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Merci, madame la présidente.
[Le témoin s'exprime en cri.]
C'était quelques mots en cri pour vous dire que je suis heureux d'être ici.
[Le témoin s'exprime en cri.]
Je veux tous vous remercier, comme si vous étiez mes parents et mes proches, et je souligne que nous nous réunissons aujourd'hui sur les terres ancestrales du peuple algonquin. Mon exposé devrait prendre de sept à huit minutes. Étant donné cette sonnerie qui se fera entendre, je vais débuter sans plus tarder.
Je veux tous vous remercier de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui devant le Comité pour vous parler du projet de loi .
Vous avez entendu parler de l'importance de nos langues pour nos cultures et pour nos gens. Les langues des Premières Nations sont des trésors nationaux et sont au coeur de notre identité en tant que peuples. Notre culture, notre identité et notre bien-être général nous viennent de nos langues. Elles sont propres à ces territoires que nous occupons, ce qui nous incite à répéter que ce sont des trésors nationaux pour le Canada.
J'aimerais vous exposer aujourd'hui les raisons pour lesquelles nous vous demandons d'appuyer ce projet de loi. Comme il ne reste que quatre mois avant juin, le temps presse.
Premièrement, ce projet de loi donne suite aux revendications des Premières Nations qui ont demandé au gouvernement de reconnaître, d'affirmer et d'appuyer concrètement, notamment du point de vue financier, les langues des Premières Nations. Nous voulons que nos langues soient des langues vivantes qui sont issues de nos terres et expriment les récits de nos créations en étant au coeur de nos cérémonies et de nos vies quotidiennes. Nos langues sont au coeur même de notre identité en tant qu'Autochtones.
Cette loi reconnaît que nos langues sont essentielles à la transmission aux générations futures de nos cultures et de nos connaissances traditionnelles, y compris nos valeurs, notre histoire et notre vision du monde.
Le projet de loi reconnaît que des politiques et des pratiques gouvernementales discriminatoires ont nui à nos langues autochtones et joué un rôle clé dans leur érosion.
Avec le projet de loi , le Canada assure pour la première fois le respect des droits linguistiques autochtones en tant que droits ancestraux et issus de traités, tels qu'énoncés à l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. En fait, on permet ainsi une pleine application de l'article 35 et des lois linguistiques qui en découlent.
Pour une analyse plus approfondie des droits ancestraux et issus de traités, il faut tenir compte des points de vue autochtones et de la jurisprudence. Des causes telles que Sparrow, Van Der Peet et Delgamuukw fournissent une orientation claire à cet égard. Voici d'ailleurs un extrait de l'arrêt Van Der Peet:
Les tribunaux doivent tenir compte du point de vue des peuples autochtones eux-mêmes. Lorsqu'il évalue une revendication relative à l'existence d'un droit ancestral, le tribunal doit tenir compte du point de vue du peuple autochtone qui revendique ce droit.
Le projet de loi proposé va dans le sens des appels à l'action de la Commission de vérité et de réconciliation (CVR) et de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, qui sont appuyés par les Premières Nations et que le Canada s'est engagé à respecter et à mettre en oeuvre. Je parle ici des appels à l'action 13 à 15 de la CVR et des articles 1, 2, 3, 5, 7, 8, 11 à 16, 18, 20, 22, 23, 25 à 27, 31, 33, 34, 36, 37, 39, 40 et 42 à 46 de la Déclaration des Nations unies. Nous avons préconisé l'intégration de ces articles au texte de la loi, mais cela n'a pas été fait. On y trouve toutefois des renvois à la Déclaration des Nations unies.
Nos langues autochtones font en sorte que nous bénéficions du droit à l'autodétermination, tel que stipulé dans la Déclaration des Nations unies, et la langue est une caractéristique déterminante de notre statut de nations.
Je dis toujours que cinq éléments sont nécessaires pour que le droit inhérent à l'autodétermination puisse être reconnu non seulement au sein de l'État appelé Canada, mais à l'échelle planétaire. Vous devez avoir vos langues, vos terres, vos lois, vos peuples et vos formes distinctes de gouvernement.
La langue est donc l'un de ces cinq éléments fondamentaux pour notre survie.
En vertu de ce projet de loi, le gouvernement s'engage à fournir un financement adéquat, stable et à long terme pour la revitalisation de nos langues.
