J'ai le plaisir de remplacer la présidente, Hedy Fry. Je suis le vice-président, Larry Maguire, et je présiderai la séance d'aujourd'hui.
Je souhaite la bienvenue à nos invités de la Société Radio-Canada, qui seront les premiers à témoigner ce matin. Nous avons une heure et demie pour vos exposés. Vu le temps dont nous disposons aujourd'hui, nous aurons deux tours où les députés auront sept minutes et puis, si le temps le permet, un ou deux tours de cinq minutes. Cela comprend les questions et les réponses, comme la présidente le signale toujours aux témoins et aux députés.
Je présente donc M. Cochran, Mme McGuire — je remarque le patronyme — M. Cormier et M. Dubé. C'est un plaisir de vous accueillir tous ce matin.
Une voix: C'est un nom de famille, mais il est épelé différemment.
Le vice-président (M. Larry Maguire): Oh, non, l'autre partie de la famille l'épelait de cette façon aussi lorsque nous avons quitté l'Irlande.
Merci beaucoup d'être là ce matin et d'avoir pris le temps de comparaître, même si votre programme est chargé. Nous étudions la question de la radiodiffusion et des médias, et pas uniquement la télévision et la radio, dans les zones rurales et éloignées. Nous voulons connaître votre point de vue sur cette question très importante pour nous assurer de fournir le plus d'information possible dans ces régions du Canada. Bien sûr, nous sommes très intéressés par les modèles que vous appliquez.
Là-dessus, je vous cède la parole pour votre exposé. Vous avez 10 minutes et nous passerons aux questions.
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Merci, monsieur le président.
Merci aux membres du comité de nous avoir invités.
Nous sommes heureux de pouvoir vous rencontrer pour discuter des services locaux. Les Canadiens nous ont dit, comme vous l'avez constaté au cours des audiences du CRTC, à quel point ces services sont essentiels pour eux.
Comme nous sommes assez uniques dans l'écosystème, nous voudrions commencer par vous dire ce qui se passe en ce moment même dans les stations locales de la CBC partout au Canada.
Dans les fuseaux horaires de Terre-Neuve et de l'Atlantique, la journée est bien entamée. Environ 80 de nos collecteurs d'information cherchent des sujets de reportage pour alimenter les plateformes mobiles, les services numériques, la radio et la télévision. Bientôt, nos émissions de radio du midi informeront les communautés des questions qui les touchent. Dans toutes les provinces, des équipes préparent nos émissions de radio de l'après-midi et les bulletins de nouvelles de 18 heures.
Dans l'univers numérique, les échéances sont constantes. Des reportages sont affichés, publiés, relayés sur Twitter, télédiffusés et mis à jour tout au long de la journée. Quand une nouvelle de dernière heure requiert une attention immédiate, on commence par envoyer une notification. Ici, dans le fuseau horaire de l'Est, les réunions de production quotidiennes sont en cours. Chaque journée est différente, et pourtant l'histoire se répète jour après jour: il y a toujours plus de nouvelles que de reporters pour les couvrir. Ou les découvrir.
Au niveau local, les choix rédactionnels doivent créer un équilibre entre la couverture des nouvelles de dernière heure et le leadership requis pour aborder des histoires dont personne d'autre ne parle. Ces dernières relèvent de deux catégories: ce que nous appelons le journalisme d'initiative, qui mise sur la curiosité de nos reporters et de nos rédacteurs en chef, et le journalisme d'enquête, qui creuse pour mettre en évidence des faits et des tendances, pose des questions inédites et, au besoin, demande des comptes. Je suis fière de dire qu'à la CBC, nous avons aujourd'hui plus de 70 journalistes qui se consacrent au journalisme d'enquête aux quatre coins du pays.
Juste à l'ouest, dans le fuseau horaire du Centre, notre émission matinale de Winnipeg vient de se terminer. À la radio, c'est l'émission du matin la plus écoutée dans son marché. D'un océan à l'autre, les Canadiens se réveillent avec la radio de la CBC. Nous sommes numéro un dans 13 des 23 marchés où les cotes d'écoute sont mesurées, et nous figurons aux trois premiers rangs dans presque tous ces marchés. Les cotes ne sont pas ce qui motive le diffuseur public, mais elles témoignent de sa pertinence pour les auditeurs.
