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Bonjour, madame la présidente, mesdames et messieurs les députés.
J'aimerais parler des difficultés auxquelles nous sommes confrontés dans le contexte de ce qui se passe aujourd'hui et de ce qui s'est passé hier, concernant une ville canadienne et une victime canadienne du terrorisme et de l'islamophobie.
Hier, aux Nations unies, une réfugiée canadienne, Ensaf Haidar, a pris la parole devant le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Son mari est incarcéré en Arabie saoudite sur des accusations d'islamophobie et il purge une peine de 10 ans de prison et d'un millier de coups de fouet. Bien entendu, le Times de Londres a jugé pertinent de publier cette histoire. Les journaux canadiens ont manifestement trouvé qu'il serait islamophobe de publier quoi que ce soit à propos d'une victime accusée d'islamophobie et emprisonnée à cause de cela.
L'autre chose, c'est le procès de deux jeunes terroristes djihadistes qui se déroule à Montréal en ce moment. Si j'étais un des voisins, je me sentirais peut-être mal à l'aise d'entendre des gens dire que l'islamophobie n'est pas fondée et qu'il ne s'agit de rien de plus qu'une réaction irrationnelle répondant au raciste qui sommeille essentiellement dans la plupart des Canadiens blancs.
J'écoutais Iqra Khalid, lundi, et je n'ai pas pu m'empêcher de remarquer deux mots qui revenaient dans la discussion, et autour desquels les priorités relatives à l'islamisme seront mises en avant. L'un de ces mots est « expert ». Ce mot est tiré directement du credo islamiste du siècle dernier, sous la domination de djihadistes comme Hassan al-Banna, fondateur des Frères musulmans, Sayyid Qutb, d'Égypte, et Syed Maududi, du Jamaat-e-Islami, en Inde et, plus tard, au Pakistan. Ces trois hommes sont les pendants islamofacistes de Marx, Lénine et Trotsky. Leurs fidèles se trouvent dans presque toutes les universités et écoles urbaines d'Amérique du Nord, et ils se sont trouvés sur la liste des personnes servant de façade aux Frères musulmans que le FBI a dressée dans le cadre du procès lié à l'attaque terroriste au Texas, il y a quelques années.
Ces fanatiques djihadistes orthodoxes prétendent que seuls les experts — pas les historiens, les universitaires et les auteurs, et certainement pas les femmes — peuvent comprendre l'Islam ou exprimer une opinion sur une question controversée. Ce sont donc de tels experts qui se portent à la défense de la polygamie, de la mutilation génitale des femmes, ou MGF, des mariages d'enfants, des esclaves sexuels et de l'éloge du djihad armé.
Cependant, le problème fondamental qui se pose à vous, ou aux Canadiens — le problème très actuel —, c'est le mot « islamophobie ». L'Oxford Dictionary définit l'islamophobie comme étant — traduction libre — une aversion ou une peur intense de l'islam, en particulier comme force politique; une hostilité ou un préjugé contre les musulmans. Il y a aussi la définition d'Andrew Cummins, qui a tenu un jour des propos souvent attribués par erreur à Christopher Hitchens. Selon cette définition, l'islamophobie « est un terme créé par des fascistes et utilisé par des poltrons pour manipuler les crétins ». La députée Iqra Khalid le définit comme étant « une peur ou une haine irrationnelle des musulmans ou de l'islam ».
Étant musulman, je dirais que toutes ces définitions sont sans doute justes, compte tenu de certaines circonstances, mais en occident, personne — pas Oxford ni M. Hitchens ni aucun autre critique ou défenseur — n'a parlé de la connotation du mot « islamophobie ». Je ne parle pas du sens, mais bien de la connotation. Les musulmans qui ont formé une organisation appelée « Muslims against M103 » croient que les députés canadiens se font berner — pardonnez-moi l'expression. Par exemple, sur le sous-continent indien où près de la moitié des musulmans du monde entier vivent, et d'où sont originaires de nombreux islamistes qui ont essayé sans succès de faire intégrer la charia dans le droit familial ontarien en 2005, le terme « islamophobie » se traduit librement par Islam dushmani, ce qui signifie « ennemis de l'islam ». Cela s'oppose à Islam pasand, qui signifie « amis de l'islam ». Si vous n'opposez pas ces deux expressions, vous ne comprendrez pas la connotation réelle derrière l'utilisation explosive du mot « islamophobie ».
Nous avons vu cela au Darfour, où un demi-million de musulmans noirs ont été assassinés. Quand plus d'un million de musulmans à la peau foncée ont été tués, la raison donnée en 1971 par les Pakistanais et les Bangladeshis, c'est que les musulmans du Bangladesh étaient des Islam dushmani, donc des islamophobes, alors que les musulmans du Pakistan étaient des Islam pasand, ou des amis de l'islam.
Nous avons vu cela au Darfour avec les janjawids, et en Syrie avec la dictature répressive d'Assad, déclaré anti-islamique par les dictateurs d'Arabie Saoudite, considérés comme les amis de l'islam. Un demi-million de personnes sont mortes à ce jour, dans le djihad mené contre les islamophobes par les amis saoudiens et qataris de l'islam. Nous, les musulmans qui nous opposons aux islamistes, estimons que l'étiquette « islamophobe » a été introduite dans le but de nous cibler dans le cadre du processus lié à la motion M-103. Le but premier de cela est d'étouffer nos voix quand nous dénonçons la polygamie, la mutilation génitale des femmes, les mariages d'enfants, les crimes d'honneur, le djihad armé, la discrimination raciale qui se répand là où l'islamophobie est bannie et, surtout, la burka, qui n'a rien à voir avec l'islam, mais qui équivaut à une gifle au visage des féministes qui luttent depuis 200 ans.