Ce projet de loi comporte des dispositions visant à faire en sorte que le gouvernement consulte les gouvernements et les instances dirigeantes autochtones en vue de fournir un financement suffisant, stable et à long terme pour la réhabilitation, la revitalisation, le maintien et le renforcement de nos langues.
La teneur de ce projet de loi témoigne de la nécessité de miser sur des approches à multiples volets. Il faut que les écoles, aussi bien dans les réserves que dans les milieux urbains et ruraux, créent et mettent en oeuvre des programmes efficaces d'éducation bilingue et d'immersion, et ce, dès l'âge préscolaire.
Nous avons besoin de programmes qui incitent tous nos gens à parler nos langues, peu importe leur âge, afin d'insuffler un dynamisme nouveau à nos communautés en tant que lieux d'épanouissement de la culture. Ces approches doivent être élaborées et mises en oeuvre sous l'égide des Premières Nations.
Les investissements financiers requis sont considérables et les besoins en la matière ne peuvent pas attendre. Il faut notamment que le budget fédéral de cette année prévoit un investissement pour la revitalisation linguistique et les activités connexes.
Deuxièmement, l'adoption de cette loi est importante pour les peuples autochtones et pour tous les Canadiens.
Selon un sondage mené en 2017 par Nanos Research, 74 % des Canadiens appuyaient déjà l'élaboration d'une loi sur les langues autochtones. Tous les partis politiques pourraient donc en sortir gagnants. Les Canadiens sont favorables à une loi semblable et comprennent sa nécessité. C'est bon pour tout le monde. Vous parlez sans cesse de réconciliation, et nous avons ici une mesure concrète en ce sens. Tout le monde y est favorable.
Le Canada doit redéfinir sa vision d'un pays multiculturel et multilingue de manière à inclure les peuples qui ont été les premiers à occuper ce territoire. Le pays qu'est devenu le Canada a été formé en partie à la faveur de traités de nation à nation. Les langues autochtones ont été employées dans l'élaboration de ces traités. Nos langues autochtones ancestrales sont essentielles à une pleine compréhension de notre histoire commune.
Nous avons rencontré des organisations représentatives de la francophonie qui comprennent bien l'importance de la reconnaissance et de l'affirmation de nos droits linguistiques. Cette loi n'aura pas pour effet de miner les droits des autres groupes linguistiques. Elle émane de la reconnaissance des droits linguistiques autochtones, car toutes les langues ont leur importance.
Autant du point de vue socioéconomique qu'en matière de santé, la connaissance de sa langue et de sa culture procure des avantages qui ne se limitent pas aux seuls individus concernés. Cette connaissance contribue au renforcement de nos communautés, des Premières Nations et du Canada dans son ensemble. Apprendre à parler couramment sa langue à un jeune âge permet de mieux réussir à l'école et dans la vie. Des études l'ont démontré. Vous savez ainsi qui vous êtes et d'où vous venez. Vos chances de réussite scolaire s'améliorent d'autant.
Il y a d'excellents arguments en faveur d'une telle approche. On investit dans le segment de la population canadienne qui connaît la plus forte croissance, soit les jeunes hommes et les jeunes femmes des Premières Nations, et on peut s'attendre à ce que cet investissement rapporte gros. Ce sont les arguments que l'on peut faire valoir à ceux qui arrivent difficilement à saisir l'importance des droits fondamentaux de la personne ou des droits inhérents des Autochtones, et de leurs droits ancestraux ou issus de traités. C'est tout ce qu'il y a de plus logique.
Une mise en oeuvre culturellement appropriée de cette loi pourra tous nous aider, Premières Nations et Canadiens, à nous remettre de notre histoire commune des pensionnats indiens. Il est temps de remédier aux torts causés par ces politiques néfastes et d'inverser la tendance à la perte de nos langues. La société canadienne sera plus saine et plus forte si elle mise pleinement sur la paix, la diversité, le respect et l'inclusion. C'est une société où chacun pourra vivre dans la liberté et la dignité, notre force résidant dans le respect de ces principes fondamentaux.
Les Nations unies ont proclamé 2019 Année internationale des langues autochtones. Que le Canada soit un exemple de ce que cela signifie non seulement de célébrer, mais aussi d'appuyer concrètement les langues autochtones en adoptant ce projet de loi et en appuyant l'instauration d'une Décennie internationale des langues autochtones.
