:
Merci, madame la présidente.
Je m'appelle Mark Schaan. Je suis le directeur général de la Direction générale des politiques-cadres du marché à Innovation, Sciences et Développement économique Canada. C'est un plaisir pour moi d'être ici aujourd'hui afin de faire le survol d'un élément important de notre cadre de propriété intellectuelle, soit la Loi sur le droit d'auteur. Mme Théberge et moi-même avons préparé une courte présentation conjointe.
La Loi sur le droit d'auteur est l'une de nos quatre lois de propriété intellectuelle principales. Son objectif général est d'encourager l'innovation et la créativité au profit de toute la société. Pour ce faire, elle crée une panoplie de droits et établit des exceptions et des restrictions à ces droits.
La Loi sur le droit d'auteur fournit un incitatif à la création pour les auteurs en s'assurant qu'ils seront capables d'exploiter leurs oeuvres dans le marché. Cela permet ensuite au public d'accéder à de nouvelles oeuvres.
[Traduction]
Nos lois de propriété intellectuelle, particulièrement le droit d'auteur, sont considérées comme des lois-cadres du marché. Elles établissent les règles du jeu pour les entreprises et les consommateurs. La Loi sur le droit d'auteur est un instrument législatif d'application générale. Comme toute loi de ce type, elle doit être modifiée avec prudence étant donné l'importance de la prévisibilité et de la stabilité pour tous les acteurs du marché. La Loi reflète un équilibre complexe entre différents intérêts et objectifs de politique publique, et est de plus en plus importante pour soutenir le marché mondial.
[Français]
Je vais maintenant vous présenter les principaux éléments de la Loi sur le droit d'auteur.
Le droit d'auteur protège les oeuvres originales dans quatre grandes catégories: les oeuvres littéraires, les oeuvres dramatiques, les oeuvres musicales et les oeuvres artistiques. Cela inclut les livres et les magazines, les productions audiovisuelles, la musique, les peintures, les photographies, les dessins architecturaux et les logiciels.
[Traduction]
Un principe fondamental du droit d'auteur est qu'il ne protège que l'expression d'une idée, pas l'idée elle-même. Par exemple, une idée d'histoire ne serait pas protégée par le droit d'auteur, mais l'expression de cette idée dans une forme écrite le serait.
Le droit d'auteur s'applique automatiquement à la création d'une oeuvre originale fixée dans une forme physique. Cette approche a été adoptée internationalement pour que les artistes n'aient pas à enregistrer leurs oeuvres à travers le monde pour profiter des fruits de leur création.
[Français]
De façon générale, la Loi accorde aux auteurs le droit de contrôler ou d'être payés pour l'utilisation et la dissémination de leurs oeuvres, mais ces droits ont une durée de protection limitée. La durée de protection générale au Canada est la durée de la vie de l'auteur plus 50 ans. Des durées différentes s'appliquent dans certains cas, tels que les enregistrements sonores, dont la durée de protection est de 70 ans à partir de la date de publication. Une fois le droit d'auteur expiré, l'oeuvre entre dans le domaine public et peut être utilisée sans paiement ou sans qu'il soit nécessaire d'obtenir une autorisation.
De façon générale, la Loi accorde à l'ayant droit des droits exclusifs, y compris le droit de reproduire l'oeuvre, de la représenter ou de la communiquer au public. Procéder à l'une ou l'autre de ces actions sans l'autorisation de l'ayant droit constitue une violation.
Dans certains cas spécifiques, la Loi accorde aussi des droits qui ne sont pas exclusifs, par exemple un droit de rémunération pour les artistes-interprètes et les maisons de disques quand leurs enregistrements sonores sont joués à la radio.
[Traduction]
Les droits d'auteur ne sont pas absolus, et sont encadrés par un certain nombre de restrictions et d'exceptions détaillées dans la Loi. Par exemple, il y a une variété d'exceptions pour les consommateurs, notamment le changement de support, l'enregistrement d'émissions pour écoute en différé, les copies de sauvegarde et le contenu non commercial généré par l'utilisateur. Il y a aussi un certain nombre d'exceptions pour l'innovation, notamment pour permettre les activités de rétro-ingénierie visant à assurer la compatibilité des logiciels, les tests des mécanismes de sécurité et les recherches sur le chiffrement.
[Français]
Parallèlement aux droits économiques que j'ai décrits, la Loi sur le droit d'auteur accorde aussi des droits moraux. Les droits moraux protègent l'intégrité de l'oeuvre et le droit de l'auteur d'y être associé ou non. Les droits moraux, contrairement aux droits économiques, ne peuvent pas être cédés. On peut par contre y renoncer.
L'examen auquel vous participez est le premier suivant la version actuelle de l'article 92 de la Loi sur le droit d'auteur. Cette disposition a été adoptée par le Parlement en 2012 dans le cadre du dernier exercice de réforme majeure de la Loi. Elle prévoit qu'un comité du Parlement examinera la Loi tous les cinq ans.
Cette disposition a été adoptée pour assurer que la Loi reste au diapason des technologies et pour fournir une tribune transparente permettant aux parties intéressées de présenter leurs préoccupations au sujet de cette loi.
[Traduction]
En ce qui a trait aux nouvelles technologies, il est important de noter que le cadre de droits d'auteur comporte déjà un certain degré d'adaptabilité intrinsèque.