Durant les prochaines heures, environ 150 autres collecteurs d'information de la CBC se mettront au travail dans les quatre provinces de l'Ouest. Et dans le Nord, la journée se décline en une variété de facettes. Nous y diffusons des contenus en huit langues autochtones, depuis des stations qui s'étalent sur 3 500 km, de Whitehorse vers l'est jusqu'à lqaluit et à Kuujjuaq.
Je vous ai donné beaucoup de chiffres. Laissez-moi vous brosser un tableau d'ensemble. En tout et pour tout, nous avons quelque 350 collecteurs d'information dans nos stations locales, qui collaborent avec environ 650 rédacteurs, rédacteurs en chef, réalisateurs et animateurs. Ils travaillent tous de façon intégrée pour présenter nos émissions de radio et de télévision et pour publier constamment des contenus numériques sur d'autres plateformes et celles d'autres diffuseurs.
Notre programmation locale pancanadienne totalise 8 000 minutes de radiodiffusion par jour du lundi au vendredi, auxquelles s'ajoutent nos services numériques et les contenus additionnels diffusés durant tout le week-end, et ce, sur toutes nos plateformes. Nous diffusons nos contenus depuis 33 stations, dont une station entièrement numérique et trois stations dans le Nord.
Pour y arriver, nous comptons sur près de 1 150 personnes qui travaillent aujourd'hui dans les services locaux. Le Canada est un grand pays. Les effectifs ont diminué. Nous les avons réduits et nous avons fait l'objet des mêmes pressions que d'autres. Nous avons dû prendre des décisions très difficiles mais réfléchies qui visaient à assurer la pérennité des services locaux.
Nous avons tout réinventé. De cette réflexion a découlé la plus importante transformation jamais opérée dans le secteur de la radiodiffusion locale à CBC/Radio-Canada. Nos services locaux sont maintenant au coeur de notre plan d'entreprise à long terme, la Stratégie 2020. Ils sont aussi centraux dans le virage numérique en cours dans toute l'organisation, qui vise notamment à offrir plus de services locaux à moindre coût, sur les plateformes mobiles et numériques, ainsi qu'à la radio et à la télévision.
Aujourd'hui, bon nombre de nos reporters et de nos rédacteurs auront travaillé sur une histoire qui n'existe même pas encore. Nous fournissons des ressources à nos stations et formons nos effectifs afin de les préparer à toute éventualité, notamment en leur donnant la possibilité de diffuser des contenus de n'importe où, à un moment de préavis, grâce à la technologie satellitaire ou aux téléphones intelligents.
Nous avons une courte vidéo à vous présenter. On commence avec ces images prises il y a environ deux semaines.
[Présentation audiovisuelle]
C'était là une bande-annonce et non un journal télévisé. Vous avez vu notre couverture depuis Fort McMurray, au plus fort des incendies. CBC a fourni aux résidants l'information à jour dont ils avaient besoin, dans les deux langues officielles, notamment: de l'information vitale, dès les premières heures des incendies et tout au long de l'évacuation, des renseignements détaillés sur les ressources en place pour obtenir de l'aide, des façons d'aider ou de contribuer à l'effort des organismes de bienfaisance, une expansion du service local offert. La programmation locale soutenait le réseau, et inversement.
Sur notre site Web, la diffusion d'information était constante. Nos publications étaient toujours accessibles et donnaient aux résidents des renseignements à jour et fiables. La CBC était sur place pour donner l'information essentielle, pour aider la communauté à faire des choix et à surmonter les difficultés, et pour lui communiquer les bonnes nouvelles, source de soulagement ou de réjouissance. Mais, tout aussi important, ces informations locales étaient aussi diffusées à l'échelle nationale. C'est ce que nous faisons au quotidien.
Merci de votre attention. J'ai hâte de discuter avec vous, mais, au préalable, je vous présente mon collègue de Radio-Canada, Michel Cormier, directeur général de l'information
Monsieur le président, nous sommes très heureux d'être ici parmi vous aujourd'hui. J'ai à mes côtés M. Marco Dubé, directeur général des Services régionaux de Radio-Canada. C'est un rouage très important de l'offre d'information que nous avons.