Il faut agir sans tarder parce qu'aucune langue autochtone au Canada n'est à l'abri d'une possible extinction. On ne saurait trop insister sur l'urgence de revitaliser nos langues et la nécessité de ne pas faire traîner les choses en longueur. Comme je reconnais les limites inhérentes à tout processus législatif, je pense qu'il faut nous interroger sur les moyens à prendre pour aller de l'avant le plus rapidement possible compte tenu de l'urgence de la situation.
Nous pouvons apporter des améliorations à la loi dans le cadre des travaux de votre comité. Comme on dit toujours que rien n'est parfait, trouvons des façons d'améliorer les choses. À titre d'exemple, l'Assemblée des Premières Nations a préconisé une référence mieux intégrée à la déclaration des Nations unies. La formulation de la disposition en faveur d'un « financement adéquat, stable et à long terme » pourrait également être renforcée.
La prestation de services du gouvernement fédéral dans des langues autochtones est à la fois une attente et un droit.
On gagnerait également à clarifier et à renforcer l'exigence relative à l'offre de services de traduction de documents et d'interprétation par les institutions fédérales lorsque cela est nécessaire.
À l'heure actuelle, le droit canadien en matière de propriété intellectuelle ne reconnaît pas et ne protège pas les langues autochtones en tant que savoir traditionnel et n'accorde pas de droits de propriété intellectuelle à cet égard. Les participants aux séances nationales de mobilisation ont souligné la nécessité d'inclure une telle protection dans la loi. Nous devons nous assurer de recenser nous-mêmes ces connaissances de telle sorte que d'autres institutions, notamment du milieu de l'enseignement, ne s'approprient pas les droits d'auteur afférents.
Les Premières Nations sont attachées à leurs langues. Comme en témoigne le nombre croissant de ceux qui apprennent une langue seconde, nos jeunes se soucient de leur langue. Les Autochtones et leurs organisations seront les maîtres d'oeuvre de la réhabilitation, de la revitalisation, du maintien et du renforcement de nos langues.
La collaboration aux fins du développement ne doit pas s'arrêter là. Le projet de loi pourrait aussi préciser que les Premières Nations doivent participer à la mise en oeuvre tant avant qu'après l'entrée en vigueur de la loi. Nous devons continuer à travailler ensemble pour que la loi concernant les langues autochtones puisse être mise en oeuvre de la bonne façon.
En conclusion, ce projet de loi sera pour nous tous un tremplin. C'est une loi habilitante qui nous fournit un moyen d'appuyer concrètement et de financer adéquatement des initiatives menées par les Autochtones pour faire revivre nos langues. Ils nous offrent l'occasion de retrouver notre fierté à l'égard de nos langues, de les parler de nouveau couramment et d'en faire des langues vivantes en les faisant renaître dans nos foyers, nos communautés et notre vie quotidienne.
Pour montrer notre bonne foi, nous devons consacrer autant de temps et d'énergie à la revitalisation des langues des Premières Nations que le Canada en a consacré à leur éradication. En adoptant ce projet de loi, nous laisserons un précieux héritage à nos enfants qui pourront ainsi grandir en apprenant et en parlant leur langue. Nos langues, les langues originales de ce pays, peuvent et doivent à nouveau être entendues partout au Canada. Pour que cet héritage se transmette bel et bien, nous insistons également pour que, en plus de l'Année internationale des langues autochtones célébrée en 2019, l'ONU instaure sans tarder une Décennie internationale des langues autochtones.
Kinanaskomitin.
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C'est une bonne question. Cette loi vise d'abord et avant tout à revitaliser nos langues pour que l'on puisse de nouveau les parler couramment. On recense au Canada 634 Premières Nations comptant plus d'un million de membres. Il y a au total 90 langues autochtones. Selon votre territoire d'origine, vous pouvez ainsi parler le micmac, le malécite, le passamaquoddy, le mohawk, le déné, le cri, le tlingit ou le pied-noir. Il y a tellement de nations et de tribus différentes.
Votre question est tout à fait pertinente, car la moitié de nos gens vivent dans une réserve, alors que l'autre moitié est à l'extérieur de la communauté. Conformément à l'intention visée par cette loi, les sommes prévues pourraient, par exemple, servir au développement d'un programme d'études pour le préscolaire, à la formation des enseignants, à l'établissement de modèles d'apprentissage avec mentor, à la documentation et à la numérisation dans un souci d'accessibilité, au développement du bilinguisme... Ce sont des choses qui peuvent se faire aussi bien dans les réserves qu'à l'extérieur, car la moitié de nos gens ne vivent pas dans les réserves. Je dois aussi tenir compte du fait qu'il n'y a pas de réserves au Yukon et dans les Territoires du Nord-Ouest. Il faut faire attention à la manière dont nous formulons le tout de telle sorte que tous puissent bénéficier de ces mesures.
