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Nous allons commencer, car nous sommes un peu en retard.
Bienvenue, tout le monde, à la 114e réunion du Comité permanent du patrimoine canadien.
Nous continuons maintenant notre étude des modèles de rémunération pour les artistes et les créateurs.
Je ne sais pas si tous nos témoins sont présents. Je ne pense pas que les gens d'Artisti soient encore arrivés.
C'est bien cela? D'accord.
Nous recevons Solange Drouin, de l'Association québécoise de l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo, ou ADISQ, et nous avons
[Traduction]
de Ré:Sonne Société de gestion de la musique, Ian MacKay; et de l'Association des auteurs-compositeurs canadiens, nous accueillons Greg Johnston et Damhnait Doyle.
Puisque les représentantes d'Artisti ne sont pas encore arrivées, elles pourront se joindre à nous au cours de la réunion.
[Français]
Nous allons donc commencer par l'Association québécoise de l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo.
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Bonjour, et merci de cette invitation à comparaître devant le Comité, aujourd'hui.
Je m'appelle Solange Drouin. Je suis la vice-présidente aux affaires publiques et directrice générale de l'ADISQ. Je m'exprime aujourd'hui au nom d'environ 250 entrepreneurs indépendants — des producteurs d'enregistrements sonores, de spectacles, de vidéos, de maisons de disque, des gérants d'artistes —, qui sont responsables, notamment, de la production de 95 % des contenus musicaux francophones au pays.
La structure industrielle indépendante qui caractérise la production musicale francophone canadienne a vu le jour il y a 40 ans. Elle est unique au monde: pour les accompagner dans la production et la commercialisation de leurs oeuvres, les artistes d'expression française canadiens se tournent presque toujours vers des entrepreneurs locaux, des petites et moyennes entreprises.
Partout ailleurs dans le monde, la production musicale est dominée par trois grandes entreprises multinationales: Sony Music, Warner Music Group et Universal Music Group. Dans les années 1980, ces entreprises ont délaissé notre marché, ce qui a permis aux artistes et aux entrepreneurs canadiens francophones de créer ensemble un écosystème dynamique, un véritable star-system — ou vedettariat — auquel le public d'ici est désormais attaché. C'est une situation qui devrait susciter la fierté des Canadiens et des Canadiennes ainsi que de nos dirigeants.
Il n'en reste pas moins que ces compagnies, les grandes multinationales, sont toujours présentes dans notre marché. Elles sont nos concurrentes. Est-il besoin de rappeler qu'elles bénéficient de moyens colossaux en comparaison des nôtres? Même si l'ensemble de la filière musicale se trouve dans la tourmente depuis plus de 15 ans, les entreprises indépendantes que je représente sont nettement plus fragilisées par la transformation du marché concurrentiel de la musique, devenu inéquitable et déséquilibré. Cette spécificité doit être prise en considération au cours du présent processus.
Vous nous invitez à participer à une réflexion sur les modèles de rémunération pour les artistes et les créateurs dans le contexte du droit d'auteur. Essentiellement, la rémunération des créateurs de contenus musicaux canadiens découle d'une combinaison de revenus et de redevances provenant de l'exploitation des enregistrements sonores et des spectacles.
Pour que ces deux éléments soient optimisés, l'entourage professionnel de l'artiste consacre toutes ses énergies à commercialiser efficacement les oeuvres. Les législateurs que vous êtes doivent veiller à ce que toutes les lois concernées soient les plus efficientes possible. C'est simple: sans consommation, pas de revenus. Cependant, lorsqu'il y a consommation sans lois adéquates, il n'y a pas de revenus adéquats.
En matière de rémunération des créateurs de contenus musicaux, la Loi sur le droit d'auteur est un pilier. Il s'agit d'une loi économique, qui produit des effets concrets pour l'ensemble des créateurs de contenus canadiens.
Ainsi, le travail auquel vous vous livrez sera lourd de conséquences. Vous avez notamment l'occasion d'enfin corriger plusieurs éléments de la Loi qui privent actuellement, injustement, de revenus les créateurs de contenu.
En effet, la Loi sur le droit d'auteur, en raison des nombreuses exceptions dont elle a été assortie au fil des ans, et tout particulièrement depuis 2012, est aujourd'hui un véritable gruyère, ce qui en affaiblit considérablement la portée et cause un préjudice important aux ayants droit: auteurs, artistes et producteurs. Il s'agit d'une situation incompréhensible dans un pays comme le Canada, à laquelle il est impératif et urgent de mettre fin. À l'heure où nous accueillons le monde chez-nous, il serait bien que nous fassions bonne figure.
À ce sujet, nous sommes d'accord à propos de plusieurs des propositions de modification présentées par les témoins précédents, comme Music Canada, la Société canadienne de perception de la copie privée, ou SCPCP, la Canadian Independent Music Association, ou CIMA, et par d'autres qui nous suivront, comme Ré:Sonne.
De façon non exhaustive, mentionnons les trois modifications que nous vous demandons de façon précise.
D'abord, il faut éliminer enfin, une fois pour toutes, l'exemption de paiement de redevances sur le premier 1,25 million de dollars de recettes des radios afin que les créateurs de contenus canadiens cessent de subventionner ces entreprises — le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, ou CRTC, le disait encore récemment —, qui sont encore aujourd'hui très rentables.
Ensuite, il faut modifier la définition d'un enregistrement sonore afin que les artistes et les producteurs puissent recevoir les redevances qui leur reviennent lorsque leurs oeuvres sont utilisées dans des trames sonores d'oeuvres audiovisuelles.
Enfin, il faut, de façon urgente, modifier le régime de copie privée — dont vous avez entendu parler —, afin qu'il s'applique à tous les types d'appareils utilisés par les consommateurs de musique pour copier de la musique, par exemple, les téléphones intelligents et les tablettes.
M. Macron pourrait vous en parler, parce que la France fait beaucoup en ce sens.
Les changements apportés par la technologie se trouvent évidemment au coeur des discussions entourant la présente révision. Il est clair que la Loi doit être en phase avec les pratiques de consommation musicale, mais qu'elle ne l'est pas actuellement.
Une loi en phase avec les pratiques de consommation n'est pas une loi qui tente de se coller aux récents outils ou tendances, sans quoi elle risque d'être toujours à la traîne et de mal anticiper les changements. Au contraire, elle doit tendre à la plus grande neutralité technologique possible.
Les nouvelles technologies constituent des outils qui s'offrent à chacun des acteurs de l'écosystème de la musique, du créateur au consommateur, en passant par l'entourage professionnel. Mais peu importe les outils utilisés, les actes de chacun demeurent inchangés. L'auteur crée une bonne chanson, les producteurs et les maisons de disques en font la promotion et les radios la font écouter.