Premièrement, les tribunaux ont interprété la Loi en fonction du principe de neutralité technologique, ce qui permet au droit d'auteur d'évoluer de façon jurisprudentielle en absence de changements législatifs. Deuxièmement, le droit d'auteur peut être divisé et concédé par contrat de licence ou de cession. Cela permet aux parties de convenir de termes, conditions et usages divers, fournissant ainsi une bonne souplesse en matière de droits d'auteur pour suivre l'évolution des nouveaux médias, des plateformes et des habitudes des consommateurs.
[Français]
Le Canada a un cadre de droit d'auteur moderne et robuste, qui permet généralement au marché de fonctionner. Cela dit, étant donné la complexité de la politique du droit d'auteur et la façon dont celle-ci affecte divers acteurs économiques ayant souvent des intérêts opposés, il s'agit d'une des lois les plus débattues et il ne manque jamais de propositions de réforme dans un sens ou dans l'autre. C'est pourquoi il est important d'entendre une diversité de points de vue pour assurer que la Loi sur le droit d'auteur fonctionne de façon optimale et pour que tous les Canadiens et les Canadiennes puissent en bénéficier.
[Traduction]
En vertu de la Constitution, le droit d'auteur est une responsabilité exclusive du gouvernement fédéral. Puisqu'il s'agit à la fois d'une loi-cadre du marché et un instrument de politique culturelle, les politiques de droits d'auteur sont une responsabilité partagée entre le et la . Chaque ministère a une équipe dédiée aux droits d'auteur. Les ministères collaborent à l'élaboration de recommandations et d'options de politiques pour le gouvernement.
[Français]
D'autres organisations jouent des rôles clés dans le cadre législatif du droit d'auteur. La Commission du droit d'auteur du Canada est un tribunal quasi judiciaire indépendant. Par l'entremise de tarifs, elle établit les redevances à verser pour certaines utilisations de droits gérés collectivement, agit comme arbitre neutre à la requête d'une des parties dans des cas de licences individuelles et délivre des licences pour des oeuvres dont l'auteur ne peut être identifié ou trouvé, aussi connues comme des « oeuvres orphelines ».
Il y a aussi l'Office de la propriété intellectuelle du Canada, qui est responsable de l'enregistrement des droits d'auteur ainsi que des cessions et licences qui y sont liées. Bien qu'il ne soit pas nécessaire d'enregistrer une oeuvre pour qu'elle obtienne une protection légale, le fait de l'enregistrer accorde certains bénéfices à l'ayant droit en cas de litige. Cela sert aussi d'avis à ceux qui pourraient vouloir utiliser l'oeuvre ou à éviter de violer les droits qui y sont associés.
Parmi les autres acteurs importants du cadre législatif, il y a aussi les cours canadiennes. Elles tranchent les différends en déterminant si une violation a eu lieu et en accordant des recours à l'ayant droit quand une violation a eu lieu. Les cours peuvent aussi délivrer des injonctions pour prévenir ou arrêter une violation. Les cours jouent un rôle déterminant dans la façon dont les dispositions de la Loi sont interprétées et mises en oeuvre. La Cour suprême du Canada a été particulièrement active en matière de droit d'auteur au cours des 15 dernières années: elle a rendu plusieurs décisions importantes depuis 2002.
[Traduction]
Le droit d’auteur est par définition territorial, mais il est aussi gouverné par un système international de traités et d’accords multilatéraux qui établissent des normes minimales de protection. Les auteurs et créateurs d’un pays peuvent ainsi protéger facilement leurs droits d’auteur dans d’autres pays. Ce système soutient les créateurs canadiens et encourage l’offre d’oeuvres créatives d’autres pays dans notre marché, fournissant davantage de choix aux consommateurs canadiens.
[Français]
Les principaux accords internationaux auxquels adhère le Canada incluent l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, de l'Organisation mondiale du commerce, et les nombreux traités administrés par l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, ou OMPI, par exemple les conventions de Berne et de Rome et les traités Internet. L'une des normes minimales de ces accords est de fournir une durée de protection générale d'au moins 50 ans après la mort de l'auteur.
Le dernier traité important de l'OMPI auquel le Canada a adhéré est le Traité de Marrakech visant à faciliter l'accès des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d'autres difficultés de lecture des textes imprimés aux oeuvres publiées, que le Canada a mis en oeuvre en 2016. En fait, le Canada a été le premier des pays du G7 à mettre en oeuvre ce traité et il est l'essentiel 20e pays à s'y joindre, soit le nombre requis pour que le Traité entre en vigueur internationalement.
[Traduction]
Le droit d’auteur fait aussi fréquemment partie de négociations commerciales bilatérales et multilatérales, comme dans le cadre des négociations actuelles sur l’ALENA. Aux termes de ces accords, les pays peuvent s’engager à maintenir des normes de protection minimales, parfois plus rigoureuses que les normes multilatérales. L'Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne est le dernier accord commercial comportant des dispositions de droit d’auteur mis en oeuvre par le Canada.
Le Partenariat transpacifique, un accord global et progressiste récemment signé par le Canada, renferme aussi des dispositions de droit d’auteur.
