Passer au contenu
;

INDY Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

STANDING COMMITTEE ON INDUSTRY

COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE

• 0900

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 16 mars 1999

• 0902

[Traduction]

La présidente (Mme Susan Whelan (Essex, Lib.)): Conformément à un ordre de renvoi de la Chambre en date du mardi 3 novembre 1998, le comité examine le projet de loi C-54, Loi visant à faciliter et à promouvoir le commerce électronique en protégeant les renseignements personnels recueillis, utilisés ou communiqués dans certaines circonstances, en prévoyant l'utilisation de moyens électroniques pour communiquer ou enregistrer de l'information et des transactions et en modifiant la Loi sur la preuve au Canada, la Loi sur les textes réglementaires et la Loi sur la révision des lois.

C'est avec plaisir que je souhaite la bienvenue à nos témoins ce matin. Nous accueillons Mme Barbara Robbins, vice-présidente et conseillère juridique principale chez Sélection du Reader's Digest (Canada) Ltée; M. Len Wolstenholme, directeur du développement général chez Xentel DM Inc.; et de l'Association canadienne du marketing, M. John Gustavson, président-directeur général, et Mme Mona Goldstein, présidente, Comité sur l'éthique et la protection de la vie privée.

J'ai cru comprendre que M. Gustavson allait prendre la parole en premier après quoi les autres ajouteront quelques mots à leur tour.

J'espère que vous trouverez devant vous deux mémoires, l'un de l'Association canadienne du marketing et l'autre de Xentel.

Monsieur Gustavson.

M. John Gustavson (président-directeur général, Association canadienne du marketing): Merci, madame la présidente. Je vous remercie, vous et les membres du comité, d'avoir accepté de nous recevoir ce matin.

J'aimerais d'abord vous présenter nos excuses. Notre mémoire a été distribué ce matin seulement, et non pas envoyé à l'avance. Comme le savent certains membres du comité, nous avons consacré énormément de temps à nous préparer à mettre en oeuvre un changement aux règles qui régissent les activités de marketing de nos membres à l'intention des enfants. Ce changement a été annoncé la semaine dernière mais il a fallu que l'Association y consacre énormément de ressources, et c'est ce qui explique le retard que nous avons mis à vous faire parvenir notre mémoire. J'en suis désolé. Cependant, je crois que notre position sur le projet de loi est assez bien connue.

J'aimerais préciser à l'intention des membres du comité qui ne connaissent pas bien notre association que nous représentons 750 sociétés de marketing au Canada. L'an dernier, les Canadiens ont acheté pour 13,5 milliards de dollars de biens et de services au moyen du marketing fondé sur l'information et nos membres comptent pour 80 p. 100 de ce total. Cette activité économique a créé de l'emploi pour quelque 236 000 Canadiens dans toutes les régions du pays, et nous avons connu un taux de croissance très rapide, dont la moyenne s'établit à 9 p. 100 par année pour les cinq dernières années.

Je me propose ce matin de vous exposer les raisons pour lesquelles nous appuyons le projet de loi C-54 et vous faire part de quelques réserves que nous avons. Quand je vous aurai donné la perspective nationale au nom de l'association, deux de nos membres ont demandé à présenter une position indépendante de celle de l'association.

• 0905

M. Wolstenholme, de Xentel, traitera plus précisément de l'accès à l'information qui est du domaine public. Mme Robbins, de Sélection du Reader's Digest, vous dira quelques mots de l'expérience qu'elle a acquise en ce qui a trait à la loi du Québec mais aussi de l'expérience de Sélection du Reader's Digest au niveau international en ce qui a trait à l'élaboration de lois et de règlements sur la protection des renseignements personnels.

L'association nationale a une longue expérience du débat entourant la protection des renseignements personnels. Nous étions membres du comité technique de l'ACNOR. Nous croyons que le projet de loi issu de ces travaux, qui ont duré quatre ans, reflète un excellent équilibre entre la protection des renseignements personnels des consommateurs et des particuliers, d'une part, et la capacité des entreprises d'utiliser de nouvelles technologies pour prendre de l'expansion et mieux servir leurs consommateurs, d'autre part. La préparation du code de l'ACNOR, qui a duré quatre ans, a été une expérience enrichissante, je crois, pour les représentants des milieux des affaires aussi bien que pour les représentants des consommateurs qui ont participé aux travaux. Le temps que nous avons mis à en arriver à un consensus, à un vote unanime en faveur du code de l'ACNOR, montre bien que la proposition mise de l'avant par les participants a été mûrement réfléchie.

L'association elle-même a une longue expérience de ce débat, comme je l'ai déjà dit. En 1993, l'ACM fut l'une des premières grandes associations industrielles à imposer à ses membres un code obligatoire de protection de la vie privée. Ce code obligatoire accorde aux consommateurs le droit de donner leur consentement avant que leur nom ou des renseignements personnels ne soient transférés à des tiers; d'avoir accès à l'information détenue à leur sujet; d'obtenir la source de leur nom sur les listes de marketing; de corriger les renseignements incorrects; et de retirer leur nom des listes de marketing utilisées dans les campagnes téléphoniques et les publipostages.

Quand nous avons participé à l'élaboration du code modèle de l'ACNOR, qui est à notre avis un compromis délicat entre des intérêts antagonistes, l'un des éléments les plus intéressants du processus était que chaque groupe avait un droit de veto. Collectivement, les groupes de consommateurs devaient voter avec la majorité pour approuver le code comme c'était le cas des groupes représentant les milieux d'affaires et les fonctionnaires du gouvernement. En raison du droit de veto qu'avait chacun des groupes, je peux vous dire que ces négociations ont parfois été très ardues. À l'automne de 1995, quand le code a été approuvé à l'unanimité par le groupe qui travaillait à son élaboration depuis si longtemps, nous avons jugé qu'il était temps que le gouvernement fédéral joue à son tour un rôle. En 1995 nous avons été la première association nationale représentant les intérêts des gens d'affaires—et je crois que nous sommes sans doute la seule grande association nationale à l'avoir fait jusqu'à maintenant—à demander au gouvernement de déposer un projet de loi pour imposer au secteur privé une loi nationale de protection des renseignements personnels qui reprendrait les modalités du code de l'ACNOR.

C'est sans doute quelque peu inhabituel qu'un groupe de gens d'affaires réclament l'adoption d'une loi applicable au secteur privé, mais nous jugions important de le faire. D'abord, si nos membres respectaient notre code obligatoire, ils ne représentent que 750 entreprises sur plus d'un million au Canada. Ensuite, nous constations que les consommateurs devenaient de plus en plus réticents à partager leurs renseignements personnels en l'absence de garanties quant à la façon dont ces renseignements allaient être utilisés. En outre, nous étions d'avis qu'il serait préférable que toute loi éventuelle reflète le consensus national qui était l'aboutissement des travaux de l'ACNOR, au lieu d'attendre que l'adoption d'une telle loi soit rendue inévitable par des histoires d'horreur sur l'utilisation de renseignements personnels qui provoqueraient la mobilisation de l'opinion publique et c'est pourquoi nous avons préféré que l'adoption d'une telle loi se fasse de façon mesurée et réfléchie.

L'ACNOR a énoncé une série de principes au lieu d'élaborer un code détaillé régissant la façon dont chaque entreprise doit traiter les renseignements personnels. Notre expérience à cet égard est assez pertinente.

Quand nous avons élaboré notre propre code en 1991 et 1992—le code qui est devenu obligatoire en 1993—nous avons d'abord cherché à élaborer un code très technique qui aurait dicté à nos membres exactement comment traiter les renseignements personnels. Nous avons constaté que chaque fois que nous avons tenté d'agir de la sorte, quelqu'un nous signalait que de nouveaux moyens techniques existaient ou allaient bientôt être mis au point qui rendraient inopérants notre code très détaillé. Nous nous sommes donc repliés sur un jeu de principes repris du traité de l'OCDE signé par le Canada en 1984. Ces principes ont le grand avantage d'être très souples, de s'appliquer à la quasi-totalité des situations et de servir de guide à nos membres en cas d'imprévu. L'inconvénient, bien entendu, c'est qu'il ne s'agit pas d'un code absolument détaillé décrivant la marche à suivre de sorte que nous avons dû y apporter en complément certaines lignes directrices.

• 0910

Nous avons fait part de cette expérience aux autres membres du Comité technique de l'ACNOR dont le code est effectivement une série de principes. Comme certains témoins l'ont dit déjà au comité, ce projet de loi sort un peu de l'ordinaire. Il peut même sembler moins précis que les projets de loi que vous examinez habituellement, mais nous croyons que c'est une nouvelle approche face aux nouvelles technologies de l'information qui évoluent très rapidement et constamment et qui se prêtent à une foule d'applications sans cesse renouvelées. Il y a de grands avantages à adopter une approche un peu inhabituelle, à adopter une loi dont le cadre est très clair mais qui incorpore en annexe les principes de l'ACNOR.

Comme je l'ai déjà dit, le marketing fondé sur l'information est l'une des principales activités économiques de notre pays et crée de l'emploi pour quelque 236 000 personnes. Ce secteur a connu un taux de croissance très rapide stimulé par la demande des consommateurs.

Il y a à cela deux aspects. Le premier concerne les changements démographiques. Les familles où les deux parents travaillent à l'extérieur, les familles monoparentales et le vieillissement de la population rendent les achats à domicile de plus en plus populaires. Ensuite, les consommateurs souhaitent de plus en plus des offres adaptées à leurs besoins, des offres qui correspondent à leurs intérêts et des combinaisons d'offres qui répondent à leurs besoins. En réponse à la demande des consommateurs, les entreprises se sont mises à utiliser de plus en plus les renseignements personnels pour personnaliser ces offres et les présenter au client à domicile. Pour ce faire, il a fallu assurer le bon traitement et la sécurité des renseignements personnels.

Pour bien vous expliquer la chose, madame la présidente—et je ne vais pas prendre le temps d'entrer dans le détail—les campagnes de marketing sont très structurées. Nous ne vendons pas de l'information, nous la louons pour une utilisation ponctuelle. L'information est conservée dans sa base de données d'origine. Nous n'établissons pas le profil de consommateurs individuels mais uniquement de consommateurs pris collectivement. Je pourrai peut-être donner une explication plus détaillée pendant la période des questions, car je sais que le temps est limité. Si le comité souhaite y revenir plus en détail, je pourrai toujours répondre à une question là-dessus.

Toutefois, ce qui m'apparaît fondamental c'est de bien faire comprendre que nous sommes voués au respect de lignes directrices sur la protection des renseignements personnels et à l'adoption de pratiques transparentes en matière de traitement de l'information car nos succès futurs en dépendent. Nous ne pouvons avoir une relation à long terme avec nos clients ni fidéliser notre clientèle si leur confiance est ébranlée. De fait, cela étoufferait la croissance de notre industrie.

Le projet de loi exige...

La présidente: Monsieur Gustavson, puis-je vous demander d'accélérer un peu. Nous aimerions passer le plus rapidement possible aux questions.

M. John Gustavson: J'aimerais aborder deux autres points, puis je m'arrêterai.

La présidente: Merci.

M. John Gustavson: Le projet de loi exige qu'il y ait consentement pour la collecte, l'utilisation ou la communication de tout renseignement personnel. Nous croyons que ce sont des exigences raisonnables. Toutefois, au regard des dispositions du code de l'ACNOR qui a fait l'objet d'une négociation bien réfléchie, et que nous proposons en amendement au projet de loi, nous croyons qu'il faut permettre un certain accès à l'information du domaine public. Nous comprenons pourquoi cet accès doit être soigneusement limité et pourquoi il faut exclure les renseignements sensibles, mais nous croyons que l'un des amendements au projet de loi tel qu'il est libellé permettrait un accès approprié à certaines formes d'informations non sensibles dans le domaine public.

Enfin, plusieurs témoins ont soutenu que le projet de loi va trop loin ou encore qu'il ne va pas assez loin. Il se peut que ces deux positions soient justifiées. Quand la loi entrera en vigueur, nous constaterons peut-être dans certains cas qu'il y a eu des oublis. Dans certains cas, la loi s'avérera peut-être trop restrictive et freinera peut-être trop la croissance économique du pays. Toutefois, trois choses me rendent optimiste face au projet de loi: d'abord, il fera l'objet d'un examen au bout de cinq ans; ensuite, les principes qu'il renferme sont très souples; et enfin, il s'inspire du consensus issu des travaux de l'ACNOR.

Madame la présidente, en guise de conclusion, j'aimerais tout simplement dire qu'à notre avis le projet de loi est un compromis tout à fait acceptable et nous espérons que le projet de loi sera adopté.

La présidente: Merci.

Monsieur Wolstenholme.

M. P.L. (Len) Wolstenholme (directeur, Développement général, Xentel DM Incorporé): Merci, madame la présidente.

Comme je suis membre de l'Association canadienne du marketing, j'aimerais bien sûr me faire l'écho des commentaires de John et exprimer notre appui au projet de loi. Toutefois, j'estime qu'il serait utile que vous sachiez ce que fait notre entreprise, qui est sa clientèle, après quoi je passerai aux problèmes qui continuent d'exister, selon nous et selon nos clients, dans la partie 1 du projet de loi C-54.

Notre société a été créée en Alberta il y a 20 ans par deux personnes qui croyaient que le secteur des services sans but lucratif et les organisations qui le forment allaient devoir eux-mêmes se trouver des sources diversifiées de financement pour assurer leur survie à long terme. Les événements ont certainement confirmé depuis qu'ils avaient vu juste.

• 0915

Ils croyaient aussi pouvoir créer une entreprise canadienne florissante en aidant les organisations sans but lucratif à en faire autant, et le pari est gagné. Aujourd'hui, nous sommes le plus important fournisseur de service de ce genre au Canada et hier nous avons annoncé notre expansion aux États-Unis grâce à l'acquisition de deux sociétés américaines solidement établies qui ensemble ont deux fois notre taille.

Aujourd'hui, je vous parle en ma qualité de représentant d'une société qui compte parmi les 10 premières entreprises d'organisation d'événements de bienfaisance et de recherche de donateurs en Amérique du Nord. La société appartient à 85 p. 100 à des Canadiens, surtout à ses dirigeants et employés. Au Canada, notre société sert plus de 300 organisations sans but lucratif et emploie actuellement près de 3 000 Canadiens, à plein temps ou à temps partiel, dans 10 succursales de Halifax à Vancouver.

Nos employés travaillent dans un milieu très particulier. Vous comprendrez que quand on a pour mandat d'aider les organisations sans but lucratif à se faire connaître et de soutenir leurs activités, cela n'a rien de comparable à la plupart des emplois du secteur des services. Nous assurons des conditions de travail très souples à ceux qui doivent travailler tout en élevant leur famille, en poursuivant leurs études, en surmontant les problèmes de l'invalidité ou de maladies chroniques. Par ailleurs, nous n'avons jamais mis à pied d'employés pour des raisons de récession économique ou de concurrence étrangère. Peu d'employeurs canadiens, des secteurs public ou privé, peuvent en dire autant.

Permettez-moi de vous dire quelques mots de nos clients. Ce sont tous des organisations de service communautaire dévouées dont la main-d'oeuvre est bénévole: des maisons de refuge pour les femmes, des centres de soins palliatifs, des organismes de charité régionaux ou nationaux, des organisations sportives pour personnes handicapées, des associations de pompier ou d'agents de maintien de l'ordre, des clubs sociaux et des organisations fraternelles. Certains de ces groupes fournissent des services directs. D'autres financent des services dont la prestation est assurée par d'autres organismes, notamment des unités de soins aux brûlés dans les hôpitaux, des soins pédiatriques spécialisés, etc...

Nous clients comptent sur les campagnes que nous gérons pour eux pour obtenir une partie, sinon la totalité de leurs ressources financières pour couvrir leurs budgets annuels. Collectivement, ils emploient un peu moins de 20 000 Canadiens et ces employés peuvent compter sur l'appui de bénévoles au moins deux fois plus nombreux dans toutes les provinces et tous les territoires.

Ainsi, ensemble, ils font une contribution énorme dans les secteurs des services sociaux, médicaux et éducatifs au Canada et leur succès dépend largement du nôtre.

Depuis dix ans, la plupart de nos clients ont subi d'importantes réductions du financement qu'ils obtenaient des trois ordres de gouvernement. En travaillant avec nous, ils apprennent à nouer des relations durables avec des particuliers, des petites entreprises et des donateurs de tout le Canada, à se faire connaître et à faire une promotion efficace de leurs activités.

J'aimerais maintenant parler de la partie I du projet de loi C-54 et plus particulièrement de la protection des renseignements personnels. J'aimerais prendre l'exemple des pages blanches du bottin téléphonique. Il y a plusieurs années, un tribunal canadien a jugé que les pages blanches du bottin téléphonique constituent des renseignements du domaine public. Grâce aux techniques les plus modernes de balayage à grande vitesse, nous pouvons convertir les bottins téléphoniques en données numériques dès leur publication. Nous y ajoutons ensuite les renseignements postaux complets, à savoir les corrections d'adresse et les codes postaux. Nous obtenons alors un dossier complet transmissible par la poste pour la quasi-totalité des abonnés au téléphone inscrit dans le bottin pour tout le Canada. Voilà la principale source de nos listes de marketing et des listes qu'utilisent nos clients. Elles ne renferment aucun renseignement personnel sensible.

Je vous dirai, pour vous donner une idée de notre présence sur le marché, que nos employés parlent à plus de 100 000 Canadiens par jour, et cela comprend les samedis. Environ 10 000 Canadiens reçoivent tous les jours des envois de suivi par la poste. L'an dernier, 2 millions de Canadiens ont fait un don à une campagne de financement ou ont acheté des billets pour un événement administré par notre société pour le compte d'organismes sans but lucratif. Vous comprendrez qu'une telle présence sur le marché et qu'un si grand nombre de contacts avec autant de consommateurs tous les jours ouvrables nous permettent de savoir s'ils s'opposent à ce que nous communiquions avec eux et qu'ils nous indiqueront sans détour si cela leur pose un problème, et nous les écouterons.

Nous avons été l'un des premiers fournisseurs de service de marketing direct au Canada à se doter d'une banque de données de marketing informatisée afin que nous puissions gérer nos activités de façon plus efficace et plus cohérente et réduire le coût pour nos clients. En 1988, l'informatisation de nos données nous a permis d'élaborer des listes internes informatisées des clients avec lesquels il ne fallait pas communiquer ni par téléphone ni par courrier. Nous n'utilisons pas pour les campagnes de financement de nos clients les renseignements relatifs à un consommateur qui a demandé à ne pas être dérangé. En date d'hier, environ 450 000 foyers canadiens, soit 4 p. 100 figuraient sur nos listes «ne pas appeler». Nous souscrivons aussi aux listes «ne pas appeler» et «pas d'envoi postal» de l'Association canadienne de marketing et cela depuis qu'elles existent.

• 0920

Nous croyons fermement que les Canadiens ont le droit de ne pas être dérangés par des entreprises de marketing direct si c'est ce qu'ils souhaitent et nous savons fort bien que cela ne nous sert à rien de communiquer avec des gens qui ont exprimé clairement leur volonté de ne pas être dérangés. Il se trouve tellement plus de gens qui veulent que nous communiquions avec eux que nous n'allons pas perdre de temps ou d'argent si nous pouvons l'éviter.

Nous croyons par ailleurs que les renseignements personnels sensibles—données financières et médicales, par exemple—devraient être protégés et confidentiels.

La présidente: Je suis désolée, monsieur Wolstenholme, mais je vous demanderais de conclure. Chacun ne devait prendre que cinq minutes, et nous avons largement débordé.

M. Len Wolstenholme: Mon temps est-il épuisé?

La présidente: Oui.

M. Len Wolstenholme: D'accord.

Le projet de loi tel qu'il est libellé limite l'utilisation de l'information qui se trouve dans les bottins téléphoniques. Un projet d'amendement prévoit que ces cas relèvent des règlements pris en application de la loi. Nous ne croyons pas que ce soit suffisant. Nous croyons qu'il y a un problème fondamental dans cette tentative injustifiée d'imposer des restrictions relatives à l'information. Le projet de loi C-54, tel qu'il est libellé, limiterait l'utilisation des renseignements qui se trouvent dans le bottin téléphonique. Rien ne justifie de telles restrictions. Nous croyons que l'information que les consommateurs rendent délibérément publique ou qui est publique en raison de sa publication ne doit faire l'objet d'aucune réglementation. Elle doit être expressément exemptée de l'application du projet de loi C-54 ou de toute loi subséquente.

Merci.

La présidente: Merci.

Madame Robbins.

[Français]

Mme Barbara Robbins (vice-présidente et conseillère juridique principale, Sélection du Reader's Digest (Canada) Ltée): Merci, madame la présidente.

Au nom du président de Reader's Digest, M. Bernard Poirier, ainsi que de ses quelque 350 employés, j'aimerais remercier le comité de l'occasion qu'il nous offre d'être entendus aujourd'hui.

Nous sommes ici pour donner notre appui à ce projet de loi, mais nous nous limiterons à la partie 1 et à l'annexe 1 du projet.

Le fondement de notre appui se trouve dans l'historique et le profil corporatif de Reader's Digest. J'aimerais souligner, premièrement, que bien que nous fassions des affaires à travers le Canada, le siège social de la compagnie se trouve à Montréal, dans cette juridiction où, pour la première fois en Amérique du Nord, une législature a adopté une loi visant le secteur non gouvernemental en ce qui concerne la protection de la vie privée. Nous avons donc de l'expérience dans ce domaine.

À la suite de l'adoption du projet de loi 68, la compagnie a dû prodéder à des changements dans ses politiques et procédures. Cela a pris du temps et a impliqué des coûts, mais nous sommes ici et forts aujourd'hui. L'existence de la loi québécoise n'a pas eu pour effet de causer un bouleversement total dans la compagnie.

La leçon importante à en tirer est que la loi est juste et équitable dans son approche et qu'elle contient un bon équilibre entre les intérêts des consommateurs, employés et citoyens en général, et les intérêts des autres secteurs de la société.

Je ne suis pas ici pour porter un jugement de valeur sur le projet de loi C-54 comparativement au projet de loi 68. Je veux simplement souligner que je vois dans le projet de loi fédéral le même genre d'équilibre, de justice et d'équité qu'on retrouve dans la loi québécoise. Nous pouvons donner notre appui, parce que nous n'avons pas peur que cela nous cause un boulversement, malgré les obligations, les coûts et les changements que nous serons obligés de faire avec l'adoption de cette loi et des lois parallèles provinciales. Bref, il s'agit d'une loi juste et équitable.

• 0925

Deuxièmement, comme M. Gustavson l'a souligné, nous faisons partie d'une compagnie internationale. Nous avons eu et avons encore une fenêtre sur le monde, que ce soit en Italie, en Chine ou en Pologne. Que se passe-t-il dans le secteur de la protection de la vie privée? Encore une fois, je voudrais souligner que ce projet de loi, en général, est en harmonie avec ce qui se passe dans le monde puisqu'il se base sur les principes de l'OCDE. Mais il a un aspect très original, soit l'intégration du code de l'Association canadienne de normalisation. Il y a donc harmonisation avec le reste du monde mais également un aspect très original. Nous pouvons donner notre appui à cela.

Finalement, j'aimerais souligner cette approche originale voulant que les principes soient contenus l'annexe 1, ce qui donne la flexibilité nécessaire aux industries. En tant que membre de l'Association canadienne du marketing, nous vivons quotidiennement avec leur code d'éthique et la protection de la vie privée. Ce code nous donne la flexibilité nécessaire pour l'industrie. Donc, pour ces trois raisons, la compagnie Reader's Digest appuie l'adoption de ce projet de loi. Merci.

[Traduction]

La présidente: Merci, madame Robbins.

Nous allons passer maintenant aux questions. Monsieur Lowther.

M. Eric Lowther (Calgary-Centre, Réf.): Merci, madame la présidente.

Je vais choisir la solution de facilité aujourd'hui et me servir des questions préparées par les attachés de recherche. Je ne fais pas toujours cela mais j'estime que certaines des questions qu'ils ont préparées sont excellentes et je vais me fier à leur savoir.

Nous avons entendu ce matin des avis très contrastés, certains très favorables et d'autres beaucoup moins. Chacun de vous a une expérience personnelle de l'agacement exprimé par les consommateurs en ce qui a trait à la protection des renseignements personnels. Je me souviens avoir été moi-même très agacé quand j'étais en affaires.

Nous devrions peut-être commencer par vous, monsieur Gustavson, et ensuite passer aux autres témoins qui pourront dire ensuite quelques mots.

On nous a dit que les renseignements des bottins téléphoniques pourraient dorénavant être protégés...quel genre de plaintes vous et vos membres recevez-vous et que faites-vous quand vous recevez de telles plaintes? Ce projet de loi a pour but de corriger certains problèmes, d'élargir l'accès à l'information tout en assurant la protection des renseignements personnels. Vous et vos membres êtes en prise directe avec la réalité. Qu'entendez-vous? Que voyez-vous?

Nous pourrons peut-être comparer la réalité telle que vous la percevez aux dispositions que renferme ce projet de loi.

M. John Gustavson: Je pourrais peut-être réagir à votre premier commentaire où vous avez dit que les avis sont divergents. Les témoins qui comparaissent devant vous aujourd'hui voient les choses sous des angles quelque peu différents mais j'espère que l'appui général au projet de loi ressort de tous les témoignages. Nous souhaitons certes quelques changements, ils sont mineurs ou exigent un règlement plus fin, notamment en ce qui a trait à l'information du domaine public.

