:
Merci, madame la présidente.
[Traduction]
J'ai quelques observations préliminaires.
[Français]
Je vous remercie de votre invitation à comparaître devant le Comité.
Les collectivités locales comptent sur les médias pour les tenir informées des sujets et des enjeux qui sont importants pour elles. Elles comptent sur les médias pour refléter la diversité des gens qui y vivent.
Cependant, les changements sur les plans de la technologie, du fonctionnement des médias et des habitudes des consommateurs ont fait apparaître certains défis en ce qui concerne la couverture des nouvelles locales dont les Canadiens ont besoin pour se tenir informés. Votre comité étudie ces enjeux; nous aussi. J'aimerais discuter avec vous aujourd'hui de ce que nous avons fait jusqu'à présent.
[Traduction]
Je veux préciser que mon exposé d'aujourd'hui sera d'ordre rétrospectif, c'est-à-dire que je vais surtout parler des actions passées du Conseil, car je ne peux pas m'avancer quant à ce que l'avenir nous réserve.
[Français]
En tant que membre d'un tribunal administratif, j'ai un devoir de réserve.
Comme vous le savez, au terme d'une vaste consultation publique en juin, le CRTC a rendu un nouveau cadre réglementaire sur les nouvelles locales et la programmation communautaire. Il prévoit de nouvelles exigences afin d'assurer une solide couverture locale partout au pays. Aussi, il redistribue des ressources au sein du système de radiodiffusion afin de soutenir le tout.
[Traduction]
Les Canadiens apprécient leurs émissions locales d'information. Ils nous l'ont dit lors de notre conversation « Parlons télé », qui nous a permis de recueillir les commentaires des gens dans toutes les régions du pays à compter de 2013. Ils nous l'ont répété plus tôt cette année lors de notre consultation sur les nouvelles locales et la programmation communautaire. Ce genre d'émissions favorise le processus démocratique, car elles informent les citoyens et facilitent leur mobilisation. Les Canadiens nous ont d'ailleurs dit que c'est ce qu'ils veulent.
Un sondage de « Parlons télé » a révélé que 81 % des Canadiens accordent une grande importance aux nouvelles locales. Le paysage médiatique a toutefois évolué. Les sources de nouvelles en ligne et les médias sociaux sont facilement accessibles sur de multiples plateformes. Les Canadiens peuvent aisément devenir des créateurs et des consommateurs de contenu. Ces changements ont eu d'importantes conséquences pour les médias traditionnels.
[Français]
Les revenus publicitaires ont chuté. Les journaux ont fermé leurs portes ou ont regroupé leurs salles de nouvelles. Ils ont coupé du texte pour faire place à davantage de photos. Un nombre inquiétant de stations de télévision ont réduit la durée de leur bulletin de nouvelles. Elles ont réduit le personnel et centralisé les activités d'information, réduisant ainsi leur présence locale.
Le CRTC travaille à s'assurer que les Canadiens ont accès à un système de communication de classe mondiale. Un tel système doit comprendre une bonne couverture de tous ces petits univers locaux qui composent notre vaste pays.
Toutefois, cette couverture est dispendieuse. Les coûts entourant cette présentation des nouvelles locales dépasse les revenus qui en découlent. Cela met de la pression sur les radiodiffuseurs qui veulent offrir des émissions de grande qualité.
[Traduction]
Nous ne croyons pas qu'il faille laisser les nouvelles locales télévisées disparaître simplement parce qu'elles assombrissent le bilan financier. Le marché des produits, des revenus et des profits n'est pas le seul marché qui compte. Loin de là. Il existe aussi le marché des idées et de l'information. Les richesses que l'on s'échange sur ce marché touchent tous les aspects de la société canadienne.
Les nouvelles locales constituent un service public important. C'est un privilège d'utiliser les ondes publiques, et un radiodiffuseur commercial qui détient une licence a également la responsabilité publique d'offrir ce service local.