La Loi sur le droit d'auteur est possiblement celle qui ratisse le plus large parmi nos lois sur la propriété intellectuelle; elle touche la plupart des Canadiens tous les jours.
Cela dit, lorsque nous nous tournons vers l'avenir, nous constatons que les utilisateurs sont de plus en plus en mesure de devenir des créateurs eux-mêmes. De nouvelles technologies liées à la quatrième révolution industrielle, telles que l'intelligence artificielle, l'impression 3D, l'Internet des objets et la réalité augmentée et virtuelle interagiront avec le droit d'auteur. De la même façon que les technologies numériques des années 2000 ont marqué une rupture pour plusieurs industries basées sur le droit d'auteur, on peut s'attendre à ce que ces technologies émergentes remettent en question nos cadres juridiques et nos pratiques d'affaires.
[Traduction]
Permettez-moi d’aborder un dernier aspect: la stabilité de la consommation de contenu protégé par le droit d’auteur au Canada. Certains des titulaires de droits d’auteur ont été particulièrement touchés par les bouleversements chroniques et connaissent des difficultés sur le marché. Pourtant, les Canadiens semblent être d'avides consommateurs de contenu protégé par le droit d’auteur.
Selon un sondage d’opinion publique que nous avons récemment réalisé, 80 % des internautes au Canada ont consommé du contenu numérique en ligne au cours d’une période de trois mois prenant fin en novembre 2017. Pendant cette période, les Canadiens ont dépensé 5,4 milliards de dollars sur du contenu protégé par le droit d’auteur, ce qui comprend le contenu numérique, les achats en formats physiques, et les billets de spectacles ou de cinéma. Aussi selon le sondage, la grande majorité du contenu numérique a été consommé légalement. Environ 25 % des consommateurs de contenu ont déclaré avoir consommé au moins un fichier illégalement, et un petit pourcentage, c’est-à-dire 5 %, ont déclaré avoir consommé du contenu entièrement de source illégale. Cela porte à réflexion.
[Français]
Madame la présidente, j'aimerais maintenant céder la parole à ma collègue Mme Théberge, qui va poursuivre la présentation.
Je suis heureuse d'être ici pour vous parler de l'importance du droit d'auteur comme outil stratégique favorisant la créativité et l'innovation. En fait, plus que jamais, le droit d'auteur, et la rémunération qu'il confère aux créateurs ainsi qu'aux industries créatives, est un vecteur central de développement et de prospérité dans les économies dites matures, comme celle du Canada.
Voici quelques chiffres: le secteur créatif crée 630 000 emplois au Canada et génère une activité économique de 54,6 milliards de dollars par année. Cette économie comprend un secteur de production de films et d'émissions de télévision qui génère 7 milliards de dollars; un secteur d'enregistrement sonore et d'édition musicale qui représente 561 millions de dollars et 11 000 emplois; un secteur du livre qui génère 1,15 milliard de dollars et 13 845 emplois; et un secteur du jeu vidéo qui compte 472 studios de développement. Le Canada est également à l'avant-garde d'une industrie florissante et en très forte croissance en réalité virtuelle et augmentée.
La plus récente réforme de la Loi sur le droit d'auteur date de 2012. Le Parlement a alors adopté la Loi sur la modernisation du droit d'auteur à la suite d'une vaste consultation à l'échelle du pays. Les principaux objectifs de la Loi sur la modernisation du droit d'auteur étaient d'adapter la Loi sur le droit d'auteur aux changements associés à l'émergence et à la généralisation du numérique; de veiller à ce que la législation soit orientée vers l'avenir, qu'elle soit souple et adaptable à un environnement technologique en évolution constante; et, finalement, qu'elle soit conforme aux normes internationales du moment.
La Loi sur la modernisation du droit d'auteur a ainsi introduit de nouveaux droits et de nouveaux mécanismes de protection pour les créateurs et les détenteurs de droits ainsi que des outils permettant de protéger les investissements des détenteurs de droits et favorisant la création de nouveaux modèles d'entreprise en ligne. Les mesures techniques de protection, ou MTP, sont un exemple d'outils que les détenteurs de droits peuvent utiliser pour contrôler ou restreindre l'accès aux oeuvres protégées — par mot de passe, abonnements, et ainsi de suite — ou empêcher leur reproduction, notamment en bloquant le téléchargement ou la copie. Ces mesures ont contribué positivement aux modèles d'affaires en ligne pour les industries du jeu vidéo et du logiciel.
Toujours en 2012, un certain nombre de nouvelles dispositions visant à faciliter, par le numérique, l'accès aux documents protégés par le droit d'auteur ont été introduites. À cette occasion, les règles sur la façon d'utiliser ces documents en toute légalité ont été précisées. Ces dispositions comprenaient de nouvelles exceptions visant les consommateurs, de nouvelles fins d'utilisation équitable, notamment en matière d'éducation, la parodie et la satire, des exceptions nouvelles et actualisées visant les établissements d'enseignement, les bibliothèques, les musées et les archives, ainsi que des exceptions permettant l'utilisation d'oeuvres obtenues de manière légitime pour la création de contenus non commerciaux en ligne produits par les utilisateurs.
