INDY Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON INDUSTRY
COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 11 mars 1999
La présidente (Mme Susan Whelan (Essex, Lib.)): La séance est ouverte. Conformément à un ordre de renvoi de la Chambre en date du mardi 3 novembre 1999, nous faisons l'examen du projet de loi C-54, loi visant à faciliter et promouvoir le commerce électronique en protégeant les renseignements personnels recueillis, utilisés ou communiqués dans certaines circonstances, en prévoyant l'utilisation de moyens électroniques pour communiquer ou enregistrer de l'information et des transactions et en modifiant la Loi sur la preuve au Canada, la Loi sur les textes réglementaires et la Loi sur la révision des lois.
[Français]
Madame Lalonde.
Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): J'aimerais faire appel au Règlement.
Ce matin, vous m'avez dit que M. Frémont qui, d'après moi, avait été invité à comparaître, n'avait été rejoint que pour chercher à fixer une date pour la tenue d'un panel plus large. Or, j'ai communiqué avec M. Frémont et il m'a dit qu'il avait bel et bien été invité à comparaître jeudi matin. C'est tellement vrai qu'il a reçu une confirmation à cet égard, dont j'ai ici la copie.
Madame la présidente, j'ai parlé à quelques-uns de mes collègues et ils ont dit n'avoir jamais vu une telle situation, à savoir que quelqu'un dont on avait confirmé la présence se soit ensuite fait dire: «Ne venez pas. On va essayer de prévoir une autre date.» J'aimerais bien savoir ce qui s'est passé entre la convocation qu'on a reçue le mardi à 17 h 05 et celle reçue le mercredi à 8 h 37. La confirmation à cet égard remonte au 9 mars.
Madame la présidente, quoi qu'il en soit, je voudrais bien que vous écriviez ou qu'on écrive à M. Frémont pour lui présenter des excuses parce qu'il me semble que ce n'est pas une façon de procéder avec un témoin. Je tiens à ce qu'on prenne toutes les dispositions pour que nous puissions l'entendre, qu'il soit seul ou avec d'autres.
[Traduction]
La présidente: Madame Lalonde, comme je l'ai déjà expliqué aujourd'hui, la comparution de M. Frémont ce matin n'était pas confirmée. Nous l'avons invité à comparaître et avons fixé sa comparution, de façon provisoire, à ce matin. L'ordre du jour a été envoyé par mégarde, puisqu'on n'y voit qu'un seul nom. M. Frémont devait faire partie d'un groupe de trois témoins. S'il y a eu confirmation, c'est également par mégarde.
La greffière a parlé à M. Frémont. Il est prêt à venir nous rencontrer la semaine prochaine. Elle lui a parlé depuis la réunion de ce matin, un peu plus tôt cet après-midi. Cela ne semble pas lui causer de problème.
Je n'avais pas confirmé la comparution de M. Frémont pour ce matin et je vous prie de m'excuser. Je ne connais pas le document que vous me montrez. Je ne l'ai pas envoyé.
Mme Francine Lalonde: On a un grave problème au sein de ce comité. Quand la greffière confirme quelque chose, cela représente une confirmation officielle. On ne peut avoir plus officiel que ça.
Je demande qu'on fasse des copies de ce document et qu'on les distribue.
[Traduction]
La présidente: La greffière vient de l'expliquer, tout comme elle l'a expliqué à M. Frémont. Il s'agit d'un avis de confirmation qui a été envoyé par inadvertance. Comme vous le voyez, il n'aurait pas dû être envoyé. Il devait y avoir trois témoins. Puisqu'un seul a pu confirmer qu'il pouvait venir ce matin, nous avons décidé de retarder la séance. Je l'ai expliqué très clairement ce matin, madame Lalonde.
[Français]
Mme Francine Lalonde: Mais vous m'avez...
[Traduction]
La présidente: Je vous signale que nous avons déjà annulé d'autres réunions par le passé. Nous avons annulé la réunion qui devait se tenir le jour du budget et à laquelle nous devions entendre deux témoins dont la comparution avait été confirmée depuis deux semaines. Cela se produit de temps à autre. Cela n'a rien d'inhabituel.
M. Frémont a été informé lorsqu'il a été invité à comparaître qu'il fera partie d'un groupe de trois témoins.
Je ne veux plus discuter de cela. Nous avons des témoins qui attendent. Si vous voulez retarder la comparution du deuxième groupe, allez-y, continuez de parler.
[Français]
Mme Francine Lalonde: Je ne veux pas du tout retarder la comparution des témoins qui sont ici cet après-midi. Je veux toutefois que le comité se comporte comme il se doit avec les témoins.
[Traduction]
La présidente: Nous faisons les choses comme il se doit, madame Lalonde. La greffière fait ce qu'elle peut. Elle a une adjointe. Il arrive parfois que des erreurs se glissent.
[Français]
Mme Francine Lalonde: Elle l'a fait hier.
[Traduction]
La présidente: Excusez-moi?
[Français]
Mme Francine Lalonde: Je ne la blâme pas, mais je constate qu'il y avait une confirmation.
[Traduction]
La présidente: La greffière a expliqué à plusieurs reprises que M. Frémont est prêt à venir la semaine prochaine. Nous sommes en train de fixer l'heure et la date. Nous avons proposé différentes heures et différentes dates à tous nos témoins.
Cela dit, j'ai le plaisir de souhaiter la bienvenue à nos témoins. Il s'agit des représentants de l'Association canadienne des compagnies d'assurance de personnes, M. Mark Daniels, président, M. Jean-Pierre Bernier, vice-président et avocat général, et M. Charles Black conseiller principal, Opérations des assurances. Je vous souhaite la bienvenue à tous les trois.
Les membres du comité devraient tous avoir reçu, à l'avance, à leur bureau, un mémoire détaillé. Monsieur Daniels, je crois savoir que vous avez également une déclaration préliminaire pour accompagner ce mémoire.
M. Mark Daniels (président, Association canadienne des compagnies d'assurance de personnes): Merci, madame la présidente. Nous sommes heureux d'avoir l'occasion de participer aux délibérations du comité permanent de l'industrie au sujet du projet de loi C-54.
Tout d'abord, permettez-moi de dire quelques mots au sujet des collègues qui m'accompagnent aujourd'hui.
Charles Black est le conseiller principal de l'Association en matière d'opérations des assurances. M. Black est actuaire et il a travaillé de très près, depuis bon nombre d'années, aux questions relatives à la protection de la vie privée dans l'assurance de personnes. Par exemple, il était l'un des représentants de notre industrie à participer à l'élaboration du code type de la CSA sur la protection des renseignements personnels.
Jean-Pierre Bernier est l'avocat général de l'association. M. Bernier possède une vaste expérience des questions juridiques qui touchent notre industrie, ce qui lui confère une compétence considérable dans le domaine de la protection de la vie privée, puisqu'il connaît également la loi québécoise dans ce domaine.
Tout cela pour dire, madame la présidente, que je ne suis ici, en fin de compte, que pour apporter les verres d'eau à mes deux collègues, qui connaissent de façon beaucoup plus détaillée que moi cette mesure législative.
Depuis bon nombre d'années, votre comité joue un rôle important dans l'élaboration de la politique gouvernementale qui influe sur l'économie et la société canadiennes. Notre propre industrie a déjà témoigné devant votre comité au sujet d'un certain nombre de questions importantes par le passé. C'est pourquoi nous avons été très heureux de votre récente invitation à contribuer de façon constructive aux travaux de votre comité, dans l'élaboration de votre rapport au Parlement sur cette mesure législative délicate, complexe et indispensable.
Si vous me le permettez, madame la présidente, je me limiterai à quelques remarques d'introduction avant de donner la parole à M. Black, qui fera part au comité des opinions et des recommandations de notre industrie au sujet du projet de loi C-54. M. Bernier fera ensuite quelques remarques pour conclure. Nos observations suivront de près le mémoire qui a été distribué au comité.
Je signale d'emblée que notre mémoire et nos observations ne portent que sur les aspects du projet de loi C-54 relatifs à la vie privée. En outre, ces observations portent principalement sur la version du projet de loi C-54 qui a été déposé en octobre. Nous savons que le secrétaire parlementaire a récemment présenté 25 amendements au nom du gouvernement. Nous aborderons certains de ces amendements dans nos remarques de cet après-midi.
Pour vous décrire le décor, l'Association canadienne des compagnies d'assurance de personnes représente 84 sociétés d'assurance de personnes. Celles-ci représentent environ 90 p. 100 de toutes les assurances de personnes en vigueur au Canada. Notre industrie dessert plus de 20 millions de Canadiens et environ 20 millions d'autres personnes à l'étranger.
• 1540
Depuis plus d'un siècle, les assureurs de personnes du Canada
traitent des renseignements personnels sur les Canadiens. De par sa
nature même, une grande partie des renseignements échangés entre
les sociétés et leurs clients ont un caractère personnel. Notre
industrie reconnaît depuis longtemps que la protection du caractère
confidentiel de ces renseignements est une condition absolue à
l'accès à ces renseignements.
Enfin, notre industrie n'aurait pu survivre sans la confiance des Canadiens. Par conséquent, madame la présidente, les assureurs de personnes ont joué un rôle de leader dans l'élaboration de normes et de méthodes applicables à la bonne gérance des renseignements personnels.
En 1980, nous avons adopté des lignes directrices sur le droit à la vie privée, qui sont, à ma connaissance, le premier code de protection des renseignements personnels adopté par une industrie canadienne. Notre industrie continue de mettre à jour ces lignes directrices, la dernière fois en 1993, et des raffinements leur seront apportés au cours des mois à venir pour tenir compte des nouvelles exigences découlant du projet de loi C-54.
Compte tenu du caractère international de nos entreprises, l'ACCAP, de concert avec ses homologues américains, a exhorté les gouvernements canadien et américain à adopter les principes de protection des renseignements personnels élaborés par l'OCDE. Ces principes ont été adoptés par le Canada en 1984.
En 1991, l'industrie a inclus dans son code de déontologie une disposition qui oblige ses membres à «respecter le droit à la vie privée des clients en utilisant les renseignements personnels obtenus sur ces derniers uniquement à des fins permises et en les divulguant qu'à des personnes autorisées». Le respect de cette disposition est, je le signale, l'une des exigences auxquelles doivent se plier les membres de l'ACCAP.
À l'heure actuelle, nous travaillons en étroite collaboration avec le ministère fédéral des Finances au sujet du rapport du groupe de travail MacKay et de l'élaboration éventuelle de règles sur la protection des renseignements personnels sous le régime de la Loi sur les sociétés d'assurance. Le comité doit également être informé de ce que plusieurs représentants de l'industrie de l'assurance de personnes ont participé activement, de concert avec les gouvernements, les syndicats et les groupes de consommateurs, à l'élaboration du code type de la CSA sur la protection des renseignements personnels. Ce code général et multi-sectoriel représente un grand progrès dans la protection des renseignements personnels au Canada, puisqu'il a servi de base à la partie 1 du projet de loi C-54.
L'un des avantages essentiels du Code de la CSA, c'est l'équilibre entre la protection de la vie privée et la promotion d'un commerce plus efficace. Le projet de loi C-54 est fondé sur les bons principes de la protection de la vie privée tels qu'ils figurent dans le Code de la CSA, mais cette mesure contient plusieurs inconvénients pratiques qui nous préoccupent. En particulier, l'équilibre présent dans le Code de la CSA de protection de la vie privée fait défaut dans le projet de loi C-54.
Dans ce contexte, madame la présidente. Nous faisons au comité un certain nombre de recommandations qui, à notre avis, devraient améliorer l'applicabilité de la loi. Je vais maintenant demander à M. Black de présenter nos recommandations concernant le projet de loi C-54.
La présidente: Monsieur Black.
M. Charles Black (conseiller principal, opération des assurances, Association canadienne des compagnies d'assurance de personne): Merci, madame la présidente. Je remercie également les membres du comité.
Je tiens à vous rassurer d'emblée: je n'ai pas l'intention de vous exposer les commentaires détaillés qui figurent dans notre mémoire, mais je voudrais, au cours des prochaines minutes vous présenter le contexte des commentaires qui apparaissent au chapitre 3 de notre document.