L'information locale et régionale à Radio-Canada, comme dans tout le secteur de l'information, est en train d'accélérer son offre numérique et mobile afin de développer un lien plus constant et plus continu avec son public. Aujourd'hui, nos auditoires veulent consulter nos contenus sur l'écran et la plateforme de leur choix, et ce, à l'heure qui leur convient. Cela veut dire que nous ne pouvons plus nous contenter de leur offrir des émissions à des heures prédéterminées. C'est pourquoi, en région comme ailleurs, nous offrons davantage que des téléjournaux en fin de journée ou des radio-journaux à des heures fixes.
Cette approche, qui vise à établir un lien plus direct avec notre public local, reflète les habitudes de consommation changeantes de celui-ci. Elle est au coeur de la Stratégie 2020 de Radio-Canada. Le principe de cette nouvelle relation avec les auditoires locaux est simple et il se traduit par la devise suivante: plus local, plus souvent et sur plus d'écrans.
Concrètement, les services régionaux de Radio-Canada ont formé des centaines de personnes dans tous les coins du pays sur les nouveaux outils numériques nécessaires à cette conversion importante. Quand les équipes se rendent sur le terrain, elles produisent encore, bien sûr, pour la télévision et la radio, mais d'abord et avant tout pour le numérique et la mobilité. La promesse que nous faisons aux auditoires locaux est de les servir 18 heures par jour, sept jours par semaine. C'est un engagement assez substantiel.
Cette présence accrue a permis aux stations locales et régionales de Radio-Canada de multiplier les points de contact tout au long de la journée avec les communautés qu'elles desservent. Nos journalistes font une mise à jour constante des nouvelles en développement grâce à sept nouveaux sites Web régionaux, soit deux en Ontario, deux dans l'Est du Québec et trois en Atlantique, ce qui porte leur nombre à 21 dans tout le pays. Ils assurent, bien entendu, une présence numérique sur Facebook et sur les autres plateformes numériques.
Les chefs d'antenne sont, quant à eux, actifs au cours de la journée sur les différentes plateformes et font des apparitions ciblées à la télévision et à la radio pour tenir les auditoires au courant des sujets du jour et maintenir ce lien quotidien tout au long de la journée. Nous constatons déjà les fruits de ces efforts. Les visites de nos pages Web régionales ont augmenté de 21 % au cours des trois premiers mois de 2016. C'est une augmentation substantielle.
Radio-Canada s'engage à être plus près de son public local et régional. Je vais vous présenter une petite vidéo qui témoigne du virage qu'a pris notre couverture locale au cours de la dernière année. Ce virage nous permet de mieux réagir à l'actualité du jour et d'en suivre le développement sur toutes nos plateformes pendant toute la journée. Voici comment une de nos journalistes, Martine Laberge, a couvert le bris du pont de la rivière Nipigon, qui est survenu cet hiver.
Vous pouvez maintenant écouter la vidéo.
[Présentation audiovisuelle]
Vous voyez, il y a quelques années, nous aurions couvert un événement comme celui-là de façon bien différente. Nous aurions fait des reportages à la radio et un grand reportage pour le Téléjournal à la fin de la journée. Maintenant, nous traitons une histoire au moment où elle se passe. Nous sommes sur toutes les plateformes. Nous nous assurons d'avoir un rayonnement maximal sur le Web avec des mots clés pertinents et d'intégrer cela dans une couverture nationale.
Comme la journaliste l'a dit, il s'agissait du bris d'un pont qui coupait le pays en deux. C'est la nouvelle façon de couvrir les événements.
On pourrait aussi revenir sur les événements de Fort McMurray. Notre couverture a été énorme par rapport à cet événement. Nous avons mis en lien les journalistes locaux et toute la machine locale avec le réseau national, ce qui a donné des résultats très probants.
Il faut rappeler que le rôle et la place des stations de Radio-Canada diffèrent quand même d'une région à l'autre au Canada. À l'extérieur du Québec — et il est important de le rappeler —, les communautés francophones sont en milieu minoritaire et Radio-Canada y est souvent la principale, sinon la seule, source d'information en français.