La Loi sur la modernisation du droit d'auteur a aussi ajouté des dispositions relatives à la responsabilité des acteurs émergents du cyberespace, comme les fournisseurs de services Internet, les appareils numériques de stockage, les hébergeurs Web, les moteurs de recherche, comme Google et Bing, et d'autres intermédiaires numériques, comme Apple, Amazon, Facebook, et ainsi de suite. Elle précise que ces acteurs ne sont pas responsables des activités illicites des utilisateurs de leurs services ou produits, pour autant qu'ils agissent à titre de fournisseurs neutres de services ou produits de communication, d'hébergement, de mise en mémoire cache ou de recherche. En même temps, elle offre la possibilité de prendre des mesures contre ceux qui permettent intentionnellement la violation du droit d'auteur. À titre d'exemple, je cite l'injonction de 2015 obtenue par la Motion Picture Association of America contre les programmateurs canadiens de Popcorn Time, qui permettait la diffusion en ligne gratuite de contenu. Dans le cadre de la réforme, les fournisseurs de services Internet ont également reçu le mandat de contribuer à freiner les activités illicites sur leurs réseaux en participant à un régime volontaire de transmissions d'avis.
Évidemment, depuis 2015, la Loi sur le droit d'auteur a continué d'évoluer en fonction des modifications à la réglementation et à nos obligations internationales.
M. Schaan a déjà parlé de deux initiatives importantes, soit la Stratégie en matière de propriété intellectuelle du Canada et la réforme de la Commission du droit d'auteur du Canada, dont l'incidence est cruciale pour la croissance économique de nombreuses industries créatives, notamment le secteur de la musique et celui de l'éducation. Le budget de 2017 a d'ailleurs annoncé un examen de la Loi sur la radiodiffusion et de la Loi sur les télécommunications.
En septembre 2017, le cadre stratégique du Canada créatif a été lancé par la ministre , après la tenue de consultations avec les intervenants afin de savoir comment renforcer la création, la découverte et l'exportation du contenu canadien à l'ère numérique.
Plus de 30 000 Canadiens, dont des créateurs et des entrepreneurs du secteur culturel, ont pris part à la discussion. Canada créatif propose une vision et une stratégie gouvernementale qui vise à favoriser la croissance des industries canadiennes de la création en améliorant les outils existants de la politique culturelle, en traçant la voie pour renouveler ceux qui doivent être actualisés et en lançant de nouvelles initiatives pour aider les créateurs et les industries de la création à prospérer sur le marché numérique mondial.
[Traduction]
Le virage numérique n'a pas le même effet dans toutes les industries. Les nouvelles technologies, qui ont favorisé l'émergence de nouveaux distributeurs, n'ont pas seulement transformé la façon dont les profits sont générés, mais aussi la répartition des profits, notamment vers les créateurs et les titulaires de droits.
Dans l'industrie de la musique, le remplacement de l'achat d'albums ou du téléchargement par la diffusion en continu est un changement important qui a transformé le régime de droit d'auteur. Les nouveaux services, qui s'appuient sur des structures complexes de délivrance de licences, offrent aux consommateurs un accès à un catalogue presque infini pour un tarif fixe. Grâce à ces services, le volume de contenu accessible a grimpé en flèche et la concurrence accrue a créé un environnement caractérisé par la loi du plus fort dans lequel les profits sont répartis entre quelques joueurs, malgré la hausse considérable du contenu disponible et de la consommation de contenu. Alors qu'auparavant la valeur était liée à la création d'un album, elle repose désormais sur des morceaux individuels, ce qui incite les sociétés à créer le catalogue de musique le plus volumineux et ayant la plus grande valeur. Il est intéressant de noter que de 2010 à 2015, les revenus totaux provenant des enregistrements sonores dans l'industrie canadienne de la musique sont demeurés relativement stables, surtout en raison de l'augmentation des revenus de la diffusion en continu.
Pour l'industrie audiovisuelle canadienne, le virage similaire vers les services de diffusion en continu en ligne — tant légaux qu'illégaux — n'est qu'une pression parmi d'autres. Le contenu généré par l'utilisateur a déjà considérablement augmenté le volume de contenu offert gratuitement aux consommateurs.
Il va sans dire que ces enjeux ne sont pas uniques au Canada. Les intermédiaires numériques, tels que les fournisseurs de contenus sur demande et les plateformes de contenu généré par les utilisateurs, jouent un rôle de plus en plus important dans la chaîne de valeur du créateur consommateur pour le contenu créatif, au Canada et à l'étranger. C'est d'ailleurs pour cette raison que de nombreux pays étudient les solutions possibles pour traiter des enjeux liés aux responsabilités en matière de droits d'auteur.
Beaucoup reconnaissent que les mesures législatives sur le droit d'auteur ne sont pas toujours la seule ou la meilleure solution. Les solutions aux enjeux comme l'intégrité des métadonnées de contenu, l'amélioration de la surveillance des activités visées par le droit d'auteur, la simplification des régimes de délivrance de licences et l'importance de la transparence pour tous les acteurs de l'industrie ne nécessitent pas nécessairement une modification du cadre législatif.
Plusieurs parties prenantes profitent déjà des technologies pour développer de nouveaux moyens de gérer leur droit d'auteur. Des innovations telles que les interfaces de programmation d'applications, la chaîne de blocs et les contrats intelligents permettent d'améliorer la transparence, l'autorisation des droits et le potentiel commercial. L'intérêt pour la technologie pourrait être le meilleur moyen de favoriser un consensus parmi les intervenants.
