:
Je vous remercie beaucoup.
J'ai le grand plaisir d'être ici avec vous tous aujourd'hui pour discuter d'un sujet très important, soit le rôle des musées et du patrimoine canadien, et surtout celui des musées communautaires.
[Traduction]
Je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître. C'est la première fois que je livre un tel exposé.
J'aimerais donc commencer par vous parler un peu de moi afin de vous donner une idée de mes antécédents, si vous me le permettez,
[Français]
madame la présidente et membres du Comité.
[Traduction]
Vous connaissez mon nom — je m'appelle Gail Lord. Mon mari et moi-même avons fondé Lord Cultural Resources en 1981. Nous sommes tous les deux Canadiens. Il s'agit de la plus grande entité de planification culturelle au monde. Il y a un an, j'ai eu l'honneur de recevoir l'Ordre du Canada, et j'en suis très fière. Je suis également
[Français]
officier des arts et des lettres
[Traduction]
du gouvernement de France, et je suis titulaire d'un doctorat en droit de l'Université McMaster. Je suis très honorée de tout cela.
Notre société a des bureaux un peu partout dans le monde, et je crois donc que nous sommes la preuve qu'il est possible d'acquérir, dans le secteur des musées et du patrimoine, une renommée internationale dans une industrie créative.
Nous avons mené plus de 2 700 projets dans 57 pays. Parmi nos clients, on retrouve le Louvre — et lorsque je dis le Louvre, je parle du Louvre à Paris, du Louvre à Lens et du Louvre à Abou Dhabi, qui vient tout juste d'ouvrir.
Malgré toutes ces statistiques, ce dont je suis la plus fière — et manifestement, il s'agit d'expériences vécues, et pas seulement de statistiques —, c'est le travail que nous avons effectué au Canada. En effet, nous avons mené plus de 400 projets d'un bout à l'autre du pays. Cela signifie des activités de planification muséale, de planification culturelle et de développement des musées dans chaque province et territoire, dans des petits et des grands musées, pendant 36 ans. Nous poursuivons nos activités dans les petits et les grands musées.
Dans la région de la capitale nationale, où vous vous trouvez, nous avons mené plus de 20 projets. Nous travaillons au réaménagement de l’édifice du Centre du Parlement et du centre des visiteurs qui sera établi en temps voulu. Nous sommes donc très présents dans notre capitale nationale. Vous savez peut-être que ma société a remporté le concours pour faire le Monument national de l'Holocauste — ce dont je suis extrêmement fière. Il est maintenant ouvert à Ottawa, près du Musée de la guerre. La chose dont je suis la plus fière — je crois que vous serez heureux de l'apprendre —, ce sont les 14 ans que j'ai passés à travailler sur le Musée canadien des droits de la personne, à Winnipeg. Nous avions présenté notre plan directeur au premier ministre de l'époque, Jean Chrétien, et il a été adopté à l'unanimité par la Chambre des communes. C'était incroyable. Je crois que cela a eu des répercussions profondes sur Winnipeg.
Nous avons également travaillé pendant neuf ans au Quai 21, à Halifax. Je crois que cela en dit long sur les connaissances et l'expérience que j'ai le privilège d'avoir dans notre propre pays, ainsi qu'à l'échelle mondiale. Sans plus tarder, j'aimerais vous décrire brièvement ce qui, à mon avis, représente les forces, les points faibles et les possibilités du secteur des petits et moyens musées au Canada.
Le premier point fort, c'est le personnel et les bénévoles dévoués qui travaillent dans nos musées locaux et dans les communautés muséales de partout au Canada. Il existe des initiatives louables comme le Réseau des musées d'Ottawa, avec lequel nous travaillons actuellement, et le réseau muséal de la Nouvelle-Écosse, avec lequel nous avons travaillé pendant de nombreuses années afin d'appuyer, d'encourager et de renforcer la capacité dans les musées communautaires. Les musées communautaires dépendent surtout du soutien des bénévoles. Le renforcement de la capacité est un énorme enjeu pour ces musées. La décentralisation de nos musées nationaux — et je sais que les musées nationaux ne sont pas un sujet à l'ordre du jour — aide beaucoup, car je ne crois pas à l'économie du ruissellement, mais je crois à l'influence vers le haut et vers le bas. Cela permet d'apporter une expertise incroyable dans chaque région du pays où se trouve l'un de ces musées.
Je crois que la combinaison de l'ampleur et de l'expertise offertes par les musées nationaux et provinciaux et le savoir local des petits musées est réellement un thème important.
Les musées doivent être considérés comme des institutions de transformation. Étant donné qu'ils fonctionnent surtout grâce aux bénévoles et qu'ils sont axés sur la communauté, je crois que trop souvent, on les voit seulement comme des « gardiens de vieilles choses ». Ce n'est plus vraiment le thème principal, même si c'est un thème dans un grand nombre d'entre eux. Ce sont des espaces inspirants. Ce sont des endroits où les jeunes peuvent vivre l'histoire matérielle de leur vie, de leur nouvelle vie s'il s'agit d'immigrants, de leur vie de famille s'ils sont installés depuis un certain temps, et de leur vie en évolution, car la vie de tous les Canadiens est en évolution. Les musées sont donc réellement des endroits où on peut mesurer et ressentir le changement.
La notion selon laquelle les musées sont statiques et guindés est donc absolument fausse. Ce sont également des endroits inspirants et édifiants, et ce sont des endroits qui favorisent les aspirations, et encore une fois, je crois que nous sous-estimons le potentiel d'inspiration des musées communautaires. À Toronto, une initiative appelée Myseum a été lancée; elle vise à fonder un musée de Toronto. Toronto est en fait la plus grande ville qui n'a pas de musée municipal dans le monde. Je sais que personne ne prend Toronto en pitié, mais c'est une réalité, et les membres du groupe qui a lancé l'initiative Myseum ont accès à du financement privé et ils engagent des dialogues au sujet du musée partout dans cette grande ville, et cela fonctionne. Il y a environ deux semaines, j'ai participé à un événement sur l'histoire d'un quartier, et il y avait une centaine d'autres participants, dont un grand nombre de jeunes. Le fait que cela se déroulait dans une brasserie a probablement beaucoup aidé, mais manifestement, il y a de nombreuses brasseries à Toronto, et les jeunes étaient donc très excités de participer à cet événement.