Je vous renvoie aux statistiques qui sont très révélatrices: le taux de croissance est de 9 p. 100 par année et notre chiffre d'affaires est de 13,5 milliards de dollars. Ces statistiques montrent que les consommateurs sont très favorables aux services de télémarketing. Je pense que c'est de plus en plus le cas parce que nous leur offrons des services plus adaptés à leurs besoins et plus pertinents. Nous ne recevons donc pas beaucoup de plaintes. Si nous en recevons, elles se présentent comme ceci: «Mon paquet n'est pas arrivé au moment dit», «Le produit ne se présentait pas de la façon dont je m'y attendais», et «pouvez-vous m'aider à obtenir un remboursement?» Il semblerait que dans la majorité des cas, les gens...

Le pire qui puisse arriver, dans notre cas, c'est évidemment de faire trop de publicité pour un produit. Nous attachons beaucoup d'importance aux questions fondamentales qui se posent et qui ont trait à la protection de la vie privée. Nous offrons de bonnes marchandises et de bons services. Lorsque les gens se plaignent, c'est plutôt de recevoir trop d'appels téléphoniques ou trop de courrier et non pas qu'on porte atteinte à leur vie privée.

Je reconnais cependant que nous traitons beaucoup de renseignements personnels et que nous devons le faire très soigneusement.

• 0930

M. Eric Lowther: Je ne songeais pas à des plaintes de nature générale. Je songeais à des plaintes qui porteraient sur l'atteinte à la vie privée. Recevez-vous ce genre de plaintes? Lorsque vous en recevez, comment se présentent-elles?

M. John Gustavson: Nous n'en recevons pratiquement pas. Il y a bien quelques personnes qui nous demandent comment nous avons obtenu leur nom. C'est la question qu'on nous pose le plus fréquemment. Comme la transparence est un principe de base de notre code de protection de la vie privée, nous divulguons toujours ce renseignement. Dans la plupart des cas, les plaintes que nous recevons sont de ce type. Une fois que nous répondons à cette question, les gens...

M. Eric Lowther: Que se passe-t-il alors?

M. John Gustavson: Les gens peuvent s'adresser à l'entreprise qui nous a communiqué le nom pour faire retirer leur nom de la liste de distribution.

Les autres plaintes que nous recevons...

M. Eric Lowther: Pouvez-vous indiquer au comité si vous recevez beaucoup de plaintes de ce genre? S'agit-il d'une plainte sur 1000, d'une plainte sur 10 000 ou d'une plainte sur 100 000? Ces plaintes sont-elles très rares? Essayez de les quantifier.

M. John Gustavson: Les gens qui se plaignent nous posent habituellement deux questions. La première est celle-ci: «Où avez-vous obtenu mon nom?». Je ne me défile pas et je réponds toujours à cette question.

M. Eric Lowther: Oui, je le comprends.

M. John Gustavson: La seconde question est: «Comment obtenir que mon nom soit supprimé de la liste?»

Nous offrons un service aux consommateurs auxquels ils peuvent souscrire gratuitement. Tous les trois mois, nous envoyons un enregistrement informatique à nos membres qui doivent supprimer de cette liste le nom des consommateurs qui l'ont demandé. L'inscription gratuite est valable pendant trois ans. Tout ce que cela coûte c'est un timbre.

La plupart des consommateurs qui s'adressent à nous nous demandent donc comment ils doivent s'y prendre pour faire supprimer leur nom de cette liste.

M. Eric Lowther: Très bien.

M. John Gustavson: Nous divulguons ce renseignement. On nous demande ensuite parfois d'autres questions comme celle-ci: «En passant, comment mon nom s'est-il retrouvé sur cette liste?» Nous répondons à cette question. La vaste majorité des appels que nous recevons sont donc de ce genre. La seconde question qu'on nous pose découle parfois de la première.

La présidente: Je vous remercie, monsieur Lowther.

Monsieur Keyes.

M. Stan Keyes (Hamilton-Ouest, Lib.): Je vous remercie beaucoup de votre contribution aux travaux du comité.

Monsieur Wolstenholme, vous nous avez très bien expliqué les services qu'offre votre entreprise. Vous nous avez énuméré tous vos clients. Comme les personnes dont a parlé M. Gustavson, mes électeurs se préoccupent de savoir comment on a obtenu leur nom et leur numéro de téléphone. Vous avez dit pouvoir communiquer avec 100 000 personnes par jour. Dans la plupart des cas, c'est à l'heure du dîner qu'on appelle les gens.

Dans votre déclaration préliminaire, vous avez fait remarquer que la définition très large de renseignement personnel pose des difficultés. La présidente m'informe qu'un amendement à cet égard sera proposé au règlement. Vous avez dit qu'il n'est pas souhaitable de protéger les simples données figurant dans l'annuaire téléphonique et que cette mesure pourrait avoir des conséquences inattendues.

Lorsqu'une personne donne son nom et son numéro de téléphone à la société de téléphone, c'est habituellement pour s'assurer que ses amis et ses parents aient un moyen de la joindre. C'est habituellement cette raison qui incite cette personne à divulguer ces renseignements, si elle ne veut pas ou ne peut pas se permettre que son nom ne figure pas dans l'annuaire téléphonique. Je ne pense pas que cette personne le fait pour que son nom et son numéro de téléphone se retrouvent sur votre liste de télémarketing et qu'on l'appelle ensuite pour lui dire qu'un tel organisme de bienfaisance mérite d'être appuyé ou pour lui proposer d'acheter un produit.

• 0935

Soutenez-vous que parce que ces renseignements sont du domaine public vous avez le droit de les verser dans votre ordinateur et de vous en servir?

M. Len Wolstenholme: Vous avez soulevé deux ou trois questions. Vous avez dit en passant qu'on appelle habituellement des gens à l'heure du dîner. Notre centre téléphonique mène ses activités de 9 heures à 21 heures. Mes enfants font du hockey, de la natation, de la musique et du scoutisme. Nous dînons entre 16 heures et 20 heures. Il est bien difficile de dire quand les gens dînent.

M. Stan Keyes: C'était sans importance.

M. Len Wolstenholme: Je comprends cependant votre point de vue.

Les annuaires téléphoniques existent au Canada depuis presque aussi longtemps que les téléphones. Les gens qui les consultent cherchent à joindre quelqu'un d'autre. Peut-être que la raison première pour laquelle les gens inscrivent leur numéro de téléphone dans l'annuaire c'est pour que leurs amis et leurs parents puissent les joindre. Je pense que la plupart de nos parents et de nos amis ont cependant notre numéro de téléphone. Il leur suffit de consulter leur carnet d'adresse.

Ces renseignements sont du domaine public. De ce fait, et compte tenu de la décision rendue il y a plusieurs années par un tribunal au sujet de la concurrence en ce qui touche les annuaires téléphoniques, nous savons maintenant que ces renseignements sont considérés comme une source de renseignements précieuse à laquelle tout le monde doit avoir accès. Vos électeurs—et je pense qu'ils ne doivent pas être très nombreux, mais ceux qui communiquent avec vous sont évidemment ceux qui n'ont pas peur de s'exprimer—se demandent peut-être d'où on a obtenu leur nom et la raison pour laquelle on les appelle. Le fait est que ces renseignements figurent dans l'annuaire téléphonique.

Les gens peuvent à tout moment dire l'une ou l'autre des choses suivantes: a) je ne m'intéresse pas à cette cause; b) cette méthode ne m'intéresse pas; ou c) supprimez mon nom de votre liste et ne m'appelez plus. Ils ont la possibilité de le faire. C'est très simple.

Les sociétés de téléphone offrent aux consommateurs qui souhaitent qu'on ne les appelle que dans certains cas le moyen de faire en sorte qu'on respecte leur désir. L'identification de l'appelant est la méthode la plus fréquemment choisie et ce service coûte de 5 $ à 7 $ par mois.

M. Stan Keyes: Votre nom apparaît-il sur l'écran si quelqu'un a ce service?

M. Len Wolstenholme: Oui.

Un numéro confidentiel coûte 2 $ par mois. C'est la façon la moins coûteuse de faire en sorte qu'on ne puisse pas communiquer avec nous.

M. Stan Keyes: J'aimerais savoir ce qui se passe lorsque votre société appelle quelqu'un qui lui dit ceci: «Votre service ne m'intéresse pas. Je ne sais pas comment vous avez obtenu mon nom, mais je veux que vous le rayez de votre liste.»

M. Len Wolstenholme: Très bien.

M. Stan Keyes: Ils sont donc rayés de la liste. Que faites-vous des renseignements que vous avez pu obtenir pendant la conversation?

M. Len Wolstenholme: Voulez-vous dire le nom, l'adresse et le numéro de téléphone?

M. Stan Keyes: Le nom, l'adresse, le numéro de téléphone et tout autre renseignement que vous avez pu obtenir de la personne avant qu'elle ne vous dise: «Savez-vous, cela ne m'intéresse pas. Rayez mon nom de votre liste.»

M. Len Wolstenholme: Le seul renseignement qui nous intéresse, c'est que cette personne ne veut pas être appelée et ne veut pas recevoir d'envoi.

M. Stan Keyes: Qu'arrive-t-il des renseignements que vous avez déjà à son sujet?

M. Len Wolstenholme: Nous gardons les noms, adresse et numéro de téléphone...

M. Stan Keyes: Vous les gardez de toute façon?

M. Len Wolstenholme: ...dans un dossier de personne à ne pas appeler. Si nous ne faisions qu'enlever ces renseignements du dossier pour qu'ils n'existent plus nulle part, peu importe si...

M. Stan Keyes: Je voulais parler plutôt des renseignements personnels que vous avez pu obtenir pendant la conversation. Par exemple, la personne qui fait l'appel pourrait dire: «bonjour, je suis Dorothy et j'appelle au nom de la Société du cancer. Combien d'enfants avez-vous?» La personne dit quatre, donne quelques réponses à des questions personnelles et prend ensuite une décision.

M. Len Wolstenholme: Nous ne demandons pas de renseignements de ce genre.

M. Stan Keyes: Vous n'obtenez pas de renseignements personnels du tout?

M. Len Wolstenholme: Non. Nous avons le nom, l'adresse, le numéro de téléphone, le code postal et l'accueil fait au client dans le passé. C'est tout.

M. Stan Keyes: Très bien.

M. Len Wolstenholme: Si nous voulons que la méthode des gens à ne pas appeler fonctionne, nous devons conserver leur nom et leur adresse pour pouvoir expurger les dossiers subséquents afin de ne pas appeler.

M. Stan Keyes: Très bien, j'ai compris.

En terminant, madame la présidente, je signale que cela m'intéresse parce que, par exemple, dans ma ville, les abonnements au Hamilton Spectator sont renouvelés tous les trois mois, ce qui veut dire que ma femme a appelé le journal ou le journal a appelé chez moi, je ne sais plus qui a appelé qui, pour dire que notre abonnement arrivait à expiration et le journal voulait savoir si nous voulions nous réabonner pour trois mois. Ma femme a dit: «oui, merci beaucoup. Un instant, je vais trouver mon numéro de carte Visa pour payer.» Le journal a répondu: «c'est inutile, nous l'avons déjà dans nos dossiers.» Quand elle a demandé comment le journal pouvait avoir le numéro de sa carte Visa, on lui a répondu qu'on l'avait noté la dernière fois qu'elle avait appelé.

• 0940

J'ai trouvé cela plutôt curieux. Après avoir fini sa transaction au téléphone, le client doit à toutes fins pratiques exiger que son numéro de carte Visa soit retiré des dossiers et que seul son nom y figure. Il faut le réclamer de façon explicite.

Ce n'est pas particulièrement un problème qui vous touche ou qui touche votre organisme, mais cela m'inquiète beaucoup quand le fardeau est transféré à la personne qu'on appelle. Si vous payez votre facture au moyen de votre carte, le numéro n'est pas automatiquement supprimé ou enlevé du dossier. Ce sont des détails personnels qui s'accumulent avec chaque nouvel appel et chaque nouvel organisme. Votre vie cesse de vous appartenir. Ce n'est qu'une observation que je voulais faire.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Keyes.

M. Stan Keyes: Merci.

La présidente: Madame Lalonde, s'il vous plaît.

[Français]

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Merci d'être là. Vous insistez sur un aspect du projet de loi que nous n'avons pas vu de façon aussi éclatante. Je m'adresse à Mme Robbins. En fait, on parle ce matin des listes nominatives, c'est-à-dire des listes de noms qui comportent déjà un regroupement par intérêt.

La loi québécoise dit:

    23. Une personne qui exploite une entreprise peut, sans le consentement des personnes concernées, utiliser, à des fins de prospection commerciale ou philanthropique, une liste nominative de ses clients, de ses membres ou de ses employés.

Mais on dit au deuxième paragraphe:

    La personne qui utilise à ces fins une telle liste nominative doit accorder aux personnes concernées une occasion valable de refuser que des renseignements personnels les concernant soient utilisés à de telles fins.

Est-ce que c'est cela que vous contestez ou est-ce que vous pensez qu'une disposition semblable devrait être plus claire dans le projet de loi C-54? J'essaie de comprendre les points que vous soulevez, mais je ne les comprends pas de façon très précise.

[Traduction]

La présidente: Monsieur Gustavson.

M. John Gustavson: Merci, madame la présidente.

La première chose à préciser, madame Lalonde, c'est que nous sommes d'accord avec la position prise dans la mesure québécoise selon laquelle les particuliers ont le droit d'accorder leur consentement avant qu'on utilise des renseignements personnels. Deuxièmement, même si nos membres avaient certaines inquiétudes au sujet de la Loi québécoise au début, ils ont pu très bien s'en accommoder. Nous avons clairement de bons rapports avec le commissaire à la protection de la vie privée du Québec.

D'autre part, comme vous l'avez signalé, les télévendeurs et les collecteurs de fonds pour les organismes philanthropiques et culturels sont visés par des dispositions distinctes de la loi qui sont quelque peu moins rigoureuses que pour d'autres activités et moins restrictives que celles du projet de loi fédéral. À certains points de vue, le projet de loi fédéral est plus restrictif que la loi du Québec pour les télévendeurs parce qu'aucune exemption n'est prévue et que les mêmes règles s'appliquent à tout le monde. Je peux vous dire que nous nous débrouillons bien avec la mesure québécoise, mais je répète qu'elle contient des dispositions spéciales relatives à nos activités.

[Français]

Mme Francine Lalonde: D'accord, je comprends. Je vais poser une autre question. Vous dites, monsieur Wolstenholme, que le projet de loi C-54 va recréer un monopole illicite des compagnies de téléphone sur les données des annuaires téléphoniques. Que voulez-vous dire par ça?

• 0945

M. Len Wolstenholme: Si le projet de loi C-54 est adopté et comporte une disposition précisant que chaque personne possédant un téléphone a le droit d'exiger des compagnies téléphoniques de mettre un astérisque ou autre chose à côté de son nom pour indiquer qu'elle ne veut pas recevoir d'appels, etc., c'est parfait et on peut vivre avec cela. Mais si, par contre, on accorde aux compagnies de téléphone l'exclusivité de ces indications, il est certain que les compagnies de téléphone ne vont pas nous donner ces renseignements mais bien nous les vendre. Alors cela va recréer un monopole qui existait avant la décision des tribunaux sur la question des pages blanches.

La présidente: Une dernière question, s'il vous plaît.

Mme Francine Lalonde: Vous dites ailleurs que les compagnies de téléphone ont aussi des centres d'appels. Non seulement elles auraient un monopole de détention, mais elles pourraient l'utiliser alors que vous, vous ne pourriez le faire.

M. Len Wolstenholme: C'est ça. Elles auront un avantage injuste.

Mme Francine Lalonde: D'accord. Vous soulignez cela sans demander de correction précise mais en nous demandant de le considérer. Est-ce exact?

M. Len Wolstenholme: Oui, de notre point de vue, la correction du problème consiste à dire dans le projet de loi C-54 que la loi ne s'applique pas aux renseignements qui sont entrés dans le domaine public à la suite de la décision d'un consommateur.

Mme Francine Lalonde: Cela n'appartient à personne alors.

M. Len Wolstenholme: Il ne s'agit pas des renseignements sensibles, des renseignements médicaux, financiers, des cartes de crédit, etc., mais bien du nom, de l'adresse et du numéro de téléphone; ce n'est pas grand-chose.

Mme Francine Lalonde: Est-ce que je pourrais poser une sous-question, madame la présidente, pour préciser?

La présidente: D'accord.

Mme Francine Lalonde: Ces listes peuvent aussi être fabriquées par d'autres compagnies. Nous avons rencontré plusieurs personnes ici. Je pense en particulier à celui qui représentait les comptables agréés. Il disait que pour les entreprises qui font du télémarketing, l'important est d'avoir des listes. Alors, on achète des listes partout où on le peut. Il disait même que 20 000 $ n'était pas une grosse amende parce que cela pourrait être le cost of doing business.

M. Len Wolstenholme: Oui, mais toutes ces listes partent de l'annuaire. De 20 à 25 p. 100 des Canadiens déménagent chaque année; c'est le moyen le plus facile de retrouver les noms, adresses et numéros de téléphone actuels.

La présidente: Merci, madame Lalonde.

[Traduction]

Madame Barnes, s'il vous plaît.

Mme Sue Barnes (London-Ouest, Lib.): Merci, madame la présidente.

Monsieur Wolstenholme, connaissez-vous maintenant des entreprises ou des organismes qui s'occupent simplement de faire des listes de numéros de téléphone cellulaire, de numéros de télécopieur ou d'adresses électroniques?

M. Len Wolstenholme: C'est une chose dont on parle beaucoup en disant: est-ce que ce ne serait pas merveilleux si...

Je pense qu'il existe déjà des listes de numéros de télécopieur. Il y a des entreprises qui envoient des renseignements par télécopieur. Cependant, il y a des règles à l'Association canadienne du marketing relativement à l'utilisation des numéros de télécopieur. John, je ne pense pas que le code fasse la distinction entre les numéros de télécopieur et les numéros de téléphone. Si quelqu'un veut être rayé de la liste, il le sera.

M. John Gustavson: C'est exact.

M. Len Wolstenholme: Quant aux adresses électroniques et aux autres renseignements du genre, je pense que l'une des plus grandes campagnes de publicité récemment a été celle dont on a parlé aux nouvelles au sujet de la compagnie qui donnait des ordinateurs. Vous pouviez obtenir un ordinateur personnel gratuitement avec service d'Internet en répondant simplement à un sondage de 20 ou 50 questions. Le but de cette campagne consistait à obtenir des adresses électroniques et bien d'autres renseignements. Cette campagne équivalait à un échange commercial de renseignements pour un ordinateur et un accès à l'Internet. Je ne connais cependant pas d'entreprises qui s'occupent particulièrement de ces activités et ce n'est pas le cas de notre compagnie.

• 0950

Mme Sue Barnes: Monsieur Gustavson, vous avez récemment adopté des principes au sujet des enfants. Je voulais savoir si ces principes s'appliquent aux adresses électroniques aussi bien qu'aux numéros de téléphone et à toutes autres nouvelles méthodes de communication.

M. John Gustavson: Oui, les règles relatives au marketing pour les enfants s'appliquent à tous les médias. J'ajoute que, l'année dernière, nous avons aussi adopté toute une série de règles pour le marketing par l'Internet, y compris l'interdiction d'envoyer du courrier électronique commercial non demandé.

Mme Sue Barnes: Est-ce ce qu'on appelle le «spamming»?

M. John Gustavson: Oui, cette pratique est interdite. Bien entendu, les règles relatives à l'Internet s'appliquent peu importe l'âge du client ou du contact, mais l'envoi de courrier électronique commercial non sollicité est interdit pour tous les âges et les règles relatives au marketing pour les enfants s'appliquent à tous les médias.

Mme Sue Barns: Votre organisme était sans doute extrêmement actif à l'époque du modèle de l'ACNOR. Je me demande pourquoi personne n'avait songé à l'exploitation qu'on pouvait faire de la publicité pour les enfants à l'époque. Vous devez maintenant vous en occuper.

Tout d'abord, je voudrais voir ce que vous avez mis au point. Je n'ai pas d'exemplaire de votre code pour les enfants et je ne pense pas que quelqu'un ici en ait un exemplaire. Je voudrais savoir pourquoi il n'en était pas question dans le modèle de l'ACNOR, comment vous avez mis ce code au point et combien de temps cela vous a pris, de même que les mesures disciplinaires que vous comptez prendre à l'égard de vos membres qui ne respectent pas le code. Ce que j'ai lu dans les journaux me semblerait très difficile à appliquer.

Vous pourriez peut-être nous en parler. Je vous laisse le temps de répondre.

M. John Gustavson: Très bien, merci.

On a commencé à mettre le code de l'ACNOR au point en 1991. Quand nous avons voulu élaborer notre code de l'Internet, ce que nous avons fait en 1996 et 1997 avant de l'appliquer en 1998, nous avons constaté que la situation avait évolué au point où il y avait de plus en plus de rapports entre les enfants et les télévendeurs, en partie ou surtout à cause de l'Internet. Il y avait de plus en plus de rapports directs entre les télévendeurs et les enfants.

Voilà pourquoi nous n'avons pas simplement appliqué les règles prévues dans le code sur l'utilisation de l'Internet et que nous avons préféré prendre un peu de recul et concevoir tout un code portant sur le marketing destiné aux enfants. À l'origine, nous comptions ajouter des dispositions au code sur l'utilisation de l'Internet puisque c'est la principale source de préoccupation, mais nous avons plutôt décidé de concevoir un code distinct qui s'appliquerait à tous les médias.

Nous avons donc commencé à nous intéresser à la question du marketing destiné aux enfants au moment de l'élaboration de notre code sur l'utilisation de l'Internet en 1996. Nous avons mis un an et demi à concevoir ce code. Nous avons ensuite poursuivi nos travaux sur la partie du code portant sur les enfants jusqu'à sa divulgation la semaine dernière.

Nous avons une politique portant sur les sanctions. La première étape consiste cependant à faire comprendre à l'agent de marketing ce qu'on lui reproche parce que celui-ci ne sait peut-être pas qu'il enfreint le code. Un membre de notre comité va discuter de la question avec lui. Nous pouvons cependant expulser un membre de notre association s'il ne s'amende pas et nous pouvons même exclure quelqu'un même s'il n'a violé le code de façon flagrante qu'une seule fois. Nous divulguons ensuite le nom de l'entreprise visée dans un communiqué.

Pour un agent de marketing, le fait d'être expulsé de la plus importante association de marketing au pays entraîne des conséquences négatives. Nous pensons qu'il s'agit d'une sanction disciplinaire très efficace à laquelle nous sommes prêts à avoir recours au besoin.

Mme Sue Barnes: Votre code que je n'ai pas encore vu et que j'aimerais voir interdit-il à vos membres de demander à des enfants des renseignements qui ne portent pas seulement sur eux-mêmes, mais sur leurs familles comme le type de voiture que ses parents conduisent ou leurs salaires? Les dispositions du code couvrent-elles ce genre de renseignements ou se limitent-elles aux renseignements qui visent directement l'enfant ainsi qu'à son âge?

• 0955

M. John Gustavson: Je voudrais m'excuser auprès des membres du comité. Je pensais qu'on leur avait déjà remis le code. Je m'assurerai qu'on leur envoie dans les plus brefs délais.

Le code réglemente les renseignements qui peuvent être obtenus d'un enfant et pour lesquels il faut obtenir le consentement des parents. Nos membres n'ont pas l'habitude de demander ce genre de renseignements à des enfants, mais le code prévoit néanmoins que l'enfant doit avoir obtenu le consentement de ses parents. Comment cependant s'assurer de l'âge de la personne à qui on parle.

Nous avons établi un code...rien ne remplacera cependant la surveillance et les conseils des parents. Nous avons préparé une trousse à l'intention des parents qui donne dix conseils aux parents sur la façon d'inciter leurs enfants à la prudence en ce qui touche la divulgation de renseignements personnels. L'enfant doit parler avec ses parents. Le parent devrait s'asseoir avec son enfant et consulter avec lui les sites Web pour lui faire comprendre les risques que pose la divulgation de renseignements personnels. Ces conseils sont adaptés à l'âge des enfants.

Nous avons imposé des règles à nos membres, mais nous pensons qu'il incombe aux parents d'aider leurs enfants à comprendre comment utiliser les technologies interactives.

La présidente: Je vous remercie beaucoup, madame Barnes.

Monsieur Jones.

M. Jim Jones (Markham, PC): John, je pense que vous avez dit qu'une personne doit attendre trois mois avant que son nom soit supprimé d'une liste de marketing. Qu'est-ce qui prend tant de temps?

M. John Gustavson: Deux raisons l'expliquent. Premièrement, si vous souhaitez qu'une société ou une entreprise donnée supprime votre nom de sa liste de marketing, vous pouvez communiquer avec elle et si c'est un de nos membres—et tout agent de marketing avisé sera membre de notre association—, il acceptera de supprimer immédiatement votre nom de sa liste. Une campagne de marketing est peut-être en cours, mais l'entreprise raiera votre nom de sa liste dès que possible. Aucune entreprise ne veut perdre son temps ni son argent à parler avec quelqu'un qui ne veut pas entendre ce qu'elle a à dire et risquer ainsi de perdre un client qui pourrait être joint par un autre type de publicité. Il n'y a pas d'altruisme là-dedans. Une entreprise a tout intérêt à ne pas indisposer des clients potentiels.

Si une personne souhaite que son nom soit rayé de la liste de marketing de tous nos membres, elle doit cependant attendre parce qu'il nous faut pour recueillir tous les noms des gens qui souhaitent la même chose et établir une liste informatique que nous envoyons tous les trois mois. Le délai n'est pas aussi long dans le cas d'une seule entreprise.

M. Jim Jones: Je vous remercie.

Len, où est-il dit dans le projet de loi qu'on ne peut pas se servir des renseignements contenus dans un annuaire téléphonique à des fins de télémarketing?

