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CHPC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent du patrimoine canadien


NUMÉRO 073 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 25 septembre 2017

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    La 73e réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 42e législature, 1re session, est maintenant ouverte. Nous nous réunissons pour étudier la question du racisme et de la discrimination religieuse systémiques, conformément à l'article 108(2) du Règlement.
    Pour la première heure, soit de 15 h 30 à 16 h 30, nous accueillons deux témoins: Ayesha Chaudhry, professeure associée et titulaire de la Chaire de recherche en religion, loi et justice sociale du Canada. Notre deuxième invitée est Avvy Yao-Yao Go, directrice d'une clinique juridique s'adressant aux Chinois et aux Asiatiques du Sud-Est.
    Vous aurez chacune 10 minutes. J'essaierai de vous faire signe quand il restera deux minutes. Par la suite, nous passerons aux questions et réponses, jusqu'à 16 h 30. Nous passerons ensuite au deuxième groupe.
    Commençons par Ayesha, parce qu'elle est la première sur ma liste.
    Merci, madame la présidente et mesdames et messieurs les députés, de m'avoir invitée à comparaître devant votre comité pour parler de racisme, discrimination religieuse et islamophobie systémiques.
    Tout d'abord, je tiens à souligner que nous sommes réunis sur le territoire traditionnel non cédé de la nation algonquine.
    Je comparais devant vous à divers titres. Je suis professeure associée en études islamiques et en études sur l'égalité des sexes à l'Université de la Colombie-Britannique. Je suis aussi titulaire de la Chaire de recherche en religion, loi et justice sociale du Canada. Je suis Canadienne et je suis musulmane. Je suis née à Toronto et je porte un hidjab depuis que j'ai 5 ans. J'ai ensuite porté le niqab pendant 10 ans, de la 10e année à la fin de mes études de maîtrise, tout au long de mes études à l'école secondaire publique et de mes études universitaires jusqu'à l'obtention de ma maîtrise à l'Université de Toronto. Je comparais donc devant vous en tant que chercheure, Canadienne d'origine sud-asiatique à la peau brune, qui ai vécu, je dirais, plus que ma juste part des formes de racisme, de discrimination religieuse et d'islamophobie systémiques.
    Pour avoir grandi à Toronto, j'ai appris ce qu'était le multiculturalisme canadien. J'étais une Canadienne fière, à la même époque où d'autres — les enfants à l'école, les enseignants, les médecins, les caissiers, les étrangers circulant en voiture — me disaient, d'une multitude de façons subtiles et moins subtiles, que je n'étais pas vraiment Canadienne, que je devais rentrer chez moi et que j'étais une terroriste. Ces gens ne croyaient pas que la couleur de ma peau ou ma religion appartenaient à la mosaïque culturelle.
    J'ai toujours été reconnaissante d'être née et d'avoir grandi dans un État-nation qui n'imposait pas un système binaire artificiel entre mes identités religieuse et nationale; qu'en vertu de la loi, j'étais autorisée à être une Canadienne et une musulmane; que je n'avais pas à choisir; qu'à la fin, je pouvais faire mon cheminement dans ma foi, et que ce cheminement n'a pas gravité autour de l'oppression étatique. Par contre, j'ai toujours été pleinement consciente qu'ils m'ont haïe et qu'ils étaient mécontents du fait que l'État protégeait mes droits — le droit à la liberté d'expression et le droit à la liberté religieuse, c'est-à-dire le droit de me vêtir comme bon me semble. Ces Canadiens ont fait la grimace, m'ont lancé des injures, ont refusé de me rendre des services et ont même menacé de mort les membres de ma famille.
    Aucune de ces innombrables expériences ne s'est retrouvée dans des rapports de crimes haineux documentés. Il faut une énergie incroyable pour tout simplement survivre à ces expériences, sans parler de s'épanouir dans ce contexte. Faire reconnaître un crime haineux n'est pas une mince tâche comme le savent bien ceux et celles d'entre vous qui ont eu affaire à la police. Le signalement exige un travail effectif incroyable de la part des victimes. Quand mes parents signalaient les appels de menace de mort que nous recevions en pleine nuit, remplis de propos haineux contre les musulmans et les Arabes, la police, au téléphone, nous disait de ne pas nous en inquiéter. Elle disait à ma mère que ces gens ne faisaient probablement que plaisanter, qu'ils faisaient des blagues au téléphone. Par conséquent, nous, les enfants, dormions entassés autour d'elle dans le salon, craignant que quelqu'un ne vienne effectivement et nous tue pendant que mon père était absent, puisqu'il travaillait de nuit.
    Madame la présidente, il m'est très difficile d'assister à des discussions au sujet des Canadiens de religion musulmane, même quand nous sommes les victimes de violence, traitant de radicalisation et d'extrémisme islamique. Les questions que je soulève au sujet de cette action permanente sont les suivantes: qui est Canadien? Au Canada, de la sécurité de qui se soucie-t-on? Qui mérite de se sentir en sécurité? Quel extrémisme est alarmant? Quelle forme de radicalisation peut être tolérée? Quand un nationaliste blanc autoproclamé, qui appuie Trump et Le Pen, quand un suprématiste blanc d'extrême droite, un homme blanc radicalisé sur Internet entre dans une mosquée et exécute des musulmans en train de prier, et qu'une motion est déposée pour étudier les racines de l'islamophobie afin de prévenir de tels actes de terreur compte tenu de la montée alarmante de l'islamophobie, comment peut-on imaginer de limiter la discussion à la radicalisation et à l'extrémisme musulmans?
    Il est mal avisé de traiter ceux et celles qui ont besoin de protection contre des crimes comme étant les auteurs de crimes, de blâmer la victime, de déshonorer les vulnérables. Nous pouvons le faire uniquement si nous croyons que les musulmans et l'islam sont fondamentalement et intrinsèquement violents, et si nous nous comportons dans ce sens. C'est de l'islamophobie.
    J'estime que mon rôle de chercheure consiste à recommander à votre comité un cadre théorique pour son mandat et à apporter des éclaircissements relativement aux termes clés qui sont au coeur de vos audiences. Commençons par l'« intersectionnalité » et par l'application pertinente du terme au racisme et à la discrimination.
    Ce qu'il y a de bien dans le cas de l'intersectionnalité, c'est qu'il s'agit d'une théorie enracinée dans l'expérience. Ce terme a été inventé par l'universitaire noire Kimberlé Crenshaw qui a constaté que les femmes de couleur font l'objet d'une discrimination décuplée, étant donné que leur couleur, leur genre, leur classe, leur sexualité, etc. pèsent sur elles de façon cumulative. Leurs oppressions sont décuplées, tandis que les gens privilégiés, les hommes blancs, par exemple, font l'expérience d'un privilège décuplé fondé sur leur couleur, leur rang, leur classe, leur sexualité, etc.
(1535)
    La notion d'intersectionnalité soutient qu'en tant qu'humains multidimensionnels traversant le temps et l'espace, nous sommes toujours soumis à des influences de pouvoir fluides et variées qui se croisent. Par exemple, les femmes de race blanche pourraient être victimes d'une oppression sexiste, mais elles profitent des privilèges d'être blanches. Dans la même veine, le patriarcat peut privilégier un homme de couleur, mais sa couleur devient pour lui un désavantage dans un système raciste.
    Aucune de ces influences — race, classe, genre, sexualité, religion — n'est essentielle pour définir qui nous sommes. Leurs significations ne sont pas définies. Elles ne sont pas inévitables. Au contraire, elles sont construites. Nous, en tant que société, créons des significations autour d'elles et nous les soutenons collectivement et individuellement. Nous décidons que les hommes sont meilleurs que les femmes, valent plus que les femmes, lorsque nous payons moins les femmes qui exercent le même emploi. Nous décidons que les personnes de race blanche sont meilleures que celles de couleur lorsque des gens de race blanche dominent dans les postes de pouvoir.
    À la lumière de l'intersectionnalité, nous pouvons constater que le racisme, le sexisme, l'intolérance, l'islamophobie, toutes ces notions réduisent des personnes complexes, multidimensionnelles aux pires caricatures d'une seule de leurs identités, écrasant même cette unique identité résultante à son extrême désobligeante. Au lieu de faciliter la critique et le dialogue, un tel comportement refroidit des conversations difficiles. Il efface les différences communales, transforme des collectivités complexes en entités homogènes. Lorsque ces attitudes sont absorbées et internalisées par des institutions sociales, elles deviennent systémiques.
    Quand une population est surreprésentée dans un contexte institutionnel, il s'agit d'un reflet d'inégalité systémique, au détriment de certains et à l'avantage d'autres. Songez ici à des hommes de race blanche qui occupent des postes de PDG et aux Autochtones et aux Noirs qui se trouvent dans les prisons fédérales canadiennes.
    Le mot « systémique » attire notre attention sur le fait que nous discutons d'un préjudice qui est non seulement répandu et courant, mais qui a fini par faire partie intégrante des institutions d'une société, à tel point que beaucoup d'entre nous ne le voient pas. Il n'est pas toujours évident, quoiqu'il le soit parfois. On ne le retrouve pas seul chez diverses personnes individuellement, quoiqu'on l'y retrouve aussi. Il transcende toute personne ou tout groupe et leurs intentions personnelles. La plupart des gens se considèrent bons. La plupart des gens ne se considèrent pas racistes, sexistes, islamophobiques, même s'ils peuvent, individuellement et collectivement, penser et se comporter de la sorte.
    Lorsque nous nous concentrons sur l'aspect systémique, quelques-unes de nos questions deviennent non pertinentes. Par exemple, est-ce que l'islamophobie est le bon terme utilisé dans la motion M-103, ou est-ce que le mot antimusulman serait plus approprié? S'agit-il de l'islam ou des musulmans? La haine systémique n'est pas à ce point raffinée. Elle ne sait pas faire un trait entre l'islam et les musulmans. Songez qu'entre 2012 et 2015, les crimes haineux contre des musulmans ont augmenté de façon faramineuse de 253 %. Cela n'est pas le fait de personnes seules, mais du racisme systémique qui a incité à peu près la moitié de notre population à craindre l'islam et les musulmans, sans devoir faire la différence entre les deux.
    Songez que les résultats d'un sondage Angus Reid réalisé en 2017 nous apprennent que 46 % des Canadiens ont une opinion défavorable de l'islam. Selon un sondage Leger réalisé en 2016, 43 % des Canadiens ont une opinion négative des musulmans. Un sondage de 2016 a révélé que plus de la moitié, 55 %, des Ontariens — l'Ontario est la province dans laquelle je suis née et où nous nous trouvons en ce moment — croient que les doctrines islamiques dominantes favorisent la violence. Cela devient laid, honteux et systémique lorsque près de la moitié de la population d'une des nations les plus pacifiques sur la planète hait la deuxième religion en importance et ses fidèles.
    Partons de ces chiffres. Si près de la moitié des Canadiens ont une opinion négative des musulmans, ont une opinion défavorable de l'islam et associent l'islam à la violence, alors l'augmentation alarmante des crimes haineux contre des musulmans n'est en réalité pas surprenante. Lorsqu'un groupe est constitué de personnes déshumanisées ou diabolisées, la violence contre ces personnes se normalise. Ces chiffres nous disent que les fondements démocratiques du Canada sont menacés. Les enfants, les jeunes adultes, les adolescents et les adultes sont formés par leurs expériences d'islamophobie.
    Chaque endroit où se retrouvent des musulmans, que ce soit dans les écoles publiques, les tribunaux, les parcs, les universités, les cafés, les studios de yoga, même la pièce où nous sommes en ce moment, devient un site potentiel de déchirement et d'inégalité. Nous commençons en position déficitaire. Nous devons prouver que nous ne sommes pas violents, que nous faisons partie des bons, que nous ne sommes pas comme les autres. Sous cet angle, tout est faussé — nos notes, notre mérite, le système juridique et de justice, la gouvernance. La haine nous consume tous, les personnes qui sont haïes et celles qui haïssent, et la haine affaiblit nos institutions démocratiques.
(1540)
    J'apprécie beaucoup la motion M-103 et le travail de votre comité, parce qu'en traitant essentiellement de la nature systémique de la haine, elle nomme une grave menace pour notre démocratie et nous présente une occasion — une occasion d'être meilleurs.
    Madame la présidente, nous pouvons être meilleurs.
    Merci beaucoup.
    Maître Yao-Yao Go, vous avez la parole.
    Merci, madame Fry et mesdames et messieurs les députés.
    Je m'appelle Avvy Go. Je suis directrice de la Chinese and Southeast Asian Legal Clinic, autrefois la Metro Toronto Chinese and Southeast Asian Legal Clinic. Nous sommes un organisme sans but lucratif qui offre des services juridiques gratuits aux membres à faible revenu des communautés chinoises et du Sud-Est asiatique en Ontario. Nous sommes également un des membres fondateurs du réseau La couleur de la pauvreté-La couleur du changement, un réseau de personnes et d'organismes qui oeuvrent à l'avancement de l'égalité raciale et de la justice raciale en Ontario.
    Je tiens à remercier votre comité de nous donner l'occasion de vous faire part de nos observations sur la motion M-103. Nos mémoires et recommandations se fondent sur le rapport parallèle conjoint que nous avons récemment présenté au Comité des Nations unies sur l'élimination de la discrimination raciale lors de son examen de la conformité du Canada à la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, la CIEDR. Un grand nombre des recommandations que nous avons formulées ont été adoptées par le Comité des Nations unies sur l'élimination de la discrimination raciale. Ces recommandations sont tout aussi pertinentes à l'étude que votre comité a entreprise.
    Pour nous, l'adoption de la motion M-103 est un point de départ pour des discussions absolument essentielles sur le racisme systémique, l'islamophobie et d'autres formes de racisme et de haine qui ciblent plus particulièrement les communautés de couleur. En étudiant le racisme et la discrimination, il est essentiel pour votre comité de se concentrer non seulement sur les actes de haine et de racisme individuels, mais, comme il a été mentionné, d'explorer aussi le racisme systémique sous le point de vue socioéconomique de façon à recenser les principaux obstacles auxquels sont confrontées les collectivités racialisées.
    Le Comité devrait aussi faire un examen critique des lois et des politiques du gouvernement qui ont une incidence négative sur les communautés racialisées, et ce, afin de formuler des recommandations concrètes de changement positif. Dans notre mémoire écrit, nous avons donné plusieurs exemples de la façon dont le racisme et la haine systémiques touchent les membres de groupes racialisés. Dans les 10 minutes qui me sont allouées cet après-midi, je vais en mettre quelques-unes en évidence, en commençant par la discrimination sur le marché du travail.
    Il existe des écarts importants dans l'emploi et les salaires fondés sur le sexe et la race au Canada. Par exemple, les données tirées de l'enquête nationale de 2011 sur les ménages révèlent que les femmes de couleur gagnent 32 % de moins que les hommes non racialisés, et que les immigrantes gagnaient 28 % de moins que les hommes non immigrants. Les écarts salariaux augmentent dans le cas des femmes autochtones, des femmes de couleur et des immigrantes détenant des diplômes universitaires. De nombreuses études confirment que les employeurs font une discrimination à l'endroit des demandeurs d'emploi dont le nom semble asiatique, qui sont de 33 à 37 % moins susceptibles de recevoir un appel pour participer à une entrevue.
    En raison de la discrimination sur le marché du travail, la pauvreté est également devenue racialisée au Canada. Le dernier recensement indique que 18,7 % des familles racialisées vivent dans la pauvreté, comparativement à seulement 6 % des familles non racialisées, et pourtant la stratégie actuelle de réduction de la pauvreté du gouvernement fédéral fait peu, voire, aucunement mention de la façon qu'elle s'attaquerait à la pauvreté vécue par les communautés de couleur.