Comme nous l'indiquons à l'annexe C, les compagnies d'assurance de personnes fonctionnent à l'échelle nationale et transigent avec un très nombre de Canadiens. Les assureurs canadiens sont en outre très présents au niveau international. Les activités d'assurance de personnes comprennent des situations tout à fait personnelles, comme la planification financière en prévision du décès, le traitement des demandes d'invalidité, le remboursement des frais de médicaments sur ordonnance et d'autres frais pour soins de santé, etc. Ces opérations comportent des milliers de transactions à traiter tous les jours ouvrables. Ces transactions sont très diverses par nature, et c'est pourquoi les assureurs ont besoin de renseignements personnels.
Par exemple, dans le cadre d'une police de d'assurance-vie personnelle, en particulier si elle porte sur une forte somme d'argent, il faut recueillir des renseignements détaillés lorsque le client contracte une police d'assurance, et cette information peut servir à évaluer son admissibilité; ensuite, le dossier peut rester inactif pendant plusieurs décennies, jusqu'au décès de l'assuré. En revanche, dans de nombreux régimes d'assurance collective d'employés, l'assureur ne recueille pratiquement aucun renseignement personnel, pas même le nom ni l'adresse des assurés, jusqu'à ce que ceux-ci présentent une demande de remboursement du coût d'un médicament obtenu sur ordonnance, par exemple. À ce moment, il faut évidemment recueillir suffisamment d'information pour pouvoir traiter la demande.
• 1545
Comme l'a dit M. Daniels, les assureurs reconnaissent depuis
des années qu'il faut préserver la confidentialité des
renseignements personnels et ils ont pris d'importantes mesures à
cette fin. Nous pensons de façon générale que ces efforts ont porté
fruit. Du reste, le Groupe de travail fédéral sur l'avenir du
secteur des services financiers au Canada, qui a étudié cette
question en détail en est venu à la même conclusion.
Dans la suite de notre exposé, je vous ferai part, si j'en ai le temps, de certaines expériences qu'a connues notre centre d'aide aux consommateurs.
Nous constatons aussi qu'à cause des progrès rapides de la technologie, de la mise en oeuvre de la directive européenne et de divers autres facteurs, il est souhaitable d'élaborer des systèmes plus vastes pour protéger les renseignements personnels, comme le Code de la CSA, auquel nous avons participé activement, ou ce projet de loi.
Comme nous l'indiquons dans notre mémoire, nous avons étudié ce projet de loi en fonction de l'expérience du secteur des assurances et en fonction de divers critères qui résultent de cette expérience. J'insiste sur le fait que nous approuvons les objectifs du projet de loi et le recours au modèle de la CSA en tant que fondement de la mesure législative. Les principes de ce code permettent d'appliquer une loi souple et efficace de protection de la vie privée dans le secteur privé.
Cependant, comme nous l'indiquons au chapitre 3, nous nous préoccupons de certains aspects pratiques du projet de loi et nous pensons qu'il faudrait s'efforcer de les améliorer. Par exemple, plusieurs dispositions du projet de loi sont très difficiles à interpréter; c'est notamment le cas des dispositions sur l'application et la mise en oeuvre. À notre avis, ce manque de clarté nuit sérieusement à la compréhension du projet de loi et risque de rendre sa mise en oeuvre et son application plus difficile.
Tel qu'indiqué, les assureurs de personnes s'adonnent à des activités d'envergure nationale, et un bon nombre de leurs transactions quotidiennes consistent à recueillir, à utiliser et à divulguer des renseignements personnels à l'échelle intraprovinciale, interprovinciale et internationale. Une de nos principales préoccupations tient au fait que nous croyons qu'il nous faut coordonner ou harmoniser cette mesure législative avec toute autre mesure législative provinciale ou territoriale afin d'éviter un double emploi inutile et de semer la confusion parmi les consommateurs, les organisations et les organismes de réglementation.
D'après ce que nous en comprenons, nous estimons que les dispositions actuelles du projet de loi C-54 qui visent l'harmonisation seraient en grande partie inutiles pour des organisations comme les assureurs de personnes dont les activités sont nationales. À notre avis, il faut manifestement déployer plus d'efforts sur ce front.
De façon générale, ces assureurs recueillent, utilisent et divulguent des renseignements personnels moyennant le consentement des intéressés et ils leur assurent également l'accès aux renseignements qui les concernent. Ces principes, je le souligne, sont les éléments clés des directives de notre secteur. Il arrive cependant que ces procédures ne soient pas appropriées. On tient compte de certains de ces cas aux articles 7 et 9 du projet de loi, mais ces dispositions ne sont pas appropriées, à notre avis, et ne tiennent pas compte, comme elles le devraient, de l'équilibre à maintenir entre les besoins des particuliers, des collectivités et des organisations.
Notre mémoire expose plusieurs exemples. Pour gagner du temps, je n'en citerai qu'un. Les mesures dissuasives pour éviter les pratiques frauduleuses et trompeuses et la détection de ces pratiques. L'effet des ces pratiques sur le secteur de l'assurance et bien sûr sur d'autres services financiers peut être extrêmement néfaste, et il est essentiel de faire des efforts pour les réduire au minimum.
À ce propos, le récent rapport du groupe de travail fédéral sur l'avenir du secteur des services financiers canadien contient la citation suivante dans le document intitulé «Accroître le pouvoir du consommateur»:
-
Les délits de fraude posent un problème aux institutions
financières, et celles-ci doivent être en mesure de se protéger, ce
dont profitent aussi les consommateurs.
Comme nous l'indiquons dans notre mémoire, les pratiques frauduleuses et trompeuses peuvent avoir des origines diverses, notamment un très petit nombre de consommateurs, de fournisseurs de services et d'autres parties qui n'ont pas de liens contractuels directs. Nous ne pensons pas que les efforts déployés pour réprimer ces pratiques doivent contrecarrer les efforts déployés pour protéger les renseignements personnels, mais nous craignons vraiment que les dispositions actuelles du projet de loi C-54 n'aient cet effet.
• 1550
Notre mémoire contient également différentes autres
observations et recommandations en vue d'améliorer le projet de
loi, et nous avons confiance que vous y accorderez toute
l'attention voulue. Je rappelle que nous estimons que ces
améliorations peuvent être apportées et sont nécessaires pour
atteindre les objectifs du projet de loi. Elles prévoient une
protection efficace et complète des renseignements personnels ainsi
que la promotion d'activités commerciales efficiente.
L'association est tout à fait disposée à collaborer avec le comité et avec d'autres à cet égard, si cela peut vous être utile.
Merci.
J'invite maintenant mon collègue, M. Jean-Pierre Bernier, à prendre la parole.
[Français]
M. Jean-Pierre Bernier (vice-président et avocat général, Association canadienne des compagnies d'assurance de personnes): Madame la présidente, l'ACCAP remercie le comité de lui permettre de faire connaître ses vues sur le projet de loi C-54, lesquelles se fondent sur son expérience en matière de protection des renseignements personnels et sur l'examen de ce projet de loi effectué jusqu'à maintenant.
L'ACCAP appuie sans réserves les principes touchant le respect de la vie privée mis de l'avant dans le projet de loi et qui se fondent sur le code de la CSA. Nous estimons toutefois que, dans sa forme actuelle, le projet de loi présente d'importantes failles sur le plan pratique. Celles-ci doivent être éliminées pour que puisse être atteint l'équilibre entre les deux objectifs suivants qui sont, d'une part, de protéger adéquatement les renseignements personnels et, d'autre part, de promouvoir de bonnes pratiques dans le cadre de la commercialisation de produits et services aux Canadiens, y compris celle par voie électronique. Je vous remercie de votre attention.
[Traduction]
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Bernier.
Nous allons entamer la période des questions. Monsieur Lowther, avez-vous des questions?
M. Eric Lowther (Calgary-Centre, Réf.): Oui, j'ai une question pour M. Black. J'ai bien noté ses observations au sujet des préoccupations qu'il a quant aux efforts déployés pour détecter la fraude et la réprimer.
Dans votre document, il est question d'un cas dans une banlieue montréalaise où quelqu'un a soumis de fausses réclamations auprès de différents assureurs. Il est inutile que nous entrions dans les détails de cette affaire à moins que vous le jugiez nécessaire, mais je me demande, parce que l'affaire ne s'arrête pas vraiment là, comment, d'après vous, cette mesure législative aurait permis d'éviter ce genre de problèmes. Si elle avait déjà été adoptée, quelle différence cela aurait-il fait? Y a-t-il des changements qui s'imposent et qui auraient pu éviter ce genre de situation, ou est-ce que cela n'a rien à voir? J'aimerais avoir des éclaircissements.
M. Charles Black: Ce projet de loi est directement lié à cela, en particulier les dispositions de l'article 7. Nous en parlons à la page 16 de notre document. Certaines de ces dispositions sont difficiles à interpréter mais l'alinéa 7(1)b), en particulier s'il devait être corrigé comme nous le recommandons, permettrait d'obtenir des renseignements sans le consentement de l'intéressé dans certaines situations qui, d'après notre interprétation, incluraient des efforts visant à déceler et prévenir des cas de fraude et pratiques trompeuses. Dans bien des cas, nous le ferions avec le consentement de l'intéressé mais si celui-ci doit être obtenu au moment de l'enquête, cela pourrait évidemment être contre-productif.
Cependant, il n'y a pas de disposition analogue au paragraphe 7(2) ni au paragraphe 7(3) en ce qui concerne l'utilisation ou la divulgation de renseignements sans le consentement de l'intéressé. Nous nous inquiétons beaucoup, par exemple, que bien que l'assureur puisse être en mesure de recueillir ces renseignements, personne d'autre ne serait disposé à les divulguer sans le consentement de l'intéressé. Il y a aussi des situations où l'assureur lui-même doit communiquer ces renseignements. Si je ne m'abuse, l'exemple que vous citiez concernait les efforts communs de 24 compagnies d'assurance et de trois organismes gouvernementaux. Nous pensons donc que des amendements sont nécessaires afin d'assurer une plus grande souplesse et un meilleur équilibre dans ce domaine.
• 1555
Le paragraphe 7(2) renvoie aussi à l'utilisation de
renseignements obtenus aux termes de l'alinéa 7(1)b). Je vous prie
de m'excuser d'entrer comme cela dans les détails mais ce renvoi
limite alors l'utilisation que l'on peut faire des renseignements
obtenus sans le consentement de l'intéressé et, dans bien des cas,
ces renseignements doivent avoir été obtenus au préalable.
Je reviendrai sur un commentaire que je faisais tout à l'heure à savoir que l'auteur soupçonné de telles pratiques n'est pas forcément l'intéressé. Il peut s'agir d'un professionnel de la santé, d'un dentiste, d'un médecin, d'un hôpital ou d'un médecin en Floride, par exemple qui fait payer un tarif exorbitant dont on demande le remboursement en vertu d'une assurance pour voyage en dehors du Canada.
M. Eric Lowther: Donc, si ce que vous suggérez à la page 16 avait existé, ces 24 assureurs et les trois organismes gouvernementaux auraient pu échanger plus librement des renseignements afin de conclure plus vite qu'il s'agissait d'une fraude. C'est cela?
M. Charles Black: Dans l'exemple en question, cette loi évidemment n'existait pas. La Loi du Québec sur la protection des renseignements personnels existait et prévoyait suffisamment de souplesse pour ne pas empêcher cette enquête. Les lignes directrices régissant notre secteur prévoient que l'on peut recueillir, utiliser et communiquer des renseignements seulement avec le consentement de l'intéressé, sauf lorsque cela est jugé inapproprié. Notamment dans les cas spécifiques d'enquête concernant la fraude et les pratiques trompeuses. C'est une des situations où c'est jugé inapproprié.
Aussi cette enquête a-t-elle été faite dans les limites de nos lignes directrices. Nous estimons qu'elle a été menée de façon raisonnable.
M. Eric Lowther: Vous n'avez donc été aucunement gêné par la structure actuelle, sans cette loi?
M. Charles Black: C'est exact. Mais nous le serions...
M. Eric Lowther: Mais vous le seriez si le projet de loi devez être adopté sans que l'on apporte ces modifications.
M. Charles Black: Oui.
M. Eric Lowther: Merci, c'est ce que je voulais savoir.
La présidente: Merci beaucoup, M. Lowther.
