une déclaration du ministre français de l'Éducation, de la Recherche et de la Technologie est arrivée sur mon bureau:
-
Ce qu'il nous faut maintenant, dit-il, est la création d'une
culture scientifique d'entrepreneurs et une approche moins prudente
et plus novatrice à la recherche et à l'industrie. La France ne
compte qu'une vingtaine de sociétés oeuvrant dans le secteur de la
biotechnologie comparativement à plus de 1 300 aux États-Unis.
Pour renchérir sur ce que je viens de dire au sujet de la nouvelle réalité et du nouveau dynamisme, il y a 200 compagnies de biotechnologie au Canada, comparativement à 20 en France. Nous avons une occasion énorme, un avantage énorme, à cause de cette nouvelle réalité. J'ai sillonné le Canada, et cela n'est à mon avis nulle part mieux exprimé, mieux mis en évidence et mieux exploité qu'au Québec, mais, encore une fois, ce n'est pas particulier au Québec.
BioChem Pharma, la quatrième plus grosse compagnie de biotechnologie capitalisée dans le monde est une idée que le CNR, le CRSNG et le CRM ont appuyée avec leurs subventions il y a de cela 12 ans. Aujourd'hui, cette entreprise a une capitalisation de 4 milliards de dollars, emploie 1 200 personnes, a mis au point un produit chef de file dans le traitement du SIDA, et est en train de mettre au point un nouveau produit très innovateur pour le traitement de l'hépatite. Le marché potentiel pour ce produit dépasserait le milliard de dollars en ventes annuelles. Il s'agit là d'une nouvelle réalité tout à fait remarquable.
Ce que je dis, donc, c'est que la vision que j'ai pour ce pays est celle d'une industrie de la santé qui soit l'un des plus gros secteurs de croissance de l'économie canadienne, créant des possibilités d'emploi pour des Canadiens formés et hautement spécialisés qui bénéficient de l'aide, du soutien et des programmes de nos universités et de nos conseils subventionnaires. Il s'agit là d'une occasion à saisir.
• 0955
Quel est le problème? Le problème se situe au point de départ
de la chaîne de découverte. L'investissement dans la recherche
fondamentale a été limité, comprimé, réduit, et nous en connaissons
les raisons. Mais je dis que nous en sommes rendus à un point
stratégique et qu'il nous faut lancer le processus en vue du
réinvestissement.
Il nous faut être compétitifs à l'échelle internationale. Si l'environnement au Canada n'est pas propice, comme l'a dit mon collègue M. Brzustowski, il y a problème: le capital intellectuel et les capitaux sont très mobiles et ils partiront. Les choses peuvent se bâtir rapidement, mais elles peuvent disparaître tout aussi vite. Le choix nous revient en tant que pays. Allons-nous saisir le moment et l'occasion?
La présidente: Merci beaucoup, docteur Friesen.
Nous allons maintenant passer aux questions. Je pense que nous allons commencer avec M. Schmidt.
M. Werner Schmidt: Merci beaucoup, madame la présidente, et bienvenue aux différents experts que nous avons devant nous. Je suis particulièrement impressionné par la base de connaissances qu'ils représentent, aussi bien individuellement que collectivement. Je pense qu'on nous a fait la démonstration ici d'un problème qui est dans leur esprit un problème extrêmement réel.
Vous avez tous insisté sur un problème, soit la recherche fondamentale, et plus particulièrement le rôle de cette recherche et toute la question de la commercialisation de l'innovation, de l'établissement d'une économie fondée sur la connaissance, de la création d'entreprises novatrices dans le domaine de la recherche médicale, etc.
Aucun d'entre vous n'ignore ce qui se passe dans le monde. Chacun de vous sait ce qui se passe et chacun de vous sait de combien d'argent supplémentaire disposent le gouvernement fédéral et tous les autres gouvernements dans le pays, alors chacun de vous est en train de demander davantage d'argent.
La question est la suivante: la recherche fondamentale est- elle une question d'argent? La recherche fondamentale dépend-elle d'un changement de tir? Nous savons que la Fondation canadienne pour l'innovation a été créée. Nous savons qu'il existe un programme de Partenariats technologiques. Il s'agit là d'un programme de plusieurs centaines de millions de dollars, et cet argent doit provenir de quelque part. Pensez-vous que l'argent est mal dépensé? Devrait-il être consacré à la recherche fondamentale? Il n'y aura pas de partenariats technologiques à établir s'il n'y a pas de recherche fondamentale sur laquelle appuyer ces nouvelles idées. Quelle serait votre recommandation au gouvernement quant à la provenance des fonds que vous demandez?
Je pose ces questions aux responsables de chacun de ces conseils, car je pense que vos propos sont très convaincants. Je suis tout à fait d'accord avec vous. Le problème que je vois est celui de savoir comment répartir ces fonds. Et d'où va provenir cet argent?
La présidente: Monsieur Brzustowski, aimeriez-vous tenter le premier de répondre?
M. Tom Brzustowski: C'est une question difficile, et c'est structurellement difficile. Permettez-moi de commencer par dire que je partage tout à fait l'avis de M. Schmidt, soit qu'en l'absence de recherche fondamentale, en l'absence d'une base d'idées sur lesquelles appuyer l'innovation, nos efforts d'innovation et notre progrès sur ce plan deviendront de plus en plus petits et le reste du monde nous dépassera.
L'un des problèmes que votre question me pose est le suivant. Bien que je sois jusqu'à un certain point qualifié pour me prononcer sur la réaffectation de crédits à l'intérieur de la recherche, sur les priorités relatives et sur la façon de dépenser les fonds dont nous disposons, je suis beaucoup trop peu renseigné sur les conséquences de toutes les responsabilités qu'a le gouvernement pour dire qu'il faudrait prendre l'argent ici pour l'investir là-bas. Cela me poserait des difficultés incroyables.
Mais permettez-moi de mentionner un certain nombre de choses qui me viennent tout de suite à l'esprit, et cela se rattache aux dernières observations faites par le Dr Friesen.
Songez aux jeunes gens qui sont en train de décider s'ils veulent ou non entreprendre des études de cycle supérieur. Qui sont-ils? De façon générale, ce sont les meilleurs éléments, les plus brillants parmi nos finissants, ceux qui sont en tête de classe, et il y a donc énormément de choix qui s'offrent à eux. Une possibilité qu'ils peuvent choisir est d'accepter un emploi rémunéré. Les diplômés d'université affichent un très faible taux de chômage. Les meilleurs d'entre eux sont arrachés par les compagnies, qui se font concurrence pour se les attirer.
Ces jeunes gens sont donc confrontés à la possibilité de perdre deux années de revenus s'ils décident de faire une maîtrise, et peut-être cinq à six années de revenus s'ils décident de faire un doctorat. Il s'agit là d'une perte immédiate.
• 1000
Deuxièmement, lorsque certains d'entre eux doivent prendre
cette décision, ils ont déjà des dettes accumulées pendant qu'ils
poursuivaient leurs études de premier cycle.
Troisièmement, quel genre de soutien peuvent-ils espérer obtenir? S'ils sont très très doués, ils obtiendront peut-être auprès du CRSNG une bourse annuelle de 15 600 $, imposable, dans laquelle ils devront tout de suite puiser 3 000 $ environ pour leurs frais d'inscription.
Voilà la situation que ces gens connaissent à l'heure actuelle. Il y a 30 ans, ils auraient peut-être reçu une bourse de 3 000 $, exonérée d'impôt, à une époque où les frais d'inscription se montaient à quelques centaines de dollars et où le salaire d'un détenteur de doctorat en début de carrière aurait été de 6 000 $ ou 7 000 $. Aujourd'hui, ces jeunes gens peuvent, munis de leur premier diplôme universitaire, commencer avec un salaire de 40 000 $.
Voilà dans quelle situation économique on les place.
En plus, à la fin de ce processus, à la fin de leurs études supérieures et de leur formation supérieure en recherche, ils n'entrevoient que très peu de possibilités, au niveau personnel, d'utiliser leurs talents pour faire les choses qui les intéressent véritablement, et, au niveau économique, de se trouver un emploi correct, alors vous pouvez vous imaginer leurs décisions. Il y en a peut-être deux. L'une est de ne pas se lancer dans cette activité du tout, auquel cas il y a une perte nette de potentiel pour le pays. La deuxième, qui est peut-être encore plus grave, est d'utiliser leurs talents ailleurs, et cet ailleurs est très près de nous. Il n'est pas loin du tout. Leurs activités à valeur ajoutée, activités qui sont la clé de la création de richesse, source de tout—prospérité, bien-être personnel, bien-être social et tout le reste—tout cela se retrouvera peut-être dans l'économie de quelqu'un d'autre.
Je sais que vous m'avez demandé où j'irais prendre cet argent. Ma réponse est la suivante: une fois que cet argent aurait été pris, je l'investirais dans nos jeunes gens.
M. Werner Schmidt: Vous ne nous avez pas beaucoup aidés, car nous savions cela. Nous savons où cet argent devrait être investi. Cela, nous le savons. Vous ne nous avez rien appris de nouveau.
La présidente: J'aimerais rappeler aux témoins et à mes collègues que nous allons bientôt manquer de temps si toutes les questions sont adressées à quatre personnes. Il me faut également vous demander d'être brefs dans vos réponses, car les gens sont nombreux à vouloir vous interroger. Si vous pouviez conclure rapidement, j'apprécierais, car il nous faut passer aux trois autres témoins.
M. Tom Brzustowski: Je vais m'arrêter là. J'accepte la critique que vous m'adressez.
La présidente: Ce n'est pas une critique.
Monsieur Carty.
