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Nous pouvons demander au bureau du whip de regarder cela.
Nous allons commencer. Ce matin, pour la première heure de la séance, nous recevons M. Martineau, de Cogeco Média, qui se joint à nous par vidéoconférence. Nous recevons également Jean-François Dumas d'Influence Communication et Phillip Crawley, éditeur et directeur général du Globe and Mail. Enfin, nous recevons Brian Liley de Rebel Media, en remplacement de M. Levant.
Voilà pour notre première heure. Étant donné l'heure et le nombre de témoins, je vais vous demander de présenter un exposé de cinq minutes au lieu des 10 minutes habituelles. Ensuite, nous tiendrons une séance interactive de questions et réponses; donc s'il y a certains sujets dont vous n'avez pas pu parler, je suis certaine qu'on vous posera des questions et que vous pourrez les aborder.
Notre premier témoin est M. Martineau. Vous avez cinq minutes, monsieur.
Je vais vous faire part de certaines observations tirées de 30 années d'expérience dans les milieux de la radio et de la télévision, dans des marchés soit primaires, soit intermédiaires. J'ai travaillé à Trois-Rivières et à Montréal, et je travaille depuis maintenant cinq ans ici, à Québec.
D'entrée de jeu, je dirai que, dans les marchés où j'ai travaillé, la population avait un accès passablement facile à l'information locale. Même dans les marchés de plus petite taille, il y a des journalistes en fonction 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24, qui sont prêts à intervenir et à entrer en ondes n'importe quand lorsqu'il se passe quelque chose. Ils sont aussi prêts à alimenter les sites Internet des compagnies pour lesquelles j'ai oeuvré.
Ici, à Québec, la population est bien desservie en matière d'information, puisqu'il y a deux quotidiens, deux chaînes de télé qui présentent quotidiennement des informations locales ainsi qu'une dizaine de stations de radio, dont la moitié sont des radios parlées. Avec une telle présence médiatique, vous conviendrez que la population a l'embarras du choix pour ce qui est de s'informer.
Cela force également certains médias à déployer davantage de moyens pour informer la population et se distinguer, par exemple en investissant dans le journalisme d'enquête.
Bien sûr, la bataille de l'information se livre également sur le terrain d'Internet. Au cours des deux ou trois dernières années, plus particulièrement, les médias ont fait de plus en plus d'efforts pour être présents sur le Web. Les sites sont maintenant mis à jour périodiquement, 7 jours sur 7, en tout temps. Le public a donc accès à de l'information instantanée.
Cela dit, on constate qu'on en demande de plus en plus aux journalistes. Avec la multiplication des plateformes, les journalistes doivent maintenant préparer des reportages, faire des interventions en direct, écrire un texte pour le Web et être actifs sur les réseaux sociaux.
En conclusion, le public n'a jamais eu autant de sources d'information, à mon avis. La difficulté que cela entraîne, c'est que le public doit maintenant distinguer les sites d'information crédibles d'avec ceux qui ne le sont pas. Les journalistes, quant à eux, doivent s'acclimater rapidement à cette nouvelle réalité. Ils doivent traiter la nouvelle de plus en plus rapidement sur diverses plateformes, tout en étant rigoureux.
Voilà qui complète ma présentation. Je suis disponible pour répondre à vos questions.
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Madame la présidente, membres du Comité, je vous remercie de cette invitation aujourd'hui.
Les commentaires que je vais faire au cours des prochaines minutes sont basés sur notre expertise des 15 dernières années. Nous avons fait beaucoup d'analyses, de recherches et d'observations sur l'écosystème médiatique. Nous avons également réalisé deux analyses pour le compte du Conseil provincial du secteur des communications du Syndicat canadien de la fonction publique sur l'ensemble des régions et sur l'information locale dans les différentes communautés.
En fait, l'ensemble de nos observations tend à démontrer que le volume et le type d'information locale se veut un important baromètre social, politique et économique d'une région. Autrement dit, l'état de santé d'une région s'exprime beaucoup par ses médias. On remarque souvent que plus les médias sont actifs et dynamiques, plus les régions sont dynamiques sur les plans économique et politique.
Les acteurs de la société, qu'il s'agisse des politiciens, des citoyens ou des médias, croient souvent à tort que l'importance d'un phénomène de société est directement proportionnelle à sa médiatisation. Plus les médias parlent d'un sujet, plus on pense que c'est important. Ce n'est pas vrai, mais c'est ce qu'on croit. Par conséquent, on a remarqué, avec les années, que l'ensemble des régions tendaient à disparaître dans l'écosystème médiatique.
Au cours des 15 dernières années, l'ensemble des régions du Québec, dans l'ensemble de l'écosystème médiatique québécois, a perdu 88 % de sa vélocité, de son poids. Au début des années 2000, environ 8 % de tout le contenu médiatique quotidien au Québec portait sur les régions. Aujourd'hui, en 2016, c'est moins de 1 %. Les particularités régionales tendent donc à disparaître. De plus en plus, le même contenu est diffusé partout au Québec, de Gaspé à Gatineau, dans l'ensemble de la province. On a remarqué que ces particularités tendaient complètement à disparaître et que les régions disparaissaient peu à peu de l'écosystème médiatique. C'est ce qui se passe au Québec.
On a également fait des recherches et des analyses ailleurs au Canada sur les communautés culturelles, notamment les francophones hors Québec.
Pour vous donner une idée, selon Statistique Canada, plus de 3 % de la population canadienne est constituée de francophones hors Québec, mais ceux-ci ne représentent pas la moitié de 1 % de toutes les nouvelles portant sur l'ensemble des enjeux au Canada.
Je vais vous donner quelques points de comparaison. Les francophones hors Québec représentent, sur le plan de la médiatisation, l'équivalent de l'horoscope dans les médias canadiens. Les francophones hors Québec représentent environ cinq minutes de la médiatisation d'une partie de hockey moyenne au Canada. Essentiellement, du point du vue médiatique, les communautés culturelles francophones hors Québec disparaissent peu à peu elles aussi de l'écosystème médiatique.
Rappelons-nous ce qu'on disait plus tôt: les gens croient que plus on parle d'un sujet, plus il est important. Ils croient que quand on n'en parle pas, ou bien il n'y a pas d'enjeu, ou bien c'est réglé. Ainsi les régions, comme plusieurs communautés, disparaissent peu à peu des médias.