    Le système d'immigration n'est pas non plus à l'abri du racisme. Historiquement, le Canada a toujours utilisé la race comme facteur qui permettait de déterminer qui était accueilli. Évidemment, parmi les exemples les plus notoires, mentionnons la taxe d'entrée imposée aux Chinois et la Loi d'exclusion. Bien entendu, étant donné que le gouvernement aujourd'hui ne peut plus recourir de façon ouverte à l'utilisation de la race comme critère de sélection, les obstacles systémiques continuent dans le cas des communautés racialisées venant de l'hémisphère sud. Cela devient très évident dans les modifications apportées à l'immigration dans la catégorie du regroupement familial au cours des deux dernières décennies, notamment le plafond annuel récemment imposé de 10 000 demandeurs parrainant des parents et des grands-parents, et des exigences nettement plus rigoureuses en matière de revenu annuel minimal des parrains. Étant donné que les Canadiens racialisés obtiennent systématiquement de moins bons résultats sur le marché du travail, et compte tenu que la vaste majorité des immigrants appartenant à la catégorie du regroupement familial viennent de l'hémisphère sud, notamment la Chine et l'Inde, ces modifications nuisent de façon disproportionnée à la réunification de familles racialisées.
    Pour lutter contre le racisme sous toutes ses formes, nous avons besoin d'un engagement de la part de tous les paliers de gouvernement et le gouvernement fédéral doit assumer le rôle de premier plan à cet égard. Nous avons formulé plusieurs recommandations qui, si elles sont adoptées, contribueront considérablement à la lutte contre le racisme et la haine. Je vais maintenant les mettre en évidence.
    Le gouvernement canadien devrait élaborer un plan d'action national contre le racisme, fondé sur une consultation complète des peuples autochtones, des gens de couleur et des organisations non gouvernementales qui oeuvrent à l'avancement de la justice raciale au Canada. J'invite le Comité à examiner le modèle du gouvernement de l'Ontario en tant qu'exemple de ce à quoi ce plan d'action pourrait ressembler.
(1545)
    Le gouvernement devrait adopter une perspective d'équité raciale dans l'élaboration de la totalité des lois, politiques et programmes afin de bien prendre en considération et de mesurer l'incidence de toutes ses actions sur les communautés racialisées.
    Le gouvernement devrait procéder à la collecte et au suivi de ces données agrégées fondées sur la race dans l'ensemble des institutions, organismes et ministères gouvernementaux, puis utiliser ces données pour élaborer des stratégies visant à lutter contre le racisme et mesurer l'incidence de ces stratégies.
    Le gouvernement devrait également centrer le problème de la racialisation de la pauvreté dans la stratégie nationale de réduction de la pauvreté et rétablir la conformité obligatoire à l'équité en matière d'emploi dans le cas des entrepreneurs fédéraux.
    Il devrait aussi collaborer avec les provinces et les territoires afin de mettre en place une législation sur l'équité en matière d'emploi et il devrait élaborer une stratégie provinciale de réduction de la pauvreté qui mettrait l'accent sur la racialisation de la pauvreté.
    Le gouvernement devrait modifier le Code criminel afin de tenir compte de façon plus efficace des crimes motivés par la haine et de mettre en place des normes visant à recenser et à consigner tous les incidents haineux et leur perpétration dans le système de justice.
    Enfin, le gouvernement devrait s'engager auprès des communautés les plus touchées à lutter contre la surreprésentation disproportionnée des collectivités autochtones et des Canadiens de souche africaine et d'autres communautés racialisées dans le système de justice pénale.
    En conclusion, je suis encouragée et heureuse de constater que nous parlons de l'enjeu du racisme et de la haine, mais, plus important encore, que nous reconnaissons le besoin d'adopter des mesures concrètes pour mettre un terme à la discrimination.
    Je vous remercie de votre temps.
    Merci.
    Nous allons maintenant passer aux questions. Notre premier tour est de sept minutes, ce qui comprend la question et la réponse. Nous devons tous faire preuve de concision, car je vous interromprai au bout de sept minutes.
    Nous commencerons par Anju Dhillon, chez les libéraux.
    Madame la présidente, je partagerai mon temps avec le député Virani.
    Je remercie les témoins pour leur présence.
    Madame Chaudhry, je vous remercie de nous avoir parlé de votre vécu et des événements tragiques que vous avez connus tout au long de votre vie.
    Qu'est-ce qui vous a amenée à votre définition de l'islamophobie?
    Je pense que de nombreuses définitions de l'islamophobie ont circulé. Mme Jasmin Zine a une excellente définition de l'islamophobie quand elle parle de l'expression systémique et idéologique généralisée de l'islamophobie. L'islamophobie se fonde sur la peur des musulmans, mais elle ne se limite pas à des discours hyperboliques consistant à agiter des épouvantails.
    Je pense que sa définition suffit, et je l'appuie. Je n'ai pas défini l'islamophobie. J'ai l'impression, en l'entendant utiliser ce terme et l'encadrer, qu'elle considère que le mot antimusulman est une expression de l'islamophobie, mais l'islamophobie est plus vaste que cela.
(1550)
    Quels changements concrets aimeriez-vous voir apporter au système? Pourriez-vous cerner quelques problèmes dans le système et donner des exemples des solutions que vous aimeriez voir pour certains d'entre eux, s'il vous plaît?
    La Commission ontarienne des droits de la personne a comparu devant votre comité la semaine dernière. J'ai écouté les audiences et les stratégies qu'elle offre me semblent vraiment intéressantes.
    Il n'y a rien en particulier qui me vient à l'esprit, mais je suis très enthousiaste de voir la motion M-103 être adoptée et de savoir que votre comité a été formé pour examiner ces questions.
    J'aimerais revenir quelques instants sur la question de l'islamophobie et de ses fondements. Je pense qu'il est utile de réfléchir à l'islamophobie, en s'appuyant sur ce que j'ai dit plus tôt. Des personnes croient qu'il y a une guerre des civilisations entre l'islam et l'Occident, même s'il s'agit d'une erreur catégorique, parce que l'islam est une religion; nous parlons de 1,6 million de personnes qui vivent partout en ce moment, notamment dans ce que nous appellerions l'Occident. D'ailleurs, l'Occident est une région géographique, mais il s'agit tout de même d'une façon de penser tenace.
    Par exemple, je pense que l'éducation est une mesure très importante pour nous lorsque nous songeons à lutter contre l'islamophobie et le racisme systémique, mais il est vraiment important de ne pas s'attarder uniquement à l'éducation. Si nous pensons seulement à l'éducation comme solution, nous pensons alors que le problème est l'ignorance. Voilà l'un des problèmes auxquels nous devons réfléchir.
    L'islamophobie vient aussi d'un sentiment d'intérêt personnel et de conservation de soi dans le cas des personnes qui croient participer à cette guerre épique cosmologique entre l'islam et l'Occident. Pour cela, il faudrait faire contre-pied au discours qui prévaut concernant le sentiment de plus en plus présent d'une civilisation assiégée. Voilà un exemple d'une approche menée sur plusieurs fronts qu'il faut adopter. Nous devons aussi nous appuyer sur les solides lois sur les propos haineux afin de mettre un frein à un discours qui est explicitement raciste ou qui est discriminatoire envers un groupe religieux ou qui est islamophobique.
    Vous avez mentionné la statistique faramineuse de 253 %. Puis-je vous demander où vous avez obtenu cette statistique sur le sentiment antimusulman?
    Je l'ai entendue à Global News. Le nombre de crimes haineux enregistrés en 2012 était de 45. En 2015, il s'élevait à 159. Je peux vous envoyer le reste de la référence à ce sujet.
    Oui, s'il vous plaît.
    Pouvez-vous nous dire ce qu'englobent ces crimes haineux?
    Je n'ai aucune idée de ce qu'ils englobent.
    D'accord.
    Il s'agit de tout ce que la police a consigné comme crimes haineux.
    Très bien, mais il n'existe aucune catégorie précise quant à ce qu'ils étaient au juste: passages à tabac, injures...
    Pas que je sache. Ces termes n'ont pas été mentionnés.
    Très bien. Qu'ajouteriez-vous à la définition d'islamophobie?
    La présente définition d'islamophobie me convient parfaitement. Je n'estime pas devoir y ajouter quoi que ce soit.
    Étant donné que vous avez reçu des appels téléphoniques de menace chez vous et jusqu'à maintenant, dans votre vie personnelle, avez-vous constaté des changements, une amélioration de la situation?
    Je pense que les résultats des sondages indiquent que la situation empire, au lieu de s'améliorer, si nous prenons le rapport sur les crimes haineux survenus entre 2012 et 2015.
    Quelques raisons expliquent l'origine de mon histoire. Premièrement, le Comité l'a d'ailleurs entendu auparavant, il est important d'analyser les données à la lumière de l'expérience. Je pense qu'il est aussi important d'avoir une théorie enracinée dans l'expérience. J'ai grandi avant les événements du 11 septembre. Je sais aussi que les choses ont nettement empiré pour les musulmans au Canada après le 11 septembre. Je pense que le travail de Jazmin Zine aborde cet aspect. Elle examine minutieusement la situation des enfants musulmans qui ont grandi au Canada après les événements du 11 septembre. En toute franchise, cela me brise le cœur quand j'y pense et lorsque j'entends les histoires dans ma communauté. Cela m'attriste vraiment de voir ces enfants grandir et avoir le sentiment qu'ils ne veulent pas divulguer qu'ils sont musulmans, de voir qu'il y a des enfants qui portent un hijab et qui se font lancer des pierres, qu'ils sont harcelés de toutes sortes de façons, que leurs enseignants tournent en dérision leurs noms. Il ne m'est jamais arrivé qu'un enseignant tourne mon nom en dérision et je ne sais pas ce que j'aurais ressenti si cela m'était arrivé. Je pense que les choses sont pires et cela m'inquiète.
(1555)
    Cela fait partie de la discrimination systémique...
    Oui.
    ... à l'école. Vous avez dit que lorsque vous appeliez la police pour signaler cette situation, on vous répondait qu'il s'agissait uniquement d'une blague...
    Exact, lorsque j'étais enfant. Oui, lorsque ma mère appelait la police, c'est ce qu'on lui répondait.
    Les choses ne se sont pas vraiment améliorées.
    D'après ce que nous savons des crimes haineux enregistrés, ils sont pires.
    D'accord.
    Vous avez dit que les enfants musulmans grandissent dans un monde après les événements du 11 septembre et qu'ils estiment faire l'objet d'une plus grande discrimination, mais avez-vous constaté aussi dans vos études que d'autres gens de la région sud-asiatique qui ressemblent à des musulmans ou d'autres gens qui ressemblent tout simplement à des musulmans font l'objet de discrimination et sont agressés?
    Tout à fait. Je pense que la communauté sikhe plus particulièrement est une communauté qui a fait l'objet de beaucoup d'agressions. Des hindous ont été agressés parce l'on pensait à tort qu'ils étaient musulmans. Donc, oui, tout à fait.
    Je tiens à préciser que l'islamophobie que je vois fait vraiment partie d'un problème plus large de discrimination religieuse et de racisme systémique. De plus, je pense vraiment que si nous nous attaquons à un problème au détriment d'un autre, alors ce sera un échec.
    Merci, madame Chaudhry.
    J'ai bien peur que nous n'ayons plus de temps, Anju.
    Nous passons maintenant à David Anderson, du Parti conservateur, qui a sept minutes.
    Je remercie nos témoins de leur présence aujourd'hui.
    J'aimerais poursuivre dans la même ligne de pensée que Mme Dhillon.
    Lorsque vous parlez d'islamophobie, je pense qu'il s'agit de la sixième définition que nous en avons eue et vous avez parlé de choses comme une peur déraisonnable, une expression antimusulmane, une idéologie et ce genre de choses qui font partie de votre expression. Vous avez écrit dans quelques-uns de vos autres ouvrages que les textes religieux signifient ce que les communautés religieuses disent qu'ils signifient, ce que j'ai trouvé intéressant. Est-ce que la même norme s'applique à des termes comme islamophobie? À votre avis, est-ce que c'est la communauté elle-même qui donne cette définition, ou est-ce généralement défini par la société? Comment parvenons-nous à cette définition?
    Je pense que c'est une définition qui doit ressortir de la consultation. La société arrive à cette définition en consultation avec les gens qui sont marginalisés. Si nous pensons à la définition d'antisémitisme, certains pourraient soutenir qu'il s'agit d'un terme imparfait, parce que les Arabes sont également des sémites. Quoi qu'il en soit, il s'agit d'une définition particulière. Cela ne me préoccupe pas de trouver le terme parfait pour décrire une peur irrationnelle des musulmans et de l'islam, une peur déraisonnable des musulmans et de l'islam. Habituellement, lorsque les étudiants arrivent dans ma classe à l'université, ils ne connaissent pas la différence entre l'islam et un musulman et ils ne savent pas comment utiliser correctement ces mots dans une phrase. Habituellement, il nous faut quelques semaines pour parvenir à un point où ils sont en mesure de le faire au sens alphabète.
    Comme je l'ai mentionné plus tôt, je ne pense pas que les gens qui tiennent des propos islamophobiques peuvent toujours dire quelle est la différence entre islam et musulman, ou vraiment se préoccuper de les différencier, parce que la haine, comme je l'ai dit, n'est pas très raffinée.
    Dans ce cas, je pourrais peut-être amener la conversation dans une autre direction.
    Si ce que vous avez dit est exact, à savoir que le Comité devrait préciser que, je me le demande, ce terme est utilisé, là où l'islam est la religion dominante, pour faire taire toute dissension. Raif Badawi serait un bon exemple de quelqu'un qui a osé s'exprimer et qui fait face à une peine ridicule. Nous n'avons pas réussi à le ramener au Canada ou peu importe. C'est par contre le terme tel qu'il est défini par les membres de la communauté.
    Il s'agit vraiment de la question dans la discussion au Canada. Quelle définition utilisons-nous? Utilisons-nous une définition saoudienne telle qu'elle s'applique à Raif Badawi, ou utilisons-nous une définition qui a trait à l'enfant qui se rend à l'école, qui est injurié et qui est intimidé?
    De votre point de vue, nous avions besoin d'une définition, parce que cela signifie pratiquement n'importe quoi pour quiconque l'utilise. Pouvez-vous nous aider à cet égard?
    Bien sûr. Mon travail, ma recherche et ma bourse d'études, tout cela se rapporte à des discussions autocritiques parmi les musulmans, de sorte que les conversations entre musulmans sont autocritiques. Je n'ai aucun intérêt à promouvoir une définition de l'islamophobie qui limiterait mon propos. À mon avis, une critique légitime n'est pas islamophobique.
    L'islamophobie est un discours irrationnel et déraisonnable au sujet de l'islam et des musulmans qui les diabolise, qui les déshumanise. Je fais confiance aux lois contre le discours haineux au Canada, qui sont à mon avis solides, tout comme le système législatif. Lorsqu'une personne porte une accusation d'islamophobie et comparaît devant un juge, le ou la juge décidera s'il s'agit effectivement d'une critique légitime ou d'islamophobie. Je ne considère nullement l'islamophobie comme un moyen de ne pas tenir des conversations difficiles.
    En réaction à cela, les communautés ont besoin d'un sentiment de sécurité pour tenir une conversation autocritique. L'islamophobie empêche cette conversation. Si je passe mon temps à dire « Je suis un être humain, je suis un être humain », je ne peux pas me poser à moi et à ma communauté des questions difficiles.
(1600)
    C'est précisément ce que nous avons soutenu pendant le débat. C'est ce que cela faisait au sein de la communauté. Cela mettait un frein à cette discussion et je vous remercie de votre contribution.