Ce ne sont pas des outils qui sauveront les créateurs. La technologie de la chaîne de blocs, par exemple, pourrait peut-être leur permettre de récolter autrement des redevances découlant de l'utilisation de leurs oeuvres. Cet outil serait-il plus performant que ceux qui existent déjà? Cela se discute, mais une chose est certaine: sans une loi forte qui protège les oeuvres et qui fait en sorte que des redevances découlent de leur utilisation, l'optimisation des outils de redistribution des redevances n'améliorera pas le sort des créateurs à la base.
Pour être efficiente, la Loi sur le droit d'auteur doit être en phase avec les normes internationales et les pratiques des consommateurs, et elle doit être au service des créateurs.
J'espère que personne n'ignore les difficultés vécues par les gens du milieu de la musique, mais l'ampleur des pertes mérite d'être réitérée: au Québec, depuis 2004, les ventes d'enregistrements sonores physiques ont chuté de 72 %. Les ventes d'oeuvres numériques, qui n'ont jamais compensé cette baisse, sont en déclin elles aussi: elle ont diminué de 42 %. Pour les majors, soit les grandes sociétés du marché de la musique, la diffusion en continu permet depuis peu un retour à la croissance, mais il faut accueillir ces nouvelles avec prudence et lucidité. Une poignée d'artistes, des stars internationales écoutées massivement partout dans le monde, bénéficient des retombées de la diffusion en continu. Chose importante à souligner, l'ADISQ estime aujourd'hui que 30 millions d'écoutes sur ces services de diffusion en continu sont nécessaires pour assurer la rentabilité d'un album. Or, l'an dernier, l'artiste québécois s'étant le plus rapproché de ce seuil a été écouté 8 millions de fois. Cet artiste est en fait un groupe de musique anglophone qui rayonne à l'extérieur de la province. C'est Half Moon Run, pour ne pas le nommer.
Je vais terminer en disant que la diversité culturelle est un principe cher au Canada. Les créateurs de contenu, les auteurs, les artistes et les producteurs, en sont les piliers. Quand ces derniers ne parviennent plus à vivre de leur art, cette diversité s'en trouve directement menacée. C'est aujourd'hui le cas. Heureusement, vous avez le pouvoir de redonner sa force à un outil crucial pour assurer la pérennité d'une production musicale canadienne professionnelle et diversifiée.
J'espère que vous aurez compris qu'il est urgent d'agir. En 2016, l'ADISQ affirmait que l'industrie de la musique se trouvait à un point de bascule. Deux ans plus tard, malheureusement, nous approchons du point de non-retour. Il faut renverser la vapeur maintenant.
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Notre troisième recommandation est de faire en sorte qu'on traite les prestations incorporées à des vidéoclips comme des prestations musicales, et non comme des prestations cinématographiques. Actuellement, dès qu'un artiste-interprète autorise l'incorporation de sa prestation dans une oeuvre cinématographique, y compris les vidéoclips, il renonce automatiquement à exercer son droit d'auteur pour cette utilisation. Par exemple, un artiste-interprète dont la prestation est captée sur vidéo et fait également l'objet d'un enregistrement sonore peut uniquement exercer son droit d'auteur ou recevoir une rémunération équitable lorsque sa prestation sonore est dissociée de la vidéo.
Or, un vidéoclip, c'est ni plus ni moins qu'une chanson avec des images. Pas de chanson, pas de vidéo. Je ne connais personne qui regarde sur YouTube le vidéoclip d'une chanson en étant en mode muet. C'est la chanson qu'il regarde, en fait. Dans un cas comme celui-là, priver l'artiste de ses droits est inconcevable. Il est, selon nous, impératif que le Canada ratifie le Traité de Beijing sur les interprétations et exécutions audiovisuelles et étende les droits exclusifs et moraux privés pour les artistes-interprètes du secteur sonore à l'ensemble des artistes-interprètes.
Cela m'amène à notre quatrième demande.
Il faut aussi changer la définition d'enregistrement sonore, pour que soient également visées par la rémunération équitable les chansons qui sont utilisées dans les films ou les émissions de télévision. La définition d'enregistrement sonore qui est contenue dans la Loi est problématique, puisqu'elle exclut les bandes sonores d'oeuvres cinématographiques diffusées en même temps que le film. Cette situation prive les interprètes de revenus importants, en plus d'être discriminatoires puisque les auteurs et les compositeurs de musique bénéficient, eux, de redevances équivalentes pour l'utilisation de leurs oeuvres. En 2012, le législateur a reconnu les mêmes droits aux artistes-interprètes du secteur sonore que ceux dont bénéficient les auteurs. On comprend donc difficilement que la discrimination subsiste encore.
Cinquièmement, il faut trouver des moyens de rémunérer les interprètes pour l'utilisation de leurs prestations sur Internet. Les artistes québécois savent très bien que les revenus découlant de la diffusion en continu de leurs oeuvres sont ridiculement bas, même pour les chansons les plus populaires.
En fait, le problème est double. D'abord, les revenus pour la webdiffusion non interactive et semi-interactive sont visés par l'imposition d'un tarif établi par la Commission du droit d'auteur du Canada. Ce tarif est presque 11 fois moins élevé que celui en vigueur aux États-Unis pour la même période.
Les revenus de la webdiffusion de contenu musical à la demande, comme Spotify ou Apple Music, sont liés à des contrats entre artistes et producteurs, qui prévoient la récupération de frais de production avant le versement des redevances aux artistes. Compte tenu des faibles sommes générées par les ventes d'albums et par la webdiffusion à la demande, les interprètes sont trop souvent privés de redevances provenant de ces exploitations commerciales, évidemment.
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Merci. Je m'appelle Ian MacKay et je suis le président de Ré:Sonne Société de gestion de la musique. Merci de me donner l'occasion de m'adresser au Comité aujourd'hui sur cette question primordiale. C'est quelque chose qui me passionne particulièrement, moi qui travaille dans l'industrie de la musique depuis 25 ans, d'abord comme avocat d'artistes dans des maisons de disques et, ensuite, comme président, mon poste actuel.
Les modèles de rémunération pour les artistes doivent adéquatement encourager et dédommager les créateurs si on veut qu'ils continuent de créer. Comme l'a dit le très talentueux artiste William Prince, gagnant d'un prix Juno, si vous voulez que je vous construise une maison, je dois avoir comme attente raisonnable d'être payé — je le paraphrase.
Comme vous l'avez entendu dire de la part de bien d'autres personnes, l'industrie de l'enregistrement musical a connu d'importants bouleversements; son économie est passée des dollars aux cents. Des changements essentiels sont nécessaires pour traiter les subventions et les exemptions dépassées et inutiles qui empêchent injustement les créateurs de recevoir une juste rémunération pour leur travail.