Dans les régions du Québec, Radio-Canada opère dans un environnement où il y a davantage de médias francophones, mais elle contribue à la diversité et à la qualité de l'information régionale. Dans les marchés de Québec, d'Ottawa et de Montréal — les trois grandes villes —, Radio-Canada évolue dans des marchés médias hautement concurrentiels où elle doit constamment se démarquer.
Malgré ces différences, le mandat de service public de Radio-Canada demeure le même, peu importe où il diffuse, à savoir d'offrir aux citoyens canadiens toute l'information dont ils ont besoin pour faire des choix éclairés. Je pense que le mot « citoyens » est important ici. On ne parle pas de clientèle ou d'auditoire, mais de citoyens. C'est là l'importance du service public de Radio-Canada. Un citoyen a des droits et des responsabilités, et il a besoin d'information pour faire des choix tant sur le plan démocratique que dans sa vie. C'est l'énoncé de mission qu'a Radio-Canada en matière d'information.
Cette mission signifie également de voir comment les grands enjeux nationaux se vivent dans les communautés locales, que ce soit des questions comme la survie du français, l'aide médicale à mourir — qui est un sujet d'actualité — ou encore l'intégration au pays des réfugiés syriens. Les expériences différentes de chacun enrichissent le dialogue national sur ces grands enjeux, ce qui nous permet d'aller au-delà du reflet traditionnel des régions au réseau national et de mieux révéler le pays à nos auditoires. À cet égard, nous allons investir davantage dans un réseau de correspondants nationaux basés en région et faire sortir davantage nos chefs d'antenne et nos émissions d'affaires publiques comme Enquête ou La Facture à l'extérieur de Montréal et du Québec.
Cette offre globale d'information, une offre qui comporte un lien plus proche et plus constant avec nos auditoires locaux et régionaux, vise à tenir ces derniers informés des nouvelles au moment où elles se produisent, mais également de donner un sens aux enjeux qui façonnent la vie de leur communauté. C'est l'engagement de service public de Radio-Canada, et c'est ce qui fait la force et l'originalité du lien qui nous unit à tous les Canadiens.
Je vous remercie.
Nous allons répondre à vos questions avec beaucoup d'intérêt.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie tout le monde d'être ici parmi nous ce matin. Je suis toujours heureux de voir des représentants de Radio-Canada. Je suis un grand « radio-canadien » et je suis très attaché à Radio-Canada.
Il y a sûrement des gens de ma génération dans le groupe de témoins qui se souviendront certainement que, après l'hymne national du Canada, il y avait de la grande musique accompagnée d'images de partout au pays avec une animation magnifique.
Au cours des dernières années, certains ont souvent traîné Radio-Canada dans la boue. Personnellement, je n'ai jamais eu cette perception poussiéreuse que d'autres avaient de cette société, bien au contraire. J'ai probablement un vision un peu métropolitaine. Je viens de la région de Montréal et je me sens, en tant que Québécois, très bien servi par les services français de Radio-Canada. Je pense que cette notion d'une radio, d'une télé et de services Web pancanadiens peut être soulignée davantage sans que cela tombe dans le coup de clairon libéral classique. Je crois que vous devriez mettre cela encore plus en avant dans le mandat que vous avez.
J'aimerais aussi souligner que, pendant de nombreuses années, votre société a été accusée d'avoir une programmation et une approche qui n'était pas suffisamment conviviales. Je pense que c'est le contraire. Je me rappellerai toujours que vous avez été de loin les premiers à parler d'Internet dans votre offre médiatique, alors que d'autres intérêts privés avaient certainement davantage peur de cela. C'était votre mandat de le faire, et vous l'avez très bien fait. Cela fait depuis belle lurette ou depuis huit ou neuf ans que votre slogan est « radio, télé, Internet ».
Cela fera certainement le sujet de ma meilleure question. Il y a différents niveaux d'efficacité pour ce qui est de rejoindre les auditoires sur vos diverses plateformes. Concernant la radio, cela va très bien dans l'ensemble. Vous avez sûrement l'avantage incroyable de pouvoir diffuser sans publicité. Le format, la proposition, le type d'entrevues, le sujet et la dimension pancanadienne me paraissent encore plus frappants à la radio qu'à la télévision, du moins en ce qui concerne les nouvelles. Le succès radiophonique par rapport aux défis auquel fait face la télévision de langue anglaise est assez représentatif de ce que vivent les médias au Canada. En général, la radio privée va quand même bien dans l'ensemble et n'a pas vécu l'impact qui a frappé la télévision.