M. Arthur Carty: J'aimerais aborder le problème d'une perspective légèrement différente. La plupart des gens conviennent qu'au fil des ans le Canada n'a pas suffisamment investi dans la recherche et le développement et la science et la technologie. Nos statistiques ne se comparent pas très bien à celles de nos concurrents. Si au Canada nous voulons vraiment être en mesure de créer une économie novatrice, fondée sur la connaissance, qui soit concurrentielle à l'échelle mondiale, alors le Canada doit trouver le moyen d'investir plus et d'accorder la priorité à la recherche et au développement ainsi qu'à la science et à la technologie.
Nos concurrents, comme le Japon... Le Japon a promis de doubler son investissement dans la recherche fondamentale d'ici la fin du siècle. Il s'agit là d'un investissement énorme. La France augmente de 6,5 p. 100 l'an prochain le budget du CNRS. Or, collectivement, les conseils représentés autour de la table ont vu leurs budgets diminuer de plus de 200 millions de dollars sur une période de quatre ans comprenant l'année 1998-1999. Il s'agit là d'une érosion marquée du soutien à la recherche et au développement.
Nous savons que le budget fédéral sera équilibré d'ici quelques mois, soit l'an prochain. Mon argument serait que le Canada doit augmenter son investissement dans la R-D, qui se situe à l'heure actuelle à 1,5 p. 100 du PIB. En fait, une partie de cet argent devra provenir de ce que l'on appelle couramment le «dividende financier». Si cela n'est pas fait, je ne vois vraiment pas comment nous pourrions espérer transformer notre structure, celle d'une économie fondée sur les ressources naturelles et d'une économie peuplée de multinationales qui ne font pas de R-D au Canada, en un système novateur véritablement fondé sur la connaissance.
La présidente: Monsieur Renaud.
M. Marc Renaud: Vous demandez si la recherche fondamentale est une question d'argent. Je vais essayer de l'aborder différemment de mes deux collègues.
• 1005
À mon avis, la réponse est oui et non. Non, parce qu'une
recherche fondamentale de bonne qualité dépend surtout de la
matière grise. La question est donc véritablement de savoir si les
cerveaux vont demeurer ici. Les meilleurs et les plus doués
resteront-ils ici avec
[Français]
montant lamentable d'argent mis à la disposition des chercheurs?
[Traduction]
Mais l'argent, ça compte. Lorsque j'envisage la chose du point de vue des disciplines dont je m'occupe, je peux dire que nous aimerions désespérément avoir des partenaires financiers à l'extérieur du gouvernement. Les choses ne sont pas aussi faciles qu'elles le sont peut-être dans d'autres centres. C'est possible, mais ça n'est pas aussi facile.
Permettez-moi de vous donner un exemple. Nous savons maintenant que la composante médicaments de l'industrie de la santé est plus coûteuse que les versements effectués aux médecins eux- mêmes. La question, donc, est de savoir si les gens prescrivent et consomment les produits pharmaceutiques correctement. Il y a donc des questions de pharmaco-vigilance, de pharmaco-économie, de comportement psycho-social relativement aux médicaments, et ce sont toutes des questions qui relèvent du domaine des sciences sociales et des humanités. J'en ai discuté plusieurs fois avec des porte- parole de compagnies pharmaceutiques, leur disant: «Voyez-vous, nous avons un problème dans ce pays avec les personnes âgées qui consomment aujourd'hui trois fois plus de médicaments qu'il y a 10 ans, alors que les pilules n'ont pas changé. Ne devrions-nous pas faire de la recherche là-dessus?» Ils nous répondent: «Oui, mais nous ne pouvons pas vous donner d'argent parce que vous ne pouvez pas nous accorder de déduction fiscale».
Si vous ne nous versez pas des crédits nouveaux, alors, je vous en prie, donnez-nous les outils pour aller chercher de l'argent à l'extérieur.
La présidente: Merci, monsieur Renaud.
Docteur Friesen, aviez-vous quelque chose à ajouter?
Le docteur Henry Friesen: C'est une question importante. C'est une question de choix et de priorités—de correspondance des priorités dans le contexte du financement. Je répondrai, monsieur Schmidt, en vous renvoyant aux recommandations du Comité des finances, dont vous étiez, je pense, membre, comité qui a recommandé qu'on appuie les conseils et la recherche fondamentale et qui a demandé au ministre des Finances de faire certains choix parmi les choix difficiles qu'il doit faire dans l'établissement de son budget. Cela m'encourage néanmoins de savoir que votre comité a endossé de façon si énergique le rôle important que jouent les conseils.
Pour enchaîner sur la dernière observation faite par M. Renaud, les déficiences à l'intérieur du système de soins de santé sont extraordinaires. La plupart des observateurs qui s'y sont penchés les situent entre 10 et 25 p. 100. Imaginez ce qui se passerait si l'on prenait 1 p. 100 des coûts des soins de santé pour investir cet argent dans la recherche, pour déterminer ce qui donne des résultats et ce qui n'en donne pas. C'est là le modèle du Royaume-Uni. Nous pourrions l'appliquer avantageusement au Canada et peut-être relever ainsi les 10 ou 25 p. 100 de procédures non appropriées qui coûtent des milliards de dollars. Au Canada, l'on dépense 2 000 $ par tête d'habitant au titre des soins de santé, et le Canada investit au CRM 8 $ pour la recherche.
La présidente: Merci.
Merci beaucoup, monsieur Schmidt.
M. Werner Schmidt: Est-ce tout pour moi?
La présidente: C'est bel et bien tout. Nous avons de loin dépassé les cinq minutes prévues. Ce serait plutôt 13.
Monsieur Murray, allez-y, je vous prie.
M. Ian Murray (Lanark—Carleton, Lib.): Merci, madame la présidente. J'aimerais moi aussi souhaiter la bienvenue ici ce matin à nos invités de distinction. Vous tous avez comparu ici plusieurs fois. Vous trouvez peut-être très frustrant de devoir répéter sans cesse les mêmes choses aux politiques qui donnent peut-être l'impression d'être sourds et muets lorsque vous leur parlez, mais je tiens à vous dire que j'apprécie que vous soyez des nôtres ici.
J'ai eu l'impression, néanmoins, en écoutant la plupart d'entre vous, que l'exercice que vous avez vécu dans le contexte des compressions budgétaires qui vous ont été imposées, vous a amenés à être davantage sensibles au marché, si vous voulez. Cela m'a tout particulièrement frappé dans le cas de l'exposé de M. Renaud.
Pour ne parler pour l'instant que des sciences sociales et des humanités, sommes-nous en train de nous éloigner du système traditionnel d'examen par les pairs? Si vous vous efforcez de combler tous les écarts que vous voyez, qui va les déterminer, si vous vous occupez de réorienter votre argent vers certains domaines en particulier dans le cadre de votre système de pyramides?
M. Marc Renaud: C'est une très bonne question. L'examen par les pairs est un aspect clé de tout cela. Ce n'est pas le meilleur système au monde, mais c'est le meilleur que nous connaissions pour juger de la qualité d'un projet de recherche. Vous avez raison: nous sommes dans une certaine mesure plus centrés sur le marché. Je plaide avec mes collègues, leur demandant de montrer dans quelle mesure ils sont utiles. Car ils sont utiles, mais ce n'est pas dans cette optique qu'ils voient les choses.
Nous vivons à une époque utilitaire. Il faut faire ses preuves; il faut se défendre. Je dis à tout le monde que l'ancienne règle c'était périr ou se faire coter à la bourse, et maintenant, c'est se faire coter à la bourse ou périr. Il y a là un changement.
Ce que cela signifie pour le système d'examen par les pairs c'est qu'il nous faut peut-être tendre vers un système d'examen fondé sur le mérite, de sorte que la qualité scientifique du projet soit évaluée, ainsi que l'aspect partenariat, la capacité de l'équipe qu'on évalue en matière de transfert de connaissances, etc. Il n'est pas impossible que l'on tende vers un système d'attribution dans le cadre duquel il y aura autour de la table des scientifiques ainsi que des consommateurs de recherche.
M. Ian Murray: Serait-il juste de dire que tout cet exercice où il a fallu composer avec les coupures a poussé les conseils subventionnaires dans des directions saines? Vous parlez de plus en plus de partenariats. Encore une fois, comme l'a fait ressortir M. Renaud, il importe de renseigner le public sur ce que vous faites, et le conseil de M. Renaud est celui qui est souvent... Les journaux locaux font souvent état d'exemples de dépenses qui sont difficiles à comprendre pour M. ou Mme Tout le monde. Si tous vos voeux devaient être exaucés, et si tout l'argent était là, les conseils subventionnaires réadopteraient-ils l'ancienne structure de subventionnement? En fait, la question est la suivante: tout cet exercice a-t-il été salutaire d'une certaine façon, en ce sens qu'il vous a fallu repenser les choses?
M. Tom Brzustowski: Madame la présidente, puis-je répondre à cette question?
La présidente: Bien sûr.
M. Tom Brzustowski: Dans le cas du CRSNG, les partenariats université-industrie ont débuté il y a environ deux décennies. Le dernier programme à se voir limiter par le budget, le programme qui était axé sur la demande, en ce sens que les très bonnes propositions avaient d'assez bonnes chances d'être financées, était le programme de partenariats université-industrie.
Cette année, à cause des coupures cumulatives, il nous a fallu réduire de ce côté-là.
Lorsqu'on parle de partenariats université-industrie, il n'est pas tout simplement question d'un chercheur qui écrit une proposition. Il est question d'une entreprise qui travaille avec des chercheurs universitaires dans le but d'élaborer une proposition stratégique faisant intervenir des éléments de partenariats qui vont bien au-delà du cadre universitaire.
Il faut du temps, et, nous le savons—on nous l'a dit, et c'est très clair—nous ne pouvons pas demander à des partenaires industriels de participer à des compétitions dans le cadre desquelles le taux de réussite est si faible. On souffre vraiment de cela.