Vous vous interrogez au sujet des plateformes numériques et des médias sociaux? S'agit-il d'une solution de rechange à la couverture locale? Eh bien, oui et non. Ils sont accessibles et de plus en plus populaires. Ils ne disposent cependant pas encore du financement, de l'expérience et de l'expertise en cueillette d'information qui leur permettrait d'offrir la couverture professionnelle ciblée à laquelle les Canadiens sont en droit de s'attendre.
[Français]
Certes, les plateformes numériques permettent une communication rapide et facile. Cependant, pour l'instant du moins, elles ne sont pas en mesure de proposer une solution de rechange fiable aux médias traditionnels qui, au fil des décennies, ont acquis des compétences en matière d'enquête et d'analyse. De même, les médias établis ont l'avantage de pouvoir compter sur des journalistes qui adhèrent à des normes et à des codes professionnels, et qui sont formés pour recueillir et interpréter des faits, afin de parvenir à une analyse de l'information qui soit de valeur et éclairée. Ils permettent aux citoyens de participer davantage à la vie et aux institutions démocratiques du Canada, que ce soit à l'échelon local, régional, provincial ou national.
[Traduction]
Nous savons qu'il y a au sein du système de radiodiffusion de l'argent qui pourrait être redistribué de manière à constituer une offre solide d'information et de nouvelles locales télévisées à l'intention des collectivités canadiennes. Dans cinq marchés métropolitains — à savoir Toronto, Montréal, Vancouver, Edmonton et Calgary — les stations privées de langue anglaise doivent diffuser, en vertu de leur licence actuelle, au moins 14 heures par semaine d'émissions locales pertinentes, en particulier de l'information. Dans les marchés de moindre envergure, ce minimum est de sept heures par semaine.
[Français]
Nous continuerons à évaluer les stations de langue française au cas par cas au moyen d'un critère de cinq heures par semaine de programmation locale. La programmation exigée sera soutenue par une redistribution des ressources provenant des fournisseurs de services de télévision, comme les cablôdistributeurs et les entreprises de distribution par satellite. Le soutien que ces entreprises offrent actuellement aux émissions canadiennes sera modifié afin de financer la production d'émissions d'information qui soient un reflet du contexte local.
[Traduction]
Cela signifie qu'à compter du 1er septembre 2017, les stations de télévision indépendantes auront accès à 23 millions de dollars grâce au nouveau Fonds pour les nouvelles locales indépendantes. Les stations qui seront admissibles au départ sont situées dans 18 collectivités à l'échelle du pays et comprennent, entre autres, Prince George, Lloydminster, Thunder Bay, Rouyn-Noranda et St. John's, Terre-Neuve.
De plus, nous procurons aux grands radiodiffuseurs privés la souplesse nécessaire pour maintenir en fonction les stations locales et financer la production d'émissions locales d'information. Ainsi, jusqu'à 67 millions de dollars pourraient devenir accessibles pour la production de nouvelles locales en 2017-2018. Ces grandes entreprises intégrées détermineront les endroits où utiliser l'argent et une manière de faire optimale en vue d'assurer une programmation qui soit un reflet fidèle de la collectivité locale. Afin de tirer profit de cette souplesse, les entreprises devront garder en fonction toutes leurs stations de télévision locales.
On considérera que les émissions d'information reflètent le milieu local si elles respectent trois critères: premièrement, le sujet concerne spécifiquement le marché local; deuxièmement, il présente une image du marché à l'écran, par exemple avec une couverture de son administration municipale ou de son gouvernement provincial; et troisièmement, il s'agit d'une production du personnel de la station ou de producteurs indépendants pour le compte de la station.
Notre nouveau cadre stratégique aborde aussi la télévision communautaire, que les Canadiens apprécient encore, en particulier dans les plus petites collectivités. Nous encourageons la programmation d'accès, soit les émissions que réalisent les membres de la collectivité. Nous encourageons également la réflexion communautaire qui permet aux téléspectateurs de voir différents aspects de la vie locale qui sont rarement couverts par d'autres types de médias.
[Français]
La programmation communautaire offre aux milliers de groupes communautaires et de sport amateur de se faire voir et entendre dans leurs collectivités. Elle fournit aussi de l'information sur la politique municipale et les affaires publiques à l'extérieur des grands centres. Cela est crucial pour une participation pleine et entière au processus démocratique.