Monsieur Lastewka.
M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.): Merci, madame la présidente.
Vous demandez dans votre rapport que l'on considère comme acquis les renseignements obtenus jusqu'ici et je ne vous ai pas entendu en parler aujourd'hui. Est-ce que vous craignez d'avoir à mettre vos dossiers à jour afin que les renseignements personnels puissent être obtenus avec le consentement de l'intéressé?
M. Charles Black: Cela nous préoccupe un peu de fait du volume de renseignements de cette nature et du fait que comme j'y faisais brièvement allusion dans mes observations, beaucoup de ces renseignements pourraient remonter à plusieurs dizaines d'années. Les questions touchant le consentement à l'époque ne prévoyaient certainement pas les préoccupations que l'on a en 1999 et être obligé de retourner demander à tous nos assurés leur consentement, pourrait être difficile car l'assureur n'a pas le droit d'exiger ce consentement.
En règle générale, les contrats d'assurance ne peuvent pas être résiliés et la compagnie d'assurance ne peut pas exiger de modification. Si une réclamation est faite, évidemment, elle peut ajouter le libellé approprié sur le formulaire de réclamation.
Mais le temps nécessaire pour contacter les clients actuels est assez long, et nous estimons qu'il nous faut une certaine souplesse qui nous permettait d'informer ces clients, dont le consentement serait sous-entendu, à moins de réserves graves de leur part.
M. Walt Lastewka: Mais ne communiquez-vous pas avec vos clients dans le cadre de vos activités normales? Ne leur dites-vous pas: «Voici les ententes que vous avez et nous vous suggérons de faire des changements.» Ne pensez-vous pas qu'au moment où vous améliorez la protection des renseignements personnels... les renseignements que vous avez sur ce client?
M. Charles Black: Il est certain que l'on pourrait leur donner de l'information à ce moment-là. Normalement on communique chaque année avec le détenteur de police. Cela prendrait un certain temps pour se préparer et rassembler tous les documents nécessaires. Puis, avec les préparatifs, il faudrait environ 15 mois pour compléter le cycle. Dans d'autres cas, comme je l'ai dit à propos de l'assurance collective, la compagnie d'assurance ne connaît même pas le nom ou l'adresse de la personne.
M. Walt Lastewka: Ce que vous êtes en train de me dire, donc, —et je pense que notre commissaire serait raisonnable et comprendrait—c'est qu'il faudrait un certain pour obtenir le consentement nécessaire mais au moment de la prochaine facture, lorsque le client examine sa police, il pourrait donner son consentement concernant les renseignements réunis.
M. Charles Black: Il est certain que l'information pourrait être fournie. Comme je l'ai dit, l'assureur n'a pas le droit d'exiger le consentement et serait toujours tenu d'appliquer la police.
M. Walt Lastewka: Avez-vous pu examiner tous les amendements qui ont été proposés?
M. Charles Black: Très brièvement.
M. Walt Lastewka: Lorsque vous les avez parcourus, avez-vous constaté des problèmes?
M. Charles Black: Un des amendements qui à tout le moins doit être examiné plus à fond est celui qui porte sur l'alinéa 7(1)b), qui a deux effets. Premièrement, il effectue la correction dont nous parlons dans notre mémoire: il nous a en effet semblé nécessaire de parler du consentement de la personne plutôt que de la collecte auprès de l'intéressé. La deuxièmement partie, toutefois, resserre considérablement le libellé et parle de violation ou de violation soupçonnée d'une loi canadienne ou provinciale. Je ne suis pas certain que cela inclurait une enquête pour fraude. Dans l'affirmative, le renvoi aux lois du Canada ou d'une province ne nous donnerait pas la souplesse nécessaire si nous faisons enquête sur un médecin ou un hôpital de la Floride, par exemple.
M. Walt Lastewka: Je crois vous avoir entendu dire tout à l'heure que vos membres au Québec appliquent la loi québécoise.
M. Charles Black: Tout à fait.
M. Walt Lastewka: Avez-vous rencontré des difficultés?
M. Charles Black: Je ne dirai pas que ce sont des difficultés. M. Bernier voudrait peut-être dire quelque chose. Je crois savoir qu'il y a des...
M. Walt Lastewka: Des points à améliorer ou...
M. Charles Black: ...des points qui sont sujets à interprétation. Nous travaillons avec le commissaire pour essayer de comprendre et expliquer les obligations à nos membres.
Jean-Pierre.
M. Jean-Pierre Bernier: Lorsque la Loi québécoise sur la protection des renseignements personnels est entrée en vigueur, le principal problème pour nous était l'interprétation, parce que le texte n'était pas précisément adapté au secteur des assurances. Il a fallu nous adapter aux nouvelles lois et aux nouveaux règlements relatifs à la protection des renseignements personnels.
Nous avons reçu quantité de questions des compagnies membres de notre association de partout au pays qui font des affaires au Québec au sujet de la signification de certains aspects de la loi et nous demandant ce qu'elles peuvent ou ne peuvent pas faire. Nous avons réuni les questions des membres et créé les deux groupes de travail d'avocats—un groupe d'avocats francophones du Québec et un autre d'avocats anglophones de l'Ontario—en leur demandant de répondre aux mêmes questions. Ils sont arrivés aux mêmes réponses.
Avant de publier nos réponses, nous avons travaillé avec le commissaire à la protection des renseignements personnels du Québec et son personnel sur les réponses que nous voulions donner à nos membres. Après plusieurs rencontres avec des membres du personnel à la Commission d'accès à l'information, nous avons apporté certains changements à nos réponses. Cela a abouti à un petit guide que nous appelons le Guide 68, par allusion du projet de loi 68 du Québec. Il s'applique toujours aujourd'hui sans problème.
M. Walt Lastewka: Est-ce qu'on s'en sert à l'extérieur du Québec?
M. Jean-Pierre Bernier: Les principes de protection des renseignements personnels élaborés au Québec sont utilisés par un nombre croissant de compagnies d'assurance à l'extérieur du Québec, d'un bout à l'autre du pays.
M. Walt Lastewka: Merci, madame la présidente.
La présidente: Merci, monsieur Lastewka.
[Français]
Madame Lalonde, est-ce que vous avez des questions?
Mme Francine Lalonde: Oui. Je vous remercie pour votre présentation et votre mémoire très fouillé.
Je vais reprendre là où M. Lastewka nous a menés et commencer par dire que les Québécois s'attendaient à ce qu'on bâtisse la loi fédérale en se fondant sur cette expérience au lieu de créer, même à partir des principes du code CSA, un projet de loi fort différent. Votre regard sur le projet de loi est extrêmement pratique et utile pour nous, bien qu'il soit sévère.
Je suggère d'abord à mes collègues—j'espère que tous ont eu le temps de le faire—de prendre connaissance de l'annexe B. Vous posez plusieurs questions extrêmement concrètes. À cet égard, vous m'aidez parce que cela fait plusieurs fois que je dis qu'au Québec, il y a une loi en vigueur. Je n'aurais peut-être pas dû dire cela, mais il y a une loi seulement au Québec. Il y a des entreprises qui ne sauront pas quelle loi appliquer dans certaines circonstances ou qui vont devoir appliquer les deux lois. Je soulignais que cela pose un problème important, et vous le posez fondamentalement. Vous demandez ce qu'on va faire si les autres provinces adoptent des lois différentes, qui ressemblent plus ou moins à celle du Québec et vous posez de façon très pratique la nécessité de la coordination.
Je vous demanderais de commenter sur votre recommandation parce juste auparavant, vous souligniez à la page 14:
-
Cette réglementation à deux niveaux, qui s'avérerait
redondante, aurait pour effet de créer de l'incertitude
et la confusion chez les consommateurs et
entraînerait pour les organisations et les autorités de
réglementation des coûts d'administration inutiles; elle
n'est par conséquent absolument pas souhaitable.
Votre recommandation se lit comme suit:
-
Nous suggérons au
Comité de recommander, avant que l'on aille plus loin
avec cette loi,...
C'était en réaction au groupe de travail.
-
...que le gouvernement fédéral mène de plus
amples consultations auprès des gouvernements
provinciaux et du secteur privé afin de mettre au point
une approche plus satisfaisante...
Est-ce que vous pourriez élaborer sur cette question et peut-être nous donner des exemples?
[Traduction]
M. Charles Black: Merci, madame Lalonde. Je pense que vous avez bien saisi ce qui nous préoccupe dans ce domaine.
Les principes de l'annexe du projet de loi C-54 sont virtuellement identiques à ceux de la Loi québécoise sur la protection des renseignements personnels et, de fait, aux principes qui régissent notre secteur depuis des années déjà. Je pense que les principes sont comparables; sur ce plan, le projet de loi ne nous semble pas sensiblement différent de la loi québécoise. Ce qui est problématique, ce sont les détails, l'application dans la pratique, l'interprétation et les rapports de travail avec l'organisme de réglementation du secteur.
Il y a aussi des problèmes potentiels. L'un d'eux est mentionné à l'annexe B, à propos de la loi manitobaine sur les renseignements de nature médicale, même si nous estimons que cela ne s'applique pas du tout aux assureurs. Il y a une loi en préparation en Alberta. Dans le discours du Trône de cette province prononcé récemment, le gouvernement a annoncé qu'il allait présenter une loi sur les renseignements de nature médicale.
Il y a donc beaucoup d'activité dans ce domaine, et nous trouvons que le risque d'une multitude de lois qui se chevauchent et font double emploi est grave et doit être étudié. Il nous semble que les objectifs des divers gouvernements sont comparables en matière de protection des renseignements personnels. Nous aimerions croire que des consultations plus poussées aboutiraient à une entente pour que les parties collaborent ensemble à ce dossier.
• 1610
Nous faisons également allusion là aux codes sectoriels, qui
ne font pas partie de la loi. Par exemple, comme on l'a dit, nous
avons adapté les lignes directrices de notre secteur en 1993 en
prévision de certaines dispositions de la loi québécoise. Nous
estimons qu'un code pourrait être élaboré pour notre secteur et
qu'il remplirait les exigences de la loi québécoise et du projet de
loi fédéral. Nous estimons que, grâce à la collaboration des
autorités respectives que, si ce code sectoriel était jugé répondre
aux besoins, alors les compagnies pourraient fonctionner en vertu
d'un seul code au lieu de deux, trois, cinq ou douze lois
différentes. C'est une possibilité à laquelle il faudrait
travailler davantage, mais nous pensons que cela pourrait régler le
problème.
[Français]
La présidente: Monsieur Bernier.
M. Jean-Pierre Bernier: Même à l'intérieur d'un secteur qui relève de la compétence du Québec, la multiplication des règlements et des lois concernant la protection des renseignements personnels est très inquiétante.
D'ailleurs, l'année dernière, le Québec a créé, avec le projet de loi 188 qui porte sur la distribution des produits et services financiers, un bureau des services financiers. À l'origine, le projet de loi donnait au Bureau des services financiers du Québec le pouvoir d'établir une réglementation concernant la protection des renseignements personnels parallèlement aux pouvoirs dont dispose la Commission d'accès à l'information. Le président de la commission, M. Comeau, s'est fortement opposé à cette multiplication potentielle de la réglementation eu égard à la protection des renseignements personnels Le ministre Landry, qui était responsable du projet de loi 188, a retiré, tout juste avant son adoption, ce pouvoir réglementaire que le gouvernement du Québec voulait donner au Bureau des services financiers.
La présidente: Merci, madame Lalonde. Madame Jennings, la parole est à vous.
Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Merci beaucoup aux témoins pour leur présentation. J'ai quelques questions à leur poser.
Premièrement, vous avez souligné la nécessité d'une coordination et d'une harmonisation de toutes les lois qui pourraient éventuellement être adoptées au niveau provincial dans ce domaine. Vous parlez d'une coordination entre les lois provinciales qui pourraient être adoptées à l'intérieur d'un délai de trois ans et la loi fédérale qui, nous le présumons, sera adoptée, peut-être avec des modifications, et entrera éventuellement en vigueur.