Où se situe Ré:Sonne dans tout cela? D'autres témoins vous ont parlé de rémunération équitable. Luc Fortin, président de la Guilde des musiciens et musiciennes du Québec, vous a dit dans son témoignage que cette source de revenus est maintenant la plus importante qu'ont les interprètes canadiens au titre de la Loi sur le droit d'auteur.
Ré:Sonne est l'organisation qui recueille et distribue une rémunération équitable au Canada au nom de plus de 621 000 artistes et propriétaires de studios d'enregistrement que nous représentons directement par l'intermédiaire de nos organisations membres — Artisti, dont les représentantes sont présentes aujourd'hui, ainsi que RACS, MROC, CONNECT et la SOPROQ — de même que par l'intermédiaire d'accords bilatéraux avec des sociétés de gestion collective internationales.
Nous sommes une société sans but lucratif. Nous percevons des droits auprès de milliers d'utilisateurs de musique, y compris des radios commerciales, des radios satellites et des entreprises individuelles, comme des salles de sport, des restaurants et des boîtes de nuit. Il est obligatoire que les droits que nous administrons le soient collectivement. Les créateurs ne peuvent empêcher les entreprises d'utiliser leurs enregistrements ou de négocier directement; il s'agit d'une licence générale. Les créateurs ne peuvent compter toucher une rémunération équitable qu'après le fait. Ces sources de revenus sont cruciales pour les créateurs, et elles vont directement aux créateurs. Comme on l'a déjà mentionné, les sommes que Ré:Sonne perçoit sont divisées à parts égales entre les artistes et les propriétaires de studios d'enregistrement à la source.
L'industrie de la musique et les mesures législatives sur le droit d'auteur qui la gouvernent doivent rester en phase avec les changements technologiques. Voilà pourquoi à Ré:Sonne, nous nous efforçons toujours d'innover. Nous le faisons en travaillant avec des organismes comme la SOCAN sur l'harmonisation du processus d'attribution de licences pour les entreprises, ou comme Mark Schaan, directeur général à Industrie, l'a mentionné dans son témoignage le 22 mai, nous faisons des choses comme des recherches sur la valeur de la musique pour aider les utilisateurs de musique à comprendre comment celle-ci valorise leur entreprise et comment ils peuvent en tirer parti pour être concurrentiels.
Nous nous efforçons aussi de nous assurer que nous distribuons des redevances aussi efficacement que possible. Cela se reflète dans nos efforts pour obtenir les registres radio complets des stations de radio ainsi que dans nos travaux avec Music Canada et Bell Media en vue d'améliorer la communication des données pour nous assurer de remettre la plus grande partie possible de chaque dollar aux créateurs.
Nous, mais surtout les créateurs, ratons des occasions en raison d'exemptions dépassées, inutiles et injustes dans la Loi sur le droit d'auteur qui privent les créateurs de revenus de plus de 60 millions de dollars par année. Comme vous l'ont dit des artistes comme Andrew Morrison du groupe The Jerry Cans, les représentants d'artistes comme la Fédération canadienne des musiciens et Artisti, qui se trouvent ici aujourd'hui, et des organismes représentant les créateurs de musique, comme Music Canada, l'ADISQ, CIMA et la SOCAN, ce sont des questions fondamentales qui ont besoin d'être réglées.
Il est rare de dégager ce type de consensus. Je pense que la seule autre question sur laquelle on a réussi à dégager un consensus semblable est la réforme de la Commission du droit d'auteur.
Les deux choses dont je veux parler en particulier, car elles se rapprochent le plus de ce que nous faisons, sont le retrait de l'exemption des paiements de redevances sur les 1,25 million de dollars de recettes des radios et la définition d'un « enregistrement sonore ». D'autres personnes vous en ont déjà parlé, alors je serai bref et j'essaierai d'ajouter un peu plus de renseignements.
Au titre de la loi actuelle, comme vous l'avez déjà entendu dire, les stations de radio commerciales sont dispensées de verser des redevances aux interprètes et aux propriétaires de studios d'enregistrement sur la première tranche de 1,25 million de dollars de revenus, que la station fasse partie ou non d'un groupe de propriété profitable. Cela coûte aux titulaires de droits 8 millions de dollars par année en pertes de revenus, ce qui est injustifié pour une industrie hautement profitable. Ce devait être une mesure temporaire, mais qui est toujours en place 20 ans plus tard.
À l'échelle internationale, aucun autre pays n'offre d'exemption semblable, et celle-ci ne s'applique pas aux auteurs-compositeurs et aux redevances de l'édition musicale, si bien que les interprètes et les maisons de disque sont les seuls à qui on demande de subventionner une industrie très profitable.
La musique représente environ 81 % de la programmation des stations de radio commerciale. Pour en revenir au commentaire de William Prince, la musique représente 81 % de la maison et elle devrait être payée en conséquence, sans subvention ni exemption.
En outre, pour ce qui est de la neutralité technologique, cette subvention est uniquement versée aux radiodiffuseurs commerciaux, et pas aux autres utilisateurs de musique commerciale, comme les radios satellites, les services payants d'audio numérique, et d'autres entreprises. Elle n'est pas neutre sur le plan technologique.
La deuxième recommandation est celle de modifier la définition d'un « enregistrement sonore », préoccupation qu'ont aussi soulevé d'autres personnes. Dans le contexte de la loi en vigueur, la définition d'un « enregistrement sonore » empêche les artistes et les propriétaires de studios d'enregistrement de toucher des redevances lorsque leurs enregistrements sont utilisés à la télévision et dans les trames sonores de films. Encore une fois, cela ne s'applique qu'aux artistes et aux propriétaires de studio d'enregistrement, ce qui les prive, selon nos estimations, d'environ 55 millions de dollars par année en redevances perdues. Lorsqu'on utilise de la musique dans une émission de télévision ou un film sur Netflix, le compositeur, l'éditeur musical et l'auteur-compositeur sont payés, mais pas les interprètes et les enregistrements sonores. Cela crée un décalage entre les titulaires de droits et à l'échelle internationale.
Ré:Sonne est aussi membre de la Canadian Music Policy Coalition dont vous avez entendu parler. Nous appuyons les recommandations énoncées dans les documents présentés en son nom, dont bon nombre ont déjà été expliqués avec beaucoup plus d'éloquence que je le fais par des témoins précédents. On recommande notamment de continuer l'important travail qui a été entamé concernant la réforme de la Commission du droit d'auteur. Nous avons participé activement à ce processus, auquel Artisti a aussi fait allusion. Nous recommandons de mettre à jour le régime de copie privée pour qu'il soit neutre sur le plan technologique. Un certain nombre de personnes vous en ont parlé en détail. Nous recommandons aussi qu'on prolonge les règles du droit d'auteur pour faire en sorte qu'elles s'appliquent maintenant 70 ans après la mort de l'auteur au lieu de 50 ans. La SOCAN vous en a parlé avec beaucoup d'éloquence. Enfin, nous recommandons d'éliminer l'échappatoire concernant l'exemption accordée aux organismes de bienfaisance créée par le paragraphe 32.2(3), dont Gilles Daigle de la SOCAN a parlé le 5 juin.