    Maître Go, j'aimerais vous poser une question. Pourriez-vous parler un peu du développement économique au sein des communautés, en quoi cela a trait à une partie des problèmes dont vous avez parlé et de la diminution du racisme? Vous avez parlé des différences au niveau des salaires, des perspectives d'emploi et du sexe. Comment pouvons-nous améliorer cette situation? Habituellement, lorsque l'économie s'améliore, la vie des gens s'améliore et je pense que nous nous occupons de façon plus sérieuse de ces questions.
    Je vais vous donner un exemple de l'opposé de cette déclaration par rapport à lorsque l'économie s'améliore, mais que la vie de membres de certains groupes ne s'améliore pas.
    Centraide du Grand Toronto a réalisé une étude. L'organisme a examiné les taux de pauvreté à Toronto entre 1981 et 2000 de façon à voir la trajectoire du changement de l'économie au fil du temps, de l'amélioration au fil du temps. Par exemple, les taux de pauvreté parmi les groupes non racialisés, les communautés de race blanche à Toronto, ont en fait diminué de 28 % au cours de cette période. Pour ce qui est des groupes racialisés, les gens de couleur, le taux de pauvreté a augmenté de 361 % au cours de cette même période.
    Si vous jetez un coup d'œil à d'autres études, les résultats sont les mêmes. Lorsque l'économie était en pleine expansion, l'écart salarial entre les membres des communautés racialisées et ceux des communautés non racialisées ne s'est pas rétréci. De fait, il s'est amplifié, ce qui a donné lieu à ce que nous avons appelé la racialisation de la pauvreté au Canada, c'est-à-dire que si vous êtes une personne de couleur, si vous êtes une personne autochtone, vous êtes de deux à six fois plus susceptible de vivre sous le seuil de la pauvreté comparativement à une personne non racialisée. Étant donné que la plupart d'entre nous tirent leur revenu en grande partie de l'emploi, les emplois que nous occupons, la pauvreté est véritablement reliée à la question du développement économique.
    Faites-vous la même ventilation des données au sein des communautés?
    Oui. Je peux peut-être vous donner quelques statistiques. Si vous prenez différentes communautés, somalienne, chinoise, vietnamienne ou peu importe, dans le cadre du recensement de 2006 de Statistique Canada, vous avez des données qui vous permettent de voir les différents seuils de pauvreté pour différentes communautés, et vous pouvez voir la différence dans les niveaux de revenu. À l'exception des communautés philippine et japonaise, toutes les autres communautés de couleur ont affiché un revenu moins élevé.
    Faites-vous cette ventilation au sein des communautés pour déterminer la différence de revenu au sein d'une communauté, ou utilisez-vous essentiellement un seul ensemble de données?
    Les statistiques proviennent de Statistique Canada de sorte que quelles que soient les données que l'organisme recueille, nous les utilisons.
    Merci beaucoup.
    Très bonnes questions, David.
    Nous passons maintenant à Mme Blaney, du NPD. Vous avez sept minutes.
    Je vous remercie toutes les deux d'être venues.
    J'ai travaillé pour un organisme sans but lucratif qui desservait les nouveaux venus et s'occupait d'antiracisme. En Colombie-Britannique, il y a eu une brève période pendant laquelle il existait un financement qui permettait aux communautés de dresser des plans d'action et de faire du militantisme local pour encourager... Nous regrettons amèrement cette époque.
    J'ai quelques points à l'égard desquels j'aimerais vous entendre toutes les deux. Premièrement, entre 2005 et 2010, nous avons eu le plan d'action du Canada contre le racisme. J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Pour moi, j'estime vraiment qu'il est temps de renouveler et de rafraîchir ce plan, parce que nous avons besoin de gens sur le terrain qui font le travail.
    J'appuie sans conteste cette idée, raison pour laquelle nous demandons un autre plan d'action national contre le racisme. Le plan d'action de 2005 a vu le jour suite à la promesse du gouvernement du Canada faite dans le cadre de la Conférence mondiale contre le racisme, lorsque le gouvernement a signé la déclaration et le programme d'action. Mme Fry y était intimement liée. Un plan d'action a été élaboré à l'époque, puis est resté sur une tablette pendant les 10 années qui ont suivi. Bien entendu, les choses ont changé. Le plan d'action de l'époque n'est peut-être plus aussi pertinent aujourd'hui. D'après moi, l'une des questions que le plan d'action n'abordait pas était l'islamophobie, qui est un problème très important auquel nous devons nous attaquer aujourd'hui. C'est d'ailleurs pour cette raison que je pense qu'il est important pour le gouvernement de mener des consultations auprès des communautés les plus touchées, les différentes communautés racialisées, afin d'élaborer un plan d'action qui se penchera sur les différents inconvénients sociaux et économiques, les incidents de haine, de racisme systémique, de même que les politiques et les mesures du gouvernement. Il doit utiliser une perspective d'équité raciale partout pour élaborer un plan d'action global et efficace.
(1605)
    Je souscris à tout ce qui vient d'être dit. J'ajouterais également que lorsque le gouvernement mène des consultations auprès des communautés, il est important de considérer ces dernières comme homogènes. Pour ce qui est de la communauté musulmane, nous représentons un peu plus d'un million de gens au Canada, à peine plus de 3 % de la population. Les musulmans forment un groupe très diversifié de gens au Canada. Ils viennent de différentes ethnicités, de différents milieux, de différentes classes et de différentes races, de sorte qu'ils vivent... Par exemple, l'islamophobie dont une musulmane noire fera l'objet sera différente de l'expérience d'un homme arabe. Il est important de reconnaître la diversité au sein des communautés et de consulter en particulier les gens de la communauté qui sont souvent marginalisés.
    Voilà tout simplement ce que j'ajouterais, mais j'appuie ce que vous venez de dire.
    Merci.
    L'une des choses qui constitue selon moi un obstacle pour progresser, c'est la qualité de la collecte de données. En ce moment, nous entendons principalement ce que nous entendons à la GRC. Toutefois, je pense que vous avez très bien parlé du fait qu'il peut être très difficile de pouvoir faire un signalement et du défi de savoir qu'il faut atteindre un certain point pour que cela devienne un crime haineux avant de pouvoir prendre cette mesure.
    De vos points de vue, qu'est-ce qui constituerait une manière plus sécuritaire et plus inclusive de faire les signalements de façon à ce que nous puissions effectivement disposer des données et des renseignements qui nous aideront à prendre de telles décisions?
    L'un des problèmes dans le cas des statistiques sur les crimes haineux, c'est... Eh bien, si vous prenez Statistique Canada, les rapports de police sont sa source de renseignements, de sorte que seulement les crimes haineux signalés à la police figureront dans le rapport de Statistique Canada. Il en va de même pour la GRC. Comme vient de le mentionner Ayesha, beaucoup de gens ne feront pas de signalement. Bien entendu, nous avons aussi aboli la disposition de la Loi canadienne sur les droits de la personne qui traite du discours haineux. Voilà donc une autre source de renseignements qui est disparue.
    Je pense qu'il est important pour tous les ministères, provinciaux et fédéraux, d'avoir cette culture de la collecte des données. Je ne parle pas uniquement des données sur les crimes haineux; je parle de recueillir des données afin de comprendre l'incidence de nos lois et politiques sur les différentes communautés. Vous avez les données de Statistique Canada, ce qui vous indique la base de référence: il s'agit de la population, là où nous sommes. Pour mesurer l'incidence disproportionnée, les organismes gouvernementaux doivent eux-mêmes recueillir des données, de sorte qu'ils peuvent faire une comparaison avec les données de Statistique Canada.
    La seule chose que j'ajouterais, c'est qu'il serait vraiment utile de mener des sondages directement auprès des diverses communautés. De plus, en ce qui concerne la GRC et faciliter les choses, en ce moment, il y a souvent une crise de confiance entre les communautés et le service policier, en particulier lorsque certains segments de la population sont surreprésentés et surcriminalisés. Je pense que la formation dans le cas de la GRC serait aussi très utile dans cette conversation, et il serait également très utile de faire participer les communautés à cette formation.
    Je pense qu'il s'agit d'une partie importante de la conversation au sujet du racisme et de la discrimination systémiques.
    D'ici à ce que nous commencions à quantifier cela et disposions de bonnes données, et à ce que nous fassions preuve d'ouverture vis-à-vis de ces histoires et de la formation qui doit être... Je sais qu'en tant que mère d'enfants autochtones, j'ai vu des choses horrifiantes à l'endroit de mes propres enfants. Je pense que nous ne pouvons jamais cesser de tenir compte de ces réalités.
    Pouvez-vous nous dire dans quelle mesure la discrimination systémique influe sur les personnes et les communautés à long terme?
    Vous avez une minute.
    Je crois que je vais utiliser l'aspect économique de l'emploi comme exemple.
    Du fait de la discrimination, ces personnes et ces communautés ne sont pas en mesure d'accéder à des emplois décents et bien rémunérés. Elles sont prisonnières de situations d'emploi précaires, où le revenu a tendance à être plus faible, et elles sont plus susceptibles de vivre dans la pauvreté. Leurs chances dans la vie sont moins grandes. L'avenir de leurs enfants est plus limité. Cela devient un problème générationnel, qui est le résultat de cet aspect particulier du racisme systémique.
    Évidemment, certains appellent cela la filière de la délinquance, dans le cas des Autochtones, de même que pour la communauté afro-canadienne.
    Je vous remercie beaucoup.
    Nous allons maintenant donner la parole à Mme Dzerowicz, qui représente les libéraux. Vous avez sept minutes.
(1610)
    Je vous remercie beaucoup pour vos excellents exposés. J'ai quelques questions pour vous.
    La première a trait à la discrimination systémique et à la lutte contre celle-ci. Y a-t-il des pays où la situation est bonne à ce chapitre, à l'heure actuelle, et dont on pourrait tirer des leçons, ou dont on pourrait se servir comme exemple?
    Je vais d'abord vous poser la question à vous, madame Chaudhry, puis à Me Yao-Yao Go.
    Spontanément, je n'arrive pas à trouver un pays en particulier où la situation est généralement bonne. Je crois que différents pays ont différents programmes qui méritent que nous les examinions. Je sais, par exemple, que la Commission ontarienne des droits de la personne s'est penchée sur les programmes utilisés aux États-Unis et les a adaptés à l'Ontario.
    Nous pouvons assurément tirer des leçons de ce qui se produit dans les divers coins du monde, mais nous devons les adapter au contexte canadien. Nous avons cette philosophie d'une société multiculturelle. Comment peut-on tenir compte de l'aspect racial, par exemple, dans une telle société? C'est une question qui se pose de plus en plus. Par exemple, l'accent qui est mis sur le multiculturalisme finit-il par effacer la question de la race?
    Je crois que des débats de ce genre doivent avoir lieu à l'échelle nationale, du point de vue de la façon dont nous allons nous définir comme Canadiens pour l'avenir. À quoi ressemble réellement notre mosaïque culturelle? Je crois qu'il s'agit d'une métaphore puissante, dont nous pourrions nous servir comme point de départ des débats que nous aurons à ce sujet.
    Merci.
    Je vais vous donner trois exemples, mais ils ne sont pas complets.
    En Ontario, le gouvernement a créé une Direction générale de l'action contre le racisme, qui a mis en place une stratégie contre le racisme pour les trois prochaines années. Des dispositions législatives contre le racisme ont été adoptées, et nous avons d'ailleurs contribué à leur élaboration. Il s'agit là d'un modèle. Il se peut qu'il ne règle pas tous les problèmes que vous avez soulevés, mais il s'agit certainement d'un point de départ.
    À titre d'exemple de la façon de résoudre la discrimination en emploi, je crois que cette année, ou l'an dernier, l'Islande a élargi ses dispositions législatives en matière d'équité salariale, afin de veiller à assurer une telle équité chez tous les employeurs, sur la base du sexe, de la race et d'autres motifs. Il s'agit là d'un autre exemple.
    Le troisième exemple est celui de la Nouvelle-Zélande. Le gouvernement de la Nouvelle-Zélande a entrepris la mise en oeuvre d'un programme de collecte de données. La méthode utilisée pour recueillir les données sur la base de la race, du statut autochtone, etc., est très bonne.
    Il n'y a peut-être pas un pays qui a toutes les réponses, mais je crois que divers pays commencent à envisager cette question dans une perspective différente. Ce sont là des exemples de diverses mesures sur lesquelles vous voudrez peut-être vous pencher.
    Vous pouvez aussi prendre notre propre exemple. Le gouvernement a commencé à utiliser un processus budgétaire reposant sur l'équité entre les sexes. Je crois qu'il est toujours possible d'utiliser le modèle d'équité entre les sexes et de l'élargir pour en faire un modèle fondé aussi sur l'origine raciale. La démarche n'est pas très difficile. S'il est possible d'appliquer le modèle aux sexes, il est certainement possible de l'appliquer aussi à la race.
    Parfait, merci.
    Madame Chaudhry, vous avez fait un commentaire intéressant. Lorsque je réfléchissais à des solutions, j'ai pensé à une campagne d'éducation. J'étais ravie lorsque vous avez dit que l'idée était bonne, mais qu'il ne fallait pas s'arrêter là. Vous avez poursuivi en disant qu'il fallait faire contre-pied au discours qui prévaut.
    Pouvez-vous nous en dire davantage à ce sujet, notamment en ce qui a trait à la forme que cela pourrait prendre, et peut-être nous mettre sur une piste à cet égard?
    Je vous remercie de cette question.
    Je suis d'avis que si les gens croient qu'il y a un conflit de civilisation entre l'islam et, entre guillemets, « l'Occident », qui a compliqué cette catégorisation, il ne suffit pas de dire que ce conflit n'existe pas. Il faut le démontrer. L'une des façons, évidemment, est la création d'écoles intégrées permettant aux personnes d'interagir entre elles. Nous savons que lorsque des gens appartenant à des groupes différents interagissent entre eux, ils sont moins susceptibles d'entretenir des préjugés, ainsi que d'avoir des attitudes biaisées et stéréotypées les uns à l'égard des autres. Cela permet en outre de reconnaître que des problèmes comme l'islamophobie, le racisme et le sexisme finissent par déchirer nos collectivités. Ils ont réellement pour effet d'affaiblir nos institutions démocratiques. Par exemple, si un Canadien sur deux a des préjugés contre les musulmans et l'islam, je me demande quel effet cela a sur le processus de comparution devant un jury de pairs. Quel impact cela a-t-il sur le processus?
    Il s'agit d'un problème systémique, qui se manifeste dans tous ces contextes différents. Je ne crois pas qu'il faille faire contre-pied à ce discours d'une seule façon, mais plutôt de plusieurs. Encore une fois, je serais réticente à souscrire à l'idée d'un discours ou d'une voix unique, au nom de tous. Si une voix domine, nous sommes tous perdants. Si quelqu'un l'emporte, nous perdons tous.
    Parmi les choses que j'ai tenté de démontrer dans mon allocution d'aujourd'hui, c'est un discours différent au sujet de la situation des musulmans au Canada, un discours que l'on entend rarement, mais qui est important par rapport à tous les autres sur la condition des musulmans au Canada, parce qu'il n'y a pas d'expérience unique.
(1615)
    Merci. Cela s'enchaîne en fait très bien avec ma prochaine question.
    Nous avons parlé un peu d'un plan d'action. Je sais que la discrimination systémique a des répercussions légèrement différentes sur les différents groupes. J'ai toujours des réserves au sujet d'une solution unique. Je me demande si vous avez des conseils à nous donner concernant un plan d'action. Que devrait-on y inclure?
    Je crois qu'il y a deux réponses à cela.
    Tout d'abord, le plan d'action doit s'accompagner d'un plan pour la collecte de données désagrégées, étant donné qu'il faut s'assurer que, quelle que soit la mesure adoptée, celle-ci profite aux différentes communautés, et non pas uniquement à certaines. La seule façon de le savoir est de recueillir des données désagrégées, qui portent sur les différentes communautés.