La télévision communautaire continuera à être appuyée financièrement par les fournisseurs de services de télévision, notamment par les cablôdistributeurs et les services semblables. Nous prenons aussi des mesures pour nous assurer que la priorité est accordée au contenu des émissions plutôt qu'aux installations et aux coûts indirects.
[Traduction]
C'est un bref résumé de notre nouvelle politique sur la télévision locale et communautaire. L'élaboration de cette politique a représenté une étape importante, mais ce n'était qu'une première étape, car les politiques du Conseil ne sont pas d'application automatique et obligatoire. J'ai certes pu vous parler de notre politique, car elle a été rendue publique en juin dernier. Cependant, je ne peux faire aucune observation quant à la façon dont elle sera appliquée à l'avenir, car il nous reste à décider de certains éléments de sa mise en oeuvre.
Afin de concrétiser ces changements, nous devons établir de nouvelles conditions de licence pour les télédiffuseurs. En novembre, nous tiendrons ainsi des audiences publiques en vue du renouvellement des licences de grands groupes de propriété.
[Français]
Le 22 novembre, à Laval, nous amorçons une audience afin d'examiner les demandes de groupes de propriété de langue française, notamment Bell, Corus, Québecor et Groupe V Média.
[Traduction]
En ce qui concerne les groupes de propriété de langue anglaise, soit Bell, Corus et Rogers, l'audience s'amorcera le 28 novembre dans la région de la capitale nationale.
À l'approche de ces audiences, je ne pourrai peut-être pas répondre à toutes les questions que vous souhaiteriez me poser aujourd'hui. Le CRTC revêt un caractère unique, car il doit non seulement élaborer des politiques, mais aussi agir à titre de tribunal détenant des pouvoirs quasi judiciaires. Il est de notre devoir de nous assurer que nos instances, fondées sur des données probantes, sont menées de manière ouverte et transparente. Toutes les parties ont le droit de pouvoir compter sur notre équité procédurale et sur notre impartialité en tant qu'organisme décisionnel.
Afin de protéger l'intégrité du processus, j'ai reçu des conseils juridiques non équivoques: ne rien dire qui pourrait donner l'impression d'un jugement préalable sur des enjeux que nous pourrions avoir à étudier lors des audiences à venir. Je ne peux pas non plus formuler d'hypothèses quant aux décisions que nous pourrions prendre.
Le CRTC se penche actuellement sur d'autres dossiers qui pourraient intéresser les membres du comité. Je suis persuadé que vous me comprendrez s'il m'est impossible de discuter de ces enjeux, pour la même raison.
[Français]
Merci, madame la présidente.
Je suis prêt à répondre à vos questions.
:
Merci, monsieur Blais, d'être des nôtres aujourd'hui pour participer à notre étude sur le regroupement des médias et son impact sur l'expression des voix canadiennes.
Dans le contexte de cette étude et de la consultation entreprise par la au sujet du contenu canadien dans un monde numérique, j'aimerais vous parler de la décision prise par le CRTC le 25 août concernant le contenu canadien, et plus particulièrement de la réduction de huit à six du nombre de points requis pour avoir accès au Fonds de production indépendant certifié qui appuie les émissions canadiennes et l'expression de nos différentes voix.
Depuis que cette décision a été annoncée, il ne s'est pour ainsi dire pas passé une journée sans que j'en entende parler. Pour ce qui est du traitement médiatique de cette décision, disons que John Doyle l'a qualifiée de « vraiment épouvantable » dans The Globe and Mail. Dans ma circonscription de Toronto–Danforth, de nombreux intervenants du secteur de la création sont très préoccupés par les impacts possibles de cette décision. Je suppose que vous allez entendre dans tout le pays les gens de ce secteur vous faire à peu près les mêmes commentaires que ceux auxquels j'ai eu droit.