Mais la philosophie des partenariats université-industrie, réunissant ceux qui produisent les connaissances et ceux qui s'en servent de façon productive dans l'économie, est une chose que nous appliquons depuis 15 ou 20 ans, et elle est la plus récente victime des coupures.
Mes collègues sont toujours, comme moi, certains d'une chose relativement au budget de l'an prochain, et c'est qu'il y aura une nouvelle réduction de 3,5 p. 100, la dernière dans le programme de quatre ans de réductions successives de 3,5 p. 100.
La réponse, donc, est que nous ne retournerions pas à ce que nous avons peut-être été, dans le cas du CRSNG, il y a 20 ans, où nous étions strictement un conseil qui distribuait de l'argent pour de la recherche fondamentale. Nous avons au Canada une culture bien établie de partenariats université-industrie qui fonctionne extrêmement bien. Dans notre cas, environ 1 000 entreprises y ont participé, et elles ont investi plus de 600 millions de dollars au cours des 15 dernières années dans le cadre des différents partenariats.
La présidente: Monsieur Carty, souhaitez-vous ajouter quelque chose?
M. Arthur Carty: J'aimerais tout simplement faire un peu la promo des autres conseils qui sont à la table et du CNR, car il se trouve que M. Brzustowski et moi-même rencontrons une fois par an les dirigeants des conseils de recherche du G-7, qui va bientôt devenir le G-8. Nous avons une réunion de deux jours au cours de laquelle nous avons l'occasion de discuter financement et politiques, et je pense que nous pourrions tous les deux vous assurer que le Canada a été très inventif et très novateur dans la façon dont il a élaboré ses programmes de partenariats: par l'intermédiaire des conseils et des interactions industrie- université, par l'intermédiaire du CNR dans le cadre de ses partenariats avec le secteur privé et avec la participation d'universités et d'autres laboratoires du gouvernement.
Il n'y a pas de pays au monde qui ait été aussi novateur que le Canada en lançant ces partenariats et en les amenant à porter fruit. C'est un vrai conte de fée. Il n'en demeure pas moins que les choses deviennent de plus en plus difficiles, car il n'y a pas d'argent à investir, même dans ces programmes.
M. Ian Murray: Ai-je le temps de...?
La présidente: Non. Excusez-moi, monsieur Murray. Je vais bientôt avoir l'impression d'être rabat-joie, mais il reste environ une dizaine de personnes qui veulent poser des questions, alors il nous faut poursuivre.
Madame Alarie.
[Français]
Mme Hélène Alarie (Louis-Hébert, BQ): Tout d'abord, vous avez fait des réflexions et des énoncés fort intéressants. Vous parlez d'une culture scientifique novatrice. Je pense qu'on en est rendu là et je pense aussi que cela implique un choix de société.
• 1015
On s'en rend parfois compte dans d'autres comités.
Ce qui me plaît beaucoup aujourd'hui, c'est
que de plus en plus, vous avez des phrases-chocs,
des tableaux-chocs. C'est très difficile de parler de
la recherche fondamentale ou de la recherche en sciences
humaines quand on n'arrive pas à vulgariser par des
phrases-chocs.
J'ai assisté à une rencontre avec M. Friesen à l'Université Laval, au centre d'immunologie. Il y avait une démonstration où l'on parlait de la recherche fondamentale. Entre autres, on a parlé d'un projet de condom invisible. Dans les journaux, on n'a vu que la partie du condom invisible. Tout le reste est passé en-dessous de la table. Donc, que vous ayez un vocabulaire ou des tableaux qui frappent plus l'imagination, c'est merveilleux. Continuez dans ce sens-là.
Maintenant, c'est plutôt une réflexion que je voudrais faire. Cela a trait à la relève. Vous en avez tous parlé, et cela me touche beaucoup, parce qu'une étude révèle qu'au Québec, les étudiants, après le premier cycle, sont endettés de 12 000 $. Il faut être drôlement courageux pour continuer au deuxième ou troisième cycle, surtout dans des domaines où on a peu de chances de se trouver un emploi à long terme.
Certaines choses m'agacent un peu, mais je suis bien d'accord que les projets soient jugés par les pairs. Je trouve que la barre est très élevée pour l'acceptation des projets. Au fond, on met en compétition de bons projets et de bons chercheurs, alors que la recherche doit regrouper un ensemble de projets qui ne sont pas nécessairement toujours «sexy». Excusez mon expression.
On a ces étudiants qui regardent aller les choses et qui voient leurs directeurs de thèse ou les chercheurs qui les accompagnent quêter, parce qu'ils sont obligés d'aller chercher des partenariats partout.
Que peut-on envisager pour remédier à cette situation?
[Traduction]
La présidente: Qui veut commencer? Monsieur Renaud.
[Français]
M. Marc Renaud: C'est un peu ce qu'on s'est dit au CRSH. Nous finançons 5 p. 100 des 40 000 étudiants dans notre domaine. On finance une fraction infinitésimale des gens qui finissent leur doctorat. C'est inacceptable. Il faut trouver le moyen de les aider davantage. Autrement, les gens ne prennent pas intérêt à leurs études ou quittent. C'est pour cela qu'on essaie de se dire qu'il y a toutes sortes d'outils nouveaux auxquels il faut penser: des programmes d'internat en entreprise, des programmes où les entreprises vont aider à encadrer et rémunérer les étudiants. On a toute une série de suggestions.
Il y en a une autre à laquelle on travaille—vous allez sans doute être impliqués—et c'est la fameuse Fondation des bourses d'étude du millénaire. On ne sait pas trop ce que cela va être, mais plutôt que de créer une autre fondation, pourquoi ne pas donner cet argent-là aux organismes subventionnaires qui, eux, sont des outils légitimes de gestion? Il n'y a pas un chat au Québec qui va reprocher au CRSH d'augmenter ses bourses aux étudiants de 5 à 20 p. 100.
Je pense que c'est la priorité absolue, et là il faut avoir de l'imagination. Ce n'est pas juste des bourses; c'est en partie des bourses, mais aussi des programmes avec les entreprises, avec les gouvernements, avec les établissements et avec les milieux professionnels pour que nos étudiants se sentent partie prenante de la vie.
La présidente: Madame Alarie, avez-vous une autre question?
Mme Hélène Alarie: Non, pas pour l'instant.
[Traduction]
La présidente: Monsieur Shepherd.
M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): Je me demandais si je ne pourrais pas me faire l'avocat du diable pendant quelques instants. Ce que je vous montre ici est un rapport du Conference Board sur la productivité canadienne. Je pense qu'on y aborde certaines des questions que vous avez mentionnées ici. L'une des observations générales faites par les auteurs du rapport est que nos universités débordent de personnes qui parlent des humanités mais qu'en réalité, certaines des compétences scientifiques de base font sérieusement défaut dans nos universités. Cela déborde de mes antécédents en tant que comptable. Je suis en train de regarder la distribution des crédits totaux entre le CRM et le Conseil de recherches en sciences humaines, et je me demande s'il s'agit d'une distribution appropriée.
M. Marc Renaud: Ma réponse est que non.
M. Alex Shepherd: Ce que je vous demande sans doute, plus précisément, c'est si vous pensez, vous appuyant sur cette pondération et sur les observations qui ont été faites au sujet des raisons pour lesquelles nous ne sommes pas concurrentiels, que le niveau de financement pour votre volet est approprié?
M. Marc Renaud: Permettez-moi de vous répondre avec un slogan. J'ai tout récemment rencontré un spécialiste de grand renom dans le domaine des ressources humaines. Cette personne m'a dit qu'on embauche des gens à cause de leurs compétences techniques mais qu'on les congédie parce qu'ils n'ont pas de compétences humaines.
Une grosse partie de la formation donnée dans le cadre des programmes des humanités et des sciences sociales vise l'acquisition de connaissances sur autrui, sur d'autres cultures, sur les différences, sur la façon de composer avec ces choses. Matthew Barrett, président de la Banque de Montréal, a dit: Lorsque je cherche à recruter quelqu'un pour ma banque, je cherche quelqu'un qui est capable de penser de façon latérale plutôt qu'une personne qui sait comment lire un grand livre, car elle apprendra à lire le grand livre sur le tas, mais ce qu'il me faut, ce sont des qualités humaines.
Dans ce contexte, le contexte voulant que l'on assure ce côté- là des choses, la situation n'est pas parfaite, et je suis d'accord avec vous là-dessus, mais dans les domaines de la littérature, de la philosophie, des sciences économiques et des affaires, c'est ce que les gens essaient de donner comme formation. Dans le contexte dans lequel l'effort dont on parle est en train d'être monté, il est ridicule que l'on n'ait que 12 p. 100 du budget des conseils subventionnaires.
Je n'attaque pas mes collègues—je les respecte beaucoup—mais c'est la vérité. J'ai énormément de respect pour ce qu'ils font, et je peux voir dans ma propre université, soit l'Université de Montréal, qu'il y a beaucoup de besoins en matière de rénovations, de rétablissement de la capacité des laboratoires, et je sais qu'il leur faut de l'argent pour cela. Je ne tente pas du tout de me livrer à une bataille où je déshabillerais Pierre pour habiller Paul. Ce n'est pas de cela que je veux parler. Je veux parler du montant d'argent que nous avons sur la table pour aider les gens dans mes domaines à se lancer et à donner un coup d'envoi au pays. Mais il est évident que lorsque vous abordez cela sous l'angle des proportions, cela a l'air parfaitement ridicule.
M. Alex Shepherd: C'est tout simplement que les gens disent que les emplois dans ce pays sont en train d'évoluer dans les domaines de la science et de la technologie mais pas dans celui des humanités. Or, il y a un décalage énorme dans nos universités, car les gens étudient les humanités en prévision d'emplois qui n'existent pas.