Revenons brièvement à l'industrie de la musique, à titre d'exemple. Certains acteurs ont commencé à recourir à l'intelligence artificielle et aux technologies basées sur l'infonuagique afin de collecter de meilleures données et de créer un marché numérique pour améliorer la convivialité et l'exactitude des mécanismes de rémunération des détenteurs de droits. Ils étudient également le recours aux nouvelles technologies de chaîne de blocs pour simplifier la gestion des licences et des droits. Ce sont deux exemples de mesures non législatives axées sur le marché et les intervenants qui ont pour but de simplifier la gestion des droits afin de faciliter la rémunération.
En résumé, pour bien comprendre le mécanisme actuel de rémunération des créateurs, il convient d'élargir les perspectives, au-delà des lois et des mesures prises dans le marché, de réfléchir à la façon d'encourager la collaboration entre ceux qui tirent parti des oeuvres et qui contribuent à la rémunération des créateurs et de favoriser la pensée novatrice.
Avant de conclure, je tiens à réitérer que le travail du Comité représente une occasion d'examiner les besoins et les intérêts des peuples autochtones, en particulier sur le plan du savoir et des expressions culturelles traditionnels. Beaucoup ont fait valoir que le cadre juridique actuel ne permet pas de répondre à certaines des principales préoccupations des collectivités autochtones quant à la protection de leurs cultures respectives. Le ministère du Patrimoine canadien et les organismes de son portefeuille participent actuellement à divers processus pour comprendre et mettre en oeuvre les engagements pris dans le cadre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, qui fait spécifiquement référence à la propriété intellectuelle.
Le Canada a aussi travaillé activement avec des partenaires internationaux sous les auspices de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, ou OMPI, pour étudier la possibilité d'élaborer des normes internationales sur la protection des savoirs traditionnels et des expressions culturelles traditionnelles. Il s'agit d'un travail particulièrement complexe, car il est fréquent que les notions fondamentales de la propriété intellectuelle ne correspondent pas aux caractéristiques des savoirs traditionnels et des expressions culturelles traditionnelles autochtones qui, en général, sont intangibles et appartiennent à la collectivité.
[Français]
Je vous remercie de votre attention. J'espère que cette information vous sera utile dans le cadre de votre étude.
M. Schaan et moi serons heureux de répondre à vos questions.
Merci.
:
La Commission du droit d'auteur est enchâssée dans la loi et établit quatre ensembles de tarifs en fonction d'un certain processus, afin d'accorder une valeur au matériel protégé par le droit d'auteur.
Certains organismes sont tenus de participer au processus de tarification en vertu de la loi. Ce sont Ré:Sonne et la SOCAN.
Il existe un régime facultatif pour les autres collectifs, surtout ceux qui visent la distribution d'un large éventail de matériel protégé par le droit d'auteur. Ce sont notamment Copibec et Access Copyright, dans le domaine de l'enseignement, et il y en a d'autres.
Il y a les droits de reproduction mécanique et il y a le régime de copie pour usage privé, pour les CD vierges.
La Commission du droit d'auteur a un ensemble de processus établi en vertu de la loi, selon lequel les gens proposent un tarif. D'autres peuvent s'y opposer. La Commission du droit d'auteur consolide alors le processus et détermine la nécessité d'une audience. Au fil du temps, elle entend les témoins et prend une décision.
Les intervenants et le Parlement s'entendent depuis longtemps pour dire que la Commission du droit d'auteur doit être évaluée de façon prioritaire. Le gouvernement a tenu des consultations techniques à ce sujet en août et septembre dernier, dans le but de procéder à une réforme rapidement.
À l'heure actuelle, nous sommes en train de finaliser l'examen de 60 présentations que nous avons reçues, afin de trouver des façons d'accélérer le processus de tarification de la Commission et d'en accroître l'efficacité, parce qu'il faut parfois six ou sept ans pour établir un tarif. Étant donné l'évolution rapide des technologies... Par exemple, on parle souvent de la diffusion sur Internet. Le processus a pris beaucoup de temps et certains des joueurs qui étaient au Canada au début du processus n'y étaient plus à la fin du processus.
Le but de la réforme de la Commission du droit d'auteur est d'évaluer le processus et d'en accroître l'efficacité.
Je ne sais pas si vous voulez ajouter quelque chose.
:
Merci, madame la présidente.
Merci à tous de vos présentations.
À titre d'introduction, je me permettrai de faire un court éditorial, dans le contexte où le Comité permanent du patrimoine canadien examine la Loi sur le droit d'auteur.
Notre mandat de base est d'avoir, à tout le moins, une vision favorable quant au droit d'auteur. Cela veut dire que notre travail n'est pas de présenter une aubaine au consommateur, mais bien de nous assurer que les cultures canadienne, québécoise et autochtone continuent d'être florissantes.