Quand on analyse en détail les médias qui servent le mieux l'information locale, on fait des découvertes fascinantes. Le média par excellence, celui qui a le plus d'influence dans l'écosystème médiatique, c'est généralement la télévision. La télévision joue un rôle très important lorsqu'il s'agit de transformer et d'influencer les populations, de changer des modes ou d'avoir des effets à très court terme. La télévision génère quotidiennement 13 % de toutes les nouvelles au Canada. Cependant, en matière d'information locale, la télévision ne génère que 5 % du contenu local.
La télévision est malheureusement un des médias qui servent le moins bien les communautés locales sur le plan de l'information locale. Il y a de moins en moins de stations locales, il y a de moins en moins de personnel et il y a ce phénomène qu'on appelle la « McDonaldisation » du contenu, c'est-à-dire que c'est le même contenu qui est présenté à peu près partout pour toutes les régions.
On a même remarqué que, lorsqu'il s'agit d'information locale sur les grandes chaînes nationales, on va chercher un pendant national pour couvrir une région. Autrement dit, si on veut couvrir la Gaspésie, il faut qu'il y ait un intérêt pour les Montréalais, sinon on n'en parle pas. Cela contribue à affaiblir la représentativité des régions et des communautés, tant au Québec qu'ailleurs au pays, dans l'ensemble de l'écosystème médiatique.
Voilà.
Merci, madame la présidente.
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Je vous remercie de me recevoir.
Je suis à la tête du Globe depuis 1998. Je suis également coprésident de la Presse canadienne et je siège au conseil de Journaux canadiens et de l'Association mondiale des journaux. Avant mon arrivée au Canada en 1998, j'ai été rédacteur en chef ou directeur général de journaux en Europe, en Asie et en Nouvelle-Zélande. Je regarde souvent au-delà des frontières pour observer les tendances et trouver des solutions.
J'ai lu le témoignage de mes collègues de l'industrie; j'éviterai donc les répétitions. Je suis ici aujourd'hui simplement pour vous dire pourquoi le Globe and Mail est un peu différent des autres journaux dont vous avez entendu parler. Nous subissons les mêmes perturbations, mais nous y réagissons différemment. Le Globe souffre lui aussi de la chute des recettes nettes de publicité imprimée. Elles baissent d'environ 10 % par année depuis quatre ans. En fait, nos recettes de publicité imprimée avaient baissé de 40 % en 2015 par rapport à 2011.
Ce qui rend le Globe différent et nous place en meilleure position, c'est que nous avons continué d'investir dans le journalisme de grande qualité, parce que nous croyons qu'en faisant cela, les lecteurs paieront pour avoir accès à du bon contenu, que ce soit sur papier ou sur une plateforme numérique. Aucun autre journal au Canada n'a su tirer des revenus importants de la facturation des lecteurs pour l'accès au contenu numérique. D'autres ont essayé, mais ont échoué parce que leur contenu n'était pas assez convaincant ou exclusif pour justifier un prix. Cette année, nos recettes associées au contenu payant ont augmenté de 7 % et nous nous attendons à ce qu'elles continuent d'augmenter. Bientôt, les recettes provenant des abonnements aux formats papier et numérique dépasseront nos recettes de publicité.
Nos articles d'enquête papier et numériques gagnent des prix nationaux et internationaux. Je pourrais vous donner plusieurs exemples, mais je crois que le plus important a été notre enquête exhaustive sur le marché de l'immobilier en Colombie-Britannique. Le gouvernement de la Colombie-Britannique a réagi en imposant une taxe aux acheteurs étrangers et le gouvernement fédéral a annoncé des mesures pour corriger les excès du marché. Nous avons aussi réalisé des articles d'enquête sur le suicide chez les militaires, qui ont nécessité un travail important. Un de nos journalistes a passé 18 mois à fouiller tous les avis de décès du Canada pour découvrir qu'il y en avait eu plus de 50, parce que le gouvernement ne donnait pas cette information.
Ce que je veux dire, c'est que notre travail est important et qu'il faut veiller à ce qu'il se poursuive. Il faut pour cela des ressources et un engagement à long terme. De nombreux journaux du Canada n'ont plus assez de ressources ou de soutien. C'est maintenant la qualité de la propriété d'un journal qui fait la différence. Heureusement, le propriétaire du Globe and Mail est passionné par le journalisme de qualité et a à coeur de changer les choses au Canada.
C'est Woodbridge, l'organe d'investissement de la famille Thomson, qui est propriétaire du journal. La famille possède des médias au Canada, au Royaume-Uni et aux États-Unis depuis trois générations. Elle croit en l'indépendance éditoriale depuis les débuts de Roy Thomson et elle me permet d'engager les meilleurs talents. Cette expérience et cette constance sont très importantes. On a pu constater que les changements fréquents de propriétaires ne favorisaient pas le journalisme durable de qualité.
Vous ne verrez pas Woodbridge demander de l'aide ou des subventions, mais nous croyons en l'égalité des chances. Les règles du jeu ne sont pas équitables si l'argent des contribuables versé au diffuseur public rend plus difficile la concurrence pour les recettes de publicité numérique. La CBC est le principal concurrent du Globe parmi les médias canadiens pour l'espace publicitaire numérique. Mes collègues de l'industrie et moi ne sommes pas d'avis que l'octroi de fonds supplémentaires à la CBC aidera les journaux locaux ou nationaux.
Je crois qu'il est utile d'examiner ce qui s'est passé au Royaume-Uni, avec la BBC. J'invite le Comité à lire le livre blanc du gouvernement britannique, qui restreint la capacité de la BBC à accepter la publicité numérique sur ses sites Web nationaux. Récemment, on a annoncé que la BBC allait investir 8 millions de livres pour permettre à quelque 150 journalistes de couvrir les conseils locaux, à partir de l'année prochaine. La BBC offrira aussi ses vidéos aux journaux locaux.
Le Globe a pu obtenir de l'argent du gouvernement sous la forme de crédits d'impôt numériques offerts par la province de l'Ontario. Cela nous a permis d'engager du personnel doté de capacités numériques — des journalistes, des développeurs, des scientifiques des données — afin de nous aider à passer rapidement du papier au numérique et à nous adapter aux changements dans les habitudes de consommation des lecteurs. Malheureusement, ces crédits d'impôt ne sont plus offerts aux journaux et j'invite le Comité à songer aux façons dont ils pourraient faciliter cette transition inévitable dans l'ensemble du Canada.
Je vais revenir sur l'importance de l'uniformisation des règles pour mon point final: les règles sont inéquitables si les sociétés numériques étrangères sont exemptées des règles fiscales canadiennes qui s'appliquent à la vente de publicité.
Merci.