Nous qui avons fui le monde islamique pour échapper à la tyrannie subie parce que nous étions faussement qualifiés d'islamophobes, et qui sommes venus nous établir au Canada, en fait notre chez-nous, nous constatons maintenant que les ennemis nous ont traqués et que les députés non-musulmans, naïfs et bien intentionnés, se font berner.
La triste ironie des islamistes qui prétendent à l'islamophobie, c'est qu'eux et d'autres musulmans se moquent au quotidien des chrétiens et des juifs. Quand on lit le préambule du Coran, soit la sourate Al-fatiha, 5 fois par jour, ou au moins 20 fois par jour, quiconque prie se moque des chrétiens et des juifs. Ces mêmes personnes se retournent et viennent dire qu'il y a beaucoup d'islamophobie au Canada. La sourate Al-fatiha est l'équivalent musulman du Notre Père des chrétiens; dans cette prière, nous demandons à Allah de nous orienter vers le bon chemin, plutôt que vers celui qu'ont emprunté ceux qui ont suscité sa colère, soit les juifs ou ceux qui sont sortis du droit chemin — les chrétiens.
Pour quiconque le souhaite, j'ai deux traductions du Coran avec moi et je vous les offre, car vous poserez cette question aux experts qui viendront et qui oseront nier catégoriquement que cela existe. Mais cela existe. Cela se fait tous les jours, 5 fois par jour, dans 500 mosquées partout au pays. Pour les hindous, les sikhs et les athées, s'ils pensent s'en être sortis et ne pas être maudits, la congrégation du vendredi commence immanquablement par une prière qui dit: « Oh, Allah, accorde aux musulmans la victoire sur le “Kawm al-Kafirum” », le Kufr, les infidèles — donc vous tous.
La question que je veux vous poser est la suivante, mesdames et messieurs. Est-ce que le Comité du patrimoine canadien va déclarer que toute prière religieuse demandant la victoire des musulmans sur les autres religions est haineuse et, par conséquent, criminelle? Si jamais on déclare que l'islamophobie devient une infraction criminelle au Canada, vous tous aurez causé un tort énorme au patrimoine de votre pays — acquis sur 400 ans — et à la civilisation occidentale qui trouve son origine dans le sacrifice que s'est infligé Martin Luther, au XVIe siècle, quand il a tenu tête à la papauté et à ses indulgences, et a fini par être excommunié. Si vous reconnaissez le rôle de Martin Luther, de la Réforme et du siècle des Lumières, comment pouvez-vous donc enlever aux musulmans le droit de tenir tête à leurs propres papes qui se font passer pour des experts?
J'espère que vous comprenez bien que si vous incluez les mots « condamner l'islamophobie » dans votre proposition finale, vous allez porter atteinte au droit inaliénable de tout musulman canadien de critiquer notre religion, une riche tradition qui a été étouffée par les mollahs, les rois et les califes, jusqu'à maintenant en nous assassinant, en nous décapitant ou en évoquant les lois pour punir l'islamophobie par les décapitations autorisées par la charia, comme pour la Canadienne qui a parlé hier devant les Nations...
[Traduction]
Distingués membres du Comité, je vais vous présenter mon exposé dans ma langue maternelle, question de gagner du temps. Vous constaterez que j'ai un accent très sexy. Ce sera rapide.
[Français]
J'aimerais aujourd'hui profiter de cette occasion pour discuter particulièrement d'un aspect du sujet à l'étude: la montée de la droite au Canada et les blessures sociales qu'elle risque de laisser au sein de notre société.
J'admets immédiatement que le racisme ne se limite pas à une catégorie d'individus. De tout temps, il a été présent parmi nous, et c'est une attention constante de la société civile qui permet de l'endiguer. Il s'est manifesté en tout temps et dans presque toutes les cultures. Je dénonce toute forme d'extrémisme, qu'il soit de droite, de gauche, religieux ou idéologique.
Toutefois, mon propos aujourd'hui se concentrera sur la montée de la droite, car elle représente pour moi, pour des raisons très objectives, une menace encore plus grande que l'islamisme radical, malgré le fait que cette dernière forme de menace a malheureusement déjà tué et continuera de le faire pour un certain temps.
La montée de la droite est une menace plus grande parce qu'elle s'infiltre dans la pensée de nos concitoyens au point d'en déformer la réalité et, avec le temps, en vient à résister aux débats sereins et mesurés. Si elle est laissée à elle-même, cette mouvance prendra tellement racine qu'il faudra sûrement des décennies d'efforts constants afin de s'en débarrasser et de revenir à un climat social permettant l'épanouissement de tous en toute sécurité. J'irais plus loin: la montée de la droite a déjà fait des victimes et nous ne sommes pas loin d'être aux prises avec un terrorisme intérieur encore plus important que celui qui nous menace présentement.
Mes recherches et mon expérience professionnelle m'ont démontré que l'extrême droite, ou, pour certains, la droite alternative, n'est pas uniforme au Canada. Il y a des actions politiques et des discours bien différents d'un bout à l'autre du pays. Faute de temps, je n'irai pas dans les détails, mais disons qu'en général l'extrême droite anglophone de l'Ouest a un discours beaucoup plus près de celui des néonazis et des Blancs suprémacistes dit conventionnels que celui que l'on retrouve au Québec chez une droite dite identitaire. Ces phénomènes sont en partie liés au fait linguistique, les anglophones étant beaucoup plus en contact avec les groupes néonazis américains, et au parcours historique et culturel des groupes visés.