J'ai beaucoup apprécié le fait que M. Bernier ait souligné qu'au sein d'une même province, il puisse y avoir du chevauchement entre différents règlements. C'est toujours un défi que de s'assurer que, premièrement, il n'y ait pas d'empiétement et que, deuxièmement, ce soit bien harmonisé.
Dans un autre ordre d'idées, pensez-vous qu'il devrait y avoir une protection pour un employé qui a des motifs raisonnables de croire que son employeur est en train d'enfreindre la loi? On prenant l'hypothèse que le projet de loi soit adopté, devrait-il y avoir des dispositions pour protéger cet employé contre des actes de représailles de son employeur dans l'éventualité où il déciderait de déposer une plainte devant le commissaire? Là je ne parle pas d'une plainte que le commissaire pourrait juger frivole, futile, vexatoire ou faite de mauvaise foi.
Pensez-vous qu'on devrait avoir une telle protection, qu'on retrouve d'ailleurs dans plusieurs lois sur les droits de la personne? Je pense ici à une présumée victime de harcèlement sexuel ou de discrimination sexuelle commis par son employeur.
M. Jean-Pierre Bernier: Oui, effectivement. Le problème que le projet de loi C-54 pose est que, si je me rappelle bien, les employés qui seront touchés seront ceux qui travailleront au sein d'entreprises sous juridiction fédérale. Je pense notamment aux employés des banques. Il n'y a pas d'incertitude quant à l'application des principes de la protection des renseignements personnels pour les employés des banques.
• 1615
Mais nous, les employés de sociétés
d'assurances, nous sommes posé cette question. Il nous
est difficile de dire si les dispositions du projet de
loi C-54 s'appliqueront aux employés d'une société
d'assurances,
qu'elle soit incorporée au fédéral ou au provincial.
La Constitution
canadienne ne désigne pas les compagnies d'assurances comme des
entreprises fédérales.
Mme Marlene Jennings: Mais dans le cadre de vos transactions, vous utilisez des renseignements personnels. Si vous transmettez ces renseignements personnels d'une province à l'autre dans le cadre d'une activité commerciale, je présume que les dispositions de cette loi s'appliqueront à cette transaction.
Je passerai à une deuxième question qui vous permettra de compléter votre réponse à ma première question. Je ne me souviens pas si la loi québécoise prévoit une telle protection. Le savez-vous? Pourriez-vous me rafraîchir la mémoire?
M. Jean-Pierre Bernier: J'allais justement répondre à votre première question en vous donnant la réponse à la deuxième.
Mme Marlene Jennings: Parfait, allez-y.
M. Jean-Pierre Bernier: Les employés des sociétés d'assurances, qu'elles soient à charte fédérale ou à charte provinciale, qui travaillent au Québec sont couverts et protégés par la la loi québécoise sur la protection des renseignements personnels. Pour reprendre justement le thème de l'harmonisation, ces employés sont protégés au Québec, qui est encore la seule province à s'être dotée d'une loi sur la protection des renseignements personnels. Il va donc de soi que les principes de protection des employés devront être élargis à toutes les juridictions canadiennes.
Mme Marlene Jennings: Vous voulez dire qu'au Québec, la Loi 68 prévoit qu'un employé qui porte plainte devant le commissaire de l'accès à l'information parce que son employeur viole la Loi 68 est protégé contre des actes de représailles de la part de son employeur.
M. Jean-Pierre Bernier: Oui.
Mme Marlene Jennings: Pourriez-vous m'indiquer l'article en question?
M. Jean-Pierre Bernier: Je n'ai malheureusement pas apporté mon exemplaire de la Loi 68.
Mme Marlene Jennings: J'en ai un exemplaire à mon bureau. Je vous posais cette question au cas où vous l'auriez apporté. Je ne me souviens pas de telles dispositions.
Vous croyez que c'est une bonne chose que d'avoir ce qu'on appelle
[Traduction]
une protection pour les dénonciateurs?
[Français]
M. Jean-Pierre Bernier: Oui. Si on commençait à prévoir des exceptions pour les employés d'un secteur ou un autre, pour les employés d'organisations sans but lucratif, etc., le champ d'application de la loi deviendrait très restreint.
Mme Marlene Jennings: Non, je faisais allusion à un plaignant qui dénoncerait son employeur qui a violé la loi non pas nécessairement en divulguant des renseignements au sujet de son employé, mais qui l'a fait lors de la cueillette ou de la transmission de renseignements personnels d'une tierce personne et qui se propose de commettre une fraude. Est-ce que la loi protège l'employé qui porte plainte au commissaire et qui est victime d'actes de représailles de la part de son employeur, tels le congédiement ou le refus d'une promotion à un poste pour lequel il est qualifié? C'est de cette protection que je parle.
M. Jean-Pierre Bernier: Oui, la loi couvre cet aspect. Un cabinet d'avocats en pratique privée à Montréal a étudié quelque 4 000 plaintes depuis la mise en application de la Loi 68 au Québec. Puisque je ne connais pas les statistiques du Québec, il m'est difficile de dire combien de ces plaintes émanaient d'employés. Tout ce que je peux vous dire, c'est que les employés et les employeurs sont couverts au Québec par la Loi 68.
Mme Marlene Jennings: Je ne suis pas certaine que vous ayez répondu à ma question. Je consulterai mon exemplaire de la loi lorsque je retournerai à mon bureau ce soir. Merci.
La présidente: Merci, madame Jennings.
Monsieur Lowther, aviez-vous d'autres questions à poser?
M. Eric Lowther: Non.
[Français]
La présidente: Madame Lalonde.
Mme Francine Lalonde: Je reviens à la même page. Vous dites:
-
L'alinéa 27(2)d) prévoit une exemption de l'application de la
Partie 1 dans le cas où il existe une loi provinciale
essentiellement similaire à cette partie. Toutefois,
cette exemption s'applique «à l'égard de la collecte, de
l'utilisation ou de la communication de renseignements
personnels qui s'effectue à l'intérieur de la province
en cause» et par conséquent ne s'applique pas à ces
activités lorsqu'elles s'effectuent entre provinces ou
entre pays.
Votre association est d'avis que cette approche est tout à fait inefficace pour les organisations comme les vôtres. C'est ce qui vous amène à dire qu'il faudrait essayer de faire travailler les gouvernements ensemble. Parlez-nous de cela et des problèmes qui se présentent pour vous. Au Québec, par exemple, les entreprises pourront être obligées d'obéir à deux lois à la fois. Laquelle va s'appliquer?
M. Jean-Pierre Bernier: Je n'ai pas la réponse. Je ne saurais donner une réponse à mes membres en me basant sur les dispositions du projet de loi C-54. Nous avons identifié des problèmes qui découleront de l'application des dispositions du projet de loi C-54 à des transactions commerciales qui débordent d'une façon ou d'une autre la juridiction d'une seule province. Nous effectuons des milliers de transactions commerciales de ce genre-là chaque jour et chaque transaction varie. On vous a donné de nombreux exemples à l'annexe B. Je ne suis pas en mesure de vous donner une réponse aux questions qu'on s'est nous-mêmes posées sur l'application du projet de loi C-54.
[Traduction]
La présidente: Monsieur Black, voulez-vous répondre?
M. Charles Black: Si vous me le permettez, madame la présidente, j'aimerais répondre à ce qui vient d'être dit.
Au Québec en tout cas, nous avons une loi qui semble être exhaustive. Un des problèmes à propos de ce projet de loi, c'est qu'il ne semble pas s'appliquer à certains secteurs clés, comme celui évoqué par Mme Jennings dans ces questions à propos des renseignements de l'employeur ou de l'employé. Dans d'autres provinces, il se pourrait très bien que nous soyons assujettis à plus de deux lois. Par exemple, si l'Alberta applique des dispositions de protection de renseignements personnels employeur- employé dans son Code du travail, cela pourrait avoir des effets sur notre activité parce que nous sommes très actifs dans le secteur de l'assurance collective ou des avantages sociaux. Il pourrait y avoir une loi sur la protection des renseignements de nature médicale en Alberta. C'est en marche. Et on est en train d'apporter des révisions à la Loi sur l'assurance de l'Alberta qui comportent des dispositions sur les renseignements personnels.
Comme M. Bernier l'a dit, il ne s'agit pas uniquement d'une loi par province; il pourrait y en avoir plusieurs. À notre avis, c'est un très grave problème administratif.
La présidente: Monsieur Daniels.
M. Mark Daniels: Comme vous le voyez, je veux seulement ajouter entre parenthèses que tout au long de notre témoignage, ce que nous avons essayé de faire ce n'est pas de contester les principes de la loi—nous essayons déjà de les appliquer—mais de régler un problème de recoupement. Nous entrevoyons quantité de problèmes d'ordre pratique qui vont compliquer notre mode de fonctionnement. Bien sûr, nous apporterons des changements pour appliquer la loi, quelle qu'elle soit, mais le projet de loi n'est peut-être pas suffisamment souple pour nous permettre de travailler avec les autorités intéressées, madame la présidente.
La présidente: Monsieur Dubé, vous aviez une question.
[Français]
M. Antoine Dubé (Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière, BQ): Vous dites que des consultations supplémentaires seraient utiles parce que certains problèmes subsistent.
Certains témoins nous ont dit que ce projet de loi essayait d'englober trop de choses, à savoir qu'il veut promouvoir le commerce électronique et, en même temps, s'insurger dans le champ de la protection des renseignements personnels qui ne sont pas nécessairement électroniques. Vous travaillez dans le domaine de l'assurance où de nombreuses transactions sont faites en ayant recours à l'électronique. Que pensez-vous de la position de ceux qui préféreraient qu'il y ait deux lois distinctes?
• 1625
Puisque j'ai la parole, je poserai une dernière petite
question. Certains témoins s'inquiètent de ce que
le Conseil des ministres, par règlement,
sans même consulter le Parlement, pourrait changer
des aspects juridiques de la loi. Qu'en pensez-vous?
M. Jean-Pierre Bernier: Il y a ici une question constitutionnelle. Bien que je ne sois pas un expert en droit constitutionnel, j'ai quand même suivi des cours dans ce domaine. À mon avis, la question de la protection des renseignements personnels relève des gouvernements provinciaux, sous la rubrique property and civil rights. Il serait donc très difficile de concevoir que le gouvernement fédéral puisse adopter un projet de loi portant uniquement sur la protection des renseignements personnels.
Nous savons que le gouvernement fédéral a juridiction sur le commerce électronique, tout comme il a juridiction sur les banques. En regroupant des règles sur la protection des renseignements personnels avec un champ d'activité où son autorité n'est pas contestée, le gouvernement fédéral a plus de chance de s'immiscer sur ce terrain. Je crois que c'est pour cette raison qu'on a regroupé les questions de commerce électronique et de protection des renseignements personnels. C'est une opinion personnelle que je vous donne. Comme je le disais, je ne suis pas un expert en droit constitutionnel.
[Traduction]
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Dubé.
Monsieur Lastewka.
M. Walt Lastewka: Oui, j'ai une question à poser après l'intervention de M. Daniels.
Je veux revenir sur une question très simple, inspirée par ce que vous avez dit. La Loi sur les renseignements personnels dit essentiellement que si vous recueillez des renseignements sur quelqu'un, vous devez avoir son consentement. Si vous comptez vous servir de ces renseignements à une autre fin que celle prévue, il faut que vous recommuniquiez avec l'intéressé.
Vous avez parlé de la division qui porte sur les enquêtes, et j'admets qu'il faut apporter des éclaircissements. Mais en réduisant les choses à leur plus simple expression, quels sont vos problèmes? Vous avez parlé de plusieurs problèmes de nature technique et d'autres natures, monsieur Daniels, mais est-ce que ce n'est pas le principe même du projet de loi? Il me semble que vous parlez d'autre chose que ces questions bien simples.