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Je vous remercie, madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du Comité, de m'avoir invité ici aujourd'hui. Certains d'entre vous me connaissent déjà tandis que pour d'autres, je suis un nouveau visage. Je suis sur la Colline depuis 10 ans. J'ai d'abord été le chef de bureau à Ottawa pour Standard Radio, une station d'Astral, qui a depuis été achetée par Bell.
Je travaille dans les médias — imprimés, radio, télévision et Internet — depuis 16 ans. Je travaille dans ce domaine depuis assez longtemps pour avoir connu la période où l'on coupait le ruban avec une lame de rasoir, mais je suis assez jeune pour avoir été parmi les premiers utilisateurs d'Internet. J'ai travaillé pour la plupart des grands diffuseurs et je travaille encore pour l'un d'entre eux en plus de travailler pour The Rebel, puisque j'anime une émission de radio à News Talk 580 CFRA. Je ferai toutefois mes commentaires en mon nom et au nom de Rebel; je ne représente pas CFRA ou son propriétaire, Bell Média.
La plateforme Rebel Media est née après la chute de Sun News. C'est peut-être en raison de cette expérience que je ne vous dirai pas aujourd'hui que nous avons besoin d'aide ou que l'industrie des médias a besoin d'aide, mais que la meilleure chose à faire, c'est d'uniformiser les règles et que pour ce faire, vous pourriez vous écarter du chemin. Sun News a été victime de la bureaucratie et des nombreux mandats imposés par le gouvernement qui n'ont pas été associés à un soutien suffisant. Je serai heureux de répondre à vos questions à cet égard.
Je disais donc que The Rebel est née des cendres de Sun News. Ezra Levant et moi avons créé la plateforme dans notre salon et avons commencé à faire des vidéos le jour de la fermeture de Sun News. Les gens riaient de nous: deux gars qui avaient animé de grandes émissions de télévision et avaient suscité de nombreuses controverses, qui se retrouvaient maintenant à travailler dans leur salon. Eh bien aujourd'hui, un an et neuf mois plus tard, nous avons 25 employés, ce qui est peu par rapport à d'autres, mais nous embauchons, ce qui est rare dans l'industrie.
Nous avons 425 000 abonnés sur YouTube. Lorsque j'ai commencé à préparer mes notes hier, nous étions à 422 000 abonnés. Aujourd'hui, c'est 425 000, et le nombre d'abonnés ne fait que croître. Nous avons plus d'abonnés YouTube que tout autre média traditionnel. Ce n'est pas autant que le nombre d'abonnés à la chaîne de mon voisin chez VICE, mais c'est probablement le plus important parmi les médias basés au Canada. Nous avons 105 millions de visionnements. Nous sommes financés à 100 % par les abonnés et nous ne recevons aucun financement public. Nous avons assuré notre croissance en offrant le contenu que les gens voulaient voir.
Une de nos équipes revient tout juste d'une conférence des Nations Unies en Inde, avec l'OMS. Nous avons une équipe à Marrakech, au Maroc, pour la conférence COP et nous prévoyons faire plus de reportages du genre, en plus de nos commentaires d'opinion.
Je suis d'accord avec M. Crawley et les autres: les règles du jeu ne seront pas équitables tant que le diffuseur public, le diffuseur d'État, appelez-le comme vous le voudrez, voudra plaire à tout et chacun. Le Parlement a confié un mandat à la CBC. Ce mandat est établi dans la Loi sur la radiodiffusion et je vous dirais que la CBC contrevient à la loi et à son mandat depuis un long moment déjà. Il n'y a aucune raison pour que la CBC offre un service de musique en continu qui fait concurrence à Apple, Google ou Spotify et à toutes les stations de radio privées du pays. Il n'y a aucune raison pour qu'elle offre des plateformes d'opinion exclusivement numériques. Lorsque les gens s'en plaignent, on leur dit que la présence numérique est nécessaire. Personne ne dira le contraire, mais la CBC ne fait pas la promotion de ses émissions de radio ou de télévision, elle crée de nouvelles plateformes.
Il y a plusieurs années, j'ai fait un reportage sur Radio-Canada, qui avait décidé que l'Internet avait besoin de plus de pornographie gratuite. La société avait acheté une série française et la diffusait gratuitement en ligne. C'était choquant. Je crois que nous savons tous que l'Internet regorge de pornographie; nous n'avions pas besoin d'investir l'argent des contribuables dans ce contenu.
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Bonjour, madame la présidente et mesdames et messieurs les membres du Comité. Je suis Michael Gruzuk. Je suis le directeur des nouvelles et de la numérisation pour VICE Canada. Merci beaucoup d'avoir invité VICE comme témoin ce matin.
Dans mes remarques d'aujourd'hui, je vais parler de la façon dont VICE communique les nouvelles locales dans un monde où les consommateurs ont de plus en plus l'embarras du choix.
Pour ceux qui nous connaissent un peu, permettez-moi de vous en dire un peu plus à notre sujet. Nous avons fait beaucoup de chemin depuis nos modestes débuts en tant que publication gratuite distribuée dans les rues de Montréal et fondée par les Canadiens Shane Smith et Suroosh Alvi. Nous sommes maintenant la plus importante entreprise médiatique ciblant les jeunes au monde. Nous sommes un carrefour de nouvelles, de contenu et de culture, et un grand producteur de vidéos primées qui sont visionnées par des millions de jeunes dans le monde entier sur notre réseau mondial inégalé. Comptant maintenant des bureaux de production et de rédaction dans plus de 35 pays, VICE communique avec des centaines de millions de jeunes par mois sur toutes les plates-formes, ce qui comprend 11 canaux numériques, la télévision numérique, la téléphonie mobile et, de plus en plus, le cinéma.
Au Canada, nous avons enregistré une croissance fulgurante ces dernières années. Nous avons maintenant des bureaux à Toronto, à Montréal et à Vancouver. Nous maintenons un réseau solide de pigistes variés partout au pays. Nous produisons des centaines d'heures de contenu original, détaillé et souvent provocateur — je le reconnais — axé sur des histoires à propos de personnes et d'endroits sous-représentés, tout en demeurant résolus à préserver notre style de récit immersif et la diversité de nos points de vue.
Pour parler un peu des nouvelles, en 2014, VICE a lancé avec succès le modèle numérique de référence verticale de VICE News, qui est une section distincte de vice.com. C'est là où nous produisons des vidéos détaillées et du contenu rédactionnel dans des communautés au Canada et dans le monde entier. En septembre dernier, nous avons célébré le lancement de VICE Québec, notre modèle numérique de référence verticale pour le marché québécois. En fait, l'équipe a récemment remporté deux prix Gémeaux pour des documentaires qui ont été produits l'an dernier. Ces deux documentaires sont d'excellents exemples de récits de type « parlons des localités sur la scène mondiale » que VICE s'engage à raconter. L'entreprise réussit à raconter des histoires survenues à Montréal — ou dans un cas précis, dans une petite collectivité dans le golfe du Saint-Laurent — à un auditoire québécois et à un auditoire mondial.