Dans les années 1990, alors que j'étais encore au Service canadien du renseignement de sécurité, j'ai été chargé avec mon équipe d'analyser les menaces de l'extrême droite au Canada. Nous avons pu observer, entre autres, la montée de la droite en Europe. Ce qui ressortait des études spécialisées dans le domaine était la présence de l'insécurité comme facteur crucial favorisant cette montée de la droite radicale. L'insécurité est d'ailleurs un élément très important dans ma présentation. Cette insécurité, si elle n'est pas suffisamment prise en considération par les leaders civils, offre aux fervents de la droite la possibilité de rejoindre toutes les couches de la société, mais particulièrement les plus vulnérables. De fait, les personnes les plus vulnérables sont souvent des personnes éprouvant de l'insécurité. La droite propose un discours souvent démagogique et criblé de faussetés qui attise l'insécurité et la peur. Avec la montée des discours populistes et l'arrivée de l'ère des fausses nouvelles ou des « faits alternatifs », ces phénomènes ont grandement contribué à enraciner cette insécurité.
C'est là que tout se joue. L'enjeu consiste à déterminer le discours qui prédomine et qui est retenu par la population. Pour l'instant, le constat est bien triste. Comme le discours de la droite alternative n'a pas été neutralisé par un contre-discours de nos leaders politiques, elle a pu s'installer et est devenue dangereuse, justement parce que certains la considèrent maintenant comme un phénomène de société tolérable, voire acceptable. Le phénomène devient en effet particulièrement dangereux lorsque le discours insidieux qui est véhiculé se sert d'arguments de peur qui serviront à faire croire aux gens qu'il y a un but légitime de protection de leurs intérêts. Voilà le masque dont se sert allégrement la droite, et ce, en dépit de l'existence d'éléments factuels.
Je déplore à l'heure actuelle le manque de leadership et d'actions concrètes de la part de nos leaders politiques, tous partis et tous paliers gouvernementaux confondus, visant à offrir un contre-discours aux allégations et même aux purs mensonges perpétués par les agitateurs de la droite.
Tout en respectant la liberté d'expression, il y a peut-être lieu de revoir le degré d'acceptabilité des égarements de certains de ces leaders d'opinion ou provocateurs. La grande tolérance canadienne est peut-être devenue notre talon d'Achille. On peut compter sur les doigts d'une main les mesures qu'ont prises les procureurs pour appliquer la loi lorsque des extrémistes se sont livrés à des abus de langage. Ces abus sont repris par toutes sortes de plateformes publiques, leaders politiques ou groupes qui, de manière un peu opportuniste, profitent de la situation pour tenter de gagner quelques votes et n'hésitent pas à provoquer l'insécurité et l'indignation chez certains citoyens.
Je terminerai en parlant de la présence de ces messages insidieux dans la sphère publique. C'est apparemment devenu un simple phénomène permettant d'exprimer des opinions, qu'il s'agisse des médias sociaux ou des médias plus conventionnels. Je parle de ces agitateurs de tout acabit qui ont alimenté, au nom de la critique et du droit de faire déferler leur opinion, un discours qui nourrit l'insécurité. Il est particulièrement déplorable et troublant que nous soyons toujours aux prises avec ce phénomène qui prend de l'ampleur sur la place publique.
Ce phénomène doit être dénoncé par tous: les responsables d'entreprises, les associations de surveillance professionnelles et accréditées et même les simples internautes ou citoyens. Il faut en outre responsabiliser ceux qui ont un accès plus direct au public. C'est en effet l'inaction de tous qui risque d'entraîner des conséquences graves d'un bout à l'autre du pays. Malgré les dénonciations, on continue de marteler les discours hargneux, haineux, voire mensongers, et la population finit par y croire. À titre d'exemple, notons que les autorités policières estiment aujourd'hui que le Québec à lui seul compte entre 50 000 et 55 000 personnes qui adhèrent à la droite identitaire ou en sont partisans. Plus de 15 groupes connus affichent publiquement leur appartenance à la droite identitaire. Un de ces groupes, qui vise à s'armer et à faire des entraînements militaires, a été dénoncé récemment lorsqu'il a fait l'objet d'une couverture médiatique. Quel est l'objectif de ces gens? La question est soulevée.
Au lendemain de la tuerie du 29 janvier dernier à Québec, le directeur du Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence a clairement indiqué, dans une entrevue à la chaîne TVA, que ses bureaux de Montréal avaient reçu plus de 600 appels au cours des neuf derniers mois, que 20 % d'entre eux provenaient de la région de la grande ville de Québec et qu'ils étaient presque tous liés à des problèmes relatifs à la droite radicale.
Avons-nous besoin de plus de statistiques ou d'une autre tuerie pour agir?
Somme toute, notre société est troublée depuis un trop grand nombre d'années par divers grands enjeux. Trouver des boucs émissaires est commode et quasi instinctif quand l'insécurité domine. L'histoire nous a appris des leçons sur les dangers que représente la montée de toute forme d'extrémisme. Revoyons ces leçons, car l'histoire a malheureusement commencé à se répéter et le temps commence à nous manquer.
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C'est l'insécurité. Comme je l'ai mentionné un peu dans ma présentation, l'élément de l'insécurité est probablement celui qui vient dominer l'analyse que l'on peut faire.
Depuis plusieurs années, le Canada est une terre d'accueil pour les immigrants. Le Canada a fait preuve de générosité en accueillant plusieurs personnes. Malheureusement, certaines critiques au sujet du rôle de l'immigrant et du poids de l'immigrant sur la société canadienne n'étaient pas à propos. Avec le temps, cela a énormément nourri la population d'une certaine rancoeur, d'un certain désagrément.