M. Charles Black: Monsieur Lastewka, je suis d'accord avec vous. Ça devrait être quelque chose de simple. Nous pensons que des améliorations peuvent être apportées pour simplifier les cas où il est nécessaire d'utiliser, de divulguer et de recueillir des renseignements. L'autre cas que nous donnons est celui où la loi exige de faire quelque chose. Tel qu'il est rédigé actuellement, le projet de loi permet de divulguer des renseignements sans le consentement de l'intéressé, là où la loi l'exige, mais il n'y a rien d'équivalent pour la collecte ou l'utilisation telle que le traitement de l'information au sein de l'organisation, y compris, si nous comprenons bien, le transfert de renseignements entre le secteur des services et le service juridique de l'organisation.
Un des points qui nous inquiète beaucoup, c'est le blanchiment d'argent. La loi exige de prendre certaines mesures concernant des opérations financières pour réduire la possibilité du blanchiment d'argent. Ce sont des obligations de nature juridique et pour s'en acquitter, il faudra peut-être rassembler certains renseignements. Cela exigera peut-être d'utiliser et de traiter certains renseignements, ce qui suppose leur divulgation.
À notre avis, les exceptions prévues à l'article 7 sont insuffisantes. Il y a trois listes distinctes, et il n'y a pas de parallélisme entre elles. Les changements nécessaires sont relativement simples, je crois.
M. Mark Daniels: C'est exactement la réponse, madame la présidente. Comme je l'ai dit dans mon intervention, lorsque les spécialistes de notre organisation et du secteur ont pris connaissance de ceci, on n'a pas ronchonné contre les principes du projet de loi. Au contraire, nous avons essayé de nous en accommoder. Ce que nous avons essayé de faire dans ce mémoire plutôt exhaustif, c'est de vous donner des exemples de cas où, à notre avis, ça ne pourra pas marcher dans le quotidien de notre activité. C'est ce que nous essayons de faire ici. On n'essaie pas de miner le projet de loi. Au contraire, on essaie de le rendre applicable dans la pratique, celle qui est la nôtre.
M. Walt Lastewka: Merci, madame la présidente.
La présidente: Merci, monsieur Lastewka.
Je n'ai que deux questions. Je ne sais pas si vous avez pris connaissance du communiqué en date du 1er octobre 1998, qui accompagnait le projet de loi. Il dit:
-
Chaque fois qu'une province adopte une loi essentiellement
semblable, les organisations visées sont exemptées de l'application
de la loi fédérale. Comme l'actuelle loi québécoise de protection
des renseignements personnels est essentiellement semblable à la
Loi sur la protection des renseignements personnels et les
documents électroniques proposée, le Québec sera exempté de son
application.
Il me semble que dans le cas de l'opposition de la loi fédérale et de la loi provinciale du Québec, nous sommes en train de couper les cheveux en quatre. On dirait que vous êtes en train de semer la confusion. Je regarde vos exemples, à la fin du mémoire, à l'annexe B. La réalité, c'est que vous êtes une grande association qui compte des sociétés partout au pays. Vous respectez déjà la norme la plus élevée. Où est le problème?
M. Charles Black: Madame la présidente, le problème est ici: nous avons examiné ce communiqué attentivement, nous avons examiné les dispositions du texte de loi attentivement et nous n'arrivons pas à faire correspondre le texte de loi avec le communiqué, pour être parfaitement honnêtes. Nous trouvons que...
La présidente: Mais si vous respectez la norme la plus élevée, monsieur Black, où est la difficulté? Vous appliquez déjà la norme du Québec.
M. Charles Black: Comme je l'ai dit plus tôt, je ne vois pas de difficulté à arriver à un code unique qui répondrait aux exigences de la loi québécoise et la loi fédérale; le problème, c'est le double emploi sur le plan l'administratif. Le consommateur ne sait pas à qui s'adresser. Il ne saura peut-être pas si l'opération a une dimension inter-provinciale ou internationale. Le consommateur traite peut-être avec l'agent d'assurance à trois rues de chez lui mais ne se rend pas compte que l'information ou la réclamation d'invalidité est traitée dans un bureau régional de réclamation à Ottawa.
La présidente: Vous ne voulez sûrement pas laisser entendre que c'est au consommateur de démêler cela.
M. Charles Black: Non, mais il faut que le consommateur le sache.
La présidente: Eh bien, j'imagine que les agents d'assurance vont informer le consommateur lorsqu'ils lui demandent son consentement. J'ai rempli quantité de formulaires d'assurance, en particulier pour l'assurance-maladie, et je sais que je dois expressément donner mon consentement dans le cas de certains renseignements médicaux et certains textes. Je ne comprends sur quoi reposent vos inquiétudes.
M. Charles Black: Le conseil qui devrait être donné aux consommateurs c'est de contacter la Commission d'accès à l'information du Québec ou le commissaire fédéral à la Protection de la vie privée à Ottawa.
M. Mark Daniels: Ce n'est qu'un exemple, mais autant que nous sachions, c'est...
M. Charles Black: Je sais que vous n'avez pas eu grand temps pour prendre connaissance de ce mémoire volumineux...
La présidente: Non, j'ai lu des parties de votre mémoire, et je trouve que nous coupons les cheveux en quatre à propos du libellé de certains changements.
M. Charles Black: J'aimerais attirer votre attention à l'exemple 16 de l'annexe B. C'est une demande de remboursement de médicaments, quelque chose de très simple. C'est une demande de remboursement d'un médicament sur ordonnance pour un enfant. Le père et la mère ont tous les deux un régime d'assurance-médicaments. Dans le cas donné ici, l'un des régimes est en Alberta, mais il pourrait être partout ailleurs au pays.
Pour ce régime, le traitement est fait en totalité à l'intérieur de la province. Dans l'hypothèse où il y a une exemption en vertu de l'alinéa 27(2)d) de la loi albertaine, ce serait la loi de l'Alberta qui s'appliquerait ici. En vertu de l'autre régime—et je souligne que c'est un cas très répandu—l'autre parent est couvert par un régime qui se trouve à être administré par Maritime Life Halifax—et je m'excuse, je n'ai pas donné le nom de la compagnie, mais Maritime Life est basé à Halifax—ce qui devient donc une question inter-provinciale. Selon notre interprétation, dans ce cas-ci, c'est le même médicament et c'est la même demande. J'imagine que s'il y a quoi que ce soit qui fasse intervenir le médecin ou le pharmacien, cela serait visé par la Personal Health Information Protection Act de l'Alberta, alors que le volet assurance pourrait tomber sous le coup de la Insurance Act ou de l'Employment Standards Act. Voici où survient la confusion.
La présidente: Encore une fois, j'en reviens au principe fondamental du projet de loi. Si vous demandez le consentement du consommateur au début du processus, au moment de la demande, avant de contracter avec la personne, avant de décider si vous lui vendez une police, avant de l'assurer, je ne vois pas où est le problème. Vous avez le consentement nécessaire pour utiliser les renseignements.
M. Charles Black: Il n'y a pas que l'assureur; il y a le pharmacien, le médecin, l'employeur peut-être aussi. Le syndicat pourrait être touché. Le consommateur ne sait peut-être pas qu'il y a un problème en ce qui concerne la protection des renseignements.
M. Mark Daniels: Madame la présidente, je vois où vous voulez en venir. De notre point de vue, et sauf votre respect, tout n'est pas si simple. Ça ne marche pas tout à fait comme cela.
Nous avons énorme un problème de conformité dans notre secteur, celui des assurances. Du côté du marché, nous sommes régis par 13 autorités réglementaires différentes. Ce n'est pas simplement un ensemble de lois qui nous gouvernent, ce sont plusieurs ensembles. Dans ce cas particulier, et de la façon dont se présente la loi, nous disons simplement que nous avons fait de notre mieux pour dire qu'il y a un certain nombre de pierres d'achoppement qui risquent de créer des problèmes, oui, pour les compagnies d'assurance, mais également pour nos clients. Donc, il ne s'agit pas simplement de vous lorsque vous signez votre formulaire de demande, mais également toute une série d'intermédiaires et de parties à la transaction, et nous avons donné autant d'exemples que possible.
J'aimerais pouvoir quitter le comité avec la certitude que l'on n'essaye pas de banaliser cette question. Nous sommes bien obligés de faire avec. Nous voulons insister sur le fait que du point de vue commercial, il y a un certain nombre de questions qui se posent, et tout cela va assez loin. Je répète que ce n'est pas une objection au principe du projet de loi. J'insiste là-dessus.
La présidente: Monsieur Lastewka, avez-vous quelque chose à dire?
M. Walt Lastewka: Je remercie les témoins de leurs observations sur ce sujet, et je commence à comprendre que ça ne va pas être facile. Soyez certains que nous prenons votre avis très au sérieux. Après avoir entendu les commissaires à la vie privée d'une province à l'autre, et à partir de ce que nous dit notre propre commissaire, on comprend qu'il va falloir sérier les problèmes. À ce propos, l'un de ces commissaires a dit que même si un bureau centralisé est responsable, et régi par la loi fédérale, ils communiquent entre eux, et en discutent pour en faire profiter tout le monde.
Je suis donc heureux que vous ayez fait ces observations, et je vois bien que ça ne va pas être facile; mais c'est ainsi lorsqu'il y a de nouvelles lois. Je note également la présence de notre commissaire, mais je pense que tout cela sera petit à petit éclairci au fur et à mesure de l'application de la loi. Voilà pourquoi il importe de bien faire connaître ces dispositions dans le pays.
La présidente: Merci, monsieur Lastewka.
Monsieur Daniels, je ne voulais pas banaliser le contenu de votre mémoire, ni ce que vous avez dit, ni non plus vos préoccupations. Je crois qu'il y a cependant beaucoup d'aspects positifs à ce projet de loi, dont les résultats seront intéressants. Il y a aussi un certain nombre de choses que nous essaierons d'améliorer au comité. C'est notre fonction. Nous cherchons à nous appuyer sur des exemples concrets, et nous apprécions beaucoup ce que vous nous avez fourni à cet égard comme information dans votre mémoire.
Nous avons entendu les deux sons de cloche sur ce problème. Pour certains, la loi ne va pas suffisamment loin, pour d'autres, elle va trop loin. Nous avons forcément entendu de nombreux témoins et nous avons entendu des avis contradictoires. Lorsque je pose ces questions, je les pose dans le droit fil de ce que nous avons pu entendre jusqu'ici, pour être certaine que nous restons logiques.
Je vous remercie de vous être déplacés.
Nous passons maintenant au deuxième groupe de témoins.
La présidente: Nous reprenons nos travaux. Est-ce que je peux avoir un peu de silence, s'il vous plaît? Êtes-vous prêts?
Je suis heureuse d'accueillir aujourd'hui les témoins de la Confédération des syndicats nationaux. Michel Lessard, trésorier et membre du conseil exécutif; Mme Anne Pineau, avocate et membre de la section juridique.
Vous avez une déclaration liminaire à faire, je ne sais pas si M. Lessard ou...
[Français]
M. Michel Lessard (trésorier et membre du Comité exécutif, Confédération des syndicats nationaux): Merci, madame la présidente. J'aimerais d'abord vous remercier de nous avoir invités au présent comité. J'aimerais vous présenter rapidement notre organisation.
Nous sommes une organisation syndicale québécoise qui regroupe quelque 2 300 syndicats et au-delà de 250 000 membres. Ces travailleurs et travailleuses oeuvrent dans tous les secteurs d'activité de la société québécoise, que ce soit au niveau privé ou au niveau public. La CSN représente également beaucoup de salariés qui relèvent de la juridiction fédérale, notamment dans les domaines des communications et des transports.
La CSN a toujours porté un vif intérêt à la question du respect de la vie privée et de la protection des renseignements personnels et, à ce titre, elle participe aux révisions quinquennales de la Loi sur l'accès à l'information et sur la protection des renseignements personnels dans le secteur public applicable aux ministères et aux organismes publics québécois.
Nous avons également participé en 1997, avec deux autres organisations syndicales québécoises, à la préparation d'un mémoire qui a été soumis concernant les cartes d'identité. Dans ce mémoire, nous nous opposions de façon assez claire à la mise en place d'un identifiant obligatoire. Nous avons également, en cours d'histoire, soutenu et salué l'adoption au Québec d'une loi assurant la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. Enfin, pour ce qui nous concerne aujourd'hui plus précisément, nous applaudissons à l'initiative prise par le gouvernement fédéral.