Le mois dernier, nous avons également lancé VICE News Tonight, une nouvelle émission de nouvelles novatrice qui est diffusée sur VICELAND et sur HBO aux États-Unis. C'est notre première incursion dans les nouvelles de soirée, avec un format ciblant les jeunes. Hier, nous avons lancé notre propre site canadien de VICE News. C'est très captivant pour nous car nous offrons désormais à notre auditoire la perspective de VICE sur les nouvelles canadiennes et des nouvelles d'un point de vue canadien.
Bien que nous soyons très présents à l'heure actuelle dans des centres comme Toronto, Montréal, Ottawa et Vancouver, nous avons passé beaucoup de temps à voyager dans ce pays ces dernières années avec un engagement ferme à couvrir les régions oubliées — le Nord, le Nunavut, Fort McMurray et le Nord du Manitoba, par exemple. Les investissements que nous effectuons pour raconter les histoires locales ne sont pas les briques et le mortier traditionnels, mais nous nous rendons dans ces localités et nous voulons raconter ce qui s'y passe. Nous couvrons les situations qui nous intéressent et nous les racontons d'une façon à laquelle les jeunes peuvent s'identifier. Nous constatons que les jeunes de partout dans le monde se reconnaissent dans ces histoires. Nous pouvons assurer une présence sans être basés à un seul endroit.
Ce qui est incroyable avec VICE, c'est que lorsque nous produisons du contenu — prenons l'exemple de notre couverture de la radicalisation à Calgary —-, nous pouvons traduire l'article pour qu'il soit publié dans 35 pays dans le monde, pour raconter ce qui se passe dans les localités canadiennes aux jeunes du monde entier.
Notre approche est très simple, et c'est le message que je tiens à véhiculer aujourd'hui: nous sommes une tribune agnostique, ce qui signifie que nous ne sommes pas liés à des formats précis. Nous nous adressons directement aux membres de notre auditoire, quand ils le veulent et de la façon dont ils le veulent. Notre méthode nous permet de rejoindre des auditoires à l'extérieur de notre réseau et repose activement sur les médias sociaux pour accroître la participation. Grâce aux médias sociaux, au Canada, VICE rejoint un auditoire de plus de 30 millions de personnes par mois.
À l'ère où les médias traditionnels sont de plus en plus concentrés et que les salles de nouvelles ferment leurs portes, nous nous tournons vers des partenariats stratégiques et nous y sommes ouverts. VICE noue actuellement des partenariats qui cadrent avec notre image de marque, notamment avec Google, Rogers, Facebook et Live Nation. Ces partenariats permettent à VICE d'offrir du contenu sur toutes les tribunes et à rejoindre un auditoire à l'extérieur de notre réseau. Par exemple, VICE a récemment lancé Daily VICE, qui est le fruit d'un partenariat avec Fido. Daily VICE est un fil vidéo de cinq à huit minutes qui couvre jusqu'à trois histoires de nouvelles, de contenu ou de culture. La fin de semaine dernière, nous avons rapporté une charmante nouvelle locale sur le parc situé en face de la rue où Leonard Cohen a grandi.
Pour terminer, nous savons que les coûts de production associés aux émissions de nouvelles traditionnelles sont très élevés, ce qui fait en sorte que les organes de presse ont du mal à joindre les deux bouts ou doivent fermer leurs portes parce qu'ils n'arrivent pas à suivre le rythme de l'évolution du paysage médiatique. Notre modèle tient compte de ces coûts pour que nous puissions produire des nouvelles locales, nationales et internationales que les communautés locales et même les télédiffuseurs nationaux ont du mal à couvrir. Nous pouvons venir en aide à d'autres médias pour répondre à leurs besoins de programmation locaux. Si ces organes de presse font appel à VICE pour produire du contenu qui répond aux besoins des consommateurs de la génération du millénaire dans leur marché, alors nous pouvons partager ce contenu avec eux.
La révolution numérique a énormément perturbé l'industrie des médias, mais elle a également fourni aux créateurs de contenu l'incroyable possibilité de raconter des histoires et de les diffuser en dehors de leurs propres quartiers. Aucune autre entreprise médiatique ne peut imiter VICE, mais nous pouvons aider d'autres entreprises en prêtant notre voix au contenu local, tout en rejoignant l'auditoire mondial qu'elles veulent rejoindre.
Merci.
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Les journaux adoptent clairement un point de vue vieux de 125 à 150 ans. Les partis politiques ont littéralement publié des listes des journaux acceptables selon le parti politique qu'ils appuient.
Monsieur Crawley, votre prédécesseur au Globe, George Brown, a essayé sans relâche de faire tomber Sir John A. pendant plusieurs décennies. Ce n'était pas le type de médias grand public sérieux qui prétendent être objectifs comme nous voyons de nos jours ou que nous verrons plus tard. Mais maintenant, avec les perturbations, il y a des médias numériques comme Rebel et Vice, et je pense qu'ils adoptent clairement un point de vue précis.
Nous avons entendu parler récemment que les gens s'inquiètent que nous vivons de plus en plus dans des bulles isolées où les gens partagent les mêmes points de vue et que les médias ne présenteront pas différentes perspectives. On laisse beaucoup entendre que même les médias soi-disant sérieux représentent leurs propres bulles, peut-être sérieuses, mais isolées de personnes qui partagent les mêmes opinions.
Dans le cadre de notre étude, alors que nous tentons d'établir si les tendances sont bonnes ou mauvaises, mes questions pour M. Crawley, M. Lilley et M. Gruzuk sont les mêmes. Premièrement, pensez-vous que c'est forcément une mauvaise chose? Deuxièmement, y a-t-il des mesures que nous pouvons prendre, si vous croyez que c'est une mauvaise chose? Et troisièmement, y a-t-il quoi que ce soit que nous devrions faire?
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En effet, il est facile de dériver. Les médias régionaux constituent le sujet principal de l'étude. Il s'agit de la dévitalisation potentielle des régions du fait qu'elles perdent leur accès à des médias qui couvrent leurs nouvelles.