Les musées communautaires, sous toutes leurs formes, sont donc des endroits qui favorisent ce que les sociologues appellent l'intégration et la formation de liens, et je crois qu'il est très important que le Canada établisse des liens et rassemble les gens. Nous sommes fiers de nos politiques en matière d'immigration — et avec raison. En effet, elles ont fondamentalement évolué à la fin des années 1960 et au début des années 1970, et je crois qu'elles représentent l'un des éléments les plus progressifs de notre pays. Les musées sont des endroits où les gens se rencontrent et établissent des relations, ce qui crée des liens entre les cultures, et ce sont également des endroits où les gens découvrent leurs intérêts communs. Au Canada, surtout à une époque où les médias sociaux, comme nous le savons, peuvent diviser les opinions, nous devons comprendre que les musées sont inclusifs et qu'ils ne sont certainement pas une source de division, bien au contraire. En effet, les musées créent des liens entre les institutions. Ils rassemblent les institutions, et c'est l'idée principale dans ce cas-ci.
Maintenant, j'aimerais aborder certains des points faibles. Tout d'abord, nous n'avons aucune politique fédérale en matière de musées.
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Merci, madame la présidente.
Je m'appelle Eva Aariak et je suis présidente de la Fiducie du patrimoine inuit, une société située à Iqaluit. Iqaluit est la capitale du Nunavut, le territoire créé en 1999. Je suis très heureuse d'être ici en compagnie de William Beveridge, notre directeur général. La Fiducie du patrimoine inuit représente 27 000 Inuits du Nunavut et reçoit son mandat de l'article 33 de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut qui a été signé entre les Inuits et le gouvernement du Canada.
Toutefois, je suis désolée d'admettre que je n'ai pas de renseignements solides sur notre musée, car il n'y a pas de musée au Nunavut. Je vous fournirai un peu plus de détail à cet égard. Je suis d'accord avec de nombreux commentaires formulés par le témoin précédent sur le fait que les musées sont des endroits vivants et inspirants, et je vous en parlerai aussi un peu plus en détail.
La Fiducie du patrimoine inuit représente les intérêts des Inuits du territoire relativement à des enjeux liés au patrimoine, à l'archéologie, aux ressources ethnographiques et aux toponymes traditionnels. William remettra à chacun d'entre vous une carte sur laquelle travaille la Fiducie du patrimoine inuit depuis les 20 dernières années. Cette carte indique aussi les lieux spirituels — selon nos traditions, bien sûr.
L'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut est le règlement en matière de revendications territoriales autochtones le plus important à avoir été négocié dans l'histoire du Canada. Le Nunavut compte 25 collectivités, et sa superficie représente environ un cinquième de la masse terrestre du Canada ou l'équivalent de trois fuseaux horaires. Le Nunavut est le seul territoire ou province qui n'a pas de centre du patrimoine officiel. L'article 33 de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut énonce qu'il faut promouvoir, protéger et préserver le patrimoine naturel et culturel du Nunavut. On reconnaît depuis des décennies que le Nunavut a besoin d'un centre territorial. C'est tellement important pour la population d'avoir un tel endroit pour exposer la riche histoire et la culture de notre peuple. Ce type d'établissement a des répercussions directes sur l'éducation, le perfectionnement professionnel, le tourisme, etc.
Nos petites collectivités ont un très petit édifice dans lequel les habitants présentent les réalisations de la collectivité, mais le territoire n'a pas de centre du patrimoine pour entreposer plus de 400 000 artéfacts qui illustrent les riches connaissances et habiletés traditionnelles de nos ancêtres. Où sont entreposés tous ces artéfacts? Malheureusement, ils ne sont pas au Nunavut. C'est l'initiative pour laquelle nous militons.
Ces artéfacts qui appartiennent de droit au Nunavut se retrouvent dans divers endroits, notamment au Centre du patrimoine septentrional Prince-de-Galles, à Yellowknife, aux Territoires du Nord-Ouest. Ils se retrouvent également à Winnipeg, à Ottawa et dans d'autres endroits où existent des installations appropriées pour les entreposer. Le Nunavut n'a aucun établissement de ce type pour conserver ces artéfacts de façon sécuritaire pendant les années à venir, afin de permettre à nos propres enfants, à nos petits-enfants et à la génération suivante d'y avoir accès.
Les musées ont une grande influence sur nos jeunes. Les vêtements que je porte aujourd'hui s'inspirent du style traditionnel de nos ancêtres, mais nos jeunes font preuve d'une grande créativité lorsqu'ils modernisent les styles traditionnels pour les transformer en créations artistiques contemporaines.
Pouvez-vous imaginer cela? Si seulement les jeunes artistes et designers du Nunavut avaient accès aux véritables motifs traditionnels créés par nos habiles ancêtres. Nos jeunes peuvent seulement s'inspirer de ce qu'ils connaissent et de ce qu'ils voient chez leurs parents et chez leurs grands-parents pour créer de merveilleux vêtements, bijoux, outils, etc.
Il est très important d'avoir un endroit qui stimule continuellement la curiosité des enfants d'âge scolaire, des jeunes et même — je ne suis plus très jeune — des gens de mon âge et de celui de William. Chaque fois que nous visitons un autre endroit, par exemple Yellowknife ou ici, on nous invite à voir nos artéfacts et les vêtements, les outils et les réalisations qui sont conservés en toute sécurité dans un tiroir sombre. Chaque fois que nous ouvrons un tiroir et que nous voyons tous ces artéfacts, ces jolies créations de nos ancêtres, cela nous va droit au coeur.