M. Marc Renaud: Permettez-moi de vous donner quelques exemples. Je reviens tout juste de l'Université de l'Alberta. J'ai été tellement abasourdi par ce que j'y ai vu. Il y a là-bas un centre de linguistique; les linguistes sont des gens extrêmement abstraits. Savez-vous ce qu'ils font? Ils tentent de déchiffrer les concepts qui sous-tendent la structure d'une langue, ce que nous appelons en français l'«esprit» d'une langue. Ils sont si forts là- dedans... Au lieu de traduire mot à mot... Vous pouvez aujourd'hui mettre un texte dans un ordinateur et il vous le traduira mot à mot, mais ce n'est pas là une traduction. Ils sont en train de se pencher sur la structure conceptuelle de la langue. Il y a un Microsoft qui est en train de bouillir là-bas, car une fois que cela aura été découvert et qu'on aura les bonnes équations, alors l'ordinateur pourra faire la traduction automatique de textes.
Autre exemple. Dans cette même université, il y a un groupe de femmes qui sont en train d'étudier la littérature féministe de la fin du XIXe siècle. Cela peut paraître un petit peu farfelu, n'est- ce pas? Or, elles sont en train de mettre au point des logiciels pour pouvoir réunir en archives le genre de données qu'elles examinent. Plusieurs petites entreprises seraient désireuses d'acheter ce logiciel car c'est une façon très intéressante de lire et d'interpréter l'histoire de l'humanité.
Toujours à la même université—et je pourrais continuer pendant longtemps encore—il y a un centre autrichien qui se consacre à comprendre ce qui se passe en Autriche. J'ai demandé pourquoi l'on est en train d'étudier l'Empire austro-hongrois du XVIIIe et du XIXe siècles. En réponse à ma question, on m'a dit: Lorsque vous pensez au Québec et au Canada, vous avez la métaphore Paris-Londres, mais vous avez tort; vous devriez avoir la métaphore Budapest-Vienne, car cela ressemble beaucoup plus à la situation dans laquelle nous nous trouvons ici. Je leur ai dit que je trouvais cela très intéressant et que je devrai y réfléchir.
Il nous faut ce genre d'études.
La présidente: Monsieur Bachand.
[Français]
M. André Bachand (Richmond—Arthabaska, PC): Je dois vous dire que je vais devoir quitter après mes questions, non pas parce que vous n'êtes pas intéressants, mais parce que j'ai un problème d'horaire. Je m'en excuse.
J'ai trouvé cela fort intéressant. Cela revient encore à une question d'argent. Cette question-là revient souvent puisque tout est coupé depuis trois ou quatre ans. Cependant, au point de vue politique, vous allez avoir de la misère à faire passer cela parce qu'on va vous dire que ce n'est pas vrai, que le gouvernement fédéral a pris ses responsabilités et que d'ici quelques années, ou même peut-être l'année prochaine, avec les deux nouveaux projets dont on a entendu parler ce matin, que ce soit la Fondation des bourses d'études du millénaire ou la Fondation canadienne pour l'innovation, le Canada va investir 2 ou 3 p. 100 de son PIB en recherche et développement. Donc, vous allez manquer d'arguments à ce niveau.
Vous devez vous battre maintenant. Vous avez plus de compétition que vous en aviez avant en ce qui a trait à la recherche et au développement au Canada, et cette compétition-là ne vient pas du monde, mais du gouvernement. Donc, ce sera difficile pour vous.
• 1025
Cependant, des rencontres comme celle d'aujourd'hui
vont peut-être nous éclairer davantage sur
ce que vous avez fait dans le passé et ce que vous
faites aujourd'hui.
Il y a un autre problème. Vous avez dû subir des coupures. Si au moins on s'était contenté de geler en attendant, parce qu'en fin de compte, on tue notre vache à lait. Ce n'est pas évident. On aurait pu vendre quelques membres du troupeau, mais on a vendu le troupeau au complet. Donc, il y a un problème: il n'y a plus rien qui entre.
J'aimerais vous dire cependant que vous n'êtes pas les seuls là-dedans. Au Québec, on a des problèmes à avoir des livres. Les professeurs ont de la misère à faire des photocopies. Donc, il y a des problèmes partout. Mais nous ne sommes pas le Comité permanent des finances. Comme le disait le Dr Friesen, si on était au Comité permanent des finances, ce serait peut-être différent.
Moi, je trouve cela fort intéressant. Cependant, j'aimerais vous entendre sur le problème que vous avez. La nouvelle relation industrie-université est le fondement même de l'applicabilité de la recherche, et vous avez maintenant des compétiteurs qui s'en viennent sur le marché. Comment voyez-vous votre rôle par rapport à la nouvelle compétition, si c'est une compétition pour vous?
[Traduction]
La présidente: Monsieur Brzustowski.
[Français]
M. Tom Brzustowski: J'essaierai de répondre en anglais, si vous me le permettez, parce qu'il me serait un peu difficile d'y répondre en français.
[Traduction]
Quelle est la compétition pour nous? Lorsque nous utilisons le terme «compétition», c'est pour parler des demandeurs d'argent, mais vous, vous utilisez le mot «compétition» dans le sens d'autres organisations qui sont en concurrence avec nos conseils. Ai-je raison?
[Français]
M. André Bachand: J'ai utilisé le mot «compétition», mais ce serait plutôt par rapport aux ressources financières. Vous avez de la concurrence par rapport aux demandes au gouvernement pour les ressources financières, pas nécessairement entre les organismes. C'est entre les organismes face au gouvernement fédéral ou à d'autres gouvernements.
[Traduction]
M. Tom Brzustowski: La réponse que je peux vous donner est que la compétition à cette échelle-là nous ramène à ce qu'a dit M. Carty. Nous sommes très sensibles au fait que la capacité financière du pays a rendu nécessaires les compressions. Sans doute qu'aucun d'entre nous n'estime qu'il ne fallait pas faire ces coupures. Cependant, c'est lorsque les fonds sont rendus disponibles pour l'investissement que l'on peut ensuite comparer les investissements consentis. On parle ici d'investissements stratégiques dans les gens et dans leurs connaissances.
La raison pour laquelle nous pensons que ces investissements sont stratégiques—et cela ressort dans le tableau que vous avez ici—est qu'ils ont la capacité de déboucher sur des découvertes, d'amener la transition d'une économie où l'on n'ajoutait en vérité pas de connaissances à ce qu'on trouvait dans la terre, à une économie où la composante connaissances de ce que nous vendons au monde est très importante. Ce sont les gens qui amènent cela et qui créent des emplois pour d'autres, c'est ce qui crée de la richesse, des revenus pour financer de meilleurs soins de santé, de meilleurs programmes d'études primaires et de meilleurs soins pour les personnes âgées. Ce sont toutes ces choses que nous considérons comme étant stratégiques.
Comme je l'ai mentionné au Comité des finances, j'emploie très prudemment l'expression «investissement stratégique». Pour moi, un investissement stratégique dans le domaine qui nous occupe ici c'est un investissement aujourd'hui pour mettre des outils dans les mains des jeunes gens qui seront ainsi encouragés à développer leurs talents et à les mettre à profit pour le pays, pour le bien de tous.
Lorsque vous dites que nous sommes en concurrence avec cela, nous ne sommes pas en mesure de juger des éléments de la compétition les uns par rapport aux autres. Le gouvernement est responsable de cela. Le mieux que nous puissions faire c'est de présenter, du point de vue des conseils de recherches, notre vision de l'importance stratégique des investissements, et nous appuyons cela avec l'expérience d'autres pays. Les autres pays constatent le même environnement, la même économie mondiale. Ils savent quelque chose que nous ne savons pas, si leurs tendances sont à l'opposé des nôtres.
[Français]
M. André Bachand: Je m'excuse de vous interrompre. Finalement, le gouvernement pourra dire au monde entier que dans deux ans, le pourcentage de son PIB consacré à la recherche et au développement sera passé d'environ 0,3 à 0,5 p. 100. Mais cela ne vous mettra pas un cent de plus dans vos poches. C'est cela que je veux dire. C'est important, et il s'agit juste d'en être conscient. Vous en êtes plus conscients que moi sûrement, mais je pense que c'est important de le dire.
• 1030
Il y a une autre chose.
[Traduction]
La présidente: Monsieur Bachand, très brièvement.
M. André Bachand: C'est bien. Je vous remercie, madame la présidente.
La présidente: Bon. Monsieur Peric.
M. Janko Peric (Cambridge, Lib.): Je vous remercie, madame la présidente.
J'ai réellement apprécié vos exposés de ce matin et je suis très heureux de voir deux scientifiques éminents, M. Carty et M. Brzustowski, qui sont de la région de Waterloo, de l'Université de Waterloo, l'une des meilleures du pays et sans doute de l'Amérique du Nord.
Je trouve vos arguments très valides. En l'absence d'un fort appui à la recherche fondamentale, je crains que nos industries voient leur avenir bouché.
Monsieur Carty, vous avez fait état de vos rencontres avec les chercheurs des pays du G-7 ou G-8. Où placeriez-vous le Canada, par rapport à ces pays?
M. Arthur Carty: Pour ce qui est de notre investissement dans la recherche-développement en pourcentage du PIB, il est bien connu que le Canada vient à l'avant-dernier rang, juste devant l'Italie. Nous n'avons pas beaucoup progressé au fil des ans.
De fait, je raconte souvent cette anecdote d'un consultant d'Ottawa qui a écrit un livre intitulé: «From 1.5% to 1.5%: Twenty Years of Science Policy in Canada». Il met en lumière le fait que nous n'avons pas réussi à accroître notre investissement dans la recherche-développement en pourcentage du PIB depuis très longtemps. Nous sommes toujours en queue de peloton. J'ai essayé d'expliquer certaines des raisons fondamentales de cet état de choses, comme le fait que notre économie ait été axée sur les richesses naturelles par le passé et le fait que beaucoup de sociétés implantées au Canada ne font pas leur recherche chez nous.