Vous aviez raison, madame la présidente, de souligner la présence de M. Martineau. Il a une expérience particulièrement intéressante dans des petits marchés comme celui de Trois-Rivières — les gens de Trois-Rivières ne seront pas contents de m'entendre dire cela —, mais aussi dans celui de Québec, où il travaille présentement.
J'ai bien connu Jeff Fillion lorsqu'il était directeur des programmes à CJAB, à Chicoutimi. Certains milieux sont extrêmement médiatisés. Je n'ai pas les chiffres exacts puisque ce n'est pas comptabilisé, mais le nombre de médias offerts par habitant est spectaculaire à Jonquière et à Chicoutimi. À Québec aussi, le marché est fantastiquement florissant.
Fini le laïus, voici ma question très précise: sur le plan publicitaire, précisément, le marché diminue-t-il ou fonctionne-t-il aussi bien que votre offre à la clientèle?
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Je crois qu’il y a un rôle pour le gouvernement… comme l’a souligné mon collègue, M. Lilley, il faut parfois réduire la réglementation.
Je vous donne un exemple. Les bulletins d’information sont un moyen très populaire de diffuser du contenu, un moyen qui peut créer une forme de dépendance, et avec lequel nous connaissons du succès, qu’ils parlent de politique, d’affaires ou de finances personnelles, entre autres. Les gens s’habituent à les lire tous les jours. Toutefois, de nouvelles règles sont en cours d’élaboration avec la LCAP concernant les pourriels. J’ai consulté ces règles. Évidemment, elles ont été rédigées par des avocats et sont donc très lourdes, et elles ne favoriseraient pas la création de bulletins d’information.
Je crois qu’il faut aborder les questions commerciales de façon réaliste. On peut rédiger toutes sortes de dispositions concernant les pourriels, mais si elles empêchent les sociétés de se développer et de joindre leurs clients par l’entremise de bulletins d’information, ce n’est pas une bonne chose, à mon avis.
Je vais commencer par M. Martineau.
À Granby, dans ma circonscription, il existe un modèle d'affaires différent, soit celui de la radio M105. Ce modèle a été développé sous forme de coopérative. Nous en sommes très fiers, à Granby, et je crois que ce modèle d'affaires fonctionne bien. Évidemment, la radio est très écoutée. Pour les gens, c'est une façon de s'informer localement de ce qui se passe dans tous les domaines. J'aurai bientôt l'occasion de rencontrer de nouveau le directeur général.
J'aimerais que vous me parliez de l'avenir de la radio en général, au Québec et au Canada. À une question de M. Nantel, vous avez répondu plus tôt que les revenus publicitaires diminuaient d'année en année. C'est inquiétant, étant donné que vous vivez en grande partie grâce à la publicité.
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Je vais vous donner un exemple très marquant. En septembre et octobre cette année, dans le marché publicitaire radiophonique de Québec, il y avait 600 000 $ de moins que l'année dernière. Cette situation implique une dizaine de stations de radio. Est-ce une question de contexte économique? La situation sera-t-elle la même au cours des prochains mois ou est-elle simplement passagère? Je ne le sais pas.
Vous me posez une question extrêmement vaste à laquelle je vais répondre en vous disant tout simplement que les meilleurs vont survivre. Malheureusement, les autres vont disparaître.
Vous avez également évoqué cette station de Granby qu'on pourrait qualifier de communautaire, d'une certaine façon. Je crois que ce modèle représente effectivement une belle piste de solution pour les plus petites communautés. Mon plus jeune fils travaille pour l'une de ces stations, dans un petit marché, soit celui de Joliette. Dans ce cas également, il s'agit d'une station qui fonctionne de façon exemplaire. Les cotes d'écoute sont très bonnes. La station diffuse de l'information locale. Je crois que, dans le cas des petites communautés, c'est porteur.
Quant à l'avenir de la radio, je crois que nous allons bénéficier de circonstances favorables tant que la radio conventionnelle sera accessible dans les voitures. Par contre, quand la radio Internet fera son apparition dans les voitures, ce qui ne devrait pas tarder, il va falloir se remettre en question.
Madame la présidente, vous avez employé la prononciation plus authentique de mon nom. Je suis d'origine québécoise. Je vous demande pardon, cependant, car mes compétences en français ne sont pas à la hauteur de la séance d'aujourd'hui.
Je suis vice-président des nouvelles chez Google. Je suis responsable de tous les produits d'information de Google, pour toutes les plateformes employées par les consommateurs, ainsi que des partenariats avec les éditeurs.
Au début de ma carrière, dans les années 1970, je travaillais au Public Broadcasting Service, PBS. Je relevais de M. Hartford Gunn, son fondateur et président visionnaire. Là, j'ai participé à plusieurs projets de technologie novateurs, y compris la création du réseau satellitaire de PBS et la conception du premier service d'information interactive diffusée par télétexte.
Pendant que j'étais là, Hartford m'a appris une leçon de première importance qui a orienté ma carrière et que je trouve particulièrement pertinente dans le contexte de la discussion d'aujourd'hui. Il m'a dit:
Richard, si tu veux influencer l'évolution des médias, concentre-toi sur la technologie. La technologie modifie les règles du jeu. Elle transforme le terrain. En demeurant à la fine pointe de la technologie et en l'utilisant bien, nous pourrons avoir une incidence énorme sur ce que nous ferons et ce que nous accomplirons au moyen des médias.
Étant donné les changements extraordinaires survenus au cours des 25 dernières années, le conseil prémonitoire de Hartford semble frôler l'évidence. C'est en grande partie pour cette raison que nous discutons ici aujourd'hui de l'avenir des nouvelles locales. L'omniprésence d'Internet a transformé tous les secteurs d'activités.
Les médias se trouvent au coeur de ce changement. Jamais les gens n'ont consommé autant de nouvelles et d'information, et jamais autant de contenu n'a été créé. L'écosystème ouvert du Web a permis l'apparition de nombreuses nouvelles voix, comme des sites de nouvelles, des répertoires d'emplois en ligne, Wikipédia, des millions de blogues et des milliards de messages affichés dans les médias sociaux. Il a également permis à des médias traditionnels, comme le Globe and Mail et le Toronto Star, à atteindre un public mondial.
Internet est un outil précieux pour les internautes partout dans le monde. D'un côté, il fournit de nouvelles occasions extraordinaires sur les plans de l'expression et du commerce. De l'autre, il pose des défis aux entreprises médiatiques et aux commerces créés avant l'apparition d'Internet, qui doivent maintenant adapter leurs produits et leurs stratégies aux nouvelles possibilités offertes dans le nouveau monde numérique.