Il est important de nous rappeler que notre premier mandat est de veiller sur le droit des auteurs. À cet effet, je vous raconterai une anecdote. Peut-être connaissez-vous le montant précis, mais il est important de mentionner aux gens les chiffres liés au succès Happy de Pharrell Williams. D’ailleurs, cette chanson fait partie du catalogue qui vient d’être transigé entre EMI et Sony — nous avons vu cela dans les nouvelles ce matin. Le droit d'auteur et le droit de diffusion de cette chanson sur les plateformes de diffusion continue ont rapporté à Pharrell Williams quelque chose comme 60 000 $, ou disons tout au plus 200 000 $. C’est pourtant un succès mondial bien plus grand que la chanson Goodbye Yellow Brick Road d’Elton John, laquelle a rapporté à ce dernier une somme 100 fois plus élevée.
Ce que je veux illustrer ici, c'est que, aujourd'hui, dans le monde de la diffusion continue, ce sont des micro pennies qui sont versés aux auteurs. En tant que Comité, nous avons une grande responsabilité. Honnêtement, je vous le dis tout de suite, cet enjeu est un « verre de garnotte », une bouchée de sable sur le plan politique. C'est très aride et très complexe. La population ne comprend pas grand-chose à ces enjeux. De plus, il n'y a pas beaucoup de gains sur le plan politique.
[Traduction]
C'est la bonne chose à faire.
[Français]
C'est ce qui va être difficile à faire.
Dans cette optique, j'aimerais vous demander s'il est possible d'illustrer les dossiers chauds dont vous avez parlé tout à l'heure. Vous avez dit que le seul dossier chaud sur lequel tout le monde était d'accord concernait la Commission du droit d'auteur du Canada.
Je vais commencer par cette question, mais j'aimerais, si cela est possible, que vous nous fassiez parvenir, idéalement par écrit, une liste des dossiers chauds. Pour ma part, cela fait longtemps que je m'intéresse à la question et le sujet m'est familier. Même moi, je trouve que c'est un « verre de garnotte ». C'est véritablement une série d'enjeux qui nous apparaissent très théoriques. Je tenais à vous raconter l'histoire de Pharrell Williams parce qu'elle donne une idée de la mesure dans laquelle les choses ont changé.
Par votre entremise, madame la présidente, je demanderais à Mme Théberge qu'elle nous fasse parvenir une liste des dossiers chauds.
Cela dépend de la façon dont on définit les dossiers chauds. Évidemment, la définition variera en fonction de la perspective de l'intervenant qui les présente.
Lorsque je parlais de la Commission du droit d'auteur du Canada, je disais que, parmi les enjeux, c'est l'un des rares où il semble y avoir une convergence sur le plan macro. À partir du moment où nous tombons dans les points de détail concernant la façon dont on devrait permettre à la Commission d'être plus efficace et transparente, il y a des divergences d'opinion. C'est vrai que c'est un monde de juristes extrêmement technique.
En ce qui concerne la question de l'incidence du domaine numérique — ce qui est un enjeu quand même assez macro —, il y a certainement une convergence, mais l'estimation de l'incidence du numérique diffère. Ce qui est particulièrement intéressant et qui est un défi parfois difficile à surmonter, c'est la confusion des catégories. Auparavant, le droit d'auteur se comprenait de façon relativement binaire. Il y avait deux équipes: les créateurs d'un côté et les utilisateurs-consommateurs de l'autre. Dans la réalité numérique, cela ne fonctionne plus comme cela, puisque le créateur est à la fois l'utilisateur.
À partir du moment où les créateurs du domaine musical ont commencé à faire de l'échantillonnage, ils étaient eux-mêmes des utilisateurs, des consommateurs et des re-créateurs de contenu. L'estimation de l'écosystème gravitant autour du droit d'auteur est devenue beaucoup plus complexe, et la formulation de solutions simples est difficile à envisager à cette étape.
Pour revenir à votre première question, nous pourrions certainement vous faire parvenir une liste d'enjeux que nous considérons comme étant ceux qui ressortent davantage de nos consultations. Certains sont évidents. Pouvons-nous les qualifier de dossiers chauds? Cela va dépendre de la définition.
:
Je ne sais pas avec quelle ambition nous nous lançons dans cette étude, mais si nous vous demandions de cerner 25 enjeux, à votre choix, nous choisirions l'enjeu prioritaire ou encore vous le feriez vous-mêmes. Ce qui est certain, c'est que, dans tous les cas, notre mandat est d'examiner le sujet sous l'angle de la création. La création, ce n'est pas juste quelqu'un qui fait de la céramique sur un tour de potier.
Ma prochaine question s'adresse à M. Schaan.
J'ai participé à la révision de la Loi sur le droit d'auteur, en 2012, au sein d'un comité ad hoc qui avait été créé à cet effet.
J'apprécie beaucoup la façon dont le dirige son ministère. On sent qu'il y a du dynamisme et que le ministère veut travailler à la source afin de trouver des solutions aux problèmes. Il en va de même en ce qui a trait à la technologie. En fait, nous pouvons le constater en ce qui a trait à certains sujets, comme le soutien aux collèges techniques et l'électrification des transports, par exemple.
J'apprécie donc que vous soyez parmi nous. Je pense que, pendant des années, le ministère de l'Industrie a été absent de tous les défis technologiques auxquels doivent faire face les secteurs de l'industrie faisant partie de notre patrimoine canadien.