M. Janko Peric: Nous avons entendu dernièrement certains députés parler de fuite des cerveaux. Vous suivez sans doute cela à l'Université de Waterloo, et vous savez probablement ce que fait Bill Gates pour l'université et ses diplômés. Pourriez-vous nous en parler? Comment retenir nos diplômés au Canada? Que feriez-vous pour les fixer ici?
M. Arthur Carty: Je pense que nous devons tous reconnaître que les personnes hautement qualifiées et extrêmement bien formées que l'on trouve dans notre système universitaire, ou même au Conseil national de recherches, sont recherchées à l'échelle internationale et seront courtisées, particulièrement par les sociétés américaines. Il est vrai que Microsoft considère les diplômés de Waterloo, particulièrement en informatique et en génie informatique, comme extrêmement attrayants. Nos établissements d'enseignement fournissent un produit de très haute qualité qui suscite les convoitises de nos voisins du Sud.
Je pense qu'il nous faut essayer d'établir chez nous un climat. C'est en partie une question de salaire et en partie une question de qualité de vie et encore une question de capacité industrielle, afin que nos jeunes puissent entrevoir un avenir ici. C'est une concurrence très rude. Les échelles salariales aux États- Unis et les primes de signature que l'on y offre sont une forte incitation à franchir la frontière.
J'aimerais bien qu'il y ait un flux dans l'autre direction. Je n'en vois pas encore trace. Mais nous avons des attraits ici. Pour peu que nous y réfléchissions, je pense que nous pouvons mettre en place des conditions de travail intéressantes, des attraits qui vont fixer ici nos meilleurs cerveaux.
M. Janko Peric: Ma dernière question—
La présidente: C'était votre dernière question, monsieur Peric.
M. Eric Lowther (Calgary-Centre, Réf.): Je vous remercie.
J'ai été très intéressé par tous les exposés et en particulier, monsieur Renaud, par ce que vous avez dit des répercussions de l'ère informatique. Vos propos m'ont rappelé certains chiffres ou avis que j'ai lus. L'un est qu'il y a actuellement plus de scientifiques et d'ingénieurs en activité dans le monde qu'il y en a eu pendant toute l'histoire antérieure de l'humanité. Un autre est que si un ingénieur passe aujourd'hui un diplôme de premier cycle universitaire, il devra le repasser trois fois dans une carrière de 30 ans, rien que pour tenir ses connaissances à jour.
J'ai aussi entendu un autre chiffre il y a quelques années. Si vous preniez toute l'information disponible dans le monde d'aujourd'hui et en faisiez un grand tas, dans 20 ans ce dernier ne représenterait plus que 3 p. 100 du nouveau total.
Cela donne à réfléchir.
J'ai pris note de vos propos sur l'ère informatique. De même, l'un des témoins a fait état d'un programme de recyclage des chercheurs actuels pour les former au génie logiciel et des retombées de cela.
Lorsque je regarde tout cela et considère ensuite le graphique que vous avez présenté, où la base de la pyramide représente la recherche fondamentale, celle qui nous occupe aujourd'hui, je me demande si ces forces n'obligent pas les milieux de la recherche à repenser complètement le financement de la recherche fondamentale. Je fais là de la théorie, je ne sais pas où cette mutation conceptuelle vous emmènerait. Mais si la curiosité est le moteur de la recherche fondamentale, peut-être faudrait-il établir une sorte de classement par ordre d'intérêt de tous les sujets possibles de recherche, pour que ceux qui éprouvent cette curiosité participent au financement et en recueillent éventuellement les fruits. Je sais que cela va à l'encontre de tout le concept de la recherche pure et désintéressée, mais peut-être faudrait-il le repenser... Peut-être faudrait-il changer certaines choses. Qu'en pensez-vous?
M. Marc Renaud: Tout d'abord, en ce qui concerne l'ère informatique, je suis totalement convaincu que des changements réellement profonds sont en cours. Je suis convaincu que nos petits-enfants n'auront pas la moindre idée de ce qu'était notre monde d'aujourd'hui, tellement il aura été transformé. Comme vous le dites, les emplois ne seront plus les mêmes, le type de préparation—les changements sont énormes.
Dans ce contexte, le mot que j'utilise le plus avec mes collègues des sciences humaines, c'est celui d'utilité. Je leur dis qu'il leur faut démontrer leur utilité. Il faut bien voir que cela représente un changement de mentalité, car par le passé les gens pensaient que s'ils avaient un doctorat... Ils n'étaient pas psychologiquement préparés à expliquer à autrui l'intérêt de ce qu'ils faisaient.
C'est pourquoi au CRSH nous disons aujourd'hui que nous allons continuer à investir dans la recherche alimentée par la curiosité. Je suis un chercheur, et si je ne suis pas curieux, ma recherche ne vaudra rien. Vous devez comprendre.
Je fais partie du groupe qui a travaillé sur les facteurs de la santé au Canada. Nous n'étions pas du tout préoccupés par l'utilité pratique, nous voulions simplement comprendre les gradients de la santé des populations du monde. Cela englobait quantité d'implications politiques, mais ce n'était pas du tout notre intention au début.
Je fais valoir à mes collègues qu'il nous faut modifier un peu notre façon de nous présenter. Nous devons montrer, en fin de compte, ce que rapporte l'argent qui nous est donné.
La présidente: Monsieur Brzustowski, souhaitez-vous ajouter quelque chose?
M. Tom Brzustowski: Merci, madame la présidente. Je dois me séparer ici de mon collègue du CRSH, sur le terrain sémantique. Nous, au CRSNG, n'employons pas l'expression «recherche alimentée par la curiosité», car pour beaucoup de gens cela semble trop trivial. Cette recherche poursuit en réalité des buts précis et nous définissons la recherche fondamentale par une série d'attributs. Nous ne pouvons plus tenir pour acquis que tout le monde va interpréter un adjectif exactement de la même façon.
Il faut bien voir que ce changement de mentalité est déjà entamé. Nous avons, par exemple, le programme de professeurs- chercheurs industriels, où un chercheur pur s'assoit avec un chercheur industriel pour déterminer comment les centres d'intérêt de ce chercheur s'articulent avec la stratégie technologique de la société concernée. S'ils trouvent un terrain commun, la société met son argent sur la table, nous en mettons autant et les ressources sont alors concentrées sur cette recherche fondamentale dont le partenaire industriel escompte quelque utilité.
• 1040
Je suis très heureux de vous dire que le programme existe
depuis 13 ans. Nous avons financé près de 250 de ces projets dans
tout le pays. Les projets durent de cinq à 10 ans et environ 160
sont en cours actuellement. Ce paradigme se porte bien dans le
monde du CRSNG.
La présidente: Monsieur Carty, souhaitez-vous ajouter quelque chose à cela?
M. Arthur Carty: J'aimerais juste ajouter quelques petites choses à cela.
Il importe de ne pas s'obnubiler sur la recherche fondamentale car parfois on se trompe totalement quant à sa nature. Les ingénieurs, dans l'ensemble, font de la recherche appliquée, et ils représentent une partie très importante de la collectivité des chercheurs.
La National Science Foundation aux États-Unis utilise l'expression «sciences fondamentales et technologie» pour bien montrer qu'il y a tout un éventail d'activités à financer dans le domaine des sciences, du génie et de la médecine.
Il faut certainement investir dans le savoir fondamental avant de pouvoir trouver des applications technologiques. Il faut bien voir comment les deux s'articulent, au lieu de seulement parler de recherche alimentée par la curiosité, en particulier.
La présidente: Docteur Friesen, souhaitiez-vous dire un mot à ce sujet?
Le docteur Henry Friesen: Non.
La présidente: Monsieur Lowther?
M. Eric Lowther: Non.
La présidente: Monsieur Lastewka, je vous prie.
M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.): Je prie les témoins d'excuser mon départ, mais je dois aller à la Chambre pendant quelques minutes pour déposer certains documents.
J'ai lu très attentivement les mémoires et j'aimerais couvrir rapidement trois sujets.
On nous répète sans arrêt que les sociétés, particulièrement les filiales, ne font pas de recherche au Canada, mais ce n'est pas différent du comportement des provinces ou même de ce qui se passe dans la région d'Ottawa-Hull. La recherche est habituellement faite au siège social et je pense qu'au cours des cinq ou 10 dernières années il y a même eu un mouvement de centralisation encore plus poussé. Si vous regardez les budgets des provinces et la région d'Ottawa-Hull, la plupart des dépenses de recherche sont effectuées, par exemple, dans la région d'Ottawa-Hull, la région de Québec, la région de Toronto.
Ma préoccupation est pour le reste du Canada: comment faire en sorte que ces autres régions obtiennent également des crédits et profitent de la recherche qui est effectuée dans les capitales des provinces et du pays.
Que pouvons-nous faire pour que les sociétés dépensent davantage dans leurs filiales? Faut-il leur donner une incitation, quelques crédits d'impôt pour la recherche?
Le docteur Henry Friesen: Je vais limiter ma réponse à l'industrie de la biotechnologie pharmaceutique. Je pense que chaque secteur industriel est particulier.
Il y a un élément de vérité dans ce que vous dites, mais de plus en plus, dans l'industrie pharmaceutique, on a recours à la sous-traitance. Les connaissances changent tellement vite. C'est ainsi que démarrent des petites entreprises de biotechnologie qui sont souvent à la fine pointe, les grosses sociétés faisant le tour du monde pour voir où se trouve la meilleure opportunité. C'est ainsi que Glaxo a investi dans BioChem Pharma. La société a saisi lÂoccasion et a investi.