    Le deuxième aspect concerne ce que nous appelons l'universalité ciblée. Il est possible d'avoir un plan d'action général, mais il faut que certaines des communautés les plus à risque soient identifiées, et qu'une attention spéciale leur soit accordée dans le plan global. Par exemple, dans un plan d'action qui porte sur différentes composantes, l'une d'entre elles pourrait être le système correctionnel. Les données nous montrent que les communautés les plus touchées sont celles des Autochtones et des Afro-Canadiens. Vous avez un plan global, dont un des aspects porte sur le système correctionnel, mais à l'intérieur de cet aspect, vous pouvez aussi avoir certaines mesures ciblées pour ces communautés.
    Merci, maître Go.
    J'aimerais remercier les témoins. Vos exposés ont été excellents, clairs et concluants. J'aimerais souligner que tous les membres de notre comité sont devenus très précis et clairs dans leur demande. Cette séance s'est bien déroulée.
    Je vous remercie beaucoup de votre présence.
    Nous allons maintenant passer à une nouvelle ronde de trois minutes. Nous allons commencer par M. Reid, qui représente les conservateurs.
    J'ai moins de la moitié moins de temps que les personnes qui m'ont précédé. Je vais donc tenter d'améliorer encore davantage le niveau de concision.
    Madame Chaudhry, vous avez mentionné un autre universitaire qui a donné une définition de l'islamophobie, et vous en avez parlé de façon favorable. Je me demande si vous pouvez nous indiquer le nom de cette personne et, peut-être, si ses propos figurent dans un ouvrage, soumettre cet ouvrage au greffier. Est-ce possible pour vous?
    Absolument. Il s'agit de Jasmin Zine.
    D'accord.
    Ma prochaine question concerne un point que vous venez de soulever, à savoir la comparution devant un jury de pairs ou encore une situation dans laquelle quelqu'un est présumé avoir commis une infraction à l'endroit d'une autre personne, et pour laquelle le jury est constitué essentiellement de Canadiens moyens de la collectivité.
    Je sais que cela a posé un problème très grave dans le sud des États-Unis, en ce qui a trait aux relations raciales entre les Afro-Américains et les Blancs au cours des dernières décennies. Le problème était réellement grave. Je n'ai pas connaissance que cela se produise ici au Canada, mais corrigez-moi si je me trompe au sujet de la communauté islamique. Je note toutefois que dans le cadre de l'examen périodique de nos résultats au chapitre des droits de la personne, nous nous penchons sur d'autres aspects du système pénal, et plus particulièrement le fait d'être traité différemment, particulièrement dans le cas des Autochtones.
    Je vous cède la parole, dans le temps qui reste, pour que vous puissiez nous éclairer davantage sur ce sujet en général.
    Merci.
    Le problème est persistant aux États-Unis dans le cas des Afro-Américains et de la criminalisation, du point de vue plus particulièrement de leur droit à un procès juste. Nous pouvons en apprendre beaucoup dans ce contexte.
    En ce qui a trait à la communauté musulmane, je ne suis pas au courant qu'il existe des données précises. Il s'agit là de l'une des trois choses qui, selon moi, font partie du mandat de ce comité: élargir les données et les connaissances à ce sujet. Lorsqu'une proportion aussi grande de personnes a une perception aussi négative de l'islam et des musulmans et considère les principales doctrines islamiques comme violentes, cela me fait m'interroger sur ce qui se produit lors des contacts des musulmans avec le processus judiciaire, par exemple. Qu'arrive-t-il lorsqu'ils ont des confrontations avec la police? Qu'arrive-t-il lorsqu'ils comparaissent devant un tribunal pour une infraction ou lorsqu'ils sont victimes d'un acte criminel?
    C'est ce que j'ai tenté de faire ressortir dans cette observation. Cela soulève des questions concernant le système juridique. Cela soulève aussi des questions concernant la gouvernance, le mérite, les promotions, les notes à l'école. Il s'agit d'un problème systémique; vous pouvez donc vous imaginer tous les genres de contextes où cela aura un impact sur des personnes.
    Merci.
(1620)
    Vous avez 15 secondes.
    J'ai terminé. Merci.
    Je vous remercie, Scott. Bon travail.
    Nous allons maintenant passer à Dan Vandal, représentant les libéraux. Vous avez trois minutes.
    Vous avez mentionné nos lois sur les discours haineux. Sont-elles aussi robustes ou pertinentes qu'elles le devraient?
    Je pose la question à Avvy, puis à Ayesha.
    Dans le Code criminel, l'aspect haineux est pris en compte de deux façons seulement. Il y a, d'une part, les discours haineux ou la propagande haineuse. D'autre part, la haine est prise en compte au moment du prononcé de la sentence, une fois que la preuve a été faite qu'un crime a été commis.
    Il faut l'autorisation du procureur général avant de pouvoir poursuivre quelqu'un pour propagande haineuse. Si je me rappelle bien, il n'y a eu que de très rares cas, je ne me souviens pas des statistiques, qui ont déjà fait l'objet de poursuites au Canada.
    Mme Chaudhry a mentionné de nombreux problèmes qui se produisent dans la communauté, qui ne seront jamais pris en compte par les dispositions concernant la propagande haineuse ou les crimes haineux. Prenons par exemple quelqu'un qui appelle chez elle pour lui faire des commentaires racistes stupides, mais qui n'y donne pas suite. C’est différent par contre s'il y a menace de mort. Cela devient alors un acte criminel, et la police peut porter des accusations. S'il n'y a pas de menace de mort, il n'y a pas d'infraction et la police ne prend pas de mesures. Ces cas ne figureront jamais dans les statistiques sur les crimes haineux, mais ils représentent pour une large part les expériences des personnes qui sont victimes de l'islamophobie.
    Avez-vous quelque chose à ajouter à cela, madame Chaudhry?
    Je crois que les lois peuvent toujours être améliorées, mais j'ai confiance en notre processus législatif et j'aimerais, sur la base de ce que vous dites, qu'il soit utilisé davantage. Je sais qu'il y a beaucoup de propagande haineuse au Canada, et je m'inquiète de ce courant d'opinion négatif à l'égard de l'islam.
    Cette attitude n'est pas innée, alors d'où vient-elle donc? Je m'inquiète que ce discours de la droite devienne de plus en plus dominant, au point où il ne sera plus considéré comme marginal ou « à droite ». Si cela devient le discours dominant concernant l'islam, quel sera celui de la droite? Cela me préoccupe.
    Il doit y avoir beaucoup de crimes haineux non signalés. Pouvez-vous nous parler un peu de cela?
    Ce que je disais c'est que, la plupart du temps, lorsque je suis victime de l'islamophobie, ou lorsque mes parents appelaient la GRC parce qu'ils avaient reçu un appel de quelqu'un qui menaçait de tuer ma famille, en proférant des menaces contre les musulmans et l'islam, la réaction est la même, comme s'il s'agissait d'une blague: « Ne vous inquiétez pas; si quelque chose arrive, dites-le-nous. »
    Nous avons l'impression d'être laissés pour compte parce que nous ne savons pas quoi faire.
    Merci beaucoup. Nous allons revenir à M. Reid, qui représente les conservateurs, pour trois minutes.
    Sur le sujet encore une fois d'un procès juste, que diriez-vous d'augmenter le nombre de questions qui peuvent être posées aux jurés potentiels, de façon à éliminer ceux dont le comportement pourrait poser un problème. Je sais, d'après mon expérience, au moment où j'avais presque été sélectionné pour faire partie d'un jury, que le système ontarien ne prévoyait qu'une seule question aux jurés, outre celle sur la profession.
    Pourquoi ne réglons-nous pas ce problème, afin que les gens aient droit à des procès justes? Comme vous le voyez, cela s'applique à quiconque est susceptible de se voir refuser un procès équitable.
    Puis-je répondre à cette question?
    Selon la Cour suprême du Canada, un jury peut faire l'objet d'une récusation motivée, sur la base de ses préjugés raciaux. Il s'agit d'une décision qui a été rendue par la Cour suprême et confirmée par la Cour d'appel de l'Ontario.
    Est-il possible de poser suffisamment de questions pour déterminer cela?
(1625)
    Oui, de telles questions peuvent être posées.
    Cela a changé depuis que j'ai été convoqué pour faire partie d'un jury, il y a environ 15 ans.
    Oui, je crois qu'il revient à l'avocat de la défense de dire s'il souhaite soulever cette question, afin de permettre une récusation motivée. Je peux imaginer qu'un avocat de la défense devrait être en mesure de soulever la question. Si l'accusé qui subit le procès est un homme musulman, on peut poser aux jurés potentiels des questions concernant leur perception de l'islam, notamment. J'espère que l'expérience sera tentée.
    Merci. Vos commentaires ont été très pertinents.
    Madame Chaudhry, vous avez utilisé un terme deux fois dans votre allocution. Je ne sais pas très bien ce qu'il signifie. Vous avez utilisé le terme « peur déraisonnable ». Je ne suis pas certain si vous voulez dire peur verbalisée: la peur exprimée de façon à susciter la haine. Je ne suis pas certain de ce que vous voulez dire, et j'aimerais bien que vous donniez une définition du terme.
    J'ai utilisé le terme peur déraisonnable pour désigner la peur irrationnelle et exagérée à l'endroit des musulmans et de l'islam, l'idée, par exemple, que l'islam fait la promotion de la violence, ce qui porte à penser que les musulmans sont fondamentalement des gens violents. Il s'agit d'une peur déraisonnable, irrationnelle et exagérée, parce que les musulmans ne sont pas tous comme cela.
    C'est ce que je voulais dire.
    Vous utilisez un terme qui ne fait pas partie du jargon de la profession. Cela m'est utile.
    Vous avez 20 secondes.
    Je n'ai que le temps de vous remercier toutes les deux pour vos exposés.
    Arif Virani, représentant les libéraux. Vous avez trois minutes.
    Je vous remercie toutes les deux de votre franchise et de vos exposés, qui ont été tous les deux très éclairants.
    J'aimerais aborder quelque chose qui a trait dans une certaine mesure à ce dont vous avez parlé, madame Chaudhry, dans votre échange avec M. Vandal. Il s'agit de la prolifération de certains sentiments, particulièrement des sentiments islamophobes. Pouvez-vous parler du rôle des médias, y compris les médias sociaux, à cet égard?
    La question s'adresse à vous deux. Pouvez-vous aussi parler de l'importance des dirigeants politiques que nous voyons dénoncer ces situations?
    Les médias jouent un rôle important, c'est certain, car ils perpétuent et entretiennent les opinions selon lesquelles les musulmans sont violents, mais j'aimerais amener une réflexion plus rigoureuse sur les médias, car ils sont constitués d'êtres humains qui font partie de notre société et qui comblent certains appétits. Sans nier leur responsabilité et sans les laisser échapper à la critique, j'aimerais dire qu'en matière d'éducation, par exemple, on devrait avoir une offre plus vaste et inclure, disons, des séances de formation pour les médias, de sorte que les reporteurs puissent comprendre comment ils en viennent à contribuer à des discours qui véhiculent des idées arrêtées sur la violence inhérente à l'islam.
    On voit depuis peu des personnes dans les médias établir une fausse équivalence entre deux situations, l'une qui est vraiment nocive et l'autre qui ne l'est pas. Je pense que lorsqu'on fait des affirmations islamophobes qui sont diffusées dans les médias, il incombe aux chefs politiques de prendre leurs responsabilités. Ils doivent dénoncer l'islamophobie et le racisme systémique lorsqu'ils en sont témoins.
    Les médias sociaux — selon des études récentes — ont ceci d'intéressant qu'ils font en sorte de créer des bulles. Les gens ne sont pas confrontés à la réalité, mais seulement à des nouvelles qui les confortent dans leurs opinions. Ils ne cherchent pas vraiment des nouvelles avec lesquelles ils ne sont pas d'accord et, donc, ils n'en trouvent pas. C'est ainsi que ça devient systémique. Lorsqu'on a affaire à des problèmes systémiques, il faut une réaction systémique.
    Je constate que les gens blâment souvent les médias pour ce problème et je crois que les médias sont responsables. Mais je pense également que les médias nous tendent un miroir et qu'ils reflètent nos croyances comme société. Je crois que les chefs politiques ont un rôle important à jouer et qu'ils doivent mener la nation vers la pluralité, vers le respect de la dignité humaine de chacun, sans que certaines personnes soient forcées de prouver leur humanité, en quelque sorte, pour qu'on les traite convenablement.
    Merci beaucoup. C'est au tour de Mme Blaney pour trois minutes, s'il vous plaît.
    Une fois de plus, merci beaucoup pour votre intervention.
    L'une des choses sur lesquelles j'aimerais que l'on élabore un peu plus est le rôle que les organisations communautaires et leurs dirigeants pourraient jouer pour améliorer l'inclusion et la diversité dans tout le Canada. Comment pouvons-nous, à titre de comité, faire en sorte que ces préoccupations soient priorisées?
    J'ai deux suggestions. La première, comme vous l'avez mentionné plus tôt, est celle qui avait cours autrefois, peut-être à l'époque de M. Fry...
(1630)
    J'aime bien cette époque.
    ... il était possible alors d'obtenir du financement pour faire du renforcement de capacités dans le domaine communautaire. Les premiers crédits obtenus par Colour of Poverty-Colour of Change émanaient du programme du multiculturalisme de Patrimoine canadien afin de mener des consultations, de réaliser des études d'impact qui examinaient le racisme et la façon dont il affecte diverses communautés. On devrait octroyer plus de financement de cette nature.
    Deuxièmement, j'espère qu'au bout du compte, vous adopterez notre recommandation d'élaborer une stratégie contre le racisme. Il faut que les communautés y participent. Il faut parler aux groupes communautaires qu'elle touche. Il faut parler aux militants, aux experts, aux universitaires, aux personnes qui travaillent sur le terrain depuis de nombreuses années. Ils vous diront concrètement comment différentes politiques touchent les communautés. Leurs voix seront très importantes pour l'élaboration de cette politique.
    L'une des choses qui seraient vraiment bien serait que les communautés aient un sentiment de sécurité. Si les communautés se sentent en sécurité, elles peuvent commencer à discuter de choses plus complexes comme le facteur identitaire qui assure leur cohésion, que ce soit la religion, la race ou la profession. Actuellement, il est très difficile pour la communauté musulmane de mener des discussions sur ces sujets complexes, car les gens se sentent assiégés, attaqués et sans protection face à ces attaques. Le fait d'avoir des politiques et un plan d'action qui valorise ces communautés, qui valide leur importance et qui confirme le désir de les protéger les incite à avoir ces conversations à l'interne.
    Oui. Il ne faut jamais sous-estimer à quel point la discrimination systémique affecte la situation économique. Je sais qu'à Halifax, avec le Programme connecteur — qu'on a également implanté en Colombie-Britannique —, les entreprises travaillaient de concert avec les gens pour ouvrir des portes. Le problème était que les gens regardaient un curriculum vitae avec un nom qu'ils ne comprenaient pas, et soudain, les portes se fermaient.
    Il y a beaucoup de militantisme sur le terrain. Comment l'encourager et faire en sorte que les communautés sachent qu'elles peuvent agir? De nombreuses mosquées ont ouvert leurs portes après les événements tragiques, c'est le genre de chose qui offre des occasions en ce sens.
    Je crois qu'il ne reste plus de temps. Nous avons dépassé le temps qui nous était alloué.
    Une fois de plus, j'aimerais remercier Ayesha et Avvy. Vous avez été d'excellents témoins.