Je peux imaginer à quel point il serait touchant pour nos propres enfants et petits-enfants, ainsi que pour les générations suivantes, de pouvoir profiter de ces choses que nous voyons brièvement dans les autres provinces et territoires. Il est très important que notre territoire obtienne un tel établissement.
Nous espérons et nous rêvons de pouvoir exposer nos artéfacts dans notre propre territoire, car un jour, le centre du patrimoine du Nunavut deviendra une réalité. Notre centre du patrimoine collabore grandement avec des organismes inuits du Nunavut. Nous tentons continuellement d'approcher d'autres entités, notamment le gouvernement du Canada. Il y a quelques semaines, nous avons eu de merveilleuses rencontres avec des représentants du gouvernement, ici, à Ottawa, pour leur expliquer ce que nous faisons. Nous vous ferons parvenir la présentation que nous leur avons donnée dès qu'elle sera traduite, et vous pourrez la consulter.
Nous avons 25 petites collectivités qui ont une population de 450 à 3 000 habitants, selon la région du territoire. Ces gens travaillent fort pour présenter leur culture. À cette fin, ils demandent un peu d'argent au gouvernement du Nunavut. Ils organisent des collectes de fonds et d'autres événements, afin de pouvoir avoir un petit endroit où les visiteurs, les jeunes et les habitants de la collectivité peuvent participer à une petite exposition. Ce type d'établissement ne correspond pas du tout au type d'édifice à humidité contrôlée dont nous avons besoin pour accueillir les artéfacts de notre riche patrimoine culturel, etc. Je parle beaucoup du fait que nous n'avons pas un tel établissement, mais je serai heureuse de répondre à vos questions pour approfondir les renseignements que vous aimeriez obtenir.
Merci, madame la présidente.
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C'est une excellente question.
Permettez-moi de préciser que notre philosophie fondamentale a toujours été que ce qui est grand peut apprendre de ce qui est petit, et que ce qui est petit peut apprendre de ce qui est grand. Je dirais tout d'abord que les petits établissements du Québec sont incroyablement créatifs et qu'ils ont beaucoup de choses à enseigner au reste du monde. J'ai différentes raisons de penser cela, mais je n'entrerai peut-être pas dans les détails aujourd'hui.
En fait, l'une des leaders canadiennes — et j'insiste sur le mot canadienne — qui se trouve à Toronto est venue du Musée d'art de Joliette. Ce n'est pas une ville minuscule, mais ce n'est pas la ville de Québec. Elle est vraiment l'une des grandes leaders dans la province de l'Ontario. En fait, je dirais que le Québec est l'un des endroits qu'on explore quand on cherche des talents dans le reste du pays, même dans les endroits où le bilinguisme n'est pas exigé, mais où on veut amener des talents. Je tenais à le souligner.
Nous travaillons pour des petits musées de partout. Nous avons écrit une série de livres. Nous pensons que ces livres s'appliquent presque tous également. Le tout premier s'intitulait Planification de nos musées. Il a été publié en français en 1983. Le défi qui se pose sur le plan financier pour les Canadiens et aussi pour les Québécois, je crois — et probablement aussi pour le Nunavut —, c'est qu'il s'agit de possibilités financières publiques-privées. Nous sommes au Canada, et nous avons besoin du leadership du gouvernement. Lorsque le gouvernement démontrera un leadership stable dans ce domaine, je crois que le secteur privé offrira son soutien. C'est ma recommandation.
Le problème, c'est qu'en ce moment, la plus grande partie du financement accordé aux musées est ponctuelle, et c'est un très mauvais fondement pour demander de l'aide au secteur privé.
:
Ce n'est pas vous? Oh. D'accord.
Je crois que ce projet de loi devrait être appuyé, quel que soit son parrain. J’ai été mal informée, mais cela arrive aussi dans notre pays comme ailleurs. Je pense que, pour en revenir à l’argument qu’Eva Aariak a soulevé, le rapatriement est vraiment très fondamental; et, bien sûr, comme elle le fait remarquer, le rapatriement a un coût, car nous devons nous assurer de suivre les processus appropriés et de disposer des installations adéquates dans les collectivités lorsqu'on rapatrie les oeuvres. C’est donc une pierre angulaire. En passant, il est très intéressant que, même en Europe, l’idée du rapatriement fasse son chemin, même si — hélas — pas en ce qui concerne certaines collections qui devraient être retournées à Montréal. Mais c’est peut-être une autre histoire.
Je pense que la question est celle d’avoir une politique efficace sur les musées dans laquelle notre gouvernement prend position pour affirmer que les musées sont importants et qu’ils comptent. Il a fait des déclarations semblables à l’égard de bien d’autres aspects de la vie canadienne, notamment de la SRC et du Conseil des arts du Canada. Un certain nombre d’autres institutions importantes ont eu droit à une reconnaissance au cours des dernières années, mais il n’y a plus de politique sur les musées depuis maintenant des années, alors que les musées ont changé. Je pense qu’une politique devrait énoncer que les musées font partie de la puissance douce du Canada, qui est une nation à la puissance douce. Les musées sont essentiels au commerce. Ce sont des endroits où on célèbre les relations internationales. Ils sont importants en éducation. Ils sont importants dans des secteurs dans lesquels le gouvernement fédéral n’a pas compétence, mais où il peut offrir des incitatifs. Je pense que mon problème est que nos incitatifs sont épisodiques et qu’ils n’ont pas de lien entre eux.