Pourriez-vous nous aider à déterminer, à partir de cette liste, les parallèles — mais peut-être que Patrimoine canadien pourrait nous fournir cette information — en ce qui touche les enjeux en question? Pourriez-vous nous indiquer les solutions reconnues à l'étranger? Après avoir passé sept ans en politique, s'il y a une chose que j'ai apprise, c'est que lorsque nous devons faire face à un problème, que cela concerne le transport en commun, l'environnement ou la bactérie mangeuse de chair, il faut chercher à connaître ce qui se fait dans d'autres pays pour aborder un problème semblable.
Nous ne possédons pas la science infuse, et il y a plein de gens qui sont prêts à nous donner des solutions.
Je veux demander précisément aux gens du ministère de l'Industrie s'il y a lieu de voir, dans la protection du droit d'auteur, la protection du brevet également? Y a-t-il un lien entre les deux? Je pense que la propriété intellectuelle liée à des technologies contemporaines modernes y est aussi liée.
Par exemple, est-ce que les compagnies pharmaceutiques pourraient décider de faire moins de recherche et de développement concernant de nouveaux produits, parce que le droit d'auteur et le droit de la propriété intellectuelle seraient moins protégés? Est-ce que nous pourrions faire ce parallèle?
:
Je vais répondre d'abord et je laisserai ensuite la parole à mon collègue M. Schaan.
Je dirais que l'un des premiers défis est celui lié à la transparence. J'ai déjà parlé de la littératie en matière de droit d'auteur, c'est-à-dire les connaissances de base qui permettent aux créateurs et aux auteurs de comprendre ce qu'ils doivent exiger lorsqu'ils signent un contrat, par exemple, avec une maison de disques. Il y a déjà là un élément absolument fondamental et transversal: cela touche l'ensemble des secteurs de la création.
On pourrait probablement faire le même constat quant aux consommateurs et aux utilisateurs, soit qu'il leur faut une connaissance, une appréhension et une compréhension du fait que, lorsqu'ils consomment un bien culturel, ils cognent à la porte du droit d'auteur. Ils ont donc un certain nombre de responsabilités relativement à la consommation de produits culturels.
La question de la transparence est aussi une question transversale. Le problème de la transparence est accentué, évidemment, par le numérique. La multitude d'intermédiaires et de plateformes qui prennent du contenu culturel et qui le relancent dans la sphère de consommation, parfois en faisant preuve de transparence, parfois de façon moins transparente, est certainement l'un des principaux défis. C'est pourquoi nous devons être en mesure d'avoir une discussion avec ces intermédiaires et ces fournisseurs de contenus pour que le créateur sache, par exemple, comment est consommé et monétisé son contenu et qu'il puisse finalement faire du numérique un outil qui est à son avantage, davantage qu'un outil qui est à ses dépens. C'est un élément fondamental, surtout dans le secteur de la musique, mais aussi dans le secteur audiovisuel. C'est peut-être un peu moins vrai dans le monde de l'éducation.
Je dirais que ces deux éléments sont particulièrement fondamentaux.
[Traduction]
Je ne sais pas si vous vouliez ajouter quelque chose, Mark.
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La Loi sur le droit d'auteur prévoit déjà des mécanismes qui permettent à un créateur qui se sent lésé de faire valoir ses droits d'auteur. Elle contient notamment un régime d'avis et avis qui permet, par l'entremise du fournisseur d'accès Internet, d'aviser un individu que ce qu'il vient de faire contrevient à la Loi sur le droit d'auteur.
Certains pays ont choisi d'autres approches. Aux États-Unis, c'est le « notice and takedown » ou, en français, « avis et retrait ». En Europe, c'est l'approche des trois prises. Le cadre législatif prévoit déjà différents mécanismes qui permettent à des créateurs de faire valoir leurs droits.
Tout le schème de rémunération des créateurs, notamment dans le domaine de la musique, est complètement différent de ce qu'il était il y a 10 ans. Les spectacles en direct, les concerts et les produits dérivés comme les t-shirts, par exemple, modifient, mais ne remplacent pas nécessairement les revenus obtenus auparavant strictement au moyen de redevances liées aux droits d'auteur.
On est encore dans une période de mutation, de transformation, de transition. Les intervenants ont souvent des opinions très tranchées sur l'impact positif ou négatif du numérique. Certains d'entre eux, surtout ceux qui font partie des plus jeunes générations, voient surtout dans le numérique une grande occasion de marketing. La mise à disposition de leur contenu sur les plateformes numériques leur sert moins à obtenir des redevances qu'à faire découvrir leurs oeuvres dans des marchés auxquels ils n'avaient pas accès il y a 15 ans, parce que la technologie ne le permettait pas. En revanche, d'autres artistes de générations précédentes ne voient pas nécessairement le numérique comme étant essentiellement un outil de marketing.
Il n'y a pas de solution toute faite. C'est pourquoi il est intéressant d'avoir deux comités parlementaires qui étudieront la Loi sur le droit d'auteur.
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D'accord. Je vais essayer.
Pour différents motifs auxquels j'ai fait allusion dans mes observations préliminaires, toute la question du savoir ancestral et des expressions culturelles traditionnelles est particulièrement intéressante et complexe. En effet, nos lois en matière de propriété intellectuelle ne permettent pas de tenir compte adéquatement de certaines des caractéristiques fondamentales associées à ces connaissances et expressions culturelles.