M. Len Wolstenholme: Nulle part dans le projet de loi.

M. Jim Jones: Pourquoi le présumez-vous?

M. Len Wolstenholme: Cette possibilité existe. Le projet de loi est censé être de portée assez générale de manière à ce qu'on puisse s'y reporter si un problème se pose dans n'importe quel domaine. La portée exacte du projet de loi sera évidemment précisée dans le Règlement.

À l'heure actuelle, l'article 7 prévoit trois types de renseignements qui peuvent être exclus de l'application du projet de loi. À notre avis, les renseignements qui devraient être exclus de l'application de la loi sont les renseignements publics, les renseignements prévus dans le Règlement ainsi que les renseignements qu'un particulier ne souhaite pas divulguer. Voilà notre point essentiel. Si quelqu'un décide délibérément de ne pas communiquer des renseignements personnels de base comme son nom, son adresse et son numéro de téléphone, il ne devrait pas être nécessaire de créer tout un mécanisme à cette fin.

M. Jim Jones: Je lis ceci dans votre code de protection de la vie privée: «tous les membres de l'ACM doivent utiliser le service de correspondance à demande et le service téléphonique à demande de l'Association lorsqu'ils mènent une campagne de marketing...». Pourquoi les agents de télémarketing bloquent-ils leurs numéros pour que les gens qui ont un afficheur ne soient pas en mesure de voir leurs numéros? Ce serait bien si vous pouviez faire en sorte que tous vos membres soient tenus d'afficher leurs numéros et le nom de leur entreprise. Je sais que si on me téléphonait et que je voyais ce numéro, ce serait la façon la plus simple pour moi...je ne demanderais pas ce que mon nom soit supprimé de la liste, mais je ne répondrais pas au téléphone. C'est ce que vous devriez faire.

M. John Gustavson: Il y a un certain nombre d'années, lorsque nous nous sommes rendu compte que la majorité des membres de l'industrie du télémarketing n'adopteraient pas le principe de l'auto-réglementation, étant donné qu'il y a un si grand nombre de petites entreprises dans ce secteur qui ne peuvent se conformer aux règles qui s'appliquent aux grands organismes nationaux, nous avons collaboré avec Bell Canada et nous avons demandé au CRTC d'inclure notre code de déontologie aux Règlements régissant le télémarketing. Le CRTC a acquiescé à notre demande. Le CRTC exige donc que ceux qui utilisent un numéro de téléphone à des fins commerciales permettent que ce numéro figure sur un afficheur. Il est illégal pour une entreprise de bloquer son numéro de téléphone. Le CRTC peut priver une entreprise de sa ligne téléphonique.

• 1000

M. Jim Jones: Dans ce cas, à qui dois-je m'adresser si une entreprise me téléphone?

M. John Gustavson: Vous n'avez qu'à communiquer avec le service des plaintes du CRTC dont nous vous communiquerons le numéro.

M. Jim Jones: Ce n'est pas à votre Association que je dois m'adresser si l'entreprise fait du télémarketing?

M. John Gustavson: Nous interviendrons si l'entreprise visée est l'une des 500 entreprises qui est membre de notre Association. Il y a sans doute 100 000 entreprises au pays qui s'adonnent cependant au télémarketing. Il vaudrait donc mieux que vous vous adressiez au CRTC.

M. Jim Jones: Je vous remercie.

La présidente: Monsieur Wolstenholme, vouliez-vous ajouter quelque chose?

M. Len Wolstenholme: J'aimerais simplement faire une remarque. Les sociétés de téléphone offrent aux entreprises de télémarketing un numéro de rechange. Lorsqu'on essaie de rappeler un agent de télémarketing, la ligne est toujours occupée. Il ne sert à rien de rappeler au numéro qui est affiché parce qu'il s'agit simplement d'un numéro de rechange.

La présidente: Je vous remercie beaucoup, monsieur Jones.

Je vais donner la parole en dernier à M. Bellemare, mais j'aimerais d'abord préciser qu'un amendement sera présenté à l'article 7. On ajoutera l'alinéa 7 (1)d). L'information est sans doute disponible et sera prévue dans le Règlement. L'amendement dont est saisi le comité a été déposé il y a deux semaines.

Monsieur Bellemare, je vous prie.

M. Eugène Bellemare (Carleton—Gloucester, Lib.): Madame la présidente, il est question à la page 4 du mémoire de l'AMC d'un code de déontologie. À la page 5, on lit qu'un enfant est une personne âgée de moins de 13 ans. Pourquoi ne définit-on pas un enfant de la même façon qu'en vertu de la loi sur les jeunes contrevenants? Un enfant de moins de 13 ans est donc âgé de 12 ans, n'est-ce-pas.

M. John Gustavson: Selon le Code sur la radiodiffusion, un enfant est une personne qui n'a pas atteint 12 ans. Cette question a fait l'objet de beaucoup de discussions parmi nos membres ainsi qu'au sein d'associations comme les Annonceurs responsables en publicité pour enfants. Il n'y a rien de magique dans ce nombre. Il fallait faire un choix entre 12, 13 ou 14 ans. Il fallait établir un âge à partir duquel des lignes directrices seulement s'appliqueraient et non plus des règles.

M. Eugène Bellemare: La décision vous favorise et non pas le consommateur.

M. John Gustavson: Non, je pense que le fait de prévoir des règles qui s'appliquent au marketing destiné aux enfants constitue une mesure progressiste. On peut toujours débattre la question de savoir s'il faut relever l'âge fixé de 12 mois, mais je vous assure qu'il y a des enfants de 11 ans qui sont tout aussi matures que des adolescents de 15 ans.

M. Eugène Bellemare: Le commerce électronique s'effectue par l'Internet, sans aucun contact visuel entre le fournisseur et le client. Êtes-vous favorable à ce que l'on interroge un enfant de 12 ans pour obtenir des renseignements sur sa famille?

M. John Gustavson: Monsieur Bellemare, je ne comprends absolument pas comment vous pouvez tirer cette conclusion.

M. Eugène Bellemare: Un enfant de 12 ans pourrait vous convaincre qu'il en a 25.

M. John Gustavson: Oui.

M. Eugène Bellemare: Vous lui posez ensuite des questions.

M. John Gustavson: Nous ne posons pas de question à des enfants de 12 ans. Nous devons obtenir le consentement de leurs parents. Comme je l'ai cependant dit dans ma déclaration préliminaire, il est toujours possible qu'un enfant mente au sujet de son âge. Il n'y a aucun moyen de parer à cette éventualité à moins d'empêcher tout commerce électronique par l'Internet. Voilà pourquoi nous pensons qu'il importe que les parents fassent comprendre à leurs enfants qu'ils ne doivent pas communiquer des renseignements personnels sans leur consentement...

M. Eugène Bellemare: Il incombe donc...

M. John Gustavson: ...c'est la seule solution.

La présidente: Monsieur Bellemare, une dernière question.

M. Eugène Bellemare: En ce qui touche la liste des personnes cibles dont disposent les agents de marketing, j'aimerais savoir si M. Wolstenholme peut répondre aux quatre brèves questions suivantes. Vendez-vous les listes...

La présidente: Non. Monsieur Bellemare...

M. Eugène Bellemare: ...louez-vous des listes, échangez-vous des listes ou appartenez-vous à un groupe d'échange?

La présidente: Monsieur Bellemare, veuillez poser une seule question.

M. Eugène Bellemare: En une seule question.

Des voix: Bravo, bravo!

La présidente: Monsieur Bellemare.

• 1005

M. Eugène Bellemare: À quelle activité suivante vous adonnez-vous: vendez-vous des listes, louez-vous des listes, échangez-vous des listes ou appartenez-vous à un groupe d'échange de listes?

La présidente: Monsieur Wolstenholme, avez-vous une brève remarque à faire?

M. Len Wolstenholme: Oui. Si un client nous fournit une liste d'adresses et demande que nous lui fournissions les numéros de téléphone correspondants, nous répondons à sa demande. Nous le faisons pour les organismes de bienfaisance. Nous le faisons aussi pour les partis politiques de toutes allégeances. Nous le faisons pour divers groupes de gens. Voilà le type de diffusion de l'information auquel nous nous adonnons. Nous faisons en sorte de nous assurer que le consommateur a toujours le choix de divulguer ou non ce genre de renseignement. Tous les envois que nous faisons parvenir au consommateur lui donnent ce choix. C'est déjà prévu.

La présidente: Merci.

Merci, monsieur Bellemare.

J'aimerais remercier les témoins d'être venus nous rencontrer ce matin. Si vous avez d'autres commentaires au sujet des amendements proposés, nous apprécierions les recevoir avant la fin de cette semaine. Nous vous remercions du temps que vous nous avez consacré.

Nous allons suspendre la séance pendant deux minutes pour que les prochains témoins puissent s'installer. Ils sont déjà là.

• 1006




• 1009

La présidente: J'inviterais les députés à prendre leur place.

Nous sommes très heureux de souhaiter la bienvenue à notre prochain groupe de témoins. Nous accueillons maintenant le Bureau d'assurance du Canada et l'Association des assureurs canadiens. Les porte-parole du groupe sont M. George Anderson, président et chef de la direction; M. Randy Bundus, vice-président et conseiller juridique en chef, et secrétaire de la société; et M. Mark Yakabuski, vice-président, relations gouvernementales.

• 1010

Nous sommes très heureux de vous accueillir tous les trois aujourd'hui. Nous avons en main un mémoire très détaillé et la lettre que vous avez fait parvenir par la suite à notre greffière, Mme Kingston. Bienvenue.

M. Anderson nous présentera le début de l'exposé.

M. George D. Anderson (président et chef de la direction, Bureau d'assurance du Canada et Association des assureurs canadiens): Merci. Je suis ravi d'être là ce matin pour vous parler du projet de loi. Je sais que vos délibérations ont commencé il y a un bon moment déjà et je ne vais donc pas vous faire un long exposé aujourd'hui. J'aimerais mettre en relief plutôt les principaux éléments du projet de loi tel que nous les voyons et mentionner quelques amendements qui, à notre avis, amélioreraient le projet de loi.

Je vous parle au nom du secteur de l'assurance générale. Il s'agit de ceux qui vous vendent vos polices d'assurance automobile, d'assurance résidentielle et commerciale. Quelque 230 sociétés se partagent ce marché. Il est très compétitif. Notre secteur crée environ 100 000 emplois dans les villes, villages et zones rurales du Canada.

Je tiens à dire d'emblée que notre secteur appuie les efforts du gouvernement pour promouvoir le commerce électronique et nous comprenons certainement la nécessité de mettre en place des lignes directrices fiables pour protéger les renseignements personnels des Canadiens dans cette ère nouvelle qui s'ouvre devant nous.

Nous nous réjouissons de voir qu'un amendement a été apporté au projet de loi afin d'en élargir la portée pour reconnaître les besoins légitimes des entreprises en ce qui a trait à la collecte raisonnable d'informations. Cet amendement contribue à rétablir l'équilibre du projet de loi.

Les assureurs IARD utilisent les renseignements personnels de façon tout à fait responsable. On pourrait même dire que la confidentialité de l'information est la devise de notre secteur d'activité. Si nos clients perdent confiance en nous parce que nous avons utilisé leurs dossiers personnels de façon inappropriée, ils iront chez nos concurrents et, la concurrence étant si vive dans notre secteur, la sanction du marché tombe rapidement.

Le mémoire que nous vous avons fait parvenir plus tôt ne comprend pas notre réaction à quelques amendements présentés ultérieurement au comité mais, comme l'a dit la présidente, nous vous soumettons aujourd'hui quelques propositions d'amendement que M. Bundus commentera en plus de détail, comme il en est l'auteur.

Nous avons deux principales préoccupations: nous demandons d'une part que le projet de loi soit modifié de façon à permettre l'application de codes sectoriels ou particuliers à un secteur à condition qu'ils incorporent les 10 principes du code de l'ACNOR et, d'autre part, nous prions le comité d'essayer de voir quels autres amendements pourraient être apportés au projet de loi pour favoriser la prévention et la détection efficace de toute activité frauduleuse. Au Canada, de telles activités coûtent environ 1,3 milliard de dollars par année à nos clients. Il est très important que nous puissions stopper de telles activités et nos sondages d'opinions révèlent que les Canadiens souhaitent ardemment que le gouvernement et notre industrie règlent ce problème de la fraude à l'assurance.

Depuis 1992, les assureurs IARD se sont dotés d'un code type sur la protection des renseignements personnels. Cette année-là, nous avons adopté un code au profit des clients du secteur de l'assurance et nous l'avons mis à jour quand ont abouti les nombreuses années de discussions et de délibérations sur le code de l'ACNOR et les 10 principes sur lesquels il s'appuie. Nous avons participé très activement à ces travaux. Notre code est une version plus détaillée du code de l'ACNOR que nous avons adapté à notre réalité.

J'entends par là que nous avons ajouté au code des détails propres à notre industrie. Je me permets de souligner que, ce faisant, nous n'avons nullement modifié les 10 principes du code. Or le projet de loi, pour autant que nous puissions en juger, est assez général sur ce point et ne prend pas encore en compte les différences entre les secteurs pour ce qui est de la collecte, de l'utilisation ou de la divulgation de renseignements personnels et je vais vous donner quelques exemples pour illustrer comment notre secteur procède un peu différemment de la plupart des autres secteurs. Le code type de l'ACNOR permet ce genre d'adaptation. À notre avis, il fait place aux réalités du commerce sans sacrifier les principes entourant la protection des renseignements personnels et nous sommes tous d'accord pour dire que c'est très important.

Notre code a été homologué par un organisme d'enregistrement des systèmes de management de la qualité du Conseil canadien des normes qui l'a jugé conforme en tous points au code de l'Association canadienne de normalisation. D'ailleurs, notre code a été le premier de ces codes sectoriels à être jugé conforme en tous points et nous attachons beaucoup d'importance à cela.

• 1015

Nous ne voyons pas au juste comment le projet de loi s'appliquera à nous. Nous sommes d'avis que certaines ambiguïtés doivent être éclaircies, et je vais vous donner un exemple.

À l'annexe 1, dans le commentaire sur le troisième principe—consentement—il ressort clairement que dans certaines circonstances le consentement peut être tacite. Or, l'article 7 semble dire le contraire. Nous avons énormément de mal à saisir l'intention du comité en ce qui a trait au consentement exprès ou tacite. Nous demandons que le projet de loi reconnaisse clairement que le consentement peut être tacite dans certaines circonstances bien définies.

Nous sommes ravis de voir que, selon le projet de loi, le consentement ne doit pas forcément être donné par écrit. Selon notre interprétation, il peut être verbal ou par écrit. Toutefois, par contraste avec le projet de loi, notre code précise dans quelles circonstances le consentement oral ou écrit est permis et dans quels cas le consentement peut être tacite.

Pourquoi est-ce si important pour nous? La réponse tient à la façon dont nous menons nos affaires. Quand un client téléphone à un courtier depuis les bureaux d'un concessionnaire pour faire assurer la nouvelle voiture familiale, souvent il n'obtient pas cette assurance uniquement pour lui-même; il peut du même coup obtenir l'assurance pour son fils ou sa fille qui n'habite peut-être pas à la maison, qui est peut-être aux études à l'université. Le client peut par téléphone demander de l'assurance en même temps pour son épouse.

Aux termes de ce projet de loi, un conjoint peut-il donner son consentement au nom de l'autre conjoint ou au nom d'un enfant qui poursuit des études universitaires? Peut-on dire que les enfants ont donné leur consentement du fait que les parents les ont fait inscrire dans la police comme conducteurs, ou devons-nous attendre que tous les intéressés se retrouvent dans la même pièce au même moment afin d'obtenir le consentement de chacun?

Ce serait contraire à la façon dont se vendent les polices d'assurance automobile au Canada depuis l'invention du téléphone. D'ailleurs, c'est contraire à ce que nous appelons dans le métier le principe de la plus entière bonne foi, que nous appliquons depuis fort longtemps, et cela contrarierait sérieusement nos clients si nous ne pouvions pas leur garantir l'assurance dès le moment où ils la demandent.

Cette question risque d'avoir d'importantes conséquences pour nous. Il y a en Ontario 7,2 millions de conducteurs. Il n'y a que 5,4 millions de véhicules assurés. Cela signifie que si nous ne pouvons supposer qu'il y a consentement tacite dans les circonstances que je viens de décrire, nous allons devoir communiquer avec près de deux millions de conducteurs en Ontario qui n'ont pas souscrit directement le contrat d'assurance automobile afin d'obtenir leur consentement. Nos clients seront importunés et devront assumer l'augmentation des coûts, et je soupçonne que cela les mettra en colère.

L'Ontario n'est pas la seule province où le problème se pose puisque, comme vous le savez, l'assurance automobile est obligatoire dans tout le pays. Je crains, en fait je sais, que malgré nos meilleurs efforts, au plan administratif et pratique, qu'il nous sera impossible d'obtenir un consentement exprès dans toutes ces circonstances.

Si je prends toujours en exemple les polices d'assurance automobile en Ontario, les règlements provinciaux interdisent aux assureurs IARD de fonder leur décision d'accorder, de renouveler ou de résilier une police d'assurance automobile sur la profession, la situation d'emploi ou le revenu de quiconque. Pour obtenir cette information, nous devons aussi utiliser le formulaire prescrit par l'organisme de réglementation. Les renseignements personnels que nous collectons et que nous utilisons doivent être strictement pertinents à la souscription du contrat d'assurance. Quant à la palette de produits offerts par les assureurs IARD, les organismes de réglementation provinciaux exercent un contrôle déjà très lourd.

Le caractère distinctif de notre secteur d'activité a déjà été mentionné dans le cadre de plusieurs études entreprises récemment. Le comité sénatorial des banques a dit de notre industrie qu'elle est différente des autres piliers du secteur financier. Nous ne sommes pas des intermédiaires financiers. Nous ne cherchons pas à vendre des produits autres que des produits d'assurance. Dans le rapport MacKay, les auteurs en arrivaient à la même conclusion. Richard Owens, expert de la protection des renseignements personnels embauché par le groupe de travail MacKay pour réaliser un rapport sur la protection des renseignements personnels dans notre industrie a dit ce qui suit:

    [...] le choix de la méthode s'appuie d'ailleurs sur une observation d'ensemble quant à la réglementation de la confidentialité dans le secteur des services financiers canadiens: le faible niveau des plaintes et, dans l'ensemble, la conformité des codes de conduite par rapport aux principes régissant le respect de la vie privée [...] Un système qui permettrait la mise au point et la personnalisation de la réglementation au niveau des secteurs d'activité serait sans doute le mieux approprié.

• 1020

Le surintendant de l'assurance de l'Ontario, de 1991 à 1995, qui fut aussi responsable de la réglementation fédérale au BSIF—la même personne—pendant 19 ans, a aussi dit ceci de notre industrie:

    [...] les sociétés membres de la quasi-totalité des associations du secteur de l'assurance respectent volontairement des codes de déontologie en ce qui a trait à la protection des renseignements personnels. Ces codes s'inspirent lourdement du code type de la CSA [...] Les assureurs sont depuis fort longtemps sensibles à la nécessité de protéger la confidentialité des renseignements personnels. Malgré une longue carrière dans le secteur de la réglementation, nous ne nous souvenons pas d'un seul cas d'utilisation abusive [...]

Les statistiques établies par nos propres centres de service à la clientèle, qui reçoivent environ 116 000 appels par année des consommateurs, tendent à confirmer ce constat comme le font d'ailleurs les conclusions du rapport annuel de la commission chargée d'examiner la Loi 68 au Québec, laquelle a conclu que si elle avait reçu sur une période de cinq ans 477 plaintes officielles nécessitant un rapport ou une décision, seulement 13 visaient notre industrie. Sur les 13 plaintes, cinq concernaient le libellé du formulaire de consentement lui-même, lequel n'a pas été mis au point par notre industrie mais plutôt par le gouvernement. Dans deux autres cas, les plaintes provenaient de personnes qui ont refusé de donner leur numéro de permis de conduire lorsqu'elles ont voulu souscrire une assurance automobile. Sans vouloir prendre ces plaintes à la légère, je dirais néanmoins qu'il y a eu très peu de cas.

Les assureurs IARD privés ne vendent pas la liste de leurs clients. S'ils souhaitent le faire, aux termes de notre code, ils doivent obtenir par écrit le consentement des clients. Les assureurs IARD n'utilisent pas les renseignements personnels pour faire la vente ciblée de produits autres que des produits d'assurance ni ne s'en servent à des fins autres que liées aux polices d'assurance. Dans le cas contraire, notre code exige que l'assureur obtienne au préalable le consentement exprès du client.

Nous croyons que le projet de loi C-54 devrait admettre la possibilité de codes sectoriels contraignants. Il y a de nombreuses années, nous avons entrepris de bonne foi d'élaborer un code adapté à la réalité de notre industrie mais qui respecterait les 10 principes de la CSA et nous croyons avoir réussi. Vous trouverez dans les documents que nous vous avons fait distribuer aujourd'hui le libellé d'un amendement proposé au projet de loi qui autoriserait cela. Nous croyons que c'est tout à fait justifié.

Nous demandons aussi quelques amendements qui nous aideraient à combattre la fraude. J'ai mentionné que c'est un grave problème dans le secteur de l'assurance. Nous demandons que soit ajouté à l'article 7 du projet de loi des dispositions habilitantes qui nous permettraient de poursuivre notre lutte contre la fraude, de prévenir ou de déceler toute activité frauduleuse.

Le libellé actuel de l'article 7 et les amendements déposés au comité le 2 mars ne permettraient pas aux assureurs de collecter et d'utiliser des renseignements personnels sans consentement dans le but de prévenir toute activité frauduleuse. En outre, le libellé actuel du projet de loi ne nous autoriserait pas à partager des renseignements les uns avec les autres et avec des organismes appropriés dans le but de prévenir et de déceler l'activité frauduleuse ou criminelle.

La Loi 68 au Québec renferme une disposition qui permet à l'industrie de le faire. Nous sommes d'avis qu'il n'est ni raisonnable ni réellement souhaité par le gouvernement que les assureurs IARD soient empêchés, en vertu de ce projet de loi, de combattre le crime dans le secteur de l'assurance, et dans les documents que nous vous avons fait distribuer, vous trouverez une série de projets d'amendement qui nous aideraient à lutter plus efficacement contre la fraude.

Nous avons aussi proposé des amendements en vertu desquels nous ne serions pas tenus, lorsque nous faisons enquête sur l'activité frauduleuse d'une personne, de lui faire savoir ou de lui remettre le dossier que nous avons monté. On me dit que nous serions obligés de le faire étant donné le libellé actuel du projet de loi. Nous voulons pouvoir garder cette information confidentielle pendant la durée de l'enquête. Nous proposons un nouvel alinéa 9(3)c.1), il me semble inclus dans les amendements du mois de mars qui nous rapprocherait de l'objectif mais qui ne serait toutefois pas suffisant pour empêcher l'activité frauduleuse et le crime et nous croyons que c'est nécessaire.

• 1025

Ce sont là nos deux seules sources de préoccupation. Nous voudrions retrouver dans le projet de loi un amendement autorisant les codes sectoriels qui auraient été approuvés par un organisme indépendant qui les déclarerait conformes au code de la CSA, et nous souhaiterions un libellé plus rigoureux en ce qui a trait à la prévention et à la détection d'activités frauduleuses.

Merci.

La présidente: Merci, monsieur Anderson.

Monsieur Bundus, vouliez-vous commenter les projets d'amendement que vous nous avez soumis?

M. Randy Bundus (vice-président, conseiller juridique en chef et secrétaire de la société, Bureau d'assurance du Canada et Association des assureurs canadiens): Certainement.

Nous croyons que les amendements soumis au comité le 2 mars en ce qui a trait à l'alinéa 7(1)b) confirment l'existence du problème et nous en sommes ravis. Nous croyons toutefois qu'il faudrait encore aller un peu plus loin. Les projets d'amendement que nous avons soumis au comité sous lettre de couverture adressée au greffier renferment un nouvel alinéa 7(1)b), et dans ce libellé j'ai souligné les mots que nous souhaiterions voir ajouter et qui seraient très utiles pour la lutte contre la fraude. Nous sommes d'avis que la prévention est tout aussi importante que la détection et c'est pourquoi nous avons ajouté «à la prévention ou».

Par ailleurs, nous soutenons que l'activité frauduleuse d'un assuré doit être décelée et prévenue tout autant qu'une infraction aux lois du Canada. Il se peut qu'une activité frauduleuse relevant du droit civil ne justifie pas une poursuite en vertu du droit pénal. À notre avis, la mention d'une activité frauduleuse permettrait à notre industrie d'intenter des poursuites pour fraude au civil en cas de fraude relative à une police d'assurance ou en cas de violation de contrat. Ce genre de fraude ne satisferait peut-être pas aux exigences d'une poursuite criminelle; toutefois, un procès au civil pour violation de contrat pourrait être justifié.

La présidente: Merci.

Monsieur Lowther, avez-vous des questions?

M. Eric Lowther: Oui, j'ai plusieurs questions à poser. Je n'aurai peut-être pas le temps de les poser toutes, alors j'espère que mes collègues prendront la relève.

Je suis quelque peu confus. J'essaie en fait de savoir si votre industrie pourrait appuyer sans réserve le projet de loi si nous adoptions l'amendement que vous proposez. Les compagnies d'assurance possèdent des listes d'information et j'imagine qu'elles partagent cette information afin de déterminer si elles doivent ou non accorder de l'assurance ou la refuser à une personne qui n'a pas nécessairement été assurée par l'une d'entre elles dans le passé. C'est probablement pratique courante dans tout le pays et le partage se fait au-delà des frontières provinciales.

Monsieur Anderson, vous nous avez dit il me semble que le projet de loi vous interdit de partager de tels renseignements. Je pense que cela bloquerait toutes vos activités si vous ne pouviez pas continuer de le faire.