Nous avons encouragé de tels méga-investissements partout dans le pays avec les programmes du CRM et je suis heureux de pouvoir dire que nous en voyons maintenant certains résultats. Le Conseil a conscience de la disparité régionale. L'assise existant dans les différentes régions est variable, et nous avons donc des programmes de partenariats régionaux où nous versons 1 $ pour 2 $ venant des provinces ou d'autres partenaires. Nos collègues des universités peuvent rechercher des partenaires au sein du gouvernement provincial ou, comme c'est le cas plus souvent, dans l'industrie. Nous avons donc réservé ces dernières années un fonds spécial pour essayer de créer des opportunités partout dans le pays, dans les 16 départements universitaires de sciences sanitaires.
Le point que vous soulevez est important. Il faut développer une capacité de recherche d'un bout à l'autre du pays.
• 1045
Il y a un merveilleux exemple de diversité—dont M. Carty a
fait état, je crois—juxtaposé dans le domaine des sciences
médicales à Saskatoon. L'Université de la Saskatchewan a beaucoup
de mal à s'en tirer, alors que juste à côté se trouve un secteur de
biotechnologie agricole compétitif à l'échelle internationale, de
catégorie mondiale. Dans la même ville, quelqu'un a eu la vision et
a rassemblé les ingrédients voulus et la recherche-développement
dans ce secteur connaît un épanouissement phénoménal.
La présidente: Je vous remercie.
Monsieur Carty, aimeriez-vous ajouter un mot à cela?
M. Arthur Carty: Je répondrai de deux façons. Premièrement, l'industrie canadienne n'est pas faite que de grosses sociétés. Il y a une très forte proportion de petites et moyennes entreprises dans notre secteur industriel et elles sont disséminées dans tout le pays. Je pense que le Programme d'aide à la recherche industrielle du CNR fait un excellent travail de soutien de l'innovation dans ces entreprises, pour les aider à grandir.
Certains des exemples qui ont été cités ce matin sont ceux d'entreprises nées au Canada qui ont acquis une très grande envergure et qui investissent beaucoup dans la recherche- développement. BioChem Pharma en est une. On pourrait dire que Newbridge Networks Corporation en est une autre. Il y a 10 ans, Newbridge n'était rien.
Il nous faut créer des compagnies comme celles-ci et avoir des programmes pour les aider à se développer et à innover, de façon à ne pas devoir trop dépendre des multinationales étrangères, aussi importantes soient-elles.
M. Walt Lastewka: Qu'en est-il de l'investissement des multinationales dans leurs filiales canadiennes? Elles tirent profit de beaucoup de choses disponibles au Canada, mais lorsque vient le moment de dépenser leurs fonds de recherche, elles n'en placent que très peu au Canada.
M. Arthur Carty: Permettez-moi de déférer au Dr Friesen, car je pense que, dans le domaine de la santé et de la biotechnologie, vous avez vu des investissements considérables au cours des dernières années, suite aux incitations mises en place et à la modification de la Loi sur les brevets.
Le docteur Henry Friesen: J'inviterais mon collègue, M. LePage, à vous donner deux ou trois exemples en réponse à la réponse de M. Lastewka.
M. Marc LePage (directeur du Développement des affaires, Conseil de recherches médicales du Canada): J'allais dire que sur le plan des avantages, dans le domaine médical, la maladie est un sujet de préoccupation de tous les Canadiens. Si l'on prend les femmes atteintes de cancer du sein, par exemple, il serait curieux que le Dr Labrie travaille seul à Québec avec les multinationales qui le financent—ou le cancer de la prostate ou le SIDA avec BioChem Pharma et Glaxo. Nous avons donc des multinationales et des chercheurs locaux, de chez nous, qui travaillent main dans la main. Les avantages sont industriels, mais il est clair également qu'il y a des avantages sanitaires pour les patients de tout le pays.
Dr Henry Friesen: Il y a le programme de vaccin contre le cancer de Pasteur-Merieux-Connaught. Le programme de Partenariat technologique peut en quelque sorte faciliter cette collaboration, mais c'est un investissement de 300 millions de dollars, dont 60 millions de dollars au Canada.
La présidente: Monsieur Brzustowski, voulez-vous ajouter quelque chose?
M. Tom Brzustowski: Je pense que tout a été dit.
La présidente: D'accord, excellent.
Je vous remercie, monsieur Lastewka.
[Français]
Madame Lalonde, s'il vous plaît.
Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Cela fait longtemps que j'ai le goût d'intervenir. J'ai été fort intéressée par toutes les interventions. Pour reprendre une expression de notre collègue conservateur, il me semble que le Comité permanent de l'industrie devrait dire aux représentants du Conseil national de recherches du Canada qu'ils ne seront pas seuls à demander un accroissement important des investissements en recherche et développement et en innovation technologique, parce qu'on va devoir étudier le document dont nous a parlé M. Renaud, qui a été commandé—je ne le savais pas avant qu'il le dise—par Mme Bourgon et dont j'ai eu un extrait.
Je pense que le comité va exiger de l'avoir au complet. J'en ai eu un extrait simplement parce qu'un journaliste du Citizen a eu ce document en invoquant la Loi sur l'accès à l'information. C'est un chapitre qui s'appelle «Améliorer la productivité». Or, dans ce texte—et je pense que les collègues réformistes seront très intéressés—, on montre que le Canada est à la traîne des pays développés dans l'élément déterminant d'une croissance, qui est une croissance à haut revenu; ils disent que c'est par la productivité totale des facteurs.
• 1050
Or, à l'intérieur de cela, la recherche et le
développement et l'innovation sont extrêmement
importants. Si le Canada n'avait pas été à la traîne, on
n'aurait pas eu besoin de faire les coupures énormes
qu'on a faites. Donc, notre responsabilité est
le développement économique. Le ministère des Finances
s'occupe de la macro-économie; le ministère de
l'Industrie s'occupe, lui, de la micro-économie.
Donc, il faut prévoir le développement. Si on se fie à cette étude, qui est largement documentée, un des éléments de cette croissance, d'une croissance à forte productivité, c'est la recherche et l'innovation, y compris dans le domaine social. J'ai été extrêmement intéressée de voir que les entreprises innovatrices ne sont pas seulement innovatrices dans leurs procédés techniques; elles le sont aussi dans leur gestion de la main-d'oeuvre et, d'une façon générale, dans leur gestion de la connaissance. C'est là que réside l'avantage de l'entreprise.
On doit certainement se demander comment continuer la recherche, parce qu'elle est indispensable non seulement à cause de la compétition, mais aussi à cause du caractère du Canada. Il y a des études de l'OCDE qu'il faudrait avoir au comité. Je suis très contente qu'on se lance là-dedans. L'OCDE établit très clairement que les multinationales font leur recherche dans le pays d'origine, et c'est un des problèmes du Canada: s'il n'y a pas d'investissements gouvernementaux, la recherche ne se fera pas. C'est documenté et c'est clair.
Je m'arrête là et je présenterai une motion plus tard. J'aimerais que M. Renaud nous parle davantage de l'importance de la recherche dans le domaine des sciences humaines pour le développement économique et la cohésion sociale. Du document de Mme Bourgon, j'ai seulement l'extrait intitulé «Améliorer la productivité». Le document commandé par Mme Bourgon s'appelle Croissance, développement humain et cohésion sociale, et il faut l'avoir.
M. Marc Renaud: Merci pour votre commentaire. Il y a peut-être une autre chose que vous devriez lire; c'est un très bon document et je suis surpris que vous ne l'ayez pas lu, parce qu'il commence à circuler beaucoup.
Mme Francine Lalonde: C'est un document interne, monsieur, mais on va se le procurer.
M. Marc Renaud: Il y a un autre texte, qui est probablement le meilleur article que j'aie lu au cours de la dernière année. Il s'agit d'un article de Ralf Dahrendorf, ancien ministre des Finances de Willy Brandt et président de la London School of Economics. Dans ce texte, on dit que les sociétés contemporaines sont confrontées à un défi extraordinaire et on se demande comment on peut arriver simultanément à maximiser la croissance économique, la cohésion sociale et la liberté politique.
Dahrendorf dit qu'en bout de journée, ce n'est pas faisable. Tout ce qu'on peut faire, c'est essayer, en mettant le push sur le développement économique, de ne pas laisser tomber le social, de ne pas développer pas des autoritarismes politiques, etc.
Dahrendorf raconte qu'on a énormément besoin de réflexion et de travaux sur ces grands enjeux du futur et, forcément, cela vient des sciences humaines et sociales, mais en collaboration avec eux. La recherche, c'est précis, ce n'est pas vague. Il faut y aller point par point. Encore une fois, on a un programme sur la table et on est prêts à partir si vous nous aidez.
Mme Francine Lalonde: On va poser la question à nouveau au comité et on va ensuite la poser au sein de notre parti.
[Traduction]
La présidente: Je vous remercie.
Madame Jennings, s'il vous plaît.
[Français]
Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Bonjour. J'aimerais commencer par m'excuser de mon retard de ce matin. Comme d'autres députés, j'ai eu malheureusement une convergence de quelques dossiers en même temps. Je puis toutefois vous assurer que j'ai pris connaissance des mémoires que vous avez déposés. J'aimerais vous entendre sur deux sujets.
On entend parler de plus en plus de partenariat. Le partenariat peut prendre plusieurs formes, mais d'après ce que j'ai compris de vos mémoires, il s'agit souvent d'un partenariat entre des universités ou des centres de recherche, des recherchistes, l'industrie privée et le gouvernement; et quand je parle de gouvernement, je parle autant du gouvernement fédéral que des gouvernements provinciaux.
J'aimerais que vous m'expliquiez la valeur ajoutée de ces partenariats. C'est quelque chose qu'on ne voyait pas il y a 20 ans. On voyait seulement le gouvernement qui subventionnait des recherches ou quelques industries qui avaient leur propre service de recherche et de développement.
• 1055
Comme vous l'avez dit, que ce soit dans les
sciences humaines, dans la science médicale
ou dans d'autres domaines, on voit ce genre de partenariat.