Avec l'élimination de l'exemption de 1,25 million de dollars et la modification de la définition d'un « enregistrement sonore », ces recommandations aideraient grandement les créateurs canadiens et nous mettraient aux normes internationales.
Merci pour le temps que vous m'avez accordé aujourd'hui. Je me réjouis à la perspective de répondre à vos questions.
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Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du Comité, bonjour.
Je m'appelle Greg Johnston et je suis le président de l'Association des auteurs-compositeurs canadiens.
Au nom de notre l'Association, je tiens à vous remercier de nous avoir invités pour nous donner la possibilité de témoigner devant le Comité. De plus, nous aimerions vous féliciter de faire l'effort de consulter directement les créateurs.
L'Association est une organisation nationale enregistrée du secteur des arts qui compte environ 1 200 membres qui se consacrent à sensibiliser, à aider et à représenter les auteurs-compositeurs canadiens. Nous sommes là pour encadrer, développer et protéger les intérêts créatifs, professionnels et juridiques des créateurs de musique au Canada et dans le monde entier en cherchant à défendre leur droit de recevoir une juste compensation pour l’utilisation de leurs œuvres; à encourager l’avancement du métier et de l’industrie de la composition de chansons; et à organiser des activités qui permettent aux membres de se tendre la main et de profiter de l'esprit communautaire qui est celui des créateurs.
Notre conseil d'administration bénévole se compose d'auteurs-compositeurs professionnels de partout au pays. La diversité et la représentation régionale font partie des principaux critères de sélection.
Il faut aussi préciser que l'Association est signataire du document « Sounding Like a Broken Record: Principled Copyright Recommendations from the Music Industry », préparé par les membres de la Canadian Music Policy Coalition, qui a été présenté à la et au ministère du Patrimoine canadien. Nous estimons que les recommandations formulées sont atteignables et qu'elles profiteraient directement aux créateurs.
Je suis un musicien de séance multi-instrumentaliste, un producteur de disques, un auteur-compositeur, un compositeur audiovisuel. Je suis aussi un entrepreneur, un propriétaire de petite entreprise, un contribuable, un bénévole, un époux et le père de deux musiciens adolescents. Je ne suis pas un lobbyiste, un spécialiste du droit d'auteur ou un avocat, bien que notre conseil d'administration en compte quelques-uns.
Je suis aussi anonyme, comme tant de mes collègues. Nous formons la classe moyenne de la communauté des créateurs de musique et, en termes simples, deux décennies de technologies perturbantes ont placé ma communauté face à une réalité très difficile.
La façon dont les auteurs-compositeurs sont rémunérés pour l'utilisation de leur travail mérite une attention particulière. Nous sommes payés par achat, par flux et par exécution publique de l'oeuvre, si bien qu'un contexte réglementaire solide est essentiel à notre réussite financière. En tant que particuliers, nos voix sont rarement entendues. Voilà pourquoi nous nous en remettons à la gestion collective pour représenter les intérêts de notre communauté. Au Canada, nous avons la chance d'avoir la SOCAN pour défendre nos droits d'exécution tant au pays qu'à l'étranger. Cependant, la vitesse à laquelle la technologie se développe exige que nos organismes de gestion collective aient la possibilité de s'adapter et de protéger nos droits aussi rapidement.
Au chapitre de la réforme de la Commission du droit d'auteur, l'Association croit qu'une commission forte, agile, bien financée et suffisamment pourvue en personnel est la pierre angulaire de notre succès et de notre survie. Dans une nouvelle réalité numérique, la vitesse à laquelle les tarifs sont déterminés et appliqués est cruciale. Le secteur de la technologie a accumulé des fortunes stupéfiantes, souvent aux dépens des créateurs et de leur contenu. Cette dichotomie entre David et Goliath n'est tout simplement pas viable.
Cependant, il s'agit des occasions où le gouvernement, en collaboration avec la Commission du droit d'auteur, peut créer un cadre réglementaire au service de la technologie, des consommateurs — nos fans — et des créateurs en tant que tels. Nous sommes d'avis que des mesures énergiques et décisives pour réformer la Commission du droit d'auteur profiteront aux créateurs, aux petites gens et, au bout du compte, aux consommateurs et aux fans qui, selon nous, veulent vraiment que les créateurs soient rémunérés équitablement et insisteraient même pour qu'ils le soient.
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Merci, Greg, et merci aux membres du Comité de mener cette étude. Je dois dire qu'après avoir entendu tout le monde parler, je suis un peu émue. C'est un sujet très important pour le Canada et l'ensemble de ses citoyens.
Je m'appelle Damhnait Doyle, et je suis la vice-présidente de l'Association des auteurs-compositeurs canadiens. J'oeuvre dans cette industrie depuis 25 ans, et j'ai observé une diminution du niveau de vie des personnes qui ont choisi d'en faire leur profession. C'est bien ce dont il s'agit — d'une profession, d'un métier hautement spécialisé. Nous nous levons le matin, nous préparons nos enfants pour l'école et nous partons au travail comme vous le faites. Nous créons le contenu des stations de radio que vous écouterez en vous rendant au travail, celui que le DJ jouera au mariage de votre fille et celui de votre album préféré que vous téléchargerez d'Internet lorsque vous recevrez des gens à souper.
Lorsque vous avez accepté ce poste — et merci beaucoup d'être ici aujourd'hui — vous avez négocié votre salaire, vos avantages sociaux et vos journées de congé. Si on vous disait « Désolé, il y a des problèmes au gouvernement et vous ne serez pas payés », seriez-vous toujours ici aujourd'hui? Comment arriveriez-vous à payer votre hypothèque, vos soins de santé, vos services de garde d'enfants?
Aujourd'hui, je ne suis pas rémunérée, mais je dois payer la garde scolaire, alors je peux vous brosser un tableau vivant de la dure réalité de la pauvreté dans laquelle vivent les créateurs aujourd'hui. J'aimerais pouvoir employer le terme « classe moyenne », mais les créateurs en ont été évincés à ce stade. Je ne connais qu'un seul musicien à Toronto qui a acheté une maison au cours des 10 dernières années; la plupart d'entre eux n'arrivent pas à payer leur loyer, encore moins aller chez le dentiste.
Je ne parle pas ici d'artistes ratés, mais bien de créateurs bien en vue qui ont gagné des prix, dont vous connaissez les chansons et que vous aimez, qui n'arrivent simplement pas à gagner leur vie. Il fut un temps où il était honteux pour un créateur de dire qu'on avait du mal à arriver, car cela se reflétait peut-être sur son mérite artistique, mais maintenant, nous sommes tous logés à la même enseigne délabrée.