Je reçois des courriels et des appels, on m'en parle lors de réunions, et des gens m'arrêtent dans la rue pour me poser des questions à ce sujet. Ils me disent qu'ils ont choisi de rester au Canada ou d'y revenir parce qu'ils souhaitaient jouer un rôle au sein d'une industrie de la télévision et du cinéma qui leur apparaissait florissante et propice à l'expression des voix canadiennes. C'est ici au Canada qu'ils veulent élever leur famille tout en contribuant à ces réalisations qui sont à notre portée. Ils se posent de nombreuses questions quant aux répercussions que pourrait avoir la décision concernant les points de contenu canadien dans le secteur de la création, plutôt que simplement dans le secteur des services.
Non seulement s'inquiètent-ils au sujet de leur gagne-pain, mais ils sont tout particulièrement préoccupés par les incidences possibles quant à l'expression des voix canadiennes.
Je vais vous donner un exemple. J'ai reçu un courriel d'un scénariste qui vit dans ma circonscription. Voici ce qu'il m'a écrit relativement aux incidences de la décision en question:
Si Stephen King écrit un nouveau livre qui est édité, composé, formaté, imprimé et relié au Canada, est-ce quelqu'un va oser prétendre que c'est un livre canadien? Je ne crois pas. Les gens reconnaissent que c'est la nationalité de l'auteur d'un livre, d'une émission de télé ou d'un film qui est déterminante. Il ne semble pas que le CRTC soit de cet avis.
Ce ne sont pas seulement des scénaristes qui s'adressent à moi, mais aussi des acteurs et toute la gamme des intervenants de l'industrie. Pas plus tard que la semaine dernière, j'ai rencontré sept membres de l'ACTRA qui m'ont dit à quel point les productions canadiennes contribuaient à mettre en valeur la force et la diversité de nos voix.
J'insiste sur le terme « force », car ils m'ont aussi parlé de la force de notre industrie et de ses faits d'armes récents. J'entends la même chose un peu partout au pays. Ainsi, nous avons récemment célébré le prix Emmy remporté par Tatiana Maslany pour une production canadienne, Orphan Black. Nous nous sommes réjouis de cette reconnaissance internationale témoignant de la grande qualité des émissions que nous produisons.
Pour revenir à la couverture faite par nos médias locaux, Jessica Wong de CBC News a parlé au coauteur d'Orphan Black, Graeme Manson qui a indiqué que la décision concernant le contenu canadien était un « vote de non confiance » de la part du CRTC. Il a fait valoir que le CRTC laissait ainsi sous-entendre que les Canadiens ont besoin d'une aide étrangère pour raconter leurs propres histoires et souligné que le tout était franchement insultant pour l'ensemble des créateurs.
Il a ajouté que le nouveau système de points instauré pour le contenu canadien l'aurait fortement incité à ne pas embaucher Tatiana Maslany pour jouer ce rôle, et je crois que nous conviendrons tous que cela aurait été vraiment malheureux.
Je vous parle beaucoup d'Orphan Black, mais ce n'est pas notre seul bon coup. Il faut noter également Flashpoint; Degrassi, une rue de ma circonscription; Being Erica; et Murdoch Mysteries. Il y a de nombreuses excellentes émissions canadiennes qui connaissent un grand succès.
Peu après cette décision concernant le contenu canadien, j'ai rencontré à mon bureau certains de mes électeurs — des auteurs, des réalisateurs, des producteurs, des musiciens et des acteurs. Nous avons discuté de leurs préoccupations. Ils s'interrogeaient sur les impacts de cette décision. Ils se posaient encore plus de questions quant au moment choisi pour l'annoncer étant donné que la a entamé une consultation relativement au contenu canadien. Ils étaient tous d'avis qu'il était un peu étrange qu'une telle décision soit prise alors qu'une consultation semblable était en cours.
Mes commettants m'ont indiqué par la suite que la meilleure solution serait de suspendre l'application de cette décision. C'est exactement ce qu'ils souhaitaient. Ils voulaient que l'application de la décision du CRTC concernant le contenu canadien soit suspendue en attendant la conclusion des consultations menées par la ministre, de manière à lui permettre d'aller au fond des choses. C'est ce qu'ils m'ont indiqué. Ils désiraient également que le CRTC leur fasse la preuve que cette décision n'allait pas nuire à l'industrie.