Je pense que la question qui vient d’être soulevée concernant la technologie est importante. Oui, la technologie compte, mais nous voyons aussi à quel point elle peut diviser. C’est l’action humaine qui compte, y compris si, comme Eva Aariak l’a dit, elle consiste à étudier la façon dont un vêtement donné est confectionné. Si je peux avoir un gros plan sur ce qu’elle porte, sa robe est absolument fantastique. Si vous vous intéressez à la conception, les étudiants dans le domaine ont vraiment besoin de travailler avec ces tissus plus vieux, de voir comment ils ont été confectionnés, de les déplier, d’examiner les coutures. Il en va de même pour les matériels d’archives. Les gens veulent apprendre ce que les membres de leur famille ont fait pendant la Première ou la Deuxième Guerre mondiale. C’est une chose de le voir en ligne, mais c’en est une autre de voir le véritable certificat de décès ou de naissance en format tangible.
Je pense que le fait d’avoir une vision équilibrée du numérique et du physique est vraiment quelque chose dont les humains ont besoin pour apprendre et, franchement, si nous ne le faisons pas, c’est à nos propres risques. Je ne sais pas si cela répond pleinement à vos questions, mais c’est un début.
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Je vous remercie mille fois de vos questions. C'est un défi.
[Traduction]
Je continue d’insister sur le besoin d’une politique fédérale. Nos concurrents au Royaume-Uni ou en France ou ailleurs dans le monde — par exemple, aux États-Unis, bien que ce soit moins le cas qu’au Royaume-Uni — ont des attentes très élevées à l'égard de leurs musées. Je pense qu’il est temps pour nos dirigeants nationaux de dire que les musées ont le potentiel de changer la société, de changer le monde. Les musées sont des agents de changement qui font partie de la puissance douce du Canada. Nous devons avoir un leadership national qui place les musées…
La santé est un des sujets importants qui définissent le Canada. Nous nous soucions de la santé. Cela s’est fait sur de nombreuses années. Cette question nous définit tout à fait et nous place dans une catégorie spéciale avec d’autres économies dominantes dans le monde. Je pense que la même chose doit se produire avec les musées. Le premier défi est de définir des normes de rendement très élevées à l’échelle fédérale. Que les gens aient les moyens ou non n’a presque aucun rapport avec les normes à définir. À l’heure actuelle, on semble niveler par le bas lorsqu'il est question des musées communautaires. J’exclurais le Québec, où je pense que les musées communautaires s’en tirent mieux qu’ailleurs. Je crois qu’il y a des raisons qui l’expliquent et que le reste du pays devrait en tirer des leçons.
Le deuxième défi, bien sûr, est que nous avons besoin d’un type de financement qui soit plus viable. L’entité fédérale est le Programme d’aide aux musées. Il est sous-financé depuis 30 ans. Je dois dire que mon époux, Barry Lord, a travaillé pour ce programme. Notre entreprise en découle presque. Lorsque nous avions un Programme d’aide aux musées efficace, nous avions une solide réputation à l’échelle internationale pour nos musées à tous les niveaux, car la base de financement était plus constante. Aujourd’hui, nous vivons dans un monde différent. Le financement doit être privé et public, mais nous avons besoin d’avoir un type de programme national qui fasse preuve de leadership à cet égard.
Le troisième défi est celui du perfectionnement du leadership. Nous avons une école nationale de théâtre à Montréal. Nous avons d’autres initiatives au pays, mais nous ne sommes pas vraiment des chefs de file dans le domaine du leadership national. Les avocats canadiens sont des chefs de file mondiaux dans le domaine de la jurisprudence, surtout en droit constitutionnel, car nous bénéficions du biculturalisme et du multiculturalisme. Je pense que, côté musées, nous avons perdu beaucoup de terrain. Nous avons l’avantage d’être un pays multiculturel, nous avons l'avantage d'être un pays biculturel et nous avons le grand avantage d’avoir des peuples autochtones. Nous devrions être des chefs de file, mais ce n’est franchement pas le cas.
Ce sont trois points: la politique nationale — placer la barre haut — le financement privé-public assorti d’une base de financement sûre, et l’investissement dans le leadership. Sinon, nous perdrons nos meilleurs talents. C’est déjà le cas.
Bonjour. Je m'appelle Shauna Levy et je suis présidente et chef de la direction de Design Exchange, le seul musée canadien exclusivement consacré au design, et je suis d'avis que le design peut changer le monde.
Le Canada compte une industrie de centaines de milliers de designers dans le domaine de l'infographie, de la mode, de l'industrie, de l'architecture, de la décoration d'intérieur, dans le milieu hospitalier, etc. Le DX, ou le Design Exchange, est le reflet de cette industrie dans une présentation culturelle unique.
Merci, madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du Comité, de nous avoir invités à témoigner aujourd'hui. Le DX a vu le jour il y a 25 ans avec le mandat de démontrer la valeur et l'importance du design dans notre quotidien. La Ville de Toronto nous permet d'utiliser sans frais durant 99 ans le premier édifice de la Bourse de Toronto, et le promoteur, Cadillac Fairview, nous a offert une bourse de 500 000 $ par année pendant 25 ans pour couvrir nos dépenses d'exploitation. Cette subvention a expiré en 2015.
Il y a sept ans, Lord Cultural Resources a élaboré un plan stratégique, et j'ai été recrutée pour le mettre en oeuvre. Ce plan incluait deux recommandations: être un musée du design qui offre des programmes qui plaisent au grand public et créer un festival du design. Pour ce qui est du musée, j'ai installé l'exposition Happy Show de Stefan Sagmeister et la rétrospective sur les 20 ans de Christian Louboutin que nous prête le Musée du design de Londres. Nous avons également élaboré nos propres expositions: This Is Not a Toy est une exposition d'art de la rue dont l'auteur-compositeur-interprète Pharrell Williams s'occupe à titre de commissaire invité, et Politics of Fashion | Fashion of Politics avec l'icône canadienne Jeanne Beker.