Je vais m'arrêter ici je pense et j'aimerais que vous me confirmiez si les amendements que vous proposez, s'il était adopté, vous permettraient de poursuivre librement vos activités?

M. George Anderson: Oui, nous le croyons.

Nous avons soulevé beaucoup plus de problèmes dans notre mémoire original mais il y a deux questions qui nous intéressent plus que toutes les autres. Si les amendements que nous proposons étaient adoptés j'ose dire que nous appuyerions sans réserve le projet de loi.

M. Eric Lowther: D'accord, voyons le revers de la pièce. Que ferez-vous dans le cas contraire?

M. George Anderson: Ce serait très difficile pour notre industrie. Je pense que cela ferait augmenter les coûts. Cela créerait d'énormes problèmes pour nos clients. Imaginez un client qui téléphonerait à un courtier pour obtenir de l'assurance et qui se ferait dire que c'est impossible sans le consentement express du conjoint. Pour pouvoir conduire la voiture cette fin de semaine-là, il faudrait que le client se rende au bureau du courtier ou trouve une autre solution. Et, je vous signale en passant, que si vous voulez que l'assurance s'applique à vos enfants, le même problème se pose. C'est tout à fait contraire à la pratique habituelle de nos sociétés d'assurance.

M. Eric Lowther: Vous dites aujourd'hui que vous n'avez pas reçu beaucoup de plaintes.

M. George Anderson: C'est exact.

M. Eric Lowther: Comment pourrais-je découvrir que vous utilisez mes renseignements personnels de façon inappropriée? Le fait que vous n'ayez pas reçu beaucoup de plaintes suffit-il à lui seul pour dire qu'il n'y a pas de problème? Je n'en saurais rien. Dans le cas des plaintes que vous recevez, comment les clients prennent-ils connaissance du problème?

M. George Anderson: Notre code nous fait obligation de révéler aux clients qui en font la demande les renseignements que nous avons accumulés sur eux dans nos dossiers. Habituellement, à l'occasion du règlement d'un sinistre, les gens nous demandent comment nous avons obtenu tel ou tel renseignement. Souvent nous leur rappelons qu'ils nous l'ont communiqué plusieurs années auparavant.

• 1030

À mon sens, la grande différence entre ce que nous faisons et ce que l'on fait dans d'autres secteurs, c'est que nous recueillons l'information aux seules fins de la souscription des contrats d'assurance. Comme nous ne vendons pas de CDG ou d'autres produits, nos compagnies n'ont pas lieu de faire du recoupement par tamisage sauf pour la vente de produits d'assurance.

M. Eric Lowther: Merci, madame la présidente.

La présidente: Merci, monsieur Lowther.

Monsieur Peric.

M. Janko Peric (Cambridge, Lib.): Je suis quelque peu troublé par certaines déclarations faites aujourd'hui. D'abord, vous avez au sein de votre organisation une sorte de service d'enquête sur les activités criminelles. À part cela, a-t-on parfois recours aux services d'enquêteurs privés?

M. George Anderson: Oui.

M. Janko Peric: Ah oui. Que faites-vous des renseignements que vous transmettent les enquêteurs privés? Utilisez-vous ces renseignements contre vos clients devant les tribunaux? Pourquoi réunissez-vous cette information?

M. George Anderson: Typiquement, nous voulons vérifier si une demande de règlement d'un sinistre est fondée ou non, par exemple lorsque quelqu'un a eu un accident d'automobile et prétend être incapable de travailler.

Randy pourra vous donner plus de détails mais selon la jurisprudence, nous devons nous dessaisir des éléments de preuve relatifs à un tiers mis en cause à la date du procès. Dans de telles circonstances, il nous est interdit de recueillir, de garder et de refuser de partager ce genre d'information. C'est bien cela?

M. Randy Bundus: Si vous avez l'intention d'utiliser ces renseignements lors du procès, vous devez communiquer les documents à l'étape de la communication préalable. Cela fait partie du processus judiciaire.

M. George Anderson: Ainsi, il est impossible de présenter un dossier que personne n'aurait jamais vu, vous savez, comme cela se fait à la télévision américaine.

M. Janko Peric: D'accord.

Maintenant, supposez que vous recevez aujourd'hui un appel d'un client à qui vous posez des questions et demandez de se présenter au bureau et de qui vous obtenez à ce moment-là des renseignements. Vous lui demandez son âge, son bilan comme conducteur, etc. Il se peut que la personne ne soit pas honnête avec vous. Elle pourrait vous donner de faux renseignements. Il se peut qu'elle ait eu une contravention pour excès de vitesse, ou peu importe. Vous lui fixez un prix et elle s'en va. Elle vous téléphone de chez elle et vous découvrez tout à coup qu'elle ne vous a pas dit la vérité. Vous lui dites alors en passant que vous savez qu'elle a eu trois contraventions pour excès de vitesse au cours des deux derniers mois. D'où obtenez-vous de tels renseignements?

M. George Anderson: De la Régie de l'assurance automobile.

M. Janko Peric: D'accord. Ainsi, n'importe qui peut obtenir de tels renseignements?

M. George Anderson: Oui.

M. Janko Peric: D'accord.

C'est ma dernière question, madame la présidente.

Vous dites que votre industrie ne vend pas de renseignements.

M. George Anderson: Nous ne vendons pas nos listes de clients, c'est exact.

M. Janko Peric: D'accord. Si vous êtes courtier et que vous voulez vendre votre entreprise et que je vous l'achète, j'achète en même temps la liste des clients et les dossiers.

M. George Anderson: Oui.

M. Janko Peric: Vous vendez donc les renseignements relatifs aux clients.

M. George Anderson: Quand une compagnie est vendue, elle est vendue telle quelle d'un courtier à un autre. Ce que j'essaie d'expliquer, c'est que les courtiers ne vendent pas leurs listes de clients à des entreprises de marketing direct ni ne les donnent à une banque. Ces renseignements sont gardés confidentiels par le courtier.

M. Janko Peric: Pouvez-vous nous donner quelques renseignements additionnels au sujet de l'activité frauduleuse?

M. Randy Bundus: Par activité frauduleuse, je veux parler de l'activité qui ne donnerait peut-être pas lieu à une poursuite criminelle, mais qui serait suffisante pour justifier que l'assureur refuse de régler un sinistre après une poursuite au civil.

M. Janko Peric: Par exemple?

M. Randy Bundus: Par exemple, il peut être impossible de démontrer au-delà de tout doute raisonnable que la résidence a été incendiée par l'assuré ou à sa demande. Toutefois, selon la prépondérance des probabilités, il y a lieu de croire que l'assuré a lui-même incendié la maison pour pouvoir toucher l'assurance. Dans le cas d'une poursuite criminelle, les règles de la preuve sont beaucoup plus rigoureuses que dans le cas d'une poursuite civile où l'assureur refuserait de régler le sinistre.

La présidente: Merci, monsieur Peric.

[Français]

Madame Lalonde, c'est à vous.

Mme Francine Lalonde: Bonjour. Merci de votre présentation. Comme j'ai lu votre mémoire au complet, j'ai eu quelques surprises en entendant votre présentation de ce matin. Vous savez sans doute ce dont je veux parler.

• 1035

Le mémoire, daté de mars 1999, disait ceci:

    Selon un constitutionnaliste que nous avons consulté, la Constitution ne permet pas au gouvernement fédéral d'édicter le projet de loi C-54 dans sa forme actuelle en invoquant le pouvoir que lui confère la Constitution en matière de commerce.

Vous disiez que M. Richard Owens partageait ce point de vue et vous ajoutiez:

    En outre, même si le gouvernement fédéral a compétence pour réglementer le commerce international et interprovincial, la réglementation du commerce interprovincial relève manifestement des provinces.

Puis vous recommandiez que le gouvernement en reporte l'adoption et essaie de nouveau de s'entendre avec les provinces. Or, je constate que cette recommandation ne se trouve plus dans votre mémoire abrégé de ce matin.

[Traduction]

M. George Anderson: La réponse la plus directe, c'est qu'il y en aura sans doute d'autres qui contesteront en temps voulu, j'en suis certain. Nous ne nous sentons pas capables, sur le plan constitutionnel, de trancher cette question. Je suis convaincu qu'il y aura un jour des contestations judiciaires. Les lois fédérales et provinciales sont souvent contradictoires mais, au Canada, tant que les deux instances coopèrent, il n'y a pas de contestation.

Je songe par exemple à l'activité fédérale dans le secteur du logement. Pendant 40 ans, après la guerre, le gouvernement fédéral était très actif dans le secteur du logement social. Si l'on interprète strictement l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, c'était interdit, mais comme cela servait l'intérêt des provinces et du gouvernement fédéral, personne n'a contesté.

Il pourrait en être de même du projet de loi si les provinces sont satisfaites de la consultation préalable, et j'imagine que la transition de trois ans a pour but de faciliter la mise en place de ces mécanismes de coordination.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Ce que vous venez de dire là est un peu différent de ce que contenait votre mémoire. C'est bien le vôtre, n'est-ce pas? Je ne lis pas le mémoire de quelqu'un d'autre. Remarquez que j'aurais pu dire cela, mais je l'ai lu et j'ai été agréablement surprise, parce que d'autres que vous sont venus dire que deux ensembles de règles ou de règlements pouvaient causer des problèmes aux entreprises, notamment aux sociétés d'assurance.

[Traduction]

M. George Anderson: Oui, et je ne le conteste pas du tout. D'ailleurs, depuis des années, nous parlons des 11 solitudes de la réglementation au Canada et nous faisons beaucoup d'efforts pour inciter les gouvernements à collaborer pour que l'on sache quelles sont les règles, peu importe la province où on exploite une entreprise, au Canada. Nous y avons réussi en partie. Les quatre provinces de la région atlantique viennent de rédiger ensemble un projet de loi sur l'assurance. C'est une innovation, que nous avons réussi à obtenir. Et, oui, nous continuons d'encourager ce genre d'activité.

Je pensais que vous me demandiez si nous serions les premiers à contester la constitutionnalité de ce projet de loi. Je vous répondrais que non.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Non, je ne m'attendais pas à ce que vous vous en fassiez le promoteur. J'avais cependant compris que vous souhaitiez qu'on cherche à s'entendre avant l'adoption de la loi pour éviter d'avoir à faire face à des contestations qui pourraient stopper l'application de la loi. Il y a des situations où le mieux est l'ennemi du bien.

M. Mark Yakabuski (vice-président, Relations gouvernementales, Bureau d'assurance du Canada): Le ministre lui-même a déjà dit que le gouvernement comptait s'accorder trois ans avant que la loi prenne effet partout au pays et s'applique à tous les commerces du pays. À notre avis, cette période devrait justement servir à la concertation avec les provinces.

Mme Francine Lalonde: Aucune des provinces ne s'est donné une loi, à l'exception du Québec, où il en existe une. Or, le gouvernement fédéral prétend que sa loi s'appliquerait là aussi. Donc, le Québec, ayant pris les devants et fait ses devoirs, se trouverait pénalisé, de même que ses entreprises et ses citoyens.

M. Mark Yakabuski: Le gouvernement a déjà reconnu que la Loi 68 au Québec était analogue au projet de loi que vous étudiez aujourd'hui. Je pense que c'est peut-être une façon d'éviter les conflits de juridiction. Évidemment, il faut se servir de cette période de trois ans pour s'assurer que les choses se déroulent de cette façon.

• 1040

Mme Francine Lalonde: Je m'excuse, mais je ne comprends la loi comme vous en ce qui concerne les trois ans.

[Traduction]

La présidente: Merci beaucoup, madame Lalonde.

Monsieur Lastewka.

M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.): Merci, madame la présidente.

Je tiens d'abord à remercier les témoins. J'ai trois questions, mais peu de temps.

Vous avez parlé d'un code sectoriel. J'ai l'impression que vous affirmez que le projet de loi C-54 vous empêche d'avoir des codes sectoriels. Ai-je bien compris?

M. George Anderson: Il nous empêche d'avoir un code sectoriel opérationnel pour notre secteur. Autrement dit, notre code intègre les 10 principes du code de la CSA en un document opérationnel pour notre secteur; plus particulièrement, on y précise dans quel cas on peut avoir recours au consentement tacite.

M. Walt Lastewka: Vous venez de dire que vous voulez un code sectoriel moins exigeant que celui que propose le projet de loi C-54.

M. George Anderson: Non, le nôtre est à notre avis plus exigeant.

M. Walt Lastewka: Comment le projet de loi C-54 vous empêche-t-il donc d'atteindre cet objectif crucial?

M. George Anderson: Parce qu'à notre avis, il n'est pas clair que le consentement tacite convienne dans certaines circonstances précises.

M. Walt Lastewka: Revenons à l'exemple dont vous avez parlé de l'achat d'un véhicule à un concessionnaire. Je présume que vous avez recueilli de l'information sur l'ancien propriétaire du véhicule, tout ce qui se rapportait à celui qui devait être assuré pour ce véhicule. Est-ce exact?

M. George Anderson: Dans certains cas, oui. À moins qu'il ne s'agisse du premier achat de véhicule.

M. Walt Lastewka: Bien. Si quelqu'un l'achète, il donne en échange son ancien véhicule et vous avez de l'information sur lui et son consentement pour en obtenir. Il s'agit simplement de changer de véhicule. Est-ce que votre exemple portait seulement sur l'achat d'un nouveau véhicule?

M. George Anderson: Non, vous laissez entendre que lorsqu'il y a changement de véhicule, le consentement existe déjà et qu'on peut s'en servir.

M. Walt Lastewka: Si vous avez reçu ce consentement en bonne et due forme.

M. George Anderson: D'après notre interprétation du projet de loi, ce consentement ne serait plus suffisant, puisqu'il s'agit d'un consentement tacite.

M. Walt Lastewka: Dans votre recommandation, pour l'alinéa 7(1)b), vous ajoutez le mot «prévention» avant «détection». Que pouvez-vous obtenir dans le cadre de la prévention, que vous ne pouvez obtenir dans le cadre de la détection? Soyez précis. Qu'est-ce que le mot «prévention» vous donne de plus?

M. Randy Bundus: La prévention portera sur ce qui se passe avant qu'une fraude se produise. Après la fraude, il peut être trop tard. Une fois le système en vigueur, on peut éviter d'accorder des polices qui pourraient faire l'objet de fraude, et on éviterait ainsi la fraude. Si tout ce que nous pouvons faire, c'est de détecter la fraude après qu'elle ait été commise, nous craignons que ce soit un peu tard.

M. Walt Lastewka: Mais ne pourriez-vous pas aussi vous servir du mot «prévention» comme paravent, puisque toutes vos activités se rapportent à la prévention?

M. Randy Bundus: Nous ne nous en servirions pas comme paravent. Notre objectif est surtout de vérifier l'information reçue. Cette information est fournie au moment de la demande. Nous voulons simplement vérifier son exactitude pour éviter d'être victime d'une fraude pour commencer avant d'avoir à vous soucier des fraudes qui se produisent lors des réclamations. Nous avons donc une double préoccupation, au moment de la demande et à l'étape des réclamations. Nous voudrions prévenir la fraude à l'étape de la demande et déceler et prévenir les fraudes à l'étape de la réclamation, aussi.

M. Walt Lastewka: Merci, madame la présidente.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Lastewka.

Monsieur Jones, s'il vous plaît.

M. Jim Jones: Si ce projet de loi est adopté, de quelle façon devrez-vous modifier votre façon d'agir?

• 1045

M. George Anderson: Là encore, tout dépend de ce que ses rédacteurs pensent du consentement tacite, à ce moment-ci. S'ils estiment que le consentement tacite est permis en vertu du Code de la CSA, dans des circonstances précises, nous n'avons pas d'objection. Si le consentement tacite n'est pas prévu dans ce projet de loi, il faudra changer fondamentalement la nature de nos activités d'affaires. Il faudra obtenir le consentement de tous nos clients, pas seulement ceux qui demandent de l'assurance, mais tous ceux qui conduisent chaque véhicule. Notre volume de travail et sa complexité seront énormément augmentés.

Je vous rappelle que nous ne sommes pas de grosses entreprises. Bien entendu, il y a de grandes entreprises nationales. Mais en gros, il s'agit surtout de petites entreprises ayant des frais d'exploitation élevés. Il nous coûterait très cher de nous conformer à cette loi et je crains que nous ne puissions y arriver, malgré tous nos efforts. On ne peut courir après les gens trop longtemps. D'après notre expérience, ceux qui ne peuvent pas obtenir d'assurance conduisent tout de même leur véhicule.

La présidente: Monsieur Yakabuski.

M. Mark Yakabuski: Il y a déjà un certain temps que nous encourageons le gouvernement à prendre des mesures pour préserver la confidentialité des renseignements. Si vous lisez nos mémoires au gouvernement sur l'examen du secteur financier, des mémoires qui remontent à deux ans et demi, par exemple—vous constaterez nous l'avons répété avec constance. Voilà pourquoi nous avons vraiment participé à l'élaboration de ce code de la CSA. Nous pensions que tout le processus visait à encourager la mise au point de codes sectoriels qui respecteraient les lignes directrices de la CSA, qui avaient été approuvés par des instances en gestion de la qualité, comme ce fut le cas pour notre code. Nous pensions que ces codes seraient reconnus en même temps que celui de la CSA pour faire l'objet d'une loi. Nous avons déclaré que c'était une bonne idée et que nous y adhérions à 100 milles à l'heure. Mais ce que nous constatons, c'est que...

Voilà l'objection que nous avons au sujet du projet de loi C-68 au Québec, par exemple. Je vous rappelle que ce projet de loi est antérieur au code de la CSA. On a fixé dans la loi des principes dont l'application ne fonctionne pas pour certaines entreprises et certains secteurs. Le code de la CSA est souple et peut être adapté. On ne s'écarte pas du code, mais on l'adapte. Si vous pouvez faire reconnaître des codes sectoriels conformes à l'annexe I, nous pensons que c'est la solution idéale. Voilà pourquoi nous pensons qu'on peut aller un peu plus loin dans le projet de loi actuel.

M. Jim Jones: Bien, merci.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Jones.

Madame Barnes.

Mme Sue Barnes: Merci, madame la présidente.

J'aimerais une réponse de celui qui connaît le mieux les cas de réclamation après un accident à domicile ou un accident de la route, lorsqu'un tiers subit une lésion corporelle et intente une poursuite. Dans cette situation, je veux simplement qu'il soit clair que c'est chose courante que d'obtenir le dossier médical du plaignant.

M. Randy Bundus: C'est chose courante en effet, mais toujours avec le consentement écrit de cette personne. En tant qu'assureurs, nous n'agirons pas sans un consentement écrit, puisqu'il s'agit d'information délicate.

Mme Sue Barnes: Évidemment.

Très bien. Au sujet de ce dossier médical, dites-vous simplement que quelqu'un se plaint d'avoir une blessure au dos et que vous voulez le dossier médical se rapportant à cette blessure? Ou est-ce que vous obtenez l'ensemble du dossier médical jusqu'au moindre détail?

M. Randy Bundus: Les lois provinciales réglementent de manière très serrée cette question. Nous ne pouvons obtenir que les renseignements qu'il est raisonnable de demander. Ils doivent se rapporter à la blessure. On ne peut pas aller à la pêche, par exemple. On ne peut pas chercher de l'information qui ne se rapporte pas aux blessures.

Mme Sue Barnes: Bien, j'ai une autre question à ce sujet. Parmi vos questions habituelles, demandez-vous quels médicaments prend cette personne?

M. Randy Bundus: Si c'est pertinent, je ne vois pas de raison de ne pas le faire. Celui qui fait la réclamation peut aussi présenter des objections.

Mme Sue Barnes: Oui, nous avons des gens du secteur de la santé qui témoigneront la semaine prochaine et je veux comprendre un peu plus le contexte.

Pouvez-vous aller plus loin? Si le médecin a prescrit un médicament et que vous ne savez pas si cette personne le prend pour soulager ses symptômes, pouvez-vous vous adresser à la pharmacie, pour connaître les prescriptions? Vous arrive-t-il de poser des questions pour savoir si quelqu'un a ou non obtenu ses médicaments?

M. Randy Bundus: Nous poserions la question, si c'était pertinent. Tout dépend de la nature de la réclamation. Il est difficile de vous donner une réponse concrète, dans un contexte hypothétique, parce que l'examinateur des réclamations choisit d'agir d'une manière particulière à chaque dossier.

• 1050

Mme Sue Barnes: Si ce dossier médical contenait de l'information... Disons qu'on veut être très conciliant, de manière à faire payer la réclamation. Le médecin demande qu'on vous envoie le dossier que vous avez demandé où se trouvent les médicaments prescrits, les tests effectués, etc. Dans ce dossier médical, il pourrait y avoir, par exemple, les résultats d'un test pour le sida, pour le VIH, ou ceux d'un test qui prouve que cette personne a une maladie débilitante dont vous n'étiez pas au courant, mais qui n'est pas pertinente. Qu'arrive-t-il à ce genre de renseignement dans le cadre de l'échange de données médicales?

M. Randy Bundus: En général, nous ne transférerions pas ce genre de renseignements entre assureurs. Ce n'est pas pertinent, pour l'assurance I.A.R.D. Pour l'assurance-vie, cela pourrait être plus intéressant. Mais pour nos entreprises...

Mme Sue Barnes: Mais cela figure dans le dossier?

M. Randy Bundus: Vous demandez si c'est dans le dossier?

Mme Sue Barnes: Oui.

M. Randy Bundus: Si vous voulez savoir si nous renvoyons ces renseignements aux particuliers, nous le ferions normalement par l'intermédiaire de son médecin. Je ne vois vraiment pas pourquoi nous partagerions cette information avec d'autres assureurs. Elle n'est vraiment pas pertinente. Je ne vois même pas pourquoi ils la demanderaient.

Mme Sue Barnes: Je reconnais qu'elle n'est pas vraiment pertinente, mais elle pourrait facilement se retrouver dans le dossier.

M. Randy Bundus: Oui, cela pourrait faire partie du dossier, mais l'ensemble du dossier n'est pas nécessairement transmis à d'autres assureurs, et il ne l'est qu'avec le consentement de l'intéressé. Nous sommes très prudents au sujet du consentement écrit, lorsqu'il s'agit de renseignements médicaux.

Mme Sue Barnes: Dans vos entreprises, y a-t-il une différence d'attitude relativement à l'information financière et à l'information médicale? Avez-vous des normes différentes?

M. Randy Bundus: Je le répète, pour le côté financier, pour le genre de...

Mme Sue Barnes: Les informations financières n'étant que...

M. Randy Bundus: Je le comprends.

Pour le genre d'assurance que nous offrons, pour ce qui est des informations financières, je ne vois pas quelle est l'importance de ce critère.

Mme Sue Barnes: Non, ma question vise plutôt à savoir si vous avez des normes plus élevées pour les renseignements médicaux que pour tout autre type de données dans vos dossiers, au sujet de particuliers. Y a-t-il des normes différentes?

M. Randy Bundus: Nous ne chercherons pas à obtenir des renseignements sur la déclaration de revenu d'un particulier sans son consentement écrit.

Mme Sue Barnes: Vous ne répondez pas à ma question.

Voulez-vous y répondre?

M. Mark Yakabuski: Pour commencer, pour les polices d'assurance automobile, en général, nous n'avons pas le droit de poser des questions au sujet de votre revenu. Il est important de savoir que pour l'assurance I.A.R.D., pour commencer, nous n'avons pas vraiment accès aux données sur le revenu. Nous devons savoir la valeur de votre maison, mais c'est tout.

Mme Sue Barnes: Vous ne répondez pas à ma question.

M. Mark Yakabuski: Du point de vue médical... Je pense qu'il est important de clarifier cela. Il n'y a pas une foule de renseignements personnels sur santé des gens dans nos entreprises. Cela dit, tout renseignement médical est certainement traité de manière très confidentielle. Ces renseignements ne sont pas transmis sauf en respectant des conditions très strictes.

Bien entendu, on en tient compte pour certains aspects de nos polices, comme l'assurance individuelle, pour l'assurance automobile. Nous avons toutes sortes d'autres types d'assurances—la responsabilité commerciale, l'assurance résidentielle—pour lesquels cela ne serait pertinent, bien entendu.

Mme Sue Barnes: Mais il arrive que des gens font des réclamations frauduleuses au sujet de blessures, ou au sujet de la gravité de leurs blessures. Croyez-moi, j'ai reçu la visite d'enquêteurs de compagnies d'assurance qui me demandaient si j'avais vu mon voisin boiter suffisamment longtemps ou lever des objets lourds dans sa cour. Quels autres renseignements recueillez-vous?

M. Mark Yakabuski: Je pense que M. Peric a posé une question semblable. Nous employés des méthodes d'enquête, lorsque les circonstances l'exigent. Là encore, ces renseignements sont fournis aux avocats, s'il faut aller en cours.

Mme Sue Barnes: C'est bien, merci.

La présidente: Merci beaucoup, madame Barnes.

Nous avons encore quelques minutes; voyons s'il reste de brèves questions.

Monsieur Lowther, avez-vous une courte question? Non? Et vous, madame Lalonde?

[Français]

Mme Francine Lalonde: Vous demandez qu'un alinéa d.1) soit ajouté au paragraphe 27(2) afin que les organisations qui ont un code soient reconnues par la loi et vous dites à la fin:

    ...que les dispositions de la section 1 s'appliquent, avec les adaptations nécessaires, à l'organisation ou à la catégorie d'organisations.

Je n'ai pas lu votre code, mais qu'en est-il du droit des citoyens? Est-ce que votre code prévoit ces droits? Vous comprendrez que je trouve le recours contenu dans le projet de loi C-54 absolument insuffisant. Je ne sais pas ce qui se trouve dans votre code.