    Nous amorçons la prochaine heure. Il y aura une minute de transition pour que des gens quittent et que d'autres arrivent pour la deuxième heure.
    Maître Konanur et maître Richard, bon après-midi et bienvenue. Merci de votre présence.
    Me Richard représente la Canadian Association of Black Lawyers. Me Konanur représente la South Asian Legal Clinic of Ontario. Vous disposez d'un maximum de 10 minutes chacun pour votre présentation, puis nous passerons à une période de questions-réponses.
    Je vais commencer avec Me Richard, pendant 10 minutes s'il vous plaît.
    Merci, madame la présidente et membres du Comité, de m'avoir invité à témoigner pour la Canadian Association of Black Lawyers, la CABL pour faire court.
    La CABL, un réseau national de professionnels du droit, a été fondée en mars 1996. Son mandat général est de promouvoir l'avancement des avocats noirs au sein de la profession par l'apport de systèmes de soutien, la promotion de l'excellence académique et professionnelle et l'avancement de l'équité et de la diversité tant au barreau que dans l'appareil judiciaire.
    Nos membres — qu'ils soient noirs, blancs, mulâtres, chrétiens, musulmans, juifs, agnostiques ou quoi que ce soit — sont tous liés par une grande préoccupation pour les problèmes affectant la communauté noire, notamment les problèmes exposés dans ce comité.
    La motion identifie deux problèmes aussi vastes qu'urgents qui constituent des priorités pour nos membres et qui, à notre avis, devraient constituer des priorités pour les gouvernements fédéral et provinciaux, de même que pour quiconque prend au sérieux les droits des Canadiens. Le premier est le racisme; le second, la discrimination fondée sur la religion.
    La condamnation d'actes de haine, y compris les meurtres survenus au Centre culturel islamique de Québec le 29 janvier 2017, devrait survenir rapidement et être sans équivoque. Le racisme, la discrimination religieuse ou les deux justifient les discours haineux, les agressions et les meurtres dans l'esprit de personnes comme Alexandre Bissonnette, James Fields et Dylann Roof.
    Ces expressions flagrantes de haine et de peur défraient la manchette. Elles incommodent les honnêtes Canadiens, car elles constituent autant de rappels dramatiques de la persistance du racisme et de la discrimination raciale au Canada. Il est difficile de les nier ou de les minimiser, bien que certains tentent de le faire. Cependant, pour la plupart des Canadiens qui sont, à mon avis, justes et généralement bien intentionnés, il est facile de marquer la différence entre eux-mêmes et des personnes comme M. Bissonnette, M. Roof et M. Fields. Le racisme devient alors clairement visible et facilement reconnaissable. On le définit comme un acte ou des actes commis par des personnes qui chantent des paroles horribles et qui traînent des accessoires de fond de jardin en déambulant sur les campus universitaires, en fonçant en voiture sur des gens ou en tirant sur des êtres humains en pleine prière.
    Vu le temps qui m'est alloué, j'aimerais mettre l'accent sur une forme différente de racisme, un racisme que nous qualifions d'« institutionnel » ou de « systémique ». C'est le genre de racisme qui peut faire la différence entre recevoir un avertissement de la part d'un policier ou se retrouver sur la banquette arrière de sa voiture. C'est la différence entre avoir l'occasion d'apprendre d'une erreur au travail ou de voir cette même erreur vous coûter votre emploi. C'est la différence entre le bénéfice du doute qu'on vous accorde et le doute dont votre personne est constamment la cible.
    On a défini le racisme systémique comme la production sociale d'inégalité raciale dans les décisions concernant les gens et dans le traitement qu'ils reçoivent. L'inégalité raciale n'est pas naturelle, pas plus qu'elle n'est inhérente à la nature humaine. Au contraire, elle résulte des aménagements économiques, culturels et politiques d'une société; elle est le produit d'une combinaison de constructions sociales selon lesquelles les races sont réelles, différentes et inégales, qu'on appelle la racialisation; il y a les normes, les processus et les prestations de services d'un système social, aussi appelé structure, de même que les actes et les décisions des gens qui travaillent pour les systèmes sociaux, qu'on appelle le personnel. Au cas où vous vous posiez la question, je n'ai pas inventé cette définition, elle est tirée du Rapport de la Commission sur le racisme systémique dans le système de justice pénale en Ontario.
    En octobre 1992, le gouvernement de l'Ontario a constitué une commission afin qu'elle enquête et émette des recommandations sur la mesure dans laquelle les pratiques, les procédures et les politiques ontariennes en matière de justice pénale étaient racistes. Sur la base de preuves statistiques, la Commission est arrivée à plusieurs conclusions, incluant celle selon laquelle les personnes noires sont largement surreprésentées dans les prisons. Elle a dégagé deux explications principales pour cette surreprésentation: les inégalités socioéconomiques et l'application différenciée de la loi en matière de droit pénal. L'application différenciée de la loi a été révélée à différentes étapes du processus criminel, incluant lors de la décision d'emprisonner le prévenu avant le procès, ce qu'on appelle la détention provisoire.
    À ce sujet, la Commission a trouvé que les prévenus noirs étaient plus susceptibles que les blancs de faire l'objet d'une détention provisoire. Cette différence entre les Noirs et les Blancs dans le recours à l'incarcération semble peu motivée par des facteurs pertinents à l'imposition de ce genre de peine. Les décisions d'incarcération sont fortement influencées par la race du prévenu ou, selon les paroles franches de la Commission:
Sans égard au soin que nous prenons à examiner les données, des différences bien claires et légalement injustifiables sont révélées dans les décisions de détention entre les prévenus noirs et les blancs, dans tout l'échantillonnage et pour des offenses précises. La conclusion est inévitable: des hommes noirs mis en détention provisoire n'auraient pas été emprisonnés s'ils avaient été blancs et des hommes blancs libérés avant leur procès auraient été détenus s'ils avaient été noirs.
(1635)
    À mon avis, le reproche énoncé par le rapport de la Commission est que là où il y a un vaste pouvoir discrétionnaire, la racialisation peut influencer la décision de personnes justes et bien intentionnées et donner lieu à des inégalités raciales.
    Les points de vue contrastés des différentes parties intéressées dans le système de justice pénale — que l'on a interrogées dans le cadre de l'étude et la rédaction des conclusions fondées sur des preuves de la Commission — sont particulièrement intéressants. J'aimerais en mentionner quelques-uns brièvement, question d'établir un contexte. Certains ont exprimé que les gens qui se plaignaient du racisme systémique « ne comprenaient pas le système de justice pénale », que l'idée que « le racisme soit présent dans l'administration de la justice était tout à fait fausse. Ces idées émanent d'une minorité mal informée et politiquement correcte qui, à mon avis, n'a aucune expérience dans le système de justice pénale. » Ensuite, « se plaindre de la supposée discrimination est une perte de temps. La suggestion qu'il puisse y avoir de la discrimination n'est pas fondée. » Certains disent que ce sont des « excuses ». Par ailleurs, « les accusations de "racisme" sont souvent le dernier faux-fuyant des vauriens. » Il s'agit là de procureurs de la Couronne.
    À ma connaissance et sauf preuve du contraire, les conclusions du rapport de la Commission n'ont pas changé. En fait, en 2007, M. Scot Wortley, criminologue à l'Université de Toronto, a répliqué une partie du travail de la Commission en menant un sondage auprès des Torontois sur les préjugés présents dans les forces policières. M. Wortley en est venu à la conclusion que la perception des préjugés dans les forces policières et les tribunaux semblent avoir augmenté entre 1994 et 2007 pour tous les groupes raciaux, incluant les Blancs.
     Je vais maintenant parler des contrôles d'identité au faciès. Nous avons également noté les effets du racisme systémique dans ces contrôles sommaires appelés dans les faits contrôles d'identité au faciès. On arrête, on interroge et on exige les documents de personnes dans la rue qui ne sont soupçonnées d'aucun méfait. Les Noirs sont beaucoup plus susceptibles d'être contrôlés de la sorte que ne le sont les Blancs dans des « zones où ils n'ont pas affaire », selon des ratios allant de 3:1 à 17:1. C'est ce qu'a trouvé le Toronto Star, qui a analysé 1,7 million de fiches de contact remplies par les policiers de Toronto entre 2003 et 2008. La légitimité des contrôles au faciès ne peut pas être évaluée honnêtement hors contexte. Bien que nous appréciions les efforts récents réalisés par le gouvernement de l'Ontario, de l'avis de la CABL, le contrôle au faciès est une pratique qui devrait être éliminée.
    En résumé, le racisme systémique est un problème réel. Il y a un moment que cela constitue un problème. On a déjà accompli un travail important, mais les progrès réalisés, s'il y en a, ne sont pas encore clairs.
    Nous recommandons humblement que le Comité examine le travail des autres en ce qui a trait à ces problèmes. Ne réinventez pas la roue. On a déjà accompli du travail valable et important. Je vous dirige vers le chapitre 12 de ce rapport. Quatre besoins essentiels y sont décrits: le premier, la formation antiraciste du personnel; le deuxième, l'emploi de personnes racialisées; le troisième, une participation accrue des personnes racialisées dans l'élaboration de politiques; le quatrième, la surveillance des pratiques pour obtenir les preuves de l'inégalité raciale.
    Madame la présidente, de la part de la CABL, merci pour cette occasion. J'attends vos questions avec impatience.
(1640)
    Merci, maître Richard.
    Je vais passer à Me Konanur.
    J'aimerais remercier le comité permanent et vous, madame la présidente, de cette occasion de témoigner sur un thème aussi essentiel.
    En vertu de la motion M-103, nous comprenons que le comité permanent considère une approche pangouvernementale dans le but de réduire, voire d'éliminer le racisme systémique et la discrimination fondée sur la religion, incluant l'islamophobie, au Canada. Nous comprenons également que l'étude s'intéressera aux problèmes de la collecte de données non regroupées et de la déclaration des crimes haineux. Je ferai mes remarques et mes recommandations avec ces buts spécifiques en tête.
    La South Asian Legal Clinic of Ontario est un service juridique communautaire sans but lucratif qui dessert les Sud-Asiatiques à faible revenu en Ontario, issus d'une variété de pays et même d'Amérique du Nord.
    Les Sud-Asiatiques constituent l'une des plus importantes communautés racialisées au Canada. Malheureusement, les statistiques démontrent que de nombreuses communautés sud-asiatiques continuent de se trouver sous le seuil de faible revenu à un taux disproportionné pour nombre de raisons qui incluent le racisme et d'autres formes de discrimination.
    Le mandat de la SALCO inclut la prestation de services juridiques directs dans différents domaines, comme les droits de la personne, l'immigration, la sécurité du revenu, le logement, la famille, la violence conjugale et les mariages forcés. Notre mandat inclut également une action militante à grande échelle contre le racisme, la discrimination fondée sur la religion et la discrimination fondée sur le sexe.
    Notre propre travail de promotion des droits part du principe selon lequel les gens possèdent des facteurs identitaires qui se recoupent et que pour améliorer leur vie, nos décisions doivent tenir compte de cette intersectionnalité et de la façon dont elle affecte la capacité d'agir d'une personne ou sa capacité de faire des choix. Par exemple, nous savons, preuves à l'appui, que les femmes racialisées font face à des inégalités salariales plus grandes que les femmes blanches.
    J'aimerais commencer en disant que toute méthode que ce comité adoptera pour l'étude du racisme et de la discrimination basée sur la religion devra se fonder sur le concept d'intersectionnalité afin d'assurer les meilleurs résultats possible pour les communautés marginalisées.
    Nous offrons nos services à 4 000 ou 5 000 clients par année environ, qu'il s'agisse de conseils juridiques, d'accompagnement sans représentation ou d'affaires judiciarisées. L'information que je vais vous donner aujourd'hui tient sa source dans le travail que nous accomplissons dans nos communautés et dans ce que nous voyons et entendons directement de nos clients, de même que dans notre propre analyse des répercussions systémiques qu'ont sur eux les politiques, les lois et les règlements.
    La SALCO est également membre fondateur et membre du comité directeur de la campagne Colour of Poverty-Colour of Change. Comme cela a été mentionné lors de notre séance précédente, la campagne Colour of Poverty est prioritairement axée sur des problèmes d'équité raciale, de justice raciale et de préoccupations autour de la racialisation de la pauvreté.
    Au fil des ans, nous avons été témoins de nombreux cas de racisme et de discrimination contre les communautés sud-asiatiques du Canada, tant sur le plan individuel que sur le plan systémique. Sur le plan systémique, nous avons contesté des politiques d'immigration qui ciblent les communautés sud-asiatiques, comme la résidence permanente conditionnelle. Nous avons contesté sur la base de la liberté de religion, le droit de porter le niqab devant les tribunaux. Nous avons contesté la discrimination religieuse et les accommodements en éducation, nous avons examiné le problème de la discrimination raciale et religieuse en emploi et demandé l'équité en matière d'emploi.
    Nous avons également travaillé d'arrache-pied pour faire abroger des lois qui, à notre avis, ciblent nos communautés, comme la Loi sur la tolérance zéro face aux pratiques culturelles barbares.
    Nous avons été témoin d'une augmentation des manifestations flagrantes et directes de racisme sous la forme de gestes violents contre des membres de la communauté musulmane et, par extension, de toute la communauté sud-asiatique. Nous ne voyons aucune différence, car de nombreux membres de notre communauté qui ne réclament pas l'identité musulmane sont également victimes d'islamophobie. Nous avons remarqué, dans notre travail, une augmentation du nombre de manifestations racistes visant toutes ces communautés.
    Selon le rapport de 2016 sur les crimes haineux du National Council of Canadian Muslims, l'incidence d'épisodes ou de crimes haineux islamophobes ayant été rapportés au NCCM, à la police ou dans les médias n'a cessé d'augmenter. Les plus récents épisodes concernent des attaques haineuses perpétrées sur des femmes musulmanes et des institutions comme les mosquées.
    Ce portrait ne montre pourtant pas les gens qui sont confrontés au racisme et à la discrimination quotidiennement et qui n'en font pas rapport. Nous parlons à des clients tous les jours qui relatent des incidents haineux, violents ou islamophobes et qui nous disent de façon répétée qu'ils ne porteront pas plainte, qu'ils ne se sentent pas en sécurité de le faire, qu'ils ne sentent pas qu'on les appuierait s'ils le faisaient et qu'ils ne croient pas que cela changerait quoi que ce soit.
    En préparant mon allocution d'aujourd'hui, j'ai décidé de faire un retour en arrière et de regarder nos propres dossiers de 2016 afin de voir quels incidents nous avaient été rapportés, question de me rafraîchir la mémoire. Ç'a été un exercice perturbant. Voici quelques-uns des incidents que nous avons trouvés.
(1645)
    De nombreux clients ont fait état de commentaires négatifs visant les musulmanes qui portent le niqab dans des centres commerciaux et dans la rue, par exemple qu'elles ne sont pas canadiennes, qu'elles devraient retourner chez elles ou qu'elles sont des terroristes. Ou encore que les femmes qui portent le niqab sont antifemmes et antiféministes. Certains de nos clients sikhs qui portent le turban ont été traités de terroristes musulmans. Nous avons entendu des commentaires voulant que le port de signes religieux signifie que la personne qui les porte est pour l'application de la charia. Ou que tous les gens originaires de l'Asie du Sud pratiquent le mariage forcé.
    Un client nous a signalé s'être fait bousculer dans le métro par quelqu'un qui lui a dit: « Dégage. Tu n'es pas chez toi ici ». Il y a deux semaines, alors que je me trouvais dans un café, un homme s'est planté droit devant moi. Je lui ai fait une remarque et il s'est retourné en me disant: « Retourne au Pakistan, terroriste. » Le climat n'est pas sain au Canada pour les personnes victimes d'islamophobie.