Vous parlez beaucoup de vos développements numériques comme d'une façon plus facile, économique et souple d'aller chercher la nouvelle locale. Nous avons beaucoup entendu parler de cela au cours de notre étude. Un des angles évidents de notre étude est de s'assurer que les communautés et les minorités linguistiques à l'extérieur du Québec ont accès aux services. Vous êtes de toute évidence le premier joueur relativement à cette question. Il y a quand même un paradoxe bizarre dans la mesure où vous comptez offrir plus de services sur Internet. Or dans plusieurs de ces endroits, il n'y a pas de couverture Internet. Comment réagissez-vous à cela?
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L'accès à Internet haute vitesse dans les régions éloignées demeure un enjeu pour tous les Canadiens et l'ensemble du pays. Ce n'est pas un enjeu qui incombe simplement à Radio-Canada.
En même temps, l'accès à Internet haute vitesse s'élargit. Notre priorité est de pouvoir offrir du contenu au fur et à mesure que ce service sera accessible aux citoyens. Notre société produit des contenus et notre première préoccupation est de produire des reportages, des images et des émissions. Nous ne sommes pas, si je peux me permettre l'expression, responsables du tuyau.
Je veux maintenant parler de l'efficacité de nos ressources. Vous avez vu tout à l'heure le reportage de Martine Laberge, qui est notre vidéojournaliste à Hearst, dans le Nord de l'Ontario. Une vidéojournaliste est un reporter qui filme elle-même, qui fait son propre montage et ses textes. Elle travaille seule.
Pour nous, c'est la voie de l'avenir. Nous le faisons depuis longtemps et nous allons développer cette approche en dotant les vidéojournalistes d'outils beaucoup plus simples. Les caméras coûtent moins cher maintenant. On peut utiliser davantage les téléphones intelligents. Le fait d'inscrire cela, du matin au soir, dans une couverture numérique sur les sites Web et sur les médias sociaux nous permet de rejoindre les auditoires à la grandeur du pays d'une manière beaucoup plus efficace.
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Nous avons maintenant des façons de diffuser qui font en sorte qu'il n'est plus nécessaire d'être dans un camion. Je vais vous donner un exemple à ce sujet.
À Fort McMurray, lors de la visite de la première ministre Rachel Notley, il y avait un autobus de journalistes et nous diffusions en direct sur RDI, sur nos plateformes mobiles et avec Facebook Live à partir d'un iPhone. C'est là où nous sommes rendus aujourd'hui.
Nous avons fait de même pour la couverture des attentats de Paris, au Bataclan. Nous étions là lorsque l'assaut a été donné. Nous diffusions sur un iPhone avec ce qu'on appelle « la technologie Dejero », qui est simplement une façon de diffuser avec un téléphone portable directement en onde, et ce, sans aucune perte de qualité. En somme, c'est un avantage énorme s'il n'est pas nécessaire d'avoir de l'équipement dans un camion. Cela ne veut pas dire que nous ne nous en servons pas lorsque nous en avons besoin parce que les signaux ne sont pas toujours disponibles.
Cependant, il est évident que d'ici 15 ans, la notion de l'équipement qui doit tenir dans un camion sera totalement désuète. Cela nous donne plus de flexibilité et c'est moins coûteux. Alors, je pense que c'est un avènement positif pour tout le monde.
D'ailleurs, ce changement technologique requiert le recrutement de nouveaux journalistes polyvalents et se fait sous votre bonne gouverne et en vertu de l'expérience que vous avez, car on vous a connu à l'époque où il fallait 19 caméras pour tourner Pépinot.
Je ne sais pas à qui je devrais poser ma prochaine question. Tout à l'heure, j'ai effleuré le sujet, mais j'ai oublié d'y revenir. Dans les états financiers de Radio-Canada, les investissements en matière numérique sont un peu comme un gros bloc. Est-ce qu'il sera possible à un moment donné, au moins pour les parlementaires, d'avoir une idée des investissements qui sont faits dans les différents secteurs — anglais, français, radio, télé, Internet?