Puis sont survenus les événements du 11 septembre 2001, qui ont entraîné l'omniprésence de la peur et le tabassage médiatique d'une communauté en particulier. J'insiste sur les mots « une communauté en particulier ». Il est intéressant de regarder les faits.
Si je vous demandais de me dire combien d'attentats ou d'explosions au Canada ont été l'oeuvre d'islamistes radicaux depuis le 11 septembre 2001, la réponse serait zéro. Par contre, si je reformulais ma question et que je vous demandais combien d'explosions ou d'attentats à la bombe au Canada ont été l'oeuvre d'extrémistes depuis le 11 septembre 2001, la réponse serait plus de 30. En effet, quatre de ces actes ont été commis au Québec, un en Ontario et le reste en Alberta et en Colombie-Britannique. Ces gestes ont tous été commis par des extrémistes politiquement motivés, qu'il s'agisse de personnes qui tiennent un discours anti-pouvoir, anti-G7, anti-G20, anti-Parti québécois ou anti-Américains, ou d'écolos radicaux.
Pourquoi ne parle-t-on pas des écolos radicaux? Malheureusement, la couverture médiatique exagérée a entraîné une certaine déformation de la réalité, laquelle est exploité par la droite identitaire dans ses façons de procéder.
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Je pense que le Canada est un excellent modèle de multiculturalisme, qui montre que différentes cultures, différentes religions et différentes personnes peuvent se rassembler et cohabiter. On trouve probablement des représentants de tous les groupes ethniques au Canada, d'une manière ou d'une autre.
Le problème actuel, c'est qu'il y a un manque de motivation à dénoncer les abus quand il le faut. Il a fallu les événements de Québec, le 29 janvier dernier, pour que le , le premier ministre du Québec et le maire de la ville de Québec disent enfin publiquement qu'il faut faire attention à ce qu'on dit. Je prends l'exemple de Québec, parce qu'il y a eu là un événement tragique. La vie de six familles a changé à jamais. Cette région est en partie ciblée par ce qu'on appelle les radio-poubelles. Il y a beaucoup de bêtises qui sortent de la bouche de gens qui se sentent autorisés à dire tout ce qu'ils veulent en ondes. Tout cela a commencé vers la moitié des années 1990.
Au Canada, il y a des institutions comme le CRTC, qui délivre des permis aux stations de radio. Les plaintes se multiplient, et les animateurs et stations de radio en cause sont souvent trouvés coupables, si je peux me permettre ce mot, de fanatisme, de racisme, d'islamophobie, de sexisme et même d'incitation à la violence contre certains groupes. Qu'attendons-nous pour leur retirer leurs permis? Ce serait pourtant faisable. Pour revenir aux responsabilités des leaders politiques et des Canadiens, individuellement, nous devons tous intervenir quand quelqu'un quelque part dit une chose inacceptable. Il faut dire à ces personnes qu'elles feraient mieux de bien réfléchir à ce qu'elles viennent de dire et que si elles le croient vraiment, elles ont un problème et qu'il faut en parler. L'absence de débat laisse le champ libre à la droite pour tenir un discours qu'on n'entendait pas avant. Il faut mieux expliquer pourquoi nous devons accueillir des réfugiés. Nous devons accueillir des réfugiés, ce qui nous ramène à un problème encore plus grand: comment la situation au Moyen-Orient a-t-elle pu s'envenimer au point où nous sommes maintenant forcés d'accueillir ces réfugiés?
Quand je travaillais au SCRS, au début des années 1990, j'ai essayé de prévenir des gens de la situation exacte dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui, mais malheureusement, mon rapport a été tabletté. On ne fait rien. Il y a un manque de courage politique. Il faut parfois prendre des décisions difficiles, mais il faut absolument affirmer quelles sont les valeurs canadiennes. Pour revenir à ce que je disais, je pense que nous avons tous les lois et règlements nécessaires. Il nous suffit de les appliquer quand les gens tiennent des propos qui dépassent les bornes.
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Merci, madame la présidente, de m'avoir invitée à prendre la parole aujourd'hui.
J'aimerais d'abord souligner le fait que nous nous trouvons en territoire traditionnel des Algonquins de l'Ontario et reconnaître la présence de longue date des Premières Nations et des peuples inuits et métis au Canada.
Il ne se passe pas une journée sans que des gens me parlent de la discrimination qu'ils ont subie. Pour ces personnes, l'existence du racisme n'est pas une idée dont on peut débattre, mais bien une réalité de tous les jours. Lors de notre récente consultation sur le profilage racial en Ontario, un homme noir nous a dit: « Dans les magasins, on pense que je pourrais être un voleur à l'étalage. Dans la rue, on pense que je pourrais être un voleur de sacs à main ou un cambrioleur. »
Il y a plus de 50 ans, notre gouvernement a créé la Commission ontarienne des droits de la personne pour lutter contre les problèmes d'antisémitisme et de racisme visant les noirs. Malheureusement, notre travail n'est pas terminé; nous découvrons encore aujourd'hui des formes de discrimination restées trop longtemps à l'abri des regards.
Jusqu'à tout récemment, beaucoup de Canadiennes et de Canadiens, moi comprise, en connaissaient très peu sur l'histoire du colonialisme et les répercussions incessantes des traumatismes intergénérationnels sur les peuples et les familles autochtones. Par exemple, une femme nous a dit: « Je travaille comme sage-femme, principalement auprès d'Autochtones, et je ne sais plus de combien de préjugés racistes et de mauvais traitements à caractère racial j'ai été témoin. »
La Commission ontarienne des droits de la personne s'emploie à dénoncer, contester et éliminer les structures et les systèmes discriminatoires généralisés et profondément enracinés grâce à la sensibilisation, à l'élaboration de politiques, à la réalisation d'enquêtes publiques et à des interventions devant les tribunaux. Nous avons élaboré des politiques détaillées sur la discrimination fondée sur la race et les croyances.