La technologie est essentielle si l'on veut rejoindre tous nos membres, soit pas seulement ceux qui vivent dans la communauté de Little Black Bear; mais aussi ceux qui habitent à Regina, Saskatoon, Toronto et ailleurs au Canada. Nous ne pouvons pas nous en passer.
Il y a aussi un rôle à jouer par le gouvernement provincial, car ce sont les provinces qui décident du programme d'études. Les provinces peuvent également consentir des investissements à cette fin. Je peux vous donner l'exemple de la Colombie-Britannique. Le gouvernement de cette province a investi 50 millions de dollars pour la revitalisation des langues autochtones. C'est énorme.
Il faut donc considérer la technologie et la contribution du gouvernement provincial, mais il faut également prendre en compte le principe établi dans l'arrêt Corbière. Suivant cette décision récente de la Cour suprême, chaque citoyen des Premières Nations a le droit de voter pour l'élection de son chef et des membres de son conseil, peu importe son lieu de résidence. Les chefs représentent tous leurs membres, autant ceux qui vivent dans la communauté que ceux qui résident ailleurs. Cela soulève la question de la transférabilité des services et des programmes de même que des droits.
En combinant ces trois éléments — la technologie, la participation du gouvernement provincial et, dans certains cas, de l'administration municipale des grandes villes, et la délégation des ressources nécessaires aux services et aux programmes de telle sorte que les chefs et les conseils puissent s'occuper eux-mêmes de leurs citoyens —, on devrait pouvoir régler la question de l'accès aux services et aux programmes pour ceux qui vivent à l'extérieur de la communauté.
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C'est encore une bonne question. Comment doit-on s'y prendre?
Il faut intervenir davantage auprès des premiers ministres des provinces et des gouvernements provinciaux et territoriaux. Nous avons demandé des modifications aux programmes d'études de telle sorte que l'on enseigne aux élèves de toutes les écoles en quoi consistent les droits ancestraux et issus de traités des Autochtones.
Pour vous donner un exemple, c'est une exigence de la loi en Saskatchewan. On doit dispenser de l'enseignement au sujet des traités de la maternelle jusqu'à la fin du secondaire. À partir de cet enseignement, on peut aussi parler des répercussions des pensionnats indiens ainsi que des effets de la Loi sur les Indiens qui est en vigueur depuis 1876. Nous devons changer le programme d'études. Comme cela relève de la compétence des provinces, il faut un effort très concerté pour exercer des pressions à ce niveau. On commence à observer un mouvement en ce sens dans les différentes régions du pays, car c'est ainsi que les changements nécessaires pourront être apportés.
Encore là, il y a une gouvernance à exercer à l'intérieur du territoire de la réserve, mais le fait que bon nombre de nos gens vivent à l'extérieur nous oblige à adopter une stratégie à deux volets. Le gouvernement fédéral peut apporter sa contribution, ce qu'il fait avec ce projet de loi, mais les provinces ont aussi un rôle à jouer. C'est donc l'un des enjeux à considérer.
Approfondissons un peu la question. Si ces programmes d'études sont modifiés de telle sorte que nos droits soient enseignés de la maternelle jusqu'à la fin du secondaire, qu'en est-il des futurs enseignants qui vont obtenir leur diplôme? À l'heure actuelle, les universités ne leur enseignent pas la façon dont ils devraient s'y prendre pour parler aux élèves de l'esprit et de l'intention des traités, ou pour intégrer quelques-unes de nos cérémonies dans ces institutions non autochtones que sont les écoles catholiques, publiques ou privées. C'est un autre élément essentiel.