Ces quatre expositions ont attiré plus de 75 000 visiteurs, dont la majorité en était à leur première visite, et elles ont permis d'accroître de 300 % le nombre de visiteurs au DX. Nous avons réussi à obtenir 800 millions de tirages médiatiques dans le monde, et le DX a vu ses revenus augmenter considérablement pour la première fois. Par exemple, l'exposition sur Louboutin a permis d'aller chercher des revenus record de 250 000 $ en commandites d'entreprises et environ le même montant en subventions du gouvernement provincial. Or, compte tenu du contexte de financement actuel des musées, nous avons encore de la difficulté à couvrir nos frais. Comme si ce n'était pas déjà assez complexe, plus nous utilisions des locaux pour notre programmation, moins nous pouvions en louer, ce qui est notre principale source de revenus.
À cette époque, j'ai eu deux conversations qui nous ont menés à l'étape suivante de notre évolution. Premièrement, lorsque j'ai demandé à Pharrell la raison pour laquelle il a accepté bénévolement d'être le commissaire de l'exposition, il m'a répondu que les gens sont souvent intimidés par l'art contemporain et qu'ils restent debout devant une galerie d'art pétrifiés à l'idée d'y entrer. Il m'a expliqué que l'art de la rue était accessible et qu'il servait d'introduction à l'expression culturelle. L'autre conversation que j'ai eue était avec un conseiller municipal qui représente un quartier hautement prioritaire. Il m'a demandé de penser aux enfants.
Premièrement, Pharrell avait raison. De jeunes adultes nous ont appelés pour nous poser des questions sur notre code vestimentaire, tout simplement parce qu'ils n'avaient jamais mis les pieds dans un musée. Deuxièmement, la question du conseiller m'a permis de réfléchir à un tel point à la pertinence, à la diversité et à l'accessibilité que c'est devenu le point de départ pour l'étape suivante, soit le DX Satellite.
Le DX Satellite a été mis sur pied. En plus de notre centre à la Bourse de Toronto, nous sommes devenus nomades avec des installations temporaires partout dans le Grand Toronto. L'exposition 3DXL illustrait l'effet de l'impression 3D sur l'architecture, tandis que Smarter. Faster. Tougher. se voulait une exposition sur la création novatrice de vêtements de sport qui s'est tenue à l'occasion des Jeux panaméricains.
Nous avons élaboré une grande série de programmes, de tournées et d'ateliers personnalisés à caractère éducatif pour des quartiers hautement prioritaires. Ces programmes continuent de prendre de l'expansion. Nous attirons chaque année environ 90 000 visiteurs et participants et nous avons environ 200 000 amis et abonnés sur les médias sociaux. Nous avons réalisé un projet à la gare Union avec Luminato dans le cadre de notre programmation axée sur les quartiers hautement prioritaires.
En 2015, pour faire suite au plan stratégique, nous avons jeté les bases du concept d'un festival du design et d'une biennale, ce qui a mené à notre projet le plus ambitieux et le plus encensé jusqu'à ce jour: EDIT: Expo for Design, Innovation, and Technology. EDIT était un festival interactif et immersif de 10 jours où nous cherchions à comprendre comment l'innovation en design et les technologies peuvent rendre le monde meilleur pour tous. Ce festival a eu lieu en 2017 pour célébrer le 150e anniversaire du Canada. Ce n'était que lorsque j'ai pris connaissance des objectifs de développement durable des Nations unies en 2015 que la raison d'être d'EDIT est vraiment devenue claire. J'étais enthousiaste à l'idée que notre planète puisse atteindre ces objectifs, mais je les voyais aussi comme des contraintes de conception. J'ai rencontré des représentants de l'ONU à New York et je leur ai demandé de s'associer à nous pour le festival EDIT.
Nous avons réaménagé l'usine désaffectée d'Unilever à Toronto. Nous avons utilisé les 150 000 pieds carrés pour créer une expérience immersive avec des expositions organisées et préparées par des chefs de file de l'industrie comme Bruce Mau et Carlo Ratti. Nous y avons également hébergé 50 installations, réalisées par la fine fleur des architectes et créateurs canadiens, et accueilli 40 ateliers et 125 conférenciers, dont Ian Campeau, Marije Vogelzang et David Suzuki. Les créateurs ont eu l’occasion de proposer des solutions à la montée du niveau des océans, à la crise du logement chez les peuples autochtones, au gaspillage alimentaire et à l’abordabilité des logements. Nous avons donné une tribune aux architectes, concepteurs et innovateurs du pays afin qu’ils puissent offrir des expériences interactives et montrer leurs solutions insolites aux problèmes du monde.
Au prix abordable de 15 $ le billet, nous avons créé une expérience immersive et accessible. Afin d’éliminer tout obstacle à l’entrée, nous avons accueilli quelque 35 000 visiteurs, dont 6 000 élèves ayant bénéficié d’une entrée gratuite. Quatre-vingt-dix pour cent des visiteurs interrogés ont exprimé leur désir de retourner pour la prochaine édition.
Quant à l’avenir d’EDIT, nous avons hâte de collaborer de plus près avec les commissions scolaires fin de concevoir des trousses d’outils de création qui encourageront les élèves à réfléchir aux objectifs de développement durable dans leur quartier et à trouver des solutions.
Notre budget est passé de 5 millions à 3,9 millions de dollars. Environ 50 % des fonds nous proviennent du gouvernement de l’Ontario et de la Ville de Toronto, le restant ayant été recueilli grâce aux commandites, aux ventes de billets et aux dons.
J’ai bien aimé l’affirmation de René Rivard, qui a dit que nous en sommes maintenant au stade de la « muséologie des idées ». J’abonde dans le même sens. La créativité peut permettre de réaliser de belles choses, mais elle sert également à trouver des solutions.