M. Mark Yakabuski: Notre code a été approuvé par un organisme de la CSA. Donc, il est tout à fait conforme au code de l'Association canadienne de normalisation. Il prévoit, évidemment, toutes sortes de droits pour les citoyens, notamment celui de vérifier les dossiers et de s'assurer que ces derniers sont exacts dans tous les cas.

• 1055

Il y a même dans notre code un processus qui ne se trouve pas dans votre projet de loi, soit un processus d'arbitrage avant qu'on s'adresse aux dernières instances. En somme, on essaie de régler le cas le plus rapidement possible puisque c'est normalement dans l'intérêt des citoyens que le cas se règle vite.

Nous croyons donc que les dispositions de notre code sont très avantageuses pour les citoyens et cela a été reconnu au cours du processus de mise en place du code de la CSA.

Mme Francine Lalonde: Disons que j'accepte votre réponse, mais vous ne m'avez pas répondu en ce qui a trait aux droits du citoyen.

M. Mark Yakabuski: Il y a un ensemble de droits à l'intérieur de notre code, en particulier à la page 5 de notre code en anglais, ou en français aux pages 6 ou 7 de notre document.

Mme Francine Lalonde: Est-ce qu'on l'a?

M. Mark Yakabuski: Nous parlons justement du droit qu'ont tous les détenteurs de polices, reconnu par notre code, de réviser et corriger toute information personnelle détenue par les assureurs. Toute information détenue par les assureurs peut être vérifiée par le citoyen lui-même.

La présidente: Thank you very much. Merci, madame Lalonde.

[Traduction]

Monsieur Shepherd.

M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): J'essaie encore de comprendre toute cette question du consentement. Dans l'amendement que vous proposez, vous employez les mots «est conforme» avec, en anglais, «substantially». On présume que vous voulez que la loi s'applique bien à votre cas, malgré la nuance apportée par le mot «substantially».

Il y a quelque chose que je ne comprends pas. Prenons l'exemple d'un véhicule. En gros, vous assurez l'automobiliste, et non pas l'automobile? Pourquoi ne peut-on obtenir un consentement de cette personne pour une police d'assurance.

M. Randy Bundus: La plupart des polices d'assurance, au Canada, assurent le propriétaire du véhicule, et non le conducteur. Pour votre véhicule, je présume que vous avez une police à titre de propriétaire, qui assure votre véhicule. Par conséquent, pour évaluer le risque que votre police représente pour votre assureur, il faut beaucoup de renseignements, notamment sur ceux qui conduiront votre véhicule.

M. George Anderson: Et dans quelles circonstances cela se fera.

M. Alex Shepherd: Prenons un exemple concret. J'assure ma voiture et tout est arrangé avec mon agent d'assurance. Aujourd'hui, je m'achète une nouvelle voiture, j'appelle mon agent et je lui d'ajouter cette voiture à ma police. Il a déjà tous les renseignements, pour lesquels j'ai formulé un consentement antérieurement. Pourquoi est-ce si compliqué d'obtenir un consentement précis?

M. Randy Bundus: Cela présume que le consentement obtenu avant l'entrée en vigueur de cette loi sera valable pour les besoins de cette loi. Nous revenons en arrière. Avant l'entrée en vigueur du projet de loi, il y avait une façon de faire pour laquelle nous n'avions pas besoin d'un consentement écrit, disons, dans de nombreux cas.

M. Alex Shepherd: Est-ce votre principale préoccupation, les droits acquis? Si j'achète une nouvelle police aujourd'hui, parce que je n'ai jamais été assuré par cette compagnie auparavant, il est clair que la nouvelle compagnie me demandera de remplir des formules et de consentir à la divulgation de certains renseignements. Il n'y a pas de problème jusqu'ici, n'est-ce pas?

M. George Anderson: Pas dans tous les cas. Voilà le problème. Il y a encore beaucoup de travail d'assurance. Tenez: je viens d'acheter une assurance tous risques chantier pour une maison que je construis. Je l'ai fait par téléphone. Il n'y a pas eu d'échange de documents ni de signature; le courtier m'a dit que j'étais assuré. Il m'a envoyé une lettre pour me le confirmer quelques jours plus tard. Il ne m'a jamais demandé de consentir à quoi que ce soit au sujet des renseignements que je lui ai fournis, même si j'ai bien compris qu'il ferait des vérifications. Il n'y a pas eu d'échange de formules entre nous.

M. Alex Shepherd: Et il ne vous avait jamais vendu d'assurance auparavant?

M. George Anderson: Jamais. Voilà comment on fait des affaires au Canada, et depuis longtemps.

• 1100

Soyons clairs: il se peut que le consentement que vous cherchez dans le cadre de ce projet de loi n'ait jamais été obtenu pour les millions de titulaires de polices d'assurance, jusqu'ici. On a peut-être agi un peu comme on l'a fait dans mon cas. Beaucoup de nos clients n'ont jamais visité le bureau de leur courtier et ne savent même pas où ils sont.

M. Alex Shepherd: Je peux comprendre cela, mais nous faisons la même chose avec l'Internet. On demande un consentement. Vous dites qu'un consentement donné verbalement serait tout de même suffisant.

M. Mark Yakabuski: Oui, nous utilisons un consentement oral à l'occasion, aussi. À cause de la nature de ce commerce... Les renseignements ne sont pas utilisés d'une façon aussi large qu'on l'envisage dans le projet de loi, ni pour les raisons invoquées. Les renseignements servent à la souscription du contrat d'assurance. Nous n'avons pas l'intention de les vendre. Nous ne voulons pas chercher dans nos listes de clients si ceux-ci pourraient acheter d'autres produits que de l'assurance. Nos compagnies n'ont que de l'assurance à vendre. Nous ne sommes pas dans la même situation, disons, que d'autres organisations.

La présidente: Une dernière question, monsieur Shepherd.

M. Alex Shepherd: Avez-vous des objections au sujet du consentement verbal?

M. Mark Yakabuski: Et les gens qui font des changements à une police existante, au sujet d'un tiers? Supposons que je veuille ajouter quelqu'un à ma police, ou l'en enlever. Cette personne peut vivre très loin de chez moi. Il est très difficile d'obtenir un consentement explicite dans ce cas-là, n'est-ce pas? Ce genre de situation se produit souvent, dans notre secteur.

La présidente: Monsieur Jones? Non? Monsieur Lastewka, aviez-vous...

M. Walt Lastewka: J'aimerais revenir à mes questions de tantôt.

La présidente: Une question, s'il vous plaît.

M. Walt Lastewka: À l'annexe 1 du projet de loi, les alinéas c) et d) de l'article 4.3.7 se lisent comme suit:

      c) Le consentement peut être donné de vive voix lorsque les renseignements sont recueillis par téléphone; ou

      d) le consentement peut être donné au moment où le produit ou le service est utilisé.

Vous nous dites maintenant que ce n'est pas suffisant.

M. George Anderson: Dans certaines circonstances, nous ne pourrions obtenir le consentement oral d'une personne pour cette police parce qu'elle est loin de l'endroit où se fait la transaction. Prenons l'exemple de quelqu'un qui a un enfant à l'université. On veut inscrire cet enfant sur la police. Est-ce qu'il suffit que le propriétaire donne son consentement et donne les renseignements sur cet enfant à la compagnie d'assurance, sans le consentement explicite de l'enfant?

M. Walt Lastewka: C'est ma police.

M. George Anderson: Oui, mais il faut vérifier les renseignements sur le jeune conducteur, qui peut avoir récolté quelques contraventions pour excès de vitesse, par exemple. Cela a un effet sur le calcul du risque et de la prime, puisque vous laissez cette personne conduire votre voiture.

M. Walt Lastewka: Je vous donne mon consentement au sujet de ma police.

M. George Anderson: Vous consentez aussi à ce que nous vérifions les renseignements sur un tiers, votre fils, votre conjointe ou votre belle-mère. Est-ce prévu dans le projet de loi, oui ou non? Voilà notre question.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Lastewka.

J'aimerais obtenir quelques précisions, monsieur Anderson. Nous vous remercions pour ce mémoire et aussi d'avoir pris le temps d'examiner les amendements. J'ai quelques réserves au sujet des amendements que vous proposez au sujet du code de protection des renseignements personnels d'une organisation. Dans ce projet de loi, on dit que des changements pourraient être apportés à l'annexe 1. Proposez-vous la possibilité de changer aussi votre code d'organisation?

M. George Anderson: Il faudrait reformuler la question; je ne la comprends pas. Peut-être que...

M. MarK Yakabuski: Tout changement apporté à notre code devrait être approuvé par les responsables de la vérification, que ce soit la CSA, un de ses groupes, etc.

La présidente: Il demeurerait que tout ce projet de loi reposerait sur le code de la CSA.

M. MarK Yakabuski: Exactement.

La présidente: Mais s'il faut s'adresser à vous pour modifier votre code avant de pouvoir changer les règles, nous n'aurions aucun contrôle sur la loi en ce qu'elle touche votre organisation. Il y a là un problème. Déjà, comme comité, nous n'aimons pas tellement que l'annexe 1 soit modifiée par décret du conseil et non par notre comité. Qu'on nous impose en outre que ce soit à l'organisation... Je ne dis pas qu'on ne doit pas vous donner de pouvoir d'examiner les codes des organisations, mais de dire dans la loi que votre code a la priorité sur celui de la CSA et que nous n'avons aucun contrôle sur son contenu...

• 1105

M. MarK Yakabuski: Il n'aurait certes pas la priorité. Tout changement à notre code devait être approuvé. De plus, si vous modifiez l'annexe 1, ces changements s'appliqueront automatiquement à notre code.

M. George Anderson: Tout comme les changements au régime fiscal s'appliquent au comportement fiscal des entreprises.

La présidente: J'ai soulevé cette question parce que, comme vous le savez, notre comité a quelques réserves au sujet de la proposition actuelle selon laquelle l'annexe 1 pourrait être modifié par décret du conseil, plutôt que par la procédure législative du comité. Certains témoins et certains membres du comité en ont parlé.

Je comprends les préoccupations que vous avez formulées. Vous devez savoir que la majorité des membres du comité présument qu'une fois qu'on a consenti à faire quelque chose, comme d'avoir une police d'assurance, le consentement est bel et bien donné.

Veuillez maintenant satisfaire ma curiosité personnelle: mon assureur—automobile est aussi mon assureur-vie; quel code suit-il?

M. George Anderson: Quand il vous offre une police d'assurance-vie, il suit le code sur l'assurance-vie et lorsqu'il s'agit d'assurance-automobile...

La présidente: Je vais préciser ma question: que fait-il de mes renseignements personnels, en fonction de ces deux codes différents? Il est bien difficile de comprendre qui fait quoi et j'aimerais que vous nous aidiez.

Je vous remercie d'avoir pris le temps de préparer un mémoire détaillé, de nous présenter votre propre code et d'examiner l'amendement. Notre comité l'apprécie beaucoup et nous vous remercions infiniment d'être venu.

M. Mark Yakabuski: Merci, madame la présidente.

La présidente: Nous allons suspendre la séance pendant deux minutes pour que notre prochain groupe de témoins puisse s'installer. Je vous rappelle de ne pas partir car nous avons d'autres témoins à entendre.

• 1106




• 1113

La présidente: J'inviterais les députés et les témoins à prendre leur place pour que nous puissions reprendre nos travaux.

Nous accueillons maintenant trois témoins qui comparaissent à titre personnel soit, le professeur Jacques Frémont, constitutionnaliste de l'Université de Montréal; M. Roger Tassé, partenaire chez Gowling, Strathy et Henderson; et le professeur Claude Masse, professeur de droit de l'Université du Québec à Montréal.

C'est avec plaisir que je vous souhaite la bienvenue. Comme nous les avons invités à la dernière minute, je ne crois pas que nos témoins aient eu le temps de préparer un texte mais chacun d'eux nous fera un exposé d'environ cinq minutes.

Cela dit, j'accorde la parole au professeur Frémont.

[Français]

M. Jacques Frémont (constitutionnaliste, Université de Montréal; témoigne à titre personnel): Merci, madame la présidente.

[Traduction]

La présidente: Veuillez m'excuser. Oui, madame Lalonde.

[Français]

Mme Francine Lalonde: J'imagine que, compte tenu de la nature du sujet, l'exposé peut dépasser cinq minutes, comme il arrive fréquemment dans les...

[Traduction]

La présidente: Madame Lalonde, en ma qualité de présidente du comité, j'ai été très généreuse dans l'attribution du temps de parole de chacun, compte tenu du grand nombre de témoins que nous recevons aujourd'hui. Je vais tenter d'éviter qu'ils n'aillent pas au-delà des cinq minutes en leur rappelant après cinq minutes que leur temps est épuisé. Je ne veux pas leur permettre de parler pendant 10 ou 15 minutes parce que les membres du comité souhaitent poser de nombreuses questions. Je dois être juste envers tous les témoins qui comparaissent devant le comité en les traitant de la même façon. Si cela ne vous agrée pas, je m'en excuse.

Professeur Frémont.

[Français]

M. Jacques Frémont: Croyez-moi, madame la présidente, il est très difficile pour un professeur d'université de s'en tenir à cinq minutes.

Je remercie le comité pour son invitation. Je voudrais m'adresser au comité surtout en ce qui a trait aux questions ou aux impacts constitutionnels de ce projet de loi.

• 1115

La Cour suprême du Canada, en août dernier, nous rappelait l'importance des principes qui sont le fondement de notre Constitution et de notre droit constitutionnel. Je voudrais soumettre au comité en bref, ce matin, que le projet de loi heurte de front deux des principes les plus fondamentaux de la Constitution du Canada, à savoir le principe fédéral et le principe démocratique. Je vais aborder brièvement chacun de ces principes.

Tout d'abord, le projet de loi C-54, selon moi, viole l'esprit et la lettre du partage des compétences tel qu'on doit le comprendre en ce pays. Il relève d'une approche arrogante et constitue une intrusion par rapport aux compétences provinciales.

Le projet de loi C-54 part d'un faux postulat, selon moi, et ce postulat est que le commerce électronique est de compétence fédérale. Rien n'est moins vrai; selon moi, il s'agit d'un domaine de compétence partagée, où tant les provinces qu'Ottawa ont leur mot à dire. Il s'agit d'un domaine de juridiction semblable à celui de l'inflation qui s'est posé au courant des années 1970, ou à celui de l'environnement, au courant des années 1980. Ce sont des domaines d'action où un seul ordre de gouvernement ne peut prétendre avoir pleine juridiction.

Si on reconnaissait que le fédéral a pleine juridiction sur le commerce électronique et s'il s'arrogeait ce droit, le risque serait, pour reprendre les mots de la Cour suprême dans un autre contexte, d'affecter l'équilibre constitutionnel du Canada dans son ensemble. Vous conviendrez avec moi que cela n'est certainement pas un résultat souhaitable.

Le problème que pose le projet de loi C-54, c'est que sa portée est beaucoup trop vaste. Qu'il couvre le secteur public fédéral, cela ne pose aucun problème; qu'il couvre le secteur privé fédéral, cela ne pose pas, non plus, de problème juridictionnel; on s'entend là-dessus. Par contre, que le projet de loi s'applique au secteur privé provincial, c'est là qu'il dépasse carrément les compétences fédérales.

Donc, ce projet de loi m'inquiète au plan constitutionnel, sous deux aspects. Tout d'abord, la protection de la vie privée relève, je et pense que la majorité des constitutionnalistes en conviendront, de la compétence des provinces, essentiellement et en principe. En effet, la protection de la vie privée, au-delà des normes constitutionnelles qui sont applicables, ne s'applique pas seulement dans le secteur public mais aussi dans le secteur privé. Au Québec, par exemple, pour ce qui regarde la propriété et les droits civils, c'est le Code civil du Québec qui s'applique, en plus des chartes canadienne et québécoise.

Le droit commun du commerce électronique, et je reviendrai sur la question, ne peut être un droit fédéral. Toutes les transactions qui vont avoir lieu sur Internet ou dans les autres espaces virtuels ne peuvent être régies exclusivement par le fédéral. Le droit commun en ce pays demeure un droit provincial. Étant du Québec, je pense qu'il serait tout à fait légitime que nous soyons très inquiets si jamais le droit commun applicable au commerce électronique devenait de juridiction fédérale. Ce faisant, on se trouverait à évincer carrément une caractéristique reconnue par ce Parlement, c'est-à-dire la nature civile du système juridique au Québec.

On rétorquera que, par l'alinéa 27(2)d), le Québec sera exclu de l'application du projet de loi C-54. Cela n'est absolument pas rassurant. La dispense, puisqu'il s'agit d'une dispense, est presque laissée au bon vouloir du gouvernement. Elle serait accordée par décret. Ce n'est certainement pas la façon de préserver les juridictions québécoises et de nous rassurer.

Ma deuxième inquiétude au plan du partage des compétences est que le projet de loi va bien au-delà des tests proposés par la Cour suprême du Canada. Je pourrai élaborer là-dessus si cela vous intéresse. Tenter de le justifier en vertu des pouvoirs accordés par le paragraphe 91(2) en matière d'échanges et de commerce découlerait d'une interprétation abusive—je vous le soumets—de l'arrêt City National Leasing. Cette interprétation abusive, conjuguée avec la nouvelle interprétation de la Cour suprême en matière de prépondérance, fait qu'en matière commerciale, si on devait retenir l'approche du projet de loi, on pourrait carrément évincer les provinces de la réglementation dans les domaines des échanges et du commerce dès qu'ils comportent un aspect de commerce électronique. Il s'agit donc d'un power grab, comme on dirait en anglais, d'un coup de force s'attaquant de plein fouet aux compétences provinciales en matière économique.

• 1120

Ce que la Cour suprême nous dit, c'est que si le fédéral légifère et que c'était validé, la loi provinciale devrait céder le pas en vertu d'une nouvelle conception de la prépondérance. À toutes fins utiles, les pouvoirs provinciaux en matière commerciale pourraient se trouver évincés de la protection de la vie privée, sous prétexte de réglementation dans le domaine du commerce électronique.

Enfin, j'ai dit qu'il y avait un deuxième principe qui entrait en ligne de compte dans le cas qui nous ooccupe; c'est le principe démocratique. Il est absolument extraordinaire qu'on retrouve la substance de la loi, tout le contenu de la loi, dans l'annexe et la loi et que cette annexe puisse être modifiée par simple décret. Le décret est peut-être la façon la plus basse pour un gouvernement de légiférer. Ce n'est même pas par règlement, mais par décret. Nous nous retrouvons donc avec des normes établies par l'industrie pour l'industrie, qui seront incorporées à la loi et régiront désormais la protection de la vie privée au Canada. Cela me paraît absolument extraordinaire.

On me permettra d'ajouter que je trouve dommage, puisque les normes du CSA étaient une excellente idée en soi—on ne peut que souhaiter que l'industrie veuille s'autoréguler—, que le gouvernement ou l'appareil normatif de l'État, dans sa lourdeur et avec sa puissance, s'empare de ces normes pour les faire siennes. Cela me paraît extrêmement dommageable.

En conclusion, vous l'aurez compris, je pense que la validité constitutionnelle de cette loi va être contestée. C'est très clair. C'est très clair également que cette loi sera portée à l'attention de la Cour suprême du Canada. De deux choses l'une: ou bien la Cour suprême reconnaîtra que ce n'est pas valide constitutionnellement, auquel cas je pense que ce sera un choc pour les Canadiens et un recul pour la protection de la vie privée, ou bien la Cour suprême trouva que la loi est valide constitutionnellement, auquel cas nous aurons là un excellent exemple qui pourra être utilisé lors du prochain référendum au Québec pour illustrer l'absence totale de souplesse du nouveau mode de fonctionnement du fédéralisme, un mode arrogant et impérialiste. Cet exemple confirmera encore une fois qu'au Canada, on est incapable de se débarrasser des guerres juridictionnelles stériles. Il démontrera que le Parlement du Canada peut faire à peu près ce qu'il veut des compétences provinciales en matière constitutionnelle.

Enfin, je vous dirai que la cause—comme observateur de la cour, je le pense profondément—à cause du déficit démocratique,...

La présidente: Professeur Frémont...

M. Jacques Frémont: Je voudrais terminer ma phrase, s'il vous plaît. J'ai été coupé en plein milieu de ma phrase; laissez-moi au moins mettre un point au bout de ma phrase.

Je disais que la Cour suprême du Canada ne jugera pas la cause sympathique à cause de la violation éhontée du principe démocratique que l'on retrouve dans cette loi, c'est-à-dire la rule by decree.

Merci, madame la présidente.

[Traduction]

La présidente: Merci beaucoup de cet exposé liminaire, professeur Frémont.

J'accorde maintenant la parole à M. Tassé.

[Français]

M. Roger Tassé (associé, Gowling, Strathy & Henderson; témoigne à titre personnel): Je vous remercie, madame la présidente. Je veux d'abord vous dire combien je suis heureux de me présenter devant vous. Cette salle-ci, précisément, me rappelle d'impérissables souvenirs liés au temps des débats et des procédures du Comité Beaudoin-Dobbie.

Donc, c'est un plaisir pour moi de partager avec vous mes vues sur la constitutionnalité de ce projet de loi. Vous verrez en cours de route, mais peut-être pas dans la première partie de mon exposé, que j'arrive à des conclusions très différentes, dans une perspective très différente, de celles dont vient de nous faire part le professeur Frémont.

Je m'appuie d'abord sur la nature de ce projet de loi C-54. Ce qu'il propose essentiellement, c'est de réglementer l'usage des renseignements personnels dans les transactions commerciales. Cela s'applique autant au commerce électronique qu'à tout autre commerce, au commerce conclu sur papier, the paper society, the paper transactions. Tel est essentiellement le but d'une réglementation de l'usage.

• 1125

Et quel objectif poursuit-on par cette loi? Il me paraît nécessaire d'asseoir la confiance des consommateurs canadiens lorsqu'ils ont à révéler des renseignements personnels aux entreprises avec lesquelles ils ont une relation commerciale. Cette confiance, elle est nécessaire; elle favorise autant les intérêts des entreprises elles-mêmes que... Quand on assure aux consommateurs canadiens que leurs renseignements personnels sont protégés, on reconnaît qu'ils ont droit à la protection de leur vie privée.

Donc, les deux éléments se conjuguent, à savoir: établir une confiance dans le marché par le biais d'une protection des renseignements personnels communiqués aux entreprises avec lesquelles les consommateurs canadiens entrent en contact. Les deux aspect sont liés.

Cependant, je dirais que le but ultime de la loi est d'assurer la confiance des Canadiens envers le marché, spécialement à l'ère du commerce électronique. Des études ont démontré, non seulement au Canada mais ailleurs, que la protection de la vie privée est un élément essentiel pour créer un climat de confiance qui permette aux utilisateurs de commercer non seulement par la voie électronique mais également par d'autres voies, parce que les deux se conjuguent dans la pratique: le commerce électronique et le commerce que j'appelle documentaire ou sur papier.

Je note qu'il s'agit d'une question d'envergure et de dimension nationale. C'est une question qui concerne l'ensemble des Canadiens et l'ensemble de l'économie. Elle ne concerne pas un secteur particulier de l'économie, mais l'ensemble du marché canadien. Pour cette raison, il ne serait pas possible pour les provinces, dans le cadre constitutionnel existant, même conjointement, d'arriver à établir un encadrement des règles qui doivent régir adéquatement l'utilisation des renseignements personnels afin de répondre aux besoins du temps et de l'avenir.

Si on souhaite que les promesses du commerce électronique se réalisent au pays, promesses d'une plus grande productivité, d'une plus grande compétitivité, d'un choix plus vaste pour les consommateurs et à un meilleur coût, il faut que cette confiance soit établie chez les Canadiens de façon sûre.

L'intervention du Parlement me paraît nécessaire, en collaboration avec le secteur privé et avec les autres gouvernements au Canada, pour assurer un encadrement global qui permette d'atteindre les objectifs que je vous ai mentionnés.

Alors, cette mesure me paraît justifiée et constitutionnelle sur la base du paragraphe 91(2) de la Constitution, c'est-à-dire la réglementation des échanges et du commerce pour l'ensemble du pays.

Contrairement à ce que le professeur Frémont a soutenu tout à l'heure, il m'apparaît que la décision de la Cour suprême du Canada en 1989, dans l'affaire General Motors, et les critères qui ont été énoncés à l'occasion de cette décision sont ici satisfaits. Il s'agit d'une réglementation sur un aspect du commerce dont la base est pancanadienne, d'une réglementation qui respecte les critères énoncés lors de cette décision.

Je dois m'arrêter ici pour le moment. Je souhaite avoir l'occasion, madame la présidente, de revenir plus tard sur certains des points qu'a avancés M. le professeur Frémont.

La présidente: Thank you very much, monsieur Tassé.

Monsieur Masse.

M. Claude Masse (professeur de droit, Université du Québec à Montréal; témoigne à titre personnel): Merci, madame la présidente.

On m'a demandé de m'adresser à vous pendant cinq minutes. Je vais être à peine plus rapide que mon collègue Frémont. Je partage entièrement les opinions qu'il a exprimées dans sa présentation. Cette présentation, je la fais mienne. Je ne la reprendrai pas parce que je pense qu'il a été éloquent et substantiellement conforme à des positions que l'on tient depuis longtemps là-dessus.

• 1130

Je vous explique qui je suis. Professeur d'université depuis 25 ans, j'ai été bâtonnier du Québec et j'ai participé très activement à la rédaction et à l'adoption de la Loi sur la protection du consommateur qui est en vigueur depuis maintenant presque 20 ans. J'ai été très étroitement lié, dans la dernière phase, à la rédaction et à l'adoption du Code civil du Québec.