Depuis les événements du 11 septembre, nous avons observé une hausse de la discrimination à l'égard des personnes musulmanes ou perçues comme étant musulmanes. Certains se sont dits préoccupés du fait que le terme « islamophobie » est vague et qu'il pourrait être interprété dans un sens large comme englobant toute critique de la foi musulmane. Dans notre politique relative aux croyances, nous définissons l'islamophobie de la façon suivante: « le racisme, les stéréotypes, les préjugés, la peur et les actes d'hostilité dirigés contre des personnes musulmanes précises ou les adhérents à l'islam en général ».
Nous utilisons cette définition depuis de nombreuses années sans en avoir jamais suscité de controverse. Il s'agit d'une définition simple qui est tout à fait en phase avec d'autres termes utilisés couramment dans nos lois relatives aux droits de la personne, comme le racisme visant les noirs, l'antisémitisme et la transphobie.
Nous disposons d'un bassin croissant de preuves indiquant que la discrimination, le harcèlement et même les crimes commis à l'endroit des personnes musulmanes sont en hausse. Plus tôt cette année, Statistique Canada rapportait que le nombre de crimes haineux déclarés par la police avait connu une hausse de 60 % en une année. Les musulmans constituaient le second groupe le plus souvent ciblé, après les Juifs.
Au-delà des gestes individuels d'intolérance qu'elle motive, l'islamophobie peut amener les gens à penser que les musulmans constituent une plus grande menace à la sécurité sur le plan institutionnel, systémique et sociétal, et à les traiter en conséquence. À ce propos, une femme qui travaille souvent au Moyen-Orient nous a dit: « Voici comment ça se passe habituellement: Après l'enregistrement, je me rends dans la zone de sécurité de l'aéroport. Mon bagage traverse le poste de contrôle et je passe dans le scanner corporel sans problème. Malgré cela, presqu'à tout coup, on me dit que j'ai été choisie au hasard à des fins de contrôle additionnel. Ça ne prend que quelques secondes ou minutes de plus, mais je commence à avoir envie de répondre que ça n'a rien du hasard quand ça arrive tout le temps ».
Les stéréotypes à l'égard de la menace que représentent les musulmans pour la sécurité et les valeurs canadiennes sont particulièrement prononcés et ont contribué à la naissance d'une forme hybride de profilage racial et religieux.
Du point de vue de la Commission, nos dirigeants doivent à tout prix reconnaître les fondements idéologiques de la haine et de la discrimination et clairement les nommer. C'est pourquoi il importe de dénoncer l'islamophobie, le racisme visant les noirs, l'antisémitisme et le racisme envers les Autochtones.
L'adoption de la motion M-103 est un bel exemple de leadership de la part du gouvernement fédéral sur le plan de la dénonciation du racisme et de l'appel à l'action. Cette motion est similaire à la motion M-630 qui condamnait la montée de l'antisémitisme et a été adoptée à l'unanimité en 2015. Il a amplement été question des risques que des motions comme M-103 limitent la liberté d'expression, une liberté fondamentale aux termes de la Charte.
La motion M-103 ne limite pas la liberté d'expression. Elle n'interdit aucun comportement. Elle n'empêche pas les gens de dire ce qu'ils pensent. Elle offre plutôt un point de départ utile pour régler un problème qui peut rapidement dégénérer et causer des torts mortels, comme nous l'a montré la fusillade à la mosquée de Québec.
La plupart des gens acceptent le fait que la Charte protège la liberté de tenir des propos que de nombreuses personnes trouveraient choquants, tant et aussi longtemps que ces propos ne peuvent pas être assimilables à un crime haineux ou à du harcèlement aux termes des lois relatives aux droits de la personne. Cette garantie de liberté d'expression ne signifie toutefois certes pas que le gouvernement a les mains liées lorsqu'il s'agit de s'attaquer aux torts bien réels causés par le racisme, qu'il s'agisse de la méfiance à l'égard des institutions publiques, des torts physiques ou mentaux causés à des personnes, ou des dommages à long terme au bien-être collectif d'une communauté.
À cet égard, le gouvernement peut et doit faire figure de proue en dénonçant le racisme et en mettant en oeuvre des politiques et des programmes qui enverront un message fort et cohérent suivant lequel le racisme et l'islamophobie causent des torts aux personnes, aux communautés et, en définitive, à tous ceux et celles d'entre nous qui voulons vivre dans la paix et l'harmonie.
Nous devons envoyer un message collectif pour faire bien comprendre que la Constitution, bien qu'elle protège la liberté d'expression, garantit également l'égalité, sans égard à la race et à la religion. Le gouvernement a le pouvoir d'agir pour protéger les personnes affectées par le racisme et l'islamophobie, et nous le sommons de le faire avec détermination.
Le gouvernement a tout le loisir de prendre position et d'élaborer des politiques et des programmes qui favorisent l'inclusion et le respect, tout particulièrement pour les minorités raciales et religieuses. De telles mesures vont dans le sens des valeurs canadiennes et sont conformes à la Charte. Le gouvernement ontarien a d'ailleurs pris récemment des mesures semblables en créant une Direction générale de l'action contre le racisme qui est chargée de voir à ce que les politiques, les programmes et les services du gouvernement soient élaborés, mis en oeuvre et évalués dans une optique de lutte contre le racisme.