Google a eu la bonne fortune de créer des produits très utilisés fondés sur le Web ouvert. Pendant toute la journée, le moteur de recherche de Google est employé pour trouver la bonne réponse à des requêtes faites dans son répertoire, qui regroupe un milliard de sites Web. Tous les mois, Google dirige des milliards d'internautes vers les sites Web d'éditeurs de nouvelles. En outre, les plateformes de publicité de Google sont utilisées par des millions d'éditeurs, petits et grands; elles les aident à augmenter leurs revenus et à faire croître leur entreprise. Google doit son existence au Web, et elle tient coûte que coûte à en maintenir l'ouverture, la richesse et la diversité.
Selon nous, Google et les éditeurs soutiennent une cause commune. Nous dépendons tous deux d'une plateforme ouverte permettant la libre expression et l'accès aux connaissances. Nous cherchons tous deux à permettre aux gens d'accéder à l'information. Toutefois, l'ouverture d'Internet nous force à remettre en question notre compréhension des aspects économiques de l'information. Prenez l'exemple d'un journal publié dans une grande ville américaine dans les années 1990, un paquet de papier journal pesant de deux à cinq livres qui offrait du contenu de grande valeur à ses lecteurs: des nouvelles locales et nationales, une section mode, une section style de vie, une section automobile et des petites annonces. En 2016, chaque section de ce journal doit faire concurrence à une vaste gamme de compétiteurs sur le Web, dans chacune des catégories.
Google Actualités compte plus de 75 000 sources, y compris presque 2 000 sources canadiennes, dont environ un tiers sont en français; les nouvelles locales demeurent un facteur de différenciation. La section locale de Google Actualités affiche du contenu puisé à la fois dans des journaux régionaux et des blogues hyperlocaux qui n'apparaîtraient pas autrement. Google Actualités appose la mention « source locale » pour mettre en valeur la couverture locale de grands événements, les articles qui sont pertinents pour la population locale.
Or, quel est le modèle opérationnel? Nous devons trouver de nouvelles sources de revenus et de nouveaux modèles opérationnels. À Halifax, il y a l'exemple de Local Xpress, un site de nouvelles fondé par les journalistes du Chronicle Herald, qui sont en grève depuis janvier. Le site est consacré aux nouvelles locales. En moins d'un an, sa taille a décuplé; il a atteint un sommet de 300 000 pages visionnées par semaine. Les créateurs du site se servent d'outils collaboratifs gratuits, comme Google Docs; ils monnayent et développent leur nouveau produit. Le directeur-rédacteur en chef décrit le site Local Xpress, né d'un conflit de travail, comme l'une des entreprises les plus avant-gardistes du milieu médiatique canadien.
Google tient à aider les éditeurs à réussir. L'avenir de Google et l'avenir des nouvelles sont liés. Nous voulons que les éditeurs développent leurs entreprises et qu'ils réussissent à leur manière. Toutes nos activités sont conçues de façon à ce que l'écosystème crée de la valeur pour les éditeurs. Nous y arrivons en augmentant les revenus. À l'échelle mondiale, nous avons généré des recettes publicitaires de 15 milliards de dollars et nous avons partagé plus de 10 milliards de dollars de ces recettes avec nos partenaires de la presse. Environ 70 % des recettes reviennent donc directement aux éditeurs. En outre, nous orientons et nous appuyons les éditeurs dans des projets qui s'attaquent à des problèmes majeurs de l'industrie, comme la latence mobile et le blocage des publicités.
Ce sont ces deux dossiers qui ont poussé Google, ainsi que plus d'une trentaine d'éditeurs de partout dans le monde et des fournisseurs de technologies à travailler ensemble pour lancer le projet AMP, qui vise à accélérer l'affichage du contenu des pages Web sur les dispositifs mobiles. La recherche montre que 53 % des utilisateurs quittent un site si son contenu n'est pas affiché après 3 secondes. À l'heure actuelle, l'affichage sur le Web n'est pas instantané, et il doit l'être. Aussi, trop souvent, les publicités en ligne ne sont pas respectueuses de l'expérience de l'utilisateur, et elles doivent l'être. En moyenne, le contenu des pages de format AMP s'affiche en moins d'une seconde. Des organismes de presse canadiens et 700 000 domaines partout dans le monde ont adopté le format AMP. Il y a seulement un an que le projet a été lancé, mais déjà, des éditeurs canadiens nous ont transmis des données qui montrent la fidélisation accrue du public, et nous avons de bonnes indications des façons dont le format AMP peut augmenter les recettes.
La révolution numérique a transformé notre manière de communiquer, de nous exprimer et de nous renseigner sur le monde qui nous entoure. Bien sûr, il y a des défis, mais mes collègues qui m'accompagnent aujourd'hui et moi sommes passionnément optimistes quant à l'avenir de l'information. Il y a tellement de nouveaux outils et de nouveaux moyens à mettre à profit. Aussi, on accomplit tant de travail numérique impressionnant qu'il est facile d'en venir à la même conclusion que moi: que nous vivons les premiers jours d'une renaissance de la créativité journalistique.
Permettez-moi de conclure en disant que je désire vivement et que Google désire vivement continuer à collaborer afin de favoriser l'innovation et l'expérimentation essentielles au succès à long terme.
Je vous remercie de m'avoir permis de m'adresser à vous et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Merci beaucoup, Richard. Merci d'avoir pris le temps de vous joindre à nous. Les membres du Comité trouvaient vraiment important que Google soit représenté. Tout le travail que nous avons accompli jusqu'à maintenant semble nous mener vers vous et vers Facebook, surtout.
Pour contextualiser, évidemment — je ne vous apprendrai rien, mais d'autres ne le savent peut-être pas —, Alphabet, la société mère de Google, est maintenant la plus grande propriétaire de médias au monde, et elle continue à prendre de l'expansion. Elle est plus grande que Disney, qui occupe le deuxième rang, dans une proportion de 136 %; elle est aussi plus grande que Disney et Comcast réunies, Comcast occupant le troisième rang. En outre, 12 % des dépenses liées aux médias passent par Google et Facebook. Il est donc question de grandes sommes d'argent. C'est ce qui semble poser problème pour de nombreux propriétaires de journaux, même ceux qui ont témoigné il y a quelques instants.
C'est ce que nous tentons de comprendre. Un fait intéressant, c'est qu'il ne s'agit pas d'un problème canadien en soi. Les États-Unis sont uniques à de très nombreux égards. Toutefois, lorsque nous nous comparons plus exactement à des pays européens, à l'Australie ou à la Nouvelle-Zélande, nous constatons que leurs parlements prennent des mesures très semblables.