Le programme EDIT était, et continue de l’être, voué à la réutilisation adaptée. Comme l’urbaniste Jane Jacobs l’a bien dit : « Les nouvelles idées reposent sur de vieux bâtiments. » Alors que les prix immobiliers continuent de grimper dans nos centres urbains et les musées ont de plus en plus de mal à trouver un financement, nous continuons à innover pour trouver des lieux d’expression culturelle en adaptant l’espace. EDIT nous a montré qu’il n’est point nécessaire de niveler le contenu vers le bas, mais plutôt qu’il faut être accessible, authentique, hétéroclite et pertinent.
Ni EDIT ni l’un des programmes DX mentionnés précédemment n’a reçu de subventions fédérales. Design Exchange, à titre de musée canadien, a souvent entendu qu’il n’était pas admissible aux programmes de Patrimoine canadien. Lorsque nous avons demandé une subvention pour EDIT, c’était la même réponse. Nous continuons à diversifier notre programmation. Nous faisons participer tous les secteurs et nous discutons des grands thèmes qui nous concernent tous. On nous aiguille vers d’autres ministères comme ISDE ou Affaires mondiales, qui ne font que nous réorienter vers Patrimoine canadien.
On entend dire que le design fera partie de la définition même des industries de la création, mais les détails se font toujours attendre. Nous consacrons notre temps précieux à trouver un financement, ainsi que des façons de solliciter des commanditaires du secteur privé. Il faut avoir de l’argent pour en faire. Je me lamente souvent de l’état des petits établissements culturels du Canada, du cercle vicieux de fonds insuffisants qui ont une incidence sur la programmation et les efforts de promotion, ce qui réduit le nombre d’entrées et amenuise le budget, et ainsi de suite. J’ai souvent pensé que nous devrions mettre en commun nos ressources afin de créer des espaces partagés et de nous rapprocher d’autres établissements, à vocation culturelle ou non.
Nous vous demandons de vous pencher sur quelques suggestions : que la définition de l’expérience muséale ne se cantonne pas à ce qui se passe à l’intérieur de l’espace même du musée; que les activités de collecte de fonds demeurent suffisamment souples afin de tenir compte de la réalité changeante du secteur; que les programmes de financement soient assouplis et modifiés de façon à inclure les établissements de design et les créateurs; que nous adoptions une approche interministérielle à la culture et au patrimoine afin de tenir compte de la nature multisectorielle des projets et de la programmation et d’exploiter les diverses ressources afin de mieux rayonner.
L’époque est des plus intéressantes pour l’industrie de la conception et le secteur muséal du Canada. Nous nous félicitons de travailler avec vous et les autres intervenants.
Merci.
Il y a un écho de mon côté. Je vais baisser mon volume. M'entendez-vous encore?
D'accord. Excellent.
[Le témoin s'exprime en haïda.]
Mesdames et messieurs, háw'aa de nous avoir invités à témoigner aujourd'hui.
Je m'appelle Jisgang, et mon nom anglais est Nika Collison. Je suis directrice exécutive du musée de Haida Gwaii, et j'occupe ce poste depuis peu de temps. Auparavant, j'ai travaillé 18 ans ici à titre de conservatrice et de négociatrice principale en ce qui a trait notamment aux initiatives de rapatriement haïda. Jusqu'à ce que nous soyons en mesure d'obtenir un financement adéquat, je poursuis ce travail en plus de m'acquitter de mes nouvelles fonctions.
Vous nous avez invités à vous faire part de notre expérience au sujet du musée de Haida Gwaii, de son histoire, de sa situation actuelle et des défis que nous devons surmonter. En ce sens, j'aimerais tout d'abord mentionner que notre musée est probablement l'un des premiers appels à l'action en vue de la réconciliation dans le monde muséal et de manière globale. Sa création découle de la vision commune des citoyens de la nation haïda et de nos amis qui habitent à Haida Gwaii. Le musée a ouvert ses portes en 1976 à Kay Llnagaay, soit un ancien village haïda où je me trouve actuellement, et nous sommes évidemment à Haida Gwaii.
Étant donné que pratiquement tous nos trésors ont été emportés loin des îles au plus fort de la colonisation, notre collection n'était pas très grande au début, mais plusieurs familles haïdas et d'habitants ont fait don de leurs trésors pour qu'ils soient conservés et exposés au profit de tous. L'un des premiers gestes de rapatriement au Canada a également eu lieu lors de la création de notre musée; le conservateur Peter Macnair du musée royal de la Colombie-Britannique a démontré son soutien en nous retournant des mâts totémiques qui avaient été pris à Haida Gwaii au début des années 1900.
Le musée de Haida Gwaii a depuis pris de l'expansion et il possède une incroyable collection de trésors obtenus grâce à des dons, à des commissions, à des prêts à long terme et au rapatriement et grâce à des achats et à des dons de grande envergure rendus possibles par la Loi sur l'exportation et l'importation de biens culturels du Canada.
En 2008, la superficie de notre musée est passée de 5 600 à 17 000 pieds carrés avec la création du Centre du patrimoine haïda à Kay Llnagaay, soit un complexe de 50 000 pieds carrés, et notre musée, le Conseil de bande de Skidegate et Parcs Canada sont des partenaires du centre. C'est notre communauté qui a conceptualisé et qui a mené ce projet, et le centre abrite plusieurs locaux et organismes à caractère culturel et éducatif en plus de notre musée. La création de ce projet a pris 7 ans et a coûté près de 30 millions de dollars.
Tout au long du processus, chaque expérience, chaque mot, chaque objet et chaque image ont été conçus avec notre peuple pour nous assurer de dire ce que nous voulons dire et de le dire de la manière dont nous le voulons. Nous avons notamment une maison funéraire qui a été construite pour abriter les restes de nos ancêtres déterrés lors de la construction du Centre du patrimoine haïda. Les restes de nos ancêtres rapatriés y sont également entreposés en attendant leur réinhumation.