Est-ce une question que je peux vous poser ou dois-je attendre la présence de M. Lacroix?
Je me souviens, et j'y pense à cause de Fort McMurray, de mon enfance à Goose Bay, au Labrador, et d'une évacuation à cause d'un incendie de forêt. La CBC était pour nous un contact indispensable, comme elle l'est toujours pour bien des gens qui habitent dans le Nord et dans des localités isolées.
Mes questions vous sembleront peut-être traduire un esprit de clocher, mais comme j'ai grandi à Terre-Neuve-et-Labrador, mes exemples viennent de là-bas. Mais ce qui m'intéresse, c'est de savoir comment nous gérons à l'échelon national les informations locales.
Je vous ramène au début ou au milieu des années 1990, je ne sais pas au juste, mais l'émission Here and Now, l'émission d'information de 18 heures, à St. John's, marchait extrêmement bien. Dans ma jeunesse, c'était une institution. Elle était tellement présente que, si on avait fait le total des auditeurs, en chiffres absolus non proportionnellement à la population, de tous les autres marchés de ce créneau horaire à Calgary, à Toronto, à Vancouver et à Halifax, on n'aurait pas atteint le nombre de ceux qui regardaient Here and Now. Vous avez éliminé cette émission, ce que j'ai trouvé et trouve toujours étonnant. Puis, l'expérience de Canada Now a débuté. Ian Hanomansing est arrivé et on a fini par avoir une demi-heure de télévision locale. Cela me renverse. Dans tout autre contexte, avec toute autre entreprise, on se serait dit immédiatement, devant un succès pareil: « Quels enseignements pouvons-nous tirer de cette réussite, comment pouvons-nous ne pas essayer de reproduire cette réussite sur d'autres marchés, puisque ces types ont visiblement trouvé une bonne recette? »
Malheureusement, à ce moment-là, quelqu'un aura décidé qu'il avait une meilleure idée. Ce n'était pas vous, puisque c'était avant votre époque. Bien des gens avaient une meilleure idée. En fait, c'était toute la mentalité qui était comme ça, et cela m'inquiète beaucoup. Même si elle est revenue à une heure, l'émission Here and Now est loin d'avoir le même succès. Le réseau privé s'est immédiatement emparé d'une part de marché d'environ 75 %, après cet épisode, parce que les auditeurs ne voulaient pas d'une émission d'une demi-heure. Ils voulaient une heure. Et même dans cette demi-heure, les informations n'occupaient pas toute la place. Il fallait réserver du temps pour la météo, pour les sports, pour toutes les petites choses qui s'imposent dans une émission de 18 heures. Il y a eu là une erreur de jugement flagrante. Je m'inquiète donc des dernières compressions — qui, à votre point de vue, doivent être un succès retentissant —, car mon petit coin de pays en souffrira probablement.
Peut-être l'un d'entre vous pourrait-il m'expliquer comment la dernière série de compressions rétablira la situation, maintenant que l'émission est presque à parité avec le réseau privé.
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Voici ce qui a été régionalisé et ce qui ne l'a pas été. Nous avons décidé il y a environ trois ans de modifier la structure de gestion de nos régions dans tout le Canada. Deux régions de la CBC qui étaient distinctes, celle des Maritimes et celle de Terre-Neuve-et-Labrador, ont été réunies. J'étais alors directeur général et j'ai pris part à cette fusion.
Nous avons donc centralisé la haute direction de la région, mais, au même moment, nous avons décentralisé de Toronto vers Halifax de plus en plus de pouvoirs de décision sur ce qui se passerait dans le Canada atlantique. Il y a eu simultanément une évolution dans les deux sens. Dans une certaine mesure, les décisions nationales se rapprochaient des régions.
Autre élément de régionalisation, les informations télévisées de fin de soirée et en week-end. En dehors de cela, les quatre émissions du matin, celle de midi, celle de la soirée et le service numérique sont toujours l'apanage de Terre-Neuve-et-Labrador.
L'impact s'est donc fait sentir au niveau de la haute direction et des émissions de fin de soirée et de week-end, les deux émissions de télévision les moins regardées.
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Je peux vous parler de Radio-Canada et des services d'information, mais pas du reste.