Il y a quelques jours, la Media Reform Coalition et le National Union of Journalists ont publié un rapport dans lequel ils déclarent que Google et Facebook devraient financer la presse publique en Grande-Bretagne. On y lit:
Non seulement [...] Google et Facebook réalisent des profits énormes et payent un montant minime d'impôts en Grande-Bretagne, mais ils saignent aussi à blanc l'industrie de la presse en accaparant les recettes publicitaires. Les journaux nationaux et locaux tentent de s'en tirer en amputant les budgets et en licenciant les employés, au détriment de la qualité journalistique. Le journalisme d'intérêt public est la plus grande victime dans tout cela, comme les journaux sont leurrés par la culture du piège à clics, qui favorise le sensationnel et le banal.
Je peux vous dire que quand j'étais reporter national, j'ai souvent eu à jouer le jeu du piège à clics pour qu'un nombre accru de personnes portent attention aux affaires plus sérieuses dont nous allions parler durant l'émission.
On dit ensuite dans le rapport:
Pour toutes ces raisons, nous proposons d'instaurer une redevance de 1 % sur les activités des principaux intermédiaires numériques. Les fonds ainsi levés seraient réaffectés à des groupes sans but lucratif ayant pour mandat de créer du contenu journalistique local ou d'enquête original.
Je lis l'extrait à voix haute, mais j'ignore si c'est réellement la solution. Lorsque je vois « une redevance de 1 % », je ne crois pas nécessairement que ce soit une bonne chose, mais je dois vous poser la question. Nous semblons être à un tournant; vous avez parlé d'une renaissance de la créativité journalistique.
Cependant, lorsque M. David Simon, créateur de l'émission Sur écoute, a comparu devant le Congrès à ce sujet, il a déclaré que nous nous dirigions vers un âge d'or de la corruption politique parce que les petits journaux ne couvrent plus la politique municipale, l'échelon auquel les décisions sur la propriété et le développement sont prises. C'est sa grande préoccupation.
Aidez-moi, dans le peu de temps dont nous disposons, à faire la quadrature du cercle. Aussi, j'aimerais beaucoup que vous me disiez — ce sont des choses que vous avez déjà entendues — quelles réponses vous avez trouvées et quelles ententes vous avez conclues avec d'autres territoires, comme l'Union européenne ou d'autres.
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Certainement. C'est ce que je veux faire. Voici où je voulais en venir: aujourd'hui, ce qui est très important, c'est que les éditeurs qui cherchent à moderniser leurs produits considèrent comment ils peuvent créer non seulement des produits ayant de la pertinence pour les utilisateurs, mais aussi des formats de publicité adaptés aux besoins des annonceurs. Par exemple, à l'heure actuelle, le
New York Times a beaucoup recours à ce qu'on appelle la « publicité native ». Aujourd'hui, cela représente 30 % de ses recettes publicitaires, et ce montant augmente. Il existe de nouvelles méthodes. Je crois donc que nous devons absolument reconnaître qu'en ce qui touche la publicité, la situation évolue encore.
En outre, certains secteurs commencent à connaître des réussites, non seulement sur le plan des recettes publicitaires, mais aussi des revenus générés par les abonnements. Je vais vous donner un exemple provenant de Paris. Il y a huit ans, M. Edwy Plenel, ancien rédacteur en chef du journal Le Monde, a mis sur pied une organisation appelée Mediapart. Elle est très manifestement axée sur l'actualité et le journalisme d'enquête. Le site est doté d'un verrou d'accès payant. Aujourd'hui, il compte 120 000 abonnés payant 10 euros par mois. L'organisation a un effectif de 40 journalistes et elle est rentable. Ainsi, le paysage montre bel et bien qu'il est possible de réussir.
Alors, que peut faire Google? Comme je l'ai déjà dit, nous jouons déjà un rôle dans de nombreux domaines et nous continuerons à le faire. Le projet AMP visait principalement à faire fonctionner l'écosystème en ligne, tant par rapport à l'intérêt qu'à la publicité. Les annonces de type « piège à clics » ne fonctionnent pas. Comment pouvons-nous améliorer les annonces? Que pouvons-nous faire pour veiller à ce que les gens n'utilisent pas de logiciels de blocage des publicités?
Nous fournissons toujours des outils dans de nombreux secteurs pour appuyer les projets et pour aider les éditeurs traditionnels à exploiter les nouvelles technologies dans le but de faire de nouvelles choses intéressantes. Par exemple, je pense que le journalisme de données est fort prometteur; il pourrait aider les collectivités à comprendre leurs propres réalités et à cerner les dossiers importants.
À mon avis, les façons d'aborder la question sont très nombreuses. Je le répète, c'est extrêmement important pour nous de collaborer avec le milieu de la presse partout dans le monde pour surmonter ces difficultés.
Merci beaucoup de votre intervention, monsieur Gingras. J'essaie de concilier certaines des observations formulées aujourd'hui avec ma réalité locale. Je suppose que c'est ce que tous les humains essaient de faire. Je parlais à mon collègue qui représente une circonscription située juste au sud de la mienne, et ma réalité locale a été une destruction des médias purement locaux. Ils ont d'abord été achetés par des acteurs de plus grandes agglomérations. Ils ont ensuite tout simplement perdu des lecteurs, des téléspectateurs et ainsi de suite. Cependant, ce qui a eu lieu — du moins d'après mon expérience, et Alex Nuttall a constaté la même chose —, c'est une multiplication du contenu local provenant de gens de la place qui voient une occasion à saisir. Dans mon coin, les journaux locaux ont été achetés par Metroland. Tout le monde s'est ensuite généralement entendu pour dire que le contenu local n'était plus aussi bon que celui des anciens journaux indépendants. On se retrouve donc soit avec des journaux concurrents, soit, plus récemment, avec des produits offerts uniquement en ligne, comme le Doppler à Huntsville, en Ontario. Par ailleurs, la radio communautaire joue un rôle en offrant beaucoup de contenu local.
Monsieur O'Regan et moi avons peut-être tout simplement eu une expérience différente. En fait, ce que j'ai observé, c'est une multiplication de ce contenu, alors qu'on se sert de la technologie — Google en est un bon exemple — pour présenter des nouvelles locales et demander des comptes aux politiciens locaux. Ce genre de contenu s'est multiplié au cours des dernières années, pas l'inverse.
Je voulais seulement connaître l'opinion de Google à ce sujet. Vous avez un point de vue mondial, alors que le mien est local. Cette question pourrait peut-être aider à animer la discussion.
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Certains exemples ici au Canada valent la peine d'être soulignés.