Il importe de changer les programmes d'études, mais il faut aussi que les universités et toutes les facultés de l'éducation puissent s'ajuster en conséquence. Il faut intégrer nos connaissances traditionnelles et celles de nos aînés à ce niveau de telle sorte que les jeunes hommes et les jeunes femmes qui obtiennent leur diplôme d'enseignant sachent ce que l'on entend par l'esprit et l'intention d'un traité. Je pense par exemple aux termes [Le témoin s'exprime dans une langue autochtone.], « céder, abandonner et renoncer ». Je ne saisis pas toutes les nuances de sens entre ces termes. Je ne crois pas que le chef Little Black Bear les saisissait en 1874. Il ne pouvait pas compter sur l'aide d'un avocat capable de lui expliquer les répercussions de son geste lorsqu'il a apposé sa marque à quatre branches sur ce traité. L'esprit et l'intention derrière le partage du territoire, derrière une éducation de qualité — toutes ces choses doivent être enseignées.
Il faut donc que des changements soient apportés aux programmes d'études et les universités devront aussi s'adapter en conséquence.
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Je vous remercie de cette question, parce que les deux vont de pair. Il y a un lien direct entre les deux.
Encore une fois, nous parlons actuellement l'anglais, la merveilleuse langue anglaise.
[Français]
Cependant, je parle un peu français.
[Traduction]
Ce sont deux langues magnifiques, merveilleuses, mais apisis nehiyawewin, je parle un peu le cri aussi. C'est important, parce que dans nos cérémonies et nos huttes, quand on prie — ehkakisimot —, quand on fume la pipe, on est censé utiliser sa propre langue, le don que nous a fait le Créateur. C'est ce que nous enseignent nos aînés. Quand on participe à une cérémonie, à la danse du soleil, qu'on entre dans une tente de sudation, on est censé utiliser ce don du Créateur. Les deux sont liées. La langue est liée à la cérémonie, inextricablement. On ne peut pas séparer les deux.
Nous disons que ce qui nous a été donné est bien ainsi. Nos anciens disaient qu'ils ne manqueraient jamais de respect aux églises, que les églises étaient une bonne chose, un lien avec Dieu. C'est ce que le Créateur a donné à ces peuples, c'est ce qui est bien pour eux, et ils n'auraient jamais rien dit de négatif contre cela. Ce mode de vie, notre mode de vie, n'est pas le même et cet autre mode de vie n'est pas le nôtre. Pendant des années, les pensionnats et la Loi sur les Indiens laissaient entendre que notre mode de vie n'était pas bon. Maintenant que nous retrouvons notre fierté, nous retrouvons nos langues, et nos cérémonies reviennent en force. Tout cela est lié, parce que c'est ce que le Créateur nous a donné. Tout est totalement lié.
Je participe à des cérémonies partout au Canada. J'ai eu le grand honneur d'entrer dans la longue maison des Haudenosaunee. Tout y est mohawk. Tout se vit en mohawk. De même, dans nos huttes, tout est en cri, comme la danse du soleil. Chez les Saulteaux, tout est en ojibwé. C'est un grand honneur que de le voir.
C'est l'un des enseignements des aînés. Ces deux choses sont liées, donc il faut les deux. Elles définissent qui vous êtes, qui nous sommes. C'est inévitable. Il faut les deux.
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Je souligne volontiers que les gouvernements, les municipalités et les organismes doivent tous travailler en partenariat pour que nous retrouvions la maîtrise de nos langues. L'objectif, c'est qu'on les parle couramment. Nous ne voulons pas que d'autres langues de nos Premières Nations disparaissent. Voilà donc l'objectif du projet de loi.
Comme je l'ai mentionné plus tôt, c'est ce que souhaitent également 74 % des Canadiens: revitalisation des langues autochtones, retrouver leur maîtrise.
Je le dis même ainsi, et j'ai déjà dit que si l'on ne comprend pas les droits de la personne, les droits issus de traités ou les droits autochtones, c'est logique, car des études montrent que lorsqu'on parle couramment sa langue, on réussit mieux à l'école et, par conséquent, dans la vie. Le segment de la population canadienne qui connaît la croissance la plus rapide, c'est celle des jeunes membres des Premières Nations.