    Depuis quelques années, la SALCO constate une augmentation des signalements d'incidents islamophobes racistes dans les collectivités, ce qui correspond aux chiffres que vous ont fournis d'autres témoins.
    Cet été, j'ai eu l'occasion de m'adresser au Comité des Nations unies pour l'élimination de la discrimination raciale dans le cadre de son examen des progrès accomplis par le Canada dans sa lutte contre le racisme. Devant le comité, le Canada a envoyé des messages contradictoires concernant le racisme systémique. Il est même allé jusqu'à dire que la police canadienne ne faisait pas de profilage racial. J'exhorte les membres de ce comité à étayer solidement leur approche en matière de lutte contre le racisme systémique au Canada. Cela doit être au coeur de leurs travaux.
    J'aimerais maintenant formuler quelques recommandations plus concrètes et réitérer certains commentaires que vous avez déjà entendus aujourd'hui.
    Ma première recommandation est un appel à l'adoption d'un plan d'action national. J'ai eu le privilège de faire partie du groupe consultatif ministériel provincial auprès de la Direction générale de l'action contre le racisme de l'Ontario. Je recommande vivement au Comité d'examiner le travail accompli par cette direction générale et d'envisager la mise en oeuvre d'une version améliorée de notre ancien Plan d'action canadien contre le racisme (PACCR).
    Nous avons besoin d'un plan solide qui s'attaque directement aux problèmes signalés par le comité. Dans ses recommandations finales, le Comité des Nations unies pour l'élimination de la discrimination raciale recommande une mesure similaire, tout en exhortant votre comité à examiner ce rapport.
    En reconnaissant l'égalité entre les sexes, le Canada s'est doté d'un cadre comparatif entre les sexes qui doit être appliqué à toutes les décisions prises par le gouvernement. C'est là une mesure positive et indispensable. Dans le même ordre d'idées, j'exhorte le Comité à envisager l'application d'un cadre similaire favorisant l'égalité raciale pour l'ensemble des décisions gouvernementales. Selon les prévisions, 25 % de la population du pays est racialisée ou le sera bientôt. Nous devons donc traiter cette question avec autant de rigueur et de sérieux que celle de l'égalité hommes-femmes.
    Si la perspective raciale avait été prise en compte dans les politiques comme celle sur la résidence permanente conditionnelle, qui a heureusement été abrogée, on aurait constaté l'impact disproportionné de cette politique sur les femmes racialisées.
    À l'instar d'autres intervenants, j'exhorte le Comité à prendre note des recommandations finales du Comité des Nations unies pour l'élimination de la discrimination raciale, étant donné qu'elles portent sur de nombreux enjeux soulevés ici aujourd'hui. Je lui demande de porter une attention spéciale à celles relatives à l'amélioration de notre système d'immigration et au racisme systémique qui y est inhérent. Je lui demande de prendre également bonne note des commentaires sur le profilage racial dans le système de justice canadien et le système de protection de la jeunesse. Enfin, je vous demande de donner suite aux demandes d'équité en matière d'emploi, de production de données désagrégées et d'adoption d'un plan national d'action.
    Permettez-moi de glisser un mot sur la stratégie fédérale de réduction de la pauvreté actuellement déployée à l'échelle gouvernementale. La discrimination fondée sur la race et la religion joue un rôle crucial dans le maintien des Canadiens racialisés dans la pauvreté. La discrimination au travail continue d'avoir une incidence sur la capacité de ces citoyens à obtenir des résultats justes et équitables sur le marché du travail. Un exemple courant est celui des personnes ayant un nom à consonance sud-asiatique qui ont moins de chances d'être invitées à des entretiens d'emploi. Lors d'une séance de formation juridique à laquelle j'ai récemment participé, voici la question qui est revenue le plus souvent: « Comment puis-je changer mon nom légalement? »
(1650)
    Un mot encore pour rappeler que la collecte de données désagrégées est essentielle à la mise en oeuvre de tout plan d'action national. C'est ce qui nous permet de mesurer nos progrès.
    Je vais m'arrêter là. Merci.
    Je vous remercie beaucoup.
    Nous allons maintenant commencer notre ronde de questions de sept minutes. Cela comprend les questions et les réponses.
    Au nom des libéraux, c'est à vous, madame Dabrusin.
    J'aimerais remercier nos deux témoins pour leurs précieux témoignages. Je suis ravie que vous ayez étayé certains de vos commentaires par des rapports dont nous prendrons connaissance. Vos témoignages nous sont fort utiles.
    Madame Konanur, vous avez parlé du plan d'action national. Vous avez dit qu'il faudrait peut-être revenir à l'ancien plan d'action, après l'avoir mis à jour. Selon vous, que devrait contenir ce plan d'action amélioré?
    Une simple lecture de l'ancien plan d'action est, selon moi, un bon point de départ, mais ce plan n'est pas suffisamment détaillé. Il est trop général. Si je me base sur le plan d'action mis en oeuvre en Ontario, où je travaille, je recommande l'établissement d'un plan d'action reposant sur un cadre intersectionnel et une perspective d'équité raciale. Le Comité devrait ensuite établir ses propres priorités en fonction des témoignages qu'il a entendus. Il faut d'abord élaborer un plan d'action national avec un cadre global et déterminer ensuite les priorités, par exemple le système correctionnel, l'emploi, l'islamophobie et les crimes haineux.
    En Ontario, nous avons défini quatre piliers: l'islamophobie, le racisme contre les Noirs, le racisme à l'endroit des Autochtones et l'antisémitisme. À l'intérieur de ces quatre piliers, le gouvernement s'est fixé plusieurs objectifs clairs qu'il espère atteindre d'ici cinq ans. J'aimerais qu'on mette en place une structure claire, avec un cadre d'action et des priorités. À l'intérieur de ces priorités, il faut ensuite définir les cibles à atteindre, les mesures à prendre et les moyens que le gouvernement entend prendre pour atteindre son but.
(1655)
    Merci.
    Cela m'amène directement à ma prochaine question. Vous avez dit avoir travaillé en collaboration avec la Direction générale de l'Ontario. La semaine dernière, des représentants de ce bureau sont justement venus nous parler de leur travail. Vous avez travaillé sur le terrain avec eux. Quelles sont les principales forces à retenir de cette expérience? Et quelles sont les principales faiblesses ou les lacunes à éviter?
    L'un des aspects essentiels de leur excellent travail a été, selon moi, la collecte de données désagrégées. L'engagement du personnel à recueillir des données dans l'ensemble de la province est l'une des principales forces de ce programme. Le personnel a passé beaucoup de temps à élaborer le cadre qui a servi à cette collecte. Nous ne parlons pas seulement de recueillir des données en amont, nous parlons surtout de la manière dont les données ont été recueillies, mesurées et rapportées. C'est une approche globale.
    Par ailleurs, je ne parlerais pas de faiblesse, mais j'ajouterais qu'il est vraiment important d'intégrer à ces plans une approche communautaire. Vous devez consulter les membres de la communauté. Vous devez entendre le témoignage de personnes qui sont confrontées à ces problèmes afin d'élaborer des stratégies qui auront un impact sur elles. Dans les premiers temps de la SALCO, j'ai réfléchi à la manière dont devrait fonctionner un aussi grand groupe et à nos priorités. La seule manière de fonctionner consistait à consulter les membres de notre communauté, de discuter avec nos clients et d'évaluer leurs besoins.
    C'est ce que fait l'Ontario, mais il est très important de ne pas perdre de vue cette mission et de s'assurer que les communautés jouent un rôle dans la mise en oeuvre des stratégies principales et secondaires et des objectifs.
    Excellent.
    J'ai été bouleversée de vous entendre dire que des gens souhaitent changer de nom. Pour moi, le nom a toujours été étroitement lié à l'identité. Cela rejoint ce que quelques témoins nous ont dit jusqu'à maintenant au sujet des problèmes d'équité en matière d'emploi. Le gouvernement fédéral vient d'adopter un système de recrutement par CV anonymes. Je ne dis pas que cela résoudra le problème, mais pensez-vous que ce genre de politique pourrait régler les problèmes d'équité en matière d'emploi?
    Je pense que c'est un bon début et une bonne approche. Les recommandations formulées au cours de la séance précédente sont très importantes. La question de l'équité en emploi nécessite une approche cohérente de la part des deux ordres de gouvernement. Or, ce n'est pas encore le cas.
    Il est important que le gouvernement fédéral exerce un solide leadership et incite ses homologues provinciaux à adopter une approche d'équité en emploi. Je pense sincèrement que le gouvernement fédéral a probablement déployé plus d'efforts pour réaliser l'équité en emploi que la plupart des provinces. Le problème, c'est que la plupart de nos clients travaillent pour des entreprises provinciales et ne retireraient aucun avantage d'un processus d'équité en emploi uniquement fédéral. Le gouvernement fédéral doit promouvoir avec insistance ce programme dans l'ensemble du Canada.
    Merci.
    Monsieur Richard, vous avez soulevé beaucoup de questions concernant, notamment, le système de justice pénale. J'ai lu le rapport du Comité pour l'élimination de la discrimination raciale. Avez-vous eu l'occasion de le lire?
    Non, je ne l'ai pas lu, mais j'aimerais revenir au dernier point soulevé par ma collègue.
    Nous nous réjouissons des efforts déployés par le gouvernement. L'idée d'un système de recrutement par CV anonymes, qui entrouvrirait la porte à certaines personnes, est certes un bon point de départ. Le fond du problème, cependant, c'est qu'à un moment ou un autre, on saura clairement qui sont ces gens et d'où ils viennent. Il est impossible d'empêcher quelqu'un d'exercer son pouvoir discrétionnaire. Nous ne sommes pas des robots. Nous devons rendre des jugements. À un moment donné, les renseignements que nous obtenons finissent pas influencer nos décisions. Nous devons donc nous poser la question suivante: comment nous assurer que le racisme systémique ou la discrimination religieuse n'influent pas sur nos décisions ou, à tout le moins, pas au point de nous faire regretter le résultat?
    Premièrement, nous devons reconnaître que nous ne pouvons esquiver le problème. Il n'existe pas de solution magique. Nous devons travailler très fort, en commençant par reconnaître que nous avons tous des préjugés, chacun de nous. C'est un fait. En toute honnêteté, nous devons admettre que nous sommes des êtres humains. Nous interprétons les renseignements que nous obtenons d'une certaine manière. Reconnaître ce fait ne nous disculpe pas, mais cela nous permet au moins de lancer une discussion et d'admettre que nous avons des préjugés. Ensuite, nous pouvons examiner les données. Il y a beaucoup de données disponibles. Ce que nous pouvons faire, lorsque nous rendons une décision...
(1700)
    Nous allons devoir passer à la prochaine ronde de questions, mais vous pouvez poursuivre votre raisonnement. Comme vous venez de le dire, nous avons lancé la discussion.
    Je vais juste finir ma phrase. Ce que nous pouvons faire lorsque nous rendons une décision, c'est d'en minimiser l'effet, de rendre des décisions réfléchies, de tenir compte des faits et du résultat, et, au besoin, d'apporter les changements nécessaires?
    Monsieur Sweet, allez-y.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je tiens à remercier les témoins pour leurs témoignages. Je peux simplement dire que je suis désolé qu'ils aient vécu ces expériences. J'espère que nos conclusions vous aideront, vous et vos clients, à vivre davantage à l'abri de toute forme de racisme, de préjudice ou de préjugé.
    Notre comité se compose de membres du Parti libéral, du Parti conservateur et du NPD et, pour être franc avec vous, nous avons voté contre cette motion pour une seule raison: le terme « islamophobie » suscite des graves préoccupations, même au sein de la communauté musulmane. Nous sommes tout à fait d'accord avec les termes « haine et préjudice antimusulmans »; cependant, étant donné l'existence d'un mouvement musulman contre la motion 103, « Muslims Against M-103 », nous avons voulu défendre une voix émanant de cette communauté. J'essaie simplement de vous faire comprendre où je me situe. J'ai aimé votre témoignage.
    Je viens d'Hamilton où, après les attentats du 11 septembre, non seulement il y avait des racistes, mais des racistes très ignorants qui ont attaqué le temple hindou Samaj, croyant que c'était une mosquée, et l'ont réduit en cendres. Heureusement, grâce aux efforts déployés par la communauté et avec l'aide du gouvernement, ce temple est devenu un monument contre le racisme. À Hamilton, on a fait de l'excellent travail pour la diversité et l'inclusion et ce, autant dans le cadre de projets particuliers que par les institutions. Dans la foulée de ces attentats, divers ateliers et événements ont été organisés dans l'ensemble de la communauté pour poursuivre ce travail, mais il reste encore beaucoup de pain sur la planche.
    Monsieur Richard, votre témoignage illustre bien ce travail. Nous avez mentionné l'étude de 1992 et je vous en remercie. Monsieur le président, nous devrions ajouter cette étude à notre compte rendu. Vous avez parlé des grands progrès accomplis, tout en disant que ce n'était pas clair. Avez-vous l'impression, du moins du côté de la Couronne, qu'un travail d'information avait été fait? Vous avez cité certains procureurs de la Couronne? Pensez-vous qu'il y a eu de l'amélioration de ce côté?
    C'est difficile à dire. L'étude de décembre 1995 est vraiment un document exhaustif produit à partir des meilleurs éléments de preuve disponibles à l'époque. Je connais un grand nombre de procureurs de la Couronne. En tant qu'avocat, j'aimerais croire que les sentiments qui ont été exprimés, même à l'époque, n'étaient pas représentatifs de l'ensemble des procureurs. Je crois qu'ils ne le sont pas, à en juger par les procureurs que j'ai rencontrés, mais je n'ai aucun moyen de le savoir. Cela fait partie du problème.
    Je souhaite également vous remercier, maître Richard, pour votre franchise concernant... En tant que personnes, nous sommes contraints de faire face à nos préjugés, d'essayer de savoir dans quelles circonstances ils se manifestent et, peu importe le contexte dans lequel nous évoluons, et de toujours faire preuve d'autoréflexion et d'autoévaluation afin de les éliminer. Je vous remercie d'avoir dit cela.
    Maître Konanur, votre bureau se trouve-t-il à Ottawa? Avez-vous plusieurs bureaux?
(1705)
    Oui. Comme nous desservons la province, notre siège social se trouve à Toronto et nous avons sept bureaux satellites situés pour la plupart entre Hamilton et Durham. Nous avons également des clients à London, Windsor et Ottawa.
    Vous êtes donc probablement au courant de ce qui s'est passé à Hamilton.
    Tout à fait.
    Est-il courant ... Premièrement, lorsque des gens se présentent à votre bureau... parce qu'un incident... et Me Richard y a fait allusion. Mon collègue M. Reid et moi-même avons constaté, lorsque nous étions membres de la Coalition parlementaire canadienne de lutte contre l'antisémitisme, qu'il existe un flagrant manque de cohérence d'une institution et d'une communauté à l'autre au Canada en ce qui concerne les signalements d'incidents.
    Je sais que les ressources sont rares, je ne veux donc pas qu'on pense que je porte un jugement, mais avez-vous les moyens de faire le suivi des signalements lorsque des clients viennent vous dire qu'ils n'osent pas aller dire aux policiers ce qu'il leur est arrivé?
    Oui. Nous avons un système qui nous permet d'enregistrer les témoignages, en fonction des problèmes. Dès qu'un problème nous est signalé, nous l'inscrivons dans notre système. Je me suis moi-même servi de données tirées de notre système pour faire mon analyse.
    C'est fantastique.
    Si une personne vous dit qu'elle a peur d'aller signaler un problème à la police, cela est très préoccupant.
    Avez-vous lancé des initiatives visant à encourager un dialogue avec les forces de l'ordre dans les différentes communautés que vous représentez, maintenant que je sais qu'elles s'étendent bien au-delà de Toronto?