L'Ontario a aussi adopté des mesures législatives lui permettant d'exiger la collecte de données relatives aux droits de la personne dans des domaines clés comme le maintien de l'ordre, l'éducation et les services à l'enfance. Si le gouvernement va de l'avant en concrétisant cette obligation, ces données aideront à cerner la discrimination systémique souvent cachée, et à suivre les progrès réalisés pour l'éliminer.
Nous exhortons le gouvernement du Canada à prendre des mesures semblables. Premièrement, le gouvernement doit continuer de dénoncer catégoriquement l'islamophobie, l'antisémitisme, le racisme visant les Noirs et le racisme envers les Autochtones.
Deuxièmement, il doit établir et financer adéquatement des programmes et des initiatives de lutte contre la haine et le racisme. Pour y parvenir, de nombreuses options s'offrent à lui. Il pourrait notamment ajouter un volet antiracisme aux programmes de financement de Patrimoine canadien ou mettre à jour son plan d'action sur le racisme et faire état des progrès réalisés en la matière.
Troisièmement, le gouvernement doit prendre des mesures concrètes pour cerner et éliminer la discrimination systémique, notamment en rendant obligatoire la collecte de données relatives aux droits de la personne par l'ensemble des services gouvernementaux. Depuis plus de 20 ans, le gouvernement exige que ses ministères mènent des analyses d'impact sexospécifiques. Nous recommandons qu'il emprunte la même voie en exigeant des analyses d'impact fondées sur la race.
Il y a un peu plus d'un an, le président Obama a déclaré lors d'une visite à Ottawa: « Le monde a besoin de plus de Canada. » Nous en avons encore beaucoup à faire avant de pouvoir légitimement nous qualifier de modèle à suivre pour les autres nations. Offrons au monde davantage du Canada auquel nous aspirons tous, un Canada où les droits de la personne sont une réalité de tous les jours, pour toutes et pour tous. Et assurons-nous de ne pas laisser les personnes qui se préoccupent davantage de définir le racisme que de l'éliminer miner nos efforts.
Merci.
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Bonjour, madame la présidente et mesdames et messieurs les membres du comité. Merci de m'avoir invité à vous présenter cet exposé. C'est un honneur pour moi de comparaître devant le comité pour vous entretenir du rôle de chef de file joué par l'Ontario dans ses efforts pour lutter contre le racisme systémique et favoriser l'intégration sociale.
Je m'appelle Sam Erry et je suis sous-ministre délégué de la Division de l'inclusion, de la diversité et de l'antiracisme au Bureau du Conseil des ministres du gouvernement ontarien. Je suis accompagné de deux autres représentants de notre division soit, à ma droite, Akwatu Khenti, sous-ministre adjoint, et Chris Williams, conseiller principal en recherche. Grâce à son positionnement stratégique au sein du Bureau du Conseil des ministres, notre division peut pleinement mettre en valeur ses dossiers prioritaires et déployer efficacement son approche pangouvernementale.
Voilà maintenant des décennies que nos partenaires communautaires nous parlent des disparités socioéconomiques qui affectent les Autochtones, les Noirs et les minorités ethniques en Ontario. Ces considérations sont d'autant plus importantes quand on sait que les membres de ces groupes raciaux différents devraient compter pour 40 % de la population ontarienne en 2031.
C'est également en Ontario que l'on trouve le plus grand nombre d'Autochtones au pays. Les jeunes Autochtones représentent en outre le segment de la population ontarienne qui croît le plus rapidement.
Les constatations issues de la recherche sont on ne peut plus troublantes et convaincantes. Des services à l'enfance jusqu'à la représentation politique, en passant par le niveau de scolarisation et les démêlés avec la justice pénale et les services correctionnels, tous les modèles recensés confirment une répartition inéquitable des avantages socioéconomiques. En voici quelques exemples.
Une étude de l'Université York sur le Conseil scolaire du district de Toronto révèle que les élèves noirs sont deux fois plus susceptibles d'être inscrits à des programmes de formation pratique plutôt que théorique, comparativement à ceux d'autres origines ethniques. La même étude nous apprend que les élèves noirs sont deux fois plus susceptibles que les élèves blancs d'être suspendus au moins une fois pendant leurs études secondaires.
Nous pouvons observer le même phénomène au niveau des services à l'enfance. Au moins 25 % des enfants pris en charge en Ontario sont autochtones, même si ceux-ci ne comptent que pour 3 % des enfants ontariens.
Le racisme systémique est souvent causé par les préjugés s'immisçant consciemment ou inconsciemment dans les politiques, les pratiques et les procédures qui privilégient ou défavorisent certains groupes en fonction de perceptions liées à la race. Ce n'est pas toujours intentionnel, mais cela ne change rien au traitement inéquitable qui en découle pour les Autochtones et les membres des minorités raciales.
Nous savons également que bon nombre de ces personnes font l'objet de racisme en raison de leurs croissances religieuses. Nous avons été témoins de manifestations horribles de haine et de violence qui nous rappellent à tous que l'islamophobie et l'antisémitisme sont des menaces bien réelles et tout à fait inacceptables. Il va s'en dire que la discrimination religieuse et toutes les formes de racisme systémique n'ont pas leur place, non seulement en Ontario, mais dans tout le Canada.
L'élimination des obstacles institutionnels qui empêchent systématiquement les Autochtones et les membres des groupes ethniques de s'épanouir pleinement est non seulement un impératif moral, mais aussi un impératif économique.
J'aimerais vous exposer les raisons pour lesquelles l'antiracisme est l'approche la plus efficace pour réduire véritablement les torts causés par le racisme systémique. Comme vous le savez, différentes possibilités d'action s'offrent à nous, mais le choix de l'antiracisme est justifié par des éléments probants.