Les personnes âgées avaient l'habitude de dire « Nôsisim, petit-fils, nous vivons dans deux mondes et nous avons besoin de deux systèmes d'éducation maintenant ». Auparavant, je me demandais de quoi elles parlaient. Ma conception des choses a toujours correspondu à ceci: aller à l'école de la maternelle à la douzième année; apprendre les maths et les sciences; savoir lire, écrire et compter; aller à l'université; suivre une formation technique et professionnelle. Oui, nous le comprenons. Or, ce qui est tout aussi important, ce sont les langues, les cérémonies, les traditions, la culture, savoir qui l'on est et d'où l'on vient. On a maintenant besoin des deux volets en tant que Huu-ay-aht, Anishinaabe, Micmac, Haudenosaunee. Il s'agit d'atteindre un équilibre, car pendant des centaines d'années, le message que les pensionnats envoyaient à nos peuples, c'était que nos langues, nos cérémonies et nos cultures ne valaient rien. Cela nous revient maintenant, et nous sommes fiers. Si l'on commence à parler de réconciliation, il incombe non seulement à tous les gouvernements et à toutes les municipalités, mais aussi à tous les Canadiens d'appuyer cela.
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Je vous remercie beaucoup de votre présentation et de vos observations. Si je peux résumer ce que je crois comprendre et déterminer si vous pouvez me dire... Tout d'abord, vous parlez — je crois que vous l'avez fait à quatre ou cinq reprises — d'un sentiment d'urgence à cet égard et de la nécessité d'adopter le projet de loi d'ici à la fin de juin.
Vous avez dit pourquoi il y a urgence: aucune langue n'est protégée et vous ne voulez pas qu'il y ait d'incertitudes. Je crois avoir bien compris cela.
Vous avez dit également qu'aucune loi n'est parfaite et que rien n'est parfait, mais que vous estimiez qu'on s'entend assez bien en général sur le projet de loi.
Lors de témoignages précédents, nous avons examiné certains de ces aspects qui devraient être examinés ou modifiés.
Les articles 1 à 11, si je comprends bien, sont davantage des énoncés de valeur. Ce sont les principes. Ils traitent un peu de la structure organisationnelle, mais on y présente le cadre général de ce que nous voulons accomplir. On y fait référence à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, à la Constitution et à un certain nombre de questions qui y sont liées.
Les articles 12 à 30 portent sur le Bureau du commissaire aux langues autochtones et sur les directeurs qu'il comptera. Je pense que c'est à cet égard que l'interprétation peut grandement varier. À un certain nombre de reprises, vous avez dit qu'il fallait pouvoir répondre aux besoins locaux, aux besoins des régions géographiques et à ceux des gens qui y vivent.
Ensuite, je crois que les articles 31 à 42 traitent d'une responsabilité commune quant à la mise en oeuvre et du besoin de flexibilité.
Je ne crois pas me tromper jusqu'à maintenant. J'aimerais savoir si vous convenez que les valeurs qui sont reflétées sont appropriées, qu'elles jettent les bases et que le bureau du commissaire sera capable de prendre ces décisions. Nous ne savons pas encore qui seront le commissaire et les directeurs, mais nous croyons qu'ils seront représentatifs et issus des communautés autochtones et qu'ils seront capables de le faire.
Ce qui me préoccupait au sujet des mesures législatives auparavant, c'est qu'on y incluait trop de détails, et que nous n'étions pas en mesure de répondre aux besoins au fil des changements. Je veux seulement savoir si vous êtes d'accord avec moi ou si vous me corrigeriez, ou s'il s'agit d'une interprétation juste de ce que j'ai entendu dans votre témoignage.
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Bonsoir. Je me nomme Dwight Newman. Je suis professeur de droit et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les droits des Autochtones en droit constitutionnel et international, à l'Université de Saskatchewan.
Je poursuis un vaste programme de recherche sur les droits des Autochtones, en droit constitutionnel et international. J'exerce divers rôles stratégiques connexes, notamment en ma qualité de Munk senior fellow de l'Institut Macdonald-Laurier et de membre du comité chargé de la mise en oeuvre des droits des peuples autochtones de l'Association de droit international.
Je comparais à titre personnel en réponse à une invitation que j'ai reçue la semaine dernière, et je suis heureux d'aider votre comité, dans la mesure de mes moyens, dans l'examen du projet de loi .
Ma déclaration préliminaire vise deux objectifs. D'abord, souligner l'importance d'appuyer les langues autochtones et démontrer pourquoi les objectifs de ce projet de loi devraient obtenir l'appui de tous les partis; enfin, désigner un certain nombre d'articles précis du projet de loi qui méritent réflexion ou sur lesquels il faut poser d'autres questions, pour édicter le meilleur projet de loi possible.