    Nous avons fait un gros travail de sensibilisation au sein de nos propres communautés sur leurs relations avec la police. Pour vous dire la vérité, les communautés avec lesquelles nous travaillons ne se sont pas encore montrées réceptives à ce genre de dialogue. Nous continuons de travailler sur un cadre qui permettrait de renforcer le lien de confiance, mais pour être franche avec vous, nous n'y sommes pas encore.
    Vous n'arrivez même pas à réunir ces gens dans une même pièce pour une conversation amicale.
    Les gens ont encore peur de parler aux policiers. J'ai omis de dire que beaucoup de personnes qui signalent un incident n'ont pas le statut d'immigrant. Nous recevons des clients très marginalisés qui, pour une raison ou une autre, resteront en dehors du système, bien qu'ils soient confrontés à ces problèmes.
    Vous avez aussi dit que les messages livrés par la représentation canadienne étaient contradictoires et cela me préoccupe. Parliez-vous d'un représentant du gouvernement agissant comme témoin ou d'ONG ou des deux?
    C'était un représentant du gouvernement.
    Merci beaucoup.
    Madame la présidente, je souhaite indiquer, avant que mon temps de parole ne soit écoulé, que j'aimerais qu'on s'assure que la réunion de mercredi sera télévisée, s'il vous plaît.
    Oui, la séance est toujours publique, mais si nous voulions leur demander s'ils souhaitent la diffuser à la télévision, je crois que ça irait.
    Merci.
    Nous confions maintenant le micro à Rachel Blaney, représentante néo-démocrate.
    Je vous remercie tous les deux d'être là.
    Une chose qui est claire, c'est que, selon d'autres témoins et certaines observations que vous avez formulées devant nous, nous manquons tout simplement de données. Un problème, c'est que le sentiment d'insécurité des victimes les empêche de se faire entendre.
    Je suis curieuse: pouvez-vous m'en dire un peu plus sur la manière de recueillir les données? Je vous suis reconnaissante de ce que vous avez dit au sujet de la collecte, de la mesure et des rapports. De notre côté, comment pouvons-nous encourager le gouvernement fédéral à favoriser ce genre de collecte de données?
    Je vous dirais d'examiner ce qui se passe actuellement en Ontario. Il y a probablement moyen de l'améliorer, mais le cadre en cours d'élaboration aux fins de la collecte de données est très détaillé.
     L'idée de données désagrégées est un élément essentiel. Ce que cela suppose fait l'objet de nombreuses discussions. En vérité, les données désagrégées, en particulier quand il est question de choses telles que la race, c'est très précis: une personne se déclare Indien ou Jamaïquain. Il est important d'être en mesure de recueillir les données à ce niveau de précision, car cela vous permet de mesurer ensuite ce qui se passe en réalité.
    Nous avons parlé du fait que l'expérience des personnes racialisées n'est pas homogène. Dépendant de la façon dont vous pressentez ce qui se passe, l'impact sera très différent. En tant que femme d'origine sud-asiatique qui se déclare hétérosexuelle, ce qui se passe autour de moi a une incidence différente sur moi que sur mon partenaire de vie qui se voit autrement.
    Je crois que nous devrions regarder ce qui se passe en Ontario et examiner le cadre en cours de création. Des organisations telles que Colour of Poverty ont elles aussi conçu des structures très précises pour recueillir des données désagrégées. Cette dernière a passé les dernières années à enseigner aux municipalités et aux ONG de l'Ontario la façon de faire cela.
    Je ferais écho à ce qui a été dit, soit qu'il n'est pas nécessaire de réinventer la roue, quand on parle de données désagrégées. On a beaucoup avancé à cet égard, au Canada. Il faut néanmoins s'assurer que l'approche ne vise pas uniquement la collecte de données, mais aussi la manière de se servir du résultat, la façon d'en faire rapport et ce qui est l'objet de la mesure en question.
(1710)
    Je vais en parler moi aussi.
    Dernièrement, le Barreau du Haut-Canada a tenu conseil. Il a convenu d'un paquet de recommandations concernant les difficultés auxquelles font face les diplômés racialisés. Le travail a débuté en 2013. Je suis l'une des personnes qui ont aidé le Barreau à réunir les données.
    Il ne s'agit pas simplement de personnes marginalisées dans leur milieu sur le plan monétaire et éducatif; on parle d'avocats. Des avocats noirs m'ont répondu qu'il n'était pas question pour eux de prendre part à l'exercice. Ce qu'on a dû faire, c'est demander à des gens comme moi de mettre l'épaule à la roue, de déterminer avec précision quel était le but de l'exercice et ce à quoi serviraient les données recueillies.
    Une partie de l'exercice a fait appel aux personnes qui étaient là et qui comprenaient ce qui se passait, du fait qu'elles accordaient leur crédit aux personnes visées pour assurer leur anonymat, parce qu'elles étaient terrifiées. Vous pouvez comprendre que cette communauté est tellement petite qu'il serait très facile de reconnaître les personnes en question.
    Une autre partie de l'exercice concerne la participation de la communauté intéressée. Vous devez les mettre à contribution à toutes les étapes, à mon avis.
    Une chose dont j'aimerais discuter un peu, c'est le fait qu'il nous faut trouver une réponse à la question de savoir de quelle manière nous réglons le racisme systémique. Pour le gouvernement fédéral, il est possible d'intervenir dans certains domaines précis.
    Avez-vous une idée de la manière dont le gouvernement actuel pourrait procéder pour répondre à ce qui se passe? Vous avez parlé des services de police et de profilage racial et vous avez parlé de contrôle d'identité. Je pense que, pour de nombreux Canadiens, le racisme systémique est un phénomène invisible. Ils ne le voient pas. Comment susciter ce dialogue dans notre pays et à notre niveau?
    J'ai parlé d'un cadre d'analyse de l'équité raciale. Il rappelle ce qui se passe déjà dans l'administration fédérale avec l'analyse comparative entre les sexes plus. Une perspective globale de l'enjeu consisterait à appliquer un tel cadre d'analyse à tous les programmes fédéraux afin d'être en mesure de commencer à définir certains indicateurs de racisme systémique.
    Je vous donne un exemple tout simple. En matière de sécurité du revenu, le gouvernement fédéral offre des programmes tels que la Sécurité de la vieillesse. Si vous appliquiez un cadre d'analyse à ce programme, vous découvririez probablement que les personnes les moins en mesure d'y avoir accès sont celles qui sont membres de groupes racialisés.
    C'est là une façon dont vous pourriez commencer à décomposer toute activité systémique accomplie par le gouvernement fédéral.
    Nous avons déjà parlé de l'équité en matière d'emploi au sein de l'administration fédérale, ce qui est, à mon avis, un élément essentiel dont il faut parler avec force. Je vais laisser à Shawn le soin de vous parler un peu des services correctionnels.
    Il y a des priorités, malgré tout. Le gouvernement de l'Ontario a déclaré ne pas avoir les moyens de s'attaquer à tous les problèmes, qu'il faut fixer des priorités et concevoir des stratégies pour celles retenues. Je considère qu'il est essentiel que votre comité décide de ce qui est prioritaire.
    En qualité d'avocat, je dirais que le régime judiciaire est une priorité majeure. Le logement, sur quoi on travaille déjà, est une priorité majeure. J'ajouterais que simplement afficher une équité raciale constituera en soi un point de départ fantastique à l'examen de tout système.
    Maître Richard, il vous reste moins d'une minute.
    Rapidement, la première chose à faire, c'est de remettre de l'ordre dans la maison. Assurez-vous que vos employés bénéficient, premièrement, d'informations, et ensuite, d'un soutien, afin qu'ils ne soient pas les victimes d'un racisme systémique. En ce qui concerne le correctionnel, le rapport contient des recommandations que tout le monde devrait lire.
(1715)
    Madame Celina Caesar-Chavannes, c'est à votre tour.
    De combien de temps je dispose, madame la présidente?
    Vous avez sept minutes pour poser vos questions et entendre les réponses.
    Je tiens d'abord à remercier nos deux témoins d'être venus et de leurs témoignages. Je vous remercie de servir nos communautés. Je vais poser des questions très courtes. J'en ai quatre.
    Le fait de ne pas avoir appliqué les recommandations de la commission a eu quel effet sur les communautés, à votre avis, maître Richard? Je pense aux répercussions à court et à long terme sur nos communautés. Je sais que ma question est vaste, mais pouvez-vous y répondre en une minute?
    C'est difficile de vraiment savoir. La relation de cause à effet est très difficile à établir. Si toutes les recommandations avaient été appliquées — et certaines l'ont été — est-ce que nous aurions, par exemple, cet immense problème, soit l'explosion du nombre de Noirs dans les prisons tant fédérales que provinciales?
    Si vous consultez le rapport, vous apprenez que cette hausse intervient entre 1986 et 1994. Depuis, la hausse est encore plus importante, et c'est là le problème. Quand vous examinez les délits commis en détention, là où il y a isolement, ce qui pose un sérieux problème, et que vous regardez le genre de délits pour lesquels les détenus noirs sont le plus souvent punis, vous constatez leur sur-représentation là où on laisse la décision aux autorités pénitentiaires. Là où l'administration ne peut décider des sanctions, par exemple, en cas de vol, ils sont sous-représentés.
    Une partie des recommandations n'ont pas été appliquées et, pourtant, ce rapport semble usagé, donc quelqu'un doit l'avoir consulté.
    Que doit-on faire pour assurer la reddition de comptes pour tout ce qu'on met de l'avant? Comment s'assure-t-on que tout écrit est accompagné de contraintes?
    Je pense que c'est partout la même chose. Quand vous formulez un ensemble de recommandations, vous établissez en même temps un calendrier de travail. Vous savez, mon propre dossier en qualité d'avocat, si j'ai une liste de choses à faire, j'ai des délais à respecter. Je suis automatiquement responsable de mes actes. Si les choses ne sont pas faites dans les délais, il s'agit de savoir pourquoi. Que faut-il faire pour changer les choses? Quelles sont les raisons pour lesquelles les choses n'ont pas été faites?
    C'est bien d'établir un ensemble de recommandations, et c'est important. Je ne veux pas minimiser l'importance d'obtenir des recommandations, mais si vous voulez qu'elles soient contraignantes, si vous voulez qu'on rende des comptes, alors vous devez vous assurer d'y joindre un calendrier de travail, de sorte que l'on puisse affirmer, sans crainte de se tromper, que telle recommandation devrait normalement avoir été mise en oeuvre, mais ne l'a pas été.
    Le Barreau a fonctionné de la sorte dans son rapport. Il s'est fixé des échéances précises et toutes les organisations le tiennent pour responsable. Il s'est attribué lui-même des tâches, parce qu'il sait qu'il faut que ce soit fait dans les délais.
    Je vous pose la même question, maître Konanur.
    Je suis d'accord avec tout ce que vous venez de dire. Une stratégie qui consiste uniquement à formuler des recommandations va probablement rester lettre morte, à l'instar du PACCR. En fait, il faut édicter des recommandations. Il faut définir des cibles ou des mesures et fixer des échéances.
    Aux dates établies, il faut prendre les mesures prévues. Si les cibles ne sont pas atteintes, il faut rendre des comptes et expliquer pourquoi elles ne l'ont pas été. Toute stratégie proposée, une stratégie d'intervention à l'échelle nationale, doit être appuyée par ce genre de cibles. C'est comme cela que ça marche. J'ai des objectifs à mon propre lieu de travail. Je dois en répondre devant mon conseil et ce dernier va me poser des questions si les objectifs ne sont pas remplis à une date donnée. Ces cibles comportent des mesures, donc c'est très clair.
    Maître Konanur, je vous demande de faire ressortir le rôle que tient le fait d'aller au delà d'une analyse fondée sur le genre par rapport à toute démarche future. Je dis toujours que le fait d'être une femme ne représente que la moitié de mon problème; il est évident que l'autre moitié vient de mon appartenance à une race en particulier. Je sais que vous avez donné des exemples, mais je vous demande d'insister un peu plus sur l'importance de ce fait.
    Le Comité a probablement entendu le terme « analyse intersectionnelle » à maintes reprises; il m'arrive d'utiliser ce terme devant des étrangers qui, tout de suite, hochent la tête. En fait, quand vous travaillez avec des clients, vous vous rendez compte qu'ils se définissent de multiples façons et qu'il y a de nombreux recoupements d'identités. Vous ne pouvez pas adopter une stratégie qui portera ses fruits, si la personne concernée n'admet pas ce fait. Si vous élaborez une solution qui s'appuie uniquement sur un canevas basé sur le genre, vous ne tenez pas compte du fait que les personnes du même sexe ne sont pas toutes pareilles. Elles se considèrent différentes des autres et elles reçoivent des traitements différents en société. Je me suis citée en exemple. La raison pour laquelle j'accorde une telle importance à un cadre d'analyse de l'équité raciale, c'est parce que le quart de la population est d'une race autre que la race blanche et que cette proportion est en croissance. Rien ne saurait expliquer pourquoi cet élément ne serait pas placé en première ligne, au même titre que le sexe. En l'absence d'un tel cadre, vous ne réussirez pas aussi bien que vous l'espérez et l'objectif est de réussir. Nous voulons tous améliorer le sort des gens. Nous ne pouvons réussir, si nous mettons de côté une partie de l'intégrité d'une personne.
(1720)
    Il vous reste une minute et demie.
    Ma dernière question s'adresse à Me Richard et un oui ou un non suffira.
    Me Konanur a parlé de priorités. Croyez-vous qu'il serait approprié de définir les priorités de ce groupe, en particulier lorsqu'il est question de racisme anti-Noirs, dans le contexte de la Décennie internationale des personnes d'ascendance africaine, déclarée par l'ONU, qui parle de reconnaissance, de justice et de développement?
    Demandez à un avocat de répondre par l'affirmative ou la négative.
    C'est aussi pire que de demander cela à un politicien.
    Peut-être. En février, nous sommes venus sur la Colline pour chercher à obtenir que le Canada soit partie prenante à la Décennie internationale des personnes d'ascendance africaine et le député Fergus a eu la gentillesse d'accepter de présenter un projet de loi d'initiative parlementaire en ce sens. Le Canada n'a pas encore agréé à cette Décennie, et cette dernière progresse. C'est un problème.
    Je vous remercie beaucoup. Votre réponse a été rapide, pour un avocat.
    Nous allons passer à une deuxième série de questions. Les membres du Comité ont trois minutes chacun. Nous commençons par Scott Reid, du Parti conservateur.
    Bien sûr, un politicien répondra toujours par un oui ou par un non à une telle question.
    Maître Richard, si vous le permettez, je vais commencer par vous. La commission a publié son rapport en 1994. Vous avez parlé d'une mise à jour en 2007. Le rapport de la commission est facile à trouver, mais la version mise à jour ne l'est pas, car il semble que ce soit un chercheur universitaire qui s'en soit chargé. Serait-il possible d'en remettre une copie au greffier ou d'indiquer à ce dernier l'endroit où on peut l'obtenir?
    Je peux dire au greffier où il peut le trouver. Le rapport est en date de décembre 1995. L'auteur est Scot Wortley, un professeur en criminologie de l'Université de Toronto.
    Y a-t-il eu des mises à jour depuis?
    Non. Pour qu'on comprenne bien, ce document est volumineux et sa publication a dû coûter cher, donc M. Wortley s'est en fait limité à un seul sujet, soit les préjugés attribués au service de police de Toronto. Le rapport traite de tous les aspects, et notamment les perceptions de la population et, en fait, les perceptions des enseignants dans les écoles. C'est un vaste rapport et il y a de quoi lire.