Dans les années 1990, le rapatriement de restes de nos ancêtres est devenu l'objectif principal de notre peuple, et notre musée, en partenariat avec le Comité de rapatriement haïda et le Conseil de la nation haïda, a facilité et soutenu cet objectif depuis le début du mouvement. Jusqu'à présent, plus de 500 de nos ancêtres ont été rapatriés et réinhumés; leurs restes se trouvaient dans des musées, des universités ou des collections privées en Amérique du Nord et à l'étranger, dans un cas. Ce travail a pris plus de 20 ans et a coûté plus de 1 million de dollars en argent, en dur labeur et en don en nature.
Nous sommes un musée de catégorie A, ce qui signifie que nous respectons les normes professionnelles pour les musées canadiens en ce qui concerne nos installations et notre capacité de prendre soin de nos multiples collections historiques et archives et de les exposer. Nous exposons également de nouvelles oeuvres, étant donné que nous sommes une culture vivante.
Le principal objectif de notre musée en matière de recherches, de collections et d'expositions est la récupération d'oeuvres d'art, de connaissances et de documents ayant trait à l'histoire de la nation haïda qui se trouvent dans les institutions dans le monde. Cela fait partie de notre culture vivante actuelle. Notre mandat met aussi grandement l'accent sur la préservation et le maintien de la langue haïda, un isolat menacé. Nous recueillons également des renseignements et nous menons des recherches sur les sciences sociales à Haida Gwaii et l'histoire de la colonisation canadienne.
Nous menons tous nos travaux en consultation avec la nation haïda et la grande communauté des îles, et nous réalisons nos travaux sur la scène locale et ailleurs en mettant l'accent sur le respect mutuel, la coopération et la confiance. Nous sommes le principal fournisseur de programmes publics sur l'île et nous avons un programme annuel pour les arts et la culture qui inclut des ateliers, des expositions d'art, des programmes éducatifs et une série de programmes publics qui visent également les visiteurs de Haida Gwaii.
Nos autres programmes offrent une gamme de projets de recherche communautaires, des expériences éducatives et d'autres collaborations avec des organismes sur place et partout dans le monde. Nous sommes également déterminés à renforcer nos capacités dans les domaines des arts et du patrimoine en offrant du mentorat aux membres de la nation haïda et des autres îles en ce qui concerne les pratiques muséales et l'administration des arts.
Ces occasions renforcent des compétences importantes pour l'emploi et elles suscitent la passion; elles offrent aussi un accès sans pareil en vue d'en apprendre au sujet de Haida Gwaii en soi, de la langue, de la culture et des arts passés et contemporains de la nation haïda et de notre histoire commune avec le Canada. Nous avons également une boutique de cadeaux qui soutient et fait la promotion d'artistes locaux. À la lumière des nombreuses facettes de nos activités, il est évident que le musée de Haida Gwaii n'est pas en soi une institution; nous faisons plutôt partie de l'institution qui compose la société haïda et la société canadienne. De concert avec le Centre du patrimoine haïda, nous offrons un endroit, du soutien et des occasions pour des pratiques artistiques et culturelles, des cérémonies, de la recherche, de l'éducation, du renforcement des capacités, etc.
C'est la communauté qui dicte nos travaux, comme je l'ai mentionné plus tôt. Nous faisons partie intégrante du mode de vie de la nation haïda, qui se veut un mode de vie insulaire tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de notre maison, et nous y contribuons. Nous avons été des pionniers quant aux voies vers la réconciliation bien avant que cette expression devienne populaire.
Je parlerai maintenant de nos défis, puis je traiterai de chaque sujet en prévision de vous donner de plus amples renseignements pertinents en réponse à vos questions.
Évidemment, le principal problème ou défi est le financement. En vue d'exploiter un petit ou moyen musée professionnel tel que le nôtre, nous avons au moins besoin de professionnels pour nous occuper de l'administration, de la conservation, du rapatriement, des collections, des archives, de la vente au détail et idéalement de l'éducation.
Avec un budget d'exploitation de base, qui ne nous permet pas d'avoir notamment des expositions, des publications, des projets de recherche, des programmes de mentorat et des programmes éducatifs d'envergure, ce qui revient à une programmation annuelle très élémentaire, notre budget est d'un peu plus de 400 000 $. Dans un monde idéal, il devrait s'élever à environ 750 000 $. En fonction des revenus provenant des subventions d'exploitation annuelles, de la vente de billets et de la vente au détail, pour rentrer dans nos frais, nous avons seulement les moyens d'avoir un comptable, un gérant de la boutique de cadeaux et moi-même. Les salaires représentent environ 25 % de nos dépenses d'exploitation. Tous les autres postes dépendent de subventions; lorsque nous réussissons à trouver des subventions pour d'autres postes, le personnel demeure nettement sous-payé.
J'aimerais vous donner certains exemples personnels. À tire de directrice exécutive, de conservatrice en arts visuels, de négociatrice en matière de rapatriement, de coordonnatrice et de spécialiste en marketing, je gagne 60 000 $ par année. Lorsque j'occupais toutes ses fonctions à l'exception de celle de directrice exécutive, je gagnais 32 000 $ par année. Notre conservateur des collections et responsable de l'archéologie, qui est également notre conservateur et notre commissaire d'expositions, gagne 35 000 $ par année. Les responsables des archives et de la boutique de cadeaux gagnent chacun 42 000 $ par année, et je vous rappelle que bon nombre de ces postes dépendent de subventions.