Voici donc ma question...
Une voix: Oh, il y a une question.
Mme Julie Dabrusin: ... oui, il y a une question, et elle est importante car elle vient de mes électeurs.
En quoi votre décision va-t-elle aider les Canadiens à se tenir au fait de ce qui se passe dans leur collectivité et dans leur région? Et pour être plus précise, étant donné les succès actuels de notre industrie de la télévision et du cinéma et compte tenu des préoccupations exprimées par plusieurs concernant les répercussions de la décision touchant les points de contenu canadien et le fait que la a entrepris une consultation portant sur le régime du contenu canadien dans son ensemble, comment puis-je expliquer cette décision à mes commettants et aux gens de cette industrie qui craignent de perdre leur emploi?
:
Je vais essayer de vous le réexpliquer. La dernière fois, la question était très longue, donc nous avons probablement été arrêtés avant que je n'arrive à bien l'expliquer.
Pour le CRTC, la norme de contenu canadien est de 6 sur 10 depuis 1984. Elle n'a pas changé. Le Bureau de certification des produits audiovisuels canadiens, qui certifie le contenu aux fins du crédit fiscal depuis 1995, utilise la norme de 6 sur 10 pour définir ce qui constitue une production canadienne.
Il y a quelques exceptions pour les productions réalisées selon un traité de coproduction officiel, les coentreprises et l'animation, mais nous parlons ici de réel. La norme a toujours été de 6 sur 10, en plus des deux règles des 75 %, et il faut que le réalisateur ou le directeur (celui ou celle qui dirige la production) soit Canadien.
Pour les productions qui ne sont pas considérées canadiennes, il y a divers mécanismes de financement qui existent, de sorte que si la production atteint un certain niveau assez élevé, nous offrirons tout de même une forme de financement. Il y a toutes sortes de fonds de production indépendants qui ont été créés. Ils représentent environ 1,6 % du financement. On dit toujours d'eux qu'ils sont la crème de l'innovation dans ce qu'ils font, parce que le Fonds des médias du Canada exige habituellement un 10 sur 10, et il finance la plupart des productions canadiennes que les diffuseurs canadiens diffusent à heure de grande écoute.
Les fonds indépendants étaient assez contents de jouir de cette flexibilité accrue, parce que les documentaristes ne pouvaient pas toujours se tailler une place dans un monde où l'on exige un 10 sur 10. Cette norme existe toujours. Ils financent encore les Orphan Blacks de ce monde, parce que c'est la seule façon de recevoir des fonds du FMC.
C'est un écosystème compliqué. Quiconque vous dit que nous sommes passés d'un critère de 10 sur 10 à un critère de 6 sur 10 essaie de vous leurrer, parce qu'on considère encore et toujours canadiennes les productions dont le contenu est canadien à 6 sur 10. Le problème, ici, c'est l'accès à un financement supplémentaire des contribuables ou des abonnés.
:
Très bien. Je vais d'abord répondre à votre deuxième question.
Cette question porte sur la politique fiscale, et je ne suis assurément pas un spécialiste de la politique fiscale, mais je peux comprendre l'argument des dirigeants de services comme Illico, Crave ou même Shomi (qui sera encore là jusqu'à la fin novembre), qu'ils doivent payer la TPS, alors que les services étrangers qui profitent de notre système bancaire par l'utilisation des cartes de crédit ne semblent pas en payer. En tant que simple citoyen, j'en suis un peu surpris. Je sais que ce n'est pas ainsi que les choses fonctionnent ailleurs, mais je vous recommanderais de poser cette question aux fonctionnaires du ministère des Finances.