Comme je l'ai dit, nous n'allons pas reconstruire ce que nous avions il y a cinq ans. Nous sommes en train de développer grandement les services numériques et la mobilité puisque, si nous voulons attirer un nouveau public plus jeune, cela doit se faire par l'entremise du téléphone intelligent. Nous le savons. Nous voulons donc développer nos activités en nous servant du numérique comme d'un levier pour le reste de la programmation.
Je vais vous donner un exemple. Lors de l'émission Enquête sur les femmes autochtones de Val d'Or, une émission qui a fait tout un tabac, nous ne nous sommes pas contentés de produire une émission de télévision. À partir de midi, nous avons commencé à diffuser des capsules destinées au numérique contenant des témoignages de ces femmes. Cela constitue un levier pour intéresser d'autres gens à la télévision. Ceux-ci peuvent donc s'informer de différentes manières à propos d'un même sujet. Nous travaillons beaucoup à étendre notre stratégie de rayonnement de contenus. Nous voulons nous assurer d'avoir plusieurs formats et de développer de nouveaux formats numériques afin d'attirer de nouveaux publics, et ce, grâce à un journalisme de qualité.
C'est un peu le fondement de ce que nous voulons faire. Comme je l'ai dit, il faut aussi investir dans le contenu original parce que tout le monde a maintenant accès aux nouvelles générales et aux nouvelles du jour. Ce qui distingue Radio-Canada, c'est que nous pratiquons un journalisme original. Nous sommes même à présent sur Facebook. Les diffuseurs ou les médias réclament du contenu original qui respecte et affirme la marque de diffuseur public de Radio-Canada. Donc, dans cet univers éclaté où il y a beaucoup de rumeurs et d'informations, notre mandat est de s'assurer de continuer à produire du contenu de qualité. Il faut que nous nous servions du numérique pour tous les avantages qu'il entraîne et que nous nous assurions aussi que les gens peuvent trouver ce produit. Vous savez qu'il y a toute une discussion en cours sur le phénomène de la « découvrabilité ». Il est donc très important que les gens puissent trouver le contenu de Radio-Canada.
Dans l'ensemble, ce sont à peu près les axes sur lesquels nous travaillons. L'idée est de continuer à produire du contenu de qualité et d'être à plus d'endroits et plus longtemps à la fois, et ce, aux plans local, national et international. Cela est fort important pour nous, en plus de nous assurer d'avoir les leviers numériques qui nous permettent de propulser ces contenus et de faire en sorte que les gens sachent comment les trouver.
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Permettez-moi d'ajouter que pour les services régionaux, les trois objectifs sont les suivants.
Le premier est de réaliser un virage numérique. Je fais écho à ce que disait M. Cormier à cet égard. Dans chacune de nos grandes régions, nous devons nous assurer que nous sommes actifs sur Internet avec nos sites Web régionaux, et ce, 18 heures par jour et 7 jours par semaine, de manière à couvrir les nouvelles quand elles arrivent ou pour accompagner les citoyens dans leur région avec du contenu régional au moment où ils décident d'être sur nos plateformes numériques. C'est le plan que nous avions annoncé l'année dernière et que nous allons consolider au cours de la prochaine année.
Le deuxième est de rétablir un service que nous avons perdu dans le cadre des compressions. Lors des consultations avec les communautés francophones en milieu minoritaire dans l'Ouest et en Ontario, les gens nous ont clairement dit que la perte des émissions à caractère plus social et culturel — nous avions été forcés de les supprimer — avait eu des conséquences pour ces communautés. On parle de tout ce qui n'est pas de l'information, des nouvelles ou des affaires publiques. Dans les émissions culturelles, il est question d'une certaine activité dans les communautés. C'est important pour elles et nous sommes les seuls à faire ce type d'émissions. Si nous ne le faisons pas, il y aura une perte pour les communautés. Nous allons donc rétablir un certain nombre de ces émissions dans certaines de ces régions. D'ailleurs, nous sommes en train de nous activer en ce qui a trait à cette question.
Le troisième porte sur la relève, plus particulièrement dans les régions. Quand on sort des grands centres, comme Montréal, Québec, Ottawa et Gatineau, nous éprouvons des difficultés assez importantes à recruter les prochains journalistes, réalisateurs et producteurs de contenus numériques pour Radio-Canada. On doit investir des sommes d'argent pour faire en sorte que la relève se joigne à nos stations d'un bout à l'autre du pays et que nous soyons capables d'offrir les services qui sont attendus par les citoyens.