Donc, l'aspect qui me concerne ici—je n'entrerai pas dans les considérations constitutionnelles—est celui de la protection de la vie privée et de la protection du consommateur. Je peux vous dire premièrement qu'à la lecture attentive du projet de loi C-54, cette réglementation, ou cette espèce de norme à caractère volontaire à laquelle on donne le caractère d'une loi par le biais d'une annexe, n'a pas la rigueur qu'il faut pour protéger les consommateurs. Elle est bourrée d'échappatoires pour le commerce. Elle est fondée en grande partie sur une approche complètement dépassée de la protection du consommateur et les droits de recours y sont pratiquement inexistants. À mon sens, il s'agirait là pour le Québec d'un très net recul.

À toutes fins utiles, les consommateurs servent, dans ce dossier-là, de prétexte et d'otages pour une intrusion massive du fédéral dans un domaine de juridiction du Québec.

Au Québec, l'effet net de l'adoption du projet de loi C-54 serait, après cinq ans de travail assez remarquable de la Commission d'accès à l'information, d'ajouter une confusion considérable dans tout un tas d'institutions comme les services bancaires, les compagnies d'assurance et j'en passe, qui vont bien sûr préférer la loi fédérale à la loi québécoise. Cette dernière est beaucoup plus sérieuse, beaucoup plus rigoureuse et beaucoup plus contraignante. Elle a des dents et est fondée sur le Code civil notamment.

Alors, voici mon message, madame: if it works, don't fix it. Je pense que l'intention annoncée par le fédéral en octobre et novembre, qui était d'exclure le Québec de l'application de la loi, devrait être concrétisée. Nous n'avons pas besoin de cette loi au Québec pour protéger les consommateurs. Ils sont déjà, autant que faire se peut, bien protégés par la loi actuelle. Je vous en prie, messieurs et mesdames les députés, ne nuisez pas au Québec en ce qui a trait à la protection des consommateurs. On n'a certainement pas besoin d'une intervention de ce type pour faire avancer la cause des consommateurs. Je vous remercie infiniment.

[Traduction]

La présidente: Merci, monsieur Masse.

Nous passons maintenant aux questions. Je rappelle à tous les membres du comité que vous avez cinq minutes chacun de telle sorte que si la question et la réponse prennent cinq minutes, ce sera tout pour ce tour.

Monsieur Lowther.

M. Eric Lowther: Monsieur Tassé, j'aimerais vous poser une question. Vous avez tous certainement des connaissances spécialisées que je n'ai pas—et que je devrais peut-être avoir—donc mes questions seront assez simples.

Si ce projet de loi est adopté...

M. Janko Peric: Quand?

M. Eric Lowther: ...et que le Québec ou toute autre province a sa propre loi de protection des renseignements personnels, quelle loi aura la primauté? Laquelle l'emportera sur l'autre? En tant que consommateur, je veux que mes renseignements personnels soient protégés. Dois-je invoquer la loi provinciale, la loi fédérale ou l'une et l'autre? Est-ce que je choisis celle qui me plaît le plus? Comment fera-t-on?

M. Roger Tassé: C'est la question clé. Si j'ai bien interprété le projet de loi, il met en place un cadre pancanadien. Le professeur Frémont vient de dire—si je l'ai bien compris—que la loi fédérale aurait la primauté sur toutes les lois provinciales, mais je ne suis pas certain de partager son avis. La lecture que j'ai faite des décisions qu'il évoque—car j'ai lu un brillant exposé qu'il a fait il y a un an et demi environ à l'Université d'Ottawa—me porte à conclure que ce n'est pas ce que veut la jurisprudence. Il y a lieu de croire que les tribunaux seraient prêts à aller dans ce sens-là, mais ce n'est pas encore fait.

• 1135

J'estime pour ma part que la loi fédérale pourrait s'appliquer en parallèle à la loi provinciale car elle traite d'un aspect des choses et a pour principal objectif de réglementer un aspect du commerce. La loi provinciale peut s'appliquer en même temps car elle traite d'un autre aspect de la même situation, à savoir le droit des provinces de légiférer en matière de droits civils.

Que se passe-t-il si les deux lois s'avèrent incompatibles? La jurisprudence, et la Constitution telle qu'elle a été interprétée par les tribunaux, confirment que les deux lois peuvent s'appliquer en parallèle mais que la loi fédérale est prépondérante en cas de conflit. Il existe donc un risque de conflit mais si la loi du Québec—qui est une excellente loi et le Québec doit être félicité des mesures qu'il a prises depuis 10 ans—ou la loi d'une autre province impose des normes plus rigoureuses, ces dernières l'emporteraient.

Cela dit, le projet de loi ouvre la porte à des discussions entre les instances fédérales et provinciales. Le Québec s'est déjà doté d'un cadre excellent qui permet l'ouverture de discussions pour que la loi soit appliquée d'une façon qui corresponde aux dispositions de la loi provinciale; ainsi elles se compléteraient.

M. Eric Lowther: Monsieur Tassé, je n'oublie pas le rappel à l'ordre de la présidente sur le temps de parole, mais je veux néanmoins essayer de paraphraser ce que vous dites.

Serait-il juste de dire que la loi fédérale servirait de référence et qu'elle s'appliquerait en l'absence d'une loi provinciale; mais si la loi d'une province quelconque va plus loin, c'est la loi provinciale qui servirait de référence?

M. Roger Tassé: Oui. C'est ce que je pense.

M. Eric Lowther: D'accord.

La présidente: Merci.

Professeur Frémont.

M. Jacques Frémont: Je ne suis pas du tout d'accord avec votre interprétation pour ce qui est de la primauté. La Cour suprême du Canada a rendu des arrêts très clairs. En 1990, dans Bank of Montreal v. Hall; et en 1995 dans l'affaire Husky Oil où elle a conclu très clairement que s'il existe dans un domaine un mécanisme fédéral d'application générale, les lois provinciales qui seraient autrement valides, perdent tout effet. Voilà la situation telle qu'elle existe aujourd'hui en droit constitutionnel. Ce n'était pas le cas il y a 15 ou 20 ans, mais depuis 10 ans ce principe est généralement admis. Les tribunaux seront appelés à trancher mais, à mon avis, il est très clair que les lois des provinces ne s'appliqueraient pas en pareils cas. Elles perdraient tout effet.

La présidente: Merci.

M. Roger Tassé: Je connais les arrêts auxquels M. Frémont fait allusion, et j'en arrive à des conclusions différentes: il peut y avoir des divergences d'opinions, je l'accepte. Je respecte son point de vue mais je ne le partage pas. Je pense qu'il y aurait à Ottawa des gens qui applaudiraient une telle possibilité mais je crois que cela tient d'une mauvaise interprétation des deux arrêts mentionnés par M. Frémont.

La présidente: Je vais donner la parole à quelqu'un d'autre. Vous aurez la possibilité de répondre à d'autres questions.

Monsieur Lastewka.

M. Walt Lastewka: Professeur Frémont, admettez-vous que le Canada a besoin d'une loi de protection des renseignements personnels?

M. Jacques Frémont: Voulez-vous la vérité?

M. Walt Lastewka: Je veux un oui ou un non.

M. Jacques Frémont: Oui, le Canada doit manifestement se doter d'une loi fédérale de protection des renseignements personnels pour le secteur privé relevant du gouvernement fédéral.

M. Walt Lastewka: Croyez-vous que les provinces qui le souhaitent doivent pouvoir accepter cette loi telle qu'elle est, et l'appliquer à leurs propres provinces, si elles le veulent?

M. Jacques Frémont: Je crois certainement que les provinces dépourvues de code de protection des renseignements personnels doivent pouvoir adopter, par référence, la loi fédérale si elles le souhaitent.

M. Walt Lastewka: Admettez-vous que certaines provinces vont adopter des lois qui vont bien au-delà de la loi fédérale et qui sont plus rigoureuses?

M. Jacques Frémont: Il va sans dire que la loi actuelle du Québec est plus exigeante que les dispositions du projet de loi fédéral.

• 1140

M. Walt Lastewka: Et il pourrait en être de même de certaines autres provinces.

M. Jacques Frémont: Certainement.

M. Walt Lastewka: À l'alinéa 27(1)d) il est dit «s'il est convaincu qu'une loi provinciale essentiellement similaire à la présente Partie s'applique à une organisation...». Ne peut-on en conclure que la loi provinciale du Québec a la primauté?

M. Jacques Frémont: Ce n'est pas ce que je dis. Je dis que le gouvernement pourrait vouloir—je n'ai pas le libellé exact en anglais—exclure certaines provinces.

Je ne nie pas que ce soit impossible. C'est possible; c'est ce que dit l'alinéa 27(1)d). Mais cela dépend de la bonne volonté du gouvernement au pouvoir. Certaines provinces pourront être exclues; elles pourront être forcées de s'y conformer. Rien ne garantit que le gouvernement du Québec, par exemple, sera exclu aux termes de cet alinéa.

Je dis qu'on a là une loi fédérale qui impose certaines choses aux provinces sans que ces dernières aient le loisir d'adopter ou pas la loi fédérale. Ce devrait être le contraire. Les provinces devraient être libres d'adopter la loi fédérale telle quelle sans que cela leur soit imposé.

M. Walt Lastewka: Laissons le Québec pour parler des provinces qui n'ont pas de lois de protection des renseignements personnels. Je vous ai entendu dire que vous voulez que les provinces soient libres de ne pas adopter la loi fédérale.

M. Jacques Frémont: Non, les provinces doivent être libres d'adopter la loi fédérale si elles le souhaitent. Si les gens de l'Alberta ne veulent pas de loi de protection des renseignements personnels en ce qui a trait au commerce électronique, libre à eux; c'est à la province d'en décider. Cela réduira la capacité d'agir des entreprises de la province. C'est à elle d'en décider puisque c'est un domaine de compétence provinciale. Le commerce est essentiellement un domaine de compétence partagée mais c'est surtout une responsabilité provinciale. Le commerce interprovincial est un domaine de compétence provinciale.

M. Walt Lastewka: Tous les commissaires provinciaux qui ont comparu devant le comité ont admis que dans certains cas c'est la loi provinciale qui s'appliquera mais dans la mesure où ils sont appelés à travailler de concert avec le commissaire fédéral ils n'ont eu aucun problème à l'égard du projet de loi C-54.

M. Jacques Frémont: Voulez-vous que je réponde à cela?

M. Walt Lastewka: Oui.

M. Jacques Frémont: Croyez-vous qu'ils avoueraient avoir des problèmes? S'ils souhaitent l'adoption de lois pour protéger les renseignements personnels, il est parfaitement normal qu'ils abondent dans le même sens.

Au-delà de la question de la protection des renseignements personnels, ce qui m'inquiète c'est ce qui va subsister de la compétence provinciale en matière de commerce une fois ce projet de loi adopté.

M. Walt Lastewka: Merci, madame la présidente.

La présidente: Merci, monsieur Lastewka.

Monsieur Tassé.

M. Roger Tassé: J'aimerais réagir au dernier commentaire du professeur Frémont. Je crois qu'il voit dans ce projet de loi des choses qui n'y sont pas.

Le projet de loi vise à réglementer de l'utilisation que font les sociétés et les entreprises des renseignements personnels et il dicte des lignes directrices à cet égard. Il ne prescrit pas de règles sur la rédaction des contrats passés sur l'Internet ni qui doit être saisi en cas de litige sur des questions de compétence provinciale.

Le projet de loi vise très clairement un aspect bien précis du commerce, à savoir l'utilisation des renseignements par les entreprises. Aujourd'hui, étant donné la puissance des moyens technologiques qui existent, nous devrions tous craindre l'utilisation et la vente de renseignements personnels par les sociétés. Du point de vue du Québec, il est facile de comprendre qu'on soit jaloux de leur excellent système.

Le Parlement lui adopte une optique pancanadienne. Que faut-il faire pour que l'ensemble des Canadiens puissent bénéficier au maximum du potentiel du commerce électronique, qu'ils habitent au Québec ou ailleurs? Le Québec ne peut pas légiférer dans certains domaines notamment en ce qui a trait à l'utilisation d'information en provenance d'autres provinces. Il me semble que, tant que nous continuons d'exister comme pays, il y a lieu de réglementer cet aspect du commerce, du moins d'après mon interprétation de l'arrêt dans l'affaire G-M. Le Parlement s'est fait une idée de ce qui est dans l'intérêt du pays. Il a le pouvoir d'agir. Cela ne signifie pas qu'il exclurait les provinces.

• 1145

De nos jours, il me semble que nous ne pouvons pas faire une lecture littérale de la Constitution de 1867. Notre Constitution est souple et elle peut être adaptée aux besoins du jour. L'interdépendance est très importante, elle est même d'une importance capitale. Pourquoi les provinces et le gouvernement fédéral ne pourraient-ils pas s'entendre, tout en respectant le cadre de ce projet de loi et en se prévalant de l'article 27, sur une solution qui ferait l'affaire de tout le monde, des citoyens du Québec et d'ailleurs mais aussi des entreprises qui font affaire dans tout le Canada et pas uniquement au Québec?

La présidente: Merci monsieur Tassé.

[Français]

Madame Lalonde, s'il vous plaît.

Mme Francine Lalonde: Merci à vous trois. C'était fort intéressant.

Je veux m'adresser d'abord à vous, monsieur Frémont, en vous disant que j'ai été très choquée la première fois que j'ai lu l'article 27. Est-ce qu'on retrouve dans d'autres lois canadiennes ce même droit dont s'arroge ici le gouverneur en conseil, à savoir celui de décider si une loi provinciale s'applique ou non? C'est de cette façon que j'interprète l'alinéa 27(2)d). Si le gouverneur en conseil est convaincu qu'une loi est essentiellement similaire, il peut exclure de l'application de la loi une organisation ou une catégorie d'organisations, une activité ou une catégorie d'activités. Alors, comment identifier, entre guillemets, la province?

M. Jacques Frémont: Je vous avoue que je n'ai pas fait de recherche systématique à ce sujet bien que ce ne soit pas impensable. Si on faisait une recherche, cela ne me surprendrait pas de trouver certains mécanismes de cette nature dans certaines lois.

C'est sûr qu'il s'agit là d'une disposition qui, à prime abord, peut sembler généreuse en soulignant qu'on laisse au Québec le soin d'exercer sa juridiction. Mais cela n'est pas rassurant du tout parce que, comme je le disais tout à l'heure, on peut évincer le Québec. Il suffirait d'un changement de gouvernement à Ottawa ou d'un changement d'humeur à l'endroit des lois québécoises pour qu'on évince la loi québécoise et qu'on la prive de son effet. Selon moi, cela n'a pas de bon sens. Si on avait un mécanisme d'opting in, les provinces qui voudraient choisir d'appliquer la loi pourraient le faire. Chacun resterait dans le cadre de ses juridictions traditionnelles.

M. Roger Tassé: Sur cet aspect de votre question, il me semble que la difficulté d'un processus d'opting in est qu'il pourrait y avoir des provinces qui décideraient de ne pas demander que leur loi s'applique et plutôt demander l'inverse, comme le dit M. Frémont, à savoir que la loi fédérale s'applique. Il pourrait donc y avoir des provinces et des communautés où il n'y aurait pas de loi. La loi fédérale ne s'appliquerait pas si une province ou quelques provinces décidaient de s'abstenir. Cela veut dire qu'il y aurait des endroits dans le pays qui pourraient devenir des safe havens. Il y aurait des endroits où, en fait, on pourrait faire ce qu'on veut avec les renseignements. C'est ce qui me paraît très difficile à accepter. Tant qu'on considère qu'il y a un ensemble canadien et un marché canadien, il me paraît justifié de dire que ces règles qui sont importantes peuvent s'appliquer à tout le monde. Mais on aurait des arrangements, par exemple avec le Québec, qui a une loi et une administration très sophistiquées et on pourrait dire: «Nous, du fédéral, allons nous abstenir parce qu'il y a au Québec une loi qui satisfait les objectifs canadiens.»

M. Jacques Frémont: Si vous me le permettez, j'ai bien dit dans ma déclaration liminaire que rien n'empêchait le gouvernement fédéral de réglementer toute compagnie qui fait du commerce interprovincial. Ainsi, uniquement les compagnies qui ne font que du commerce intraprovincial pourraient ne pas être soumises à la loi fédérale. À titre d'exemple, votre restaurant qui vend de la pizza et qui a une base de données sur vos préférences, à savoir si vous voulez des tomates fraîches ou des tomates en boîte sur votre pizza, serait soumis à la juridiction provinciale et pourrait effectivement ne pas être soumis à la loi fédérale. Mais toute compagnie qui aurait le moindrement d'envergure et qui ferait du commerce interprovincial pourrait très bien être soumise à une loi fédérale qui réglementerait ce type de commerce puisque le fédéral en a le droit et le loisir.

• 1150

Mme Francine Lalonde: On a entendu beaucoup de personnes et j'ai eu l'occasion d'en rencontrer un bon nombre. Il y a beaucoup d'aspects de cette loi qui n'ont pas de bon sens.

Il y a eu d'abord au Québec une certaine mobilisation de diverses parties autour de la loi québécoise de 1994. J'ai lu le rapport Owens sur les services financiers. Celui-ci établissait qu'en l'absence d'une loi fédérale, la loi québécoise s'appliquait à toutes les entreprises et à toutes les activités, y compris celle de demander aux entreprises de préserver les données quand elles les transfèrent à l'extérieur.

Tout cela était en train de se mettre en branle, avec un recours qui a du bon sens pour les citoyens quand, tout à coup, le projet de loi fédéral est arrivé. Il se caractérise par un recours qui est loin d'être satisfaisant et crée deux ensembles de règles. Quelle loi va s'appliquer? À quelle porte le citoyen devra-t-il aller frapper? À qui devra-t-il porter plainte? Est-ce qu'il va porter plainte à un endroit pour se faire dire, quelques jours plus tard, que la plainte n'est pas acceptable et qu'il faut qu'il aille ailleurs? Monsieur Tassé, avez-vous des commentaires à cet égard.

M. Roger Tassé: Si j'étais au Québec—je n'ai pas de conseils à donner aux Québécois, ni à vous, madame—, je mettrais l'accent sur les arrangements qui sont rendus possibles par les dispositions de la loi. Vous avez une loi qui atteint très bien et même davantage les objectifs prévus par le projet de loi fédéral. C'est une loi qui est satisfaisante au point de vue des objectifs globaux que le gouvernement canadien s'est fixés pour l'ensemble du pays. Alors, si c'est une préoccupation si importante, qu'on y mette l'accent. Cela en est une pour Ottawa, à ce que je sache. Le ministre s'est exprimé là-dessus et souhaite qu'il y ait des ententes. Alors, pourquoi ne déploierait-on pas des efforts pour tenter d'obtenir une entente qui serait, dans un fédéralisme renouvelé, conforme aux attentes des Canadiens et des Québécois?

Cela pourrait éliminer pour le Québec une foule de difficultés du genre de celles que vous mentionnez. Mais cela supposerait que les parties, de bonne foi, s'assoient et disent: «D'accord, il y a un défi ici qui tient à coeur autant aux Canadiens qu'aux Québécois. Pourquoi ne peut-on pas, à l'intérieur de ce cadre qui a été reconnu par l'OCDE et qui rencontre beaucoup des attentes des entreprises et des Canadiens—qui ne va pas encore assez loin mais qui est certainement un très bon début—, s'asseoir et faire un effort pour en arriver à des arrangements concrets qui vont résoudre les problèmes?»

Mme Francine Lalonde: Vous connaissez la question que le Québec s'est posée, à savoir pourquoi le gouvernement fédéral ne s'est pas inspiré de la loi québécoise. Il y a une foule de personnes qui ont été surprises dans le domaine de la consommation. Les entreprises sont venues ici et ont répété qu'elles n'avaient pas de problème. C'est le gouvernement fédéral qui est parti, on ne sait d'où, avec les mêmes principes, et qui crée ce problème au Québec sans pour autant, à ce que je sache, faciliter les choses parce que la loi est loin d'être simple et claire. Alors, cela ne peut être compris autrement que comme une invasion au Québec.

M. Roger Tassé: Au Québec—et là je risque de me répéter—, il y a une disposition dans la loi qui établit un mécanisme de concertation dans certains cas. Il pourrait être établi entre les parties, entre le fédéral et le Québec.

Mme Francine Lalonde: Qu'est ce mécanisme de concertation?

M. Roger Tassé: Eh bien...

La présidente: Madame Lalonde.

Mme Francine Lalonde: Le gouverneur en conseil n'est pas un gros mécanisme de concertation.

La présidente: Madame Lalonde, s'il vous plaît.

Mme Francine Lalonde: Merci, madame la présidente.

La présidente: Monsieur Tassé.

Mme Francine Lalonde: C'est de l'animation, monsieur.

La présidente: Madame Lalonde.

M. Roger Tassé: Je respecte votre point de vue, madame Lalonde. Toutefois, ce que je vous dis au sujet de ce mécanisme de concertation, c'est qu'en bout de ligne, quand les représentants des deux gouvernements se seront assis et auront conclu une entente sur la façon dont devraient concrètement se départager les choses et sur la façon de faciliter aux consommateurs la protection de leurs droits, le gouverneur en conseil viendra formaliser la chose. Il faut toutefois que quelqu'un le décide.

Si le Québec ne s'entend pas avec le fédéral, le gouverneur en conseil n'agira pas. Le rôle du gouverneur en conseil est tout simplement d'entériner de façon très formelle une entente intervenue entre les deux gouvernements.

La présidente: Monsieur Frémont.

M. Jacques Frémont: Je ne suis pas sûr qu'il y ait un mécanisme de concertation dans l'article 27. Le pouvoir qu'on donne au gouverneur en conseil est celui d'exclure une organisation ou une activité de l'application de la loi. Vous présumez qu'il va y avoir une concertation antérieure, mais il faut convenir qu'il n'y a pas de mécanisme de concertation d'imbriqué dans la loi.

• 1155

M. Roger Tassé: Je tiens cela pour acquis.

La présidente: Professeur Masse.

M. Claude Masse: D'une part, je crois qu'on devrait discuter ici à fond du caractère adéquat de l'annexe 1 et se demander si l'annexe 1 constitue un véritable outil de protection des consommateurs. Elle est tellement remplie de trous, de faux-fuyants et de pouvoirs discrétionnaires laissés entièrement dans les mains du commerce qu'on ne peut voir là autre chose qu'un code d'éthique qui a valeur de loi. C'est ça qui est le fond du problème.

Si vous voulez vraiment, comme M. Tassé le souhaite, protéger le consommateur dans un domaine aussi redoutable que celui des renseignements personnels, vous devez adopter certains règles strictes et non pas des règles au conditionnel qui, à toutes fins utiles, n'obligent l'entreprise qu'à montrer sa bonne foi ou à démontrer qu'elle fait des efforts. Il n'y a aucune espèce de résultat à attendre de ça.

D'autre part, madame la présidente, M. Tassé nous dit au début, et je respecte son point de vue également, que le projet de loi ne porte que sur les échanges commerciaux. Dans le domaine privé au Québec, 90 p. 100 des échanges d'information sont faits dans le domaine commercial. Alors, qu'on ne vienne pas nous dire que c'est un sideline par rapport à la juridiction du Québec ou des autres provinces; c'est fondamental.

Pour terminer, moi non plus je ne vois pas dans l'alinéa 27(2)d) un pouvoir de concertation, mais simplement un pouvoir discrétionnaire du Cabinet, qui pourra imposer sa règle au gouvernement du Québec et à la population du Québec. Encore une fois, si cela est un outil de protection du consommateur, je pense qu'on fait des reculs extrêmement importants.

[Traduction]

La présidente: Merci.

Monsieur Peric.

M. Janko Peric: Merci, madame la présidente.

Professeur Masse, vous avez mentionné que vous rédigez des lois. Vous êtes aussi d'accord avec le professeur Frémont qui, si j'ai bien compris, quelques réserves.

Professeur Frémont, vous avez dit que ce projet de loi sera contesté devant la Cour suprême et vous avez ajouté que si la Cour suprême décide ceci ou cela...donc vous avez certains doutes. Je me mets à la place de vos étudiants. Je poserais la même question en classe: est-ce constitutionnel, oui ou non?

M. Jacques Frémont: Eh bien, je pense...

M. Janko Peric: Oui ou non?

M. Jacques Frémont: Je dois dire, en toute honnêteté, que les deux réponses sont possibles. Je pense que la loi devrait être jugée anticonstitutionnelle. Toutefois, je ne suis pas certain que c'est ce que décidera la Cour suprême du Canada.

À la fin de mon exposé j'ai dit que légiférer au moyen d'une annexe et modifier ensuite l'annexe par décrets ne facilite pas du tout la tâche de la Cour suprême du Canada. Cela nuit aux juristes de tout le pays. C'est une provocation pour les juges. C'est une provocation pour les avocats. C'est intenable dans une démocratie, dans un état de droit que le gouvernement légifère par décret et c'est précisément ce que fait ce projet de loi.

C'est un sujet très important—la protection des renseignements personnels des Canadiens—et les normes peuvent être modifiées par un simple décret du gouvernement. Aucun juge de notre pays n'en sera enchanté.

Je dis donc que ce projet de loi...on pourra certainement contester en invoquant...

M. Janko Peric: Est-ce oui ou non? Vous dites probablement. J'ai des doutes quant à votre...

M. Jacques Frémont: Croyez-vous que la loi soit noire ou blanche? Vous en êtes les auteurs, vous devez le savoir.

M. Janko Peric: Mettez-moi une muselière.

Merci, madame la présidente.

La présidente: Merci beaucoup.

Monsieur Jones.

M. Jim Jones: Monsieur Frémont, ne croyez-vous pas qu'il serait bien d'avoir une loi qui s'appliquerait de façon uniforme dans tout le pays à toutes les entreprises et à tous les particuliers qui veulent que leur vie privée soit protégée alors même qu'ils s'adonnent au commerce électronique et à d'autres activités commerciales?