Donc, quand on parle des subventions qui viennent, par
exemple, de la Fondation canadienne pour l'innovation,
quelle est la valeur ajoutée?
[Traduction]
La présidente: Nous commencerons avec M. Brzustowski.
M. Tom Brzustowski: Très brièvement, madame la présidente, il y a trois éléments. Le premier est financier. Chaque partenaire ne paie qu'une fraction du coût, si bien qu'à eux tous ils peuvent faire beaucoup plus. Deuxièmement, le partenariat introduit une phase de planification au cours de laquelle il faut convaincre les partenaires de l'intérêt stratégique de la recherche prévue. C'est très important, car autrement ils ne mettent pas leur argent sur la table. Troisièmement, cela rapproche ceux qui produisent la connaissance de ceux qui l'utilisent. Sur le plan pratique, cela signifie que les chercheurs participant à un partenariat trouvent facilement à s'employer car ils travaillent sur des problèmes qui intéressent les partenaires.
Voilà donc les trois éléments, du point de vue du CRSNG.
La présidente: Monsieur Carty.
[Français]
M. Arthur Carty: Ce sont les mêmes conclusions.
M. Marc Renaud: La notion de partenariat dans les sciences humaines est plus récente. Je dis souvent aux autres qu'ils sont nos grand frères, parce que nous commençons à développer des partenariats.
Au Québec, on a déjà créé 22 centres de recherche en partenariat, non pas avec l'industrie, mais ce pourrait l'être. C'est parfois avec des groupes communautaires sur des questions de santé mentale, par exemple, et parfois avec des établissements de services sociaux. Le résultat est extraordinaire. Premièrement, les questions de recherche changent parce que tout à coup, les gens qui ont besoin des connaissances disent aux chercheurs: Allez donc dans telle direction, car on a besoin de comprendre telle ou telle chose. Les résultats de recherche sont presque automatiquement incorporés aux changements organisationnels. C'est la raison pour laquelle le CRSH, me semble-t-il, doit aussi aller dans cette voie-là, d'autant plus qu'il y a une demande extraordinaire du côté des agences gouvernementales.
[Traduction]
La présidente: Je vous remercie.
Docteur Friesen.
Le docteur Henry Friesen: Dans le secteur de la santé, un des volets des partenariats que vous n'avez pas englobé dans votre liste et qui est très important est le partenariat avec le secteur bénévole—la Société canadienne du cancer... La liste est très longue.
Nous avons des partenariats avec nombre de ces organisations. Ils leur offrent une incitation pour leurs campagnes de levée de fonds car nous offrons le processus d'examen par les pairs, qui représente une garantie de qualité, un étalon or, prouvant que les investissements du donateur sont bien ciblés et adéquats. Il y a une coordination qui assure la cohérence de l'approche. On évite ainsi les doubles emplois dans le processus d'adjudication.
Une autre dimension dont nous apprécions de plus en plus la valeur est la stratégie de communication. La question a été posée de savoir comment faire connaître notre travail. Nous faisons un bon travail, pensons-nous, et nous avons l'obligation de le faire savoir mieux que par le passé. Quelle meilleure façon que par ces partenariats qui représentent, en quelque sorte, l'aval d'une tierce partie? Les dizaines de milliers de bénévoles... la Société canadienne du cancer découvre le CRM pour la première fois.
La présidente: Je vous remercie.
Madame Jennings.
Mme Marlene Jennings: Je vous remercie. J'apprécie ces réponses.
J'aimerais explorer un autre sujet avec vous, ou plutôt vous entendre l'explorer. Il est paru un article dans la Gazette d'aujourd'hui traitant d'une étude d'impact économique effectuée pour l'Université McGill qui détermine le rendement pour le Québec des fonds de recherche versés à l'Université—en provenance du gouvernement fédéral, de la province, de l'industrie, du secteur privé, droits de scolarité et dépenses des étudiants compris.
Aujourd'hui on exige de plus en plus de voir les résultats, et les subventions de recherche sont assorties de certains moyens de contrôle pour déterminer que les résultats sont bien ce qu'ils sont censés être. On s'intéresse également au rendement économique.
Est-ce que, au moment de financer des recherches, vous prenez en considération l'impact économique de la subvention, du projet de recherche ou du programme, non seulement sur la collectivité immédiate mais la société en général, ou un secteur particulier?
La présidente: Monsieur Brzustowski.
M. Tom Brzustowski: C'est une question qui nous intéresse. Les conseils sont en train de mettre au point des indicateurs de performance.
Plus particulièrement, pour répondre à votre question, l'impact à long terme de la recherche fondamentale peut le mieux être évalué rétrospectivement. De fait, de nombreuses études—le CRSNG en a effectué une et vous avez entendu l'exemple de BioChem Pharma—ont permis de situer le point de départ de compagnies, avec les emplois qu'elles assurent, leur chiffre d'affaires et la valeur qu'elles apportent à l'économie, comme étant des investissements dans la recherche fondamentale effectués peut-être 20 ans auparavant. Nous avons donc cela.
Deuxièmement, une très grande partie des crédits que le CRSNG alloue aux chercheurs passe en salaires de chargés de recherche, de techniciens, d'étudiants de doctorat, etc. Cet argent retombe dans l'économie de la même façon que tout autre salaire, à la différence qu'il s'agit là de gens qui très souvent ont besoin de services anticipés. Ils créent eux-mêmes une demande pour de nouveaux développements, si bien que ces salaires ont un effet multiplicateur plus grand que d'autres.
Nous avons également des études, la plus récente dans le domaine de la physique, qui permettent de conclure, rien qu'en regardant la formation de compagnies, de produits et de débouchés, que le retour sur l'investissement est de l'ordre de six fois le montant réellement dépensé pour la recherche. N'oubliez pas que nous ne payons que les coûts directs, si bien qu'il y a un effet multiplicateur lorsque d'autres paient les coûts indirects. Mais cet effet multiplicateur s'exerce localement. Les avantages sont tous locaux. Nous portons un intérêt à ces considérations et nous travaillons beaucoup là-dessus.
La présidente: Je vous remercie, monsieur Brzustowski.
Docteur Friesen.
Le docteur Henry Friesen: L'un des autres avantages, bien entendu, prend la forme d'une meilleure santé de la population. En guise de rappel, dans nos conversations avec le directeur de l'Hôpital pour enfants, celui-ci nous a dit qu'au cours de la dernière décennie son hôpital, le plus gros hôpital pour enfants, est passé de quelque 700 lits à 300 lits. Avec les améliorations qu'il escompte, le nombre va tomber à 250. Cela signifie donc qu'il y a 500 enfants de plus qui dorment chez eux au lieu d'être à l'hôpital, grâce aux progrès réalisés. Ce n'est là qu'une petite dimension du genre de progrès réalisés.
Songez aux améliorations sur le plan des greffes. Au lieu de dialyser les gens interminablement pendant des années, nous pouvons greffer. Les progrès de l'immunologie permettent à ces patients de mener une vie productive. On pourrait dresser une très longue liste des interventions qui ont été rendues possibles par la recherche et qui ont littéralement transformé la vie de malades innombrables dans le monde.
La présidente: Je vous remercie.
Monsieur Carty, vouliez-vous ajouter quelque chose?
M. Arthur Carty: J'ajouterai simplement que nous cherchons tous à mesurer notre performance. Nous entendons par là notre rayon d'action, les organisations que nous touchons et l'effet que nous avons sur ces organisations, l'impact des résultats de recherche et des technologies que nous produisons. Tout cela est un élément essentiel du travail de tous les conseils. Il occupe une place de plus en plus importante dans nos rapports annuels.
La présidente: Je vous remercie.
Monsieur Renaud.
M. Marc Renaud: Je n'ai pas grand-chose à ajouter. Cette question des indicateurs de performance est cruciale. Nous serions ravis de vous communiquer la documentation que nous avons.
Nous cherchons à mesurer le rendement de nos investissements. Encore une fois, ce n'est pas facile, mais il faut le faire. Nous serions ravis de vous transmettre cette documentation.
La présidente: Je vous remercie.
Si les témoins veulent bien patienter, il était prévu initialement que nous levions la séance à 11 heures, mais si vous pouviez rester 10 minutes de plus, nous avons deux autres membres qui aimeraient poser des questions, si cela vous convient. Si quelqu'un doit partir, nous comprendrons.
Monsieur Schmidt.
M. Werner Schmidt: Je vous remercie. J'ai une question pour le Dr Friesen.
Le comité a examiné le projet de loi C-91 et la protection par brevet pendant 20 ans. Vous êtes l'un des bénéficiaires de l'argent qui devait être investi dans la recherche. Avez-vous eu de la difficulté à obtenir cet argent des compagnies pharmaceutiques? Sinon, pourquoi avez-vous jugé nécessaire de conclure un contrat juridique avec elles? Est-ce que les modalités d'octroi des crédits de recherche aux compagnies pharmaceutiques sont les mêmes que celles des autres conseils, du point de vue de l'examen par les pairs?
Le docteur Henry Friesen: Oui, effectivement, nous avons entamé des négociations et conclu un accord juridique avec les compagnies pharmaceutiques innovatrices. Cet accord, en substance, fixait un objectif d'investissement de 200 millions de dollars de la part des compagnies, sur une période de cinq ans, le CRM apportant 1 $ pour 4 $ contribués par l'industrie.
Oui, nous avons eu de la difficulté à atteindre cet objectif. Les choses ont démarré lentement. Il y a une mutation culturelle. J'en ai fait état dans mon exposé.
Je pense que nous aurons vraiment du mal à atteindre cet objectif, partiellement en raison de la lenteur du démarrage. Nous sommes actuellement à 120 millions, 130 millions de dollars, je crois. Il nous reste à peu près un an. Il reste un gros écart à combler. En dépit de tous nos efforts, nous allons rester un peu en deçà. Nous arriverons peut-être au chiffre de 190 millions à 200 millions de dollars, sur l'objectif conjoint de 250 millions de dollars. Néanmoins, cela représente une somme très substantielle. Je suis déçu, et je crois que l'industrie est déçue, par la lenteur du démarrage.