Ce sont les trois objectifs qui touchent les services régionaux par rapport au réinvestissement.
Je vous remercie.
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Merci, monsieur le président.
Je suis bien d'accord avec M. Waugh en ce qui a trait aux compressions. Radio-Canada est moins présente depuis quelques années et cela crée un manque, surtout dans les régions rurales. J'ai pensé, en écoutant M. Waugh, qu'il était dommage qu'il n'ait pas fait partie du précédent gouvernement conservateur. Il aurait certainement pu tenter de le convaincre de ne pas faire ces compressions. On n'a pas laissé grand-chose aux régions. En effet, les nouvelles de Radio-Canada n'existent pratiquement plus dans les milieux communautaires, ruraux et locaux.
Par ailleurs, mes collègues en Nouvelle-Écosse ont souligné à plusieurs reprises lors de la dernière campagne électorale, et même le soir de l'élection, que les gens de Radio-Canada prononçaient mon nom en anglais. Plusieurs courriels ont été envoyés à Radio-Canada ce soir-là pour préciser que mon nom se prononçait en français. C'était un peu décevant qu'ils aient dû le faire.
Des gens de ma communauté qui m'appuient ont souligné que j'étais le seul candidat acadien à s'être présenté en Nouvelle-Écosse. On parle ici de 11 circonscriptions où un minimum de trois personnes par circonscription étaient candidates. On parle donc d'au moins 33 personnes. J'étais en effet le seul Acadien, mais personne là-bas n'était au courant de ce fait. Il n'y a donc pas eu de commentaires à ce sujet et, de plus, mon nom a été mal prononcé.
Mes collègues affirment que Radio-Canada a manqué son coup à ce moment-là. Ce n'est pas moi qui le dis.
:
Sept minutes? C'est parfait.
[Français]
Comme je vous l'ai dit un peu plus tôt, j'écoute et je regarde beaucoup Radio-Canada. D'ailleurs, dans ma famille, beaucoup de gens à Montréal, au Québec et au Canada l'écoutent et le regardent. Vous devez avoir un rendement phénoménal en ce qui a trait aux heures d'écoute chez certaines personnes. Quelqu'un qui écoute et regarde Radio-Canada le fait beaucoup.
Les changements liés aux récentes compressions étaient frappants pour un auditeur régulier. Le soir, par exemple, il voyait un topo sur un site d'enfouissement illégal et il entendait la narration du même reportage aux nouvelles du lendemain. C'était agaçant pour quelqu'un qui avait normalement la possibilité d'entendre des topos différents sur d'autres sujets ou sur le même sujet, mais sous un angle différent.
Ces économies devaient peut-être être faites. Des efforts ont très évidemment été faits. À cet égard, je voulais vous féliciter parce que je pense que vous avez été pragmatiques et que vous avez bien géré la situation. C'est vrai que c'est moins plaisant qu'auparavant, mais le fait d'avoir parfois deux reporters sur deux sujets similaires en même temps était quand même un luxe.
Par contre, on pourrait peut-être avoir des doutes sur l'efficacité. Tout le monde sait que je ne laisse pas tomber l'actuel conseil d'administration de Radio-Canada. Ce matin toutefois, j'ai appris que le Centre de l'information de Radio-Canada, qui, si je ne m'abuse, a été fondé il y a tout au plus 15 ou 20 ans sera potentiellement démoli et réaménagé ailleurs.
Croyez-vous que c'est la meilleure utilisation possible des fonds? Il y a maintenant de nouveaux fonds et c'est typique. Si j'achète une grosse boîte de biscuits, je vais en manger plus. Si on vous donne cet argent, qui était vraiment nécessaire pour réaliser votre mandat, ne croyez-vous pas que nous devrions avoir l'information complète sur les différents projets d'aménagement du site? En effet, ce qu'il y a de plus récent dans l'immeuble sera probablement démoli ou affecté à autre chose — il y aura peut-être deux ou trois dépanneurs — au lieu d'être un centre de l'information qui a coûté, sauf erreur, environ 40 millions de dollars.