Au Canada, nous connaissons très bien le concept de multiculturalisme. Nous nous réjouissons de la diversité de notre population et des différents points de vue dont elle nous fait bénéficier. Il est nécessaire et tout à fait recommandable de bâtir une société diversifiée en cherchant à sensibiliser les gens à cet égard, mais cela n'est pas suffisant pour changer quoi que ce soit à un régime solidement ancré d'iniquité envers les Autochtones et les membres des minorités ethniques, notamment. Cette approche misant sur la diversité n'a pas permis de rectifier le déséquilibre des pouvoirs résultant des privilèges accordés à certains groupes pendant que d'autres sont défavorisés.
L'antiracisme est fondé sur le constat de problématiques pour lesquelles on veut trouver des solutions. Il y a notamment le fait que les jeunes Autochtones sont davantage susceptibles d'être pris en charge par les services d'aide à l'enfance ou de se retrouver en prison. Notons également que bon nombre de jeunes appartenant à des groupes ethniques minoritaires, particulièrement au sein de la communauté noire, sont plus susceptibles que ceux de race blanche d'abandonner leurs études secondaires, mais moins susceptibles de joindre éventuellement les rangs de notre classe dirigeante.
Il ne faut pas confondre antiracisme et diversité. Quand le gouvernement ontarien a créé la Direction générale de l'action contre le racisme, c'était pour lui confier le mandat clair de cibler les causes profondes du traitement inéquitable des Autochtones et des Canadiens victimes du racisme.
L'antiracisme est un processus de changement proactif. Il ne suffit donc pas d'éviter les comportements racistes. Il faut intervenir activement pour transformer les structures institutionnelles, y compris les politiques, les programmes et les services publics, qui contribuent à l'iniquité raciale.
L'antiracisme commence par une reconnaissance de l'existence du racisme, des privilèges qu'il crée pour les membres du groupe dominant et des désavantages que doivent subir les autres, résultat d'un héritage d'esclavage, de colonisation et d'autres formes d'oppression et de haine. C'est dans cette optique que nous souhaitons donner suite à l'engagement pris par le gouvernement ontarien en faveur d'une réconciliation avec les Premières Nations, les Métis et les Inuits.
Pour notre direction générale, il devient aussi nécessaire de reconnaître l'aspect multidimensionnel du racisme. Cette considération prend toute son importance du fait que le racisme est vécu différemment, non seulement par les divers groupes visés, mais aussi par les sous-groupes qui les forment, notamment en fonction de l'identité sexuelle, des croyances, de la classe sociale, de l'orientation sexuelle, des antécédents de colonisation et des autres attributs personnels.
Lorsque la Direction générale de l'action contre le racisme a vu le jour en février 2016, nous ne partions pas de zéro. Notre travail s'appuie sur des décennies de recherches et de rapports comme le rapport final de la Commission de vérité et réconciliation, le rapport « Examen des causes de la violence chez les jeunes », et le « Rapport de Stephen Lewis sur les relations interraciales en Ontario ». Nous tablons beaucoup également sur la collaboration des intervenants locaux. Si le racisme systémique est maintenant un phénomène mieux connu, c'est beaucoup grâce aux efforts déployés par ces gens-là dans un souci de justice raciale.
La direction générale a amorcé son mandat en organisant une série de 10 rencontres publiques dans différentes régions de l'Ontario, de Windsor jusqu'à Thunder Bay en passant par Ottawa, pour permettre aux Autochtones et aux autres personnes victimes de racisme d'avoir directement voix au chapitre. Le gouvernement ontarien nous a emboîté le pas en mars 2017 avec « Une meilleure façon d'avancer », son plan stratégique triennal contre le racisme. On y cible le racisme systémique en proposant la mise en oeuvre une approche qui guide les instances gouvernementales dans l'élaboration de politiques, de programmes et de services.
La direction générale s'active maintenant dans l'ensemble du gouvernement pour veiller à ce que l'antiracisme s'inscrive dans chacune des actions entreprises. Nous croyons en effet qu'une démarche pangouvernementale fondée sur des faits probants peut contribuer dans une très large mesure à faire tomber les obstacles systémiques en favorisant une plus grande équité raciale. Notre plan stratégique nous trace une ligne de conduite que nous entendons bien suivre.
La Loi contre le racisme adoptée par l'Assemblée législative le 1er juin 2017 est une autre mesure qui contribue grandement à faire en sorte que le travail entrepris puisse se poursuivre à long terme avec reddition de comptes au bénéfice de la population. C'est la première loi du genre au Canada. On y prévoit notamment la création de la Direction générale de l'action contre le racisme. La loi exige que le gouvernement s'assure de maintenir en oeuvre une stratégie antiracisme et de mobiliser les ressources communautaires dans le cadre de plans pluriannuels.
La loi exige en outre l'établissement d'un cadre d'évaluation de l'impact de l'action contre le racisme, un outil qui permettra de mieux comprendre les causes profondes des barrières systémiques et de proposer des solutions pour les éliminer. Elle prévoit de plus l'établissement de normes et de lignes directrices relativement aux données fondées sur la race. Nous savons que la collecte de données est une première étape essentielle, car il est impossible sans cela de cerner le problème de fond et les changements qu'il convient d'apporter.
Nous travaillons à l'établissement d'une norme devant régir la collecte, l'utilisation, l'analyse, la divulgation et la communication publique de ces données relatives à la race dans l'ensemble du gouvernement et de ses institutions. Ce cadre permettra de s'assurer que les données sont recueillies et utilisées de façon uniforme et que des mesures de protection de la vie privée sont mises en place pour empêcher toute utilisation inappropriée de renseignements personnels.