Du côté des ressources humaines et du renforcement des capacités, il y a beaucoup de travail. Nous sommes surmenés et sous-payés et nous avons des lacunes. L'autochtonisation, la décolonisation des musées et, par extension, la société canadienne par l'entremise du rapatriement, de la réparation, de la réconciliation et de la reconnaissance des bourses, des lois et des protocoles autochtones... Un travail extraordinaire a été accompli en travaillant de concert. Je peux vous raconter de nombreuses histoires qui démontrent qu'il nous reste encore beaucoup de pain sur la planche. Nous devons vraiment mettre l'accent cette fois-ci sur les appels à l'action de la Commission de vérité et réconciliation et la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
C'est vraiment un grand défi de se trouver en milieu rural. Le coût de la vie sur une île est plus élevé, et nous avons de ce fait même moins de visiteurs et moins d'occasions de générer des revenus et d'obtenir des subventions. Toutefois, vous soutenez les arts, la culture et la réconciliation de manière générale en procédant à votre étude. J'attache une grande importance à votre compréhension de l'essentiel que cela apporte en vue de maintenir une économie et une société en santé pour tous et de soutenir l'une des plus importantes voies vers la réconciliation sur le terrain.
Háw'aa.
Une des questions qui reviennent souvent, c'est celle de savoir quel pays se tire bien d'affaire. Nous avons beaucoup entendu parler du Royaume-Uni et des États-Unis, qui constituent deux modèles complètement différents. Au Royaume-Uni, il y a un financement public pour la création de contenu, que ce soit la BBC ou peu importe. Aux États-Unis, le financement est surtout privé.
La deuxième partie de cette question concerne, à mon sens, les frais. Aux États-Unis et, en grande partie, au Royaume-Uni, les musées sont en fait gratuits.
La troisième partie porte sur le financement. Quel est le mécanisme de financement approprié? Dans notre pays, nous avons tendance à tout faire de façon hybride: le secteur privé et, ensuite, les différents ordres de gouvernement.
Premièrement, quel pays, selon vous, s'en tire bien? Deuxièmement, en ce qui concerne la tarification, où en êtes-vous? Troisièmement, quel est, d'après vous, le juste équilibre en matière de financement?
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Le musée Vitra est situé à Weil am Rhein. C'est dans le petit... c'est comme un pays entre l'Autriche, l'Italie et l'Allemagne. C'est quelque part là-bas. Il s'agit d'un endroit peu connu et difficile d'accès. Cela vaut le détour, car le musée est l'un des meilleurs au monde. J'ai parlé avec le directeur il y a quelques jours, et il m'a dit que c'est simplement grâce aux fonds d'un bienfaiteur. Malgré tout, il demeure difficile d'équilibrer les budgets.
Le Design Museum à Londres vient de déménager dans un immense bâtiment conçu par John Pawson, un architecte de renommée mondiale. Fondé par Terence Conran, le musée est financé, en grande partie, par un bienfaiteur.
D'après ce que j'observe, les gens associent encore le design à la conception de choses, plutôt qu'à la conception de systèmes ou à la mise au point de solutions. Dans un tel contexte, il est toujours difficile de susciter la philanthropie.
Pour ce qui est des commandites d'entreprises, c'est une autre histoire. Nous pouvons nous en occuper, mais le défi lié à la commandite d'entreprises, c'est, comme je l'ai dit dans mon exposé, qu'il faut dépenser de l'argent pour faire de l'argent; on doit donc créer des programmes et des possibilités afin que le commanditaire ait l'impression d'obtenir un rendement du capital investi.
En ce qui concerne le modèle de financement, dans notre cas, par exemple, nos revenus annuels totalisent 3,2 millions de dollars; 56 % de ces revenus sont tirés de nos activités de location pour des événements. Le reste est réparti comme suit: dons et commandites, 25 %; billets et inscription, 9 %; droits d'adhésion, 9 %; et financement gouvernemental, 9 %.
Dans l'étude que Gail Lord a réalisée pour nous, il est clairement indiqué que le financement gouvernemental représente, en général, entre 20 et 40 % du financement des musées. Dans notre cas, c'est bien inférieur à cela.
Je suis sûre que vous avez entendu ces propos à maintes reprises. Ce sont les dépenses d'exploitation qui nous tuent vraiment et qui tuent tout le monde; c'est donc dans ce domaine que nous avons réellement besoin d'aide. J'ai également dit dans mon exposé que, selon moi, nous avons l'occasion de mettre en commun les ressources et les installations, de sortir des sentiers battus et d'aller au-delà des structures de briques et de mortier. Nous n'avons peut-être pas besoin d'édifices de briques et de mortier, mais le cas échéant, quel est le modèle de financement? Là encore, il n'y a aucune source de financement pour appuyer une telle initiative.
Au début, lorsque nous avons adopté cette nouvelle orientation stratégique, comme je l'ai mentionné, nous cherchions surtout à inviter des concepteurs d'expositions et de programmes qui étaient capables d'attirer un plus vaste public. Nous avons ainsi battu des records sur le plan des commandites, du soutien et de l'achalandage.
Le problème, c'est qu'une petite institution sans mécène, comme la nôtre, n'a aucun filet de sécurité. Même si vous arrivez à générer des sommes importantes — et le festival EDIT en est un parfait exemple —, en cas de pertes, il n'y a rien pour vous sauver. Je viens du secteur privé, et j'ai passé une bonne partie de ma vie à organiser des foires commerciales et des événements axés sur les consommateurs. Si l'un des événements ne remporte pas beaucoup de succès, ce n'est pas grave parce qu'on peut toujours compter sur les autres et on parvient à compenser et à équilibrer le tout. Par contre, dans le cas d'une petite institution, il n'y a rien; on ne dispose d'aucun filet de sécurité. On se retrouve donc en situation de déficit.
Un projet comme EDIT s'est avéré un modèle de réussite. Mais cela signifie également que nous devons puiser dans d'autres fonds pour aider à l'appuyer, chose qui nous est tout simplement impossible.
À mon avis, les projets qui fonctionnent vraiment bien sont ceux qui touchent les gens, qui interpellent un large auditoire et qui sont accessibles, mais nous n'oeuvrons pas dans le secteur privé où il s'agit de vendre un gadget et d'en produire sans cesse davantage. Il nous faut un certain appui pour assurer ce genre de programmation.