Pour commencer, je tiens à souligner le fait que les publications savantes sur les droits linguistiques font en général allusion à de nombreux facteurs qui contribuent à l'urgence des initiatives sur cette question. La langue n'est pas seulement un moyen de communication, ce qui est en soi important, mais c'est aussi un véhicule de culture et de survie culturelle, un fondement de la solidarité sociale et de l'estime de soi des différentes communautés et un conservatoire des notions et des valeurs mises en relief par différentes conceptions du monde qui contribuent à la diversité des points de vue sur notre quête commune de signification dans la vie humaine.
Appuyer les langues autochtones, c'est appuyer des communautés humaines, des réseaux de parenté, des familles et des individus. Dans le contexte canadien, c'est aussi une réponse essentielle à des erreurs tragiques du passé, dans la mesure où le réseau des pensionnats a déchiré des familles et des communautés et mis à mal les cultures et langues autochtones.
Les excuses présentées par le gouvernement canadien, en 2008, pour l'affaire des pensionnats, ont été un moment marquant dans la réconciliation, mais les excuses doivent se traduire par des mesures concrètes, en l'occurrence des mesures de restauration pour les familles, les communautés et les cultures. L'appui aux langues autochtones est une initiative politique urgente.
Ensuite, je tiens à examiner le projet de loi et à dégager un certain nombre de questions que votre comité pourra vouloir examiner. Ce projet de loi a été soumis au Parlement à un moment particulier, et l'examen rapide qu'on pourrait finir par lui consacrer comporte des dangers, mais nous devons tous faire de notre mieux en lui accordant l'attention profonde qu'il mérite dans le peu de temps disponible.
Je mettrai en évidence un certain nombre de questions que votre comité pourrait, d'après moi, vouloir examiner, des questions très précises sur des articles du projet de loi, mais j'espère que, du point de vue juridique, ce sera utile.
L'article 2, sur les définitions, ne définit pas l'expression « langues autochtones », qui, bien évidemment, se répète ailleurs dans le projet de loi. De plus, y aurait-il lieu de prévoir l'adoption, par voie réglementaire, d'une liste des langues autochtones, pour dissiper toute ambiguïté sur les langues sur lesquelles le commissaire devrait se focaliser, liste qui pourrait être élaborée, manifestement avec son concours et en consultation permanente avec les peuples autochtones du Canada?
Plusieurs autres expressions qu'on trouve ailleurs dans le projet de loi ne sont pas définies non plus dans l'article 2. À côté de celles de « peuples autochtones », de « corps dirigeant autochtone » et d'« organisme autochtone », celles de « groupes autochtones », de « communauté autochtone » et de « gouvernements autochtones » brillent par leur absence. J'invite seulement le Comité à réfléchir sur les éventuelles difficultés qui pourraient en découler.
Allons directement à l'article 25, pour mettre en relief l'affirmation selon laquelle le commissaire peut financer, comme on peut le lire, les communautés, les gouvernements ou les corps dirigeants autochtones. Cette terminologie exclut implicitement mais visiblement les organismes autochtones — autre expression figurant dans le projet de loi —, qui comprendraient ceux qui travaillent en milieu urbain. On peut simplement se demander si le Parlement sait qu'il entend priver les organismes autochtones urbains de la possibilité d'un financement direct de la part du Bureau. C'est seulement une question à élucider.
Revenons au début, à l'article 6, qui reconnaît la teneur de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Pour ma part, j'ai publiquement affirmé que j'étais d'accord avec l'affirmation relative au fond de l'article 35 qu'exprime cet article et je défendrais aussi le rôle des législatures dans l'interprétation constitutionnelle des lois. Mais cette dernière position ne fait certainement pas l'unanimité.
Je recommanderais vivement au comité de bien se demander si une disposition comme l'article 6 est bien à sa place dans le corps du texte de la loi qui serait édictée, au lieu de faire partie d'un préambule, par exemple. Je n'ai pas réussi à trouver d'équivalents antérieurs dans d'autres lois. Quelqu'un pourra venir à ma rescousse, mais avec les paramètres de recherche dont je disposais, j'ai fait chou blanc.
Vous pourrez vouloir examiner si le fait, pour une législature, de se prononcer sur l'interprétation d'un article de loi constitutionnelle, à la place des tribunaux, risque de poser une question de séparation des pouvoirs. Ou si le fait, pour le Parlement fédéral, de se prononcer sur une question constitutionnelle touchant aussi, en fin de compte, les provinces, par le moyen d'une loi fédérale, met en cause le fédéralisme.