M. Jacques Frémont: Eh bien, j'admets qu'il devrait y avoir une loi au Canada mais qui ne s'appliquerait qu'au commerce interprovincial et international. Or, j'estime que la compétence des provinces peut très bien s'exercer sur une foule d'activités liées au commerce électronique.

Dans cinq ou dix ans, la plupart des transactions qui se feront par commerce électronique seront probablement locales. Vous pourrez vous commander de la pizza, du poulet frit, vous pourrez payer vos impôts et vos taxes foncières grâce au commerce électronique. Et cela n'aura rien à voir avec les champs de compétence du fédéral. C'est un choix—quoi qu'en dise le Parlement, en vertu de la Constitution, le commerce est un domaine du ressort des provinces.

• 1200

Au-delà de la protection des renseignements personnels—et c'est là où je ne suis pas plus d'accord avec mon ami Roger Tassé—je crains que si l'on accepte le principe d'une certaine responsabilité fédérale pour la protection des renseignements personnels dans les affaires commerciales privées au Canada, alors il n'y a qu'un pas avant d'en arriver à attribuer au fédéral une responsabilité semblable pour toutes les affaires commerciales privées qui sont actuellement du ressort des provinces. C'est la reconnaissance de ce principe qui est dangereuse, ce sont les conséquences qui sont inquiétantes.

Cela dit, j'estime qu'il est parfaitement légitime que le Parlement fédéral édicte des normes fédérales applicables au commerce national, interprovincial et international. Mais j'estime que cette norme est faible. Je partage l'avis de Claude Masse lorsqu'il dit que c'est une norme étrange qui dit ce que certaines personnes «peuvent» faire; c'est bizarre d'utiliser le conditionnel dans une norme. La présence du fédéral est parfaitement légitime mais elle ne peut être imposée. Voilà ce que j'essaie de faire comprendre.

M. Jim Jones: Prenons...

La présidente: Monsieur Tassé souhaite répondre lui aussi.

Monsieur Tassé.

M. Roger Tassé: J'aimerais simplement ajouter mon point de vue à celui de M. Frémont.

Il convient de faire remarquer que la Cour suprême a statué à plusieurs reprises qu'en vertu de l'article 91.2, le gouvernement fédéral n'a pas seulement le pouvoir de réglementer le commerce interprovincial ou international, mais aussi le commerce intraprovincial. La Cour l'a énoncé clairement.

À mon avis, il ne faut pas perdre de vue le fait que ce dont nous discutons est un nouveau phénomène, un monde où le papier est absent. J'ignore si on vous a expliqué les possibilités qu'offre déjà la technologie. Prétendre qu'il serait possible de faire une distinction entre ce qui constitue le commerce interprovincial, le commerce intraprovincial et le commerce international...tout cela ne constitue qu'une partie du phénomène. Voilà pourquoi je pense que la Cour suprême statuerait que la décision rendue dans l'affaire GM s'applique en raison de la réglementation. Cela n'a rien à voir avec les autres questions dont parle mon vieux confrère parce que si ce principe était accepté, le gouvernement fédéral pourrait commencer à légiférer dans toutes sortes de domaines.

Je pense qu'il faut replacer les choses dans leur contexte. Il faudrait avoir un régime réglementaire. La Cour suprême a jugé inconstitutionnelles certaines dispositions de la loi fédérale comme l'article 7 de la Loi sur les marques de commerce qui, à son avis, ne fait pas partie du régime réglementaire. La Loi sur les marques de commerce ne peut pas imposer à tous l'obligation d'être honnête ou de ne pas s'adonner à la fraude. La Cour suprême a dit que ce n'était pas possible aux termes de l'article 91.2 qui impose certaines limites au régime réglementaire. Une surveillance continuelle doit être exercée.

Cinq conditions sur lesquelles je ne m'étendrai pas doivent être respectées. Le Parlement peut se reporter à un cadre et j'estime que les conditions dont je parle sont respectées dans ce projet de loi. Je crois qu'on ne peut cependant pas conclure que l'adoption de ce projet de loi signifierait que les provinces ne pourraient plus légiférer dans le domaine des contrats et du commerce.

La présidente: Je vous remercie.

Monsieur Jones.

M. Jim Jones: Prenons l'exemple d'une entreprise québécoise menant des activités en Ontario. Si j'ai à me plaindre de cette entreprise, puis-je la poursuivre au Québec même si elle mène ses activités en Ontario?

M. Jacques Frémont: En vertu du projet de loi?

M. Jim Jones: J'aimerais savoir ce qu'il en est maintenant. L'objectif ultime n'est-il pas de faire en sorte qu'une Loi sur le commerce électronique protège le droit à la vie privée des citoyens de l'ensemble du pays...

M. Jacques Frémont: Oui. C'est exactement ce que je fais valoir. Si c'est bien l'objectif ultime qu'on vise, cela va bien au-delà de la protection de la vie privée et suppose la réglementation de tous les aspects du commerce électronique. À mon avis, cela veut logiquement dire qu'on empiète sur la compétence provinciale dans le domaine du commerce. Cette compétence est reconnue dans le Code civil du Québec et toute ingérence dans ce domaine serait très mal vue au Québec.

• 1205

La common law qui est la loi du pays reconnaît la compétence des provinces en matière commerciale. À mon avis, les lois du pays continuent de s'appliquer que ce soit dans le domaine criminel, le domaine commercial, le domaine de la common law ou le domaine des droits civils reconnus dans le Code civil. Il s'agit de savoir si ces lois s'appliquent au commerce électronique et si elles peuvent remplacer une approche générale qui constituerait littéralement un empiétement sur la compétence provinciale dans le domaine du commerce.

Deux conditions que mon ami Roger n'a pas citées au sujet de l'affaire de General Motors me posent des difficultés. Il faut évidemment qu'il y ait un régime réglementaire général comme c'est le cas à l'heure actuelle et aussi un organisme de réglementation qui vise l'ensemble du commerce. Cela répond aux critères.

Ce sont les deux derniers critères qui sont énoncés dans l'affaire General Motors qui font problème. L'arrêt de la Cour suprême énonce qu'une loi fédérale devrait être:

    d'une nature telle que la Constitution n'habiliterait pas les provinces, conjointement ou séparément, à l'adopter; et [...] l'omission d'inclure une seule ou plusieurs provinces ou localités dans le système législatif compromettrait l'application de ce système dans d'autres parties du pays.

C'est sur la façon d'appliquer les deux critères établis par la Cour suprême du Canada que portera le débat. Si l'Alberta décide de ne pas adopter une loi sur la protection privée, cela compromet-il la compétence fédérale ou la façon dont le commerce électronique est réglementé au Canada? Je dirais nettement que non. Il incombera aux Albertains de prendre une décision à cet égard et ils pourront démocratiquement faire valoir leurs points de vue lors des prochaines élections.

Pour qu'une loi sur la concurrence soit efficace, par contre, elle doit s'appliquer à l'ensemble du pays. La même chose ne vaut pas pour le commerce électronique parce que la majorité du commerce est de compétence locale.

La présidente: Ce sera votre dernière question, monsieur Jones.

M. Jim Jones: Une loi ne doit-elle pas protéger les entreprises et les organisations qui exercent des activités dans l'ensemble du pays?

M. Jacques Frémont: Je suis tout à fait d'accord avec vous là-dessus, mais la difficulté c'est qu'il s'agit d'un domaine relevant du droit provincial privé, en particulier du droit commercial provincial. S'il s'agissait d'un domaine de compétence fédérale... Les lois fédérales s'appliquent à tous les organismes fédéraux et à toutes les entreprises de ressort fédéral comme les banques, les médias et les moyens de transport. Cela pourrait même inclure le commerce interprovincial et international. Il est parfaitement légitime que le Parlement légifère dans ces domaines.

C'est lorsqu'on s'écarte de ces domaines que des difficultés surgissent.

M. Jim Jones: Je vous remercie.

La présidente: Monsieur Tassé, voulez-vous ajouter quelque chose?

M. Roger Tassé: Je n'interprète pas tout à fait de la même façon le principe énoncé par M. Frémont. La question que pose la cour est de savoir si la Constitution permet aux provinces, individuellement ou collectivement, de prendre les moyens qui s'imposent pour régler le problème.

Si une province était exclue du régime, cela signifierait que les efforts de réglementation déployés par les autres provinces pour établir ce régime seraient vains. Cela suffirait pour que le gouvernement fédéral en ce qui touche la réglementation de l'utilisation qui peut être faite des renseignements personnels...

Supposons que toutes les provinces sauf une ou deux adoptent des lois comme celles du Québec. Que se passerait-il? Pourquoi cette province refuserait-elle d'adopter la même loi? Peut-être simplement parce qu'elle deviendrait un refuge.

La province pourrait faire valoir l'avantage que représente le fait qu'elle ne soit pas assujettie à la loi. Beaucoup de données échapperaient donc à la réglementation dans cette province, ce qui irait à l'encontre de l'objectif visé en raison du fait que l'information ne connaît pas de frontières dans une société électronique. Ce qui se passe dans une province peut être exporté au reste du monde parce que le commerce électronique ne connaît pas de frontières.

• 1210

La présidente: Je vous remercie, monsieur Tassé. Je vous remercie aussi, monsieur Jones.

Monsieur Lastewka.

M. Walt Lastewka: Madame la présidente, j'aimerais revenir à l'exemple de l'Alberta que donnait M. Frémont. Supposons que toutes les provinces sauf l'Alberta aient adopté une loi sur la protection des renseignements personnels. Les petites provinces ont dit qu'elles adopteraient la loi fédérale ou du moins qu'elles y songeaient.

La loi québécoise ne protégerait pas l'information portant sur des particuliers qui auraient quitté la province et se seraient installés en Alberta, n'est-ce pas?

M. Jacques Frémont: Les lois d'une province ne s'appliquent pas à l'extérieur de celle-ci.

M. Walt Lastewka: En effet. Par conséquent, les Québécois perdraient le droit à la protection de leur vie privée dans ce genre de transaction, n'est-ce pas?

M. Jacques Frémont: Une transaction entre un Québécois et l'Alberta?

M. Walt Lastewka: Si l'information portant sur des Québécois se retrouve en Alberta parce que cette province n'a pas adopté de loi sur la protection des renseignements personnels ou parce qu'elle est devenue un refuge, comme M. Tassé l'a dit, la loi québécoise ne s'appliquera pas. Peut-on dire que les Québécois ont ainsi perdu le droit à la protection de leur vie privée?

M. Jacques Frémont: La loi québécoise sur la protection des renseignements personnels touche les Québécois à l'intérieur du Québec. Vous présumez qu'il n'y a pas de loi fédérale.

M. Walt Lastewka: Non.

M. Jacques Frémont: S'il existait une loi fédérale, le Parlement pourrait réglementer le transfert de renseignements entre les provinces.

M. Walt Lastewka: Non, vous avez dit plus tôt que les provinces devraient pouvoir décider de ne pas être assujetties à la loi. Dans notre scénario, la province de l'Alberta a décidé de ne pas l'être.

M. Jacques Frémont: Je vois.

M. Walt Lastewka: La province décide de ne pas être assujettie à la loi. Si des renseignements personnels touchant des Québécois se retrouvent en Alberta, il y aura atteinte à la protection de la vie privée des Québécois, n'est-ce pas?

M. Jacques Frémont: Je ne pense pas que nous voyons les choses sous le même angle. Si des renseignements personnels touchant des Québécois sont entreposés dans des ordinateurs en Alberta—c'est sans doute ce à quoi vous songez—, il aura fallu que cette information soit transmise entre le Québec et l'Alberta. C'est sur l'échange d'information que peut légiférer le Parlement.

M. Walt Lastewka: Vous dites donc d'une part que les provinces doivent décider d'être assujetties ou non à la loi et, d'autre part, que la loi fédérale devrait...

M. Jacques Frémont: Non, je regrette si...

M. Walt Lastewka: Je vous ai mal compris.

M. Jacques Frémont: Je regrette si je n'ai pas été clair. J'aimerais répéter, et j'insiste là-dessus qu'il est tout à fait légitime que le gouvernement fédéral réglemente le commerce interprovincial et international ainsi que la circulation des renseignements personnels à l'échelle interprovinciale ou internationale. Je ne m'y oppose pas. Ce à quoi je m'oppose, c'est de forcer des provinces qui ne le voudraient pas pour diverses raisons, à respecter des normes sur la protection de la vie privée.

M. Walt Lastewka: Le projet de loi donne cependant aux provinces le temps d'adopter leur propre loi. Prenons l'exemple du Manitoba qui a dit au comité être favorable à un échange transparent et ouvert de renseignements entre les provinces. Je crois avoir participé à sept ou à huit séances dans la province où on a discuté non seulement du projet de loi C-54, mais de la forme que devrait prendre la loi provinciale dans ce domaine. À l'issue des consultations menées auprès des Manitobains, je pense que le gouvernement va proposer son propre projet de loi qui sera soit aussi bon que le projet de loi C-54, soit encore meilleur.

M. Jacques Frémont: Très bien. Un problème se posera si la loi est faible, et il faut bien reconnaître que la Loi sur la protection de la vie privée sera faible. Ce qu'a dit Claude Masse est parfaitement vrai. Vous créez un paradis d'information dans les provinces où la loi fédérale s'appliquera. Qu'est-ce que cela signifie pour une entreprise québécoise? Cette entreprise souhaitera peut-être être assujettie à la loi fédérale qui est beaucoup moins rigoureuse que la loi québécoise. Vous vous attaquez donc au principe de la protection de la vie privée et vous découragez les provinces d'adopter des codes de déontologie plus stricts.

• 1215

M. Walt Lastewka: Comment pourrions-nous nous attaquer au principe lorsqu'il n'existe pas encore de loi dans ce domaine?

M. Jacques Frémont: Vous y porterez clairement atteinte au Québec.

M. Walt Lastewka: Non. C'est là-dessus que nous ne sommes pas d'accord...

La présidente: Et c'est très bien. Je vous remercie beaucoup.

M. Walt Lastewka: C'est très bien si nous ne sommes pas d'accord?

La présidente: Oui, vous pouvez ne pas être d'accord. Nous devons cependant poursuivre. Je vais maintenant donner la parole à M. Lowther et à M. Masse pour revenir ensuite à M. Lowther.

M. Eric Lowther: Je dois dire que je n'ai jamais vu deux personnes d'avis aussi contraire s'entendre aussi bien. C'est très bien.

Je veux revenir à M. Frémont, pour m'assurer d'avoir bien compris ce qu'il a dit. En ma qualité d'Albertain, vos propos me plaisent.

S'il existe une loi provinciale plus rigoureuse que la loi fédérale, de votre avis ou de celui du gouvernement provincial, et si nous devons nous en remettre à la Cour suprême, vous dites que d'après les décisions que la Cour suprême a déjà rendues, il est fort probable que la mesure fédérale aura préséance sur celle de la province. Vous en êtes déçu, mais vous dites que c'est ce qui se produira probablement, compte tenu de décisions antérieures. Est-ce exact?

M. Jacques Frémont: C'est du moins ce que je comprends.

M. Eric Lowther: D'accord. C'est la précision que je voulais obtenir.

La présidente: Monsieur Masse, vous vouliez faire une observation?

[Français]

M. Claude Masse: Je voulais, madame la présidente, insister sur le fait qu'il y a au moins un élément dans le domaine de l'échange de l'information qui est local, soit la collecte d'information. Quand une entreprise de l'Alberta, de l'Ontario ou du Québec s'adresse à un consommateur québécois pour prendre de l'information de lui, c'est local. Or, j'attire votre attention sur le caractère totalement inapplicable de l'article 4.3 de l'annexe 1. J'oeuvre dans le domaine de la protection du consommateur depuis 25 ans et je puis dire, en ce qui a trait au consentement—M. Tassé pourra nous dire s'il juge que cette disposition saura vraiment protéger les consommateurs—, que c'est un principe général qui est nié d'un bout à l'autre de la disposition. Que va-t-il se produire?

Comme le disait M. Frémont plus tôt, l'entreprise va préférer passer par le biais de l'article 4.3 plutôt que de passer par la loi québécoise qui exige en général, à quelques exceptions assez limitées, un consentement formel. Or, l'article 4.3, à toutes fins pratiques, permet à l'entreprise de se passer du consentement dans presque tous les cas. Et même quand elle doit le faire, elle n'a pas à craindre de sanction sérieuse. Il y a au moins, à un bout du processus, quelque chose qui relève de la juridiction de la province de Québec et qui va être québécois, et c'est la collecte de données auprès des consommateurs concernés.

Je vous répète que j'ai ce matin le malaise de constater, encore une fois, que notre sport national au Canada, c'est la Constitution et les jugements de la Cour suprême. Nous avons, au Québec, une bonne loi sur la protection du consommateur. Comme le disait M. Frémont, il est sans doute utile qu'il y ait une loi nationale sur l'échange international ou interprovincial de données, mais laissez-nous appliquer notre loi avec l'expérience qu'on en a depuis cinq ans. Ne nous nuisez pas.

Je reviens à mon message d'ouverture, madame la présidente: votre projet de loi ne contrôle rien de façon sérieuse. Si vous voulez vraiment protéger le consommateur, pourquoi ne vous inspirez-vous pas de la loi québécoise? Pourquoi devrions-nous la mettre de côté au départ?

[Traduction]

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Masse.

Monsieur Bellemare.

[Français]

M. Eugène Bellemare: Monsieur Frémont, si j'ai bien compris, quand il y a un commerce entre provinces, vous acceptez que le fédéral s'implique. S'il n'y a pas de loi dans une province, est-ce que le fédéral devrait s'impliquer?

M. Jacques Frémont: Eh bien, c'est toute la question à laquelle on est confrontés.

• 1220

Je crois que le fédéral pourrait s'impliquer, et ce serait tout à fait constitutionnel, pour réglementer les échanges de données ou la protection de la vie privée dans toute activité de commerce interprovincial et international. Mais toute la question est de savoir si le fédéral peut, aux termes du paragraphe 91(2), s'immiscer dans les transactions locales, les transactions entre vous et votre dépanneur ou le magasin Eaton's à côté de chez vous. Je crains qu'il puisse y avoir là une logique dangereuse. Le prolongement de cette logique, c'est l'éviction des compétences provinciales en matière commerciale. Je déplore cela vivement, surtout par rapport au Québec.

M. Eugène Bellemare: D'après vous, est-ce la protection du consommateur ou la protection de la loi provinciale qui doit primer?

M. Jacques Frémont: Selon moi, en tout respect, je ne pense pas qu'on doive répondre à une telle question parce qu'il ne s'agit pas de la protection d'une juridiction provinciale par opposition à celle du consommateur, et vous le savez très bien. Le consommateur québécois qui fait affaire au Québec est protégé par une série de lois provinciales, dont la Loi sur la protection du consommateur et les dispositions du Code civil du Québec. De surcroît, il est protégé par les dispositions applicables en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Il y a un code complet de protection...

M. Eugène Bellemare: Ce n'est pas contesté.

M. Jacques Frémont: Non, mais le droit commun existe au Québec. Si le fédéral se met à légiférer dans le domaine du droit commun, il va évincer le droit commun québécois. À ce moment-là, on s'engagerait dans une dynamique... Au Québec, entre autres, le fédéral n'a pas, selon moi, le pouvoir de légiférer en matière de droit civil. Est-ce qu'on va remplacer le droit civil québécois et l'appareil qui l'entoure par du droit fédéral? C'est cela, le prolongement de la logique du projet de loi C-54.

M. Eugène Bellemare: On reste toujours au Québec.

M. Jacques Frémont: Oui.

M. Eugène Bellemare: On ne conteste pas le fait que les lois qui protègent le consommateur et les renseignements au Québec sont bonnes, mais qu'est-ce qui protège un Québécois qui veut transiger avec une banque?

M. Jacques Frémont: Je vous dis depuis tout à l'heure qu'il y a une présence fédérale légitime. Actuellement, il n'y a rien, sauf des codes volontaires. Je crois que le projet de loi C-54 est une bonne idée et que tout commerce avec les banques devrait être régi par le fédéral. C'est une très bonne idée.

M. Eugène Bellemare: D'accord.

M. Jacques Frémont: Mais je vous dis que ce n'est pas une bonne idée dans le cas du commerce avec la pizzeria du coin.

M. Eugène Bellemare: D'accord. On a vu que la Bourse de Montréal et la Bourse de Toronto avaient fait des échanges et transféré certains types d'actions. Les marchandises achetées à terme sont à Montréal. Plusieurs Montréalais ou Québécois qui transigeaient à la bourse transigent tout à coup avec la Bourse de Toronto. Est-ce que ce sera désormais le fédéral qui assumera cette surveillance et les protégera, ou est-ce que la province ira porter des accusations en Ontario, par exemple?

M. Jacques Frémont: Je suis content que vous souleviez cette question. Selon moi, la question des valeurs mobilières au Canada s'inscrit précisément dans cette logique à laquelle on fait face ici.

Selon ma lecture de la jurisprudence de la Cour suprême, si le fédéral voulait établir une commission nationale des valeurs mobilières en se fiant au jugement General Motors—je pense que mon ami Roger sera d'accord—, il pourrait probablement le faire. Il y a quand même 10 ans qu'on a rendu la décision dans la cause General Motors et le fédéral ne l'a toujours pas fait. Mais il a fait des grondements et indiqué qu'il voulait qu'il y ait une consolidation du marché des valeurs mobilières au Canada. Qu'est-ce qui se passe? Il semble qu'il y ait une consolidation volontaire. C'est précisément ce que je dis. Dans le projet de loi C-54, le fédéral ferait beaucoup mieux de légiférer sur ce dont il est responsable constitutionnellement et d'encourager les provinces soit à entériner le projet de loi, soit à se doter de codes aussi bons ou meilleurs que le code fédéral.

Finalement, j'invoque le vieux principe qui dit: chacun ses bebelles dans sa cour. En tentant de réglementer le commerce des relations commerciales intraprovinciales, le Parlement fédéral risque de créer dans les faits de sérieux problèmes et de se créer des problèmes constitutionnels. Il est clair que cette histoire se rendrait en cour.

[Traduction]

La présidente: Dernière question, s'il vous plaît, monsieur Bellemare.

• 1225

[Français]

M. Eugène Bellemare: Trouvez-vous que la loi fédérale proposée sera en conflit avec celle du Québec? L'exemple qu'on me donne toujours est celui de la pizzeria qui possède un ordinateur et de l'individu qui commande par ordinateur. C'est une caricature, mais cela pourrait arriver facilement parce que le système du commerce électronique se développe tellement bien. J'imagine que la livraison sera faite par un humain et non pas autrement.

Une voix: Par ordinateur.

Une voix: Une pizza virtuelle.

Des voix: Ah, ah!

M. Eugène Bellemare: Y a-t-il une contradiction avec la loi fédérale? M. Frémont a-t-il raison d'affirmer que la loi fédérale va s'ingérer entre le mangeur de pizza et le fabricant de pizza de la rue Sainte-Catherine à Montréal?

M. Roger Tassé: Cela fait quelques fois qu'on parle de pizza. C'est un petit peu caricatural.

Ce qui est évident, c'est qu'il y a de moins en moins d'éléments locaux dans ce dont on parle parce qu'il y a des petites et moyennes entreprises, pas seulement des grandes—M. Frémont est d'accord que celles qui oeuvrent dans le domaine interprovincial ou international devraient être couvertes par la loi fédérale—, qui, de plus en plus, se serviront du commerce électronique et seront intégrées aux réseaux mondiaux. Ce n'est plus seulement une petite entreprise au coin des rues Sanguinet et Sainte-Catherine. Cela fait partie d'un réseau.

J'ai senti tout à l'heure que M. Frémont n'était pas en désaccord quand je disais que la Cour suprême n'avait pas limité le pouvoir de légiférer du fédéral uniquement au commerce interprovincial et international; cela peut aller jusqu'à l'intraprovincial. C'est pour cela qu'il faut en examiner la nature. Ce n'est pas seulement le commerce de pizza; c'est tout le commerce local fait par des petites et moyennes entreprises branchées au réseau. Elles ont y accès, leur information est retransmise, tous ceux qui y ont accès peuvent manipuler les données, et cela circule dans le monde, en dehors de toutes les provinces, y compris de la province de Québec.

L'intervention de votre collègue était très justifiée; pour les Québécois, il y a quelque chose dans cette loi, en tenant compte du bémol mis par M. Masse. Il est bon qu'on ait un encadrement canadien de ces questions.

Je reviens toujours au même point de départ: la loi permet des arrangements entre les juridictions, le fédéral et le provincial, et le Québec entre autres. À Ottawa, on se réjouit de ce que le Québec a fait dans ce domaine. C'est devenu un exemple qui n'a pas été utilisé par beaucoup d'autres provinces jusqu'à maintenant, mais le gouvernement fédéral reconnaît les initiatives provinciales du Québec dans ce domaine. Et si jamais la loi était adoptée et que les autorités fédérales décidaient de ne pas donner d'exemption au Québec afin d'imposer sa propre loi, cela s'ajouterait aux conditions gagnantes de M. Bouchard. C'est presque impensable que cela se produise. Tout indique que l'inverse se produira et qu'on donnera à la loi provinciale toute sa place en reconnaissant les institutions provinciales. Mais cela fera partie d'un ensemble canadien visant les mêmes objectifs, malgré les imperfections de la loi fédérale.

La présidente: Merci. Monsieur Dubé, s'il vous plaît.

M. Antoine Dubé (Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière, BQ): Mon impression est un peu différente, monsieur Tassé; on a plutôt l'impression de se faire imposer souvent des choses. Quand ce n'est pas par le gouvernement, c'est par la Cour suprême.