Pour qu'un droit d'auteur puisse être octroyé, une oeuvre doit être fixée sous une forme concrète et pouvoir être reliée à un auteur que l'on peut théoriquement identifier. Dans le cas du savoir ancestral ou des expressions culturelles traditionnelles des Autochtones ou d'autres collectivités, il s'agit le plus souvent d'éléments qui ne prennent pas une forme concrète, comme une chanson, un récit ou un savoir-faire. C'est le premier obstacle.
Le second obstacle vient du fait que ces éléments appartiennent généralement à la collectivité. Si tant est qu'il est possible d'attribuer la propriété d'une chanson à qui que ce soit, on dira qu'elle appartient au peuple abénaquis, plutôt qu'à un seul individu parmi les Abénaquis.
Il devient dès lors très difficile d'invoquer le droit d'auteur dans ce contexte.
Cela étant dit, les Autochtones ont tout de même accès à d'autres outils dans la trousse pour la propriété intellectuelle, comme les brevets et les marques de commerce. À ce titre, on donne souvent l'exemple de l'utilisation inappropriée de l'inukshuk ou du capteur de rêve.
Dès 1992, le Parlement a inscrit la protection des expressions culturelles traditionnelles dans ses plans pour les années à venir. En 2012, le gouvernement a décidé de s'employer en priorité à rendre la loi neutre du point de vue technologique et mieux adaptable aux technologies nouvelles. Le problème de l'usurpation des expressions culturelles traditionnelles ne disparaît pas pour autant. On nous en parle souvent, notamment lors de négociations internationales.
Merci beaucoup.
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Merci, madame la présidente.
Je remercie encore les témoins.
S'il est vrai que la loi ne peut pas, comme le mentionnait mon collègue M. Shields, changer la mentalité voulant que le droit d'auteur n'a pas d'importance et que l'on devrait tout avoir gratis — c'est une culture qu'il faut bien sûr changer si c'est possible —, pourrait-on aussi dire que la Loi peut, par moment, avoir un effet un peu pervers?
En 2012, quand on a défini l'utilisation équitable en éducation, cela a permis les écarts que l'on peut constater aujourd'hui. De nos jours, plusieurs auteurs, qui sont représentés par Access Copyright ou par Copibec, voient leurs ouvrages consultés sous le prétexte d'une utilisation équitable à des fins éducatives, et ils ne sont donc pas payés. Par analogie, imaginons aussi une disposition concernant l'utilisation équitable de l'électricité qui permettrait de ne pas payer ses factures si l'électricité sert à des fins éducatives!
Peut-on dire qu'en 2012, lors de la réforme de la Loi, on a créé un précédent, alors qu'on avait auparavant un système de gestion des droits collectifs qui marchait assez bien? Personnellement, je pense que c'est la question à propos de laquelle nous recevons le plus de visites, tant des ayants droit que des gens du milieu de l'éducation, qui viennent nous dire qu'il en coûte tellement cher à nos jeunes de faire un baccalauréat! C'est vrai, mais ces jeunes ne payent pas les livres, même s'ils paient leurs fèves au lard et leur macaroni au fromage Kraft.
Souhaitez-vous ajouter des commentaires?
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Nous aussi, nous recevons beaucoup d'intervenants qui viennent nous parler de cette question. Je vais faire un retour historique au bénéfice de vos collègues.
En 2012, le gouvernement a ajouté un certain nombre de catégories d'utilisation équitable, y compris l'éducation. Il vaut aussi la peine de rappeler que les problèmes actuels liés au droit d'auteur découlent certes de la Loi, mais aussi de la jurisprudence. Toujours en 2012, la Cour suprême du Canada a fourni une interprétation assez large du mot « éducation » dans le contexte d'une utilisation équitable.
C'est une décision qui est effectivement controversée. D'un côté du débat se trouvent des institutions d'enseignement, surtout au Canada anglais, qui se sont dotées de lignes directrices sur la reprographie à des fins éducatives, fondées non seulement sur la définition de l'utilisation équitable fournie dans la Loi sur le droit d'auteur, mais aussi sur la jurisprudence, notamment la décision de la Cour suprême du Canada. Au Québec, la situation est un peu différente, à l'exception de l'Université Laval.
De l'autre côté, celui des éditeurs de matériel éducatif, la société de gestion collective Access Copyright est d'avis que ces lignes directrices sont beaucoup trop permissives. Cette question est toujours devant les tribunaux, notamment dans l'affaire qui oppose actuellement Access Copyright à l'Université York.
Pour confirmer ce que vous dites, c'est effectivement une question qui demeure litigieuse et sur laquelle les positions restent tranchées. L'une des questions que le Comité voudra peut-être se poser est comment débloquer cette impasse? Comment ramener les gens à la table pour en arriver à une solution qui satisfasse tout le monde? Exception faite de l'Université Laval, il y a des précédents du côté du Québec. Copibec, l'organisation-soeur d'Access Copyright, continue d'avoir des ententes avec l'ensemble des institutions universitaires au Québec, et cela fonctionne bien. Est-ce que cela continuera à bien fonctionner? Cela dépendra des décisions qui seront rendues dans l'avenir. Je pense que la décision rendue dans le cas de l'Université York est importante, tout comme la suite des choses puisque cette décision a été portée en appel. C'est donc à suivre, mais vous n'y échapperez pas: la question va se poser de façon récurrente.