• 1645
Cependant, nous voyons dans le projet de loi C-54
des faiblesses importantes quant à la confusion de son
champ d'application, quant à l'absence de recours
valables et à d'autres égards, notamment quant à la
sous-délégation des pouvoirs législatifs qu'il
comporte,
ce qui nous amène à demander au
gouvernement de récrire sa loi.
Notre intervention, dont Mme Pineau va vous expliquer les principaux enjeux, se limite à l'étude de la partie 1 de la loi. Mme Pineau va identifier ces faiblesses ainsi que les correctifs que nous suggérons pour que le projet de loi C-54 devienne acceptable pour l'ensemble des citoyens et des citoyennes.
Me Anne Pineau (avocate et membre du Service juridique, Confédération des syndicats nationaux): Merci. Un des principaux problèmes que pose le projet de loi est son champ d'application, comme beaucoup d'intervenants qui nous ont précédés l'ont soulevé.
L'alinéa 4(1)a) indique que le projet de loi s'appliquera aux renseignements qui sont recueillis, utilisés ou communiqués dans le cadre d'activités commerciales. Le fédéral entend ainsi invoquer son pouvoir de réglementation des échanges et du commerce. Cela signifie que toute utilisation de renseignements personnels dans un contexte commercial sera assujettie à la loi fédérale.
Cela nous pose un problème, parce qu'au Québec, on a une loi qui régit actuellement les activités commerciales, et donc la cueillette, l'utilisation et la communication de renseignements dans le cadre d'activités commerciales. Donc, il y a ici un conflit qui risque de survenir. La loi provinciale en vigueur au Québec, qui régit de façon générale l'utilisation des renseignements personnels, serait évincée au profit de la loi fédérale lorsque les renseignements seraient utilisés dans un cadre commercial.
Premier problème: qu'est-ce qu'une activité commerciale? Ce n'est pas défini dans la loi. Par ailleurs, il y a une possible dualité de régime pour une même entreprise au Québec selon que les renseignements sont utilisés dans un cadre commercial ou dans un autre cadre.
L'alinéa 4(1)b) porte sur les flux transfrontière. Il s'agit des renseignements recueillis, utilisés ou communiqués d'une province à l'autre ou d'un pays à l'autre. Ici, abstraction faite du cadre commercial, c'est l'utilisation à l'extérieur de la province ou du pays qui en porterait la juridiction au niveau fédéral.
Là encore, il est susceptible de se produire un problème de double régime, selon que les renseignements sont ou non utilisés à l'extérieur de la province. Une même entreprise pourrait être assujettie en partie à la loi provinciale et en partie à la loi fédérale, quand les renseignements seraient transférés à l'extérieur de la province. Ce ne sera pas simple pour le citoyen ordinaire que de savoir où est rendu son renseignement. A-t-il été par hasard transmis à l'extérieur et quelle loi peut bien s'appliquer à lui?
L'alinéa 4(1)c) porte sur les employés d'entreprises fédérales. Ici, le fédéral se permettrait d'intervenir en la matière dans la mesure où les renseignements personnels seraient utilisés, recueillis ou communiqués à l'égard d'employés d'entreprises fédérales.
J'aimerais signaler la position actuelle de la Commission d'accès à l'information, qui dit que même les employés d'entreprises fédérales sont couverts par la loi provinciale sur les renseignements personnels. À l'heure actuelle, il y a une contestation d'engagée. Elle est devant la cour d'appel, mais elle ne porte pas vraiment sur la question constitutionnelle dans le sens suivant.
Dans la cause Air Canada, la commission a considéré que la loi provinciale s'appliquait à Air Canada pour ses employés et, en révision judiciaire, la Cour supérieure a cassé la décision de la commission parce que la convention collective comportait une disposition faisant en sorte que c'était non pas la Commission d'accès à l'information qui avait juridiction, mais l'arbitre de griefs. La cour n'a cependant pas remis en cause la compétence du Québec d'assujettir les employés d'entreprises fédérales à sa loi provinciale, étant entendu que la loi provinciale sur les renseignements personnels ne porte pas sur les relations de travail ou les conditions de travail. C'est une loi générale, d'application générale à l'ensemble des citoyens et citoyennes du Québec, qui vise à protéger de façon générale les renseignements personnels qui les concernent.
• 1650
Donc, il y a trois problèmes au niveau du champ
d'application,
qui risquent de se doubler du pouvoir d'exclusion qui
est prévu à l'alinéa 27(2)d). À l'alinéa 27(2)d), on nous
explique que le gouverneur en conseil pourrait
décider, s'il était convaincu qu'une loi provinciale
essentiellement similaire s'applique à une organisation
ou à une activité, d'exclure l'organisation, l'activité
ou la catégorie d'activités de l'application de la loi
fédérale.
En soi, le principe d'exclusion est intéressant. Évidemment, vous l'aurez compris. Là où le bât blesse pour nous, c'est quand il est question de la technique d'exclusion. Si une loi provinciale similaire ou supérieure s'applique, pourquoi prévoir l'exclusion par activité ou par organisation? Pour nous, si une loi provinciale similaire existe, c'est la loi provinciale qui doit s'appliquer, cela à toutes les organisations et à toutes les activités.
Par ailleurs, le pouvoir d'exclusion comporte aussi un défaut vraiment très important pour nous, à savoir qu'il est discrétionnaire. En effet, le gouverneur en conseil peut décréter l'exclusion, mais n'est pas obligé de le faire. Pour nous, l'exclusion doit provenir de la loi. C'est la loi qui doit déclarer que, lorsqu'une loi provinciale similaire ou supérieure est applicable, c'est cette loi qui trouve application. Pour nous, ça simplifierait beaucoup le champ d'application. En outre, ça permettrait d'assurer la préservation des lois provinciales lorsque le but, qui est de protéger les renseignements personnels, est atteint.
Le projet de loi C-54 nous pose d'autres problèmes au niveau de l'annexe. Le coeur de la loi, les dispositions qui concernent vraiment la protection des renseignements personnels et la mécanique qui entoure cela sont prévues dans l'annexe, dans le code CSA. Or, le code CSA, malgré toutes les vertus qu'il peut avoir à titre de code d'autoréglementation, en a beaucoup moins au plan législatif. Imaginez qu'une loi est libellée dans les termes suivants: «il faudrait préciser»; «devrait être en mesure»; «toute personne devrait être informée dans certains cas, par exemple»; «doit faire un effort raisonnable»; «l'organisation devrait chercher à obtenir un consentement». Bref, beaucoup des dispositions du code sont libellées au conditionnel et ne comportent pas d'obligations. Et s'il y avait une ambiguïté là-dessus, eh bien, le paragraphe 5(2) du projet de loi viendrait clairement l'écarter. On nous dit très clairement que lorsque le conditionnel est utilisé, ce n'est pas une obligation, mais une recommandation.
Donc, le projet de loi perd beaucoup de son intérêt. Pour nous, il est clair que c'est dans la loi elle-même qu'on doit retrouver ces dispositions et que ces dispositions-là doivent être libellées en termes d'obligations et non de suggestions, de conseils ou d'invitations.
D'ailleurs, on voit mal comment on pourrait forcer quelqu'un à se conformer à ce que la loi déclare être une recommandation. Il nous est très difficile d'imaginer ça.
Finalement, l'alinéa 27(2)b) permet au gouverneur en conseil de modifier l'annexe, histoire de la rendre conforme aux dernières modifications qui auraient pu être apportées au code CSA. Cela nous pose encore un problème. Il est très important que toute discussion entourant la protection des renseignements personnels se fasse dans l'enceinte du Parlement ou au sein d'un comité comme celui-ci, histoire d'assurer un débat public et d'empêcher que des modifications soient faites à ce qui constitue le coeur de la loi par le biais d'une décision discrétionnaire du gouverneur en conseil.
Au niveau des recours, on a aussi un gros problème. Au Québec, c'est la Commission d'accès à l'information qui tranche les litiges qui peuvent résulter de la loi sur la protection des renseignements personnels, tant dans le secteur public que dans le secteur privé. Selon nous, le projet de loi C-54 n'offre pas de réel recours. Pour nous, il est très difficile d'imaginer que la Cour fédérale puisse être l'endroit où les gens iront s'adresser spontanément pour faire trancher une question de droit d'accès à un dossier d'employé ou de crédit. Sérieusement, je ne crois pas que les gens vont se rendre en Cour fédérale pour faire régler ce genre de problème.
• 1655
Il est important qu'il y ait un tribunal
administratif près des gens, convivial, où les
gens puissent se représenter eux-mêmes ou, à la
limite, se faire représenter par un avocat.
Il faut aussi que ce
tribunal soit un tribunal spécialisé. C'est
important pour nous. La Cour fédérale n'a pas
d'expertise en matière de protection des renseignements
personnels.
Donc, pour nous, il est très important qu'il existe un recours, mais qui ne soit pas un recours en Cour fédérale. L'idéal aurait été que ce recours soit le commissaire à la vie privée, mais on sait que le commissaire fédéral à la vie privée n'entend pas se charger de ce domaine. Il semble que pour lui, il est difficile de concilier la promotion d'une loi et l'adjudication des droits en vertu de cette loi. Donc, nous recommandons à tout le moins la mise sur pied d'un tribunal spécialisé dans le cadre du projet de loi C-54.
Pour le reste, le mémoire fait état de différents aspects, article par article. Certains nous semblent assez importants, par exemple l'absence d'indication qu'avant de constituer un dossier sur autrui, on doit démontrer qu'on a un intérêt sérieux et légitime à le faire. Ce n'est pas une notion qu'on retrouve dans la loi et elle nous semble très importante.
Je terminerai en disant que pour nous, il est important de mettre les normes dans la loi, de réédicter ces normes dans une forme législative, de prévoir un tribunal administratif accessible, et de prévoir dans la loi que lorsqu'une loi provinciale essentiellement équivalente ou supérieure existe, c'est la loi provinciale qui s'applique, cela dans tous les cas.
Finalement, la loi fédérale pourrait sans doute s'avérer nécessaire pour les provinces n'ayant aucune loi en matière de protection des renseignements personnels, mais en ce qui concerne le Québec, on tient vraiment à ce que la loi provinciale y soit mise en application dans toute ses dimensions.
[Traduction]
La présidente: Merci beaucoup, madame Pineau.
Nous allons passer aux questions. Monsieur Lowther.
M. Eric Lowther: Merci, madame la présidente, et merci aux témoins. Je vois que votre mémoire n'existe qu'en français, ce qui n'est pas plus mal parce que ça me permet de comprendre les difficultés de Mme Lalonde, de M. Dubé, lorsque les mémoires sont présentés en anglais seulement, mais si cela se produisait trop souvent je me sentirais un petit peu désavantagé.
Je vois quelle est votre position. J'aurais quelques questions à vous poser. Êtes-vous simplement représenté au Québec?
[Français]
M. Michel Lessard: Non. Elle a une charte nationale, en termes canadiens. Elle occupe le territoire canadien, mais elle est surtout au Québec, bien sûr. C'est une organisation syndicale québécoise. Il y a des syndicats au Nouveau-Brunswick et en Ontario notamment.
[Traduction]
M. Eric Lowther: Vous avez fait certaines observations, comme le témoin précédent d'ailleurs, qui me laissent pensif. Si nous avions des lois de protection de la vie privée dans toutes les provinces, avec parallèlement cette loi fédérale, lorsque des organisations comme les vôtres, ou même le groupe de témoins précédents qui sont présents dans diverses provinces—je reviens à ce que disait Mme Pineau—qu'est-ce qui à votre avis l'emporte? Est-ce que le droit fédéral forme une espèce de frontière à ne pas franchir et si celle-ci est franchie par les provinces, qu'est-ce qui pour vous l'emporte?
Dans la perspective de la préservation d'une entité nationale, être obligé de se conformer à plusieurs lois sur la protection des renseignements personnels, tout en voulant respecter une limite... ça ne doit pas être facile.
• 1700
Je ne suis pas certain d'avoir absolument compris votre
position, ni même ce que vous préconisez, je songe en particulier
à Mme Pineau. Il existe une législation provinciale, et maintenant
nous allons adopter cette loi fédérale. Vous fondez-vous sur le
droit fédéral, pour ensuite aller au-delà à l'échelle provinciale?