Tout au long du processus d'élaboration, nous avons sans cesse mis à contribution les gens du ministère et nos partenaires communautaires de même que la Commission des droits de la personne de l'Ontario et le Commissaire à l'information et à la protection de la vie privée de l'Ontario en sollicitant leurs observations et leurs points de vue.
Comme vous le savez, le discours et les sentiments antimusulmans n'ont cessé de prendre de l'ampleur depuis les événements du 11 septembre. Selon un rapport de Statistique Canada rendu public au début de l'année, les crimes haineux à l'encontre de musulmans ont augmenté de 61 % entre 2014 et 2015. C'est ce qu'indiquent également les sondages qui ont été menés. Un sondage réalisé en 2017 par Angus Reid révèle ainsi que 60 % des Canadiens conviennent que leurs compatriotes musulmans subissent beaucoup de discrimination au quotidien.
Nous avons eu droit à un exemple tragique d'islamophobie plus tôt cette année lorsque six personnes ont été tuées lors d'une fusillade qui a fait également 19 blessés au centre islamique de Québec.
Tout cela nous mène à conclure que l'islamophobie est un problème grave auquel il convient de s'attaquer de toute urgence. Le plan stratégique contre le racisme prévoit des initiatives visant directement l'islamophobie. L'un de nos impératifs stratégiques consiste à travailler en collaboration avec la communauté musulmane et ses dirigeants pour réagir à l'islamophobie et veiller à ce que la situation ne s'aggrave pas.
Nous estimons pouvoir ralentir la montée actuelle de l'islamophobie en sensibilisant davantage les gens afin qu'ils comprennent mieux la situation. Nous collaborons en outre avec le ministère de l'Éducation et les conseils scolaires de telle sorte que les élèves de la maternelle jusqu'à la 12e année aient accès à de meilleures ressources éducatives visant à contrer l'islamophobie.
Le ministère ontarien de la Sécurité communautaire et des services correctionnels s'emploie pour sa part à examiner les données recueillies et publiées par les services policiers sur les cas signalés d'islamophobie.
L'honorable Michael Coteau, ministre délégué à l'action contre le racisme, a reconnu que l'islamophobie est un phénomène bien réel qui a des répercussions dévastatrices. Il comprend aussi à quel point il est important de faire montre de façon tangible d'un leadership misant sur l'intégration au sein de la communauté. C'est dans ce contexte qu'il a récemment mis sur pied le Groupe consultatif ministériel de lutte contre le racisme, lequel comprend un sous-comité qui se consacre exclusivement à l'islamophobie. Ce sous-comité nous fait bénéficier d'une perspective communautaire cruciale aux fins de la mise en oeuvre de notre plan stratégique. Le groupe fournira en outre des indications sur les causes et les conséquences de l'islamophobie en plus d'appuyer les initiatives de sensibilisation en la matière.
Comme je l'ai indiqué précédemment, nous avons adopté une approche pangouvernementale, et ce ne sont là que quelques exemples des mesures prises un peu partout en Ontario.
En conclusion, « Une meilleure façon d'avancer » procure à l'Ontario un plan d'action ciblé pour s'attaquer au racisme systémique et favoriser l'équité raciale. Je suis heureux de pouvoir vous dire qu'en août dernier, j'ai eu le privilège de prendre la parole devant le Comité des Nations Unies pour l'élimination de la discrimination raciale qui a reconnu que l'Ontario avait agi en véritable chef de file en se donnant un plan stratégique détaillé et un cadre législatif à cette fin.
Notre travail vient à peine de commencer, mais nous comptons bien poursuivre notre collaboration avec nos partenaires locaux pour que les changements nécessaires puissent être apportés au sein de nos institutions publiques dans le cadre d'une approche pangouvernementale.
Je vous remercie.
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Je vous remercie pour cette excellente question.
Nous avons fait appel à trois professeurs de l'Université York qui sont des experts en la matière et qui nous ont aidés à établir cette norme fondée sur la race. Ils ont examiné la situation dans diverses instances, à l'échelle internationale, afin de trouver la meilleure façon d'aborder la question et d'avoir cette discussion. Nous en sommes arrivés à un projet de norme qui présente une série de catégories qui, à vrai dire, nous permettent d'avoir une nomenclature du XXIe siècle et non pas du XIXe siècle, comme c'est le cas depuis longtemps. C'est la première chose.
À cela nous ajoutons des concepts tels que l'intersectionnalité. Nous ajoutons également l'information fondée sur l'identité. Tout cela est lié à... Étant donné que la norme vise non seulement la collecte de l'information, mais aussi l'utilisation et l'analyse de cette information, l'une des questions qu'on se pose, par exemple, concernant la communauté noire dans le cadre de notre stratégie de lutte contre le racisme envers les noirs, c'est comment peut-on arriver à réduire les disparités?
Je ne veux pas paraître trop théorique ici, mais il y a divers modèles et formules mathématiques qui disent que, compte tenu de cet ensemble de données et de la situation actuelle, si on veut résoudre ce problème, il y a des indices de disparité et ainsi de suite. Il y a des données scientifiques à l'appui et des spécialistes qui se penchent là-dessus. On trouve beaucoup de bons exemples dans les villes américaines dont j'ai parlé plus tôt.
Ce n'est pas une science exacte. Au fond, tout ce que nous voulons, c'est adopter une nouvelle méthodologie et un cadre qui reconnaît la société d'aujourd'hui. Nous nous penchons ensuite sur ces disparités afin de déterminer comment nous pouvons les éliminer. Il y a une façon très calculée de s'attaquer à cela. On se sert de ces données dans le contexte des programmes, des investissements, etc., en vue de réduire les disparités.