Pour ce qui est de la qualité du journalisme, j'ai prononcé un discours le 17 février, et pour abréger peut-être un peu, j'y ai exposé mes réflexions sur l'émergence d'un journalisme de qualité sur les nouvelles plateformes. En gros, je disais que les normes journalistiques en vigueur aujourd'hui ont mis 300 ans à se développer. Facebook n'existe que depuis 10 ou 12 ans, et c'est la même chose des autres médias sociaux, donc il faut du temps. En fait, les codes d'éthique que tout le monde cite aujourd'hui ne sont probablement nés que dans les années 1920.
Les normes prennent du temps à s'établir, mais elles sont habituellement établies par la profession elle-même. Je sais en particulier que le Parlement, par la Loi sur la radiodiffusion, nous dicte explicitement de reconnaître la liberté d'expression et l'indépendance de l'éthique journalistique. Il est donc difficile pour un organisme comme le nôtre de dire aux journalistes, qui forment le quatrième pouvoir, comment faire leur travail.
J'espère que la profession journalistique réfléchira elle-même à la question des normes, puisque nous sommes présents sur ces nouvelles plateformes. Peut-on publier n'importe quoi pour obtenir plus de clics et vendre plus de publicité ou devrions-nous appliquer un code d'éthique, qu'on soit à la SRC ou à CTV, pour nous assurer d'agir en tant que membres en bonne et due forme du quatrième pouvoir?
:
Merci, madame la présidente.
Monsieur Hutton, madame Laizner, merci d'être parmi nous.
Une chose me préoccupe beaucoup quand je vous écoute, tout comme cela me préoccupait quand j'écoutais M. Blais un peu plus tôt. J'ai le sentiment qu'il y a un vide juridique entourant l'univers numérique. On parle grosso modo d'Internet. On n'accuse pas Netflix ou qui que ce soit, mais on parle d'un nouvel environnement, d'une nouvelle machine. Auparavant, on écoutait de la musique à la radio et on regardait des émissions ou des films à la télévision. Tout d'un coup, un nouvel instrument arrive, avec un nouveau code.
Dans cette optique, je ne comprends pas qu'il y ait tant d'initiatives. J'attends que le gouvernement siffle la fin de la récréation et qu'il mette fin aux initiatives qui ont lieu de tous bords, tous côtés.
Comme M. Blais l'a dit plus tôt, dans ce système, tout est imbriqué. Tout le monde est lié d'un bout à l'autre de la chaîne. Soudain, une brique décide de sortir du mur, puis une autre brique sort. À un moment donné, tout cet édifice va s'écrouler.
Je sais que M. Blais trouve que je suis une vieille grand-mère qui a peur de l'avenir, mais ce n'est pas la vérité. La vérité est qu'actuellement tout le milieu est ébranlé. Je dirais qu'il y a des victimes de tous les côtés.
Par ailleurs, je ne comprends pas que, dans la Politique réglementaire de radiodiffusion CRTC 2016-224, en ce qui a trait à l'amélioration de la couverture, on ait décidé que les télés communautaires étaient un peu facultatives. Autrement dit, elles n'ont qu'à trouver leur financement où elles le peuvent, et les jeunes n'ont qu'à prendre leur iPhone, aller filmer des affaires au cégep et mettre cela en ligne sur YouTube. Grosso modo, c'est le message qu'ils ont reçu.
Il n'empêche que l'alinéa 3(1)b) de la Loi sur la radiodiffusion parle du « système canadien de radiodiffusion, composé d’éléments publics, privés et communautaires ». On indique que ce système « utilise des fréquences qui sont du domaine public ». Je comprends que cela a beaucoup changé, mais vous avez quand même pris une grosse liberté en tassant les médias communautaires. Vous avez mis le pied à l'extérieur de la ligne, il me semble.
:
Eh bien, non. J'ai répété ce que tout premier dirigeant de radiodiffusion dit à ses actionnaires: « Il n'y a pas eu de pertes au dernier trimestre. Tout va bien ». C'est ce que cette expression reflète en fait.
Nous entendons parler de nombreux défis, mais vraiment, la radio dépend de la publicité, tout comme la télévision locale. Les chaînes thématiques dépendent en partie de la publicité, et il en est de même pour CBC/Radio-Canada. C'est la publicité.