Est-ce que c'est cela que vous dites? J'aimerais que vous
éclaircissiez ce point pour moi.
[Français]
Me Anne Pineau: Tout ce que nous faisons, c'est reprendre l'alinéa 27(2)d) du projet de loi C-54 qui existe déjà. Qu'est-ce qu'on nous dit à 27(2)d)? On nous dit, en parlant du gouverneur en conseil:
-
(2) Il peut par décret:
-
d) s'il est
convaincu qu'une loi provinciale essentiellement
similaire à la présente partie
s'applique à une organisation—ou catégorie
d'organisations—ou à une
activité—ou catégorie d'activités—, exclure
l'organisation, l'activité ou la catégorie...
Il peut exclure une organisation ou une activité de l'application de la loi fédérale. C'est ce qu'on nous dit à l'alinéa 27(2)d). Nous voulons que cet alinéa 27(2)d) demeure, mais qu'il soit amélioré. Nous voulons que lorsqu'une loi provinciale similaire existe, elle s'applique à toutes les organisations auxquelles elle est applicable et à toutes les activités auxquelles elle est applicable. Ou bien elle est applicable, ou bien elle ne l'est pas. Si elle est applicable à une organisation ou à une activité, c'est la loi provinciale qui va s'appliquer.
Par ailleurs, on améliore l'alinéa 27(2)d) en disant que c'est la loi qui doit déclarer que la loi provinciale est applicable, et non le gouverneur en conseil. En vertu de l'alinéa 27(2)d), c'est le gouverneur en conseil qui a discrétion pour décider qu'une organisation, une activité ou une catégorie d'activités peut être soustraite à l'application de la loi fédérale pour donner préséance à la loi provinciale. Je ne sais pas si cela répond à votre question, mais c'est cela qu'on veut.
[Traduction]
M. Eric Lowther: J'ai une autre question qui concerne le projet de loi. Vous êtes un syndicat—si je ne me trompe—vous êtes donc saisi de questions intéressant les relations de travail, et notamment les relations avec l'employé. Est-ce que pour vous ce genre de loi va alourdir la procédure de grief, la faciliter, ou rester neutre?
[Français]
Me Anne Pineau: À l'heure actuelle, l'application de la loi provinciale dans le secteur privé ne pose pas de difficultés au niveau d'une application de grief. L'application de la Loi C-68, au Québec, a entraîné un regain au niveau de la possibilité pour un salarié d'avoir accès à son dossier et de le faire rectifier, mais cela vaut pour tous les autres citoyens du Québec, dans n'importe quel autre champ d'activité. L'intérêt de cette loi est qu'elle permet à toute personne de contrôler les renseignements qui la concernent et de s'assurer que ces renseignements ne sont pas utilisés à tort et à travers.
Au plan des relations de travail, à l'heure actuelle, hormis la décision Air Canada, la loi ne pose pas de difficulté en ce sens que, même dans les cas où la convention collective comportait des dispositions en matière d'accès aux dossiers d'emploi, la Commission d'accès à l'information a toujours considéré que cela ne lui faisait pas perdre juridiction et que, malgré tout, elle pouvait donner effet à la fois à la convention et à la loi dans la mesure où le contenu de la loi s'avérait être supérieur à ce que comportait la convention. Donc, il n'y a pas vraiment de difficulté au plan pratique.
[Traduction]
La présidente: Merci, monsieur Lowther.
Monsieur Bellemare.
[Français]
M. Eugène Bellemare (Carleton—Gloucester, Lib.): J'aimerais d'abord poser à Michel Lessard une question sur la carte d'identité obligatoire. Je ne sais pas s'il s'agit de la politique de M. Lessard ou de celle de la CSN, mais avez-vous bien dit que vous étiez contre la carte d'identité obligatoire?
M. Michel Lessard: [Note de la rédaction: Inaudible].
M. Eugène Bellemare: Oui? Vous êtes sérieux?
M. Michel Lessard: En effet.
M. Eugène Bellemare: Dans le cas de la carte santé...
M. Michel Lessard: Ce n'est pas une carte d'identité.
M. Eugène Bellemare: Si la carte santé n'est pas une carte d'identité, qu'est-ce que c'est?
M. Michel Lessard: Selon la loi, ce n'est pas une carte d'identité. C'est une carte qui sert dans le régime de santé. La carte d'assurance-maladie n'est pas reconnue comme une carte d'identité, non plus que le permis de conduire.
M. Eugène Bellemare: Le permis de conduire n'est pas une carte d'identité?
M. Michel Lessard: Pas du tout.
M. Eugène Bellemare: Bonté divine! Nous vivons dans deux mondes différents, vous et moi.
M. Michel Lessard: Légalement parlant, ce n'est pas une carte d'identité.
M. Eugène Bellemare: D'après vous, un passeport est-il une carte d'identité?
M. Michel Lessard: Légalement? Je ne le sais pas.
M. Eugène Bellemare: Pensez-vous que les gens devraient se promener avec un passeport?
M. Michel Lessard: Non, parce ce ne sont pas toutes les personnes au monde qui ont des passeports. Vous avez la chance de voyager, mais le pauvre citoyen, le travailleur ordinaire...
M. Eugène Bellemare: Avez-vous un passeport?
M. Michel Lessard: Oui, j'en ai un.
M. Eugène Bellemare: Et c'est un passeport canadien?
M. Michel Lessard: Pardon?
M. Eugène Bellemare: J'imagine que c'est un passeport canadien.
M. Michel Lessard: Oui.
M. Eugène Bellemare: Est-ce que votre photo et les renseignements apparaissent dans le passeport?
M. Michel Lessard: Oui, tout à fait.
M. Eugène Bellemare: Êtes-vous contre cela?
M. Michel Lessard: On n'est pas contre cela, mais plutôt contre une carte d'identité obligatoire au Québec, une carte que tout le monde serait obligé d'avoir pour des besoins tout à fait particuliers. Une carte d'identité obligatoire, ça n'existe ni au Canada ni au Québec.
M. Eugène Bellemare: Les camionneurs au Québec ou en Ontario...
M. Michel Lessard: Je ne suis pas juriste, mais je sais que la carte d'identité obligatoire n'existe ni au Canada ni au Québec.
M. Eugène Bellemare: Les camionneurs au Canada, dans chacune des provinces, ont une carte d'identité et sont membres d'un syndicat. Cette carte stipule qu'ils peuvent, par exemple, conduire un camion de 18 roues.
M. Michel Lessard: Est-ce que votre carte de crédit est aussi une carte d'identité? Tout à l'heure, quand je suis entré ici, on m'a demandé une carte d'identité. J'ai présenté ma carte de crédit.
M. Eugène Bellemare: D'accord. Vous m'avez répondu un peu sur votre attitude concernant les renseignements personnels et vous avez dit jusqu'à quel point vouliez qu'on ait un free-for-all partout au pays...
[Traduction]
M. Walt Lastewka: Madame la présidente, l'interprète ne peut pas interpréter deux conversations à la fois, s'il le pouvait il ne serait pas ici, il ferait son argent ailleurs. Je ne peux pas suivre deux conversations à la fois.
La présidente: Un petit peu de calme, s'il vous plaît.
Monsieur Bellemare.
[Français]
M. Eugène Bellemare: Madame Pineau, vous avez parlé des problèmes d'une personne qui se demande, comme cliente, où sont rendus les renseignements la concernant. Je suppose que vous vouliez dire que la personne se demandait si ceux-ci étaient rendus à l'extérieur de la province de Québec. Est-ce bien cela?
Me Anne Pineau: Oui.
M. Eugène Bellemare: Plus tôt, nous avons reçu des représentants des compagnies d'assurance. Si quelqu'un s'assure à Montréal et accepte de donner des renseignements personnels—supposons que c'est une assurance-santé ou une assurance dentaire—, il donne toutes sortes de renseignements et donne son consentement pour que ceux-ci soient utilisés. Dans le contexte de l'assurance dentaire, pourquoi se poserait-il la question si, tout à coup, la compagnie qui l'assure est achetée ou déménage? On a souvent vu une compagnie du Québec déménager en Ontario. Pourquoi se poserait-il la question? C'est toujours la même compagnie qui l'assure. Où est le problème?
Me Anne Pineau: Le problème va se poser le jour où il voudra avoir accès à son dossier, qui est maintenant rendu à Toronto. On lui répondra: «Ce sont des renseignements qui ont été transmis à l'extérieur de la province. Donc, ce n'est pas la loi québécoise sur la protection des renseignements personnels qui s'applique dans votre cas, mais la loi fédérale. Veuillez en appeler à la Cour fédérale si vous voulez avoir accès à votre dossier.» C'est ça, le problème.
À l'heure actuelle, au Québec, l'article 17 de la loi prévoit que lorsqu'une entreprise transfère à l'extérieur de la province des renseignements personnels, elle doit s'assurer que ces renseignements vont recevoir le même traitement qu'en vertu de la loi québécoise et que la compagnie sera garante de leur confidentialité. La tierce partie qui recevra ces renseignements ou qui les traitera s'engagera à appliquer des dispositions équivalentes à celles de la loi québécoise. J'aimerais terminer, s'il vous plaît.
M. Eugène Bellemare: Oui, mais vous prenez tout mon temps.
Me Anne Pineau: On précise, à l'alinéa 4(1)b), que cela s'appliquera aux renseignements personnels qui sont acheminés dans une autre province et que le champ d'application de la loi fédérale portera sur tous les renseignements dans la mesure où ils seront transmis d'une province à une autre.
M. Eugène Bellemare: Au Québec, le même client s'assure cette fois-ci auprès d'une compagnie, par exemple la Sun Life, qui avait auparavant son siège social au Québec mais qui est maintenant établie en Ontario. Il s'assure auprès de cette compagnie parce qu'il a vérifié et considère que les rendements sont meilleurs à cet endroit. Qui protège cette personne?
Me Anne Pineau: Cela dépend de ce qu'on a fait de ses renseignements. Je vous invite à lire l'alinéa 4(1)b):
-
4. (1) La présente partie s'applique à toute organisation à
l'égard des renseignements personnels:
-
b) soit qu'elle
recueille, utilise ou communique d'une province à
l'autre ou d'un pays à l'autre;
Au Québec, une entreprise assujettie à la loi provinciale a pleine juridiction sur les renseignements qui la concernent sur son territoire, jusqu'au jour où on envoie le dossier d'assurance des employés en Ontario ou au Nouveau-Brunswick ou jusqu'au jour où on envoie le dossier de paie à l'extérieur. À partir de ce moment-là...
M. Eugène Bellemare: Si cette même personne voit que la compagnie est rendue en Ontario ou dans une autre province, elle voudra probablement compter sur le fait que l'autre province a une loi protégeant les renseignements personnels.
Me Anne Pineau: On ne veut pas empêcher...
M. Eugène Bellemare: Pensez-vous que l'Ontario devrait avoir une loi sur les renseignements personnels parce que le Québec en a une?
Me Anne Pineau: Non, mais l'Ontario devrait en adopter une.
M. Eugène Bellemare: Est-ce que l'Ontario devrait avoir une loi?
Me Anne Pineau: Je pense que oui.
M. Eugène Bellemare: Ah, bon. Si les huit autres provinces n'ont pas de loi, le gouvernement fédéral n'a-t-il pas le droit d'adopter une loi pour protéger le consommateur?
Me Anne Pineau: On ne dit pas le contraire. On dit que dans la mesure où la loi québécoise peut s'appliquer, c'est elle qui doit s'appliquer. C'est tout ce qu'on dit.
M. Michel Lessard: Il n'y a pas de double juridiction.
M. Eugène Bellemare: Mais il n'y a pas de conflit présentement. On n'est pas en train d'en créer un.
M. Michel Lessard: Vous allez en avoir un.
M. Eugène Bellemare: Vous avez mentionné que la Cour fédérale n'avait pas d'expertise dans le domaine des renseignements privés. C'est faux madame, c'est faux. Depuis 1983, la Cour fédérale se penche sur plusieurs causes relatives aux renseignements privés. Ne le saviez-vous pas?