Monsieur Frémont, vous avez dit qu'il était assez spécial, selon vous, qu'un gouvernement décide lui-même de réglementer en annexe, puis par décret. J'adresse ma question aux autres également. Cela semble être votre avis. Êtes-vous le seul à penser ainsi ou si votre avis est partagé par les deux autres invités?

• 1230

Deuxièmement, quelle serait la bonne façon de faire? Ce que je comprends, c'est qu'il y a deux mentalités au Canada. Il y a des gens qui se pensent de bonne foi et qui disent qu'il ne faudrait pas que les Québécois empêchent ce que les autres Canadiens veulent. Du côté québécois, on reprend exactement le message de M. Masse ce matin, soit celui de dire de ne pas nous empêcher de faire ce qu'on veut ou de ne pas nous empêcher de faire ce qu'on fait bien auprès de la population. Quel serait le bon moyen d'exempter le Québec de l'application de cette loi et de ne pas la confier au gouverneur en conseil? Il faudrait retrouver une telle disposition dans la loi. Est-ce qu'un mécanisme d'opting in peut être inclus dans une loi?

M. Jacques Frémont: La législation en annexe se voit assez régulièrement. Ce que je n'avais jamais vu, c'est une disposition permettant de modifier cette annexe par un décret. Je crois que cela pose des problèmes très sérieux puisque la Constitution du Canada prévoit que c'est par le droit qu'on doit fixer les normes destinées aux citoyens. Pour ce qui est de modifier le droit par décret, je vous avoue que si j'étais un parlementaire, je serais extrêmement inquiet. Vous avez actuellement un mot à dire sur le contenu de l'annexe. Vous allez perdre toute voix au chapitre par la suite. Cela peut être changé de façon très radicale. Je pense que c'est une insulte très grave au Parlement de ce pays.

Pour ce qui est des mécanismes, il faut accepter que ce ne soient pas des mécanismes qui puissent exclure les provinces. Il faut que les provinces puissent, si elles le désirent, appliquer la loi fédérale. Cela se fait par loi, par référence. Il peut y avoir un mécanisme dans la loi par lequel les provinces peuvent d'elles-mêmes, volontairement, faire référence à une loi fédérale. Il n'y a rien dans la Constitution du Canada qui les en empêche. Il pourrait toutefois y avoir un mécanisme souple par lequel on permettrait aux provinces d'utiliser la loi fédérale. La question de principe à cet égard est d'encourager les provinces à faire ces choix-là. Elles demeurent libres et on n'imposera pas les normes fédérales au droit provincial et aux relations de droit privé.

M. Roger Tassé: Je crois qu'il ne faut pas exagérer la portée de la question qui est soulevée. Cela arrive à tous les jours. En fait, il y a peut-être plus de règlements qui sont élaborés quotidiennement par les autorités fédérales et provinciales qu'il n'y a de lois qui sont adoptées.

La mécanique du projet de loi devant vous est très complexe. On parle de l'annexe, mais il y a, dans la loi elle-même, des principes très importants qui sont ancrés et explicités. On a inclus dans l'annexe un ajout permettant au gouverneur en conseil de prendre toute mesure relative à l'application de la présente loi et de modifier l'annexe. Ce ne sont pas des situations inhabituelles. Il y a là un pouvoir de réglementation.

M. Jacques Frémont: Premièrement, on parle de réglementation et non pas de décret. La deuxième chose est que même le gouvernement limite...

[Traduction]

La présidente: Monsieur Frémont, veuillez laisser finir M. Tassé, s'il vous plaît.

M. Jacques Frémont: Pardonnez-moi.

M. Roger Tassé: Le gouverneur en conseil peut ordonner des modifications pour adapter la loi aux dispositions.

[Français]

Il est vrai qu'on ne parle pas de la réglementation, mais je vais vous avouer que dans le fédéralisme que j'ai connu au cours des 40 dernières années, et celui que j'envisage personnellement pour l'avenir, je souhaite qu'on découvre des façons plus créatives et plus inhabituelles de faire les choses. On ne peut pas être bornés et s'en tenir à ce que nos prédécesseurs ont fait. Il faut essayer de trouver des façons de procéder qui permettent plus de souplesse dans la façon dont on va ordonner les choses, à la fois entre le fédéral et les provinces ainsi qu'avec le secteur privé. C'est une des choses qui ont émergé au cours des dernières années. Le secteur privé a des choses à dire. Les questions dont on parle ici ne seront pas nécessairement réglées par les gouvernements.

• 1235

Les entreprises doivent accepter qu'il est important pour elles et non seulement pour le consommateur d'avoir des réglementations internes, des codes, qui vont permettre aux Canadiens d'être confiants quand ils feront affaire avec elles. C'est dans leur propre intérêt de s'en assurer.

On est dans un nouveau contexte et j'applaudis aux façons nouvelles d'organiser les choses pour permettre des progrès sur des questions. Est-ce parfait, cela? Non, ce ne l'est pas. Y a-t-il des lois parfaites? Je n'en connais pas. La Constitution n'est pas parfaite et aucune de nos lois ne l'est, mais c'est un pas nécessaire dans la bonne direction.

Peut-être y aura-t-il des contestations. Je ne nie pas que M. Frémont soulève une question importante, sur laquelle je ne me suis pas penché si ce n'est depuis qu'elle a été posée ce matin, mais des arguments pourraient être développés pour défendre cette façon de procéder si on la contestait en cour.

La présidente: Thank you.

Professeur Frémont.

M. Jacques Frémont: Si vous lisez l'alinéa 27(2)b), vous verrez que le gouvernement ne pourrait pas, par décret, modifier l'annexe. Il ne peut le faire que lorsque le code de la Canadian Standards Association est modifié par cette même association. Il y a donc un renoncement implicite et explicite à exercer toute juridiction de substance par rapport à ce code et par rapport à sa traduction législative.

Je regrette de le dire encore une fois, mais comme parlementaires, vous devriez être extrêmement inquiets de cette façon de procéder. Que mon gouvernement puisse, par décret, fixer des normes, ne me rassure pas. Il peut le faire par règlement et il le fait souvent, mais il est inquiétant qu'il ne puisse même pas lui-même changer ses propres normes tant que la Canadian Standards Association ne l'a pas fait.

La présidente: Monsieur Tassé.

M. Roger Tassé: Madame la présidente, il me semble clair que si le Parlement le jugeait à propos, il pourrait modifier, par la loi, n'importe laquelle des dispositions de l'annexe par la loi. Pour faire cela, il n'a pas de permission à demander à qui que ce soit.

M. Antoine Dubé: Par la loi.

M. Roger Tassé: Par la loi, bien sûr. On a dit que cela attaquait la souveraineté suprême du Parlement. Ce serait possible pour le Parlement de changer la loi et de changer l'annexe par la loi.

M. Jacques Frémont: C'est loin de la souplesse dont vous parliez.

La présidente: Merci, monsieur Dubé.

[Traduction]

Monsieur Lastewka.

M. Walt Lastewka: Merci, madame la présidente. J'ai quelques questions à poser à M. Masse.

Vous avez dit que si les choses vont bien, il ne faut pas les corriger. Mais d'autres témoins nous ont dit que la loi québécoise nécessite certaines améliorations. Existe-t-il une disposition d'examen automatique dans la loi du Québec?

[Français]

M. Claude Masse: L'an dernier, si ma mémoire est bonne, un rapport de la Commission d'accès à l'information suggérait certaines modifications de resserrement des processus, notamment en ce qui a trait au processus de collecte de données et au mécanisme de divulgation des informations à l'égard des tiers.

Mais, à plusieurs égards, la loi québécoise, surtout avec l'expérience qu'on en retire après cinq ans, va beaucoup, beaucoup plus loin que l'annexe 1 de la loi fédérale.

Je vous donne un exemple. J'attire votre attention sur l'article 4.9.3 de l'annexe 1. Mon collègue Frémont a touché juste tout à l'heure en alléguant qu'on ne pourrait modifier par décret que si l'organisme privé acceptait de changer ses normes. À l'article 4.9.3, peut-on voir une véritable mesure de protection réglementaire ou législative des consommateurs?

    4.9.3 L'organisation qui fournit le relevé à des tiers à qui elle a communiqué des renseignements personnels au sujet d'une personne devrait être la plus précise possible. S'il lui est impossible de fournir une liste des organisations à qui elle a effectivement communiqué...

Donc, on dit: vous avez l'obligation de dire aux consommateurs à qui les renseignements ont été donnés, mais faites votre gros possible.

    S'il lui est impossible de fournir une liste des organisations à qui elle a effectivement communiqué des renseignements au sujet d'une personne, l'organisation doit fournir une liste des organisations à qui elle pourrait avoir communiqué de tels renseignements.

Ainsi, le consommateur qui s'adressera à Equifax au Québec se fera remettre la liste des 225 organismes possibles auxquels l'entreprise communique normalement les listes. Bonne chance!

• 1240

C'est complètement inapplicable, non seulement en termes de rédaction de listes, mais en termes de mesures de protection du consommateur. Je suis d'accord pour dire qu'avec le temps, il y a des modifications, des assouplissements, des mesures supplémentaires à apporter, mais la loi québécoise fonctionne de façon sérieuse. Je pense que tout le monde doit admettre ici, et on pourrait citer des exemples par dizaines...

[Traduction]

M. Walt Lastewka: Ce n'est pas ce que je vous ai demandé.

La présidente: Monsieur Masse, M. Lastewka a posé une question bien précise.

[Français]

M. Claude Masse: Parfait. Donc, oui...

[Traduction]

M. Walt Lastewka: Vous avez dit bien des choses, mais vous n'avez pas répondu à ma question.

[Français]

M. Claude Masse: Est-ce que la loi québécoise pourrait être améliorée, monsieur le député? Oui.

[Traduction]

La présidente: Non, ce n'est pas la question qui a été posée. La question est la suivante: la loi comporte-t-elle un examen obligatoire?

[Français]

M. Claude Masse: La réponse, que je sache, est non.

[Traduction]

La présidente: Non.

Très bien, monsieur Lastewka.

[Français]

M. Claude Masse: Pas que je sache, mais il se peut que je fasse erreur.

[Traduction]

M. Walt Lastewka: Vous avez dit que l'expérience a révélé que des améliorations doivent être apportées, et le sont, à la loi du Québec. Est-ce exact?

[Français]

M. Claude Masse: Je suis tout à fait d'accord.

[Traduction]

M. Walt Lastewka: C'est également ce que nous ont dit le commissaire à la vie privée du Canada et les divers autres commissaires de ce domaine de tout le pays. Ils nous ont dit très clairement, à nous législateurs, qu'il est très important d'adopter une loi pancanadienne sur la protection de la vie privée des Canadiens.

[Français]

M. Claude Masse: Est-ce que je peux répondre, monsieur le député?

[Traduction]

M. Walt Lastewka: Et nous...

La présidente: Continuez.

M. Walt Lastewka: ...avons modifié la mesure législative afin qu'il y ait un examen automatique tous les cinq ans. C'est l'un des amendements proposés. Après quatre ou cinq ans, il y aurait un examen automatique et l'expérience de toutes les provinces du pays montrerait quelles améliorations doivent être apportées à la loi.

Quand vous avez dit qu'il ne fallait pas corriger ce qui fonctionne bien, je n'ai pas très bien compris ce que vous entendiez par là. Mais vous allez apporter des changements à la loi du Québec, n'est-ce pas?

La présidente: Professeur Masse.

[Français]

M. Claude Masse: Ce que je dis, monsieur le député, c'est que cela fonctionne beaucoup mieux que l'annexe 1 ne pourra jamais le faire. En légiférant par le paragraphe 4(1) dans le domaine du commerce local, vous ferez en sorte que les entreprises québécoises préféreront opter pour la loi fédérale, et cela sera, au mieux, une source de confusion extrêmement importante.

Cependant, nous sommes tous d'accord pour dire qu'une loi fédérale portant sur le transfert interprovincial ou international de données personnelles est la bienvenue. Cela va combler le vide actuel, mais n'allez pas de l'avant avec l'alinéa 4(1)a) pour forcer l'application de la loi au niveau du commerce local.

[Traduction]

La présidente: Merci, monsieur Lastewka. M. Tassé désire également répondre.

M. Roger Tassé: J'aimerais revenir à cette question de l'application de la loi fédérale et de la loi provinciale. Pour ce qui est de savoir laquelle aurait préséance, nous appliquons une approche différente.

M. Frémont a dit que si le gouvernement fédéral légifère, toutes les lois provinciales deviendront automatiquement inapplicables.

M. Jacques Frémont: Elles seraient annulées.

M. Roger Tassé: Inapplicables. Vous avez dit inapplicables.

Nous n'en sommes pas encore là, d'après ce que j'ai compris des décisions de la Cour suprême qu'il a mentionnées. J'estimerais plutôt que la loi fédérale aurait préséance en cas de conflit. Mais comme je l'ai dit tantôt, il n'y aurait pas de conflit si les normes de la loi provinciale, par exemple dans le domaine du consentement, étaient plus rigoureuses. La loi provinciale s'appliquerait dans ce domaine et les habitants de la province pourraient se prévaloir de telles dispositions.

Je ne dis pas que c'est ce qui se produirait immanquablement, mais on pourrait certainement faire valoir que la loi provinciale doit continuer de s'appliquer s'il existe une différence et que la norme est plus élevée.

La présidente: Professeur Frémont.

M. Jacques Frémont: C'était exactement le principe en cause dans l'affaire Banque de Montréal contre Hall. La banque devait respecter un délai obligatoire de 60 jours avant de saisir les biens meubles. La loi de la Saskatchewan comportait une exigence de 90 jours.

• 1245

Jusque-là, c'est l'approche de M. Tassé qui prévalait, et la banque attendait 90 jours avant de saisir la maison. Mais dans ce cas, le tribunal a déclaré qu'il y avait nettement conflit entre les délais de 60 et de 90 jours, puisque la période de 60 jours se trouvait mentionnée dans la Loi fédérale sur les banques. Le délai de 60 jours s'appliquait à la banque et on a donc invalidé l'exigence de 90 jours dans le cas des banques. C'est exactement la même situation et c'est un précédent que l'on a établi.

La présidente: Merci beaucoup.

Monsieur Lastewka, dernière question, s'il vous plaît.

M. Walt Lastewka: Deux brèves questions, si vous me le permettez.

La présidente: Non, une dernière question.

M. Walt Lastewka: Vous devenez de plus en plus dure.

La présidente: Le temps file.

M. Walt Lastewka: Très bien, j'y reviendrai plus tard.

Ma question s'adresse aux trois témoins. Si la loi de la province de Québec est bonne et peut servir de modèle, pourquoi les autres provinces ne s'en ont-ils pas inspiré?

La présidente: M. Masse semble vouloir répondre à cette question.

[Français]

M. Claude Masse: C'est leur problème, monsieur. On n'a pas à répondre à cela.

[Traduction]

La présidente: Monsieur Frémont.

M. Jacques Frémont: C'est précisément ce genre de différence culturelle qui est à la base du débat actuel entre l'Union européenne et les États-Unis sur la protection de la vie privée. Je regrette de le dire, mais il s'agit encore une fois d'un problème de société distincte. À l'instar de l'Europe, le Québec a choisi d'intervenir, de déclarer que ce sont des valeurs essentielles de notre société, de légiférer et de défendre ces valeurs. L'approche dominante de l'Amérique anglo-saxonne, c'est le laissez-faire, le laissez-aller. Ce sont deux cultures différentes, et c'est exactement ce sur quoi repose le débat sur les directives européennes qui sont entrées en vigueur en décembre dernier, comme vous le savez.

M. Walt Lastewka: Crée-t-on de ce fait une zone sûre?

La présidente: Vous avez dit que vous posiez votre question aux trois témoins. M. Tassé n'y a pas répondu.

M. Walt Lastewka: D'accord, pardonnez-moi.

La présidente: Monsieur Tassé.

M. Roger Tassé: Je n'ai pas grand-chose à ajouter à ce qui a été dit. Le Québec a entrepris un examen très approfondi du Code civil, et il s'est montré plus sensible à ces questions, dans la perspective de la protection des droits, peut-être en raison de tout le débat qui s'est déroulé. Mais cet examen est maintenant achevé. Il ne faut pas oublier que nous parlons maintenant de l'utilisation de renseignements et de la nécessité d'établir des règles pour avoir la confiance du public, protéger des renseignements, etc.

Il y a donc d'autres incitatifs. Comment peut-on faire concurrence aux autres entreprises dans un monde qui n'a plus de frontières? Comment peut-on exercer sa concurrence dans un monde où les documents et le papier ont de moins en moins d'importance—du point de vue conceptuel du moins—et où tout est propriété commune? Ottawa et le reste du Canada se sont rendu compte qu'il existe là un problème à régler. Nous visons tous les mêmes objectifs, c'est-à-dire la confiance et la protection, mais sous des dans angles différents.

La présidente: Merci.

Merci, monsieur Lastewka.

[Français]

Madame Lalonde, avez-vous une autre question?

Mme Francine Lalonde: Sur la question de l'électronique et de la signature électronique sécurisée, je vous rappelle que ce projet de loi porte sur le commerce électronique, mais qu'en réalité, presque que tous les témoins ont parlé des renseignements personnels.

Sur cette question-là, il y a aussi des problèmes qui se posent comme celui de définir ce qu'est une signature. Un groupe des Nations unies s'est prononcé récemment en disant qu'on ne pouvait utiliser le mot «signature» dans la définition de la reconnaissance d'un document envoyé par quelqu'un, parce que cela ne répondrait pas nécessairement aux mêmes critères juridiques de légalité. Avez-vous étudié ces questions-là? Non?

M. Roger Tassé: Je n'ai pas étudié ces questions.

M. Jacques Frémont: J'allais tout simplement indiquer que le consentement dans un contrat et la formation du contrat, jusqu'à nouvel ordre, ne sont pas de droit fédéral. C'est encore régi par le droit provincial et, au Québec, c'est le Code civil du Québec qui s'applique; ce n'est pas régi par les mêmes systèmes juridiques que dans le reste du Canada.

Mme Francine Lalonde: Ça, c'est très important.

La présidente: Monsieur Masse.

• 1250

M. Claude Masse: La Chambre des notaires du Québec et le Barreau du Québec—le processus est plus avancé à la Chambre des notaires—travaillent actuellement à l'élaboration de systèmes de certification de signatures, non seulement de la part des professionnels concernés dans le cas, par exemple, des contrats internationaux ou nationaux, mais également dans le cadre de l'émission de procédures. Le travail est commencé chez nous en ce qui a trait à la certification des signatures par les professionnels et les parties contractantes. Comme le dit Me Frémont, il est clair que la signature d'un contrat, qu'elle soit électronique ou autre, est du domaine contractuel pur. Il n'y a aucun doute là-dessus.

La présidente: Madame Lalonde, avez-vous une dernière question?

Mme Francine Lalonde: Des groupes ont soutenu devant nous, comme la Commission d'accès à l'information l'a d'ailleurs fait, que quand cette dernière avait affirmé que sa juridiction s'étendait à toutes les entreprises, à cause de la juridiction en droit civil, elle n'avait pas été déboutée. Lorsqu'elle l'a été une fois, ce n'était pas sur sa juridiction mais sur le fait que la convention collective était l'instrument approprié. De cette affirmation-là, des groupes déduisent qu'il faudrait que la loi du Québec s'applique à toutes les entreprises et à toutes les activités.

M. Roger Tassé: Si je comprends bien votre question, je répondrai que le fait que les entreprises se plient et acceptent l'application de la norme provinciale ne résout pas la question constitutionnelle. Si une commission provinciale ou fédérale se prononce sur une question, cela ne résout pas de façon ultime la question constitutionnelle. Tant que la question n'a pas été soulevée en Cour suprême et clairement établie, il peut y avoir un débat et des doutes. S'il n'y a pas de loi fédérale—actuellement, la loi fédérale s'applique uniquement aux ministères et aux entreprises publiques fédérales—, la loi provinciale occupe le champ et les entreprises qui sont de bons citoyens se plient à cette loi; cela me paraît bien.

La présidente: Monsieur Frémont.

M. Jacques Frémont: Une bonne illustration de l'effet qu'aurait ce projet de loi s'il devenait loi est le cas de Bell Canada qui s'est volontairement soumise à l'application de la loi québécoise provinciale. À partir du moment où la loi fédérale sera adoptée et mise en vigueur, Bell Canada sera régie par la loi fédérale et les standards applicables à Bell Canada en matière de protection de la vie privée seront beaucoup plus bas que ceux auxquels elle est tenue de se conformer en vertu de la loi québécoise. Il y aura donc une réduction à la baisse de la protection de la vie privée pour les Québécois lorsqu'ils feront affaire avec Bell Canada, Vidéotron, les entreprises de transport interprovinciales, etc.; c'est absolument clair.

M. Roger Tassé: M. Frémont est très cohérent et consistant dans ce qu'il dit. Pour souscrire à ce qu'il vient de dire, il faut accepter sa prémisse, à savoir que la loi fédérale aura préséance et que dès qu'elle sera adoptée, toutes les lois provinciales ne s'appliqueront plus. Alors, supposons qu'on accepte...

[Traduction]

La présidente: Merci, madame Lalonde. Merci à tous.

Je tiens à préciser, pour le compte rendu, que je n'ai pas exercé le droit constitutionnel. J'ai travaillé en droit commercial. Je m'en tenais foncièrement aux faits. Nous connaissons donc tous les faits. Il y a eu un communiqué, le 1er octobre 1998, lorsque le projet de loi a été présenté à la Chambre des communes. Si cela peut vous indiquer la position du gouvernement et ce qu'il veut faire, plutôt que de vous en remettre à des hypothèses quant à ce qu'un gouvernement futur pourrait faire au sujet des lois du Québec, on dit très clairement dans ce communiqué:

    Dans les provinces qui adopteront des lois essentiellement semblables, les organismes visés par ces lois provinciales seront exemptés de l'application de la loi fédérale. Le Québec sera donc exempté de cette application, puisqu'il possède une loi essentiellement semblable à la loi proposée sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques.

C'est donc un fait, et nous savons quelle est l'orientation de notre gouvernement. Nous savons comment cela s'appliquera au Québec. Malgré tout le respect que je dois à M. Frémont et à M. Masse, ce sont les faits sur l'application de cette loi.

Permettez-moi de demander une autre précision, puisque vous avez parlé de l'Union européenne, monsieur Frémont. Je crois savoir que, d'après la directive de l'Union européenne, si un pays—non pas une province, mais un pays—ne possède pas de loi sur la protection de la vie privée, on pourrait boycotter le commerce ou les échanges commerciaux avec ce pays. J'en déduis donc que le gouvernement canadien a la responsabilité, pour l'ensemble du pays, d'empêcher l'Alberta ou une autre province d'exercer un droit d'adhésion ou de retrait et de voir plutôt à ce que nous puissions continuer de commercer avec les pays européens ou d'autres pays qui font affaire avec l'Union européenne.

• 1255

M. Jacques Frémont: Ce que vous dites m'inquiète beaucoup. Je croyais que le Canada s'opposait fermement à la Loi Helms-Burton des États-Unis. J'estime que l'application de lois nationales à l'extérieur du territoire du pays peut poser des problèmes très graves, et si c'est la seule raison pour laquelle le gouvernement fédéral propose ce projet de loi, il a tort.

La présidente: Je n'ai pas dit que c'est la raison pour laquelle il proposait le projet de loi. Mais en nous basant sur votre postulat, le Québec a ses lois et l'Union européenne a les siennes. Que se produira-t-il pour le Québec si ses règles sont différentes de celles de l'Union européenne?

M. Jacques Frémont: L'Union européenne impose des droits de douane aux entreprises.

J'insiste sur le fait que le Canada et le Parlement fédéral ont parfaitement le droit d'avoir une loi pancanadienne applicable aux domaines de compétence fédérale. Le problème, c'est quand une telle loi s'applique à des domaines de compétence provinciale. Si le Canada adoptait le projet de loi C-54 mais limitait son application aux domaines de compétence fédérale, c'est-à-dire au commerce interprovincial et international, ce serait suffisant sous le régime de la directive européenne.

La présidente: Je veux m'assurer de bien comprendre. Vous dites que les entreprises européennes ne pourraient faire de commerce avec les entreprises canadiennes si nous n'avons pas au Canada de loi pour la protection des renseignements personnels, d'après la directive de l'Union européenne. Loin de moi l'idée de dire aux Européens comment diriger leurs pays, mais au Canada, ne devenons-nous pas nous assurer de pouvoir exercer notre commerce?

M. Jacques Frémont: Vous devez vous assurer de ce que le gouvernement fédéral, conformément à ses attributions, exerce ses responsabilités.

La présidente: En adoptant une loi sur la protection des renseignements personnels, on atteint en partie cet objectif, n'est-ce pas?

M. Jacques Frémont: En partie, mais l'application est trop générale. Voilà ce que je veux faire comprendre.

La présidente: Son application est trop générale.

Je tiens à vous remercier, car nous avons eu une excellente discussion aujourd'hui. Je ne suis pas nécessairement en accord avec tout ce qui a été dit, mais j'estime néanmoins que la discussion et les idées échangées étaient très intéressantes.

Comme vous pouvez le constater, 25 amendements ont déjà été déposés. J'imagine que d'ici mardi prochain, lorsque nous aborderons l'examen article par article, nous recevrons probablement d'autres amendements. Au fur et à mesure que nous essaierons de régler tous les problèmes, on fera la genèse du projet de loi, comme l'ont indiqué M. Lastewka et d'autres. Il est important que nous avancions, puisqu'une protection de la vie privée s'impose. Mais nous allons devoir nous en remettre à la décision de la Cour suprême.

M. Jacques Frémont: Encore.

Des voix: Oh, Oh!

La présidente: Merci. La séance est levée.