Oui, les gens vont sur Netflix, mais c'est le monde de la publicité qui influence ce qui se passe dans notre industrie de la radiodiffusion. Un certain nombre de différents joueurs sont arrivés dans le monde de la publicité, et par nos petits coups de coude et les petits changements que nous apportons au système de radiodiffusion, nous essayons d'inciter nos radiodiffuseurs à, dans une certaine mesure, s'aventurer dans ce nouveau secteur, ce nouveau monde numérique, de sorte qu'ils puissent tirer de l'argent de ces nouvelles plateformes et ne pas laisser d'autres personnes profiter de la situation et prendre toute la place.
La croissance de la publicité est absorbée par de nouvelles plateformes. Ces nouvelles plateformes ne sont pas toutes des radiodiffuseurs. Netflix ne cherche pas de recettes publicitaires, et le problème n'est pas lié qu'à une entité. C'est l'un des messages que je veux communiquer à cet égard.
En ce qui concerne notre mécanisme, les radiodiffuseurs que vous avez mentionnés ont également comparu devant nous, se sont plaints, et ont indiqué qu'ils livraient concurrence en ayant les mains liées concernant les produits numériques. Nous avons établi des règles du jeu équitables pour eux dans le cadre de nos propres règles.
La majeure partie de ce qui est produit l'est par d'autres entités, et nous ne pouvons donc pas les traiter sur un pied d'égalité avec ces fournisseurs de services par contournement. En fait, nous leur donnons un coup de pouce, car ils peuvent utiliser le système de radiodiffusion traditionnel pour distribuer leurs produits aux Canadiens par ce que nous appelons notre ordonnance d'exemption relative aux services de VSD — vidéo sur demande — hybrides. C'est le cas pour CraveTV, illico, Tou.tv, de sorte qu'ils peuvent servir les Canadiens et qu'ils sont capables de livrer concurrence sur un pied d'égalité en ce qui a trait à nos règles.
Je pense que ce que le président disait, essentiellement, c'est qu'il y a un autre volet, une question de politique budgétaire —, qui est hors de notre ressort — pour laquelle les entreprises viennent probablement encore vous voir pour que vous régliez la question.
:
Merci beaucoup, madame la présidente.
Madame Laizner et monsieur Hutton, à titre d'information, les propos auxquels j'ai fait référence sont tirés des témoignages de la réunion du 10 mai.
Mon collègue M. Vandal avait alors posé cette question à M. Jagdish Grewal, du Canadian Punjabi Post:
[Traduction]
« Quelle est votre concurrence? »
[Français]
M. Grewal lui a alors répondu ce qui suit:
[Traduction]
« Il y a aussi la télévision sur IP. Au cours des deux dernières semaines, cinq ou six stations de télévision de langue punjabi, diffusant 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, sont entrées en ondes ici dans la grande région de Toronto […] et [c]es gens [...] ne se privent pas d'approcher nos annonceurs pour leur offrir de faire passer leur publicité à la télévision. »
[Français]
Tout à l'heure, M. Blais a bien répondu à la question de la présidente du Comité au sujet des taxes qui sont appliquées sur les services par contournement. Il a dit qu'il faudrait adresser cette question au ministère des Finances. On comprend bien cela.
Le 22 novembre prochain, vous entamez l'étude sur les grands consortiums de télévision généraliste, notamment Bell, Shaw et Rogers. On espère qu'ils n'interviendront pas dans le but de conclure une entente en s'appuyant sur le fait que, puisque les autres services ne paient pas de taxes, ils ne veulent plus en payer eux non plus, et qu'ils veulent faire comme Netflix et ne pas avoir de contenu canadien, ou du moins avoir des quotas réduits.
Peut-on espérer que vous n'utiliserez pas cette histoire de taxes comme argument dans la négociation d'une entente? Je tiens à dire à mes grands amis du secteur des télécommunications qu'ils ont bien raison et que nous sommes une société bien minable si nous ne nous occupons pas de percevoir des taxes sur des services par contournement. Cela dit, peut-on être sûr que cela ne sera pas utilisé comme monnaie d'échange dans une négociation?