Me Anne Pineau: Quand on parle d'expertise, on parle de gens qui sont vraiment du milieu, qui connaissent les tenants et les aboutissants de la problématique et dont le quotidien et la pratique sont de s'occuper de ces matières-là. Au Québec, on a aussi une cour qui entend les appels sur les décisions de la Commission d'accès à l'information. On a souvent demandé l'abolition de ce palier d'appel parce que même si cela fait 10 ans que les juges de la Cour du Québec entendent ce type de causes, ils ne sont pas des experts dans ce domaine. Ils ne viennent pas du milieu et n'ont pas l'expérience pratique des renseignements personnels.
M. Eugène Bellemare: Au Québec, à Montréal, vous avez une cour fédérale.
[Traduction]
La présidente: Monsieur Bellemare, merci.
Madame Lalonde.
[Français]
Mme Francine Lalonde: J'aimerais faire comme lui, madame la présidente, pour avoir plus de temps. Merci beaucoup de votre mémoire, qui est très bien fait, qui est simple et facile à lire.
M. Eugène Bellemare: [Note de la rédaction: Inaudible].
M. Antoine Dubé: Ça ne le rend pas plus mauvais.
Mme Francine Lalonde: Je n'ai pas entendu.
M. Antoine Dubé: Il a dit que c'était un mémoire souverainiste.
[Traduction]
La présidente: J'aimerais que vous vous en teniez aux questions, si vous le voulez bien. Nous allons très rapidement être obligés de boucler cette séance, nous devons nous arrêter à 17 h 30.
[Français]
Mme Francine Lalonde: Je vais continuer au sujet du commentaire de M. Bellemare. C'est curieux, mais la loi québécoise a été adoptée par le gouvernement de Daniel Johnson, qui venait tout juste d'être élu chef du Parti libéral. C'était un fédéraliste et il y a eu unanimité au sujet de cette loi. Il y a eu un débat. J'aimerais que vous nous en parliez. Au Québec, cela a occupé beaucoup de monde pendant pas mal de temps. Il y a eu d'abord la loi et ensuite la révision, avec le projet de loi 451.
Fondamentalement, il y a déjà du travail de fait et il y a une espèce d'adhésion. Précédemment, on a entendu les assureurs. J'ai été surprise de voir comment ils s'étaient adaptés. Ils nous ont dit que les principes de la loi étaient différents de leurs pratiques précédentes, mais qu'ils se sont adaptés. Ils sont maintenant inquiets parce qu'ils vont devoir s'adapter de nouveau et considèrent que la loi fédérale est confuse.
• 1715
Dans le fond, vous dites que nous devons
continuer au Québec. Nous avons commencé quelque
chose. Cela ne s'applique pas encore partout. Il y a
encore du travail à faire. C'est comme pour n'importe quelle
loi en santé et sécurité du travail. Il faut du temps
avant que cela s'applique. Alors, vous dites
que nous devons continuer
et que la Loi C-68 doit pouvoir s'appliquer à
toutes les entreprises. C'est essentiellement ce que
vous dites. Vous n'entrez pas trop dans le débat
constitutionnel, mais vous dites qu'elle
doit s'appliquer à toutes
les entreprises qui sont sur le territoire du Québec.
Vous avez cité l'article 17. L'article 17 fait obligation aux personnes qui exploitent une entreprise au Québec et qui communiquent des renseignements à l'extérieur de protéger ces renseignements. C'est semblable au principe que l'on trouve dans la directive de l'Union européenne et dans certaines lois européennes qui créent une obligation.
La présidente: Monsieur Lessard.
M. Michel Lessard: Je dirais que, sur l'essentiel, Mme Lalonde a tout à fait raison. Au Québec, il y a un phénomène qu'on constate, indépendamment des allégeances politiques et indépendamment des intérêts des partis. Quand il y a des intérêts fondamentaux de citoyens et de citoyennes dans une société démocratique, il y a facilement consensus. Donc, il y a a eu facilement consensus sur cela, car c'est fondamental. C'est la primauté du droit d'un individu à sa vie personnelle. Qu'on soit syndicaliste, fédéraliste, indépendantiste, capitaliste, bleu, rouge ou jaune, on a intérêt à cela car on est tous des citoyens et des citoyennes. Monsieur Bellemare, je ne veux pas nécessairement avoir accès à vos renseignements privés, mais il me semble que vous aussi...
M. Eugène Bellemare: [Note de la rédaction: Inaudible].
M. Michel Lessard: Probablement. Je ne le sais pas, mais j'imagine que vous avez aussi droit à cela. Vous parlez de l'Ontario. Bien sûr, ils doivent avoir une loi eux aussi et ils vont s'en rendre compte sous la pression des citoyens et des citoyennes. Il faut qu'il y en ait une. Quand il y en a une qui couvre l'ensemble du tableau, c'est elle qui s'applique.
Ne créons pas de confusion de quelque nature que ce soit, parce qu'autrement, les citoyens et de citoyennes, dont les droits doivent avoir primauté, seront lésés. Ce sera l'ambiguïté totale. On parle des juges. Dans le domaine des relations de travail, on connaît bien cela. De plus en plus, les juges de Cour supérieure, quand ils ont des décisions à prendre, disent qu'ils ne sont pas des spécialistes en relations de travail et que nous devons retourner voir le tribunal du travail. Il faut donc qu'il y ait un tribunal administratif qui ait compétence exclusive en la matière, ce qui n'empêcherait pas les autres cours d'avoir compétence quand il y aurait délit de droit et des choses de cette nature.
La présidente: Madame Lalonde, votre dernière question, s'il vous plaît.
Mme Francine Lalonde: Ce sera un remerciement. Je peux poser une petite question sur les dossiers. Si le projet de loi C-54 était mis en application, ce serait pas mal plus compliqué pour quelqu'un d'avoir accès à son dossier en dehors du Québec. Cela créerait des droits différents, surtout que cela dépendrait aussi du type de l'entreprise concernée. Est-ce que cela vous inquiète?
Me Anne Pineau: Le problème tient d'abord au fait que, pour nous, il y a des failles dans le projet de loi C-54. On ne précise pas que ce n'est qu'à des fins légitimes et sérieuses que des renseignements personnels doivent être recueillis. On ne définit pas le consentement. On ne prévoit pas vraiment de pouvoir de vérification pour le commissaire, sauf s'il a des soupçons ou des motifs raisonnables de croire à une infraction. Le recours ne nous apparaît pas approprié. La loi n'est pas prépondérante.
Bref, il y a une série de distinctions avec la loi québécoise qui font en sorte qu'on préférerait que la loi provinciale s'applique. En outre, il est très important pour nous que le citoyen ou la citoyenne sache d'avance quelle est la loi qui s'applique à lui afin qu'il puisse savoir quels sont ses droits, où il doit consulter et quel est le régime qui lui est applicable.
[Traduction]
La présidente: Merci, madame Lalonde.
Madame Jennings.
[Français]
Mme Marlene Jennings: Merci, madame Pineau et monsieur Lessard. J'ai deux questions à vous poser.
Premièrement, je voudrais m'assurer de bien comprendre la suggestion de modification que vous faites à l'alinéa 27(2)d).
• 1720
Vous voudriez que dans les cas où le
gouvernement fédéral déterminerait qu'une loi provinciale
est essentiellement similaire, cette loi
s'applique à l'intérieur de la province concernée,
peu importe l'activité, la catégorie d'activités ou
l'organisation.
Me Anne Pineau: L'alinéa 27(2)d) nous dit que lorsqu'une loi provinciale similaire s'applique...
Mme Marlene Jennings: Oui, je le sais. Je veux savoir quelle modification vous suggérez.
Me Anne Pineau: Nous suggérons que ce ne soit pas le fédéral qui décide. Nous voulons que ce soit inscrit dans la loi. Au départ, lorsqu'on définit le champ d'application de la loi, on nous dit que la présente loi ne s'applique pas à... On pourrait dire dans la loi que lorsqu'une loi provinciale similaire existe, elle est applicable à toute organisation. Il faut le déclarer dans la loi; il ne faut pas qu'il appartienne au gouverneur en conseil de décider si la loi est similaire ou pas, quitte à ce que ce soit les tribunaux qui, ultimement, décident si la loi est effectivement similaire ou pas.
Mme Marlene Jennings: Je n'avais pas du tout compris. Merci beaucoup de votre explication.
Ma deuxième question a trait à la Loi 68 du Québec. Est-ce qu'il existe dans cette loi une disposition protégeant un employé qui dénonce son employeur qui viole la Loi 68 contre des actes de représailles? Si c'est le cas, c'est parfait. Si ce n'est pas le cas, croyez-vous que ce serait une amélioration à apporter à la fois à la Loi 68 et au projet de loi C-54? En tant que membres d'une organisation syndicale, vous transigez tous les jours avec des employeurs et vous défendez des centaines de milliers de griefs. Donc, vous connaissez les actes de représailles que pratiquent certains employeurs. Croyez-vous qu'il serait utile d'inscrire une telle protection à la fois dans la Loi 68 et dans le projet de loi C-54?
Me Anne Pineau: La Loi 68 ne comporte pas de dispositions portant sur le congédiement, le déplacement, la suspension ou les mesures de représailles pour exercice d'un droit prévu en vertu de la présente loi. Il y a une série de textes qui comportent de telles dispositions, notamment la Loi sur les normes de travail et le Code du travail, mais cela n'apparaît pas dans la Loi 68. Par ailleurs, dans la Loi 68, à l'article 9, on précise qu'une organisation ou une entreprise ne peut pas refuser d'acquiescer à une demande de biens ou de services ou à une demande relative à un emploi au motif que quelqu'un refuse de fournir un renseignement à moins que le renseignement ne soit nécessaire. Mais il n'y a pas ce pouvoir-là. Par exemple, la Commission d'accès à l'information ne peut pas ordonner la réintégration de quelqu'un qui aurait été victime de représailles.
Très honnêtement, en milieu syndical, on n'a pas eu ce type de problèmes. Nos salariés syndiqués font régulièrement, en vertu de la loi qui régit le secteur privé ou de celle qui régit le secteur public, des demandes d'accès à leurs dossiers ou de rectification. On n'a pas entendu parler de personnes qui auraient fait l'objet de mesures de représailles.
Mme Marlene Jennings: Je ne parle pas d'un employé qui a découvert une pratique à l'égard de ses propres renseignements privilégiés. Je parle, par exemple, de quelqu'un qui travaille dans une compagnie d'assurance qui fait la collecte de renseignements privilégiés, qui transmet ces renseignements privilégiés à d'autres organismes et qui est assujettie à la Loi 68. Il n'y a pas de doute que c'est la Loi 68. L'employé qui travaille dans cette compagnie d'assurance découvre un jour que son employeur viole systématiquement certaines dispositions de la Loi 68 et dénonce la pratique délinquante de son employeur au commissaire de l'accès à l'information. À ce moment-là, l'employeur le congédie ou le suspend sous un tout autre prétexte.
• 1725
Cependant, vous êtes des syndicalistes et vous savez qu'il y a
de fortes chances que
l'employé ait été congédié
parce qu'il a dénoncé
son employeur qui violait la loi
provinciale. En tant que syndicalistes,
croyez-vous que l'ajout d'une disposition protégeant
les employés dans un tel cas constituerait
une amélioration à la Loi C-68
et au projet de loi C-54?
M. Michel Lessard: Oui, car il est toujours bon de protéger davantage les travailleurs et les travailleuses. Il y a des travailleurs et des travailleuses qui sont syndiqués et d'autres qui ne le sont pas. Quelqu'un qui peut compter sur une organisation syndicale pour voir à ses intérêts au quotidien est en mesure de faire valoir ses droits bien mieux que la travailleuse ou le travailleur non syndiqué. On ne peut certainement pas être contre la vertu. On a intérêt à protéger ceux qui pourraient être pénalisés parce qu'ils dénonceraient un employeur qui viole la loi.
Mme Marlene Jennings: Merci beaucoup.
[Traduction]
La présidente: Merci beaucoup, madame Jennings.
Je remercie les témoins de s'être déplacés. Le temps nous manque. Merci de nous avoir fait profiter de vos lumières, notamment grâce à vos mémoires, ainsi qu'à vos réponses aux questions posées.
La séance est levée.