Je me considère comme une auteure-compositrice et musicienne très chanceuse. J'ai un imposant catalogue de chansons, que j'ai placées dans des films et des émissions de télévision dans plus d'une centaine de pays. Plusieurs de mes chansons ont été parmi les cinq meilleures au palmarès à la radio. J'ai gagné des East Coast Music awards, des prix de la SOCAN, des Canadian Radio Music awards, et j'ai été mise en nomination pour divers prix JUNO. J'ai participé au spectacle de la fête du Canada sur la Colline du Parlement, j'ai accompagné Willie Nelson en tournée et j'ai joué partout dans le monde, jusqu'au Japon et en Afghanistan, mais je n'arrive toujours pas à vivre de ma musique. Les créateurs se font marteler de toutes parts, qu'il s'agisse de la baisse du revenu tiré de la diffusion musicale en ligne, du piratage ou des exemptions dépassées accordées aux grandes entreprises. Tout le monde se fait payer dans l'industrie musicale. C'est un fait. Sauf les créateurs.
Il y a 10 ou 15 ans, c'était une toute autre histoire, mais l'écosystème en entier est en train de sombrer. Le niveau de l'eau monte et rapidement. Nous devons stimuler l'économie culturelle avant qu'il ne reste plus de nouveaux artistes et auteurs-compositeurs.
Cela m'amène au prolongement de la durée du droit d'auteur. Nous devons harmoniser nos règles avec celles de la majorité de nos principaux partenaires commerciaux et prolonger la durée du droit d'auteur à 70 ans après la mort de l'auteur. Avec nos 50 ans après la mort, nous sommes bien en retard par rapport aux lois modernes sur le droit d'auteur, ce qui désavantage sérieusement nos auteurs et titulaires de droits, non seulement dans notre pays, mais à l'échelle mondiale. La perte de ce revenu pour les éditeurs canadiens signifie qu'ils consacrent moins d'argent à la formation de nouveaux auteurs, si bien qu'il y a moins d'artistes, moins de musiciens, moins de studios, moins d'équipes de tournée, et moins d'emplois en général.
Pour ce qui est de la dégradation de la propriété intellectuelle comme bien, je la compare à l'achat d'une maison. Qu'arriverait-il si vous la transmettiez à vos enfants et que, 50 ans après votre mort, ils étaient évincés de la résidence dans laquelle ils ont grandi? Nos lois sont conformes aux protections minimales de la Convention de Berne, qui date de 100 ans, époque où 50 années devaient couvrir deux générations de descendants, ce qui ne correspond pas à l'espérance de vie actuelle.
Je vous parle sachant qu'en tant qu'auteurs, musiciens et créateurs, notre incidence sur la culture du pays est incommensurable, et nous méritons que notre travail soit rémunéré.
Merci beaucoup.
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Je peux vous parler, de façon générale, de ce qui a changé depuis 2014.
Nous avons effectué une étude sur le partage illégal de fichiers, une pratique qui, à ce stade-ci, a été remplacée en quelque sorte par la diffusion en continu. Voilà la vitesse à laquelle les choses évoluent lorsqu'on a affaire à des « technologies déstabilisantes », comme je me plais à les appeler.
À un certain moment, les téléchargements au moyen de BitTorrent étaient à la hausse, et les gens s'en servaient pour extraire toutes nos oeuvres musicales et les sauvegarder dans leurs appareils. Aujourd'hui, tout le monde écoute en continu des chansons sur leurs appareils, et les gens n'utilisent plus les fichiers Torrent autant qu'avant. À bien des égards, l'étude que nous avons réalisée sur les fichiers Torrent n'est même plus vraiment pertinente parce que tout a changé tellement rapidement.
Je le répète, si la Commission du droit d'auteur pouvait agir avec plus de célérité et rendre des décisions plus rapidement, ces nouvelles technologies pourraient alors être assujetties à des tarifs en moins de temps. Dans l'état actuel des choses, nous devons attendre plusieurs années avant que la décision sur les tarifs soit prononcée et, entretemps, l'information sur laquelle repose la décision devient complètement désuète. Comme certains de mes amis et collègues ici présents l'ont dit, nos taux sont très bas et ils ne sont pas en phase avec les normes internationales.
La réforme de la Commission du droit d'auteur, ce qui comprend aussi son soutien pour lui permettre de travailler rapidement, est certainement une façon pour nous de participer à l'évolution des technologies que les consommateurs souhaitent utiliser, mais cela nous permettrait également d'être rémunérés selon l'usage.
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Madame la présidente, je remercie beaucoup nos témoins de la passion dont ils font preuve à l'égard de ce dossier.
Un des thèmes récurrents, c'est l'exemption de 1,25 million de dollars; tout le monde nous en a parlé. Il y a aussi la proposition de faire passer de 50 à 70 ans la durée de la protection du droit d'auteur.
Pour ma part, je dois avouer que je n'écoute pas la radio. Dans ma jeunesse, quand j'achetais des albums, la moitié du temps, c'était en raison des pochettes. Leur conception graphique était phénoménale. Aujourd'hui, mon fils vient fouiller régulièrement ma collection.
Après avoir vérifié auprès de mes enfants adultes, j'ai appris qu'ils s'étaient mis à écouter Sirius Radio et, maintenant, ils sont passés à autre chose. Quand j'en parle à mes petits-enfants, ils ne savent pas ce qu'est une radio; ils n'en ont vraiment pas la moindre idée. La jeune génération n'écoute pas la radio. Ils ont accès à la musique par d'autres moyens, comme vous l'avez expliqué.
Comme je suis âgé, je me souviens des groupes britanniques venus ici. J'ai appris récemment, dans un reportage, qu'une station de radio pirate au large des côtes de la Grande-Bretagne allait finalement fermer ses portes. En effet, lorsqu'on adopte des règlements, les gens trouvent d'autres solutions. C'est ce qui s'est passé en Angleterre dans les années 1960. On avait créé une station de radio pirate pour que les jeunes puissent écouter ce qu'ils voulaient, et non pas ce que le gouvernement leur demandait d'écouter. Il faut donc faire attention lorsqu'on impose trop de règlements, car les jeunes... Je me souviens de l'époque où je faisais partie du mouvement des jeunes radicaux. Nous prenions tous les moyens pour contourner les règles et les exigences du gouvernement.
Faisons un bond dans le présent: avec l'explosion des technologies, celles qui existaient il y a 10 ans sont aujourd'hui désuètes. Comment pouvons-nous rédiger des mesures législatives pour l'avenir? Vous nous demandez de faire preuve de souplesse. Vous dites que c'est ce qui s'impose, et je vous demande: comment? Que nous recommandez-vous comme libellé? Comment pouvons-nous rédiger des règlements qui n'en sont pas? Comment faire pour élaborer des règlements généraux et souples qui peuvent s'appliquer à n'importe quel cas et qui ne sont pas axés sur des appareils précis? Comment s'y prendre?