En passant, je m'appelle Aaron Bringle. Je fais partie de l'équipe des affaires publiques de Google Canada. La plus grande partie de mon travail avec les éditeurs se rapporte aux activités éditoriales. J'ai eu la chance de travailler partout au pays avec des agences de nouvelles locales et nationales. J'ai aussi déjà été journaliste. J'ai travaillé à CBC pendant dix ans en tant que producteur en chef de l'émission The Current.
Il y a des exemples intéressants. Nous avons parlé de Local Xpress, qui relève à vrai dire d'une organisation de Sault Ste. Marie appelée Village Media. Village Media est devenu une sorte de Shopify des nouvelles locales en travaillant dans les petits marchés qui ont été perturbés, où les nouvelles locales sont devenues rares. Cette organisation aide à offrir des nouvelles sur support numérique pour répondre à la demande du marché. Elle a commencé par un site de nouvelles qui s'appelle SooToday. C'est formidable. Le site reçoit maintenant 80 000 visites uniques de la part de 40 000 utilisateurs uniques, et le modèle a été repris à Sault Ste. Marie, North Bay, Timmins, Barrie, Guelph. Il y a des exemples très intéressants à l'échelle locale. Par ailleurs, il y a évidemment iPolitics et Canada Lands. Je sais que The Tyee a été mentionné. Je crois que ses représentantes ont témoigné ici.
Il y a donc un mélange intéressant d'exemples remarquables d'entreprises canadiennes qui interviennent pour remédier au manque de nouvelles locales.
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Le coeur de notre philosophie, c'est que l'avenir passe par l'innovation, la technologie, le développement des produits et la mise au point d'un nouveau modèle d'affaires novateur et durable plutôt que par les subventions d'interfinancement. Il y a diverses raisons à cela, notamment que la création de subventions n'est pas viable à long terme. Les subventions ont tendance à générer une dépendance et ne stimulent pas nécessairement le genre d'innovation qu'il faut pour créer des modèles durables.
Le grand défi auquel tout le monde est confronté en ce moment, c'est essentiellement celui de la perturbation du système. Toute l'industrie se fondait sur un certain nombre de conditions préalables: elle était contrainte géographiquement, elle était essentiellement maître de la production et de la diffusion, et le public était bien circonscrit. L'Internet a tout chamboulé, puisqu'on peut désormais trouver de l'information partout. Bon nombre des propositions de base des journaux, non seulement en ce qui concerne la publicité, mais aussi les annonces classées, ne tiennent plus la route. Craigslist et Kijiji ont été de grands perturbateurs, et toute cette valeur ajoutée s'est envolée. Ce sont maintenant les journaux qui essaient de trouver une façon de s'adapter à l'époque. En même temps, ils ont le fardeau de tous les coûts hérités des médias imprimés.
La véritable innovation s'observe chez les acteurs strictement numériques, ceux qui émergent des communautés locales, qui ne viennent pas du milieu. Ils ne traînent pas ce genre de coûts et peuvent tirer parti des outils numériques. Cela signifie qu'ils peuvent produire du contenu à très faible coût, à la sueur de leur front et en y investissant le temps.
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Oui, nous payons de l'impôt fédéral. Toutefois, nous ne divulguons habituellement pas d'information financière sensible comme celle-ci.
Au sujet de la TPS, comme M. Nantel l'a souligné, je vais vous expliquer rapidement que la situation est attribuable à la structure de la taxe elle-même. Il ne faut pas oublier que la TPS est une taxe imposée aux consommateurs. Ce sont donc les consommateurs qui la paient et non Google, le détaillant ou qui que ce soit d'autre. L'ARC a des règles. Ceux qui offrent des services de l'extérieur du pays ne sont pas tenus de s'enregistrer, puis de prélever ou de remettre la TPS. Dans ce cas-ci, la responsabilité incombe au consommateur, qui a l'obligation de la déclaration et de la remise. C'est pourquoi nous affirmons que pour certains services, elle est appliquée, mais pour d'autres, non. Tout dépend du contexte.
Si c'est quelque chose que le Comité envisage de changer — et ce n'est pas la première fois que nous entendons parler de cette éventualité, on mentionne souvent Netflix dans ce contexte aussi —, vous devez surtout vous demander quelles en seront les conséquences. C'est une chose pour Google ou Netflix, mais il faut penser aux difficultés que cela pourrait causer à chaque entreprise présente sur Internet qui voudrait servir le marché canadien si elle devait s'enregistrer pour la TPS, prélever la TPS, remettre la TPS. Ce sera tout un défi, et il pourrait avoir pour résultat que les plus petits services n'arrivent plus à pénétrer le marché. Cela ferait plus de tort aux petites entreprises qu'à nous.
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Pas précisément. La moyenne mondiale est d'environ 70 %. Les détails dépendent beaucoup des ententes particulières. Nous avons des ententes particulières avec différents éditeurs, et elles diffèrent d'un à l'autre; c'est la raison pour laquelle il est difficile de vous donner un montant. Par ailleurs, nous ne ventilons pas nos données financières par pays, donc je ne peux pas vous donner de ventilation. Je sais que c'est assez important. Tout dépend aussi de la façon dont l'éditeur, qu'il produise des nouvelles ou d'autres choses, souhaite structurer son entreprise.
Il y a une autre chose dont vous n'avez peut-être pas nécessairement entendu parler pendant vos travaux, c'est-à-dire que l'écosystème de la publicité numérique est extrêmement complexe. Ce n'est pas un monde qui se résume à un acheteur et à un vendeur ou à un annonceur et à un éditeur. Il y a une multitude d'entités entre les deux dans l'écosystème de la publicité numérique. Cela comprend les réseaux de publicité, qui se regroupent essentiellement et vendent leurs publicités à tout un bassin d'éditeurs, plutôt qu'à un seul. Il y a aussi les échanges publicitaires, qui se fondent sur des enchères en temps réel sur les impressions publicitaires, c'est donc extrêmement efficace. Il y a également des plateformes d'offre et de demande pour gérer tout cela, pour ne nommer que quelques éléments. Je me rappelle un directeur de publicité qui disait que quand on achète une annonce, on n'achète pas seulement le média, on achète les données. On achète en fait les données de 3 800 entreprises qui offrent une multitude de services à valeur ajoutée dans l'écosystème, ce qui le rend très complexe.
Chaque éditeur gère ses propres annonces à sa façon. Dans certains cas, ils utilisent nos services, dans d'autres cas, ils font tout eux-mêmes. Cela dépend s'ils ont une équipe de vente ou pas.