    En ce qui concerne la collecte de données statistiques, vous avez parlé d'une explosion de la population carcérale à partir des années 1980 jusqu'aux années 1990 et d'une nouvelle flambée actuellement. Est-ce que vous voulez dire que c'est là une tendance qui semble se poursuivre dans le nouveau siècle, où l'on continue d'incarcérer un nombre toujours grandissant de Noirs? Je vais regrouper mes questions parce que je n'aurai pas le temps de vous entendre sur chacune d'elles. Je suppose que ces données s'appliquent dans un contexte où le nombre d'incarcérations est à la baisse. Si on examine le nombre de Noirs au sein de la population carcérale, je suppose qu'ils représentent un pourcentage plus élevé que celui que représente la population noire par rapport à l'ensemble de la population. Est-ce que c'est un phénomène isolé, si on compare les taux d'incarcération pour l'ensemble de la société canadienne?
    Oui, le nombre de Noirs dans les prisons tant provinciales que fédérales augmente à un rythme qui ne correspond pas à notre taux de représentation dans la population. Je crois qu'entre 1986 et 1994, la proportion tournait autour de 300 %. C'est indiqué dans le rapport, donc ce n'est pas moi qui le dis. Depuis, c'est resté à peu près pareil, mais je crois qu'en fait, la proportion est encore plus élevée.
    Bien. Une dernière question; il me reste 30 secondes.
    Les Noirs sont présents dans certaines régions du pays et il y a des incarcérations et des accusations portées un peu partout au pays. Y a-t-il des particularités géographiques entre les provinces à l'échelle du pays à cet égard?
    La réponse, je ne la connais pas, en partie parce que l'étude exhaustive qui a été réalisée a été limitée à Toronto, là où habitent la plupart des personnes noires.
(1725)
    Je vous remercie.
    La situation est très différente sur la Côte Ouest et dans les Prairies. Ce ne sont pas les Noirs; ce sont les Autochtones.
    Monsieur Vandal, vous avez trois minutes.
    Je vous remercie tous pour vos exposés.
    Pour poursuivre sur le même thème, pourriez-vous en dire un peu plus sur un terme que vous avez sorti, soit l'application différenciée de la loi? Expliquez-le moi un peu.
    L'application différenciée de la loi, c'est une façon déguisée de dire que si vous... Je pense à une commission qui en est venue à la conclusion que toute personne noire est traitée plus durement qu'une personne blanche, et ce à tous égards. Lorsqu'il décidait de procéder à une arrestation, le policier devait faire preuve d'une grande prudence. Une des données qu'il utilisait à cette fin, c'était les accusations liées aux stupéfiants. Le ratio était de 3:1.
    Si on vous arrête en possession de stupéfiants, vous avez plus de chances d'être arrêté si vous êtes Noir...
    ... si vous êtes Noir que si vous êtes Blanc.
    Ce sont les agents de police qui décident d'exercer le pouvoir qu'ils ont. Le phénomène continue, une fois que la personne est entrée dans le système, et la détention provisoire est ce qui fait la manchette le plus souvent, car vous avez des gens qui ont abouti en prison et qui, au bout du compte, sont déclarés non coupables au procès. Voilà une personne qui a été mise à l'écart de la société probablement pendant des années. On ne parle pas seulement de détention provisoire, mais aussi de perte d'emploi. On a été séparé de sa famille, de ses enfants et vous ne les voyez pas pendant quelques années. Votre vie a été complètement bouleversée. C'est là un ensemble de faits incroyable que nulle donnée statistique ne saurait traduire, et il existe une différence entre les Blancs et les Noirs, du moins c'est ce que révèle ce rapport.
    Parlez-nous encore un peu de ce que je crois que vous venez probablement d'aborder, soit les décisions injustifiables, ce que vous avez mentionné plus tôt; même question.
    Pouvez-vous me donner un peu plus de substance, parce que je suis avocat et je dois faire attention.
    Dans votre exposé, vous utilisez deux termes. Le premier, application différenciée de la loi, que vous avez expliqué, et le second, décisions distinctes et injustifiables des tribunaux.
    Permettez-moi de répondre avec grande prudence et de m'en tenir aux conclusions de l'étude, puisque j'ai une obligation de veiller à ce que l'administration de la justice ne soit jamais discréditée.
    La Commission a constaté ce qui suit: si on regarde les facteurs utilisés pour déterminer si une personne sera placée en détention préventive et que l'on applique ces mêmes facteurs aux cas des Blancs et des Noirs placés en détention préventive, il nous sera impossible d'expliquer la situation en nous fondant sur les facteurs pertinents censés avoir joué un rôle dans la décision de garder une personne en détention jusqu'à la date de son procès.
    J'espère que cela vous donne une certaine...
    Merci.
    Scott, est-ce votre tour ou celui de David? D'accord, vous avez deux minutes.
    Merci.
    J'aimerais aborder la question du contrôle d'identité au faciès, une pratique qui, je crois, porte un nom différent selon les régions. S'agit-il d'une pratique courante dans tous les corps policiers ou certains agissent-ils sur ordre?
    J'ignore si elle est pratiquée par toutes les forces policières. Ce dont je suis sûr, c'est que Toronto avait un programme de contrôle d'identité au faciès des plus actifs et, bien sûr, la région de Peel aussi. Il existait également des cas rapportés à Ottawa. La pratique semble largement répandue partout au pays, mais je n'ai pas de statistiques sur le sujet.
    Personnellement, je n'ai jamais vécu cela. Pourriez-vous m'expliquer en détail ce qui se passe quand vous faites l'objet de ce genre de contrôle?
    Supposons que vous marchez sur la rue tout bonnement, sans déranger personne. Une voiture de police vous accoste et un policier vous demande qui vous êtes, où vous allez, ce que vous faites et pourquoi. Il veut voir vos papiers et n'arrête pas de prendre des notes. À Toronto, ils appellent cela un « 208 »; les fiches décrivant l'interaction entre le policier et vous sont classées quelque part dans une base de données.
    Je tiens à insister sur le fait que l'intervention n'a pas lieu dans le cadre d'une enquête criminelle dont vous seriez une personne d'intérêt ou un suspect. Vous vaquez tout simplement à vos occupations et voilà qu'un policier se pointe, avec toute la panoplie d'accessoires que nous lui connaissons, il se tient d'une façon singulière, il est armé et il vous demande: « Vas-tu finir par répondre à mes questions ?» Puis sa prochaine question est: « Pourquoi tu ne réponds pas ? Tu as quelque chose à cacher? »
(1730)
    Juste pour être clairs: en théorie, la personne pourrait répondre à ces questions en disant:« Est-ce que la loi m'oblige à répondre à ces questions? », mais dans les faits, bien peu de gens trouvent le courage de dire cela.
    Nous avons tenu une séance d'information publique sur l'importance de connaître ses droits. Nous expliquons aux gens ce que dit la loi et pour finir — parce que nous avons affaire à des adolescents — nous leur disons: « Écoutez bien. Si un policier vous pose des questions, soyez très prudents. Les droits que vous accorde la loi sont une chose, mais dans les faits, ce qui va vous permettre de vous sortir d'une situation où vous ne voulez surtout pas être victime d'un mauvais concours de circonstances, c'en est une autre. »
    D'accord. Je comprends.
    Comme il ne nous reste que 30 secondes, voici ma question: si tous les policiers étaient équipés de caméras vidéo corporelles qui filment et enregistrent toutes les interactions, cela pourrait-il en quelque sorte atténuer le genre de problèmes que créent ces interventions de contrôle de sécurité au faciès?
    Je ne crois pas, et ce, pour deux raisons: primo, il y a déjà des agents de police équipés de caméras corporelles. En fait, quand on voit des images d'incidents extrêmement préoccupants, c'est souvent qu'elles ont été captées par une caméra corporelle. Secundo, il est important de comprendre la profondeur du racisme systémique.
    Je le répète, je ne suis pas en train de dire que tous les policiers sont malveillants. Un grand nombre des décisions qui sont prises sont... Cela fait tout simplement partie du système. Nous ne sommes même pas conscients des préjugés que nous avons. On peut toujours munir quelqu'un d'une caméra vidéo corporelle, si on ne s'attaque pas sérieusement aux causes systémiques du racisme, tout ce que cela donnera, c'est qu'on aura un enregistrement vidéo de l'interaction. Ce qui peut avoir ses bons côtés pour quelqu'un qui, comme moi, doit démêler ces situations, mais pour la personne qui vit l'expérience, cela ne change absolument rien.
    Très bien. Merci.
    Merci.
    Passons maintenant à Arif Virani, pour trois minutes, ce sera ensuite au tour de Rachel.
    Je tiens à remercier nos deux témoins. Vos témoignages ont été très honnêtes et très convaincants. Merci de nous en avoir fait part. J'éprouve une certaine fierté personnelle de la présence parmi nous de Shalini, directrice de la SALCO. J'ai participé à la mise sur pied de cette clinique et j'ai fait partie de son conseil d'administration. Vous faites un travail formidable. J'ignorais que vous aviez maintenant sept bureaux dans la province.
    Shalini, vous avez mentionné qu'à vos débuts, il avait été très important de sortir dans la communauté pour comprendre ses besoins. Tout à l'heure, Me Go a parlé d'un temps où du financement était prévu pour des activités comme l'évaluation des besoins ou l'autonomisation des communautés. Pouvez-vous nous dire quelques mots à ce sujet? Est-ce une mesure qui à votre avis...
    La présidente: Le renforcement des capacités.
    M. Arif Virani: Le renforcement des capacités, merci. Pensez-vous qu'une telle mesure ait son utilité?
    Ce serait profondément utile. À l'heure actuelle, si j'ai bien compris, la structure de financement de Patrimoine canadien permet la mise en place de programmes conjoints entre des communautés. Le problème c'est que nous n'en sommes pas au point où les communautés se sentent assez fortes pour commencer à tendre la main à d'autres communautés et tisser des liens avec elles. Le besoin de renforcer les capacités est encore bien présent dans un très grand nombre de communautés et ce type de financement multiculturel — comme l'a dit Me Go, le type de financement qu'a reçu campagne La couleur de la pauvreté — a permis d'accomplir un travail crucial à cet égard. La perte de ce financement a eu un impact réel sur la capacité des communautés à amorcer des conversations difficiles comme celles que nous avons ici.
    Vous avez toutes les deux brièvement donné en exemple la Direction générale de l’action contre le racisme mise sur pied par l'Ontario et vous avez défini quatre groupes qui correspondent aux autres domaines d'étude que nous examinons aujourd'hui: l'antisémitisme, le racisme envers les Noirs, la discrimination à l'endroit des Autochtones et l'islamophobie. Vous avez également affirmé qu'il y existait des programmes connexes. Quels sont ces programmes? Vous avez mentionné, en passant, le système de justice, ou les corrections, et le système de logement. A-t-on recensé les programmes en question? Aussi, pourriez-vous nous donner quelques précisions sur le rôle consultatif du comité d'experts auprès du ministre Coteau en Ontario? Quel rôle ce comité joue-t-il?
    Les piliers ont été définis. Je vous invite à examiner directement les stratégies qui ont été élaborées pour connaître les mesures et les priorités ciblées pour chaque pilier. Les comités consultatifs ont critiqué le fait qu’il y ait un comité consultatif général, et, en plus, pour chaque pilier, ils ont recommandé qu’on nous consulte. Ils ont recommandé de créer des comités consultatifs communautaires pour chaque pilier, car, selon eux, ce ne devrait pas être le comité consultatif général qui conseille le ministre. La province a accepté et a activement cherché à obtenir, pour chacun des piliers, la participation de chaque communauté en particulier. Pour être franche, cette participation doit aller au-delà des comités consultatifs. Il faut mobiliser la communauté de toutes les façons possibles.
(1735)
    Merci, maître Konanur.
    Nous allons maintenant passer à notre dernière intervention, celle de Rachel Blaney, pour trois minutes — ou moins, si vous le préférez.
    Merci.
    J'aimerais des éclaircissements concernant le contrôle d'identité au faciès. Si une personne est interpellée à de nombreuses reprises et que des données sont enregistrées et envoyées quelque part, y aura-t-il des répercussions sur sa vie future?
    C'est une bonne question.
    Pour le moment, le gouvernement ontarien a adopté quelques règlements sur la façon de traiter cette information, la durée pendant laquelle elle peut être conservée et ce qu'il convient d'en faire éventuellement. Sauf que des policiers ont légitimement utilisé des données recueillies lors de contrôle d'identité au faciès pour, par exemple, démentir des alibis. Si une personne dit « Je ne me trouvais pas à cet endroit à tel moment précis », il existe une fiche, une date pour prouver le contraire — c'est bien. Donc, ces données ont été utilisées. Cela ne fait aucun doute.
    Lorsque cette personne postule un emploi et que l'employeur procède à la vérification de son casier judiciaire, y a-t-il des répercussions?
    Je ne connais pas la réponse à cette question.
    D'accord, merci.
    Le dernier point que j'aimerais aborder rapidement est le discours visant à faire contre-pied à l'actuelle montée de la normalisation du discours haineux, une mesure qui aura un impact à long terme. Dans cette optique, dans ce comité, que croyons-nous que le gouvernement fédéral doit faire pour établir ce discours? Je pense à l'exemple de Barcelone. Lorsque Barcelone a accueilli un afflux de migrants, la ville a introduit un programme anti-rumeurs au moyen duquel elle démentait une foule d'idées préconçues qui circulaient dans la région.
    Quelle action le gouvernement fédéral pourrait-il entreprendre à cet égard?
    Pour dénoncer le discours xénophobe?
    Oui, de même que le discours islamophobe et tous les problèmes qui ne cessent de s'envenimer.
    Je crois que l'éducation a un rôle à jouer et qu'une grande partie de l'ancien plan d'action contre le racisme était axé sur l'éducation. Il y a certainement quelque chose à faire de ce côté. Il est fondamental d'appeler les choses par leur nom et de prendre position. Pour nous, nommer les phénomènes que sont l'islamophobie, le racisme envers les Noirs et les problèmes que vivent les communautés autochtones est un élément déterminant. Cela a toujours été au coeur de notre action. Il ne faut surtout pas avoir peur de dénoncer les choses dont les gens sont mal à l'aise de discuter, parce que la réalité est que les incidents racistes sont bel et bien réels et que des personnes en sont victimes. C'est une partie de la solution. L'éducation en est une autre. Mais honnêtement, ce qui donnera le plus de poids à l'établissement de ce contre-discours, c'est le fait que ce comité décide qu'il faut commencer à combattre le racisme systémique.
    La question du racisme est beaucoup et souvent abordée de manière individuelle — on dénonce des crimes haineux, des paroles haineuses qu'une personne m'aurait lancées dans un café, mais chacun de son côté... La réalité est que l'impact le plus percutant vient de l'aspect systémique du racisme, ce racisme systémique qui sévit, qu'on ne nomme pas et dont on ne parle pas.
    Merci.
    Merci beaucoup à tous nos témoins. Je tiens à vous remercier d'avoir établi de façon claire et nette que le problème ne réside pas dans la seule désignation des crimes haineux. Ces derniers sont clairement définis dans le Code criminel. La question porte sur la capacité usuelle d'une personne à participer pleinement à la vie économique, sociale, politique et culturelle de notre pays. Ce sont les termes mêmes de la Loi sur le multiculturalisme canadien et c'est clairement ce que le multiculturalisme est censé accomplir: s'assurer que les gens ont la capacité de participer à la vie économique, sociale, politique et culturelle. Toutes ces choses qui font que les gens se sentent exclus, qu'ils ne peuvent trouver un travail et ainsi de suite, sont au coeur même du racisme systémique.
    Merci mille fois.
    Je suis prête à accueillir la motion d'ajournement.
    Monsieur Vandal, vous prenez la relève de Peter Van Loan. Merci.
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