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Au sujet de la radio, comme vous l'avez probablement remarqué, le CRTC a publié, la semaine dernière, un rapport très important qui révèle — et c'est que nous répétons depuis bien des années — que la radio demeure le média le plus résistant. Si vous lisez le rapport, vous constaterez que, de toute évidence, les stations de radio n'ont pas connu de hausses considérables, mais à tout le moins, elles n'ont pas enregistré de baisses. Cela signifie que si elles font autant d'argent qu'avant, c'est parce que les gens écoutent la radio.
Je suis tout à fait d'accord avec vous: la façon d'écouter de la musique a changé. En revanche, d'après les sondages effectués par l'ADISQ au Québec et dans le Canada francophone, nous n'avons pas observé une telle tendance. Les gens, même les jeunes, ont diversifié leurs modes d'écoute. Or, ils écoutent quand même de la musique à la radio: 30 % d'entre eux disent écouter la radio au moins une fois par jour, mais ils utilisent aussi la diffusion en continu, les iPod et d'autres plateformes. Je suis entièrement d'accord avec vous pour dire qu'il y a eu une diversification. Par contre, il y a ici un problème que vous pouvez régler, alors nous vous demandons de rectifier le tir.
À cela s'ajoute un autre problème. Nous vous demandons d'élaborer une loi qui est, dans la mesure du possible, neutre sur le plan technologique. C'est possible. Comme vous le savez, vous avez des rédacteurs très compétents de projets de loi, et ils vous montreront comment y arriver. C'est faisable. Par ailleurs, on ne peut pas prétendre qu'il est inutile de régler le problème, sous prétexte que le monde évolue sans cesse. Vous pouvez corriger la situation aujourd'hui. C'est pourquoi l'exemption de 1,25 million de dollars pose problème depuis le début, à mon avis.
J'étais là, en 1997 et en 1998, lorsque cette exemption a été instaurée, parallèlement au régime de droits voisins — du moins, on l'espère. À l'époque, il était logique d'agir ainsi parce que l'industrie de la radio était en mauvaise posture. C'était vrai en 1995-1996. Soyons au moins honnêtes. Nous devions faire adopter ce projet de loi, et c'était une entente avec l'industrie de la radio. Nous avons accepté de lui accorder une exemption, mais maintenant, cette exemption n'a plus son importance et nous devons nous en débarrasser. Si vous le pouvez, alors faites-le.
Pour ce qui est de l'avenir, nous vous dirons comment rédiger la loi de sorte qu'elle soit neutre sur le plan technologique. C'est une chose tout à fait réalisable.
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Merci, madame la présidente.
Merci à tous les témoins. Leur témoignage est très éloquent.
Je pense que le plus éloquent d'entre tous, et le plus crucial pour chacun de nous, est celui de Mme Doyle, qui m'a beaucoup ému.
C'est une réalité à laquelle j'ai consacré jusqu'ici presque sept ans de ma vie politique. Mme Doyle est une artiste qui vient nous dire qu'elle n'est plus capable de vivre de son travail. Chacun d'entre nous — et je ne doute aucunement de la bonne foi de chacun —, tout le monde doit faire entrer cela dans sa caboche. C'est pour cela que nous sommes ici. Nous sommes au Comité permanent du patrimoine canadien. Nous sommes là pour nous assurer que notre patrimoine reste vivant pour les prochaines générations.
J''apprécie la bonne foi de mon collègue M. Shields, qui pose des questions sur la radio. Je l'invite d'ailleurs à consulter La Presse+, dont on parle beaucoup actuellement, pour prendre connaissance du modèle de structure sans but lucratif organisé avec le gouvernement fédéral par les dirigeants de ce média pour que ces derniers puissent s'assurer d'avoir une façon de survivre, puisque le gouvernement ne fait rien.
Il y a un article qui dit justement que l'industrie de la radio va très bien. Je pense qu'on peut tenir pour acquis que cette exemption devrait être réduite à zéro. C'est une mesure temporaire et je pense que, les gens qui portent aujourd'hui des habits d'une valeur de 8 000 $, à Toronto, chez Bell, n'ont pas besoin d'aide. À mon avis, c'est Mme Doyle qui a besoin d'aide pour payer le centre de la petite enfance, ou CPE, et les services d'éducation pour ses enfants, comme tous les Canadiens qui ont un travail, qui aiment ce travail et qui contribuent à la société.
Je crois que le document que vous avez soumis en groupe, en coalition, fait foi de sa valeur puisque tout le monde le signe, tout le monde s'entend sur les points majeurs.
Croyez-vous que chacune de ces recommandations a des chances d'être perçue et interprétée de la bonne manière par un comité comme le nôtre? Je déplore actuellement que le Comité ne soit pas un comité ad hoc créé sur mesure pour étudier le dossier. Le Comité permanent du patrimoine canadien et le Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie ont été affectés à cette tâche. Je pense que c'est inquiétant.
Je vous demande ceci: ne croyez-vous pas qu'il serait intéressant — je sais que je contourne complètement les règles du Comité — de produire un rapport intérimaire? Nous sommes embarqués dans un processus qui va durer plusieurs mois. Nous allons partir pour l'été, nous allons prendre une pause, nous allons nous installer sur le sable plutôt que de boire les verres de sable que représente la révision du droit d'auteur. C'est que, pour tout le monde ici, même pour moi — Mme Drouin expliquait à quel point je connais bien ces enjeux, ce qui me rend très émotif, d'ailleurs —, cela demeure très aride, cela demeure très complexe. Tout le monde se demande ici qui fait quoi. Qu'est-ce que la SOCAN et Ré:Sonne? Chacun de nous considère que cet enjeu est bien compliqué. C'est compliqué, mais c'est extrêmement important. Je pense que le témoignage de Mme Doyle est bouleversant.
Je vais prendre une pause et laisser parler quelqu'un d'autre. Avant de le faire, j'aimerais soulever un point. Auriez-vous aimé que les conservateurs du Québec vous posent une question? Nous avons ici des représentants de l'Union des artistes du Québec et de l'Association québécoise de l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo.
Ce serait bien d'entendre les conservateurs parler de culture. Auriez-vous aimé que monsieur Bernier vous pose une question?
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Oui. Je vais même utiliser comme référence le document que voici. Il s'agit d'un critère qui énonce les trois principes suivants. D'abord, lorsqu'on introduit des exceptions dans la Loi, celles-ci doivent être limitées à certains cas spéciaux. En 2012, une pléthore d'exceptions ont été introduites dans la Loi. Cela ne pouvait donc pas se limiter à des cas spéciaux. Il y a une limite. Si 40 exceptions sont introduites, il n'y a certainement pas 40 situations spéciales.