Je rappelle aux membres du comité que c'est le seul programme de ce genre dans le monde si bien que, pour en revenir à la remarque de M. Carty, nous avons été pas mal ingénieux. Il nous fallait un accord juridique car lorsque vous parlez de sommes de cette importance, il est bon que les choses soient clairement exprimées sous forme de contrat.
Même avec un contrat, je dois vous dire qu'il y a quelques interprétations divergentes de part et d'autre. Je pense qu'il y a là des leçons à apprendre.
Vous aviez une troisième question?
M. Werner Schmidt: Oui, il s'agit de—
Dr Henry Friesen: L'examen par les pairs.
M. Werner Schmidt: Oui.
Le docteur Henry Friesen: L'examen par les pairs est tout aussi rigoureux. L'approche diffère quelque peu en ce sens que, manifestement, les conditions de la recherche sont un peu différentes. Le CRM gère exclusivement l'examen par les pairs. Cela est de notre ressort. Nous posons des questions telles que: La recherche est-elle intéressante? Est-elle scientifiquement valide? Est-elle novatrice? Les mêmes critères s'appliquent-ils à tous nos programmes?
Nous avons offert—c'est assez intéressant—une méthode d'évaluation accélérée dans un délai de 60 jours. Nous avons dit qu'il n'y avait pas de raison de ne pas pouvoir offrir une évaluation de qualité dans un délai plus court. C'est une innovation importante et l'industrie l'apprécie.
M. Werner Schmidt: Merci beaucoup.
La présidente: Je vous remercie, monsieur Schmidt.
Monsieur Bellemare, brièvement, s'il vous plaît.
M. Eugène Bellemare (Carleton—Gloucester, Lib.): Je vous remercie.
Très brièvement, vous avez parlé en détail de la mécanique et vous avez été très convaincant. Je pense que vous aurez une équipe de supporters enthousiastes dans ce comité.
Manifestement, le problème en est un d'argent. Évidemment, vous semblez toujours être en train de mendier, ce qui est humiliant vu le travail que vous faites. Vous êtes obligés de tendre la main.
J'ai quelques idées sur des façons différentes d'écorcher le chat. Au lieu de simplement donner de l'argent—uniquement de l'argent—nous pourrions aussi modifier le régime fiscal de façon à donner aux sociétés et particuliers des incitations à investir ou à faire des dons, selon le cas. Nous pourrions même avoir des mesures fiscales coercitives exigeant que quiconque fait affaire au Canada verse une partie de son chiffre d'affaires pour la recherche-développement, soit à l'interne, soit par le biais de ces organismes que vous représentez.
M. Tom Brzustowski: Madame la présidente, j'ai une réponse toute prête à cela. Je laisse mes collègues parler de la générosité de nos crédits d'impôt pour la R-D.
S'agissant de susciter la relève, la prochaine génération, ce serait un progrès énorme si, par exemple, les bourses accordées par les conseils subventionnaires étaient de nouveau exonérées d'impôt. Cela ferait une énorme différence pour les jeunes.
La présidente: Je vous remercie. Monsieur Carty, avez-vous quelque chose à ajouter?
M. Arthur Carty: Simplement pour dire que j'ai entendu différentes communications ces trois dernières années sur les crédits de R-D, les crédits de RS et de DE et il semble que le Canada, à tout le moins en principe, est l'un des pays les plus compétitifs du monde en matière de crédits d'impôt pour la recherche et le développement.
• 1110
J'ai entendu récemment—et mes collègues aussi, ai-je
l'impression—des récits de difficultés avec les crédits d'impôt
pour la recherche scientifique et le développement expérimental. À
cause de l'interprétation que Revenu Canada donne, par exemple, de
la recherche, les définitions de la recherche sont parfois un peu
bizarres. Par exemple, il y a des cas où Revenu Canada a décidé
qu'un investissement effectué par une société dans une chaire de
recherche universitaire cofinancée par le CRSNG n'est pas de la
recherche. Eh bien, j'ai bien du mal à voir comment Revenu Canada
a pu parvenir à cette décision.
Il y a donc des problèmes.
La présidente: Monsieur Renaud.
M. Marc Renaud: Vous venez de m'apprendre une nouvelle expression: «écorcher le chat»; comment écorchez le chat d'une autre façon? Les crédits d'impôt peuvent être réellement utiles, mais nous ne les utilisons pas dans le domaine des sciences sociales parce que les gouvernements, pour quelque raison, ont toujours pensé qu'ils n'étaient pas fait pour nous. Pourtant, ce que Tom vient de dire au sujet des bourses est parfaitement vrai. Cela ferait une énorme différence.
Ce que j'ai dit tout à l'heure au sujet de l'industrie pharmaceutique et de la nécessité d'investir dans la recherche sociale sur les médicaments—encore une fois, la pharmaco-vigilance, la pharmaco-économie... Nous avons établi un centre national d'excellence pour le télé-apprentissage. On y met au point des logiciels mettant en liaison des gens de tout le pays et du monde entier pour en apprendre davantage là-dessus. C'est merveilleux. Là encore, pas de crédits d'impôt. Ce pourrait être très utile.
La présidente: Docteur Friesen.
Le docteur Henry Friesen: À ce sujet, l'OCDE admet que ce type d'études bénéficie de crédits d'impôt; pas le Canada. Ce pourrait être une intervention très importante et très utile de votre comité pour le compte de l'industrie pharmaceutique. Ce genre d'études souligne réellement l'importance de faire en sorte que lorsque des innovations scientifiques surviennent, le système de crédits d'impôt suive.
Les possibilités de capital-risque ont réellement... le régime fiscal canadien, le système de fonds de capital-risque de travailleurs a très largement contribué au lancement de nombre des innovations dont j'ai parlé. Certains ajustements ont été apportés, je pense. Peut-être est-on allé trop loin dans certains cas, mais il est clair que cela a transformé le paysage du capital-risque et a été le moteur de certains développements dans ce pays. J'applaudis à ce régime.
La présidente: Madame Alarie, une dernière question.
[Français]
Mme Hélène Alarie: Je vais poursuivre sur la question que j'ai posée. Je la développe, parce que j'ai entendu des renseignements bien intéressants. Les indices de rendement, la recherche fondamentale, tout cela me pose un petit problème et je pense que cela pose aussi un problème à certains chercheurs. Ils ont un projet de quatre ans en science fondamentale, mais ils auraient parfois besoin de huit ou douze ans. Je ne sais pas depuis combien d'années on fait de la recherche sur le sida, mais s'il y a un indice de rendement, comment peut-on l'appliquer en recherche fondamentale? Est-ce qu'on est plus tolérant? Autrement, on pourrait mettre dans une insécurité très grande les chercheurs qui travaillent avec une équipe et qui se disent qu'au bout de quatre ans, on va examiner leur rendement alors que le problème sera toujours aussi grand.
[Traduction]
La présidente: Monsieur Renaud.
[Français]
M. Marc Renaud: La recherche est, par définition, un métier où il n'y a pas beaucoup de sécurité. On gagne ou on perd, et on se concurrence. Ce qu'il faut bien voir, c'est que le système de revue par les pairs est un système de jugement. Pour les équipes de recherche, la durée du projet peut être de 10 ans, parce que c'est une question tellement compliquée qu'il faut travailler 10 ans avant d'aboutir à quelque chose. Donc, il est très important que nous leur demandions de revenir tous les trois ans devant le jury pour voir si cela progresse correctement.
Je pense que c'est la manière la plus équitable de dépenser les fonds publics. On ne peut prendre un risque sur une entreprise de 10 ans en se fermant les yeux. Il faut absolument exiger des chercheurs qu'ils soient compétitifs et qu'ils se tiennent à jour. C'est la règle du jeu.
[Traduction]
La présidente: Monsieur Carty.
[Français]
M. Arthur Carty: Il y a des rendements immédiats et des rendements à long terme. Pour le court terme, il y a par exemple les publications, les brevets, les rapports, les présentations lors de conférences. C'est l'impact immédiat qui peut être assujetti à la revue par les pairs.
• 1115
Pour l'impact de la technologie, c'est plutôt sur le
long terme. Il faut regarder les autres mesures: la
création de compagnies, par exemple, les revenus de
licences et les royautés. C'est
compliqué, mais on peut mesurer les impacts et les
rendements immédiats par les publications et les choses
scientifiques et techniques.
[Traduction]
La présidente: Monsieur Brzustowski, avez-vous quelque chose à ajouter?
M. Tom Brzustowski: Non. Je pense que tout a été dit.
La présidente: Docteur Friesen?
Le docteur Henry Friesen: Non.
La présidente: Je tiens à remercier les témoins d'être venus nous rencontrer aujourd'hui. La séance a été très intéressante. Nous tenions à vous entendre. Veuillez nous excuser du court préavis, mais nous voulions vous rencontrer avant le congé de Noël afin que nous puissions emporter avec nous quelques matières à réflexion au moment d'entamer notre recherche fondamentale sur le volet recherche de notre nouveau programme de travail. Nous vous remercions d'être venus et de cette conversation très enrichissante.
Nous allons avoir un petit congé. Cela nous donnera l'occasion, en janvier, de revoir ce qui a été dit aujourd'hui et ce qui a été dit en octobre par l'AUCC et de mettre en route quelques processus mentaux pour février. C'est un congé, mais nous allons quand même travailler.
Merci beaucoup.
Je rappelle aux membres du comité que nous allons poursuivre à huis clos pour discuter de notre étude à long terme, à cause des problèmes que nous avons eus mardi avec le dépôt simultané de nos projets de loi à la Chambre.
[Note de la rédaction—La séance se poursuit à huis clos]