Dans l'article 7, les versions anglaise et française ne semblent pas se correspondre entièrement, du moins si on les compare à d'autres documents fédéraux concernant les droits des Autochtones et si on s'arrête à leur terminologie anglaise et française correspondante. Dans le projet de loi, la locution « en vue de » correspond ailleurs à l'expression anglaise « with the aim of », tandis que la locution anglaise « in order that », correspond habituellement à « afin de ». Ces expressions peuvent avoir des significations différentes pour les juristes, et, la version anglaise de l'article en question emploie une terminologie qui, dans d'autres contextes, implique l'obtention d'un résultat important, énoncé à la suite de la locution. Ça peut sembler très technique, mais ce projet de loi deviendra loi.
Je ne vois pas toutes ces conséquences, mais cette perception se défend, et si on adopte le projet de loi tel quel, on pourrait se retrouver dans une querelle dont l'un des protagonistes pourrait prétendre, avec une certaine crédibilité, que la version anglaise de l'article 7 entraîne, avec plus de force que la française, une obligation de financement. Je sais qu'il existe diverses opinions sur l'obligation visée à l'article 7, mais il convient de rapprocher les deux versions, et le Parlement devrait comprendre à quoi leur libellé, finalement, l'engagera.
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Dernièrement, la question de la revitalisation des langues autochtones, qu'évoquait le rapport de cette commission, a eu, chez nous, une certaine résonance. Nous, les Juifs, nous connaissons l'importance de la langue. Elle n'est pas seulement un moyen de communication. Elle porte une histoire, une culture et une identité enracinée dans le passé, le présent et l'avenir.
Mme Pamela Serota Cote, dont la recherche pour sa thèse de doctorat à l'Université de San Francisco a porté sur le breton et l'identité bretonne, a fait remarquer que:
Comme la langue révèle une signification culturelle et historique, quand on la perd, on perd aussi ce lien avec le passé. Sans ce lien, on perd ses points de repère, la notion de but et celle de chemin parcouru; il faut connaître ses origines pour savoir où on va.
Comme les peuples autochtones, les Juifs connaissent de première main la véracité de cette affirmation. Il y a un peu plus d'un siècle, l'hébreu, langue originelle du peuple juif, était considéré comme en état de dormance par le reste du monde, sinon morte, confinée qu'elle était aux textes religieux et aux prières déclamées dans la synagogue.
[Français]
En 1890, la communauté juive qui vivait à l'endroit où se trouve maintenant l'État d'Israël a fait le choix déterminant de créer un comité pour la langue hébraïque afin de faire de l'hébreu une langue parlée dans tous les aspects de la vie, soit à la maison, à l'école, dans la vie publique, en affaires, dans l'industrie, dans les arts et dans les sciences.
[Traduction]
Le comité a conclu que la langue originelle du peuple juif, l'hébreu, devait être restaurée dans la patrie du peuple juif. Il a lancé un vaste programme visant à transformer l'hébreu des textes et des rituels religieux en une langue du quotidien. À la création d'Israël, en 1948, sa renaissance générale qu'avait prévue le comité s'était réalisée. Le vocabulaire de l'hébreu biblique possède en gros 7 000 mots, tandis que celui de l'hébreu moderne en compte environ 33 000.
[Français]
Ainsi que l'observait l'auteur hébraïque Yehuda Burla, la fondation première de toute nation est sa langue nationale. Pour les Israéliens, la revitalisation de l'hébreu a été centrale pour la renaissance de la nation juive. Pour la diaspora juive, y compris la communauté juive canadienne, la restauration de l'hébreu au centre de l'expérience juive a énormément enrichi l'identité des Juifs, et ce, partout dans le monde. Aujourd'hui, ce n'est pas seulement dans les synagogues — y compris au Canada — que nous entendons l'hébreu. Les Juifs du monde entier se connectent à leurs racines en étudiant l'hébreu. C'est là une clé qui leur permet d'accéder au monde vibrant qu'est la culture juive moderne.
[Traduction]
Toute la planète peut maintenant en profiter. Certaines des meilleures émissions sur Netflix sont en hébreu. Si ça vous intéresse, je pourrai vous citer quelques titres après la séance.
La revitalisation de l'hébreu a changé pour de bon l'expérience juive mondiale. La situation des langues autochtones du Canada diffère quelque peu de celle de l'hébreu, mais nous croyons que l'adoption du projet de loi pourra avoir des conséquences semblables.