Ensuite, cela ne doit pas porter atteinte à l'exploitation normale de l'oeuvre ou de tout autre objet du droit d'auteur.
Enfin, cela ne doit pas causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du créateur. Je vous donne un exemple concret. En 2012, comme un régime de copie privée s'appliquait aux CD vierges, on s'est dit qu'on allait donner la possibilité aux gens de reproduire de la musique sur tout autre appareil. Or, on n'a pas prévu, en contrepartie, de compensation financière pour les créateurs, bien que cela ait forcément causé un préjudice injustifié à leurs intérêts. En effet, toutes ces copies ont une valeur. Si ce n'était pas le cas, les gens n'en feraient pas. Il serait juste que les créateurs puissent bénéficier de cette valeur.
Tous ces éléments du critère à trois volets ont récemment fait l'objet d'une étude effectuée par M. Mihály Ficsor, un expert reconnu mondialement dans le domaine du droit d'auteur. Il s'est penché sur les exceptions canadiennes, notamment sur celles qui ont été introduites dans la Loi et qui étaient liées à l'éducation ou à tout ce qui se rattachait aux oeuvres littéraires. Il a conclu que cela ne satisfaisait pas aux exigences du critère. De surcroît, l'introduction massive d'exceptions dans la Loi sur le droit d'auteur fait en sorte que la communauté internationale se pose bien des questions sur le Canada dernièrement.
L'Association littéraire et artistique internationale, ou ALAI, qui a été fondée en 1878 par nul autre que Victor Hugo et qui regroupe de nombreux juristes, professeurs et sommités en matière de droits d'auteur, a exprimé en mai 2017 un voeu à l'intention du gouvernement du Canada. Ayant constaté le très grand nombre d'exceptions dans la Loi sur le droit d'auteur, elle a dit espérer que la quantité d'exceptions gratuites soit diminuée lorsque cette loi serait révisée. Il peut y avoir des exceptions, mais elles doivent être assorties d'une compensation pour les créateurs.
Pour ceux que cela intéresse, j'ai ici des exemplaires du texte — en français et en anglais — dans lequel le voeu de l'ALAI est exprimé. Je pourrai vous en remettre une copie si vous le désirez.
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Merci, madame la présidente.
Bonjour, tout le monde.
Madame la présidente et chers collègues, je vous remercie de m'avoir invitée, encore une fois, à prendre la parole devant vous.
Je suis accompagnée du sous-ministre de Patrimoine canadien, M. Graham Flack, de la sous-ministre déléguée, Mme Guylaine Roy, et du dirigeant principal des finances du ministère, M. Andrew Francis.
Je tiens à souligner la grande qualité de vos travaux. De plus, je vous remercie d'avoir lancé, en avril, une étude sur les modèles de rémunération pour les artistes et les créateurs dans le contexte du droit d'auteur. Vos conseils seront importants dans le contexte de cet examen parlementaire, un outil essentiel pour assurer que nos artistes et créateurs sont rémunérés de façon équitable pour leur travail.
C'est un plaisir pour moi de vous parler aujourd'hui de certaines dépenses prévues pour le ministère du Patrimoine canadien et pour les organismes de son portefeuille dans le budget principal des dépenses de 2018-2019. Bien entendu, c'est pour cela que je suis ici.
[Traduction]
Avant de parler du Budget des dépenses, j'aimerais prendre un instant pour souligner une annonce importante que le et moi avons faite plus tôt cette semaine. Le 5 juin, notre gouvernement a annoncé un processus pour examiner la Loi sur la radiodiffusion, la Loi sur les télécommunications et la Loi sur la radiocommunication.
Les industries créatives constituent un moteur économique très important, et elles emploient des centaines de milliers de Canadiens. C'est pourquoi nous y avons investi massivement, soit 3,2 milliards de dollars depuis notre arrivée au pouvoir. C'est plus que tout autre pays du G7.
Pourquoi faisons-nous cela? Disons-le simplement: ces lois n'ont pas été révisées depuis 1991. C'était avant l'arrivée d'Internet dans nos foyers et avant la vente de téléphones intelligents sur le marché. Depuis, de nouveaux acteurs ont fait leur entrée sur le marché, ce qui a perturbé notre système.
[Français]
Mon point de départ pour la modernisation de ces lois et mon message à tous les gens qui travaillent dans le domaine du Web sont clairs: il n'y aura pas de passe-droit. En même temps, nous allons faire en sorte que nous n'augmenterons pas les coûts pour les Canadiens. Nous avons créé ce comité d'experts afin qu'il définisse les contours de la future loi. J'ai entièrement confiance en la capacité de ce comité d'experts, présidé par Mme Janet Yale. Je suis certaine qu'il pourra proposer des recommandations pertinentes dans le contexte de cette révision.
En ce qui concerne les dépenses, Patrimoine canadien demande 1,3 milliard de dollars, soit près de 1,1 milliard de dollars en subventions et contributions et 186,3 millions de dollars en fonctionnement. À ces montants s'ajoutent les 105 millions de dollars prévus dans le budget fédéral de 2018. Nous aimerions notamment investir cette somme dans les langues officielles, le contenu canadien, le journalisme local et le multiculturalisme.
[Traduction]
Le Budget principal des dépenses de 2018-2019 représente une diminution nette de 133,9 millions de dollars par rapport à celui de l'an dernier. Cette diminution s'explique, en partie, par la fin des initiatives de Canada 150, soit 117,54 millions de dollars de financement de moins.
Permettez-moi de prendre un instant pour souligner l'année remarquable qu'ont vécue les Canadiens, d'un bout à l'autre du pays, dans le cadre des célébrations du 150e anniversaire de la Confédération. Que soit sur la Colline du Parlement pour le 1er juillet, à bord du majestueux Canada C3 ou dans les collectivités, grandes et petites, de tout le pays, plus de 31 millions de Canadiens ont participé aux festivités de cette année spéciale.
La diminution s'explique aussi par la fin du financement d'une durée limitée de 84,2 millions de dollars annoncés dans le budget de 2016 et investis dans le Fonds du Canada pour les espaces culturels.
[Français]
Cela dit, notre gouvernement attache plus que jamais une grande importance aux arts et à la culture, parce qu'ils sont le reflet des valeurs et des identités qui font de nous des citoyens canadiens.
Le Canada est fort de sa diversité. Plus que jamais, il doit faire entendre la pluralité de ses voix au pays, à l'étranger et dans l'espace numérique. Voilà pourquoi j'ai dévoilé, en septembre dernier, la vision de notre gouvernement pour un Canada créatif. C'est une vision ancrée dans notre diversité et qui s'appuie sur le talent de nos créateurs.
[Traduction]
Ainsi, nous continuons à investir massivement dans nos institutions culturelles et patrimoniales au pays, par l'intermédiaire du Fonds du Canada pour les espaces culturels. Ce sont donc 300 millions de dollars additionnels sur 10 ans, annoncés dans notre budget de 2017, que nous commençons à investir dès cette année, soit une nouvelle enveloppe de 29,9 millions de dollars prévue pour 2018-2019 dans le Budget principal des dépenses.
Nous investissons également 172 millions de dollars supplémentaires dans le Fonds des médias du Canada pour nous assurer d'avoir un secteur de protection viable pour les créateurs. De plus, nous affectons 125 millions de dollars sur cinq ans à la toute première Stratégie d'exportation créative du Canada pour que nos créateurs et nos industries créatives puissent rayonner sur la scène internationale. Cette somme sera reflétée dans les prochains budgets principaux et supplémentaires des dépenses de Patrimoine canadien.
[Français]
Aucune relation n'est plus importante que celle que nous avons avec les peuples autochtones. Par ailleurs, le budget de 2017 a consacré 89,9 millions de dollars sur trois ans à l'appui des langues et des cultures autochtones, et il a accru le soutien à l'Initiative des langues autochtones, soit 69 millions de dollars pour Patrimoine canadien, 14,9 millions de dollars pour Bibliothèque et Archives Canada et 6 millions de dollars pour le Conseil national de recherches du Canada. Un montant de 22,6 millions de dollars est inclus dans ce budget principal des dépenses.
Nous poursuivons également notre engagement à promulguer une première loi sur les langues des Premières Nations, des Inuits et des Métis.
[Traduction]
Nous avons aussi à coeur de créer des emplois pour les jeunes. Le budget de 2017 propose un nouveau financement de 395,5 millions de dollars sur trois ans, à compter de 2017-2018, pour la Stratégie emploi jeunesse. De cette somme, 17 millions de dollars iront, sur trois ans, à Patrimoine canadien afin de multiplier les nouvelles possibilités d'emploi pour les jeunes dans le secteur du patrimoine. Ces emplois d'été et stages rémunérés à long terme permettront aux étudiants et aux nouveaux diplômés d'acquérir une expérience de travail enrichissante, tant en français qu'en anglais. Une augmentation de 7 millions de dollars est prévue dans le Budget principal des dépenses de 2018-2019.
En ce qui a trait aux subventions et contributions — et dans la foulée des témoignages du mouvement « Moi aussi » —, notre gouvernement a agi contre le harcèlement en milieu de travail parce que tout le monde a le droit de se sentir en sécurité au travail.
À ce sujet, les artistes ont été à l'avant-garde du changement social en menant la charge pour faire savoir aux gens que le harcèlement sous toutes ses formes est inacceptable. D'ailleurs, je tiens à remercier votre comité de son important travail dans le dossier de la parité hommes-femmes au sein des conseils d'administration des organismes artistiques. À la suite de notre annonce conjointe avec le Conseil des arts du Canada, les organismes des arts et de la culture devront désormais s'engager formellement à assurer un milieu de travail exempt de toute forme de harcèlement, de mauvais traitement et de discrimination pour pouvoir obtenir notre appui financier. C'est une mesure qui me tient à coeur et qui redonne espoir aux victimes.
[Français]
J'en viens maintenant aux dépenses des nombreux organismes du portefeuille de Patrimoine canadien.
Le Budget principal des dépenses de 2018-2019 prévoit des dépenses de 2,2 milliards de dollars, soit une diminution de 131 millions de dollars par rapport au Budget principal des dépenses de 2017-2018. Cette diminution est attribuable à la fin des travaux d'aménagement du Musée des sciences et de la technologie du Canada et de la modernisation du Centre national des Arts.
Nos musées et autres établissements du patrimoine sont des phares pour les citoyens. Ils représentent nos repères culturels, éclairent notre mémoire collective et attirent les gens de passage chez nous. C'est pourquoi nous sommes heureux de demander 35 millions de dollars sur cinq ans, à compter de cette année, pour le Musée canadien pour les droits de la personne, à Winnipeg. Cet établissement joue un rôle important pour notre démocratie et notre vivre ensemble, car il favorise le respect d'autrui et encourage la réflexion et le dialogue.
Mais il y a plus. Nous comptons appuyer la construction et l'exploitation des nouveaux locaux que partageront Bibliothèque et Archives Canada et la Bibliothèque publique d'Ottawa. Nous souhaitons investir dans ce projet 73,3 millions de dollars sur six ans à compter de 2018-2019, et 4 millions de dollars par année par la suite.
[Traduction]
Madame la présidente, distingués membres du Comité, je vous remercie de votre attention. Je suis prête à répondre aux questions.
Il y a plusieurs choses. Comme vous le savez, notre gouvernement a décidé d'investir massivement en infrastructure, car cela nous permettra non seulement de répondre aux besoins des citoyens en leur donnant accès à de meilleures infrastructures, mais aussi de créer un stimulus économique qui créera des retombées dans tous les secteurs de notre économie.
Parmi tous nos investissements en infrastructure, il y a des investissements dans les infrastructures culturelles. Comme je viens de vous le dire, il y a 30 millions de dollars de plus par année sur un budget de base de 25 millions de dollars, pour un total de 55 millions de dollars par année sur 10 ans.
Par rapport à la politique culturelle que nous avons annoncée en septembre dernier, j'ai prévu qu'une partie des sommes soit réservée pour appuyer des centres créatifs partout au pays. On pense notamment à la Société des arts technologiques, ou SAT, au Québec, et à l'organisme Artscape Daniels Launchpad, à Toronto, sans parler d'autres centres à Vancouver.
Voici quelques-unes des infrastructures que nous avons financées depuis les deux dernières années: l'Inuit Art Centre, à Winnipeg; l'Espace Go, à Montréal; la Place des Arts du Grand Sudbury; Arts Umbrella, à Vancouver; le Théâtre Palace Arvida, dans la magnifique région du Saguenay—Lac-Saint-Jean de mon cher collègue; et l'Espace René-Lévesque, en Gaspésie. Ce sont là des exemples d'infrastructures culturelles que nous avons pu financer grâce à notre budget et aux nouvelles sommes qui y ont été consacrées.
Il y a certainement d'autres façons de financer les infrastructures culturelles au pays, que ce soit par des ententes fédérales-provinciales, d'enveloppes budgétaires qui existaient et qu'on a dépensées, ou du nouveau programme d'infrastructures qui a été développé par notre collègue le ministre de l'Infrastructure et des Collectivités, Amarjeet Sohi. Pour ce qui est des infrastructures financées par des ententes fédérales-provinciales, on pense notamment au Musée d'art contemporain de Montréal et au théâtre Le Diamant, à Québec.